Chapitre II. L’érosion irrémédiable du couple roi-nation
p. 241-299
Texte intégral
1Un libelle affirme en 1772 que
« les canonistes ont écrit en mille endroits : non est potestas nisi a Deo. Les jurisconsultes débutent la maxime, que le roi de France ne tient son royaume que de Dieu et son épée. Le roi n’est comptable qu’à Dieu et à son épée. Que dit Dieu ? Que dit l’épée du roi ? Rien qui ne soit honorable au chancelier Maupeou »1774.
2Le lit de justice du 7 décembre 1770, par un « coup de majesté »1775 ou « coup d’État »1776, permet au chancelier Maupeou, cultivant contre lui une réaction anti-despotique1777, de réformer l’activité judiciaire des Parlements par la suppression de la vénalité des charges et la division du ressort du Parlement de Paris1778. En effet, selon lui, la vénalité des offices est le fruit de la discorde mais cette vente n’a pu se faire qu’avec l’aval de la nation même1779. Dès lors, l’édit de février 1771 sert à « défendre la nation »1780 et régénère celle-ci sur les ruines des anciennes cours souveraines.
3L’année 1771 n’est somme toute que l’aboutissement d’une crise judiciaire qui débute avec la catastrophe monétaire du système de l’Écossais Law1781, qui se poursuit avec le problème janséniste et s’achève avec l’affaire de Bretagne opposant le duc d’Aiguillon accusé par le Parlement de Rennes d’abus sur la corvée royale1782. À travers cette résistance mêlée à d’importants renforts littéraires et doctrinaux, les parlementaires font l’apologie d’un nouveau droit national. Dans un principe avoué de « régulation nobiliaire », les juges allient naturellement les lois fondamentales aux droits de la nation1783. Selon le Parlement de Rouen en 1761, « les lois fondamentales sont le droit de la nation, la source et le principe de la royauté »1784. Le lien droit national-magistrat est tout trouvé pour les Parlements du Dauphiné et du Languedoc attendu que la dissolution de la cour souveraine parisienne en 1771 compromet « les droits de la nation »1785. Si une fronde politique et juridique est la réponse à une réaction monarchique absolue, le raisonnement judiciaire utilise volontiers tous les artifices et arguments prouvant que le droit national ne peut qu’être bafoué par la destruction de la fonction nobiliaire. La conviction de le Mercier de la Rivière à ce sujet est limpide puisque de « la nécessité sociale des lois positives, résulte la nécessité sociale des magistrats »1786. Les juges se font alors les chantres dans la sauvegarde et surtout la rationalisation de la loi selon le Parlement de Rouen en 17711787, la continuité des lois allant de pair avec la stabilité de la fonction judiciaire1788. Le Paige ne dit pas le contraire dans une note manuscrite de 17711789. À l’inverse, la défense absolutiste apprécie peu le bien-fondé d’une telle attitude et selon un libelle de 1771, il « n’existe point en France de lois écrites : les monuments nous montrent seulement l’autorité tempérée par des coutumes qui constituent le régime plutôt que le droit national »1790. Ainsi, d’après l’avocat Bouquet, « le droit public est essentiellement relatif à la puissance publique, souveraine et législative, qui ne réside que dans le monarque »1791. Le droit public d’une nation ne peut être changé que si l’on touche aux lois fondamentales comme « maximes essentielles du gouvernement »1792. Néanmoins, les juges ne l’entendent pas de cette oreille et construisent patiemment un droit public national à même de promouvoir des cours comme seules interlocutrices voire actrices dans le processus législatif. Ils pensent créer un pouvoir unique et fructueux face à l’unité royale pour mieux légitimer la substitution nationale.
I - LA CONSTRUCTION D’UN DROIT PUBLIC NATIONAL
4La question de la conquête et l’interrogation sur la supériorité de tel ou tel ordre à représenter la nation ou à être la nation, est le centre du problème de la première forme d’unité nationale faisant appel à l’histoire et à la reconstruction originelle1793. Dès le début du siècle1794, trois tendances peuvent être perçues. Tout d’abord Dubos, bourgeois typique et royaliste convaincu1795 dont la pensée est reprise par Moreau1796, admet la fausseté de la conquête qui est une illusion historique1797. Ensuite, l’origine gauloise de la nation française ne peut se comprendre qu’au sens large1798 même si certains pensent que l’analyse de cette littérature ne présente que peu d’intérêt1799. La théorie, qui prône le fait qu’à un moment précis et sur la base de Tite Live1800 les Gaulois auraient franchi le Rhin pour habiter la Germanie, soutient que les ancêtres immédiats des Francs sont d’origine gauloise et surtout qu’une continuité de mœurs et d’attitudes s’est installée, faisant le lit d’un facteur national dominé mais non assujetti1801. Le piège est grand de tomber dans la notion même d’origine, comme le niait Montesquieu1802. Le fait d’expliquer qu’il existe un roi au-delà du Rhin suffit et peu importe qu’il soit Franc, Gaulois ou Celte1803. Enfin, cette idée de conquête, apparue au xvième siècle1804, à travers aussi la légende troyenne1805 concernant les princes et les peuples dans le but d’asseoir une solidarité nationale1806, traduit chez le germaniste Boulainvilliers la nature métaphysique et essentialiste d’une nation1807 dont l’origine est essentiellement holiste et non unanimiste1808. Mais attention, Boulainvilliers accepte plus une idée de caste qu’un véritable concept national1809. D’ailleurs, le xviiième siècle voit la fin de l’acharnement à réunir en une Maison de France les trois races permettant l’émergence irrémédiable de la nation1810.
5Ainsi, le problème qui se pose est de savoir pourquoi tel ou tel pan de la société se considère au xviiième siècle comme la nation ou comme ses illustres représentants1811 ? Qui doit incarner le « rêve national »1812 ? Dans un souci historico-pédagogique, les tenants de la liberté « germanique », faisant la part belle à la noblesse et à son poids politique, se réfèrent à la constitution historique créant une histoire magnifiée, brodée contre l’absolutisme. Cette pensée est extrêmement connue pour ne pas s’y attarder davantage. Par delà le lieu commun, la quête de l’origine ne doit pourtant pas occulter l’attitude juridique stricto sensu des magistrats1813. Ceux-ci véhiculent parfaitement un traditionalisme aristocratique corrodant le régime en place.
6Les parlementaires sont des juristes animés par le droit de gouverner1814. Ceux-ci exploitent alors trois techniques juridiques avec l’édition de précédents historiques comme les coutumes ou autres lois dites fondamentales ayant toujours existées, puis l’élargissement du contrôle des lettres patentes, et enfin l’intensification du domaine du contrôle1815. La Cour des aides de Paris parle à ce sujet « d’examen juridique »1816. L’existence d’un corps de juges se profilait déjà sous Louis VII mais le xivème siècle voit une mutation syntaxique s’appliquer avec le mot « Parlement » qui s’éloigne de la notion de « Curia ». À travers l’histoire, les robins, s’opposant à la volonté du roi, s’érigent en gardiens des lois de par leur pouvoir de remontrances et la tenue des registres. En effet, la forme liant le fond, tenir le dépôt où sont inscrites les lois, c’est aussi demander si elles sont adaptées puisque conserver, c’est critiquer. Telles sont les deux grands axes à analyser : la fiction juridico-parlementaire et l’attitude de juges « constitutionnels » contrôlant les droits nationaux.
§ 1 - La fiction juridico-politique parlementaire
7L’attachement à l’histoire de France, à un imaginaire collectif, et c’est un lieu commun des idées politiques1817, permet aux magistrats de fomenter toute une théorie des origines avec une logique implacable mais sujette aux fluctuations de la réponse royale. Tour à tour, le Parlement est le « sénat de France », les États généraux, puis est supérieur à ces assemblées, est obligé enfin de demander la réunion de celles-ci devant les limites de la substitution et devant l’intransigeance du souverain.
Le Parlement, sénat de France
8L’idée d’un « sénat national » naissant avec la monarchie elle-même n’est pas nouvelle1818 et surtout participe à un siècle des Lumières antiquisant1819 prônant l’image majestueuse de l’orateur cicéronien1820. Ce référent politique romain dont Budé, Hotman1821, Bodin1822, Pasquier1823, la Roche Flavin1824 et même d’Aguesseau1825 en avaient noté l’importance, a comme avantage celui d’établir un idéal de justice1826, une lignée, une dignité, une perpétuité1827 et une permanence. Dès 1730, l’avocat Maraimberg écrit que « les Parlements sont le sénat de la nation, pour rendre au nom du roi qui en est le chef, la justice à ses sujets, comme il la leur doit en la place de Dieu »1828. Un pamphlet indique la même année dans le domaine de l’utilisation du mot « sénat » que le terme avait été autorisé par les rois1829. Une véritable légitimation politique est entreprise intégrant le thème du corps antique au grand désarroi d’Argenson en 17531830 et, selon Jacques-Mathieu Augeard, du chancelier Maupeou1831. Même indirectement, le leitmotiv est bien présent comme chez le prêtre figuriste Jean-Baptiste Gaultier se référant à l’abolition de la pragmatique et à François Ier : « Sans être comme le sénat de Venise, le Parlement ne devait-il pas être écouté sur l’abolition d’une loi qui avait été établie par un consentement général de la nation »1832 ? Le sénat de France maintient les ordonnances royales car il est la police du pays et le gardien des lois selon le Paige1833. La conjoncture politique en 1761 donne par conséquent l’occasion au magistrat Louis-Philibert Joly de Bévy d’affirmer que le Parlement de Bourgogne est un « sénat respectable (...) et tribunal de la nation »1834. Les avocats reconnaissent, aux dires d’un libelle de 1764, « cet auguste sénat » s’immolant pour la patrie1835 et pour le bien public1836. On constate, la même année, l’investissement national de ce corps par l’intermédiaire parlementaire, rouage désormais essentiel dans la procédure législative concernant les lois fondamentales d’après Darigrand1837. La résonance officielle dans les discours ne pouvait alors que reprendre l’image. Les Parlements emploient volontiers cette figure du sénat comme celui de Paris en 17551838, de Besançon en 17571839, de Dijon en 17641840, d’Aix en 17711841 et même de Douai en 17741842. Evidemment, les Maximes du droit public français répandent ce principe et qualifient les magistrats de « sénateurs » aptes à connaître les lois, les ordonnances nouvelles1843. Même le Code des Parlements, reprenant les remontrances aux États de Blois en 1433 de Jean Juvénal des Ursins pour la réformation du royaume, identifie le Parlement au sénat1844. La figure mythique de sénateurs pondérant le pouvoir, la sagesse d’orateurs romains fondant les arcanes juridiques, ne pouvaient que recevoir un excellent accueil de la part de juges en quête de passé. Le Parlement est un tribunal de l’histoire. Ce corps représente la vitrine politique d’une première étape à l’intensification dans la quête des origines mais aussi le modèle d’un contrepoids. L’importance de la propagation de ce terme se retrouve dans les dires de Regnaud en 1772. À son grand regret, l’entourage de Louis XV l’a convaincu que les Parlements de France ne sont que la pâle copie du Sénat de Suède et que, de ce fait, la révolution opérée dans ce pays aurait un écho favorable en France1845. Le sénat produit donc une légitimité antique non négligeable mais la prépondérance des États généraux ne pouvait pas être occultée. Les magistrats se prétendent alors les héritiers de ces assemblées.
Le Parlement-États généraux
9La concordance de naissance entre le Parlement et la monarchie met incontestablement sur le même plan les deux institutions. L’héritage de la Fronde donne l’occasion au Judicium Francorum d’établir le principe de simultanéité de naissance1846. Dès 1739, l’argument d’un continuum historique est étalé par les cours souveraines comme celle de Besançon1847. On s’attarde alors sur l’immédiateté de création qui, dans sa logique propre, engendre par nature des Parlements indestructibles comme le veulent Montesquieu1848, Cantalauze de la Garde1849 et un anonyme en 17711850. Aspect évidemment conjoncturel, beaucoup de libelles recouvrent la fiction de la naissance du Parlement avec la monarchie à chaque fois qu’il existe un problème avec le pouvoir central comme c’est le cas à Besançon en 17611851. À l’instar de leurs homologues parisiens1852, ces magistrats comtois n’hésitent pas à dire, avec toute l’incertitude que peut comporter une telle allégation, que la provenance du Parlement « se perd dans la nuit des temps »1853. Selon les juges toulousains en 1771, « l’origine du Parlement tient à celle de la monarchie [et] que l’époque de sa création est inconnue »1854. Le paradoxe, qui n’en est pas un en définitive, postule deux mouvements contradictoires : une tendance à la rationalisation et à la minutie juridique dans les modalités du contrôle face aux différentes lettres patentes à enregistrer et l’orientation vers l’adhésion à une origine nationale perdue dans les méandres de l’histoire. Pourtant, la contradiction s’atténue lorsque l’on explique que l’impulsion est délibérée tout simplement par la volonté judiciaire d’allier le substrat juridique stricto sensu avec la puissance politique et mythique d’une histoire perdue. N’oublions pas que les historiens du xviiième siècle n’étaient pas d’accord sur l’origine de la date des premiers États généraux1855. Ces derniers sont alors passés au crible de l’attention robine.
10Les États généraux, qui constituent une assemblée « véritablement représentative du royaume » en 14841856 et dont l’origine est probable mais pas définie1857, ont pour point de départ l’année 13021858. Malgré cela, les juges affirment qu’ils sont les héritiers directs des placita generalia de l’époque franque et que le Parlement de Paris n’est que le démembrement de la Curia regis. Une telle allégation, très connue et reprise par Diderot1859, ne vaut pas d’être vérifiée plus avant1860, la fausseté de la concordance étant aussi établie par François de Paule de Lagarde en 17541861 et de Ferrière en 17551862. Il est donc plus intéressant d’essayer de montrer comment un mouvement à l’unisson, entre cours souveraines et libelles, a permis dans une logique qui lui est propre de construire une pédagogie constitutionnelle. Le Judicium Francorum pose alors le Parlement comme une assemblée représentative de la nation en établissant une continuité entre la Cour des pairs et les assemblées primitives des tribus germaniques1863. Ce libelle, comme pour le chancelier d’Aguesseau1864, montre que
« sous la première race de nos rois tous les Francs s’assemblaient tous les ans (…) Tout se décidait par la liberté des suffrages (…) parce que notre monarchie avait été fondée sur la liberté »1865.
11Cette assemblée du nom de « Judicium Francorum » prend alors le nom de Parlement sous la troisième race1866. Mais plus encore, « le Parlement a toujours été un abrégé des trois États »1867. Vingt-ans plus tard, selon le conseiller au Parlement de Paris et proche de le Paige, Barthélémy-Gabriel Rolland d’Ecreville, « le Parlement représente les anciennes assemblées des Francs appelées d’abord champ de mars et ensuite champ de mai, enfin Parlement vers le dixième siècle »1868. Toutefois, l’auteur qui propage le mieux cette fiction est sans nul doute le Paige. D'après lui, la force des Francs prévalait sur les autres peuples1869. Les cours souveraines ne sont que le prolongement de ces champs et placites : les magistrats sont donc les représentants naturels de la nation1870. Il existe de ce fait une concordance exacte entre les anciennes assemblées et les Parlements du xviiième siècle1871. Néanmoins, contre les Lettres historiques de le Paige, un anonyme en 1754 s’insurge :
« Le Parlement de Paris, ainsi que les autres, est une cour ordinaire de justice instituée par nos rois pour juger les procès des particuliers. Il ne peut ni convoquer les États généraux, ni assembler les princes et les pairs sans la permission du roi, ni se mêler d’affaires d’État. Ce tribunal, quoique chargé de l’exécution des lois, n’en est point le ministre essentiel »1872.
12Nonobstant des remontrances parlementaires très perméables à cette théorie1873, la propagation de l’idée est accrue, pendant la réforme Maupeou, par le comte de Lauraguais et l’avocat Target au grand dam de Voltaire. En effet, les minorant volontiers, ce dernier soutient que « ces Parlements de France étaient les États de la nation, à cela près que le corps de la nation n’y avait aucune part : car la plupart des villes et tous les villages sans exception étaient en esclavage »1874. En réponse, à la manière de Clément de Boissy1875, de Lauraguais dévoile en 1771 que les champs de mars et de mai sont « ces assemblées que l’on appelait Parlement, terme qui ne signifie autre chose qu’une assemblée nombreuse pour délibérer (...) [celles-ci] n’étaient pas d’institution royale »1876. Il ne faut pas confondre le « Conseil particulier » du roi, « Conseil ordinaire »1877, et lesdites assemblées qui sont réduites aux seuls « barons, prélats et peuple »1878. Pour le premier, l’intervention royale dans l’admission était obligatoire alors que pour les secondes, « seule la qualité de Franc, qualité que l’on ne tenait pas du roi, donnait le droit d’y être admis »1879. Le pouvoir législatif revendiqué de fait par les juges ne se légitime que par ce passé historique1880. De plus, selon Target, à l’époque de Pépin et de Charlemagne, les assemblées, loin d’être périodiques, ont fini par se confondre avec la Curia regis. Ainsi, le Parlement continue à exercer les mêmes fonctions nationales1881. Target conclut que les grandes affaires se discutaient et « étaient réservées au placite général, au grand colloque, qui par son étymologie est précisément ce qu’en français nous nommons Parlement. C’était alors l’assemblée nationale »1882. Ainsi, les cours souveraines du xviiième siècle ne sont finalement que les Parlements d’avant le règne de Philippe le Bel, c’est-à-dire l’« émanation des États » généraux comme c’était le cas pour Pierre Picault en 16791883 et surtout pour un pamphlet de 17721884. La coïncidence Parlement-États généraux ne satisfait cependant pas une autre partie de la dialectique nobiliaire pour qui les cours souveraines doivent occuper une position hiérarchiquement supérieure aux anciennes assemblées nationales.
Le Parlement, provisoirement supérieur aux États généraux
13À travers cette rhétorique lancinante, certains Parlements prétendent à leur substitution aux États généraux qui ne sont plus réunis depuis 1614 pour mieux les dépasser. La Fronde est encore dans tous les esprits. « La nation [selon les robins normands] déjà depuis longtemps réduite à un état d’inaction et de silence cesserait encore d’avoir pour protecteur les magistrats »1885. Le remplacement est d’autant plus juste que dans la plus grande partie du royaume il n’y a plus d’États provinciaux selon la Cour des aides de Paris1886. En effet,
« les États généraux [du] royaume s’étaient flattés que des juges choisis par eux et députés de leurs corps seraient, à perpétuité, les garants de l’exécution des lois qui n’avaient été promulguées que par leur consentement. Telle a été l’institution des généraux des aides »1887.
14Cependant, le pas est facile à franchir lorsque l’on se penche sur l’utilité des cours et des États généraux substitués. Le Parlement, dans ses fonctions propres, est supérieur à la représentation naturelle de la nation que ce soit par « commodité » quant au consentement à l’impôt1888, que ce soit par sa permanence1889, que ce soit au sein d’une vision nobiliaire anti-démocratique traditionnelle ou que ce soit par le rôle important des pairs de France. Analysons désormais les deux dernières hypothèses.
15À l’instar de Boulainvilliers, dans un désir clairement affiché de subordonner l’action du roi à l’assemblée de la nation1890, Cantalauze de la Garde pense que
« le Parlement comme il l’est encore aujourd’hui du roi, des princes, des pairs, des prélats et des fidèles ou féaux conseillers du prince, est précisément ce Conseil primitif qui vérifiait les lois proposées par le monarque, qui y apportait les changements jugés convenables, et qui y donnait son consentement. En second lieu, le Parlement est aussi cette Cour du roi à laquelle il présidait à laquelle il seyait dans son trône, lit royal ou lit de justice »1891.
16Le robin toulousain refuse la confusion entre le Parlement et les États généraux1892, le premier étant un tribunal né avec la monarchie1893. Les lois ont été faites par ces anciens juges et non par les États généraux avec le tiers état1894. Dès lors, et a contrario, Cantalauze garantit que depuis la sédentarisation du Parlement, les rois ont continué à reconnaître cette cour comme l’endroit de la possession de la Couronne1895. Ladite pensée ne restera pas lettre morte. Contre le pouvoir du tiers état, celui-ci n’ayant point de voix délibérative1896, Rolland d’Ecreville, influencé par Hotman et Pasquier, présente clairement une prépondérance du Parlement face aux États généraux grâce au tremplin logique du corps royal. En effet, « cette autorité appartient à la nation en corps, c’est-à-dire au roi dans son Parlement »1897. Ici se trouve l’un des magistères du juge au xviiième siècle, celui de la déviation à des fins politiques ! Selon le Paige, dans une note manuscrite inédite, les
« lois seront ordinairement demandées par les députés des trois ordres, c’est-à-dire, par les États généraux, qu’après la demande des États et la résolution du roi en son Conseil, c’est au Parlement à délibérer librement et concurremment avec le monarque sur l’édit »1898.
17S’il existe assurément des nuances dans les définitions que peuvent produire les juges et leurs renforts pamphlétaires à propos d’un pouvoir législatif appartenant au roi, il est patent qu’un certain consensus se forme pour un temps autour d’une hiérarchie Parlement-États généraux. Le plus intéressant est qu’une cour souveraine comme celle de Provence ajoute en 1769 que son « autorité [qui] ne rec[evait] aucune diminution pendant la tenue des États généraux, faisaient des remontrances pour ne pas enregistrer les édits bursaux »1899. Ainsi, le principe de la substitution aux États généraux est employé dans l’opposition aux édits fiscaux1900. Cet élan trahit clairement une attitude anti-démocratique traditionnelle, celle des nobles de robe reléguant la véritable voix nationale à sa plus stricte expression. L’exemple de la place de la pairie continue cette propension comme le propage de Revol dans une note manuscrite1901.
18Les pairs de France sont défendus par Dominique Simonel en 1753 afin de légitimer le Parlement. Selon lui,
« au commencement de la troisième race, et encore longtemps après, la compagnie connue maintenant sous le nom de Parlement de Paris, s’appelait d’abord la Cour des plaids généraux, la Cour du roi, la Cour de France, ensuite la Cour des pairs, et ce n’est que vers le milieu du xiième siècle qu’elle a pris le nom de Parlement »1902.
19En effet, tous les vassaux étaient des pairs1903. L’exceptionnelle réunion de ceux-ci dans le Parlement de Paris ne semble pas troubler les défenseurs d’une pairie originelle et nationale1904, Simonel ne faisant qu’annoncer, comme sous la Fronde, un mouvement tenant pour principaux représentants les pairs au détriment des États généraux. La pensée d’un autre auteur, décédé en 1675, refait pourtant surface comme pour ajouter de la force au mythe. D’après Jean le Laboureur, dans une nouvelle édition posthume de son ouvrage sur l’histoire de la pairie en 1753, il revient aux pairs de France de juger les affaires concernant l’État1905 tout simplement parce qu’ils sont les « arbitres entre le roi et ses sujets »1906. Le nom de Parlement ne doit être usité que lorsque les pairs siègent effectivement en la cour souveraine1907. Grâce à la présence de ces juges nés de la monarchie, la cour souveraine peut alors représenter la nation française1908. N’oublions pas ce que disaient les officiers de justice parisiens en 1755 : « Dans le premier âge de la monarchie, le Parlement était l’assemblée générale de la nation, que tous les Francs étaient pairs »1909. Ce Parlement se distingue ainsi des autres cours par le fait que les ducs et pairs pouvaient siéger en chambres assemblées1910. Nouvelle race de héros ou simples juristes défendant leur corps, les pairs de France occupent le champ de l’origine historique afin de tirer de la féodalité une légitimité nationale. Quinze ans plus tard, le conseiller au Parlement de Paris Louis-Valentin Goëtzman de Thune opère une distinction entre les placites nationaux et les placites juridiques, les premiers relevant du champ de mars et de mai, les seconds étant « tenus par des comtes »1911. Ainsi, les Parlements du xviiième siècle ont pour origine ces compagnies « purement juridique[s] où l’on ne devait juger, suivant l’expression d’un ancien écrivain, que du champ de la vigne, avec les Parlements généraux, depuis qualifiés d’États généraux »1912. Cette distinction est explicitée par deux brochures apparemment écrite par Goëtzman. En effet, les « placites nationaux » concernent les affaires publiques tandis que « les placites juridiques » relèvent des procès des particuliers. La conclusion est simple puisque à travers les cours souveraines du xviiième siècle, les pairs de France représentent nationalement tout le royaume auprès du roi1913. D’ailleurs, ces mêmes pairs avaient un ascendant important sur les placites nationaux car ils revenaient aux premiers de les convoquer selon un autre libelle de 17701914. Enfin, suivant de Saint-Pierre en 1771,
« le roi doit trouver dans les pairs les défenseurs de sa Couronne. La nation ne peut reconnaître la prééminence de leurs prérogatives, sans avoir en eux les protecteurs du bon ordre et les gardiens de la sûreté publique »1915.
20Néanmoins, cette supériorité des Parlements, à travers l’idée nobiliaire traditionnelle de l’élite nationale, ne résiste pas face à la demande de réunion des États généraux contre la réforme Maupeou, nonobstant une défense absolutiste montrant du doigt le régime anglais comme modèle à censurer1916. En effet, il ne faut pas confondre la France et l’Angleterre car
« une équivoque a produit le trouble où nous sommes [affirme Voltaire aux parlementaires]. Ce mot de Parlement, qui signifie en Angleterre États généraux a pu vous faire penser que vous représentiez les États généraux de la France (...) Cette ambition est naturelle ; elle est pardonnable à des corps dont plusieurs membres seraient en effet dignes de représenter la nation et de soutenir ses droits »1917.
21Souvenons-nous aussi que d’Argenson en 1751 parlait d’un « vent philosophique anti-monarchique », « vent d’anti-monarchisme et d’anti-révélation » venant d’Angleterre1918. Le régime anglais est banni par les tenants de l’absolutisme ou du moins par ceux qui pensent que les Parlements outrepassent leurs fonctions. Saint-Simon était de cet avis dès le début du siècle1919. Tout un courant reprend cette argumentation que ce soit pour Richard en 17661920, Voltaire en 17711921 ou encore quelques anonymes entre 1771 et 17721922. Le régime anglais est, dans la grande majorité des cas, utilisé par les opposants au mouvement judiciaire comme un argument péremptoire face aux multiples demandes fallacieuses émises par les officiers de justice. Néanmoins, il serait faux d’appréhender un tel archétype comme un exemple national opératoire qui aurait construit la nation française. Les divers libelles et remontrances ne se font aucunement l’écho ni même le réceptacle d’un modèle anglais transposable : la France est une nation spécifique avec son histoire propre. Evidemment, on peut légitimement se poser la question d’un parallèle entre les cours souveraines et le Parlement d’Angleterre mais elle est rapidement dépassée par la volonté d’établir une autonomie conceptuelle caractéristique au peuple de France. Loin d’une déperdition d’analyse, la profession de foi parlementaire, généralement d’une grande rigueur méthodologique, emporte la conviction que les influences anglaises en matière institutionnelle ne transpirent que par doses homéopathiques à travers en règle général Montesquieu. Ainsi, il y a plus des rencontres qu’une véritable influence anglaise. Les parlementaires ont plus joué sur l’ambiguïté terminologique avec comme objectif une représentation aristocratique de la nation1923.
22À côté de ces contre-attaques absolutistes, les demandes de plus en plus pressantes de convocation des États généraux finissent par détruire une théorie ambitieuse mais vouée à l’échec. La réalité de l’assemblée nationale des trois ordres reprend alors sa fonction naturelle représentative et stigmatise le comportement provisoire parlementaire.
23« La popularité que j’ai pu acquérir pendant cette période de ma vie est venue surtout de ce que j’ai eu le bonheur de parler au nom d’une cour qui, bien longtemps avant les autres, a demandé au roi d’entendre la nation elle-même sur ses plus grands intérêts » affirme le président Chrétien-Guillaume de Malesherbes1924. On se souvient tout d’un coup que la représentation nationale doit s’établir par l’intermédiaire de l’assemblée tripartite ! Il faut savoir néanmoins que le Parlement de Rouen se prononçait pour une assemblée aristocratique dès 1753 : prologue très lointain à la réunion des États généraux1925. Sans s’attarder sur cette requête remise en cause par d’Argenson à son époque1926 et l’éventualité d’une convocation émise par les magistrats normands et ceux de la Cour des aides de Paris dès 17601927, les juges naturels des Français sont ces États selon les Parlements de Rouen, de Toulouse, de Besançon, de Dijon et encore la Cour des aides de Paris en 17711928. Principe déjà admis auparavant, les magistrats bordelais reconnaissent en 1772 que les compétences en matière d’impôts en reviennent aux États généraux et que « les subsides sont un tribut de la nation et [qu’ils n’ont] en sa faveur qu’une voix subsidiaire »1929. La demande est bien sûr propagée par la littérature pamphlétaire1930. On reconnaît alors la légitimité de l’expression des « États généraux aux pieds raccourcis »1931 et son aspect transitoire1932.
24La fiction juridique et politique utilisée par les juges a été le catalyseur d’une fronde sans précédent contre l’autorité royale. On a l’impression que plus l’histoire est ancienne, plus l’héritage est important et confère une quasi-sanctification à ceux qui en jouissent1933. L’édification de la nation, qui tendait à se séparer de son chef, ne pouvait oublier son introspection originaire et originelle. Le problème est que l’opération était dès le départ vouée à l’échec pour une raison importante. Aussi séduisant soit-il, le mythe de la concordance voire de la précellence du Parlement sur les États généraux ne pouvait tenir institutionnellement étant donné le caractère passager de la substitution. Ainsi et par ricochet, mis à part l’incohérence de cette théorie qui sera remise sur pieds dans les années 1780, il n’en demeure pas moins des conséquences corrosives de demandes de convocation des États généraux comme dernier rempart à une autorité royale absolue décidant enfin de réagir.
25Toutefois et en parallèle à la formulation de la spéculation fictive et originelle avec toutes les ambiguïtés juridiques qu’elle comporte, les magistrats agissent aussi en véritables juristes. Ce sont des juges « constitutionnels » des droits nationaux du fait aussi de la théorie de la séparation des pouvoirs chère à Montesquieu.
§ 2 - Les Parlements, juges « constitutionnels » des droits nationaux
Les compétences des magistrats
26Les compétences des parlementaires en matière juridictionnelle sont très extensives sur la relation de supériorité face au Grand Conseil du roi, sur la légitimité de leurs délibérations et enfin sur la tentative de détournement des lits de justice.
27Pour le premier cas, il faut savoir que ce n’est pas une prééminence nouvelle car, au xvième siècle, le Parlement de Paris remettait déjà en cause les fonctions du Grand Conseil1934. Le début du xviiième siècle voit donc Brillon formuler que les arrêts dudit Conseil ne sont légaux que si leur enregistrement en Parlement est effectif1935. D’après de Ferrière, il faut un enregistrement des arrêts du Conseil antérieurement à leur exécution1936 car c’est bien « une espèce d’approbation » qui est recherchée1937 même si l’interprétation originaire en revient au roi1938. Selon Hue de Miromesnil en 1772,
« quoique les lois générales soient toujours méditées et arrêtées après un mûr examen dans le Conseil du roi, elles peuvent souvent contenir des dispositions capables de tirer à conséquence et susceptible par conséquent de changement et d’interprétation »1939.
28L’influence du principe transpire dans beaucoup de remontrances1940. D’ailleurs, sur 140 remontrances du Parlement de Paris entre 1715 et 1789, 50 concernent les arrêts du Grand Conseil1941. On dénie alors tout caractère efficient à cette institution que ce soit pour le Judicium Francorum dans les années 17301942, pour Montesquieu en 17481943 ou pour le Paige en 17541944. Le Grand Conseil, qui est une section spécifique du Conseil royal crée par Charles VIII en 1497 et qui a son siège au Louvre depuis 1755, se charge des affaires que lui attribue le roi1945. Néanmoins, les prérogatives du Parlement font partie du droit public national et, de ce fait, le Grand Conseil doit s’y référer et s’y soumettre selon le Paige1946. La pensée du bailli du Temple sera décisive en 1756 à l’encontre des officiers du Conseil :
« Messieurs, le privilège, que vous prétendez avoir, intéresse l’ordre public de l’administration de la justice ; il tend à priver dans certaines occasions les juges de leurs juges naturels. Cela posé, il ne peut exister sans un titre qui ait les caractères essentiels à toutes lois publiques »1947.
29Sur la même ligne, un anonyme en 1759 écrit que les arrêts du Grand Conseil du roi, grâce au droit public national, ont l’obligation d’être vérifiés par les Parlements1948. Là aussi, se développe une hiérarchie entre les juges et les proches conseillers du roi comme s’il existait une différence de nature entre les deux juridictions : tout ceci est bien sûr justifié par la « bienveillance » nationale. À l’instar des intendants à qui l’on reproche de prendre la place des magistrats vis-à-vis des peuples1949, les grands conseillers royaux sont accusés de détruire l’harmonie d’une monarchie française tempérée1950. Les conséquences ne se font pas attendre puisque le Grand Conseil suspend ses fonctions le 29 avril 1765 pour les recouvrer le 4 janvier 1768. D’ailleurs, Goëtzman de Thune attestera en 1775 que « la jurisprudence du Grand Conseil a dans tous les temps fomenté les atteintes qui ont été donnée à la loi nationale de la pragmatique-sanction »1951. L’entourage du roi est encore une fois mis en accusation et écarté du processus législatif comme « surprenant » la volonté royale. En effet, la théorie de l’obreption-subreption, tirant sa source de règles romaines1952, est montée au pinacle du contrôle des lois. On a peur que le prince soit la victime d’attitudes déloyales et illicites. Si une partie des attaques concernait jusqu’alors la relation humaine que pouvaient entretenir les ministres avec le roi, cette fois-ci c’est le cadre juridique stricto sensu qui est utilisé. C’est la preuve que le pouvoir monarchique avait à faire à la promotion d’arguments construits et partiaux. En d’autres termes, le magistère du juge doit aussi sauver le roi ! Ainsi, les magistrats s’intercalent entre le caput regni et le Grand Conseil grâce à une délibération libre.
30Selon le Parlement de Paris en 1732, les peuples sont accoutumés à reconnaître les suffrages libres et perpétuels des magistrats1953.
« V.M. sait parfaitement que la liberté des suffrages est de l’essence de nos fonctions et fait partie de l’institution primitive de toutes les compagnies établies pour délibérer. Sans elle, nous ne pouvons rien faire d’utile pour la patrie »1954.
31Les juges sont très sensibles à cette liberté de suffrage car elle est l’image naturelle et rudimentaire d’un corps, d’une assemblée réfléchissant sereinement pour le bien de la nation avec toute l’indépendance qu’elle peut susciter. On essaie de charrier un vocabulaire politique de la modération afin de s’opposer au pouvoir monarchique. Néanmoins, les Parlements ont le mérite d’être à l’unisson car la délibération sur la formation de la loi « est au nombre de ces principes nés avec le nom français »1955. Cette liberté « nationale » est liée à « l’intérêt public, celui du monarque et des sujets »1956 étant donné qu’« un corps libre dans ses délibérations doit l’être dans tout ce qui est relatif, dans tout ce qui est préparatoire à la délibération »1957. À l’évidence, le suffrage et la délibération sont synonymes de liberté mais aussi de majorité car l’éventualité pour un petit nombre d’empêcher ne peut pas être effectif. En effet, selon un libelle de 1761, « le veto n’est connu que dans certaines constitutions singulières, qui ne peuvent faire règle. Partout ailleurs, la pluralité est un torrent qui entraîne, la pluralité représente le corps, elle est le corps même »1958. Les conséquences du veto anglais mais aussi polonais ont sûrement traversé l’esprit des parlementaires français ne voyant pas que leur propre comportement tendait à un veto de fait. Cette situation ne peut qu’être propice à la soudaine mutation d’officiers en représentants élus au sein de cours souveraines se prenant pour des assemblées nationales. Selon les juges béarnais en 1765, les suffrages sont synonymes de « vœu national » et de « vérité »1959. Dès lors, il est naturel de proposer la coïncidence entre le suffrage de la nation et le suffrage des Parlements1960. La délibération libre ne doit pas être remise en cause car il en va de « l’ordre public »1961. Loin d’être étoilé, ce raisonnement projette un système singulier qui sera amplement repris et dévié par le mouvement national pré-révolutionnaire. Les tribulations judiciaires ont aussi nourri le terreau du légicentrisme révolutionnaire. Dans l’ensemble, les suffrages des magistrats, par la procédure des remontrances, devaient cependant et normalement se soumettre aux lits de justice.
32Les lits de justice du xvième au xviième siècle unissaient « légende, rite et discours, reflétant la constitution de la France »1962 mais le siècle des Lumières répand l’idée d’un cérémonial acceptant ou rejetant les lois nouvelles. D’après de la Taste en 1755, qui se prononce en faveur d’une délibération sérieuse et véritable, « les lits de justice sont destinés par leur nature même à donner aux lois du prince un nouveau degré de maturité »1963. Pour le Paige en 1756, le lit de justice est
« la continuation des anciennes assemblées générales qui se tenaient autrefois, et qu’on connaissait sous le nom de champ de mars ou de mai. On les a nommées dans la suite placites généraux, Cours plénières, plein Parlement, Grand Conseil »1964.
33L’aide dont doit bénéficier le roi1965 ainsi que la reconnaissance de la soumission « dans l’esprit des peuples »1966, permettent en dernier recours au lit de justice de produire « une véritable délibération »1967 où « l’on recueille des suffrages »1968. En effet, selon le bailli du Temple, le lit de justice au xviiième siècle est, in fine, « le deuil de la nation »1969 ! Le janséniste souscrit à une équation simple, celle d’une redéfinition, voire d’une dénaturation, de la procédure de l’enregistrement. Loin d’un rôle consultatif, le magistrat pense être animé de la même flamme que les prélats et barons composant les anciennes cours franques. En effet, la nation est utilisée comme une limitation du pouvoir monarchique. De plus, apanage d’un corps intermédiaire aspirant, dans une optique douteuse, à représenter le peuple, le lit de justice n’est que le point terminal à cette idée politique et juridique. Pendant la réforme Maupeou, ces lits devaient mettre en évidence la réalité d’une co-législation de fait. Ainsi, selon le Paige en 1772, les lits de justice étaient le moment où l’on « délibérait véritablement et à haute voix sur les matières exposées par le roi lui-même, ou par quelqu’un en son nom, et il prononçait ensuite d’après les suffrages »1970. On retrouve le même thème dans les Maximes du droit public français en 17721971. À ce sujet, le bâtonnier parisien et janséniste Claude-Joseph Prévost indiquait dès 1730, dans une note manuscrite, que les lits de justice « sont fait pour délibérer [car] ceux qui y sont entrés y sont assis comme juges »1972. Ainsi, il y a une obligation de délibération préalable au Conseil1973 sinon c’est « une voie de fait »1974. Le passage en force que peut constituer cette procédure est vécu comme un acte arbitraire -souvenons-nous de la phrase de Loysel : « Voies de fait sont défendues ». C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le Parlement de Besançon en 1757 affirmant qu’il « est de la gloire de [Sa] Majesté de proscrire pour jamais les voies de fait destructives de la liberté légitime de [ses] sujets »1975. Selon les Comtois en 1762, on doit éviter que « les lois constitutives de l’ordre public [soient] anéanties par des voies de fait »1976 à l’instar des magistrats parisiens en 1755, 1763, 17651977 et normands en 17631978. La déformation de la procédure des lits de justice ne représente finalement que le bout d’une chaîne de compétence qui commence par la garantie d’un dépôt national.
Les effets de la garantie d’un dépôt national
34La loi est au-dessus du roi et le Parlement en est le dépositaire en tant que corps intermédiaire. Dépositaires des lois et des « d’archives de la nation »1979, les magistrats commencent à employer au xviiième siècle ces termes surtout en matière religieuse dès 1718 et systématiquement à partir de 17311980. En effet, la mouvance janséniste commençait dès le début du siècle à construire le concept de dépôt des lois en parallèle au dépôt de la vérité divine1981. Malgré cela, il faut attendre le milieu du siècle pour observer un développement exponentiel d’une théorie mettant dans une position active le juge dans le processus législatif. Ce dépôt, qui ne devait être que l’endroit où seraient retranscrites formellement les lois1982, est remis en cause par les robins s’évertuant à contrer la simple transcription en faveur d’une véritable garantie de la norme. Sur la même ligne que l’influent Montesquieu1983, le Parlement est alors le « gardien des lois de la monarchie française » selon Cantalauze de la Garde1984. D’après le baron de la Brède, ce pouvoir intermédiaire, qui est celui de la noblesse1985, a la qualité première d’éclairer objectivement le prince par ses remontrances1986. L’intelligibilité de la loi mobilise l’argument judiciaire et prédispose à l’interprétation de la norme. Le Paige en 1753 pense que les Parlements sont « les dépositaires des lois de l’État, destinés à les perpétuer et où les grandes affaires doivent se traiter »1987. Ce dépôt permet à la loi de se charger d’une authenticité, rejetant toute illégalité d’après le marquis de Mirabeau en 17541988, et de l’entretenir parce que fondement de la construction de la nation selon d’Alès de Corbet en 17551989. Enfin, pour l’abbé Barral, les cours souveraines ont la confiance de la nation et celle du roi puisque
« le Parlement est le dépositaire des lois, il en est le ministre essentiel, parce qu’en effet il est spécialement chargé par les rois de veiller à la sûreté du trône, d’en conserver l’autorité et de faire observer ces lois qui sont la sûreté du prince et de la paix des peuples »1990.
35Ainsi, sous couvert d’une attention habituelle des officiers de justice pour la loi retranscrite, se profile un système qui en apparence se lie parfaitement avec le mécanisme des remontrances.
36La théorie de la surprise -celle affirmant que le roi est entouré de menteurs qui lui cachent la vérité -est subséquemment utilisée pour légitimer ce dépôt que ce soit dans les remontrances ou dans les pamphlets1991. À ce titre, l’abbé Lenglet Dufresnoy -par ailleurs éditeur des ouvrages de Boulainvilliers -n’hésite pas à comparer en 1753 le monarque à un bourgeois ne sachant pas ce que font ses domestiques1992. La surprise doit être censurée par l’attention vigilante du magistrat qui par la lenteur de la transcription évite tout abus. La délibération au profit de la nation et du roi bénéficie de la sagesse et surtout de la temporisation raisonnable des parlementaires grenoblois en 17691993. Le juge, à l’instar de ses prédécesseurs au xviième siècle, défend la loi contre l’instantanéité de la volonté royale1994. Les magistrats sauvegardent, dans un souci de stabilité des institutions, une continuité convenable dans la jurisprudence1995. L’époque du conflit sur le Grand Conseil passé, la réforme Maupeou exacerbe, encore une fois, cette théorie et l’on remarque, par ce biais, une attaque tous azimuts contre la fonction royale malgré le projet d’un cabinet des chartes1996. Les libelles parlementaires veulent que le dépôt des lois érige une barrière contre un risque d’omnipotence du monarque1997. De ce fait, la nation a un droit de « confection législative »1998.
37Le dépôt des lois produit nécessairement des conséquences juridiques quant à la vérification et à l’enregistrement. À première vue, le xviiième siècle tranche fondamentalement avec le xivème siècle où l’absence de transcription de la norme législative ne remettait, en règle générale, pas en cause la validité de la loi. Pourtant, même sous les règnes de Philippe VI à Charles V existait la vérification de la loi1999. Ainsi, le siècle des Lumières ne fait qu’amplifier la manifestation ajoutant quelquefois la critique acerbe comme le fait Charles Théveneau de Morande en 17712000. Néanmoins, la plupart des remarques et des attaques se font sur le terrain juridique.
Vérification et enregistrement : un contrôle sur la forme et sur le fond
38L’idée est admise que le Parlement entendait pratiquer un « contrôle »2001 de l’administration de l’État grâce à la libre vérification de la loi2002 même provisoire2003. « C’est une maxime fondamentale du droit public de la France » selon le Paige en 17542004. Le projet de Catherine II de Russie a été, à ce sujet, une innovation importante. En effet, celle-ci voulait, dans un désir de réforme, confier à un sénat le dépôt des lois et le pouvoir d’en contrôler la constitutionnalité2005. Forma dat esse rei -la forme donne l’être à la chose. Les magistrats, en bons juristes, opèrent en ce sens, si l’on devait schématiser à outrance, un double contrôle sur la forme et le fond de la loi.
39Les règles de forme s’attachent tout d’abord à vérifier l’origine des lettres patentes. Ainsi, le Parlement de Toulouse affirme en 1755 que
« c’est un principe tiré des lois romaines, attesté par nos meilleurs auteurs et inviolablement observé parmi nous qu’un acte ne mérite aucune foi en justice si l’on n’en remet la minute originale ou une grosse signée par celui qui joint à la possession de cette minute, les qualités requises pour en délivrer des copies authentiques »2006.
40Ces mêmes magistrats sont en conséquence confrontés aux juges de la Cour des aides de Montpellier la même année au sujet d’une fausse lettre patente2007. Cinq ans plus tard, le Parlement de Toulouse s’oppose encore à la Cour des aides de Montpellier car, selon lui, il est
« fait inhibitions et défenses d’obéir aux injonctions portées par l’arrêt de la Cour des aides.. [puisque].. il importe pour le maintien de l’autorité royale pour soutenir la confiance des peuples, encourager leur zèle, affermir leur obéissance, de ne rien innover concernant l’envoi à son Parlement la vérification et publication des lois établissant de nouvelles impositions »2008.
41La Cour des aides de Montpellier, dans un arrêt du 25 février 1761, refusera en définitive d’admettre que la norme législative prenne effet par l’enregistrement au Parlement de Toulouse tout simplement parce que c’est « le sceau [royal] qui imprim[e] à ces lettres [patentes] le caractère de l’autorité et qui leur donnait force de loi »2009.
42Apparue pour la première fois sous le règne de Philippe V2010, la matérialité de la volonté du monarque doit être authentifiée par sa signature. Courroie de distribution de la justice royale, il est tout à fait normal pour les juges de constater la véracité de l’envoi. Selon Hue de Miromesnil, l’origine royale des lettres doit être avant tout vérifiée2011. Ensuite, il peut exister un défaut des motifs marquant l’ingérence d’une institution qui ne devait au départ qu’enregistrer2012. Ainsi, le défaut des motifs est une cause du refus d’enregistrement2013. Enfin, le Parlement de Grenoble permet en 1768 l’élargissement du champ de contrôle de la loi car selon lui
« toute loi d’administration publique, soit de police, de finance ou de justice, doit être revêtue des lettres patentes adressées par le législateur à ses cours pour cette loi, après un examen réfléchi, publiée et enregistrée par elles »2014.
43Le triptyque fondateur du régime monarchique selon les magistrats rennais en 1771 est alors « la volonté du monarque, le vœu de la nation, le vœu de la loi, constatés par la vérification libre dans votre Parlement séant à Paris »2015. Cependant, les parlementaires passent aisément d’un contrôle de la légalité à un contrôle d’opportunité.
44À rebours de l’article 7 Titre I de l’ordonnance civile de 1667 interdisant toute interprétation de la loi2016, les règles de fond s’établissent dans plusieurs directions afin de toucher le plus large champ possible.
45En premier lieu, il y a une comparaison classique entre les lois anciennes et les lois nouvelles comme pour le Parlement de Bordeaux en 17572017. Dans un manuscrit de 1765 situé dans les papiers de Durey de Meinières, l’adage qui veut que la loi nouvelle soit privilégiée sur la loi ancienne - lex posterior derogat priori -est battu en brèche par la force même des droits de la nation. En effet, selon cet écrit,
« si au contraire les lois sont diamétralement opposées aux anciennes et que ces dernières aient été des victimes sacrifiées à l’autorité, il n’est peut-être pas impossible qu’elles reprennent leur première vigueur ; les droits de la nation sont inaltérables et ce n’est pas ici le cas d’appliquer la maxime posteriora derogant prioribus »2018.
46À l’instar de la doctrine médiévale voyant dans le temps « un facteur essentiel de validité »2019, les officiers de justice ont essayé aussi d’accaparer le thème de l’imprescriptibilité. D’ailleurs, cette notion est reprise par l’avocat A. Blonde pour qui « les droits de la nation ne peuvent pas plus être sujets à prescription que ceux du prince »2020. La prééminence du droit national s’épanouit donc à travers la comparaison des normes. Selon Chaillou en 1766, la loi nouvelle est « constatée » et « comparée et liée aux lois anciennes dont elle ne doit être qu’un écoulement »2021. Sur le fondement des œuvres de deux auteurs allemands, Fleischer et Griebner2022, les Maximes du droit public français de 1772 reprendront cette argumentation2023. Ils établissent de ce fait un contrôle des édits par rapport au « code des lois »2024, l’influence du projet de Catherine II de Russie se faisant ici sentir2025. Les magistrats ont la possibilité d’établir un contrôle « conforme à l’esprit et à la lettre de l’édit »2026. Les lois doivent être « compatibles avec l’esprit des lois anciennes »2027. Une telle conviction se retrouvait d’ailleurs au xviième siècle chez les juges dans les termes : « l’âme et l’esprit de la justice »2028.
47En second lieu, l’examen des avantages et des inconvénients de la loi participe à un contrôle d’opportunité et d’équilibre selon les magistrats comtois en 17572029. Pour le Parlement de Pau en 1763, « la vérification suppose une discussion exacte des avantages et des inconvénients de la loi proposée »2030. On vérifie si la loi « n’a pas d’inconvénient général ou local » selon le Parlement de Grenoble en 17662031. Néanmoins, est-ce que la loi à enregistrer est utile et juste pour la nation ? Au fond, la réponse peut se trouver dans l’autorité de l’examen des magistrats métamorphosant ceux-ci en co-législateurs. La subjectivité de ce contrôle est réelle chez les robins et dans la littérature politique. Selon le Paige en 1753, des personnes qui font le siège du roi pour obtenir une décision qui leur convient montre l’importunité de la loi acquise. En effet, le magistrat « en se refusant à une obéissance perfide, obéit réellement d’une autre façon, ce n’est point l’autorité qu’il combat, c’est l’importunité dont elle est assiégée »2032. Le bailli du Temple a sûrement en tête les écrits de Burlamaqui prônant une résistance aux ordres viciés du monarque2033. D’ailleurs, le janséniste étaye sa pensée en 1771. Selon lui, ce n’est « pas une révolte mais un devoir d’obéissance que le Parlement remplit quand il refuse d’obtempérer à des ordres ou injustes ou funestes »2034. En effet, c’est un contrôle de la justice de la loi qui est effectué par les parlementaires aixois en 17652035 au grand dam de Moreau2036. Il faut par conséquent un but et une utilité à la loi selon le Parlement de Besançon en 17682037, le Parlement de Dijon établissant en 1771 les vices qui rendent illégale la norme à enregistrer. En effet,
« pour ôter le caractère de loi à un règlement dont les premiers effets ont été si funestes, il suffirait qu’il fût contraire aux lois essentielles de la magistrature ; l’irrégularité n’est qu’un de ses vices, il faut y ajouter la fausseté des imputations, le danger des prohibitions, l’injustice des peines, l’altération des maximes constitutives, le système médité de rendre toutes les lois arbitraires et d’abolir les droits de la nation et des citoyens »2038.
48Cette vérification rendant utile la loi au bien de l’État sera reprise par un libelle en 17742039.
49En troisième lieu, le droit public national a un ascendant péremptoire sur le droit privé2040. Selon un manuscrit anonyme en 1753, les cours souveraines adoptent le principe que la justice doit surseoir à statuer dans le domaine du droit civil et criminel afin de pouvoir régler le blocage des remontrances entrant dans le cadre naturel du droit public2041. Ainsi, dans le discours officiel parlementaire, une distinction fondamentale est opérée entre droit privé et droit public surtout pour légitimer de probables cessations de service contredisant par ailleurs la déclaration royale du 10 décembre 1756. Le Parlement de Rouen a « été institué pour être la sauvegarde du droit public, par lequel la majesté souveraine du trône et la liberté des peuples sont maintenues »2042. On le sait, avec entre autre le Parlement de Grenoble en 1765, « la conservation du droit public » est une affaire de combat contre l’anarchie et le despotisme2043. De la sorte, les affaires particulières concernent chaque Parlement dans son ressort mais lorsqu’il s’agit du droit public qui touche naturellement aux habitants de la nation en général, à la magistrature et au roi en particulier, alors le contentieux qui peut en résulter atteint toutes les classes des compagnies selon le Parlement normand en 17652044. Dès lors, selon les juges palois en 1765, il est tout à fait normal d’interrompre les procédures concernant les contentieux privés car
« les objets d’ordre public suspendent, jusqu’à ce qu’il soit pourvu, toutes les affaires des particuliers. Que c’est un devoir pour les magistrats de s’en occuper, toutes autres choses cessantes et postposées ; que lorsque la justice souveraine de V.M. essentiellement et perpétuellement séante en son Parlement, se trouve outragée, les magistrats ne peuvent ni ne doivent la rendre aux particuliers, jusqu’à ce que l’injure soit vengée (…) C’est donc un principe fondé sur l’équité du gouvernement français, sur la liberté légitime des peuples, que votre Parlement doit s’occuper sans discontinuation, toutes choses postposées et délaissées, des matières importantes et privilégiées »2045.
50La suspension n’a de légitimité que lorsque les droits de la nation sont en danger selon les Parlements de Dijon2046 et de Toulouse en 17712047. Dans ce cas, Murard assure en 1771 que « les magistrats doivent donner la préférence aux affaires publiques sur les affaires particulières »2048. Une telle distinction partiale montre réellement l’emprise politique mais aussi juridique des magistrats et que l’une ne peut être effective sans l’autre. Cette tendance se rencontre jusqu’en 1788 avec le Parlement de Rennes2049. Pourtant, s’attacher à démonter les mécanismes de contrôle des magistrats ne peut se détacher d’une naturelle légitimation politique.
Vérification et enregistrement : légitimation politique du contrôle
51On le sait désormais, et sans aller jusqu'à parler de « jurie constitutionnaire »2050, les magistrats français prétendent contrôler la conformité des mesures de nature législative émanant du roi aux lois fondamentales, à la constitution du royaume2051 grâce aussi à la théorie de la surprise subreption-obreption. L’adage quod principi placuit legis habet vigorem, ce que le prince a décidé à force de loi, est remis en cause. Les références aux anciens auteurs, qu’ils soient juristes ou hommes politiques, sont alors légion dans les remontrances des cours souveraines et prouvent la force de l’éloquence parlementaire dont l’origine remonte au xvème2052 et xvième siècle2053. Plus qu’une phraséologie inadéquate, les magistrats prouvent que les différentes œuvres politiques et juridiques sont connues mais plus encore, exhibent leur habileté à prendre dans chacune d’elles la confirmation de leur attitude. La procédure d’enregistrement et surtout de la vérification voit un déferlement d’annotations et d’auteurs tels Baluze2054, Michel de l’Hôspital et ses remontrances de 15662055, Achille de Harlay et les harangues de 15862056, Bernard Girard du Haillan2057, Omer Talon2058. Les parlementaires instrumentalisent aussi François Grimaudet dans leur argumentation2059. Cependant, on constate chez cet auteur que le prince seul à la possibilité d’interpréter la loi d’où finalement une attitude partiale des magistrats2060. Grimaudet parle d’interprétation du Parlement de Paris en cas d’omission et seulement dans une fonction de suppléance2061. Toujours dans le cadre de la procédure de la vérification, les hommes de robe n’oublient pas Estienne Pasquier2062, Bernard de la Roche Flavin2063, Guy Coquille2064, d’Aguesseau2065 et même le marquis de Mirabeau2066. Néanmoins, l’emploi de juristes, illustres soient-ils, ne suffit pas à densifier l’arsenal politique, il est nécessaire de justifier ces enregistrements et vérifications par la marque nationale.
52Il est de l’intérêt du roi et de ses sujets, dès 1718 pour le Parlement de Paris, « que ses volontés se transmettent à tous les peuples par les voies ordinaires qui sont l’enregistrement et la publication au Parlement »2067. L’opération politique du bien-fondé national est très bien rodée et se remarque par de vertigineuses références. Selon le Paige, la loi reçoit le caractère public lorsqu’il y a vérification des magistrats2068 car, selon le Parlement de Paris, l’enregistrement est une formalité nécessaire pour rendre une loi publique et nationale2069. La qualification nationale est synonyme de publique mais aussi de sécurité juridique. La procédure est nationale parce qu’elle est de droit public et vice versa. Selon le Parlement de Rouen en 1756 à l’instar de Paris2070, l’enregistrement -» titre de la nation » -est une loi fondamentale2071. La littérature parlementaire emmenée par le Paige est à l’unisson2072 surtout qu’il existe une profusion de remontrances à ce sujet. Ainsi, aller à l’encontre de l’enregistrement, c’est annuler les droits de la nation2073, c’est remettre en cause la confiance des peuples2074, c’est entamer la promesse d’« une attestation juridique » ainsi qu’une « certitude légale »2075, c’est attaquer un « complément nécessaire » à l’authentification de la loi2076. Les magistrats n’ont pas « besoin d’un pouvoir spécial pour enregistrer une nouvelle loi »2077 puisque la confiance populaire doit bannir le secret par la vérification et échapper aux « raisons d’État »2078. Les mystères de la monarchie doivent être proscrits. Au fond, cette procédure est le « droit de la loi elle-même »2079 et constitue « le droit public de la nation »2080. On offense ainsi la liberté légitime du peuple lorsque l’on remet en question l’enregistrement2081. Ce dernier s’appréhende, selon le Paige, par la nature de son contrôle, la perpétuité et l’irrévocabilité de ceux qui le pratiquent étant donné que c’est la pierre angulaire de toute la procédure législative2082. Toutefois, un enregistrement laudatif et national n’est pas tout.
53La fiction juridico-politique des origines est aussi calquée sur la procédure de l’enregistrement. Selon une brochure de novembre 1771, s’attachant à reproduire la pensée de Montesquieu2083, les « Parlements [sont] destinés dès leur origine à représenter la nation pour la vérification et l’enregistrement libres des nouvelles lois »2084. La filiation champ de mars-placita-Parlement est établie par le Paige en 17712085. Il n’est par conséquent pas surprenant que la cour souveraine de Besançon recoure à l’origine historique pour légitimer l’enregistrement2086. De surcroît, le Paige dira que « la vérification des lois du monarque [est] aussi ancienne que l’État français »2087. Ainsi, le droit qu’exercent les robins, dans l’expertise des lois, est un droit national aussi ancien que la monarchie. Néanmoins, comme s’il fallait prendre la pleine mesure de l’importance de la vérification, le déferlement national sur cette procédure sous l’égide des juges emporte aussi une marque extérieure.
54La « nationalisation » de la transcription admise, la fiction historique naturellement reprise, l’enregistrement bénéficie du renfort de la reconnaissance étrangère selon le Judicium Francorum2088 contre l’avis de Capmartin de Chaupy une vingtaine d’années plus tard2089. Un manuscrit anonyme de 1752 note d’ailleurs que les magistrats représentent une vitrine extra-territoriale, c’est à « ce corps que la monarchie est redevable de l’affermissement de sa puissance par le respect qu’il a su s’attirer dans la nation et parmi les nations étrangères »2090. En effet, les pays ne comprennent la validité d’un acte que si les juges l’ont vérifié au préalable selon le Parlement de Rouen en 1757, donnant l’exemple des lettres patentes non examinées de 1523 concernant les Comtés de Piémont et de Nice2091. À l’instar du Parlement de Bordeaux en 17642092, la cour souveraine de Dijon pense en 1768 que les formes de l’enregistrement sont des « formes constamment exigées par les nations étrangères pour être la sûreté de leurs engagements avec la France »2093. L’opinion des pays étrangers légitime les Parlements comme celui de Grenoble en 1771 se référant au traité de Madrid2094. Les magistrats toulousains, sur le traité signé avec la Sardaigne du 24 mars 1760, indiquent la même année que « la vérification des lois est un droit national reconnu de tous temps par les puissances étrangères »2095. Le Parlement de Grenoble signale enfin en 1771
« que tous les monarques qui sont successivement parvenus à la Couronne furent convaincus que la loi de l’enregistrement était la sauvegarde des droits de la nation (…) que cette loi essentielle est si bien le droit public de la nation dans l’opinion de nos rois, dans l’opinion même des puissances étrangères »2096.
55Convaincus de leur nécessaire fonction vis-à-vis du régime monarchique mais aussi en ce qui concerne, quelque part, le droit des gens, les officiers de justice introduisent une dangereuse originalité. En effet, si l’on se cantonne à la réalité d’une monarchie absolue de droit divin, seul le prince a le droit de signer les traités et d’engager son royaume. Néanmoins, les juges se comportent comme les témoins dans l’application de la norme internationale à appliquer à la fois à l’intérieur du pays, avec la vérification et l’enregistrement, et à l’extérieur en qualifiant nationalement les pactes. Le monarque perd de ce fait toute crédibilité à travers la dévaluation voire l’affaiblissement de son pouvoir législatif.
56Évidemment, le rempart absolutiste, avec par exemple de Villette, censure toute modification et interprétation de la loi par les magistrats2097 et rejette grâce à deux libelles ce « terrible liberum veto »2098 : il en va de l’unité de la monarchie2099. Selon Marc-Antoine Rodier en 1769, le roi est le seul qui puisse interpréter « leges interpretari solo dignum imperio »2100 mais la force de la construction d’un droit public national parlementaire ne peut être remise en doute. L’attaque strictement juridique menée par les juges est minutieuse et ne laisse pratiquement aucune question en suspend. Contrôler les droits nationaux en tant que norme suprême ne place pas les parlementaires sur le même plan que le prince mais au-dessus de lui, même si ce sont en réalité les « vices ministres rois » qui sont visés. En effet, drapés de la théorie du dépôt, les juges se dressent volontiers contre ces proches conseillers royaux, qui en pratique font la plupart des lois. Par conséquent, les magistrats deviennent les titulaires de « mandats nationaux » fictifs et sabotent, voire torpillent, la procédure institutionnelle en déniant toute légitimité aux lits de justice. Juriste avant tout, l’officier établit un contrôle de la loi que ce soit en légalité ou en opportunité n’oubliant pas de faire preuve d’une éloquence qui le caractérise depuis trois siècles.
57Mais, l’entreprise politico-juridique ne serait totale sans une offensive marquée dans le détachement d’un corps de nation qui, par tradition, est uni au roi. Là aussi, la quadrature du cercle est en voie d’être achevée.
II - L’UNICITÉ ROYALE-NATIONALE CONTRE D’AUTRES UNITÉS NATIONALES
58Le corps national est, au xviiième siècle, le théâtre politique d’une mutation sans précédent. L’image du corps humain comme modèle de compréhension du corps politique est un lieu commun de la réflexion politique2101. Cette métaphore peut receler une double idée avec un principe de subordination, de hiérarchie des organes mais aussi une solidarité de chaque partie du corps2102. Reconnaissant l’existence d’un organicisme royal-national en symbiose pour mieux le dépasser, le mouvement parlementaire reprend à son compte tous les éléments de l’unité comme par exemple la théorie des classes. Pourtant, il existe avec Rousseau une idée pleinement moderne, celle d’une communauté politique national originaire. C’est cette dernière qui aura, à terme, grâce à la confusion du coup d’État Maupeou, raison du régime en place permettant le basculement décisif vers la modernité de la nation.
§ 1 - La survivance de l’organicisme royal-national
59Le monarque est la tête du royaume, du corps de la nation selon d’Argenson en 17392103. Le rex caput regni, héritage de l’anthropomorphisme politique antique, produit des conséquences politiques au siècle des Lumières. L’organicisme a bien sûr des origines médiévales. Le corpus exprime la solidarité entre les hommes2104 car « en même temps qu’elle souligne la complexité de la machine sociale, l’image du corps accrédite le bien-fondé des hiérarchies en place »2105. Dès la réunion des États généraux2106, le rex caput regni apparaît alors comme une métaphore corporelle politico-universelle2107 issue de la fameuse théorie organologique chrétienne du corps mystique2108. Cette conception développée par Jean de Terrevermeille excluait l’origine populaire. Tout corps souverain est roi et tout roi est corps souverain. Pourtant, les écrivains ainsi que les magistrats du xviiième siècle ont très bien intégré et dévié cette théorie à leurs fins. Si l’on devait schématiser à outrance, on dirait que le corps politique est considéré comme un corps organisé, vivant et semblable à celui de l’être humain. Le pouvoir souverain représente la tête. Les lois et les coutumes sont le cerveau comme siège de l’entendement dont les juges et les magistrats sont les organes. Le commerce, l’industrie et l’agriculture, sont la bouche et l’estomac qui préparent la nourriture commune. Les finances publiques sont le sang diffusé par le cœur à travers tout le corps. Les citoyens sont ce corps avec des membres qui font bouger l’ensemble. Ainsi, on ne saurait mutiler aucune partie sans que le cerveau en soit irrémédiablement atteint.
Le monarque, tête pensante pour le bien national
60Le roi, tête de la nation, est l’âme pensante de celle-ci. Le caput doit agir pour le bien commun qui, depuis le xiiième siècle, caractérise le bon droit et recoupe la notion de reformatio regni. Une monarchie doit avoir comme principe directeur l’utilité sociale et nationale -demandé par ailleurs par la sanior et maior pars populi dans l’établissement d’un pouvoir royal fort2109. Ce dessein, relayé par la Cour des aides de Paris en 1775, s’articule par la reconnaissance d’une autorité monarchique qui ne peut mal faire puisque image de la nation2110. L’équilibre entre le roi et ses sujets était déjà inscrit dans les années 1730 dans le Judicium Francorum. Cette brochure certifie à l’époque :
« Ce qu’il y a de remarquable dans le gouvernement de la monarchie française, c’est qu’il est tout naturel, c’est-à-dire, que toutes les choses s’y sont toujours faites par le concert du souverain avec ses sujets, et des sujets avec leur souverain. C[ela] a toujours été une correspondance réciproque »2111.
61Le roi est le censeur de l’incapacité et de la malhonnêteté des administrateurs locaux2112 mais aussi de ses juges comme le remarque le Parlement de Pau en 1747. Celui-ci affirme que tout objet du monarque « est d’établir la paix et l’union si nécessaire entre les membres d’une compagnie, d’y étouffer le moindre germe de dissension, d’y assurer une parfaite constante harmonie »2113. Cette attitude bienfaisante et bienveillante se rencontre au sein des jansénistes, qui ne professent aucunement, à l’image de le Paige, un absolutisme monarchique dans le sens d’un pouvoir sans limites mais une relation harmonique roi-nation2114. Ainsi, le Parlement de Paris pense en1753 que « le roi, l’État et la loi forment un tout inséparable »2115. L’organigramme de la royauté selon Jacques de la Baune correspond, en 1753, au triptyque Dieu-roi-Parlements :
« Le bonheur d’un État consistait dans ces trois points : dans la religion à l’égard de Dieu, dans la fidélité pour le souverain et dans la distribution de la justice au peuple. Un Empire est fleurissant lorsqu’on rend à Dieu le culte qui lui est dû, lorsque la majesté royale respectée conserve son autorité, lorsque les lois et les tribunaux assurent aux peuples leurs biens, leurs fortunes, leur tranquillité, leur union et leur salut »2116.
62Le despotisme d’un souverain ne peut aller à l’encontre du bien-être de la nation. À ce sujet, l’abbé Barral écrit en 1754 qu’un « prince soit revêtu d’un pouvoir sans bornes tant qu’on voudra, le but en est ou doit être le bien de la nation »2117 car « les sentiments de la nation sont pour le prince le triomphe le plus cher et le plus beau »2118. Le monarque est né pour le « bien de la nation »2119. L’harmonie sociale et le bien du peuple sont donc repris2120. En effet, il ne faut pas séparer les intérêts de la nation et du roi2121. Le Parlement de Rouen énonce la même année que « l’État se soutient par l’heureuse harmonie de toutes ses parties »2122. Le roi est selon le Parlement de Grenoble en 1763, à l’instar de ses homologues bretons2123 et bisontins2124, « le chef, le lien, et le centre de la société dont la vérité et la bonne foi sont l’unique fondement »2125. Même Chaillou en 1766 persiste dans la relation roi-nation2126. Cependant, les parlementaires grenoblois comprennent très rapidement l’avantage qu’ils peuvent tirer d’un souverain garant des biens de ses sujets contre toute forme d’arbitraire2127. Les magistrats utilisent volontiers les écrits de juristes et d’auteurs politiques pour établir cette filiation. En ce qui concerne la dichotomie gouvernement arbitraire et gouvernement pour le bien des peuples, des auteurs tels que Bodin2128, Mezeray2129, Massillon2130 et même Moreau2131 prennent part aux remontrances. D’ailleurs, c’est Bossuet qui est un des auteurs les plus repris tout simplement parce que l’aigle de Meaux propageait le principe d’un roi bon pour ses peuples2132, un prince dans l’impossibilité de toucher aux lois fondamentales sans faire chuter « l’Empire »2133. L’éloquence judiciaire est encore ici à l’ordre du jour.
63Ainsi, et c’est là toute l’ambiguïté et peut-être la schizophrénie de l’attitude parlementaire, la reconnaissance d’un monarque agissant pour le bien de la nation ne doit pas occulter, en parallèle, la tentative de déstructuration de fait d’un régime établi sur un corps national à la tête duquel se trouve le roi2134. La fonction royale est bornée. En fait, cette attitude s’éclaircit et se confirme lorsque l’on lit les manuscrits de Revol installant, aux alentours des années 1754-1755, un véritable plan de bataille en faveur des Parlements. L’attitude à suivre contre ce qu’il appelle les coups d’autorité des ministres, à l’instar de Hue de Miromesnil2135, est sans équivoque :
« J’avouerai toujours qu’il est un juste milieu entre la trop grande ardeur et la faiblesse et sans doute, comme le Parlement doit toujours tendre à ce milieu, il se trouve quelquefois des circonstances passagères où la prudence peut suggérer à la compagnie de ne pas suivre toute la rigueur des règles qu’elle a droit de tempérer dans les affaires publiques quoique ce pouvoir ne lui appartienne pas lors de la décision des procès »2136 !
64Il est quand même extraordinaire qu’un conseiller au Parlement de Paris tel que de Revol avoue ouvertement la possibilité pour le juge de ne pas exécuter les ordres de celui qui détient le pouvoir législatif et judiciaire. Cette attitude a un certain écho sur les magistrats de Metz en 17712137. Dès lors, cette position à la lisière de la légalité se retrouve dans l’investissement politique du corps national.
L’investissement politique du corps physique national
65Le chef de la nation est le roi au sens latin du terme. Néanmoins, le monarque en est à la fois uni et distingué. Il existe un « dualisme »2138 même si certains auteurs parlent à ce sujet « d’idiosyncrasie totalisante »2139. Ce double corps du roi paraît être à la fois une incarnation intemporelle et une figure terrestre momentanée2140. À la manière de Louis XIV, s’incarnant dans l’État en tant que rex pacificus sans pour autant être confondu avec lui2141, l’incarnation du monarque dans la nation suit le même chemin que « l’assimilation » étatique. Cette dualité se rencontre chez le baron de Biefield en 1760 lorsque celui-ci signale qu’il
« semble qu’il doive y avoir dans le monarque deux natures, la nature humaine et la nature royale. Il déploie la première lorsqu’il agit en particulier, il prend la seconde toutes les fois qu’il agit en chef de la nation »2142.
66Les Parlements de Rouen en 1763 et de Dijon en 1764 admettent cette théorie du double corps du roi2143. Le prince peut, selon le Parlement de Bordeaux en 1771, se transformer « en citoyen » afin d’établir une proximité entre lui et son peuple2144. La réalité de cette image connue permet le développement en parallèle d’une autre idée, celle d’un corps national qu’il faut prendre en considération. C’est encore une étape supplémentaire dans le façonnement de la nation.
67Même si le Parlement de Paris, dès 1725, opère un rapprochement entre « le corps politique de l’État » et « la santé du corps humain »2145, il faut attendre le milieu du siècle pour voir réapparaître une telle conception. Suivant de Lavie en 1754, sur un fondement bien sûr nobiliaire, la souveraineté, puissance absolue, perpétuelle et indépendante2146, « réside dans le corps de la nation »2147. Cependant, la nation, dont l’autre nom est le peuple2148, est un corps politique donnant tous ses pouvoirs sans aucune condition2149. Ainsi, c’est le « rex qui régit » cette communauté qui a abandonné tous ses pouvoirs2150. Le consentement des États n’est pas nécessaire du fait même de la souveraineté car « celui qui commande un conseil, veut entendre les raisons et les méditer ; cette démarche ne l’oblige pas à la suivre »2151. Ce n’est pas une attitude absolutiste que tient le magistrat de Lavie. Le roi n’est pas un monarque despote et sans limites : « Lorsqu’on sépare l’intérêt d’un roi de celui de ses sujets, on fait deux moitiés d’un fruit, qui se vivifiaient l’une par l’autre »2152. Le souverain garantit alors la santé de la nation puisqu’il en est le docteur avec naturellement l’aide des cours souveraines. Evidemment, la frontière est assez floue en ce qui concerne les pouvoirs respectifs de chacune des parties. On en a la réponse dans certains écrits judiciaires. En effet, ce parlementaire bordelais a eu une influence sur quelques remontrances dont celle de Besançon en 1765. Se référant expressément à de Lavie, les Bisontins veulent remédier aux « maladies du corps politique » grâce à leur intermédiaire2153. Toutefois, parler d’un corps physique, d’un être humain de chair et de sang, ouvre le débat à son comportement et garantit à celui-ci de ne pas sombrer, d’après le Paige, dans « une dangereuse fermentation »2154.
68En ce sens, la dialectique médicinale inspire beaucoup et sera d'ailleurs énormément reprise pendant la pré-Révolution. Selon un libelle aristocrate des années 1760,
« il en est de la patrie comme du corps humain ; tant que les divers membres concourent à la conservation et à la gloire du corps, il jouit de toute sa force, rien n’altère sa dignité. Si quelque membre refuse ou se révolte, il tend lui-même à sa destruction et le corps en est affaibli »2155.
69Ainsi, le corps politique se développe comme le corps humain, sujet aux maladies qu’il faut combattre2156. Selon le marquis de Mirabeau en 1757, être le chef de la nation ne veut pas dire que le roi « est le propriétaire de la nation, (…) il en est le conservateur et le directeur suprême »2157. C’est dans l’eurythmie organique que le monarque-âme doit mener sa nation-corps2158 et permettre une communication plus large entre toutes les parties du royaume surtout lorsque la patrie est à maturation physique. En effet,
« le corps politique a, comme le corps humain, ses dimensions et ses proportions. Jusqu’à un certain point de croissance, ce n’est point un homme, c’est un enfant ; de même, un État trop resserré n’est pas une monarchie, c’est une principauté. Un enfant a les mêmes organes qu’un homme et subsiste également par les mêmes rapports entre ces organes, mais il n’est pas à son point de force »2159.
70Le monarque, phare et directeur de sa nation, occupe naturellement la place du sommet de la pyramide sociétale loin de tout arbitraire. Les remontrances s’en font dans un premier temps l’écho. Il y a une liaison entre l’âme-roi et le corps2160 car « il n’est aucun corps dans l’État qui ne souhaite si ardemment voir [la fidélité] prospérer de plus en plus sur une tête aussi précieuse à toute la nation »2161. Ce thème augustinien par excellence nourrit la modernité d’un concept national vers la superposition de l’homme-âme à l’homme-corps. La vision n’est pourtant pas figée et immobile car l’organicisme touche indubitablement toutes les parties du corps. Le roi, tête de la nation, peut prendre la place du cœur selon l’abbé Barral en 1754. Il constate, en effet, qu’un « prince, à proprement parler, est dans un État ce que le cœur est à l’égard de toutes les parties du corps. Si le cœur est malade, tout le corps s’en ressent incontinent »2162. Si le caput correspond à la tête et à la raison, le cœur se situe, par contre, sur le référent affectif et passionnel touchant aux éléments patriotiques avec l’amour de son pays. Le myocarde irrigue les tissus et soutient la vie. La symbiose organique est alors totale entre la pensée et l’affectif du monarque. Le plus intéressant est que cette allégorie n’est pas complètement hermétique chez des juristes comme de Ferrière en 1755 pour qui « un roi est par rapport à son royaume, ce que le cœur est à l’égard du corps de l’homme »2163. D’ailleurs, le Parlement de Rouen en 1757 pense au prince lorsqu’il écrit que la « monarchie [est] attaquée jusque dans le cœur2164 ».
71Néanmoins, le corps humain sert à montrer que le monarque n’est pas un élément pouvant s’en distinguer sans aller à l’encontre de la viabilité d’une telle représentation. Selon d’Alès de Corbet en 1755, « le chef appartient au corps comme le reste des membres, et doit concourir avec eux, comme eux, et plus qu’eux au bien de tout le corps »2165. Les conséquences de cet agencement physique sont reprises par les magistrats bretons en 1772 pour qui « un royaume est un corps dont les sujets sont les membres ; quand les membres sont épuisés, quelles ressources peuvent-ils procurer au corps »2166 ? Le roi est le chef de la nation pour le salut du corps national selon Martin Morizot en 17722167 et les Maximes du droit public français la même année2168. Dès lors, le philosophe Georges Holland annonce en 1773 qu’une nation en corps combat les velléités éparses des particuliers, le roi y compris2169. En corollaire à cette idée politique fondamentale, le corps est toutefois l’enjeu d’un investissement institutionnel subjectif.
72Dès 1717, le Parlement de Paris se considère comme le « corps de tout le royaume »2170 et, de ce fait, certains magistrats veulent intégrer le corps du roi pour, à terme, avoir la possibilité de s’en séparer. À l’instar des juges parisiens en 17552171, les Toulousains s’autoproclament « le corps qui est seul l’image de la majesté royale » en 17602172. En 1768, les magistrats provençaux, à l’instar des Grenoblois seize ans plus tard2173, pensent que
« toute injure qui tend à punir le zèle des magistrats pour les lois du prince et pour la défense de ses droits retombe sur la personne même du souverain de qui ils tiennent leur pouvoir, magistratus pars corporis regis : leur dignité fait une portion de la sienne »2174.
73Les robins ne font que reprendre une idée importante véhiculée par le Judicium Francorum en 1730. En effet, à la différence de sa première version de 1652 affirmant que « la personne du roi est le corps de la royauté »2175, le Judicium indique qu’il « y a néanmoins une différence entre la personne du roi et la royauté »2176. En ce sens, un manuscrit anonyme des années 1750 pense que « le Parlement conserve en soi la dignité royale et si quelqu’un a à chercher sa majesté royale en quelque lieu, il ne peut la rencontrer qu’en cette compagnie »2177. Il y a une incontestable tentative d’incorporation de l’image fictive du monarque afin de couper court à la création royale univoque des officiers. Les magistrats sont un corps, ils l’ont assez répété mais ils veulent « infester » l’autre corps, celui de la superposition du caput regni afin non seulement de mieux le représenter mais aussi de mieux le dépasser. Ainsi, l’absolutiste Auguste-Pierre de Gomicourt refuse en 1754 que le souverain soit reconnu comme un « magistrat civil toujours retenu, toujours limité par [le] corps général de la nation »2178. D’ailleurs, l’abbé Capmartin de Chaupy a très bien assimilé tous les rouages de l’opération pour mieux les dénoncer :
« Le Parlement vous confond avec le monarque, et confond le monarque avec vous ; que cette qualité va jusqu’à vous incorporer au roi, et à vous rendre véritablement de son corps. En sorte que selon cette idée, il faudrait reconnaître en France non seulement des princes du sang du roi, mais encore des membres de son corps ; son corps même et encore plus son âme »2179.
74Pourtant, les juges ont bénéficié d’un renfort de choix avec Vattel. Le publiciste suisse a énormément influencé les parlementaires français sur les idées de constitution2180, d’un roi surpris2181 et sur le thème du corps national. Plus que Rousseau, qui voyait aussi en la souveraineté populaire une délégitimation totale de la monarchie, Vattel situait un juste milieu défavorable pour le roi entre la puissance de celui-ci et la nation. La nation est « un corps politique »2182, une personne morale2183, une société d’individus s’unissant pour leur bien commun2184. La nation possède une volonté unique dont l’origine de trouve dans « le résultat des volontés réunies des citoyens »2185. Devant se conserver2186, le corps de nation -ensemble élitiste reléguant la populace à sa plus stricte expression2187 -possède normalement le pouvoir législatif mais peut en confier l’exercice au prince2188. Ainsi, « le prince tient son autorité de la nation »2189. Les parlementaires ne vont pas jusqu’à dénier le pouvoir législatif au roi -en tout cas en théorie -mais sont très sensibles au raisonnement du Suisse quant au contrepoids nécessaire face à un monarque « sacré et inviolable »2190. Or, Louis XV ne l’entendait pas de cette oreille.
75Louis XIV, dans ses instructions au Duc de Bourgogne, affirmait que « la nation ne fait pas corps en France. Elle réside tout entière dans la personne du roi »2191. Même si une telle assertion peut être remise en cause scientifiquement, il n’en demeure pas moins la réalité de la symbiose. Ainsi, le discours de la séance de la flagellation du 3 mars 1766, dont la paternité doit être en partie attribuée au conseiller d’État Joly de Fleury2192, ne fait que confirmer officiellement la fusion. Poursuivant une idéologie constitutionnelle dont le xviième siècle avait permis de développer un rituel exprimant le thème d’une « royauté dynastique entrée sur son représentant physique »2193, ce lit de justice admet paradoxalement la modernité du concept de nation pouvant se détacher, a contrario, de la personne du monarque. Le 3 mars 1766, c’est en roi rétablissant sa vérité que Louis XV indique de ce fait « qu’il ne souffrira pas qu’il se forme dans [son] royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance (...) un corps imaginaire »2194. Dès lors, rappelant la théorie de l’absolutisme monarchique, le prince affirme, à travers une phrase qui peut raisonnablement être considérée comme l’une des plus importante du xviiième siècle, que
« l’ordre public tout entier émane de moi et les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’en mes mains »2195.
76La réponse absolutiste est donc sans appel. Selon Moreau en 1775,
« il est de l’essence de la monarchie française, que toute espèce de pouvoir réside sur la tête du roi seul, et qu’il n’y ait ni corps ni particuliers qui puissent se maintenir dans l’indépendance de son autorité »2196.
77Le rex caput regni est le résultat seulement d’une bienveillance traditionnelle entre le roi et ses sujets2197. Néanmoins, l’attaque est trop forte et trop poussée puisque la théorie des classes et la possibilité d’une « confédération » au sein de la monarchie continuent à exaspérer le roi.
§ 2 - La puissance juridique de la « confédération nationale »
78La théorie des classes, dont l’héritage de la Fronde est avéré2198, est une convenable machine de guerre contre le pouvoir royal2199. Réflexe défensif pour le Parlement de Rouen au xviiième siècle2200, attitude protectionniste sous la Révolution de 17892201, ce principe souscrivant à un Parlement de France qui ne formerait qu’une seule et même cour divisée en plusieurs classes, pourfend l’unité du corps monarchique. Le premier auteur à avoir le mieux explicité cette théorie au siècle des Lumières est sans nul doute le Paige en 1753. Selon lui,
« la juridiction du Parlement n’était bornée que par les limites mêmes du royaume. Il était la seule Cour de France, la seule Cour souveraine du roi. Tous les autres tribunaux, soit du roi, soit des pairs ou barons, y ressortissaient. Ce ressort au Parlement était considéré par nos rois comme une marque essentielle de souveraineté (…) Le Parlement était vraiment unico-universus »2202.
79Cette théorie est reprise le 27 novembre 1755 par les magistrats de Paris se référant à un discours du chancelier de l’Hôspital du 7 septembre 15602203. D’ailleurs, ce célèbre juriste n’est pas le seul à être pris en exemple, de Thou l’étant aussi par le Parlement de Bordeaux en 17602204. Dès lors, l’unité est recherchée à tout prix. Selon le magistrat bourguignon Joly de Bévy, comme son homologue toulousain Cantalauze de la Garde2205, anéantir l’union judiciaire, c’est détruire le gouvernement, l’autorité royale et les « droits de la nation »2206. Loin d’être fragmentée, la technique judiciaire envahit les arcanes de l’unité de commandement et se pose en réalité comme non seulement un élément indispensable mais aussi comme une alternative à de probables défaillances du monarque. Selon les juges toulousains en 1756, « tous les ordres du royaume n’ont qu’une âme, qu’un vœu, qu’un intérêt »2207. Le Parlement de Rouen parle en 1760 d’unité politique et juridique. En effet, employant un triptyque fondateur, il explique que
« l’unité, principe de force et de stabilité, présida à la formation de la monarchie française. Un même instant vit éclore trois éléments dont l’assemblage majestueux ne fait qu’un tout inséparable, un roi, une loi, un Parlement »2208.
80La Révolution française en changera les éléments. À l’image d’un tout indestructible et surtout par effet de miroir, les officiers s’emploient avec audace à dupliquer la métaphore royale. Selon le Parlement de Bordeaux en1760, il existe une identité de fonction car « par la constitution de l’État, il faut un corps intermédiaire entre le trône et le peuple (…) Ce corps ne peut être qu’un »2209. L’unité du Parlement s’établit par l’unité de l’État2210, de la constitution2211, de la loi2212. La sacralisation de l’unité se retrouve naturellement dans la théorie d’un seul Parlement. La division en classes -J. Egret et R. Bickart l’ont bien montré -est reprise par la majorité des Parlements2213.
81À travers le principe énoncé, trois arguments importants doivent être mis en exergue. Selon un manuscrit anonyme de 1757, l’organisation parlementaire doit suivre celle du clergé. En effet,
« le clergé, par exemple, compose un corps dans l’État. Chaque évêque est un magistrat de ce corps. Tous ces magistrats dans l’ordre hiérarchique pourraient se réunir quand ils leur plairaient, se communiquer leurs résolutions respectives et former entre eux, quoique physiquement dispersés, une intelligence, un accord, un concert de principes et de conduite qui équivaudrait aux déterminations d’une assemblée générale. Le clergé à comme vous des droits et des privilèges. Si vous avez le dépôt des lois, il a le dépôt sacré de la foi. Chacun de ses membres est aussi solidairement garant de ce dépôt que vous pouvez l’être du votre »2214.
82Une seconde explication opère une distinction entre le droit public et le droit privé. Autant le droit public prime sur le droit concernant les affaires particulières à l’occasion d’une suspension de la justice, autant la théorie des classes revient au droit privé réservé aux différentes cours souveraines et concernant les affaires courantes. Selon le Parlement de Bordeaux en 1760, le roi est législateur et juge. Dans la première fonction, le Parlement est responsable devant lui, Dieu et la nation du maintien du droit public, « essentiellement un, essentiellement indivisible, parce que l’intérêt commun ne peut être qu’un ». Néanmoins, dans la fonction de juge, les robins ont les mêmes responsabilités mais dans la distribution du droit privé, « essentiellement divisé par la différence des lois et des coutumes propres à chaque partie de l’État » d’où la division en classes. Ainsi, si l’on doit résumer, il y a la fonction de législation -une et de droit public -et la fonction judiciaire multiple et de droit privé2215. Les juges, habiles, jouent sur les deux tableaux. Dès lors, il y a en théorie une confusion entre la fonction judiciaire et la fonction législative car l’interaction est évidente comme dans le domaine administratif2216. Les Parlements locaux, qui traditionnellement ne se focalisaient que sur leur propre province, commençaient avec le conflit sur les sacrements et le problème du Grand Conseil à tourner les yeux en direction des affaires nationales. Enfin, la troisième explication, fondant l’union parlementaire, est donnée par le Paige en 1771 refusant les termes « d’unité » et de « classes » :
« Ainsi quand les lois seront en souffrance et les droits de la magistrature blessés, dans quelque partie du royaume que ce soit, tous les Parlements du royaume auront, pour recourir au roi et pour faire entendre le cri de leurs réclamations, le même intérêt et le même droit qu’ont toutes les Universités du royaume, qui ne sont point une, de se secourir mutuellement quand l’intérêt commun est attaqué dans l’une d’elles »2217.
83En effet, sous les coups de boutoir de la contre-attaque absolutiste et de l’attitude vacillante du Parlement de Paris, une autre explication de la théorie des classes voit le jour : celle de la solidarité contre toute forme de « confédération ». D’une part, les tenants de la monarchie absolue regrettent que « bientôt chaque membre de ces classes souveraines devient un individu sacré que la foudre ne peut plus atteindre »2218 car « où serait la tête et les membres d’un corps composé de parties qui n’auraient aucune autorité les unes sur les autres »2219 ? C’est la « confédération parlementaire, les têtes de l’hydre » qui sont rejetées2220. Ainsi, « une unité de fonctions, d’autorité, de prérogatives, ne donne pas une unité d’existence »2221. D’autre part, et sans parler de leur attitude divergente quant à la demande de réunion des États provinciaux2222, les magistrats parisiens, à propos de l’affaire de Bretagne en 1763, remettent en cause la théorie des classes en s’autoproclamant cour unique de justice2223. Le Parlement de Paris, couvrant un tiers du territoire, était enclin à plus parler d’intérêt national que d’intérêt provincial2224. Voyant l’effet désastreux d’une telle orientation, les juges parisiens font amende honorable dans un arrêté du 7 juin 1764 mais le mal est fait2225. Le dessein judiciaire, par manque quelquefois de cohérence, s’embourbe dans ses illogismes et ses dysfonctionnements. On relève ainsi dans un manuscrit de 1757 l’attitude ambiguë de ces officiers vis-à-vis de leurs homologues provinciaux. Une phrase très significative peut permettre de comprendre cet état de fait :
« Il [Parlement de Paris] vous regardait en un mot comme les enfants naturels d’un père dont il était le seul fils légitime (…) il a fait taire sa fierté et vous êtes devenus non seulement ses frères mais les membres d’un corps dont il est le chef »2226.
84Le principal défaut des robins est, dans une politique du pire, de ne pas s’engager jusqu’au bout de leur raisonnement. Vouloir l’unité et faire machine arrière lorsque les critiques dévoilent un tel projet ne peut que les décrédibiliser. Voici donc, encore une fois, les limites de l’attaque nobiliaire ne voulant pas complètement détruire le régime qui les a crée. En effet, les réponses parlementaires sont claires. Selon le Parlement de Grenoble en 1765,
« les classes du Parlement, lesquels ont une même autorité et souveraineté, que la division dudit Parlement devenue nécessaire pour l’administration de la justice à tous les sujets du Seigneur roi, ne saurait ébranler l’unité, ni altérer ce qui par essence est inaltérable »2227.
85La modernité nationale révolutionnaire ne pouvait pas s’épanouir dans ce schéma. Au contraire, celle-ci s’en est servie de marche-pied. En effet, le régime monarchique se trouve affaibli et présente en 1770 toutes les caractéristiques d’un système à l’aube d’une transformation irrémédiablement nationale. La théorie des classes n’est pas une confédération selon le Parlement de Rouen en 17702228. D’après le Paige, en 1771, « cette correspondance est celle de tous les corps, qui, sans être un, à proprement parler, sont analogue par leur nature, leurs fonctions, leurs droits »2229. Preuve de l’argumentation, un anonyme refuse en 1771 le terme de « confédération » pour celui de l’unité2230. L’erreur a été comprise par un autre opuscule pour qui le pluralisme de la nation France montre l’incohérence d’une telle théorie2231. En conclusion, l’union des classes n’est qu’un réflexe de défense2232 mais celle-ci a embarrassé la monarchie absolue et contribué au détachement du corps national.
86La nation ne peut se concevoir juridiquement que par la présence de mécanismes justifiant la défense de ses droits. Les cours souveraines ont eu en ce sens un rôle capital de par l’appel mythologique d’origines perdues dans la nuit des temps, de par l’édification d’un contrôle effectif de la monarchie pour le bien de la nation et du roi, de par la promotion d’une figure unie concurrençant le prince. Les parlementaires français ont une grande responsabilité dans la tentative de scission forcée du corps royal grâce au développement d’un autre corps unitaire. Seulement, leurs démonstrations étaient déficientes par les effets de la réforme Maupeou coupant court à l’assaut nobiliaire. La nation moderne a bénéficié des multiples brèches occasionnées par ces officiers de judicature. Toutefois, l’image d’un corps complètement externe au système organisationnel en place ne pouvait que faire déborder le vase de la contestation. Celui qui prépara le raz de marée national est Rousseau avec sa théorie du corps national.
§ 3 - Rousseau et l’avènement du corps national souverain
87Comme on l’a observé, le citoyen de Genève est à la pointe de la prise en compte de la nation par ses mœurs, son esprit, sa conscience, sa terre, son refus de tout cosmopolitisme niant le caractère exclusif propre à chaque peuple. Néanmoins, Rousseau est, au milieu du xviiième siècle, le véritable géniteur de la future nation moderne grâce au contrat social et à sa culpabilité dans « l’avènement de la république démocratique »2233. D’une manière liminaire, il est important de dire que l’auteur de ce contrat fait coïncider le « corps de l’État »2234, le « corps du peuple »2235, le « corps politique »2236 avec le « corps de nation »2237. Il ne faut voir dans cette synonymie, non pas la source d’une dichotomie souveraineté populaire-souveraineté nationale largement employée par l’historiographie constitutionnelle -celle de Carré de Malberg2238 -mais au contraire la concordance pratique d’une explication rationnelle et très proche de la polysémie ambiante au siècle des Lumières2239. La grande difficulté avec le Genevois est qu’il utilise, à l’instar d’une multitude d’auteurs, les différents sens du terme nation2240. Cependant, on peut légitimement affirmer que la nation est l’équivalent du peuple lorsqu’il s’agit du « corps ». Le corps véhicule l’idée d’une assemblée d’individus réunis afin d’atteindre le bien commun au sein du contrat social2241. Mais avant d’en expliquer les engrenages, il est important de parler d’une manière rapide de l’organicisme.
88Cette théorie sert de fil directeur à Rousseau dans le développement d’un corps, « être moral »2242, à travers la complexité du corps humain2243. Le Genevois a été probablement influencé par Buffon2244. Toutefois, le schéma d’un corps humain est utilisé exclusivement comme exemple par Rousseau et ne constitue à aucun moment un stade évolutif dans son raisonnement :
« Le corps politique, pris individuellement, peut être considéré comme un corps organisé, vivant et semblable à celui de l’homme. Le pouvoir souverain représente la tête ; les lois et les coutumes sont le cerveau, principe des nerfs et siège de l’entendement, de la volonté et des sens, dont les juges et magistrats sont les organes ; le commerce, l’industrie et l’agriculture, sont la bouche et l’estomac qui préparent la subsistance commune ; les finances publiques sont le sang (…) les citoyens sont le corps et les membres qui font mouvoir »2245.
89Le seul enseignement que l’on peut tirer de la métaphore est que le pouvoir législatif est supérieur au pouvoir exécutif2246. Ceci posé, l’originalité du citoyen de Genève se trouve dans un mécanisme ingénieux avec comme rouage essentiel la nation-peuple.
90La sacralisation de l’unité du corps politique national, engendrant par définition une seule volonté, s’épanouit largement chez Rousseau2247. Grâce au contrat, la multitude est l’objet d’une attention particulière car celle-ci a la capacité de se transformer et de se réunir en « corps » afin de se rendre indestructible2248. Il faut se rappeler que cette possibilité ne peut être honorée que lorsque le peuple est quasiment éduqué. En effet, « à l’instant que le peuple est légitimement assemblé en corps souverain, toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance exécutive est suspendue »2249. Evidemment se pose très vite la question de la souveraineté : la réponse est également rapide car le corps politique national est souverain2250. Cette souveraineté populaire, nationale, n’est que « l’exercice de la volonté générale »2251 comme fondement de la viabilité du peuple2252. En pratique, « la volonté du peuple ou la volonté souveraine, laquelle est générale »2253 n’est effective qu’à travers le prisme du corps, qu’à travers le souverain collectif2254. En définitive, Rousseau arrive à la conclusion que « la puissance législative appartient au peuple et ne peut appartenir qu’à lui »2255. Ici se trouve le point de séparation entre les théories du Genevois et l’école du droit naturel2256. En effet, la source de tout pouvoir appartenant au peuple, à la nation, à l’État2257, relègue normalement le roi dans une situation de corps intermédiaire2258 en opposition au corps titulaire de la souveraineté : « On sépare trop deux choses inséparables, savoir le corps qui gouverne et le corps qui est gouverné.
91Ces deux corps n’en font qu’un par l’institution primitive »2259. L’ancienne unité royale-nationale est complètement évacuée et dépassée par un nouveau titulaire : la nation. Jadis, le prince devait s’occuper de ses peuples et pourvoir à leurs besoins désormais le corps de la nation postule la « conservation » de tous ses membres2260. Le corps monarchique est déstructuré avec un roi ramené à un simple élément du contrat. La monarchie absolue de droit divin est complètement niée2261 et se substitue à elle un autre absolutisme, celui du peuple-nation2262.
« Tel est en effet le véritable caractère de l’état civil ; un peuple est un peuple indépendamment de son chef, et si le prince vient à périr, il existe encore entre les sujets des liens qui les maintiennent en corps de nation »2263.
92Le système rousseauiste censure l’apanage d’un seul homme pour le bien national et propulse le thème des hommes en corps pour le bien de tous puisque « ce sont les hommes qui font l’État »2264. La voie est désormais ouverte pour le développement de la nation moderne après la réforme Maupeou.
93L’érosion irrémédiable du couple roi-nation s’est accélérée, à partir du milieu du xviiième siècle, à cause de la frénésie et de la ténacité d’officiers de justice, oubliant ou feignant d’oublier leurs origines. Très à l’aise dans le maniement des remontrances comme armes politiques, les juges ont, grâce aussi à l’apport fondamental de le Paige, redécouvert et mis à jour un droit public à leur mesure, déniant « constitutionnellement » le pouvoir au roi. Ils ont détaché la nation de son socle habituel grâce à sa nette instrumentalisation. Pourtant, aussi incisives soient-elles, ces théories ont été dépassées par une pensée philosophique beaucoup plus radicale, dont Rousseau est un des plus importants archétypes, permettant le basculement vers la nation moderne.
***
94Le règne de Louis XV, par de nombreux aspects, a vu se construire une double opposition. La critique parlementaire, avec un soubassement janséniste évident, était à l’affût de toutes faiblesses venant du sommet de la nation. Même si les « droits de la nation » ont été perçus en 1717 comme un premier coup de semonce, la conjoncture et l’éventualité d’une vacance du trône n’ont pas permis d’assister à la transformation juridique de l’union nationale face à l’unité royale-nationale traditionnelle. Cette évolution institutionnelle interne à la France ne reste pourtant pas lettre morte car une deuxième salve dans les années 1730 fait appel à l’image de l’Église chrétienne transposant sa vérité organisationnelle à un régime qui tient toujours à un Dieu comme source de tout pouvoir. La première partie du xviiième siècle voit alors un monarque se battre contre le déferlement « d’idées nouvelles ». Le droit naturel fait partie de ce mouvement et désagrège encore un peu, par le thème du consentement, le principe de la volonté royale univoque. Les magistrats, nourris par ces théories, en ont inscrit officiellement toutes les potentialités dans leurs remontrances toujours plus développées, toujours plus argumentées jusqu’à se croire habilités à parler au nom d’une nation éparse et normalement sujette2265. Malgré le doute légitime que l’on peut évoquer sur la partialité et la sincérité des juges et nonobstant quelques contresens idéologiques, ceux-ci ont réussi à véhiculer en l’espace d’un quart de siècle -1750-1774 -une théorie rationnelle d’une unité nationale à même de concurrencer l’autre unité : le roi. Par une double opération politique et juridique, les juges se sont fait tout d’abord les protecteurs, les exemples, les conducteurs, les médiateurs, les représentants des peuples contre un monarque traditionnellement bienfaiteur. D’une fiction juridico-politique de la liaison États généraux-Parlement martelée sans cesse, les nobles de robe se sont rendus compte aussi qu’ils étaient avant tout juristes. À travers une méthode assez concise, ceux-ci occupent une place importante dans ce que l’on peut désormais appeler « le droit constitutionnel national ». Qui plus est, la logique de l’attaque ne pouvait être achevée sans le développement d’une rhétorique unitaire envers le corps du roi, non séparé jusqu’alors de la nation. La tête pensante n’est plus tout à fait le monarque, ce sont virtuellement les magistrats tout simplement parce que celui-ci doit avoir « l’heureuse impuissance » de toucher aux droits de la nation et qu’en retour doit exister un ensemble capable de contenir tout débordement. La réforme Maupeou met fin à ces théories mais d’autres avaient déjà pris en parallèle le relais.
95En effet, la critique philosophique a contribué à l’affaiblissement de la liaison naturelle entre le prince et la nation. Progressivement, le terme de nation a acquis un contenu politique et polémique. Il a été l’objet d’un investissement idéologique entraînant l’affrontement de deux conceptions : une acception traditionnelle roi-nation, l’autre, moderne -mais minoritaire pendant la première moitié du siècle -qui fait de la nation une entité indépendante de la monarchie. C’est cette conception qui après 1774 minera l’Ancien Régime. La responsabilité d’une telle orientation en revient évidemment à la philosophie en général promouvant la prise en compte du caractère, du sentiment, des « droits » et devoirs du peuple de France et à Rousseau en particulier. Le citoyen de Genève a été le promoteur d’une théorie fondamentale et alternative par l’édition d’un corps national souverain. Autant de La vie ou Vattel raisonnaient dans le cadre d’un régime existant, autant le Genevois, de par sa théorie originale et originelle, renouvelle le système politique et le dirige volontiers vers la nation lato et stricto sensu. Tel un sablier, le schéma politique s’est inversé. L’œuvre de Rousseau sera utilisé par un nouveau discours déniant toute représentativité aux officiers qui s’étaient appliqués en vain à dénaturer le régime qui les avait crée : là est l’ironie et surtout la chance de la genèse de la modernité nationale.
Notes de bas de page
1774 Critique du palais moderne par un docteur de Sorbonne, vox populi, vox Dei, Marly-Parnasse, février 1772, BN Lb38 1276 pp. 7-8.
1775 M. Antoine « Sens et portée des réformes du chancelier de Maupeou », RH, 1992, n° 583, p. 58.
1776 R. Mousnier, Les institutions de la France, t. 2, op. cit., pp. 619-626.
1777 S. Maza, Vies privées, affaires publiques, traduit de l’anglais par C. Beslon et P.-E. Dauzat, Paris, Fayard, 1997, p. 48 ; M. Wagner, « Parlements », Handbuch politisch sozialer Grundbegriffe in Frankreich 1680-1820, heft 10, Munich, O. Verlag, 1986, p. 70. On parle de « Maupeou-Dieu », (F.-M. Pidansat de Mairobert, Bouquet de Monseigneur. Epître dédicatoire à Monseigneur René Nicolas Charles Augustin de Maupeou, chancelier de France, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 4, op. cit., p. 21).
1778 Cette réforme créa six Conseils Supérieurs à Arras, Clermont-Ferrand, Blois, Lyon, Châlonssur-Marne, Poitiers. En ce qui concerne les Poitevins, ceux-ci, se souvenant très bien d’un Parlement dans leur ville entre 1418 et 1436, acceptent volontiers un tel conseil, (J.-M. Augustin, « Les Grands Jours de Poitiers… ou le Parlement chimérique », Les Parlements de province, op. cit., pp. 101-102). Cf. J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., pp. 182 et s.
1779 R.-N. de Maupeou, Mémoire, in J. Flammermont, Le chancelier Maupeou, op. cit., p. 610.
1780 Ibid., p. 644.
1781 Toutefois, à rebours d’un lieu commun, le Parlement de Paris exilé à Pontoise en 1720 continua d’une manière routinière son activité judiciaire même si celle-ci était ralentie par le système des vacations et le peu d’avocats présents, (I. Brancourt, « L’activité judiciaire du Parlement à Pontoise en 1652 et 1720 », Histoire et Archives, juillet-décembre 2002, n° 12, pp. 207-208).
1782 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., pp. 158-162.
1783 R. Bickart, Les Parlements, op. cit., pp. 53-54.
1784 Remontrances du 8 janvier 1761 du Parlement de Rouen, BN Lb38 867 p. 15.
1785 Troisième recueil de diverses pièces de différents Parlements du royaume sur l’état actuel du Parlement de Paris, s.l., 1771, p. 8. « Suivant les lois et ordonnances du royaume, aucun magistrat ne peut être légalement destitué de son office s’il n’est vacant par mort, résignation ou forfaiture compétemment jugé ; que cette loi vraiment nationale a toujours été si religieusement observée », (extrait des délibérations du 31 août 1771 du Parlement de Toulouse, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2295 f° 91).
1786 P.-P. le Mercier de la Rivière, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, op. cit., p. 87.
1787 « Il est nécessaire que vous soyez averti lorsque votre volonté cesse de concourir avec le vœu de la nation ; le point de communication entre vous et elle ne peut être que dans ces corps de magistrature qui sans passion, comme la loi dont ils sont dépositaires, n’espèrent ni ne craignent », (lettre au roi du 26 février 1771 du Parlement de Rouen, BN Lb38 1119 p. 7).
1788 « Des lois sages sont le plus grand bienfait que les peuples puissent recevoir de leurs souverains (…) si parmi ces lois, il en est une dont dépend la stabilité des autres ; si cette loi se trouve violemment attaquée ; si alors le souverain fait usage de son pouvoir pour la venger des coups qu’on aura voulu lui porter ; ce prince aura fait lui seul pour le bonheur de ses sujets autant que les différents législateurs qui l’ont précédé. Tel est Sire, l’ouvrage ; tel est le bienfait que vous avez répandu sur la nation soumise à votre empire ! Vous avez assuré la stabilité des lois en confirmant la stabilité des magistrats qui en sont les dépositaires, en maintenant la loi qui prononce l’inamovibilité », (remontrances du 23 juin 1775 du Parlement de Besançon, ADD série B 2844 pièce 4 f° 1-1 v°). Selon A. Vergne, les cours souveraines ont étendu le nombre des lois fondamentales avec entre autre l’inamovibilité des magistrats et l’organisation de la justice, (La notion de constitution, op. cit., pp. 143-144).
1789 « Qu’il est en effet de l’essence de toute constitution monarchique et despotique, que les peuples ne soient pas jugés par le prince seul, parce qu’ayant déjà de droit en ses mains toutes les forces du gouvernement. Il lui serait facile d’en abuser, pour faire plier les lois sous sa volonté égarée ou surprise (…) Qu’en conséquence l’existence d’un corps de magistrats qui rendent la justice aux peuples sous l’autorité du roi, en son nom, et selon des lois nationales dont le dépôt inviolable leur soit confié, entre essentiellement dans la constitution monarchique française. Que ce corps doit être stable comme la loi », (L.-A. le Paige, Notes, s.l., 1771, BPR Lp 569 pièce 211 f° 1).
1790 Très humbles et très respectueuses remontrances d’un citoyen aux Parlements de France, A Leipsick, 1771, p. 5
1791 P. Bouquet, Lettres provinciales, op. cit., p. 8.
1792 Ibid., p. 170. De plus, « le droit public [national] est-il susceptible de modifications et changements ? (...) Cette question n’intéresse ni la succession au trône ni la législation », (ibid., p. 166).
1793 J.-M. Goulemot, Le règne de l’histoire, discours historiques et révolutions, xviième-xviiième siècle, Paris, A. Michel, 1998, p. 353 ; A. Burguière, « L’historiographie des origines de la France », op. cit., pp. 48-50 ; J. Maury de Saint-Victor, Droits historiques, t. 1, op. cit et plus récemment C. Nicolet, La fabrique d’une nation : la France entre Rome et les Germains, Paris, Perrin, 2003, pp. 56-96.
1794 Cf. C. Cheminade, « La querelle Freret-Vertot (1714) et le débat sur les origines de la monarchie française », Mélanges Pierre Braun, anthropologies juridiques, Cahiers de l’Institut d’Anthropologie Juridique, Limoges, PUL, 1998, pp. 172-176.
1795 A. Lombard, L’abbé Dubos, un initiateur de la pensée moderne, Paris, Hachette, 1913, p. 420.
1796 D. Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime. J.-N. Moreau, Paris, Nizet, 1979, p. 182. En effet, Moreau disait : « Si nos ancêtres apportèrent avec eux quelques usages barbares, la raison, l’humanité, les bonnes lois leur vinrent des sages institutions de ce peuple roi qui avait si longtemps gouverné la moitié de l’univers connu », (Leçons de morale, de politique et de droit public, Versailles, Imprimerie du Département des Affaires Etrangères, 1773, p. 32).
1797 C. Grell, Le dix-huitième siècle et l’Antiquité en France, 1680-1789, Oxford, Voltaire Foundation, 1995, p. 1129 et « Gaulois, Romains et Germains : l’héritage des Lumières », L’histoire de la Gaule et le nationalisme français, actes du colloque Camille Jullian, Lyon, PUL, 1991, p. 22.
1798 A. Grenier, Les Gaulois, Paris, Payot, 1970, p. 19.
1799 R. Mas, « Recherches sur les Gaulois et le sentiment national en France au xviiième siècle », Pratiques et concepts de l’histoire en Europe, xvième-xviiième siècle, actes du colloque tenu en Sorbonne des 22-23 mai 1989, textes réunis par C. Grell et J.-M. Dufays, Paris, PUPS, 1990, pp. 175, 199 ; A. Simon, Vercingétorix et l’idéologie française, Paris, Imago, 1989, p. 19 ; B. Grosperrin, La représentation de l’histoire de France, t. 1, op. cit., pp. 210-212.
1800 H. Duranton, « Nos ancêtres les Gaulois, genèse et avatar d’un cliché historique », Cahiers d’Histoire, 1969, t. 14, n° 1, p. 343.
1801 Cf. Dordelu du Fays, Observations historiques sur la nation gauloise, Paris, Griffarts Fils, 1746, pp. IX, 1, 102.
1802 Montesquieu ignorera volontairement l’élan gallocentrique de la première moitié du xviiième siècle et refusera d’entrer dans la polémique historique faisant preuve alors d’une « modernité d’esprit », (J. Ehrard, « Montesquieu et les Gaulois », Cahiers de l’Association Internationale des Études Française, mai 1983, n° 35, pp. 254-255, 257-258, 291).
1803 H. Duranton, « Nos ancêtres, les Gaulois », op. cit., p. 354 ; C. Grell, « Gaulois, Romains et Germains », op. cit., pp. 19-21.
1804 A. Jouanna, L’idée de race au xvième siècle, t. 1, op. cit., p. 287.
1805 Cette légende remontant au viième siècle et apparaissant pour la première fois dans la chronique de Frégédaire, avait au xvième siècle des défenseurs tels que Lemaire de Belges, Talepied et des contradicteurs comme du Haillan et Jean de Serres. En effet, revendiquer « les mêmes ancêtres que l’Empire romain permettait aux rois de France de se présenter comme les héritiers des césars et d’en revendiquer la puissance absolue », (C. Beaune, Naissance de la nation France, op. cit., pp. 38-54). La légende, qui n’avait rien de démocratique, affirmait que les Francs étaient de cette origine. Dès lors, les Francs sont des Troyens comme l’étaient les Romains car, avec la chronique de Frégédaire, Troie ayant été détruite et le roi Priam étant mort, il y eut une double descendance. D’un côté Enée, roi du Latium pour la partie romaine et de l’autre Friga, pour la partie « phrygienne » et franque avec leur chef qui s’appelait Francion. Mais il ne faut pas oublier qu’il y eut un deuxième récit remontant au viiième siècle dans le Liber historiae Francorum où l’on observe l’histoire d’une migration d’un groupe de Troyens en Pannonie. Devenant des mercenaires de l’empereur Valentinien qui les nomme les « Francos id est feros » -des féroces -ceux-ci abandonnent la Pannonie et iront s’installer sur la rive droite du Rhin avec leur roi Pharamond qui conquerra la Gaule.
1806 M.-B. Bruguière, « Mythes de fondation et mission de la France : la légende troyenne », L’influence de l’Antiquité sur la pensée politique européenne, xvième-xxème siècle, Aix, PUAM, 1996, p. 67.
1807 F. Furet et M. Ozouf, « Deux légitimations historiques de la société française au 18ème siècle : Mably et Boulainvilliers », AESC, mai-juin 1979, n° 3, p. 445 ; P. Ourliac, « Montesquieu historien de la féodalité », Mélanges Pierre Vellas, Paris, Pedone, 1995, pp. 437-449.
1808 Le sentiment national dans l’Europe moderne, actes du colloque de l’AHMU de 1990, Bulletin 15, Paris, PUPS, 1991, p. 61.
1809 O. Tholozan, Boulainvilliers, op. cit., pp. 83 et s.
1810 C. Cheminade, « Deux stratégies de la légitimation monarchique dans l’historiographie classique : la continuité et le contournement », Pouvoirs, justice et société, in Cahiers de l’Institut d’Anthropologie Juridique n° 4, 2000, pp. 253-254.
1811 L’exemple de Boulainvilliers est significatif car il faut également « évoquer les raisons et les conséquences de la remise en cause de l’ancienne prédominance de la noblesse sur les roturiers » plus que de discuter sur les caractères du régime politique, (E. Richard, « Le rôle des États généraux selon Boulainvilliers : entre nostalgie du passé et adaptation au présent », RRJ, 1995-1, pp. 342-343).
1812 C. Beaune, « Le rêve du roi fondateur dans l’histoire de France », Genèse de l’État moderne en Méditerranée, actes des tables rondes des 18-19 mars 1988, Ecole Française de Rome, Paris, 1988, p. 28.
1813 F. Saint-Bonnet, « Remarques sur les arguments historiques dans les débats constitutionnels français, (xvième-xviiième siècle) », Droits, 2003, n° 38, p. 143.
1814 F. Saint-Bonnet, « Un droit constitutionnel avant le droit constitutionnel ? », Droits, 2001, n° 32, p. 19.
1815 F. Saint-Bonnet, « Le Parlement, juge constitutionnel », op. cit., pp. 190, 192, 194 ; A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., pp. 460 et s. ; J.-L. Mestre, « L’évocation d’un contrôle de constitutionnalité », op. cit., pp. 25 et s. ; W. Schmale, « Les Parlements et le terme de constitution », op. cit., p. 422 ; M.-F. Renoux-Zagamé, Du droit de Dieu au droit de l’Homme, op. cit., pp. 233 et s.
1816 Remontrances du 9 juillet 1768 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 1551 p. 12.
1817 M. Antoine, Louis XV, op. cit., p. 570.
1818 J. Krynen, « Une assimilation fondamentale, le Parlement sénat de France », À Ennio Cortese, t. 2, textes recueillis par D. Maffei, Rome, Editions Il Cigno, 2001, pp. 208-223.
1819 Les livres qui concernent ou traitent de l’Antiquité au xviiième siècle sont très importants en nombre, (cf. J. Bouineau, Les toges du pouvoir ou la révolution de droit antique, 1789-1799, Toulouse, Eché, 1986, pp. 15-20).
1820 M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence, Paris, A. Michel, 1994, p. 443.
1821 Cf. l’introduction d’Antoine Leca sur l’ouvrage Franco-Gallia de François Hotman, Aix, PUAM, 1991.
1822 J. Bodin, Les six livres de la république, liv. III, chap. 1, op. cit., pp. 251-273.
1823 E. Pasquier, Les œuvres d’Estienne Pasquier contenant ses recherches de la France, t. 1, liv. II, chap. 6, Amsterdam, Compagnies des Libraires Associés, 1723, p. 82.
1824 J. Krynen, « Une assimilation fondamentale, le Parlement sénat de France », op. cit., p. 208.
1825 H.-F. d’Aguesseau, Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 212 et t. 5, op. cit., p. 2.
1826 « Les sénateurs français jusqu’au trône des arts, dédaignèrent longtemps de porter leurs regards, des siècles entassés dans leur course rapide, engloutissaient à peine un préjugé stupide. De la sagesse enfin le flambeau nous a lui, Louis-Auguste règne et régnant à lui, près de l’humanité que son cœur déifie, Themis s’assied au char de la philosophie », (C.-E. de Pastoret, Discours en vers sur l’union qui doit régner entre la magistrature, la philosophie et les lettres, Paris, Jombert, 1783, pp. 5-6).
1827 J.-P. Jurmand, « L’évolution du terme de sénat au xvième siècle », La monarchie absolutiste et l’histoire de France, théories du pouvoir, propagandes et mythologies nationales, actes du colloque de la Sorbonne des 26-27 mai 1986, Paris, PUPS, 1987, p. 55.
1828 F. de Maraimberg, Mémoire sur les Sieurs Samson curé d’Olivet.., op. cit., pp. 1-2.
1829 « On a prétendu que par ce titre de sénat de la nation, le mémoire faisait entendre que le Parlement tenait son pouvoir de la nation et non du roi. Mais, quand ces expressions, sénat de la nation, ne seraient pas expliquées par ce qui suit, il serait toujours évident qu’elles ne présentent d’autre idée que celle d’un tribunal dont l’autorité s’étend sur toute la nation, et par conséquent sur le clergé, comme sur tous les autres ordres du royaume ; idée bien opposée à celle qu’on s’efforce de lui substituer, d’un tribunal établi par la nation même (…) Partout on voit le Parlement appelé la Cour de France, Curia Francia ; il n’y a point de différence entre la Cour de France et le sénat de la nation ; toutes ces expressions sont donc innocentes, on les a trouvées autorisées par les rois qui n’ont pas prétendu par là se dégrader, et répandues dans tous les ouvrages où les avocats doivent puiser les connaissances nécessaires à leur profession. Il est donc impossible de les regarder comme suspectes en elles-mêmes, à plus forte raison quand elles sont expliquées par ces termes, pour rendre au nom du roi la justice qu’il doit à ses sujets à la place de Dieu », (Requête de MM. les avocats du Parlement de Paris, op. cit., pp. 4, 5).
1830 « Ainsi voilà une nouvelle distinction qui borne l’autorité royale et qui la met au-dessous de celle des tribunaux, le Parlement devenant par là le véritable sénat national », (R.-L. d'Argenson, Journal, t. 8, op. cit., p. 91).
1831 « J’avais finement fait sentir au roi, qu’il était bien plus facile de les soumettre à l’obéissance à toutes ses volontés lorsqu’elles ne feraient plus chacune qu’un corps distinct et particulier, que réunies, et formant comme une espèce de sénat, corps incorruptible avec la monarchie », (J.-M. Augeard, Correspondance secrète et familière de M. de Maupeou, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 3, op. cit., pp. 135-136 et Maupeouana ou correspondance secrète et familière du chancelier Maupeou avec son cœur Sorhouet, t. 1, s.l., Imprimerie à la Chancellerie, 1773, pp. 40-41).
1832 J.-B. Gaultier, Lettre à un ami où l’on réfute les cinq lettres sur les remontrances du Parlement, s.l., 3 janvier 1754, BN Ld4 2565 p. 75.
1833 L.-A. le Paige, Lettre apologétique critique, op. cit., p. 9.
1834 L.-P. Joly de Bévy, Le Parlement outragé, s.l.n.d., p. 3.
1835 Journal des opérations du Parlement de Normandie, op. cit., pp. 50-51.
1836 Ibid., p. 149.
1837 « Cette loi primitive, qui n’admet comme loi obligatoire pour les sujets que celle qui a été délibérée et reçue dans le sénat de la nation (...) Pour anéantir ces lois vivantes, il faut exterminer la nation », (J.-B. Darigrand, Epître au Parlement de France, op. cit., p. 23).
1838 « Nous ne rappellerons point ici les monuments des premiers âges de la monarchie : vous savez, Sire, dans quelle plénitude, avec quelle solennité s’exerçait autrefois le droit qu’a le Parlement, comme vrai sénat du royaume, de délibérer sur les édits et ordonnances, qui par sa délibération y prennent leur dernière forme et autorité, quand elles y sont publiées et enregistrées », (remontrances du 27 novembre 1755 du Parlement de Paris, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 70).
1839 « Tel était déjà l’usage invariable du Sénat de Rome et tel est encore maintenant l’usage universel de toutes les compagnies », (remontrances du 1er avril 1757 du Parlement de Besançon, ADD série B 2841 pièce 4 f° 2).
1840 Les peuples « voient avec saisissement un sénat entier, objet de la vénération et de la confiance de tous les ordres d’une grande province, tiré du sanctuaire de la justice, et du sein de sa patrie, transporté loin de son ressort », (remontrances du 19 janvier 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 946 p. 6).
1841 Remontrances du Parlement de Provence au roi du 18 février 1771, s.l.n.d., pp. 2-3, 5.
1842 Procès-verbal du 2 décembre 1774 du Parlement de Douai, BN Lb39 147 p. 7.
1843 C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Les maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., pp. 128-131.
1844 Code des Parlements ou collection d’édits, déclarations, lettres patentes et arrêts donnés sur la réformation de la justice, depuis décembre 1770 jusque et compris décembre 1771, Paris, 1772, BPR Lp 801 p. 36.
1845 « Cette conduite du roi de Suède en parallèle avec celle du roi de France, tous deux disait-on, ont voulu s’affranchir des entraves que leur imposaient leurs Parlements et leur Sénat et dans le premier moment on ne balançait point à faire une odieuse comparaison entre le Sénat de Stockholm et le Parlement de Paris, c’étaient, disait-on, deux corps aristocratiques qui avaient voulu s’emparer de l’autorité et mettre leurs rois en tutelle », (P.-E. Regnaud, Histoire des événements arrivés en France, t. 2, op. cit., f°10).
1846 « Par là il se trouve aussi ancien que la Couronne, il est né avec l’État : aussi ne trouve-t-on point de lettres de son institution, parce qu’il est la représentation de la monarchie tout entière », (Judicium Francorum, op. cit., p. 8).
1847 « Nous devons, Sire, à la prospérité des armes du feu roi, la confirmation de ce Parlement, dont l’institution primitive remonte à des temps beaucoup plus éloignés de ce qui nous reste de documents sur l’ancienne constitution de cette compagnie », (remontrances du 7 octobre 1739 du Parlement de Besançon, ADD série B 2840 pièce 14 f° 1 v°).
1848 J. Maury de Saint-Victor, Droits historiques, t. 1, op. cit., p. 66.
1849 M. Cantalauze de la Garde, Dissertation, op. cit., p. 127.
1850 Réflexions générales sur le système projeté par le maire du palais, op. cit., p. 66.
1851 Juste idée de l’affaire du Parlement séant à Besançon, Besançon, 1761, BN Lb38 861 p. 8.
1852 Remontrances des 27 novembre 1755 et 18 septembre 1759 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 26, 255).
1853 Remontrances du 25 novembre 1761 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 20 f° 3).
1854 Extrait des délibérations du 31 août 1771 du Parlement de Toulouse, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2295 f° 89.
1855 B. Grosperrin, La représentation de l’histoire de France, t. 1, op. cit., pp. 402-405.
1856 J. Krynen, « La représentation politique dans l’ancienne France », op. cit., p. 34 ; R. Chartier et D. Richet, Représentation et vouloir politiques autour des États généraux de 1614, Paris, EHESS, 1982, p. 11 ; H. Rolland, L’organisation corporative à la veille de la Révolution française, Paris, Librairie Technique et Economique, 1938, pp. 205-206 ; F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions, t. 2, op. cit., p. 573 et A. Jouanna, Dictionnaire de l’Ancien Régime, v°» États généraux », op. cit., pp. 512-513.
1857 E. Lalou, « Les assemblées générales sous Philippe le Bel », Recherches sur les États généraux et les États provinciaux de la France médiévale, actes du 110ème Congrès National des Sociétés Savantes, Paris, CTHS, 1986, p. 7 ; Callery, « Histoire de l’origine des pouvoirs et des attributions des États généraux », RQH, janvier 1881 ; R. Villers, « Réflexions sur les premiers États généraux de France au début du xivème siècle », Parliaments, Estates and Representation, t. 4, 1984, n° 2, pp. 93-97.
1858 F. Dumont, « Les assemblées capétiennes », Mélanges Pierre Tisset, SHDE, 1970, fasc. n° 7, p. 180 ; J.-F. Lemarignier, La France médiévale, Paris, A. Colin, 2000, pp. 270, 330 ; Fr. Olivier-Martin, Cours d’histoire du droit public, DES, [1948-1949], Paris, Les Cours du Droit, 1949, p. 44 ; R. Mousnier, « Réflexions critiques sur la notion d’absolutisme », op. cit., p. 5.
1859 « Mais vers la fin de la seconde race, les Parlements généraux étant réduits, comme on l’a déjà dit, aux seuls barons ou vassaux immédiats de la Couronne, aux grands prélats et autres personnes choisies parmi les clercs et les nobles, qui étaient les mêmes personnes dont était composée la Cour du roi : ces deux assemblées furent insensiblement confondues ensemble, et ne firent plus qu’une seule et même assemblée, qu’on appelait la Cour du roi ou le Conseil, où l’on porta depuis ce temps toutes les affaires qui se portaient auparavant, tant aux assemblées générales de la nation, qu’à la Cour du roi », (Encyclopédie, v°» Parlement de Paris », t. 12, [1765], op. cit., p. 1).
1860 Cf. J. Egret, « L’opposition aristocratique en France au xviiième siècle », L’Information Historique, 1949, n° 5, p. 182. ; M. Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux xviième et xviiième siècles, Paris, Picard, 1968, p. 422 ; Fr. Olivier-Martin, Les lois du roi, op. cit., pp. 357-358 ; F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions, t. 2, op. cit., p. 506.
1861 F. de Paule de Lagarde, Traité historique de la souveraineté du roi et des droits en dépendants, Paris, 1754. Il rappelle que les Parlements de la seconde race étaient des assemblées de la nation alors que ceux de la troisième race n’étaient que de simples cours de justice. Il rappelle d’ailleurs en ce sens la doctrine royale et les arrêts du Conseil de Louis XIII : 28 mars 1615, 23 mai 1615 et la déclaration de mars 1641.
1862 C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit, v°» Parlement », v°» Parlement de Paris », t. 2, op. cit., pp. 433-434, 436.
1863 C. Maire, « L’Église et la nation », op. cit., p. 1193.
1864 Cf. I. Storez, Le chancelier H.-F. d’Aguesseau, (1668-1751). Monarchiste et libéral, Paris, Publisud, 1996, pp. 394-397
1865 Judicium Francorum, op. cit., p. 1.
1866 Ibid., p. 2.
1867 Ibid., p. 3.
1868 B.-G. Rolland d’Ecreville, Lettre à M. l’abbé Velly sur les tomes III et IV de son histoire de France au sujet de l’autorité des États et du droit de vérifier les édits, déclarations, s.l.n.d. BPR Lp 534 pièce 21 p. 3.
1869 L.-A. le Paige, Lettres historiques sur les fonctions essentielles du Parlement, t. 1, op. cit., p. 56.
1870 L.-A. le Paige, Lettre dans laquelle on examine s’il est vrai que la doctrine de l’État, op. cit., p. 43. Il ajoute « en un mot, comme c’était autrefois la nation entière qui composait ce tribunal auguste, ce sont encore tous les grands de la nation, tous ses princes, tous ses pairs et ses premiers sénateurs qui le composent », (ibid., p. 47). Cf. ses Lettres historiques sur les fonctions essentielles du Parlement, t. 1, op. cit., p. 73.
1871 « Lorsque le Parlement est devenu sédentaire, il est demeuré ce qu’il était auparavant, composé des mêmes personnes qui l’avaient formé jusque là : des barons, des prélats et des sénateurs. Au lieu de suivre la personne des rois, il séjournait invariablement à Paris, c’est tout le changement qui s’est fait dans sa forme », (L.-A. le Paige, Lettres historiques sur les fonctions essentielles, t. 1, op. cit., p. 313).
1872 Lettres sur l’autorité du roi, du Conseil d’État et du chancelier de France, et la dépendance des Parlements à leur égard, s.l., 1754, BN Ld4 2578 p. 30.
1873 Objets de remontrances du 20 juin 1761 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 873 pp. 2728 ; arrêté du 4 mars 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1130 p. 4 ; remontrances du 11 mars 1771 du Parlement de Besançon, (F. Prost, Les remontrances, op. cit., p. 164) ; remontrances du 30 avril 1776 du Parlement de Toulouse, (AN O1 352 pièce 442 f° 1 v°). Cf. R. Bickart, Les Parlements, op. cit., pp. 250 et s.
1874 F.-M. Voltaire, Histoire du Parlement de Paris, 5ème édition, s.l., 1769, pp. 8-9.
1875 « Dans le premier âge, c’était la nation elle-même qui en délibérait (lois) avec les rois dans les champs de mars, nommés depuis placites généraux ou Parlement. Dans le second, ce Conseil légal s’est restreint aux seigneurs, tant ecclésiastiques que laïcs, et aux conseillers, parce qu’eux seuls entraient dans ces champs, placites ou Parlement. Enfin, depuis le règne féodal, le Conseil légal s’est perpétué dans les placites ou Parlement ; mais ces Parlements n’ont été composés que de barons immédiats de la Couronne, ecclésiastiques et laïcs, et des sénateurs : de là le nom de cour de baronnage ou Cour des pairs. C’est donc cette cour qui est le Conseil légal de nos rois pour procéder à la vérification de toutes les lois émanées du trône. Mais s’il pouvait être vrai que les Parlements n’eussent pas succédé au droit d’examiner et de vérifier les lois ; il est manifeste par les monuments anciens qu’il faudrait donc retourner à la nation assemblée », (C. de Boissy, Le maire du palais, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., pp. 24-25).
1876 L.-L. de Lauraguais, Tableau de la constitution française ou autorité des rois de France dans différents âges de la monarchie, s.l., 1771, BN Lb38 1203 p. 38.
1877 Ibid., p. 39.
1878 Ibid.
1879 Ibid., p. 40. De plus, « ces assemblées générales de la nation étaient indiquées par le roi qui désignait le jour et le lieu où devait se tenir chaque année le champ de mars : elles étaient ambulatoires à la suite de nos rois, et continuèrent de l’être sous les deux premières races, et même dans les commencements de la troisième : elles avaient pris le nom de Parlement au temps de Louis le Gros ; mais il paraît qu’elles ne commencèrent à se former en cour de justice, et à devenir sédentaires que sous Philippe le Bel. Ces assemblées générales, ou Parlement, exerçaient une juridiction suprême sur toutes les parties du gouvernement », (ibid.).
1880 « Le Parlement, tel qu’il existe aujourd’hui, a été substitué à l’ancien Parlement, à l’assemblée générale de la nation ; c’est ainsi que la nation a laissé éclipser le droit imprescriptible qu’elle avait de tout temps de concourir à l’administration politique du royaume, et à la puissance législative ; droit qu’elle ne tenait que d’elle-même, et que nos rois ne lui avaient pas donné », (ibid., p. 60).
1881 G.-J. Target, Lettres d’un homme à un autre homme, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 178.
1882 Ibid.
1883 Il existe avec l’ouvrage de Pierre Picault au xviième siècle une référence importante dans la coïncidence sémantique et politique entre les cours souveraines et les États généraux. Toutefois, ce libelle est d’une telle virulence qu’il n’est à aucun moment repris par les parlementaires au siècle des Lumières. On ne peut que comprendre des juges très soucieux de rester dans les limites d’un régime monarchique relativement viable. En effet, selon P. Picault, le Parlement a « une puissance opposée à celle du Roy », le roi ne peut régner sans les cours souveraines, le Parlement a une « autorité distincte », (Traité des parlements ou États-Généraux, Cologne, Pierre Marteau, 1679, BN Lf25 3 A pp. 16, 18, 31).
1884 Tableau des monuments qui constatent l’origine du Parlement de Bretagne, et qui démontrent l’impossibilité de sa suppression, s.l., 1772, p. 20.
1885 Remontrances du 29 juillet 1765 du Parlement de Rouen, BN Lb38 978 p. 8.
1886 Remontrances de janvier 1771 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 1087 p. 7.
1887 Remontrances du 23 juin 1761 de la Cour des aides de Paris, (L.-A. Dionis du Séjour, Mémoires, op. cit., p. 157). De plus, cette cour ajoute, qu’« il est vrai que votre Cour des aides a supplié Votre Majesté avec les plus fortes instances de publier chaque année la somme totale des impositions par les lois les plus authentiques, et par un enregistrement dans toutes les compagnies dont le concours est nécessaire pour l’établissement des impôts. Cette démarche, Sire, faite par votre Cour des aides au nom de toutes les cours du royaume qui ne la désavoueront pas, et au nom de la nation entière qui la ferait elle-même par le ministère des États généraux, s’ils s’assemblaient encore », (remontrances de la Cour des aides du 2 septembre 1768, ibid., p. 269). D’ailleurs, la Cour des aides de Paris affirmait en 1763 « que les peuples consultés autrefois en tant d’occasions par la convocation des trois états, surtout lorsqu’il était question d’établir maintenant un seul organe des cours, pour faire parvenir jusqu’au trône leurs plaintes et l’exposition de leurs besoins, ont l’intérêt le plus sensible que la voix de ces cours soit toujours entendue avant la publication et l’exécution des lois », (objets de remontrances de juin 1763, BN Lb38 893 p. 2).
1888 « On trouva plus commode d’avoir des impôts par enregistrement dans les Parlements, que par une demande souvent très débattue dans des États généraux. Cet usage fut surtout accrédité par les États de Blois, qui, en 1577, arrêtèrent que les Parlements étaient une sorte d’États généraux en raccourci et petit pied, qui auraient en leur absence et dans l’intervalle d’une tenue à l’autre, pouvoir d’accorder, refuser ou modifier les impôts, ce qui n’était qu’un provisoire accordé aux Parlements par la nation », (Plan d’une conversation entre un avocat et M. le chancelier, op. cit., pp. 32-33).
1889 C.-F. de Revol, Observations relatives à la première partie, op. cit., f° 568 r°.
1890 O. Tholozan, Boulainvilliers, op. cit., pp. 269-314.
1891 M. Cantalauze de la Garde, Dissertation sur l’origine et les fonctions essentielles du Parlement, op. cit., pp. 12-13.
1892 « Les placites ou Parlements n’étaient donc pas des États généraux mais seulement l’assemblée des princes, des grands, des évêques et des fidèles ou féaux conseillers du roi, par le Conseil et du consentement unanime desquels les lois étaient faites, publiées et envoyées de l’ordre du roi dans tout le royaume, pour être observées de tous. Ce Parlement était en même temps la Cour du roi où se terminaient les affaires majeures de l’État et les causes d’entre les princes, les grands et les plus notables de la nation », (ibid., pp. 26-27).
1893 Ibid., pp. 47, 127. « Lorsque le Parlement était l’assemblée générale de tous les Francs, chacun d’eux contribuait à la formation des lois et pourvoyait à la sûreté et aux besoins communs ; il ne pouvait alors y avoir d’autre vérification des lois ; elles recevaient leur homologation dans la même assemblée où elles étaient posées », (ibid., p. 103).
1894 Ibid., pp. 28, 31. « Ce n’est que sous Philippe le Bel que les communes ont proprement commencé à faire corps ; cela exclut toute représentation du tiers état dans les assemblées qui auront été tenues pendant les huit ou neuf premiers siècles de l’ère française. Pour aussi générales qu’on suppose ces assemblées, elles n’auront donc pu être composées que de grands, de barons, ou hommes du roi, des évêques », (ibid., p. 23).
1895 Ibid., p. 52.
1896 B.-G. Rolland d’Ecreville, Lettre à M. l’abbé Velly, op. cit., p. 7.
1897 Ibid., p. 8.
1898 L.-A. le Paige, Autorité relative à la question qui concerne le degré de pouvoirs des États généraux, s.l.n.d. BPR Ms. non coté f° 1 v°.
1899 Remontrances du 4 décembre 1769 du Parlement d’Aix, (ADBR série B 3677 f° 399 v°).
1900 « Quand nos rois ont désiré établir quelques impôts sur leurs peuples, ils ne l’ont pas voulu faire si non de leur consentement par l’assemblée légitime des États. Lesquels les ont approuvés et par ce moyen les ont rendus agréables, mais peu à peu cette manière s’étant éteinte, les Parlements qui sont établis pour rendre la justice aux peuples, ont supplée la fonction des États du royaume, en ce que vérifiant et regardant les volontés du roi comme justes, les sujets les exécutent lorsqu’ils sont persuadés de cette vérité par les suffrages de ceux qui sont préposés pour leur rendre la justice et avoir soin de la police générale et particulière (…) Les peuples étant bien informés de l’affection que le Parlement porte à l’État et au bien du public », (ibid., f° 399 v°-400).
1901 « Il y a une vraie confraternité entre les pairs et les magistrats de Paris et les Parlements de province. Qu’au fond cette confraternité loin d’être redoutable au roi ou à la patrie n’est autre chose que le gage de la conservation des principes de la monarchie dans toute l’étendue de l’État », (C.-F. de Revol, Lettre, s.l.n.d. BPR Lp 541 pièce 6 f° 3).
1902 D. Simonel, Dissertation sur l’origine, les droits et les prérogatives des pairs de France, s.l., 1753, BN Lf6 3 p. 2.
1903 Ibid., p. 11.
1904 Fr. Olivier-Martin indique : « Quand le Parlement se constitue en Cour des pairs, il s’adjoint de hauts personnages, les pairs de France, qui ont dans l’État une situation propre. Mais en dehors de ces séances exceptionnelles, le Parlement de Paris n’est fait que de délégués du roi », (Les Parlements, op. cit., pp. 401-402).
1905 J. le Laboureur, Histoire de la pairie de France et du Parlement de Paris, nouvelle édition, t. 1, Londres, Samuel Harding, 1753, p. 35. Cf. O. Tholozan, « Un défenseur de la monarchie tempérée par la pairie au siècle de l’absolutisme triomphant : Jean le Laboureur (1623-1675) », RRJ, 1996-1, pp. 223-226.
1906 J. le Laboureur, Histoire de la pairie, t. 1, op. cit., p. 81.
1907 Ibid., pp. 115, 121-137.
1908 Ibid., p. 108.
1909 Remontrances du 27 novembre 1755 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 26). Cf. aussi les remontrances des 5-8 décembre 1766, (ibid., p. 670).
1910 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., p. 11.
1911 L.-V. Goëtzman de Thune, Questions de droit public sur une matière très intéressante, Amsterdam, 1770, BN Lb38 1067 pp. 13, 15 et Lettre d’un jurisconsulte français à un publiciste allemand sur une question de droit public, Londres, 1771, BN Lb38 1072 p. 56.
1912 Ibid., p. 69.
1913 L.-V. Goëtzman de Thune, Seconde lettre d’un publiciste allemand à un jurisconsulte français, Amsterdam, 1770, BN Lb38 1069 pp. 16-18, 23.
1914 « Le roi avait deux espèces de Conseils, l’un pour le jugement des causes d’appel (c’était proprement ce qu’on appelait la Cour du roi), l’autre, pour la discussion des affaires générales (…) la nation entière était représentée, mais cette représentation n’était légale que par le consentement des pairs de France, à qui appartenait le droit de convoquer ; preuve certaine que c’était eux qui étaient les vrais représentants de la nation », (Analyse de l’ouvrage ayant pour titre : Questions de droit public, Amsterdam, 1770, BN Lb38 1068 pp. 9-10).
1915 De Saint-Pierre, Discours d’un pair de France à l’assemblée des pairs sur l’édit de règlement de décembre 1770, s.l.n.d. BN Lb38 1056 p. 4.
1916 E. Tillet, La constitution anglaise, op. cit., pp. 523-534.
1917 F.-M. Voltaire, Equivoque, in Le code des Français, t. 2, op. cit., p. 86.
1918 R.-L. d’Argenson, Journal, t. 6, op. cit., p. 464 et t. 7, p. 51.
1919 « Est bien important de faire attention à ne pas se laisser aller à la prévention du terme de Parlement, qui fait entendre l’assemblée entière de la nation, avec puissance représentative et législative, lorsqu’on parle de celui d’Angleterre, qui l’est en effet avec cette autorité, mais qui l’a eue de tout temps et sans presque aucun changement dans sa forme. Nulle comparaison encore de la puissance du Parlement d’Angleterre avec elle de nos États généraux. Nulle similitude de ce Parlement avec les nôtres. Celui d’Angleterre est l’assemblée de la nation ; c’est ce que sont nos États généraux », (L. de Saint-Simon, Traités politiques, édition établie par Y. Coirault, La Pléiade, Paris, NRF-Gallimard, 1996, p. 556).
1920 C.-L. Richard, Lettre d’un ancien officier breton, op. cit., p. 6.
1921 F.-M. Voltaire, Itératives remontrances du Grenier à sel de Paris, présentées par les juges du Grenier eux-mêmes, s.l.n.d. BN Lb38 1192 p. 2.
1922 « Il est vrai qu’en Angleterre la loi est faite par le Parlement, qui représente la nation, mais ce gouvernement est mixte : le roi n’a que le droit de faire exécuter les lois, sans avoir celui d’en faire (…) Dans cette portion d’autorité, nos Parlements se comparaient-ils au roi d’Angleterre, en voulant assujettir celui de France à faire consentir par eux, la loi que le monarque français a seul le droit de faire ? », (Le mot d’un militaire. Prenez et lisez, op. cit., p. 18). Cf. E. Tillet, La constitution anglaise, op. cit., pp. 523-549.
1923 B. Maulini, Les Parlements et le thème du despotisme : Montesquieu et l’idéologie parlementaire (1748-1788), Mémoire DEA dactyl. de l’Université de Paris II, 2003, p. 128.
1924 Cité par J. Egret, « Malesherbes, premier président de la Cour des aides, 1750-1775 », RHMC, t. 3, avril-juin 1956, t. 3, p. 118.
1925 « Qu’il sera supplié de permettre de convoquer une assemblée de députés au moins de trente officiers de chaque Parlement du royaume en Conseil Supérieur et d’indiquer la ville où le Seigneur roi voudra qu’elle se tienne. Que ledit Seigneur roi sera invité de s’y trouver comme premier pair avec cinq autres pairs de France pour être délibéré mûrement sur l’importance des affaires présentes et calamités du royaume. Que si ledit Seigneur roi ne voulait pas consentir à ladite assemblée et députation, il sera nécessaire de convoquer dans le dernier cas une assemblée nationale laquelle sera convoquée par tous les Parlements en Conseil Supérieur du royaume » afin que celle-ci tranche, (arrêt du 9 août 1753 du Parlement de Rouen, AN K 711 pièce 45 f° 5 v°-6).
1926 Parlant « d’anglicisme » et « d’assemblée nationale » pouvant juger le roi, d’Argenson indique, à propos de la demande de convocation des États généraux par le Parlement de Rouen, que c’est mener « une grande révolution contre l’autorité royale », l’auteur redoutant une telle demande dès avril 1749, (R.-L. d’Argenson, Journal, t. 8, op. cit., pp. 113, 126, et t. 5, p. 433).
1927 Remontrances du 10 mai 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 823 pp. 4-5 et remontrances du 23 juillet 1763 de la Cour des aides de Paris, (L-A. Dionis du Séjour, Mémoires, op. cit., p. 113).
1928 Arrêté du 5 février 1771 du Parlement de Rouen ; arrêté du 8 mars 1771 du Parlement de Toulouse ; protestations du 5 août 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1244 p. 2 ; remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 pp. 16-17. « Nous ne devons point vous le dissimuler, Sire ; le moyen le plus simple, le plus naturel, le plus conforme à la constitution de cette monarchie, serait d’entendre la nation elle-même assemblée, ou au moins de permettre des assemblées de chaque province : et personne ne doit avoir la lâcheté de vous tenir un autre langage : personne ne doit vous laisser ignorer que le vœu unanime de la nation est d’obtenir ou des États généraux, ou au moins des États provinciaux », (E. Badinter, Les remontrances, op. cit., p. 265).
1929 Itératives remontrances du 18 mars 1772 du Parlement de Bordeaux, (AN K 708 pièce 49 f° 2 v°).
1930 « Il y aurait un moyen bien simple de parer à l’inconvénient, s’il en avait, ce serait de convoquer les États généraux, comme cela devrait se pratiquer, et se pratiquait autrefois, lorsqu’on voulait avoir des subsides ; les Parlements seraient dispensés de cet examen, et la nation ne se verrait pas exposée à être foulée par des impôts sans nombre », (Extrait du journal encyclopédique, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 113).
1931 Le Parlement justifié par l’impératrice reine de Hongrie, op. cit., p. 6. Selon le Manifeste aux Normands en 1771, « la loi de France, le vœu des États sont que, quand ceux-ci ne sont pas assemblés, les Parlements des provinces soient des États en raccourci », (in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 5, op. cit., p. 197).
1932 Le Parlement justifié par l’impératrice reine de Hongrie, op. cit., p. 5. Selon un autre anonyme en 1770, « la nation, qui, dans ses assemblées avait commis les Parlements à ses droits, et les avait chargés de veiller pour elle aux intérêts du roi et de ses peuples ; la nation, tant que ces Parlements ont subsisté, n’a point pensé à s’assembler mais ne pourrait en perdre les droits ; elle les réclamerait aujourd’hui », (Lettre écrite aux princes de sang chacun séparément par la noblesse de France sur l’édit de règlement du 7 décembre 1770, in Troisième recueil de diverses pièces de différents Parlements, op. cit., p. 34).
1933 Itératives remontrances du 18 mars 1756 du Parlement de Metz, BN Lb38 665 pp. 3-4.
1934 J.-M. Carbasse et alii, La monarchie française, op. cit., p. 132.
1935 P.-J. Brillon, Dictionnaire des arrêts, v°» Arrêts du Conseil », t. 1, op. cit., p. 277.
1936 « Est un arrêt que le roi en son Conseil prononce sur les requêtes qui sont présentées à Sa Majesté par quelqu’un de ses sujets, ou sur les remontrances qui lui sont faites par des magistrats, pour faire quelque nouvel établissement, ou pour réformer quelques abus (…) Ces arrêts ne sont exécutoires dans les cours supérieures, qu’après qu’ils y ont été enregistrés », (C. J. de Ferrière, Dictionnaire de droit, v°» Arrest du Conseil privé du roi », t. 1, op. cit., pp. 168169).
1937 Ibid., v°» Enregistrement », p. 841.
1938 « Un juge est donc obligé d’examiner quel peut être le véritable sens de la loi, ou si l’on peut l’expliquer par un autre ; mais surtout il faut bien prendre garde que quand on veut pénétrer le vrai sens d’une loi, c’est surtout dans la pensée du législateur qu’il en faut chercher l’éclaircissement », (ibid., v°» Juge », t. 2, p. 240).
1939 A.-T. Hue de Miromesnil, Lettre sur l’état de la magistrature en l’année 1772, op. cit., f° 105.
1940 Remontrances du 27 novembre 1755 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 23 et s.). « Il n’est pas le tribunal de la nation, le dépôt des lois ne lui a pas été remis : quelle confiance les habitants des provinces éloignées de la capitale pourraient-ils avoir en un corps qui ne connaît ni leur besoin ni leurs lois ? », (remontrances du 19 décembre 1755 du Parlement de Toulouse, AN K 713 pièce 5 f° 11). Remontrances du 12 août 1757 du Parlement de Rennes, (A. le Moy, Les remontrances, op. cit., p. 63). « Il est donc parfaitement démontré, Sire, que vos Parlements seuls impriment aux actes émanant de votre puissance les derniers traits de caractère législatif et que le Grand Conseil n’a jamais été associé à un si sublime ministère », (remontrances du 30 avril 1776 du Parlement de Toulouse, AN O1 352 pièce 442 f° 3 v°). « Tous les publicistes tiennent pour maxime qu’arrêts du Conseil en fait de justice ne font loi pour le Parlement s’ils ne sont enregistrés », (remontrances du 12 décembre 1778 du Parlement de Besançon, ADD série B 2845 pièce 2 f° 16 v°-17). « Pouvait-on se flatter, Sire, que votre Parlement de Bretagne ignorât seul les premières notions du droit public. Pouvait-on se flatter que de simples arrêts du Conseil, sans formes légales et affichés clandestinement arrêteraient ses poursuites en prononçant sur la compétence », (remontrances du 7 juillet 1785 du Parlement de Rennes, AN H1 557 pièce 110 f° 10). Le Parlement de Besançon dira même en 1782 que « dans les principes même du Conseil, un simple arrêt en finance ne fut jamais un acte de législation, et ce n’est point en changeant le nom des objets, que l’on peut parvenir à changer les lois », (remontrances du 23 février 1782 du Parlement de Besançon, ADD série B 2845 pièce 8 f° 2).
1941 G. Lebreton, Les remontrances des Parlements à propos des arrêts du Conseil au xviiième siècle, Mémoire DEA dactyl. de l’Université de Paris II, 1983, p. 22.
1942 « Le Conseil du roi n’a aucun caractère public : il n’est composé que de gens qui ne font aucun corps dans l’État », (Judicium Francorum, op. cit., p. 17).
1943 C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. VI, chap. 6.
1944 L.-A. le Paige, Lettre à Messieurs de la chambre royale, s.l., 1754, BN Ld4 2569 p. 105.
1945 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., pp. 16-17.
1946 L.-A. le Paige, Mémoire sur l’affaire du Grand Conseil ou analyse raisonnée des prétentions élevées par le Grand Conseil, s.l., 1755, pp. 21, 48-49.
1947 L.-A. le Paige, Lettre de Monsieur de*** à Monsieur de*** sur les entreprises du Grand Conseil, s.l., 20 février 1756, BN Lb38 658 p. 2. Il ajoute que « deux corps présentent à nos yeux, d’un côté le Parlement qui a le droit de délibérer sur la vérification des lois, de faire des remontrances, de proposer des modifications : corps national, auquel il est enjoint de veiller à la conservation des intérêts du roi et de tout ce qui compose l’État. D’un autre côté est le Grand Conseil, juge d’attribution, qui ne peut excéder les bornes étroites de sa commission, qui n’est point appelé par conséquent à délibérer sur les lois », (ibid., p. 8).
1948 « L’autorité des arrêts du Conseil dans l’ordre législatif n’est plus une matière à problème, les moins instruits savent que les Parlements ne doivent par les ordonnances du royaume reconnaître les volontés du souverain, que lorsqu’elles leur sont adressées, revêtues des formes anciennes et fondamentales ; sans lesquelles ces volontés n’existent point. Restreindre en cette partie les défenses des cours aux sentences des juges qui leur sont subordonnés, c’est attaquer les premiers éléments de notre droit public », (Réflexions sur l’ouvrage intitulé : Relation des troubles actuels du Parlement de Franche-Comté, s.l., 1759, BN Lb38 805 p. 9).
1949 L. Mannori, « Centralisation et fonction publique dans la pensée juridique de l’Ancien Régime : justice, police et administration », L’administration territoriale de la France (17501940), actes du colloque d’Orléans des 30 septembre-2 octobre 1993, textes réunis par M. Pertué, Orléans, PUO, 1998, pp. 254-255.
1950 J.-L. Mestre, Introduction historique au droit administratif, op. cit., pp. 189-203, 213-219.
1951 L.-V. Goëtzman de Thune, La jurisprudence du Grand Conseil examinée dans les maximes du royaume, t. 1, Avignon, 1775, p. 67.
1952 M.-F. Renoux-Zagamé, Du droit de Dieu au droit de l’Homme, op. cit., p. 228.
1953 Remontrances du 4 août 1732 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 283).
1954 Ibid., p. 285.
1955 Remontrances du Parlement d’Aix de 1756, BN Lb38 701 p. 4.
1956 Arrêté du 17 janvier et remontrances du 11 février 1757 du Parlement de Rennes, BN Lb38 1491 p. 4 et Lb38 1493 p. 4.
1957 Remontrances du 25 novembre 1761 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 20 f° 8-8 v°).
1958 Juste idée de l’affaire du Parlement séant à Besançon, op. cit., p. 10.
1959 Remontrances du 11 mars 1765 du Parlement de Pau, BN Lb38 1527 p. 37. De plus, « tout enregistrement suppose une délibération et toute délibération une opinion éclairée et réfléchie », (remontrances du 6 août 1777 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2318 f° 108 v°).
1960 Remontrances du 25 août 1765 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 489, 499).
1961 Remontrances du 10 avril 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1172 p. 9.
1962 S. Hanley-Madden, « L’idéologie constitutionnelle en France : le lit de justice », AESC, 1982, n° 1, pp. 32-63.
1963 L.-B. de la Taste, Mémoires au sujet du nouvel écrit contre le Parlement, op. cit., p. 101.
1964 L.-A. le Paige, Lettre sur les lits de justice, s.l., 18 août 1756, BN Lb38 693 A pp. 3-4.
1965 Ibid., p. 6.
1966 Ibid., p. 9.
1967 Ibid., p. 5.
1968 Ibid., p. 10.
1969 Ibid.
1970 L.-A. le Paige, Requête des États généraux au roi, op. cit., p. 12.
1971 « Le lit de justice, dans son origine, était une séance solennelle du roi dans son Parlement pour y consulter les membres qui le composaient sur les affaires importantes de l’État », (C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 2, [1772], op. cit., p. 224).
1972 C.-J. Prévost, Mémoire sur les lits de justice, s.l., 1730, BPR Lp 534 pièce 19 f° 1.
1973 Ibid.
1974 Ibid., f° 1 v°.
1975 Remontrances du 1er avril 1757 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 4 f° 3 v°).
1976 Remontrances du 16 janvier 1762 du Parlement de Besançon, (ADD série 2842 pièce 1 f° 3).
1977 Remontrances du 27 novembre 1755 ; du 26 décembre 1763 et 25 août 1765 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 40, 417, 497-498).
1978 Arrêté du 18 août 1763 du Parlement de Rouen, (A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., p. 507).
1979 Arrêt du Parlement de Bretagne rendu sur les remontrances et conclusions de Monsieur le procureur général du roi qui ordonne que les mémoires de M. d’Eguillon, président d’Aix contre les arrêts et arrêtés de sa compagnie dans l’affaire des jésuites, seront lacérés, Rennes, Guillaume Vatar, 1763, p. 4.
1980 C. Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation, op. cit., p. 389.
1981 C. Maire, « L’Église et la nation », op. cit., pp. 1177 et s. En 1718, on trouve l’expression» dépositaires des lois fondamentales de l’État » mais elle ne s’entendait s’appliquer qu’à la question de l’Église, (ibid., p. 1190). En effet, la royauté reconnaît cette déposition avec le lit de justice du 22 février 1723 et la déclaration de 1732, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 167 et Recueil Isambert, t. 21, op. cit., p. 375).
1982 Voltaire était à ce sujet partisan d’un Conseil du roi ayant le dépôt des lois, (F. Quastana, Voltaire et l’absolutisme éclairé, op. cit., pp. 200-201).
1983 « Il ne suffit pas qu’il y ait dans une monarchie des rangs intermédiaires ; il faut encore un dépôt de lois ; ce dépôt ne peut être que dans les corps politiques », (C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. II, chap. 3).
1984 « Peut-on concevoir une monarchie sans lois fondamentales et des lois fondamentales sans un dépôt fixe où elles reposent avec sûreté ? Indique-t-on d’autre gardien des lois de la monarchie française, depuis treize siècles et demi, et d’autre dépôt en France de ces lois, tutélaire, que la cour de Parlement ? », (M. Cantalauze de la Garde, Dissertation sur l’origine et les fonctions essentielles du Parlement, op. cit., pp. 52-33).
1985 C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. II, chap. 4. Le Parlement de Grenoble dans ses remontrances du 4 août 1768 cite exactement cette disposition du baron de la Brède, (ADI série B 2320 f° 111).
1986 C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. V, chap. 10.
1987 L.-A. le Paige, Lettres historiques sur les fonctions, t. 1, op. cit., p. 34.
1988 V. Riquéti de Mirabeau, Précis de l’organisation, op. cit., pp. 45-46.
1989 P. d’Alès de Corbet, Examen des principes de gouvernement, op. cit., pp. 8-9.
1990 P. Barral, Principes sur le gouvernement, op. cit., p. 160.
1991 « Il est incontestable qu’en France le droit législatif réside dans la Couronne seule et qu’il ne s’étend pas moins sur les magistrats que les peuples : c’est ce qu’observe avec raison la déclaration dans son préambule. Mais il est constant aussi qu’en France, comme dans tous les États policés qui méconnaissent l’autorité despotique, toute volonté du monarque n’est pas une volonté légale ; et que la formation des lois est essentiellement assujettie à certaines formes publiques, à certaines délibérations solennelles, destinées à prévenir qu’on ne surprenne au monarque des lois contraires à ses vrais intérêts, ou à ceux de l’État. En France, une de ces formes essentielles est la délibération libre du Parlement ou ce qu’on appelle enregistrement », (L.-A. le Paige, Observations sur la déclaration du 10 décembre 1756, op. cit., p. 3). « Depuis que les rois ont perdu de vue l’administration générale, que les nations ne sont plus que des familles, mais de grands peuples, que les détails se sont multipliés à l’infini, qu’on a attaché une certaine grandeur à la Couronne, et que le faste des souverains est devenu lui-même une partie de leur puissance, depuis qu’un cérémonial toujours renaissant n’a laissé aux rois que le temps d’être rois, il a fallu nécessairement confier les affaires de la république à un petit nombre de citoyens, et souvent même à un seul citoyen : or c’est toujours cet homme d’État qui peut jeter à bas toutes les pièces du gouvernement civil et politique, ou en raffermir l’édifice », (Lettre d’un Hollandais à un membre du Parlement d’Angleterre au sujet du nouveau ministre des finances en France, s.l., 1759, BN Lb38 791 p. 6).
1992 Parlant de Louis XV en 1715, l’auteur affirme que celui-ci « rétabli le Parlement dans ses anciens droits de lui faire des remontrances, droit nécessaire aux princes pour leur donner lieu d’éviter les suites fâcheuses des surprises que l’on pourrait faire ; parce qu’ils ne sauraient tout voir, ni tout examiner par eux-mêmes, et si le moindre bourgeois ne peut, malgré sa vigilance, éviter la tromperie dans son propre domestique, qui est continuellement sous ses yeux, comment les souverains en seraient-ils exempts dans une grande étendue de domaines et dans l’immense multitude d’affaires, dont ils sont accablés » ? (Lenglet Dufresnoy, Plan de l’histoire générale et particulière de la monarchie française, t. 3, Paris, Didot, 1753, p. 353).
1993 « Mais quel contraste, Sire, entre la sage lenteur des lois, l’attention de votre Parlement dans les délibérations, sa prévoyance sur tout ce qui peut intéresser Votre Majesté et vos sujets, son respect pour la vérité, la loi et la justice, et la marche rapide des ordres particuliers surpris à la religion du souverain pour couvrir les entreprises les plus dangereuses du voile de son autorité ! Quel spectacle pour votre Parlement que de voir profaner votre nom auguste pour subroger une exécution militaire à l’acte le plus solennel de vos cours, et consacré à remplir le vœu de la loi, du souverain et de la nation ! », (remontrances du 31 août 1769 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2314 f° 127 v°).
1994 M.-F. Renoux-Zagamé, « Royaume de la loi », op. cit., p. 32. Les parlementaires défendaient la volonté permanente de la monarchie, (M.-F. Renoux-Zagamé, Du droit de Dieu au droit de l’Homme, op. cit., p. 237). En effet, selon A. Blonde en 1771, « si donc les magistrats, au nom de la nation, représentent au prince qu’il existe une loi dans l’État, qui rend nul de plein droit tout édit qui lui est contraire ; s’ils refusent de concourir par l’enregistrement à l’exécution d’un édit contraire à cette loi, ils font alors la fonction d’officier de la loi supérieure au prince, puisqu’elle existe avant lui, et qu’il n’existe que par elle. C’est cette loi qui juge le prince, qui condamne sa volonté momentanée », (Extrait de : Le Parlement justifié par l’impératrice de Russie, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 108).
1995 « C’est sur vos magistrats que tous les coups sont portés (...) Votre Parlement ne réclame point encore la vengeance de ces outrages, il ne lui est permis de s’occuper de sa gloire qu’après avoir satisfait à son devoir, de ce moment critique la conservation du précieux dépôt (...) C’est la voix des lois nationales que le Béarnais s’est donné lorsqu’il élisait ses antiques souverains, que tous nos princes que Votre Majesté elle-même a juré de maintenir », (remontrances du 25 septembre 1764 du Parlement de Pau, ADPA, série B 4561 f° 85-89). Cf. à ce sujet une lettre envoyée au Parlement de Bordeaux du 4 mai 1765 (ADPA série B 4561 f° 155) et ses protestations du 31 août 1787, (ADPA série B 4572 f° 39). « Vos cours de Parlement, Sire, qui ont toujours dans le nombre de ses magistrats qui les composent, des gens instruits par leurs propres études et ce qui n’est pas moins utiles par un long usage des affaires, ont des principes plus assurés. Ces magistrats transmettent à leurs successeurs les maximes qu’ils tiennent de leurs pères, ils s’en regardent, en quelque sorte, comme dépositaires. La jurisprudence s’établit, soit par la tradition, soit par une suite d’arrêts conformes : une cause se décide comme une autre du même genre l’a été auparavant », (remontrances du 3 janvier 1776 du Parlement de Dijon, AN K 709 pièce 19 f° 12). Le Parlement de Rennes ira jusqu’à dire en 1779 que « ce sont les formes qui mettent le faible au niveau du fort pour la défense de ses droits et qui offrent également à l’un et à l’autre les moyens de conserver ce qui leur appartient », (remontrances du 13 août 1779 du, AN H1 512 pièce 83 f° 14).
1996 J.-N. Moreau voulait par l’intermédiaire d’un cabinet de juristes royaux collationner les lois afin de répondre à la théorie du dépôt national parlementaire. Ainsi, un tel cabinet aurait eu sous sa garde toutes les lois officielles. Cependant, la réalité de ce dépôt royal se heurtait aux moyens insuffisants et surtout à l’activité pratique judiciaire quotidienne, (B. Kriegel, « Historiographie et histoire du droit », op. cit., p. 205).
1997 « Les Parlements sont les dépositaires de lois supérieures au monarque. De là, cette heureuse impuissance, dans laquelle le roi s’avoue de porter atteinte à nos constitutions », (Le palais moderne, Paris, janvier 1772, BN Lb38 1275 p. 8). « L’arbitraire disparaît dès qu’il a des lois fixes, qu’elles sont consignées dans un dépôt ; que ce dépôt est un corps politique chargé d’en être le gardien », (C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., p. 128).
1998 Le Parlement justifié par l’impératrice reine de Hongrie, op. cit., p. 69.
1999 S. Petit-Renaud, Faire loy au royaume de France, op. cit., pp. 373, 383-393.
2000 Le chancelier Maupeou, dans sa réforme, « vient d’instituer de nouveaux [juges] a qui il est ordonné de voler le public sous peine d’être pendus (…) Il leur a fait jurer solennellement de ne jamais voir, ni de jamais entendre que ce que le roi voudra. Il leur a fait sentir dans deux discours remplis de sophismes, que quand le prince ne lirait pas leurs remontrances, il leur suffit de les présenter pour remplir leurs devoirs. Il ajoute que des magistrats doivent consulter l’autorité pour rendre la justice, et que le souverain ne la doit que quand elle s’accorde avec ses intérêts, et qu’elle est de son goût ; il finit par dire, que toutes ces absurdités sont dans le cœur des nouveaux parlementaires, et qu’ils doivent perpétuer, pour le bonheur du peuple, leur silence et leur aveuglement », (C. Théveneau de Morande, Le gazetier cuirassé ou anecdotes scandaleuses de la Cour de France, s.l., 1771, BN Lb38 1270 pp. 53-54).
2001 J.-L. Mestre, « L’évocation d’un contrôle de constitutionnalité », op. cit., pp. 25 et s. ; F. Saint-Bonnet, « Le Parlement, juge constitutionnel », op. cit. ; M.-F. Renoux-Zagamé, Du droit de Dieu, op. cit., pp. 233 et s. ; A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., pp. 460 et s.
2002 Remontrances du 26 juillet 1718 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 88).
2003 Lettre d’un vrai patriote à M. Chrétien de Lamoignon, op. cit., p. 4.
2004 L.-A. le Paige, Quatrième et cinquième lettres sur l’affaire du Châtelet, avec les représentations arrêtées le 29 décembre 1753, s.l.n.d. BN Ld4 2635 p. 80.
2005 E. Gojosso, « L’établissement d’un contrôle de constitutionnalité selon Catherine II de Russie et ses répercussions en France (1766-1774) », RFDC, 1998, n° 33, pp. 88-89. Cette idée de contrôle aura des répercussions jusque dans la pré-Révolution, (E. Gojosso, « Le contrôle de l’activité normative royale à la veille de la Révolution : l’opinion de le Mercier de la Rivière », RRJ, 1991-1, pp. 237-250).
2006 Remontrances du 19 décembre 1755 du Parlement de Toulouse, (AN K 713 pièce 5 f° 2).
2007 « Aujourd’hui les gens du roi étant entrés et ayant informés la cour que le procureur du roi au sénéchal de Toulouse aurait reçu un exemplaire imprimé d’une prétendue déclaration du roi en date du 10 octobre dernier avec une lettre du procureur général du Grand Conseil qui enjoint à ce procureur du roi de la faire enregistrer, lire et publier, sur quoi les gens du roi ont observé que la prétendue déclaration dont l’exemplaire imprimé n’est qu’une copie informe n’a point été adressée à la cour pour y être vérifiée et enregistrée, que par cette seule raison, elle ne saurait être reçue et moins encore publiée par les tribunaux inférieurs qui ne doivent reconnaître d’autre supérieur immédiat et de ressort que la cour et ne doivent apprendre que par elle les volontés de nos augustes monarques dont les registres des Parlements ne sont pas moins fidèles garants que les seuls dépositaires », (arrêt du 5 novembre 1755 du Parlement de Toulouse, ADHG série B 1613 f° 644-645).
2008 Arrêt du 11 mars 1760 du Parlement de Toulouse, (ADHG série B 1641 f° 94 v°-96 v°).
2009 Arrêt du 25 février 1761 de la Cour des aides de Montpellier, (AN H1 748244 pièce 12 p. 10 note a) cité par A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., p. 514.
2010 S. Petit-Renaud, Faire loy au royaume de France, op. cit., p. 351.
2011 Projet de remontrances de décembre 1760, (A.-T. Hue de Miromesnil, Correspondance politique, t. 1, op. cit., p. 251).
2012 Cf. T. Sauvel, « Les demandes de motifs adressés par le Conseil du roi », op. cit.
2013 « Ces lois relativement à la Franche-Comté sont nulles par défaut de motifs, nulles par leur injustice, nulles enfin par l’impossibilité même où le législateur était de les rendre », (itératives remontrances du 24 novembre 1781 du Parlement de Besançon, ADD série B 2845 pièce 7 f° 2 v°). D’ailleurs, le Parlement de Rennes ira jusqu’à dire, en 1785, qu’une simple notification au procureur général ne supplée pas à l’enregistrement, (AN H1 557 pièce 186 f° 6).
2014 Remontrances du 18 janvier 1768 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 7 f° 2).
2015 Remontrances imprimées du 19 février 1771 du Parlement de Rennes, (AN K 712 pièce 105 p. 15).
2016 Recueil Isambert, t. 18, n° 503, op. cit., p. 106.
2017 « Votre Parlement, Sire, sans avoir jamais pensé à s’attribuer aucune part dans le pouvoir législatif qui réside en entier dans la personne sacrée du souverain, est néanmoins par son institution son Conseil légal en matière de législation. Il est chargé par devoir et par serment, de juger de l’utilité de la loi pour l’avantage du monarque et de ses sujets. Il la compare aux lois anciennes et fondamentales ; il s’assure qu’elle n’a rien de contraire à ces lois primitives, d’où dépendent la sûreté du trône, le repos et le bonheur des peuples [c’est un] jugement de comparaison », (remontrances du 25 mai 1757 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 749 p. 20).
2018 Discours sur la législation française, deuxième conférence du 7 février 1765, s.l., BN Ms Fr. 7565 f° 22. « Je ne citerai qu’un exemple pour preuve du contraire, en vain le feu roi voulut-il enlever à ses Parlements par une loi extérieurement revêtue de toutes ses formes, le droit de refuser le sceau de la vérification à une loi, en vain la soutient-il par une exécution de plusieurs années, le temps seul fit ce que la raison n’avait pas pu faire dans le moment, découvrant l’inconvénient d’une semblable loi, vengea la nation d’un instant d’aveuglement et de faiblesse », (ibid., f° 23 r°). À ce sujet, on peut essayer de rapprocher cette technique avec les écrits des Maximes du droit public français, t. 2, [1772], op. cit., pp. 483-484 : « Une loi peut être fondamentale quoique postérieure au temps où le trône a été élevé pour le premier monarque (…) rien n’empêche qu’une convention plus récente entre le prince et la nation ne constitue une loi fondamentale : c’est une maxime générale que les parties contractantes peuvent se désister d’une convention pour en former une nouvelle ».
2019 G. Leyte, « Prescriptibilité et imprescriptibilité dans l’ancien droit public français, (xvième-xviiième siècle) », Droits, 2000, n° 31, p. 4.
2020 A. Blonde, Extrait de : Le Parlement justifié par l’impératrice de Russie, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 126.
2021 P.-L. Chaillou, Des commissions extraordinaires, op. cit., p. 3.
2022 J.-L. Mestre, « L’évocation d’un contrôle de constitutionnalité », op. cit., p. 22.
2023 « Ce n’est point assez que les corps politiques, où résident les pouvoirs intermédiaires, aient le droit d’examiner les nouvelles lois, de faire des représentations au législateur ; l’intégrité de leurs fonctions demande qu’ils aillent jusqu’à refuser de les registrer et de s’y conformer, lorsqu’elles se trouvent contraires à l’ordre établi dans l’État et par conséquent aux lois fondamentales », (C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., p. 130).
2024 Ibid., t. 2, p. 2.
2025 E. Gojosso, « L’établissement d’un contrôle de constitutionnalité », op. cit., p. 92.
2026 Remontrances du 16 janvier 1762 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2842 pièce 1 f° 1 v°).
2027 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 26.
2028 M.-F. Renoux-Zagamé, « Royaume de la loi », op. cit., p. 34.
2029 « Tout ce qui émane de votre trône est le fruit de la réflexion, et le sceau de Votre Majesté est le signe consacré pour annoncer à vos sujets cette délibération, qui a posé les inconvénients et les avantages qui peuvent résulter de l’exécution de vos ordres », (remontrances du 5 septembre 1757 du Parlement de Besançon, ADD série B 2841 pièce 10 f° 3 v°-4).
2030 Remontrances du 29 novembre 1763 du Parlement de Pau, (AN K 711 pièce 17 f° 4).
2031 Arrêt du 21 juin 1766 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2320 f° 97).
2032 L.-A. le Paige, Monuments précieux de la sagesse de nos rois, s.l., 1753, p. 5.
2033 « Ainsi un Parlement, par exemple, à qui un prince ordonnerait d’enregistrer un édit manifestement injuste, doit sans contredit refuser de le faire », (J.-J. Burlamaqui, Principes du droit politique, t. 1, op. cit., p. 224).
2034 L.-A. le Paige, Lettre de Monsieur***, conseiller au Parlement, op. cit., p. 16.
2035 « Mais Sire, votre justice suprême nous rassure contre le reproche que nous aurions a nous faire inutilement. Dirait-on que la loi est consommée, est-elle juste pour la Provence ? C’est une question toujours sujette à révision au tribunal du souverain législateur », (remontrances du 2 octobre 1765 du Parlement d’Aix, ADBR série B 3676 f° 860 v°)
2036 L’utilité de la loi doit apparaître au terme d’une longue délibération préalable du roi dans son Conseil, (J.-M. Carbasse, « Loi et justice chez J.-N. Moreau », op. cit., p. 74).
2037 « Le caractère essentiel de toute loi est qu’elle ait un but, et que ce but soit utile. Une loi sans objet ne serait pas la même qu’une loi vaine et illusoire parce qu’elle ne prêterait aucune sorte de matière à l’obéissance. D’autre part, un objet sans utilité n’imprimant point à la loi le caractère de justice dont elle doit être revêtue, il tromperait en même temps et le vœu du législateur et l’attente des peuples », (remontrances du 19 janvier 1768 du Parlement de Besançon, ADD série B 2843 pièce 20 f° 1-1 v°).
2038 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 13.
2039 « L’enregistrement est une forme qui a pour principal objet d’attester au roi et à ses peuples, après une délibération libre, et un examen réfléchi, que la loi est utile au bien de l’État », (Les derniers soupirs du soi-disant Parlement, Paris, Libraires associés, 1774, BN Lb39 144 p. 11).
2040 Cf. J.-L. Mestre, Introduction historique au droit administratif, op. cit., p. 11.
2041 « Le Parlement a jugé la conservation de ce droit [de remontrances] si important qu’il a cru ne pouvoir donner aucune application aux affaires des particuliers dès qu’il était attaqué, pour réunir toutes les lumières, toute son attention pour le maintenir dans un usage qui ne lui est pas seulement essentiel mais qui est très précieux à la nation », (Deuxième mémoire sur la seconde proposition, op. cit., f° 263).
2042 Arrêté du 16 novembre 1763 du Parlement de Rouen, BN Lb38 924 p. 7.
2043 Objets de remontrances du 18 juin 1765 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 975 pp. 4-5.
2044 Remontrances du 23 juillet 1765 du Parlement de Rouen, BN Lb38 977 p. 2.
2045 Remontrances du 11 mars 1765 du Parlement de Pau, BN Lb38 1527 p. 20.
2046 « Il pourrait arriver, quoique les occasions en soient infiniment rares, que l’utilité publique exigeât la suspension momentanée des affaires particulières, pour s’occuper uniquement des affaires générales. L’intérêt public, l’âme de toutes les lois, est supérieur à toutes les autres considérations. La première, et la plus importante fonction du magistrat, est de conserver les lois fondamentales, et de s’opposer à l’introduction du pouvoir arbitraire (…) Votre Parlement, Sire, ne suspendra jamais les affaires particulières, que dans ces occasions », (remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 20).
2047 Lettre du 9 février 1771 du Parlement de Toulouse au roi, BPR Lp 569 pièce 68 p. 9.
2048 A.-F. Murard, Mémoire et réflexions sur les différents objets, op. cit., f° 507.
2049 La définition du droit est l’enjeu du pouvoir au sens le plus large possible. Ainsi, le droit public, celui qui touche à l’ordre public, permet aux Parlements comme celui de Rennes en 1788 de se placer sur le terrain de l’intérêt général et de s’éloigner du ressort du droit privé : « Mais, que dans tout ce qui tient à la propriété et à la liberté civile, les règles sacrées de l’enregistrement, l’établissement des emprunts, la création des impôts, les principes constitutifs de la monarchie ; en un mot, dans tout ce qui a un rapport essentiel avec l’ordre public du royaume, il existe un intérêt général et commun qui affecte individuellement chaque citoyen, sous quelque ressort qu’il soit placé », (arrêté du 1er mars 1788 du Parlement de Rennes, BN Lb39 526 p. 2).
2050 A. Cocatre-Zilgien, « Les doctrines politiques des milieux parlementaires dans la seconde moitié du xviiième siècle », Annales de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Lille, 1963, p. 76.
2051 J.-L. Mestre, « Juridictions judiciaires et contrôle de constitutionnalité en France de 1715 à 1814 », Toward Comparative Law in the 21st Century, 1998. 11. 30., Japon, p. 500.
2052 M. Fumaroli retrouve à cette époque un « stilus Curie parlementi », (L’âge de l’éloquence, op. cit., pp. 436 et s.)
2053 M.-F. Renoux-Zagamé, « De la parole de Dieu à la parole de la justice : l’éloquence judiciaire selon les juges monarchiques », Droits, 2002, n° 36, pp. 3-19.
2054 Remontrances du 17 juin 1765 du Parlement de Besançon, (AN K 708 pièce 26 f° 10 v°-11).
2055 Remontrances du 8 janvier 1761 du Parlement de Rouen, BN Lb38 867 p. 18. Michel de l’Hôspital, dans ses remontrances de Moulins en 1566, veut non seulement que le roi permette une interprétation claire des lois faites par le magistrat mais aussi que celui-ci se « fie en ses cours de parlement » car dit-il au roi : « Il vous faut travailler et estudier de faire de bonnes et sainctes loix, et les réduire toutes à leur entier par un bon conseil de grand nombre de sages et vertueux personnages », (Remontrances de Monsieur le chancelier, faite en l’assemblée tenue à Moulins au mois de janvier 1566, s.l.n.d. BN Lf25 40 pp. 10, 11, 8). Cf. plus généralement M. de l’Hôspital, Discours politiques, in Gouverner la haine pendant les guerres de religion, 15601568, Paris, Paleo, 2001.
2056 Remontrances du 22 décembre 1763 du Parlement de Toulouse, (P.-J. Dufey, Histoire, actes et remontrances, t. 2, op. cit., p. 96) ; remontrances du 30 avril 1776 du Parlement de Toulouse, (AN O1 352 pièce 442 f° 3) ; arrêt du 26 juin du Parlement de Toulouse, (BN Ms. Joly de Fleury 1064 f° 265 v°). Le premier président du Parlement de Paris, Achille de Harlay, est souvent cité à travers l’œuvre de Guillaume du Vair surtout à l’occasion des harangues du 15 juin 1586. En effet, parlant de conservation de la loi mais n’employant à aucun moment le mot enregistrement, il admet premièrement que « la justice ne se peut administrer que par les officiers qui sôt establis par le Prince », que deuxièment cette justice est « le lien du peuple avec le Prince », et enfin que les magistrats sont au service du « repos et [de la] conservation (…) des pauvres et affligez subjects », (G. du Vair, Actions et traitez oratoires, in Œuvres, Paris, J. Bessin, 1618, pp. 140141).
2057 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 70. Selon B. de Girard du Haillan, à partir de la sédentarisation, « le parlement estant arresté, il fut trouvé bon que les volontés générales de nos Rois n’obtinssent lieu d’Edicts, sinon qu’elles eussent esté vérifiées et émologuées en ce lieu », surtout que ceux-ci décidaient de toutes les affaires les plus importantes parce « estant icelles composées de si grand nombre de notables personnages, que c’est un vray sénat romain représentant une majesté secourable », (De l’estat et succez des affaires de France, Genève, Jacob Stœr, 1609, pp. 306, 302, 290).
2058 Remontrances du 10 mai 1758 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 771 ; remontrances du 16 janvier 1762 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2842 pièce f° 3 v°-4 v°). D’ailleurs, les Parlements, nostalgiques de la Fronde plus par modèle et idéal, n’hésitèrent pas, comme le Parlement d’Aix en décembre 1769, à exhumer un discours prononcé par l’avocat général Omer Talon au lit de justice du 31 juillet 1648, (M. Antoine, « Nostalgie de la Fronde et opposition parlementaire sous Louis XV », Recueil d’études en hommage à Lucien Musset, Cahiers des Annales de Normandie, 1990, n° 23, p. 482).
2059 « Lors que les édicts sont envoyez à la court, à laquelle est commandé les vérifier et publier. Tel commandement n’est de pur fait pour la publication, mais est aussi pour l’auctorisation des édicts, à ce qu’ils apparoissent estre faicts et vérifiéz avec le conseil légitime du roy : et du royaume. Ce que donne grande auctorité aux ordonnances et rend les subjects plus faciles à y obéyr. Car l’ordonnance du roy vérifiée en la court, de laquelle vérification dépend l’auctorité des édicts, et force de la perpétuité d’iceux », (F. Grimaudet, Les opuscules politiques, Paris, Gabriel Buon, 1580, f° 6 v°-7).
2060 Ibid., f° 19.
2061 Ibid., f° 19 v°-20, 26. « Par ce qu’en la distribution de la justice, les parlemês représentent le roy, et leurs arrestz sont prononcez soubs le nom du roy, par l’advis du conseil de la court : parquoy ils sont intitulez soubs le nom du roy, et executez de par luy », (ibid., f° 25 v°).
2062 Le Parlement de Pau se réfère au livre II chapitres 4 et 6 des œuvres de Pasquier, (remontrances du 29 novembre 1763, AN K 711 pièce 17 f° 6). En effet, selon E. Pasquier, « le parlement estant arresté, fut trouvé bon que les volontez générales de nos roys n’obtinssent point d’édicts, sinon qu’elle eussent esté vérifiées et émologuées en ce lieu », (Les œuvres d’Estienne Pasquier, t. 1, liv. II, chap. 4, op. cit., p. 64). Il ajoute que « les matières estaient réservées pour la cognoissance de la cour de parlement, ains seulement cognossoit de la police générale de France, concernant, ou le faict des guerres, ou l’institution des édicts, dont la vérification appartenaoit au parlement », (ibid., liv. II, chap. 6, p. 82).
2063 Arrêté du 20 mai 1768 du Parlement de Rouen, BN Lb38 1540 p. 7. Selon le Parlement de Rouen dans ses remontrances du 6 août 1778, (ADSM série 1B 293 f° 244) cité par A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., p. 211 note 139 : « Nuls édits, nulles ordonnances n’ont effet, on obéit à iceux, ou plutost on ne le tient pour édit et ordonnances s’ils ne sont vérifiés aux cours souveraines et par libre délibération d’icelles -la Roche Flavin en son traité des parlements, liv. 13, chap. 17, n° 1).
2064 « L’un des principaux droicts de la majesté et auctorité du roy, est de faire loix et ordonnances générales pour la police universelle de son Royaume. Les loix et ordonnances des roys doivent estre publiées et vérifiées en parlemêt, ou en autre cour souveraine, selon le subject de l’affaire, autrement les subjects n’en sont liez et quand la cour adjoute à l’acte de publication, que ç’a esté de l’exprès mandement du roy, c’est une marque que la cour n’a pas trouvé l’édit raisonnable », (G. Coquille, Institution au droict des François, Paris, Cardin Besongne, 1632, p. 6).
2065 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 66.
2066 Itératives remontrances du 9 août 1758 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 12 f° 4).
2067 Remontrances du 27 juin 1718 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 78).
2068 L.-A. le Paige, Lettres historiques, t. 1, op. cit., p. 89.
2069 Remontrances du 27 juin 1718 ; remontrances du 9 janvier 1731 ; remontrances du 4 août 1732 ; remontrances du 15 avril 1752 ; remontrances du 9 avril 1753 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., pp. 78, 233-234, 280, 500, 568).
2070 Remontrances du 3 juillet 1759 du Parlement de Paris, (ibid., t. 2, p. 196).
2071 Remontrances du 12 février 1756 du Parlement de Rouen, BN Lb38 657 pp. 12-13.
2072 L.-A. le Paige, Lettre dans laquelle on examine s’il est vrai que la doctrine de l’État, op. cit., p. 2. « Mais il n’en est pas moins véritable qu’il y a dans la France, comme dans tous les États policés, des formes de l’État ; des précautions essentielles, établies de tout temps, pour se prémunir contre les mauvaises lois et que l’une de ces formes capitales, est l’enregistrement au Parlement », (L.-B. de la Taste, Mémoires au sujet du nouvel écrit contre le Parlement, op. cit., p. 98). « À ces lois fondamentales tiennent nécessairement et essentiellement les pouvoirs intermédiaires, comme les assemblées de la nation, celles des États, le consentement des grands et des nobles, la vérification et les enregistrements libres dans les Parlements ou dans les cours souveraines », (Nous y pensons, ou réponse de MM. les avocats de Paris, op. cit., p. 9).
2073 « A-t-on pu s’imaginer que votre Parlement, que les peuples, que la postérité [ne] pussent jamais prendre le change entre un enregistrement libre, conforme au droit de la nation, et l’inscription forcée d’actes aussi contraires au droit de la nation dans leur teneur, que dans la forme extérieure de leur transcription » ? (remontrances du 26 juin 1756 du Parlement de Rouen, BN Lb38 674 p. 79). Cf. également les remontrances du 19 mars 1771 du Parlement de Rouen au roi, BN Lb38 1149 pp. 14-15. « S’il est une loi regardée en France comme sacrée, c’est celle de la nécessité de l’enregistrement libre, parce que c’est de là que dépendent toutes les autres. Il existe en France, comme dans toutes les monarchies, quelques droits inviolables qui appartiennent à la nation », (remontrances de janvier 1771 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 1087 p. 13).
2074 « Cette vérification faite par tout autre que le Parlement, ne pouvant opérer dans l’esprit des peuples la même certitude, ne peut que rendre la législation impartiale, toujours impuissante et souvent nuisible », (arrêté du 21 janvier 1756 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1477 p. 2).
2075 Remontrances du 12 mars 1756 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38661 pp. 5, 7 ; remontrances du 30 août 1770 du Parlement de Rouen, (AN K 712 pièce 19 f° 3 v°) ; arrêt du 30 janvier 1771 du Parlement de Rennes, (AN K 712 pièce 102 f° 2).
2076 « L’ordre public. C’est une maxime de droit public que les lois émanent dans leur principe de la seule autorité du souverain ; mais sa sagesse et sa justice exigent en même temps que ces lois ne puissent avoir aucune publicité ni exécution, avant que l’examen réfléchi des cours souveraines, et la réunion des lumières résultantes des attributions qui leur sont propres, ne leur aient procuré le complément nécessaire par le sceau de la vérification », (remontrances du 11 février 1765 de la Chambre des comptes de Paris, BN Lb38 973 p. 5).
2077 Arrêté du 18 mars 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1148 p. 3.
2078 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 pp. 41-43 ; arrêté du 23 février 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1117 p. 6. Le Parlement comtois dira en 1776 que les différents projets du roi « décèlent de plus en plus cette crainte, c’est le secret impénétrable dont on couvre aux yeux du public les motifs de cette nouveauté (…) Cependant, Sire, quelque mystère que l’on veuille introduire dans l’administration, depuis qu’elle est presque entièrement réduite à des opérations de finances, il est sensible que ce mystère ne peut pas s’étendre jusqu’à la volonté législative », (remontrances du 13 mars 1776, ADD série B 2844 pièce 11 f° 8 v°-9).
2079 Remontrances du 3 juillet 1759 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 197).
2080 Extrait du registre du Parlement de Bourgogne de 1771, (in Troisième recueil de diverses pièces de différents Parlements, op. cit., p. 13) ; remontrances du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, (Recueil des réclamations, t. 2, op. cit., p. 517).
2081 Arrêt du 15 septembre 1763 du Parlement de Toulouse, (ADHG série B 1664 f° 377 v°).» La loi de l’enregistrement est la loi de l’État : elle est le plus ferme appui du trône. Toute autorité législative est illégale, si elle ne porte sur ce fondement », (arrêt du 31 août 1763 du Parlement de Toulouse, ADHG série B 1663 f° 635 v°-636).
2082 « La vérification est la suite du caractère de dépositaires des lois, et ces dépositaires doivent nécessairement être perpétuels et irrévocables, comme les lois dont ils ont la garde et le dépôt. Une commission, dont l’essence au contraire est d’être un sable mouvant (…) n’en peut être la dépositaire », (L.-A. le Paige, Observations sur l’incompétence de MM. du Conseil, op. cit., pp. 1-2).
2083 Nous y pensons, ou réponse de MM. les avocats de Paris, op. cit., pp. 7-8.
2084 Ibid., pp. 13-14.
2085 « La vérification des lois n’est point une fonction dont l’exercice puisse être arbitrairement attribué (…) Dans le premier âge, c’était la nation entière qui en délibérait avec les rois dans les champs de mars, nommés placites généraux et Parlements », (L.-A. le Paige, Observations sur l’incompétence de MM. du Conseil, op. cit., p. 7).
2086 Remontrances du 10 avril 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1172 p. 7.
2087 L.-A. le Paige, Lettre d’un ancien magistrat à un duc et pair, op. cit., p. 8.
2088 « Les étrangers ne croient pas la paix conclue avec nous qu’après que le traité y a été vérifié », (Judicium Francorum, op. cit., p. 3).
2089 « Par exemple le Judicium Francorum parle du traité de Madrid pendant la prison de François 1er et les remontrances en parlent après lui, mais le premier de ces écrits se donne bien de garde de rapporter la clause de ce traité, la seule qui ait été relevée par le second : savoir que le roi se soumettait à l’obéissance des choses convenues et qu’en vertu [de cette] soumission il fut condamné par arrêt et sentence définitive des dit Parlements en bonne et convenable forme », (B. Capmartin de Chaupy, Réflexions d’un avocat, t. 1, op. cit., pp. 50-51).
2090 Réflexions sur la réponse du roi aux députés du Parlement faite le mardi 14 mai 1752, s.l., BN Ms. Fr. 7570 f° 121.
2091 Remontrances du 6 août 1757 du Parlement de Rouen, BN Lb38 739 p. 43. Cf. à ce sujet les remontrances du 18 septembre 1759 et 24 juin 1763 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 254, 359).
2092 « La bonne foi » et la « confiance » sont dans une « parole authentiquement consignée dans les registres de toutes ses cours, parole dont la violence entraînerait la perte de toute confiance, soit de ses sujets, soit des nations étrangères », (représentations du 7 janvier 1764 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 938 p. 5).
2093 Arrêté du 27 février 1768 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1541 pp. 4-5.
2094 Arrêté du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 1129 p. 7.
2095 Remontrances du 6 avril 1771 du Parlement de Toulouse, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2295 f° 79 r°-80.
2096 Objets de remontrances du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 9 f° 3 v°).
2097 C.-M. de Villette, Le soufflet du maître perruquier à sa femme, s.l.n.d. BN Lb38 1115 p. 11 ; Le coup de peigne du maître perruquier ou nouvel entretien du maître perruquier avec sa femme, s.l.n.d. BN Lb38 1231 p. 4.
2098 Réflexions d’un vieux patriote sur les affaires présentes, s.l.n.d. BN Lb38 1200 p. 7.
2099 Lettre d’un avocat de Paris aux magistrats du Parlement de Rouen, au sujet de l’arrêt de cette cour du 15 avril 1771, s.l.n.d. BN Lb38 1213 p. 5.
2100 M.-A. Rodier, Questions sur l’ordonnance de Louis XIV du mois d’avril 1667 relatives aux usages des cours de Parlement et principalement de celui de Toulouse, Toulouse, Dupleix Laporte, 1769, p. 11.
2101 J.-E. Schlanger, Les métaphores de l’organisme, Paris, J. Vrin, 1971, p. 192.
2102 Ibid., p. 193.
2103 « Ce n’est pas le tout d’avoir ainsi l’esprit en large, il faudrait aussi l’avoir en long et en profond, suivant les conditions essentielles des corps solides. L’État a bien besoin d’une tête », (R.-L. d’Argenson, Journal, t. 2, op. cit., p. 101).
2104 J. Krynen, L’empire du roi, op. cit., p. 242.
2105 Ibid., p. 244.
2106 La fonction des États généraux fait la part belle à « l’anthropomorphisme politique » du corpus mysticum regni, (J. Krynen, « La représentation politique dans l’ancienne France », op. cit., p. 41).
2107 A.-M. Brenot, « Le corps pour royaume, un langage politique de la fin du xvième siècle et début du xviième siècle », HES, 1991, n° 4, p. 459.
2108 E. Kantorowicz, Les deux corps du roi, traduit de l’anglais par J.-P. et N. Genet, Paris, NRF-Gallimard, 1989, p. 149 ; J.-M. Apostolides, Le roi-machine, spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Editions de Minuit, 1982, p. 12.
2109 J.-L. Harouel, « La monarchie absolue », Le miracle capétien, op. cit., p. 101.
2110 « C’est originairement dans le roi à la tête de la nation, ensuite dans le roi à la tête des pairs, des évêques, des hauts barons, des vassaux immédiats, et des officiers royaux les plus en dignité, qu’a résidé, en France, le droit de juger les citoyens », (remontrances du 10 avril 1775 de la Cour des aides de Paris, BN Lb39 192 p. 10). Sept ans plus tard, le Parlement de Toulouse indiquera que le roi est « l’appréciateur suprême des besoins de l’État », (remontrances du 10 septembre 1782, AN K 713 pièce 41 f° 3 v°).
2111 Judicium Francorum, op. cit., p. 8.
2112 J.-L. Mestre, Historique des collectivités locales, op. cit., n° 38.
2113 Remontrances du 15 décembre 1747 du Parlement de Pau, (ADPA série B 4556 f° 34).
2114 C. Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation, op. cit., p. 426 ; E. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 268.
2115 Remontrances du 9 avril 1753 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 525).
2116 J. de la Baune, Éloge historique du Parlement, prononcé au collège de Louis le Grand au mois d’octobre 1684 avec des notes et une suite généalogique et historique des premiers présidents, depuis Hugues de Courcy jusqu’à M. de Maupeou, s.l., 1753, BPR Lp 534 pièce 8 p. 7.
2117 P. Barral, Manuel des souverains, op. cit., p. 17.
2118 Ibid., p. 32.
2119 Ibid., pp. 17, 28.
2120 « Le devoir d’un prince n’est autre que de se conformer aux lois, d’obliger les autres à s’y conformer, de veiller pour le bonheur public de consulter le bien du corps de la nation et des particuliers », (ibid., p. 14).
2121 Ibid., p. 34.
2122 Remontrances du 25 juillet 1754 du Parlement de Rouen, BN Ld4 2618 p. 10.
2123 Remontrances du 18 juillet 1760 du Parlement de Rennes, BN Lb38 839 p. 11.
2124 « Que la vérité, la raison et la justice fassent taire à jamais ces ennemis de l’État, qui oseront distinguer les intérêts du prince de ceux de la nation ! Famille politique qui se verra dans le danger de tout perdre, dès que cette funeste distinction s’introduira mais qui, animée de l’esprit public, doit braver tous les efforts extérieurs », (Remontrances du Parlement de Besançon du 13 décembre 1763 à propos de l’oppression des classes de Toulouse, Rouen et Grenoble, s.l.n.d., p. 5).
2125 Remontrances du 17 août 1763 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2325 f° 15 v°).
2126 « Sous le gouvernement français, le lien indissoluble des lois attache à jamais la nation au souverain et le souverain à la nation. De là ce spectacle continuel dans les annales françaises, la nation réclamant et soutenant au prix de son sang, les lois qui assurent les intérêts et les droits sacrés du souverain ; le souverain, dans l’exercice d’une puissance modérée, maintenant les lois qui garantissent la sûreté de son trône et le bonheur de sujets si fidèles », (P.-L. Chaillou, Des commissions extraordinaires, op. cit., p. 4).
2127 « Vous êtes, Sire, le chef et le lien de la société, c’est sous votre protection [que les sujets] jouissent des avantages et des droits de la liberté légitime que leur assurent les lois et le bonheur de vivre sous votre domination : si le poids des charges anéantit les droits du propriétaire, le principe essentiel et constitutif de la société tombe et la liberté légitime des sujets s’évanouit », (remontrances du 21 avril 1769 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2314 f° 87-87 v° et AN K 710 pièce 6bis f° 14 et s.).
2128 Remontrances du 5 juin 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1238 p. 17.
2129 Remontrances du 22 juin 1781 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2845 pièce 6 f° 5-5 v°).
2130 Remontrances du 26 juin 1756 du Parlement de Rouen, BN Lb38 674 p. 15 ; remontrances du 26 juin 1758 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 11 f° 2 v°). Cf. C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., pp. 58-60, 398.
2131 Remontrances du 12 décembre 1778 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2845 pièce 2 f° 5 v°). En effet, les magistrats citent volontiers les pages 125, 151 et 152 de l’ouvrage de J.-N. Moreau sur les devoirs du prince : « La nature même [de juger] exige qu’il soit confié à des officiers » ; « il faut au peuple des juges dont il puisse être l’ami » ; « l’importance des intérêts qui seront confiés à vos tribunaux », (J.-N. Moreau, Les devoirs du prince, op. cit., pp. 125, 151, 152).
2132 Un auteur anonyme, sûrement le Paige, se fonde en 1756 entre autre sur le liv. I, art.4, § 8 de l’ouvrage de l’aigle de Meaux pour dire « qu’il y a des lois fondamentales qu’on ne peut changer » ; sur le liv. V, art. 2, § 7 et liv. VIII, art. 1, § 4 pour affirmer que l’arbitraire est un fléau ; sur le liv. IV, art. 1 pour exposer que les rois « ne sont pas dispensés des lois » ; enfin sur le liv. VI, art. 2, § 6 pour pousser les Parlements à faire des remontrances : « Qu’on leur permette de parler pour le peuple, pour l’État, pour le prince », (Extrait de la politique sacrée de M. de Bossuet sur l’autorité, s.l., 13 avril 1756, pp. 5, 7 et 12, 19, 24). Cf. aussi les remontrances du 9 avril 1753 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., pp. 523524) ; P. Alès de Corbet, Examen des principes de gouvernement, op. cit., pp. 50-51 ; représentations du 16 janvier 1771 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1075 p. 18 ; C. Mey, G. N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., pp. 46, 71-72. A.-A. Clément de Boissy cite en 1771 Bossuet contre le possible viol des lois fondamentales par le prince, (Le maire du palais, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., pp. 20-21, 81). A. Blonde prend à témoin Bossuet en 1772 à propos de son refus de toute forme d’arbitraire, (Extrait de : Le Parlement justifié par l’impératrice de Russie, ibid., p. 107).
2133 Remontrances du 26 juin 1756 du Parlement de Rouen, BN Lb38 674 p. 15 ; remontrances du 11 mars 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1142 p. 24 ; remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 63.
2134 Le Parlement de Bordeaux reconnaît par exemple en 1762 la pleine puissance législative du monarque : « C’est un principe fondamental de notre droit public qu’il y a en France qu’une autorité qui seule ait le pouvoir de faire des lois. Ce pouvoir législatif est dans les mains seules du souverain qu’il repose : cette autorité unique est dans les mains seules du souverain, qu’elle réside dans toute sa plénitude sans concurrence, sans division, sans partage et loin de nous, Sire, loin de tout cœur français l’idée criminelle d’une autorité qui pût en être rivale ! », (remontrances du 7 septembre 1762 du Parlement de Bordeaux, AN K 708 pièce 30 f° 12 v°-13).
2135 « Il y a dans le Parlement un petit nombre de personnes qui veulent empêcher tous les autres d’y travailler, et qui malheureusement ne peuvent pas les faire elles-mêmes. Comme nous avons très peu de grands travailleurs, personne ne contredit ce petit Conseil particulier, et par ce moyen on fait faire les remontrances, soit à Paris, soit ailleurs : elles arrivent par la poste, avec les citations sur de petites notes de papier, on les lit aux commissaires, sans me vouloir jamais communiquer l’ouvrage auparavant », (Lettre du 19 juillet 1760, A.-T. Hue de Miromesnil, Correspondance politique, t. 1, op. cit., p. 145).
2136 C.-F. de Revol, Mémoires sur la situation du Parlement, op. cit., f° 311.
2137 « Si quelquefois ces magistrats ont paru ne pas donner la plus prompte exécution aux ordres de V.M., cette résistance apparente n’a en d’autres motifs que le bonheur des peuples », (lettre au roi du 2 mars 1771 du Parlement de Metz, BPR Lp 569 pièce 52 f° 1-1 v°).
2138 Fr. Olivier-Martin, Les lois du roi, op. cit., p. 222.
2139 G. Chaussinand-Nogaret, Le citoyen des Lumières, Paris, Complexe, 1994, p. 75.
2140 R.-E. Giesey, Le roi ne meurt jamais, Paris, Flammarion, 1987, pp. 267-276.
2141 J.-P. Brancourt, « Des Estats à l’État », op. cit., p. 51.
2142 J.-F. de Biefield, Institutions politiques, t. 1, op. cit., p. 11.
2143 « Cependant, Sire, les rois sont hommes en même temps qu’ils sont rois. Comme hommes ils doivent concourir de toutes leurs facultés au bonheur de leurs semblables : ils doivent comme rois y contribuer de toute leur puissance ; c’est pour cela seul qu’ils sont appelés images de Dieu sur la terre », (remontrances du 5 août 1763 du Parlement de Rouen, BN Lb38 904 p. 10). « Vous êtes leur père, Sire, en cette qualité, [le peuple] vous doi[t] des secours. C’est un droit sacré : mais il ne porte ici que sur les besoins indispensables, par un juste égard à la malheureuse situation de vos enfants qui ne mérite pas moins d’être considérée. Vous êtes leur roi : ils vous doivent des tributs ; mais non pas sans bornes que toute propriété vienne à résider de fait dans les mains du souverain, et à dépendre de son commandement arbitraire », (remontrances du 19 janvier 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 946 pp. 36-37).
2144 « C’est Sire, par une suite naturelle de cette soumission réciproque du souverain et des sujets à la loi, qu’on vous voit souvent descendre du trône, pour défendre, comme simple citoyen, dans vos tribunaux de justice, des droits litigieux, entre vous et vos sujets : spectacle attendrissant, glorieux pour la nation qui vous est soumise, où la loi qui commande triomphe beaucoup moins que le souverain qui obéit », (représentations du 16 janvier 1771 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1075 pp. 21-22).
2145 Remontrances du 1er juin 1725 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 207).
2146 J.-C. de Lavie, Des corps politiques, t. 1, op. cit., p. 171.
2147 Ibid., p. 172.
2148 Ibid.
2149 Ibid., p. 176. « C’est au droit de souveraineté qu’est attachée la vie des corps politiques. Si la souveraineté passe du peuple à un seul, d’un seul à plusieurs ; du plus petit nombre au plus grand ; ce n’est qu’un changement absolu : si elle se perd c’est une destruction », (ibid., t. 2, pp. 408-409).
2150 Ibid., p. 233.
2151 Ibid., p. 264.
2152 Ibid., p. 435.
2153 Remontrances du 17 juin 1765 du Parlement de Besançon, (AN K 708 pièce 262 f° 4).
2154 L.-A. le Paige, Lettre apologétique critique et politique, op. cit., p. 75.
2155 Discours sur la philosophie de la nation, op. cit., pp. 50-51.
2156 Ibid., pp. 322-323.
2157 V. Riquéti de Mirabeau, Traité de la monarchie, op. cit., p. 40.
2158 « Dans l’ordre actif du gouvernement, le monarque est l’âme et la nation est le corps. Toutes les opérations relatives de l’âme doivent avoir pour but la vivification, la conservation du corps. L’âme ne peut agir régulièrement que conformément à la constitution et à l’organisation du corps. Si elle veut le forcer à exécuter des mouvements violents et excessifs, elle trouve de la résistance ou de l’épuisement dans les organes », (ibid.).
2159 Ibid., p. 74.
2160 Remontrances du 4 juillet 1760 du Parlement de Besançon, (Recueil de pièces servant à l’histoire du Parlement séant à Besançon, t. 1, op. cit., p. 422).
2161 Remontrances du 31 mai 1763 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 337).
2162 P. Barral, Manuel des souverains, op. cit., p. 13.
2163 C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit, v°» Roi », t. 2, op. cit., p. 831.
2164 Remontrances du 6 août 1757 du Parlement de Rouen, BN Lb38 739 p. 3.
2165 P. d’Alès de Corbet, Examen des principes de gouvernement, op. cit., p. 17.
2166 Remontrances du 24 février 1772 du Parlement de Rennes, (AN K 712 pièce 112 f° 1 v°).
2167 « Il est le prince du peuple, sur la tête duquel il est élevé par l’ordre de Dieu ; mais à condition qu’il gouvernera ce peuple que comme la tête gouverne le corps ; c’est-à-dire, en suivant toujours les lois prescrites pour le salut du corps, et y demeurant lui-même subordonné : que ces lois pour établir l’unité publique, et autorisées par le conseil commun : qu’en un mot, afin d’être dignes d’une nation libre, elles seront faites et dictées par les vœux de tous », (M. Morizot, Inauguration de Pharamond ou expositions des lois fondamentales de la monarchie française avec les preuves de leur exécution, perpétuées sous les trois races de nos rois, s.l., 1772, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 4, op. cit., p. 201).
2168 « Il est donc vrai que le monarque n’a reçu la puissance souveraine que pour le bien commun de la société confiée à ses soins. Il est au royaume ce que la tête est au corps humain (…) Il n’y a que des ministres corrompus qui puissent écraser le peuple pour enrichir le prince. C’est couper tous les membres pour engraisser la tête », (C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., pp. 26, 88).
2169 G.-J. Holland, Réflexions philosophiques sur le système de la nature, t. 1, Paris, Valade, 1773, p. 118.
2170 Remontrances du 9 septembre 1717 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 55).
2171 Remontrances du 27 novembre 1755 du Parlement de Paris, (ibid., t. 2, p. 32).
2172 Remontrances du 9 août 1760 du Parlement de Toulouse, BN Lb38 851 p. 10.
2173 « Le corps à qui les besoins de votre peuple sont confiés et qui en porte les vœux aux pieds du trône, le corps à qui la vérification des lois est soumise, devait naturellement avoir en partage cette dignité, qui selon les paroles de Louis XIV, est une partie essentielle de la dignité du roi. Elle est sans doute aux yeux de la nation le premier gage de la stabilité de la magistrature », (remontrances du 23 juin 1784 du Parlement de Grenoble, AN K 710 pièce 31 f° 4 v°).
2174 Arrêt du 2 mai 1768 du Parlement d’Aix, (ADBR série B 3677 f° 29).
2175 L. Machon, Les véritables maximes du gouvernement de la France justifiées par l’ordre des temps, op. cit., p. 14.
2176 Judicium Francorum, op. cit., p. 3.
2177 Pour l’autorité du Parlement dans les affaires publiques, op. cit., f° 5 r°.
2178 A.-P. de Gomicourt, Dissertation historique et critique pour servir à l’histoire des premiers temps de la monarchie française, Colmar, Charles Fontaine, 1754, p. 6.
2179 B. Capmartin de Chaupy, Réflexions d’un avocat, t. 1, op. cit., pp. 59-60.
2180 « Le règlement fondamental qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être exercée est ce qui forme la constitution de l’État. En elle se voit la forme sous laquelle la nation agit en qualité de corps politique ; comment et par qui le peuple doit être gouverné, quels sont les droits et les devoirs de ceux qui gouvernent ? Cette constitution n’est dans le fond autre chose que l’établissement de l’ordre dans lequel la nation se propose de travailler en commun à obtenir les avantages en vue desquels la société politique s’est établie », (E. de Vattel, Le droit des gens, t. 1, op. cit., p. 31).
2181 « Une troupe de lâches courtisans persuade sans peine à un monarque orgueilleux que la nation est faite par lui et non lui pour la nation. Il regarde bientôt le royaume comme un patrimoine qui lui est propre et le peuple comme un troupeau de bétail », (ibid., pp. 40-41).
2182 Ibid., p. 1.
2183 Ibid., p. 42.
2184 Ibid., p. 17.
2185 Ibid., pp. 2-3.
2186 Ibid., pp. 25-26.
2187 Ibid., p. 35.
2188 Ibid., p. 36.
2189 Ibid., p. 44.
2190 Ibid., pp. 47, 55. « Le monarque réunit en sa personne toute la majesté qui appartient au corps entier de la nation », (ibid., p. 42).
2191 Cité par Bernard Vonglis, celui-ci reprenant les dires de P.-E. Lemontey dans son ouvrage Essai sur l’État monarchique, 1818, (L’État, c’était bien lui, op. cit., p. 23). L'ouvrage de Lemontey n'a pu être consulté.
2192 M. Antoine, « Le discours de la flagellation, 3 mars 1766 », Recueil de travaux offerts à M. Clovis Brunel, t. 1, Société de l’Ecole de Chartes, 1955, p. 37.
2193 S. Hanley-Madden, « L’idéologie constitutionnelle en France : le lit de justice », op. cit., p. 51.
2194 Lit de justice du 3 mars 1766, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 556).
2195 Ibid., p. 558.
2196 J.-N. Moreau, Les devoirs du prince, op. cit., p. 192.
2197 « Un prince (...) dira à la nation, voilà la règle ; il dira aux magistrats, venez à moi ô vous qui voyez de plus près et les besoins et l’intérêt des peuples », (ibid., p. 371).
2198 R. Bickart, Les Parlements, op. cit., pp. 144-145.
2199 L. Laugier, Un ministère réformateur sous Louis XV, le triumvirat (1770-1774), Paris, La Pensée Universelle, 1975, pp. 32-33 ; A. Cocatre-Zilgien, « Les doctrines politiques des milieux parlementaires », op. cit., p. 81.
2200 G. Lemarchand, « La conception de la monarchie française selon les remontrances du Parlement de Rouen », op. cit., pp. 38-39.
2201 Comme on peut le comprendre en 1791 dans l’action des émigrés français, (J.-L. Poisot, « Aspects juridiques et constitutionnels de la contre-Révolution : la poursuite en émigration de la querelle opposant les Parlements à la royauté française », MSHDB, 1980, fasc. 37, p. 266 et R. Warlomont, « Une tentative d’union des Parlements en France en 1791 », RHDFE, 1969, n° 2).
2202 L.-A. le Paige, Lettres historiques, t. 2, op. cit., pp. 230, 239.
2203 Fr. Olivier-Martin, Les Parlements, op. cit., p. 441. L’Hôspital tira argument de la sédentarisation des Parlements avec les lettres patentes de 1454 accordant l’égalité entre Toulouse et Paris pour formuler cette thèse. Cf. les remontrances du 3 juillet 1759 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 196).
2204 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 p. 14. Historiarum lib. 30 : « Ex quâ tamquam ex matrice propagate sunt ».
2205 M. Cantalauze de la Garde, Dissertation sur l’origine et les fonctions essentielles du Parlement, op. cit., p. 77.
2206 L.-P. Joly de Bévy, Le Parlement outragé, op. cit., p. 19.
2207 Remontrances du Parlement de Toulouse au roi sur le second vingtième du 27 septembre 1756, (Recueil de remontrances, op. cit., p. 7).
2208 Remontrance du 4 juillet 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 830 p. 3.
2209 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 p. 15.
2210 Remontrances du 6 août 1757 du Parlement de Rouen, BN Lb38 739 p. 4.
2211 « La cour a arrêté que, suivant les lois fondamentales de la monarchie, le Parlement de France, seul et unique Conseil public, légal et nécessaire du souverain, est essentiellement un comme le souverain dont il le Conseil et l’organe, et comme la constitution politique de l’État, de laquelle il est gardien et dépositaire », (arrêté du 10 août 1764 du Parlement de Rouen, BN Lb38 963 p. 1).
2212 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 14.
2213 À part quelques cours comme le Conseil Souverain d’Artois, (P. Sueur, Le Conseil Provincial d’Artois, 1640-1790. Une cour provinciale à la recherche de sa souveraineté, t. 2, Arras, 1982, p. 791) ou le Parlement de Metz, (lettre au roi du 10 septembre 1765, BN Lb38 1529 p. 2), des Parlements comme celui d’Aix, (lettre au roi du 20 juin 1757, ADBR série B 3676 f° 8 v°), de Rouen, (remontrances du 26 juin 1756, BN Lb38 674 pp. 48-49 et remontrances du 4 juillet 1760, BN Lb38 836 p. 6), de Paris, (remontrances du 27 novembre 1755 ; remontrances du 22 août 1756 et remontrances du 18 janvier 1764, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 73, 138, 425), de Grenoble, (lettre du 19 décembre 1763 au Parlement de Pau, ADPA série B 4560 f° 117), de Bordeaux, (arrêté du 21 janvier 1764, BN Lb38 947 p. 10), de Toulouse, (lettre du 9 février 1771 au roi, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2295 f° 67 r°), adoptent une telle disposition. En ce qui concerne la cour de Douai, selon Louis Petit de Bachaumont le 20 mars 1771, « le Parlement de Douai a fait le 13 de ce mois un arrêté en faveur du Parlement de Paris. Cette démarche est remarquable, en ce que c’est la première fois que cette compagnie prend fait et cause pour une autre », (Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république, t. 5, op. cit., p. 262). Enfin, en ce qui concerne le Parlement de Pau, on peut observer qu’il « a été arrêté qu’il sera écrit au nom de la compagnie à celle de la classe du Parlement séant à Rennes pour lui témoigner la part qu’elle prend à l’état actuel où elle se trouve et prie cette compagnie de vouloir envoyer la suite de leurs procès-verbaux », (arrêté du Parlement de Pau envoyé au Parlement de Rennes du 25 mars 1765, ADPA série 4561 f° 149). Cf. l’arrêté du Parlement de Pau du 20 avril 1765 (ibid., f° 148) et celui du 25 mars 1765 remerciant « la classe du Parlement de Dijon pour avoir pris position dans ses affaires », (ibid., f° 150). Le Parlement de Navarre retranscrit dans ses registres des extraits de remontrances comme celles de Bordeaux du 19 avril 1765 : [« Distribué en différentes classes dans votre royaume, mais uni par essence et paroles, liens sacrés de l’amour qu’il vous porte, votre Parlement, Sire, éprouve partout les disgrâces les plus humiliantes », (ibid., f° 158)] ou d’arrêtés comme celui de Dijon du 11 mars 1765 : [« Ces lettres de cachet tendaient visiblement à priver la classe séant en Navarre du droit incontestable qui appartient à toutes les classes du Parlement de maintenir leur discipline intérieure », (ibid., f° 160)]. Cf. aussi F. Bidouze, « Le Parlement de Navarre et l’union des classes : doctrines et réalités », Les Parlements de province, op. cit., pp. 757-768.
2214 Lettre à un conseiller du Parlement de Bordeaux sur l’arrêté de ce Parlement du 1er mars 1757, s.l., mars 1757, BN Ms Fr. nouvelle acquisition 7982 f° 669-670 r°.
2215 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 pp. 22-26.
2216 Cf. J.-L. Mestre, Introduction historique au droit administratif, op. cit., p. 184.
2217 L.-A. le Paige, Justification du Parlement ou observations sur le discours de M. le chancelier, au lit de justice du vendredi 7 décembre 1770, s.l.n.d. BN Lb38 1060 p. 23.
2218 Très humbles et très respectueuses remontrances d’un citoyen, op. cit., p. 11.
2219 Considérations sur l’édit du mois de décembre 1770, in Le code des Français, t. 1, op. cit., p. 50.
2220 Ils reviendront, ils ne reviendront pas, ou le pour et le contre, s.l.n.d. BN Lb38 1078 p. 42.
2221 Réponse à la lettre d’un magistrat à un duc et pair, in Le code des Français, t. 2, op. cit., p. 238.
2222 Fr. Olivier-Martin, L’administration provinciale à la fin de l’Ancien Régime, reprint, Paris, LGDJ, 1997, p. 393.
2223 J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 427. Cf. J. Egret, Le Parlement de Dauphiné, t. 1, op. cit., pp. 253-255.
2224 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., p. 12.
2225 Ibid., pp. 155-156.
2226 Lettre à un conseiller du Parlement de Bordeaux, op. cit., f° 675.
2227 Arrêt du 22 mars 1765 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2321 f° 49).
2228 « Quoi ! Des magistrats profitent des liens d’union et de confraternité nécessaires entre les différentes compagnies qui composent votre Parlement, qui partagent les mêmes fonctions, qui sont également les dépositaires des lois », (remontrances du 30 août 1770 du Parlement de Rouen, AN K 712 pièce 19 f° 9 v° et ADSM 1B 288 f° 215).
2229 L.-A. le Paige, Lettre de Monsieur***, conseiller au Parlement, op. cit., p. 5.
2230 Réflexions générales sur le système projeté par le maire du palais, op. cit., p. 80.
2231 « Le projet de n’avoir en France qu’un seul Parlement, ce projet s’il a existé, a disparu ; un seul corps chargé de vérifier et de maintenir les lois, ne pourrait ni en apercevoir tous les inconvénients pour chaque province, ni apporter d’assez prompts remèdes aux contraventions éloignées », (Essai historique sur les droits de la province de Normandie, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 5, op. cit., p. 258).
2232 J. Egret, Le Parlement de Dauphiné, t. 1, op. cit., p. 255.
2233 E. Gojosso, Le concept de république, op. cit., pp. 363 et s. Cf. plus généralement R. Derathé, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris, Vrin, 1974.
2234 J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. II, chap. 11, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 391.
2235 Ibid., liv. I, chap. 7, p. 362.
2236 Ibid., liv. II, chap. 1, p. 369.
2237 J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1ère version, (ibid., p. 303).
2238 Le contexte de la IIIème République envenimant son raisonnement, Carré de Malberg se trompe sur la souveraineté nationale car celui-ci calque sur « la tradition révolutionnaire un système conceptuel qui est étranger », (C. Schonberger, « De la souveraineté nationale à la souveraineté du peuple. Mutations et continuité de la théorie de l’État de Carré de Malberg », RFHIP, 1996, n° 4, p. 302). Pour une approche plus générale, se référer à G. Bacot, Carré de Malberg et l’origine de la distinction entre souveraineté du peuple et souveraineté nationale, Paris, CNRS, 1985, pp. 7, 19, 21-29, 55-56 et E. Maulin, « Carré de Malberg et le droit constitutionnel de la Révolution française », AHRF, 2002, n° 328, pp. 5-25.
2239 Rappelons que l’article 23 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 disposait : « La garantie sociale consiste dans l’action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale » et l’article 25 : « La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable ».
2240 J.-J. Rousseau parle par exemple à trois lignes près de « nations » et de « peuples », (Du contrat social, liv. II, chap. 8, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 385).
2241 « Mais il importe ici de bien se souvenir que le caractère propre et distinctif de ce pacte est que le peuple ne contracte qu’avec lui-même, c’est-à-dire, le peuple en corps comme souverain avec les particuliers qui le composent comme sujets », (J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1ère version, ibid., p. 292).
2242 J.-J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, (ibid., p. 245).
2243 X. Palacios, « Le concept de nation chez Rousseau », (ibid., p. 33).
2244 B. Andrieu, « Corps politique et contrat social », J.-J. Rousseau, politique et nation, op. cit., p. 18.
2245 Encyclopédie, v°« Économie politique », t. 5, [1755], op. cit., p. 338.
2246 « La puissance législative est le cœur de l’État, la puissance exécutive en est le cerveau, qui donne le mouvement à toutes les parties. Le cerveau peut tomber en paralysie et l’individu vivre encore. Un homme reste imbécile et vit : mais sitôt le cœur a cessé ses fonctions, l’animal est mort », (J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. III, chap. 11, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 424).
2247 « Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté », (ibid., liv. IV, chap. 1, p. 437).
2248 Ibid., liv. I, chap. 7, p. 363.
2249 Ibid., liv. III, chap. 14, p. 427.
2250 Ibid., liv. I, chap. 7, p. 363.
2251 Ibid., liv. II, chap. 1, p. 368.
2252 « Si donc le peuple promet simplement d’obéir, il se dissout par cet acte, il perd sa qualité de peuple ; à l’instant qu’il n’y a plus de souverain, et dès lors le corps politique est détruit », (ibid., liv. II, chap. 1, p. 369).
2253 Ibid., liv. III, chap. 2, pp. 400-401.
2254 Ibid., liv. II, chap. 2, chap. 4 et liv. III, chap. 1, pp. 369, 374, 397.
2255 Ibid., liv. III, chap. 1, p. 395. Il ajoute : « Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi », (ibid., liv. III, chap. 15, p. 430).
2256 R. Derathé, J.-J. Rousseau, op. cit., pp. 252 et s.
2257 J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. III, chap. 1, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 399.
2258 « Qu’est-ce donc que le gouvernement ? Un corps intermédiaire établi entre les sujets et le souverain pour leur mutuelle correspondance, chargé de l’exécution des lois et du maintien de la liberté, tant civile que politique. Les membres de ce corps s’appelle magistrats ou roi », (ibid., liv. III, chap. 1, p. 396).
2259 J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, (ibid., p. 901).
2260 J.-J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, (ibid., p. 256).
2261 J.-J. Rousseau, Lettres écrites de la montagne, (ibid., p. 806).
2262 Ibid., p. 826. De plus, « il est contre la nature du corps politique que le souverain s’impose une loi qu’il ne puisse enfreindre (…) Il n’y a ni ne peut y avoir nulle espèce de loi fondamentale obligatoire pour le corps, pas même le contrat social », (Du contrat social, liv. I, chap. 7, ibid., p. 362).
2263 J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1ère version, (ibid., p. 303).
2264 Ibid., p. 323.
2265 Dans une note de lecture visionnaire d’Argenson en 1753 on peut lire : « Tout bien considéré, le roi a de grands droits au pouvoir universel et absolu et, si son autorité est bien conseillée, elle s’en tiendra à ces petits Parlements d’aujourd’hui, subdivisés par provinces, composés de bourgeois, de clercs, de poëlons et de charges vénales à robe longue. Car si jamais la nation allait rentrer dans sa volonté et dans ses droits, elle ne manquerait pas d’établir une assemblée nationale universelle bien autrement dangereuse à l’autorité royale. On la rendrait nécessaire et toujours subsistante ; on la composerait de grands seigneurs, de députés de chaque province et des villes. On imiterait en toutes choses le Parlement d’Angleterre. La nation se réserverait la législation et ne donnerait au roi qu’une exécution provisoire » ! (cité par J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., pp. 91-92).
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