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Introduction au titre II

p. 195-196


Texte intégral

1En 1789, la nation est devenue tout à coup une entité souveraine. Pour cela, il a fallu qu’elle se détache de l’unité traditionnelle incarnée par le prince. Ainsi, le roi le 4 avril 1759 s’insurge contre les prétentions parlementaires privilégiant les droits de la nation1410. Cette réaction aura un écho défavorable1411. Cependant, dès le début du siècle jusqu’au rétablissement du Parlement de Paris le 12 novembre 1774, on observe un net vacillement dans le schéma habituel à travers deux bouleversements quasi-simultanés : la remise en cause de la symbiose roi-nation et l’érosion irrémédiable de ce couple par les coups de boutoir parlementaires et philosophiques. Parler du roi et de la nation, c’est affirmer deux entités séparées, c’est mettre en cause cette dualité consubstantielle à la monarchie. Il est clair que cette séparation politique suscite une opposition. Si la délégation partielle des pouvoirs monarchiques en faveur de conseillers et l’affirmation de l’adage « adveniente principe cessat magistratus » suspend ce mandat, il faut admettre l’importance de la résistance des cours souveraines dans ce processus1412. Postulat de la modernité, le divorce apparent mais non consommé entre le prince et la nation ne s’établit pas tout de suite comme une césure définitive mais plutôt comme un parallélisme parfait1413.

Notes de bas de page

1410 « Le roi ne dissimulera pas l’attention que quelques termes échappés dans les remontrances se sont attirées de sa part, comme pouvant être pris dans un sens que son Parlement désavouerait sans doute lui-même. On y parle du droit de la nation, comme s’il était distingué des lois dont le roi est la source et le principe, et que ce fût par ce droit que les lois protégeassent les citoyens contre ce que l’on veut appeler les voies irrégulières du pouvoir absolu », (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 187).

1411 « Mais, Sire, il ne s’agit point ici d’un droit qui n’intéresse que les Parlements ; il est commun à la magistrature entière, il l’est à tous vos sujets ; ils sont tous sous la protection immédiate des lois ; c’est le droit de la nation que votre Parlement réclame et n’a jamais cessé de réclamer, droit tellement lié et identifié avec l’exécution de la loi qu’on ne peut y porter la plus légère atteinte sans offenser la loi. C’est donc, Sire, le droit de la loi elle-même », (remontrances du 3 juillet 1759 du Parlement de Paris, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., pp. 196-197).

1412 F. di Donato pense que les parlementaires veulent devenir les « dominateurs, quoique cachés de la souveraineté royale », (« La puissance cachée de la robe, l’idéologie du jurisconsulte moderne et le problème du rapport entre pouvoir judiciaire et pouvoir politique », L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Études rassemblées par O. Cayla et M.-F. Renoux-Zagamé, Paris, LGDJ, 2001, pp. 106-109).

1413 P. Ory, Nouvelle histoire des idées politiques, Collection Pluriel, Paris, Hachette, 1987, pp. 127-135. « La conception de l’unité nationale s’inscrit d’abord comme une duplication, une répétition de l’unité royale, avant de s’imposer en rupture de celle-ci », (J.-Y. Guiomar, L’idéologie nationale, op. cit., p. 49).

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