Chapitre II. La patrie, cadre de l’éducation et de la conservation nationale
p. 119-193
Texte intégral
1Éduquer le sujet et lui inculquer les germes du bien public, de responsabilité envers le roi mais surtout envers la nation elle-même, fonde un premier principe. L’homme devenant presque un citoyen à part entière est redevable à sa communauté contre toutes formes d’agressions tendant à détruire cette nouvelle harmonie nationale. Ainsi, l’amour de la patrie est la source du sentiment national et permet de relier les hommes dans une nation.
I - L’AMOUR DE LA PATRIE, SOURCE DU SENTIMENT NATIONAL
2Le patriotisme est une passion qui concerne non seulement l’affectif de chacun des habitants qu’il faut développer mais aussi une unité plus large, fondement d’une nation d’hommes liés par la communauté. Il y a un lien évident entre l’individu et le droit à travers la nation car l’homme-atome appartient à cet ensemble naturellement794. Dès lors, le xviiième siècle a permis une triple évolution, à savoir le façonnement du patriote, la reconnaissance de la terre comme félicité nationale et la sauvegarde de la patrie.
§ 1 - Reconnaître et façonner le patriote
3Sans aller jusqu’à parler de « travail de désaliénation », c’est-à-dire chasser l’étranger de l’intérieur du peuple795, il convient de noter que cette entreprise éducative, élitiste796, participe à la naissance de la nation par le sacrifice d’un peuple ancien au profit d’un peuple nouveau. L’idée d’unité, de centralité nationale, érigée en quasi-postulat sous la Révolution de 1789, peut aussi se comprendre au sein d’une organisation rationnelle humaine tournée vers la personnification de la nation. Influencé par Rousseau, un anonyme en 1772, à l’instar d’Aguesseau797, pense que la dénaturation de la nation est le prolongement de l’absence de l’amour de la patrie798, amour attaqué par l’égoïsme de tous799. L’éducation ou l’instruction -la frontière n’est pas bien définie selon Duclos Pineau800-permet l’appartenance à un groupe que ce soit pour le former ou pour combler les brèches issues de la corruption des mœurs. L’éducation n’est effective que si un postulat important est admis : le patriotisme. Certains écrivains s’évertuent alors, par le référent éducatif, à rendre le peuple plus mature, plus à même de se regarder, de mieux penser. L’éducation transforme, l’éducation fait se mouvoir. Même si le principe de nature avait un grand écho au xviiième siècle, il fallait le concours et surtout la main de l’homme par ses institutions afin justement de créer l’homonovus801. On ne naît pas patriote, on le devient par la pédagogie dont les effets seront relayés par les caractères nationaux pour Tocqueville802 et Michelet803 au xixème siècle. Il s’agit donc, selon Mably au xviiième siècle, de rendre le peuple à sa patrie et utile à sa nation804. L’éducation sera patriote ou ne sera pas pour un certain Fleury en 1764805.
4Ainsi, il est nécessaire de « rénover » le peuple et de combattre les préjugés. Il faut ensuite essayer de transformer la foule afin de pérenniser une nouvelle « race » d’hommes avec les citoyens. La patrie souscrit à la conversion de l’immense multitude en une nation : n’oublions pas la vision aristotélicienne de l’homme-animal civil. De ce fait, il existe un phénomène d’affection mais aussi d’intérêt806. Les thèmes de responsabilité et de maturité sont les deux mamelles du référent patriotique. D’une position plus ou moins passive -celle de sujets aimant le roi -on passe à une position plus ou moins active -celle de sujets estimant leurs intérêts. Rousseau a eu en ce sens une place fondamentale mais le leurre est grand car l’entreprise est loin d’être démocratique avec pour preuve l’épanouissement du parlementaire-citoyen.
Réhabiliter le peuple
5La réhabilitation du peuple s’établit à travers un nouveau mouvement : celui de la défense de la partie la plus saine de la nation à partir du milieu du xviiième siècle. Il n’est presque plus de bon ton d’accabler la masse. Le marquis de Mirabeau pense en 1754 qu’il faut honorer les petits, « cette intéressante portion de l’humanité (…) Le peuple est volage : reproche de factieux, reproche fait à la multitude oisive et déplacée »807. On observe évidemment l’attaque du préjugé de bestialité comme chez Morelly808. Les débuts de la physiocratie se faisant sentir, l’économiste et philanthrope Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre reconnaît en 1757 qu’une nation nombreuse ne peut être que productive809. Emboîtant le pas, Rousseau affirme que « c’est le peuple qui compose le genre humain ; ce qui n’est pas peuple est si peu de chose que ce n’est pas la peine de le compter »810. Cette tentative de transformation, cette opération à des fins honorables est nécessaire. Le peuple, si décrié, si insulté, enfile un manteau de respectabilité811. Pensant qu’il est dans la nature humaine de s’enrichir, un anonyme se déclare en faveur du luxe. L’abondance doit par conséquent se propager chez un maximum de gens812. Ainsi, dans un objectif patriotique sans équivoque813,
« lorsque les habitants de la campagne sont bien traités, insensiblement le nombre des propriétaires augmente parmi eux ; on y voit diminuer l’extrême distance et la vile dépendance du pauvre au riche. De là ce peuple a des sentiments élevés, du courage, de la force d’arme, des corps robustes, l’amour de la patrie, du respect, de l’attachement pour ces magistrats, pour un prince, un ordre, des lois auxquels ils doit son bien-être »814.
6D’ailleurs, on note au sein de ce discours une voix beaucoup plus passionnée, celle de l’abbé Coyer. Pour ce dernier en 1769,
« le peuple fut autrefois la partie la plus utile, la plus vertueuse et par conséquent la plus respectable de la nation. Il était composé de cultivateurs, d’artisans, de négociants, de financiers, de gens de lettres et de gens de lois »815.
7L’auteur essaie de reprendre à son compte le parti pris bestial du peuple pour le retourner. « L’instinct ne connaît que le nécessaire. La raison s’attache au superflu »816. Pour Coyer, le peuple se préoccupe directement du bien commun mais c’est une théorie à double tranchant car il exhibe encore, quelque part, le primitivisme populaire. En effet, il ose comparer cette partie de la nation à un animal pour mieux outrepasser le cadre brutal de la chose817 ! La nature du peuple ne doit pas être changée d’où une ambiguïté dans la recherche de l’élévation de la nation : il faut prendre celle-ci comme elle est.
« Le voilà bien décidé homme ; sa nature aurait-elle changé ? Le singe est toujours singe, et l’homme toujours homme. Le peuple est donc composé d’hommes ; mais il est à propos qu’il l’ignore toujours, et je ne le dis qu’aux riches, aux grands et aux ministres, qui pourront, comme auparavant, abuser de l’ignorance du peuple »818.
8Ainsi, après avoir reconnu l’existence de mœurs, admettre que la plus grande partie de la nation est utile, productive, non dénuée de sens, deviendra une évidence chez Restif de la Bretonne819, l’auteur dramatique Alexandre-Guillaume de Moissy820 ou encore Louis-Sébastien Mercier821. Cette vision politique et physiocratique, qui sera amplifiée à l’aube de la Révolution de 1789, perdrait en tangibilité au milieu du siècle si le discours parlementaire ne venait curieusement à son secours.
9Chez Hue de Miromesnil, suivant sans doute Montesquieu, existe tout un argumentaire où le peuple est quelque part doué d’une capacité de communication par l’intermédiaire des magistrats. Reconnaître que la populace n’en est plus une permet de construire l’édifice de la maturité nationale. En effet, celui-ci propose en 1760 dans un essai de remontrances au roi :
« Si la voix de votre Parlement n’est pas suffisante pour vous persuader, daignez, Sire, écouter celle du peuple. Quelque inconstante, quelque légère que soit la multitude dans ses jugements, cette incertitude ne se fait connaître que dans la conduite des affaires ; mais, quant au mérite des hommes, le peuple seul le sait apprécier. L’estime ou la haine générale sont aux hommes publics ce que la pierre de touche est à la loi. La voix publique, si vous daignez l’écouter, Sire, vous rendra un fidèle compte de la dureté barbare avec laquelle vos sujets sont traités »822.
10Même si, par exemple, la Chambre des comptes de Paris en 1759 identifie l’existence de fait et de droit de sujets passifs823, les parlementaires, avides de reconnaissance populaire824, confèrent à ce peuple une circonférence quasi-politique. Le « concours de l’universalité des sujets » peut cimenter la puissance du roi selon le Parlement de Grenoble en 1763825. On en arrive, en 1771 avec le Parlement de Dijon, à voir écrire « que le sentiment d’un seul homme, quelque habile qu’on le suppose, et quand même il serait de bonne foi, ne peut pas prévaloir contre le sentiment universel et contre le cri de tous les autres hommes »826. Cette prise en compte positive du peuple touche évidemment le troisième ordre de la nation. Le Parlement de Grenoble en 1760, contre la capitation, parle d’une « portion du tiers état dont les talents, l’industrie et les travaux, font la principale richesse du royaume »827. Le fait que la plupart des magistrats dauphinois aient une origine bourgeoise explique sûrement cette inclination828. À force de s’opposer au roi par le biais de l’arsenal populaire, les juges contribuent à sortir la multitude de sa passivité traditionnelle et permettent le développement d’un sentiment bienveillant vis-à-vis du peuple, vis-à-vis de la nation, celle qui travaille, celle qui nourrit l’ensemble de la communauté. L’influence de la physiocratie est incontestable. D’ailleurs, la démarche est partagée par le futur journal des économistes en 1751829 et par le négociant lyonnais Etienne-Joseph Poullin de Lumina en 1768830. Toutefois, définir la nation oblige à prodiguer une éducation à ses différentes composantes grâce au patriotisme. Rendre le peuple respectable constitue une première étape, essayer de l’éduquer en est une seconde.
Éduquer le peuple pour obtenir une nation citoyenne
11La matrice patriotique est le fil conducteur à cette transformation comme l’écrit le juriste Pierre-Jacques Brillon en 1727831. Le professeur au collège de Lyon Joseph-Antoine Cérutti en 1760, sur la base du patriotisme antique, indique que l’amour de la patrie est la somme des principes d’égalité et d’intérêt public devenu le seul intérêt personnel832. Le patriotisme « façonne [alors] le citoyen »833. Ainsi, la « citoyenneté » s’articule autour du terme de patrie. Castilhon mentionne à ce sujet qu’il
« résulte en général que l’esprit d’une nation se retrouve toujours, et dans quelques circonstances qui puissent arriver, dans le plus grand nombre des citoyens qui la composent »834.
12C’est dans ce sens qu’il faut comprendre en 1765 la définition du Dictionnaire de l’Académie française du terme « citoyen »835. Aimer sa patrie, c’est aimer son roi mais c’est aussi aimer son pays, les siens et, sur une ligne aristotélicienne, ses amis. Intéresser chacun au sort de ceux-ci, captive chacun à la destinée de ses propres biens836. Le sentiment patriotique tend à être redéfini sur le fondement d’un combat contre l’égoïsme de beaucoup comme le fait Didier-Pierre Chicaneau de Neuvillé837 ou le jésuite et apologiste du patriotisme nobiliaire R.-P. Charles838. Quoi de mieux que l’enseignement pour véhiculer un tel dévouement ! Dès lors, pour un certain le Rebours en 1760, les parents sont naturellement mis sur la sellette dans l’éventualité d’une éducation patriotique négligée839. L’avocat proche des jansénistes Claude-Louis Chanlaire voudra par conséquent, en 1765, que les enfants soient éduqués sur des « idées de justice » afin d’éviter de détruire la patrie840. En ce sens, il reconnaît qu’il y a dans les écoles de droit
« plusieurs professeurs en droit romain et un seul professeur en droit français. Il faudrait au contraire plusieurs professeurs en droit français et un seul professeur en romain. Les professeurs en droit français enseigneraient le droit commun de la France, composé de lois romaines qui ont un rapport à nos mœurs et qui sont adoptées par notre jurisprudence des coutumes et des ordonnances des rois ; ils expliqueraient en langue française les lois romaines et apprendraient aux jeunes gens à en pénétrer l’esprit et à en faire l’application »841.
13« L’éducation nationale »842, patriotique et même physiocratique843, doit pourtant échapper aux référents traditionnels de sujets dits « passifs » et se pose alors avec insistance ici la question controversée de l’opposition sujet-citoyen.
14De prime abord, cette évolution prend sa source dans l’assujettissement de chaque habitant du royaume. À l’instar de Bodin, le sujet doit obéissance au roi, dans une société dite harmonique où chacun vit et travaille à terme pour l’ensemble. Opposer d’un côté le citoyen actif et de l’autre le sujet passif peut, a priori, être dangereux dans une définition objective du terme844. S’en remettre au roi constitue par nature un mouvement patriotique : souvenons-nous des idées de Machiavel sur la virtu et les grandi. Les sujets de France n’ont cette qualité que par un procédé juridique avec la naissance ou la naturalisation. Fondement de la nation, élément de renforcement de celle-ci, cette dernière procédure dépend des droits souverains du prince. Cependant, il y a un détachement de la conception traditionnelle du sujet envers le roi sur le citoyen en direction de la nation845. Malgré la prépondérance des différentes acceptions en droit civil, le citoyen s’oppose subrepticement au sujet grâce à un ascendant politique fort : celui de son « activité ». En effet, par quel procédé un sujet devient citoyen ? Comme on l’a vu, n’est-il pas vrai non plus que le terme de citoyen était également employé par Bodin pour décrire le sujet846 ? Il serait ainsi faux d’affirmer qu’il y a une opposition nette et décisive entre le citoyen et le sujet puisque qu’il existe une superposition de terme même chez Rousseau847. Néanmoins, on ne peut occulter une évolution certaine présentant le subjectus comme l’image dépréciative d’un individu subordonné. Si la citoyenneté est ignorée institutionnellement jusqu’en 1789, ses aspirations politiques, elles, sont utilisées dès le milieu du xviiième siècle. La philosophie n’est pas cohérente dans l’unité mais réformatrice car elle doit s’atteler à dégager un type d’homme moyen, c’est-à-dire élevé et agissant selon des normes qu’il partage avec les élites sociales et intellectuelles. Le citoyen tend à être l’homme qui obéit à la loi nationale, le sujet fut l’homme qui se soumettait sans arrière-pensée à la loi royale. Les Maximes du droit public français concluent alors que « la qualité de sujet emporte donc la renonciation à la liberté puisqu’on ne saurait être sujet sans dépendre »848. La transformation est établie. Dans ce cadre, le citoyen de Genève engendre et synthétise à merveille ladite évolution grâce aussi à une éducation plus proche du peuple.
L’influence fondamentale de Rousseau
15Le postulat de la laïcisation mené par la philosophie des Lumières au xviiième siècle a, par l’esprit et non par un parti849, tenté d’ébranler l’édifice de la monarchie traditionnelle850. Une autonomisation face au pouvoir en place se met en action contre l’unité chrétienne qui faisait jadis le ciment de l’obéissance : le parallèle devient idéal pour le citoyen de Genève entre la religion catholique et la religion civile851. Selon Rousseau, le christianisme peut être la religion de l’homme mais pas du citoyen. S’inspirant visiblement de Machiavel852, le Genevois dénie toute autorité au pape car il est l’antithèse d’un « chef national »853. Il établit alors une opposition entre la religion de l’homme et la religion divine854. C’est la religion civile qu’il prône, elle « est bonne en ce qu’elle réunit le culte divin et l’amour des lois et que faisant de la patrie l’objet de l’adoration des citoyens, elle leur apprend que servir l’État c’est servir Dieu »855. Le christianisme est
« une religion universelle, qui n’a rien d’exclusif, rien de local, rien de propre à tel pays plutôt qu’à tel autre (...) Ceux donc qui ont voulu faire du christianisme une religion nationale et l’introduire comme partie constitutive dans le système de la législation, ont fait par là deux fautes, nuisibles, l’une à la religion, et l’autre à l’État »856.
16Une sécularisation nationale est engagée avec la promotion de fêtes nationales et la substitution de « cérémonies ecclésiastiques » par des « cérémonies civiles »857 dont le serment est le plus marquant témoignage858. Il est important que la nation se donne à soi-même sa propre image en spectacle859. La Révolution française lui doit en ce sens beaucoup. Les conséquences d’une telle vue, coupant le cordon ombilical entre Dieu, le roi et ses sujets, sont une désacralisation de la pyramide politique et institutionnelle dont peut jouir un monarque français par exemple. La matière religieuse complètement déviée, le Genevois s’attaque alors à la source même de la volonté humaine.
17D’après Rousseau, créant un « climat moral »860, l’édification des mœurs nationales et l’assemblage des intérêts particuliers de chaque individu ne suffisent pas pour asseoir une nation. D’ailleurs, on remarque cette situation ambivalente chez lui dans la transformation de son discours, passant d’un peuple stupide et d’une vision négative privilégiant la morale et l’économie à un discours théorique et politique dans le Contrat social861. Il y a deux voies, celle de l’Émile où la corruption est déjà présente et où l’institution d’un précepteur devient obligatoire. La seconde est celle du Discours sur l’économie politique où chacun vit déjà, a priori, dans une bonne législation, où l’on chérit sa patrie, où l’État doit jouer son rôle d’éducation. Partant de l’axiome que l’éducation publique est un des préceptes fondamentaux du gouvernement populaire862, le Genevois émet l’idée que l’instruction doit « donner aux âmes la force nationale »863. Cette attitude a pour assise la liberté de chacun et surtout garantit « le cœur du vice et l’esprit de l’erreur »864. À terme, « les vertus sociales » sont nécessaires dans la construction nationale865. La patrie nationalise la partie la plus saine du peuple. En effet, « la patrie ne peut subsister sans la liberté, ni la liberté sans la vertu, ni la vertu sans les citoyens »866. L’apport novateur de Rousseau se situe alors sur ce principe de psychologie, de volonté de l’âme et de cœur que chacun a pour sa terre, ses frères, sa communauté867. L’idée d’un serment se révèle de fait fondamental868. Ces éléments sont les sources de la nation moderne car, comme on le verra plus loin, « le corps politique est donc aussi un être moral qui a une volonté »869.
18L’objectif premier est de faire aimer la patrie au peuple870 car le mot de « patrie » n’est ni ridicule ni odieux871. C’est de la patrie que « naît le caractère primitif des habitants »872. Lorsque le peuple devient peuple873 et que ce dernier se responsabilise par l’apparition d’une nouvelle catégorie d’hommes, celle des citoyens, alors la patrie se légitime « parce qu’où il n’y a plus de patrie, il ne peut plus y avoir de citoyens »874. La patrie est le ferment, le ciment de la nation dans l’attitude que peut avoir le citoyen au sein de son pays et vis-à-vis de ses compatriotes. Le pessimisme de Hobbes semble banni. Nourri de références antiques875 et républicaines876, le système rousseauiste n’est viable qu’à travers l’unité dans les volontés particulières au profit de la volonté générale. Atteindre une telle osmose ne peut faire l’économie d’une éducation citoyenne et nationale877. La modernité est aussi dans le fait que l’attestation patriotique n’est plus uniquement tournée vers la terre mais aussi vers le citoyen878. D’ailleurs, dans une perspective organiciste879, les membres du corps politique « prennent le nom de peuple collectivement et s’appellent en particulier citoyen comme membre de la cité »880. En effet, ceux-ci se détachent, à rebours de la pensée de Bodin, de la sujétion parce que titulaires désormais de véritables droits politiques. Il existe toujours « entre les sujets des liens qui les maintiennent en corps de nation »881. Ainsi, prenant l’exemple de la Pologne, il écrit que
« la vertu de ses citoyens, leur zèle patriotique, la forme particulière que des institutions nationales peuvent donner à leurs âmes, voilà le seul rempart toujours prêt à la défendre et qu’aucune armée ne saurait forcer »882.
19Il s’agit donc d’éduquer le peuple et de le « convertir »883. Instruire le peuple participe à sa « nationalisation » néanmoins les préjugés résistent encore à l’entreprise.
Une éducation citoyenne segmentée
20À l’instar de Rousseau, il y a d’autres philosophes pour qui éducation nationale rime avec élévation du peuple. L’instruction se veut nationale en ce sens qu’elle doit bâtir des citoyens, qu’elle fait partie intégrante du système politique884 : éducation à la charge de l’État885. En effet, répartir la lumière, la distribuer convenablement participe aussi à un certain absolutisme éclairé. Jean-Alexis Borelli désire par exemple en 1768 que le gouvernement s’occupe de l’éducation et pense à la création « d’un bureau général » dans la capitale, responsable « des grands objets de l’éducation » et des « bureaux particuliers » dans les provinces, « pour avoir l’intendance des écoles publiques »886. Malgré cela, l’éducation ne convoite pas forcément une pédagogie pour tous et de la même façon887. La notion d’équilibre est primordiale888 car parler d’« élitisme manipulateur » ou « de noyautage » ne peut évidemment que nourrir le secret889. La philosophie ne veut pas dire seulement établir, ériger un système et une organisation, c’est aussi recommander l’existence et le développement de chacun au sein d’une cité qui se coupe immédiatement de cette pensée. L’élitisme bien sûr est de rigueur puisque le peuple n’a pas encore atteint le degré de maturité nécessaire d’où le rôle important des gens de lettres dans l’accession à ce zénith éducatif. L’abbé Terrasson en 1754890, Helvétius en 1759891, Galiani892, Quesnay893, Coyer en 1770894 ainsi que l’avocat Jacques-Vincent Delacroix en 1776895sont de cet avis. Selon d’Alembert,
« le génie philosophique dans tous les livres et dans tous les États est l’instant de la plus grande lumière d’un peuple ; c’est alors que le corps de la nation commence à avoir de l’esprit »896.
21Pourtant, il n’y a pas d’unanimité chez les philosophes quant à l’éducation à prodiguer mais différents degrés qu’il faut égrener. On doit façonner le peuple dans une progression homéopathique que ce soit pour Rousseau897 et Pecquet898 qui ne veulent pas se couper brutalement de la nature. L’abbé Petiot en 1770 garantit que « les lettres font maintenant l’opinion et l’opinion fait les mœurs »899. Les écrits se diffusent furtivement au sein de cette population qui sait de plus en plus lire900. L’opinion « constitue l’éducation nationale »901. Parler d’opinion, même si celle-ci n’existe pas au sens moderne du terme, permet de comprendre le projet ambitieux d’une nouvelle entité pensante, certes restreinte ; celle de la citoyenneté-élite au service de la nation. Sans s’attarder sur le sensualisme proféré par Helvétius902, l’éducation prend par exemple une place de choix dans l’argumentaire du philosophe. « L’homme n’est vraiment que le produit de son éducation »903. L’enfant occupe une place prépondérante sur cet échiquier éducatif904 et patriotique905. Il n’est donc pas de l’intérêt du roi de laisser son peuple dans l’ignorance car l’inculture est synonyme de destruction de tout régime, de division dans la nation906. En effet, il est très remarquable qu’un peuple laissé à l’abandon par ses chefs ne peut que se transformer en une « nation avilie »907. La nation doit être éclairée908 car « toute nation instruite est source aux vaines déclamations du fanatisme »909. Par conséquent, éduquer suppose la mutation de l’homme en citoyen.
22Loin d’être sibyllines, les formules éducatives philosophiques font miroiter le spectre d’un peuple voué qu’à ses seules capacités restreintes. Toutefois, ce n’est pas un abécédaire révolutionnaire qui est prêché mais un diagnostic simple : la nation doit évoluer de concert avec des citoyens responsables afin d’éviter l’aura popularis -le souffle populaire. Prendre le pouls et modeler le peuple pour l’intégrer à la nation pouvait recouvrir une acculturation forcée mais au contraire les philosophes essaient justement de prendre en compte les caractères propres de chaque individu afin de montrer la voie à suivre. Là se trouve l’achèvement du déterminisme car les prédispositions nationales sont révélées et subissent une maturation salvatrice. La philosophie des Lumières pense que l’humanité en général et l’homme en particulier doivent être sauvés de leurs maux qu’à travers l’éducation. Au sein de cette opération d’édification, l’élitisme s’épanouit aussi par l’intervention remarquée des magistrats. Ces officiers deviennent à leur tour des dêmagôgos. Selon l’étymologie grecque, cela signifie qu’ils conduisent le peuple car ceux-ci se prétendent également citoyens.
Le parlementaire-citoyen
23Le discours parlementaire reprend à son compte cette double idée d’éducation et de citoyenneté dans le sens de libre parole910. Sur le problème de la défense d’imprimer inscrite dans la déclaration du 28 mars 1764 envers toute réforme ou administration des finances, le Parlement de Dijon reconnaît
« aux recherches profondes des écrivains de [son] âge incontestablement le cri de l’applaudissement général (…) Pourquoi enlever à un patriote qui veille et réfléchit pour le bien de son pays, l’éloge et la reconnaissance de ces concitoyens ? D’ailleurs, l’instruction publique est-elle à négliger »911 ?
24Ce n’est donc pas une idée de perfection qui est recherchée mais un juste milieu. Certains Parlements comme celui de Besançon avec ses remontrances du 12 janvier 1765 s’attardent sur cette notion d’éducation912. Instruire la nation, pour le mouvement judiciaire, passe par la diffusion de libelles virulents tels que les Vues pacifiques sur l’état actuel du Parlement de Clément de Boissy en 1771 selon Pidansat de Mairobert913. La pédagogie nationale, par la distribution d’opuscules martelant un discours partial, a pour but de créer des citoyens à part entière comme le veut le Parlement de Paris914. Le terrain devient alors très favorable pour les magistrats afin de développer un double principe basé sur la pédagogie et la citoyenneté.
25Ainsi, les années 1760 propagent une controverse entre les Parlements et les jésuites au sujet de l’éducation à prodiguer au peuple915. Les reproches des officiers de justice, avec bien sûr un soubassement gallican évident, indiquent que les jésuites sont des hommes dangereux parce qu’ils obéissent à un souverain étranger et ne peuvent donc continuer à occuper la place centrale dans la pédagogie nationale916. Contre les jésuites qui, selon lui, oublieraient de faire une bonne place à une éducation citoyenne, un anonyme, partisan des thèses parlementaires, dénonce une lacune majeure au sein des collèges jésuistiques vis-à-vis des élèves :
« Comment obmettent-ils donc constamment de leur donner des principes un peu digérés sur l’histoire de la patrie d’où naît la connaissance de la constitution et par conséquent la science du droit public de la monarchie et des obligations que ce droit impose à chaque membre de la nation »917 ?
26Pour la Chalotais en 1763, s’appuyant sur un arrêt du Parlement de Paris du 3 septembre 1762, les magistrats doivent promouvoir l’éducation nationale918. La force de l’exemple robin est primordiale dans le fait que les peuples auraient devant eux, à chaque moment, des hommes capables de montrer la direction à suivre919. Evidemment, ce sont les jésuites qui sont visés puisque « le bien public, l’honneur de la nation, demandent qu’on y substitue une éducation civile »920. Il faut éclairer le peuple921, il faut « préparer des citoyens à l’État »922 grâce aussi à la contribution des Universités923. Dès lors, rejetant « le vice de monasticité »924, la Chalotais revendique « pour la nation une éducation qui ne dépende que de l’État »925. Néanmoins, l’étendue des lumières à dispenser est loin de toucher toutes les couches de la population926. En réponse, même s’il pense que les juges doivent conserver une place importante dans la diffusion d’une « éducation nationale » tournée vers le droit et la loi927, le matérialiste Jean-Baptiste Crevier plaide pour « la cause du peuple, la cause du paysan, la cause du pauvre »928. Il cite même les hommes d’Église : « L’homme est à Dieu avant que d’appartenir à l’État »929. Dans le même sens, l’abbé Pellicier, annonçant le patriotisme chrétien des années 1780, se prononce en faveur d’une éducation citoyenne, patriotique et catholique car « le vrai citoyen, c’est le chrétien »930, sans nier, lui aussi, le rôle des Parlements931. Cette argumentation n’y fera rien car l’édit du 26 novembre 1764 supprimera la compagnie des jésuites. Ainsi, les robins se targuent d’être une élite essentielle dans le domaine de l’enseignement mais aussi de la citoyenneté.
27Selon le Parlement de Grenoble, les registres sont « des dépôts immobiles où résident les droits sacrés des citoyens »932. Certains magistrats professent alors une théorie originale : celle d’un double corps. Ils sont à la fois magistrats et hommes, à la fois officiers publics et citoyens. Prenons trois exemples. Le juge bordelais en 1760 constate qu’en tant que citoyen, il a l’obligation de revendiquer « les droits de la nation, droits qui lui sont communs avec le reste [des] sujets » et qu’en tant qu’officier, il a l’obligation du maintien des lois933. On déduit donc un double principe se référant à une norme générale dont la défense est réservée aux citoyens et une norme particulière dont la sauvegarde en revient aux magistrats. Pour la cour souveraine de Dijon en 1771, les magistrats agissent aussi en « simples particuliers »934. Les parlementaires sont par nature des hommes mais aussi des êtres responsables, actifs, à l’affût de toutes illégalités même après le coup d’État Maupeou935. Ce double corps, homme-citoyen, tel est le raisonnement de juges essayant d’assimiler un concept aussi fluide que celui de citoyen au profit de la nation qu’ils défendent. On peut même dire qu’il y a, selon le Paige, trois corps, celui de chrétien, de magistrat et de citoyen936 mais visiblement le mouvement parlementaire a l’air d’oublier le premier élément. Ce système juridique et politique présente d’évidents avantages. Le robin cumule ces deux chapeaux afin de densifier son propos avec beaucoup de dextérité. En effet, il est clair que les théories philosophiques ont largement passé la porte des palais mais l’innovation parlementaire ne pouvait qu’être effectivement ramenée à sa propre structure. Le juge est un officier, un magistrat et, de ce fait, il n’a pas la capacité juridique de s’en délier cependant la nature de la nation le reconnaît aussi comme un homme. Par conséquent, il occupe volontiers la même fonction que ces philosophes mais dans son propre champ de compétences. Instruit, au courant de la jurisprudence et titulaire d’un office, le parlementaire peut alors réunir les deux exercices. En marge du discours officiel, on retrouve à peu près cette notion du dédoublement de la fonction judiciaire dans une brochure anonyme de 1771 à propos des avocats937. Enfin, Regnaud affirmera deux ans plus tard que
« la magistrature avait donc deux intérêts, celui en tant que magistrats et celui en tant que citoyens. Comme magistrats, ils ne devaient et ne pouvaient rien faire qui porte préjudice à ce caractère qui une fois imprimé sur l’homme est indélébile et ne peut être effacé que par les cas prévus par les lois, comme citoyens, ils devaient soutenir la cause commune qui est que la constitution de la monarchie ne peut être changée par une volonté arbitraire »938.
28Tous ces discours s’établissent en faveur d’une réhabilitation du sujet en direction du citoyen comme récent acteur national. Force est de constater toutefois que l’évolution emprunte un autre principe patriotique, celui de la terre immédiate. On est citoyen parce qu’on a un intérêt sur les biens que l’on possède : le matérialisme des Lumières peut alors prendre sa pleine mesure.
§2 - Ubi bonum ibi patria : la terre, socle de la félicité nationale
« La patrie n’est pas un lieu où l’on naît par hasard, où l’on vit avec indifférence sur tous les objets qu’on rencontre ; où l’on est fastueux par vanité (...) La patrie est une terre que tous les habitants sont intéressés à conserver », C.-F. Bouche939.
29Il existe au xviiième siècle un référent traditionnel « amphibologique » de lieu de naissance et de pays940. Cette idée s’engage sur le terrain de la terra patria des Anciens avec une distinction double issue du xiiième siècle dans la renaissance du droit romain941. Il y a donc le pays où l’on est né et le pays commun942. La terre des pères est synonyme de survie car la patrie est une mère -alma mater -elle permet la reproduction, la régénération de la population selon Rousseau et le janséniste Abraham-Joseph Chaumeix en 1771943. D’ailleurs, il est intéressant de relever ce qu’écrit Robert-Joseph Pothier en 1770. Selon lui,
« un des principaux effets [de la puissance maritale], est le droit qu’a le mari d’obliger sa femme à le suivre partout où il juge à propos d’aller demeurer ou résider. Pourvu néanmoins que ce ne soit pas hors le royaume et en pays étranger ; car si le mari, en abjurant sa patrie, voulait s’y établir, la femme, qui doit encore plus à sa patrie qu’à son mari, ne serait pas obligée de l’y suivre, et d’imiter l’abjuration que son mari fait de sa patrie »944.
30On est quand même loin des affirmations ironiques d’un anonyme pour qui :
« Il y a parmi les femmes des nations différentes : la nation policée des femmes du monde ; la nation sauvage des provinciales ; la nation libre des coquettes ; la nation commerçante des femmes qui trompent leurs maris ; la nation indomptable des épouses fidèles ; la nation aguerrie des femmes intrigantes et la nation présomptueuse des demi-savantes »945 !
31Toutefois et plus sérieusement, la terre patriotique est l’enjeu d’une identification nationale comme source reconnaissable du territoire, l’endroit où l’on cultive sa terre, où l’on habite.
32Ainsi, la Provence, par l’intermédiaire de sa cour souveraine, dévoile en 1748 un patriotisme royal au service du pays et ce dans un but précis, celui d’une exonération à propos du centième denier946. À ce titre, la chose publique représente la terre en tant que propriété947. Tels sont les exemples significatifs du combat en faveur de la propriété au xviiième siècle. La propriété est un bien important pour les sujets de la monarchie selon le discours parlementaire à partir des années 1750. D’ailleurs, un édit de mai 1759 sanctionne le Parlement de Besançon parce que celui-ci s’était opposé aux décisions fiscales de l’autorité royale : vingt offices sont supprimés. Le citoyen est attaché à ses propres, le juge le conçoit très bien. La « charge qui porte pour la grande partie sur les propriétaires des terres, c’est-à-dire des citoyens » est rejetée par les magistrats de la Cour des aides de Paris en 1759948. Les juges aixois n’hésitent donc pas à postuler en 1760 qu’il faut rendre la « patrie au citoyen »949. Il est extrêmement rare, dans la seconde moitié du siècle, de découvrir une seule remontrance sans une partie consacrée à la fiscalité, la physiocratie nourrissant bien évidemment le débat et les revendications. Les magistrats ont compris que résidait là une brèche importante à la fois contre la monarchie absolue en général et les intendants en particulier. L’impôt constitue le nerf de la guerre mais aussi le nerf du patriotisme national950.
33La Cour des aides de Paris en 1768 est sans doute la plus virulente quant à la défense du consentement à l’impôt.
« Ce sont les remontrances de vos cours qu’on a cherché à éviter ; cette réclamation, cet unique reste de la liberté qu’avait autrefois toute la nation de se faire entendre de son roi quand il était question de l’établissement de nouvelles impositions, n’est regardée maintenant que comme une gêne dont on veut s’affranchir »951.
34La propriété constitue alors la plaque tournante de toute dynamique politique et institutionnelle952. L’hétérogénéité et l’inégalité de l’impôt en France est un lieu commun au xviiième siècle que ce soit par la fiscalité directe comme la taille, le cinquantième en 1725 et le vingtième en 1749, que ce soit par la fiscalité indirecte avec les taxes sur les offices ou que ce soit surtout par l’impôt foncier. Les magistrats essaient par tous les subterfuges de se voir offrir telles ou telles exonérations pour le bien des peuples mais, dans un second temps, il faut dire que l’impôt -nerf de la guerre -est la conséquence de l’amour de la patrie. Par ce référent traditionnel, la terre est considérée comme un bien idoine selon le Parlement de Grenoble en 1763953. Patrie et impôt se comprennent tout simplement par le lien qui existe entre l’homme et sa terre954.
35De la sorte, un monarque réduisant la fiscalité a la possibilité « de devenir en un jour le restaurateur d’un grand royaume, qui étant sa patrie comme celle de tous ses sujets, a des droits égaux sur son cœur » selon les Dauphinois en 1763955. Le référent fiscal touche directement au patriotisme national et, selon le Parlement de Rouen en 1763, la masse des impôts tend « à éteindre le patriotisme, à étouffer l’émulation, à enchaîner les talents, à dégrader l’homme, à corrompre les mœurs »956. Dès lors, les juges portent à l’échelle nationale générale un problème de nature locale selon les Parlements de Grenoble en 1763957 et de Dijon en 1764958. L’amour de la patrie ne peut renaître qu’avec un relâchement fiscal synonyme « d’émulation »959. Toucher aux biens de l’ensemble de la nation, c’est atténuer le nœud entre la patrie et la nation. La pensée de Montesquieu est très claire :
« Que quelques citoyens ne payent pas assez, le mal n’est pas grand ; leur aisance revient toujours au public : que quelques particuliers payent trop, leur ruine se tourne contre le public »960.
36Les effets de ce discours sont immédiats961. Selon les magistrats dauphinois en 1767, le poids de l’impôt ne doit pas être égal si l’on est en guerre ou en paix puisque cette distorsion peut rendre « les efforts de l’amour et du patriotisme » infructueux962 et corrompre les esprits, les cœurs et les mœurs963. On identifie la même demande chez les Bisontins et les Provençaux. Les Comtois combattent le second vingtième en 1769 sur le terrain du patriotisme puisque l’application d’un tel édit met en cause « la diminution d’un luxe effréné qui étouffe les sentiments patriotiques, détruit les mœurs et confond tous les états »964. Selon le Parlement d’Aix en 1771, le désordre des finances engendre « la décadence des mœurs » de la nation, affaiblit le patriotisme parce que le poids de l’impôt rend la nation « insensible aux noms si chers de patrie »965. La littérature subversive parlementaire se fait l’écho de cette superposition car d’après Clément de Boissy en 1771, « c’est un grand mal de faciliter les impositions sur le peuple. C’est offenser sa patrie ; c’est donner la mort à une multitude de citoyens »966.
37Également, les robins se montrant les gardiens de la propriété, sur la base d’un lockianisme bien appris et sûrement influencé par Rousseau, emploient des vocables amenés à avoir un avenir florissant. La sanction de la violation de la propriété est un des chevaux de bataille nobiliaire. En effet, selon le Parlement de Bordeaux en 1764, « l’homme en se soumettant au joug social, chercha le bonheur dans la sûreté personnelle et la propriété, fondement inébranlable de tout État qui n’est point despotique »967. En effet, les droits naturels ne peuvent être que violés si chaque individu contribue d’une manière exorbitante aux charges étatiques. Afin d’échapper aux impôts, les juges bisontins privilégient en conséquence l’impôt du sang968 sans oublier l’aspect strictement fiscal dans le principe d’équilibre des charges969. Le grand argument est la proportionnalité dans le consentement à l’intérieur de ce mouvement de sacrifice patriotique970. Un tel déferlement n’est pas anodin au milieu du siècle car les influences littéraires et politiques au diapason de la terre nourricière sont multiples. S’il est reconnu que les parlementaires étaient plutôt conservateurs vis-à-vis de la philosophie en général, il n’en reste pas moins une formidable perméabilité dans leur comportement.
38Sans aller jusqu’à reprendre la pensée de Diderot sur la dualité nation-propriétaire et roi-usufruitier971, ni celle de le Mercier de la Rivière parlant de « copropriété »972 condamnée par le virulent Manifeste aux Normands en 1771973 mais repris par Mirabeau en 1780974, il est remarquable de constater que les différentes remontrances emploient un langage « révolutionnaire » voire rousseauiste. Ainsi, le « premier code de la nation » est, d’après le Parlement de Bordeaux en 1760, la propriété975. La propriété ne peut s’étendre que par une garantie mutuelle, celle du « premier serment social » selon le Parlement de Toulouse en 1763976. À ce sujet, les magistrats dauphinois s’interrogent en 1769 :
« L’ordre social serait-il contraire à l’ordre de la nature ? La réunion des hommes pour vivre en société exigerait-elle le dépouillement et l’abnégation de leurs droits naturels et de propriété »977 ?
39L’influence de Rousseau sera d’ailleurs très nette dans les remontrances du 11 mars 1771 du Parlement de Besançon978. La suspicion de la partialité des juges dans la défense de la terre est néanmoins évidente. Celle-ci peut être considérée au même titre que leurs biens propres : les offices. Les parlementaires sont de la sorte très intéressés face aux nouvelles impositions. Pourtant, à en croire les magistrats bretons en 1725, ce n’est pas la crainte de perdre leurs privilèges qui les poussent à multiplier les demandes979 ! Quoiqu’il en soit, les mots sont lâchés : « les droits de la nature ». Le jus naturalisme supervise les débats avec comme chef de file Vattel. Ainsi, en 1772, le Parlement de Guyenne doit prendre garde à ce que le patrimoine de la nation, qui est donc par essence délié de celui du roi, ne soit pas en quelque sorte spolié980. « Cette multiplicité d’impôts [ajoute-t-il] qui tendrait à altérer la condition des sujets de V.M. éteindr[a] insensiblement dans la nation le germe de liberté »981. À travers cette défense, ce sont bien les grands propriétaires terriens qui sont assurés d’une protection. Ils ont dans leurs mains, comme le formule la physiocratie, « le trésor intarissable de la nation »982. Les cultivateurs sont les seuls à fournir « la subsistance de la nation »983. Les influences anglaises se font alors sentir par l’intermédiaire de Lolme quant aux différentes libertés984. Les explications du Parlement de Rouen en 1771 font office de réceptacle à cette littérature étrangère. En effet, ils indiquent au roi que ses sujets sont pleinement propriétaires de leurs biens, qu’il règne sur une nation libre et qu’enfin la propriété est garantie par la « loi fondamentale »985. Mais à côté du droit naturel et de l’audience anglaise986, il existe toute une littérature française promouvant cette idée de propriété ayant, elle aussi, sa part d’influence dans l’édification nationale à travers la notion d’intérêt.
40Selon le marquis de Mirabeau, à l’instar d’Helvétius987, l’intérêt est le premier lien de la société. Cet intérêt ne peut se concevoir sans propriété. En effet,
« la ville, la province où je suis né, la patrie, l’État entier, [dit-il], peuvent me devenir chers, en proportion de ce qu’on saura fondre dans ces objets plus ou moins de mon penchant à la propriété »988.
41Dans une définition proche de celle de Bodin quant au régime politique, de La vie adopte la posture de l’intérêt national, à savoir que « les fortunes placées hors de la république, éteignent le patriotisme, ubi domus ibi patria (…) L’amour de la patrie, balancé par l’intérêt, devient bien faible »989. On pense tout de suite au citoyen de Genève990. Selon Rousseau, le sol sert à tous car « le meilleur mobile d’un gouvernement est l’amour de la patrie et cet amour se cultive avec les champs »991. Rousseau aura aussi une certaine influence sur le marquis de Mirabeau en 1780 à propos de la coexistence propriétaire et non-propriétaire992. L’intégration de chaque individu à la nation s’opère par l’intermédiaire de la terre. Les conséquences économiques et juridiques sont indéniables annonçant, quelque part, les années 1780 et le modèle politique en matière de citoyen-propriétaire993. Le Genevois formule donc une définition « terrestre » de la patrie nourrissant les hommes994 et stimule le droit de propriété995. Néanmoins, il n’est pas seul à penser cela. Une constellation d’auteurs écrit que la patrie -comme terre, comme fruits du labeur -est le socle nourricier de la nation. S’attaquer à cette manne, c’est combattre la nation entière. Le référent épicurien comme lieu de bien-être ne peut aller sans son corollaire, la défense de ses biens. « Sois citoyen, parce que ta patrie est nécessaire à ta santé, à tes plaisirs, à ton bien-être » affirme le matérialiste d’Holbach996. Le terrain selon le baron constituera en 1776 la pierre angulaire de toute construction nationale car « le sol est la base de la félicité nationale »997, liant le citoyen et le patriote998. « C’est le sol, c’est la glèbe qui fait le citoyen » conclut-il999. La terre des pères, terre de chacun, tend à fusionner avec la nation. La patrie est alors la nation selon l’avocat Rossel.
« Qu’on se représente donc une société d’hommes réunis volontairement quelquefois par la force, sous une forme de gouvernement quelconque ; soumis aux mêmes lois politiques, souvent au même culte de religion ; attachés à certain canton de terre où le sort les a rassemblés, ou qu’ils ont conquis eux-mêmes par les armes, dans lequel ils retrouvent leurs femmes, leurs enfants, leurs biens, leurs héritages, leurs villes, leur établissement, leur commerce, leur sûreté, leurs voix, leurs temples et leurs dieux : voilà la patrie »1000.
42La philosophie et la rhétorique parlementaire ont contribué, de concert, à ériger en quasi-postulat le fait que la nation ne puisse être imposée sans son consentement. En l’absence des États généraux, l’opposition à l’autorité royale absolue prend de l’ampleur et s’alimente d’images et de références terrestres. Reconnaître et façonner le citoyen par l’éducation et par la défense de sa propriété constitue une notion importante dans la vision patriotique mais elle n’est pas toute. L’autre pan prend sa source dans la défense de la patrie, de la nation.
§ 3 - L’enjeu de la sauvegarde de la patrie
« Un poète appelle un champ de bataille la patrie des soldats, enflamme tous les Grecs d’une noble furie, et du champ de bataille elle fait leur patrie », P.-F. Guyot Desfontaines1001.
43Une France attaquée, diminuée, ne peut laisser indifférents les peuples de son sein. Que ce soit le rex caput regni -le roi tête du royaume -les corps intermédiaires ou même la nation-masse, tous ont à l’esprit l’image des patries locales devant par ces circonstances se réunirent naturellement à la patrie nationale. Cependant, cette notion, cet esprit n’est pas univoque car chaque pan de la société tient à une adéquation patriotique tournée vers ses propres intérêts non contradictoires à une défense qui se veut nationale. Ainsi, le combat pour la patrie repose sur deux fondements qui au départ sont communs. Il revient naturellement au monarque, chef de la nation et père de celle-ci, de veiller à la sécurité de ses sujets. En revanche, la défense de la communauté nationale fait l’objet d’une conquête politique et parlementaire non dénuée d’arrière-pensées.
Un roi patriote, un monarque père de la nation
« La France a retenti des accents du bonheur.
J’entends chanter Louis, la justice et l’honneur.
Tout paraît respirer une nouvelle vie :
Il est permis enfin de croire à la patrie ;
D’être bon citoyen, ainsi que bon sujet,
Et d’adorer son roi dans le bien qu’il nous fait »1002.
44Le patriotisme au xviiième siècle est double comme l’est l’opposition entre le roi et la nation1003. Le patriotisme d’avant 1789 est un sentiment s’attachant surtout à la fidélité royale1004 au sein de l’allégorie familiale. C’est la nation monarchique. Le roi est à la fois la patrie et le père de celle-ci. Si le concept de paternité est beaucoup plus utilisé au xvème siècle, le siècle des Lumières rééquilibre les acceptions1005. Le monarque est le responsable moral dans la propagation du bien commun et de l’ordre1006. On peut même parler à cette occasion d’une patrie institutionnalisée par le pouvoir royal1007. En effet, le terme de patrie est si difficile à définir qu’il est plus simple « de l’incarner en un homme »1008 même si, a priori, le roi et la patrie ne se confondent pas car « aimer sa patrie, c’est naturellement souhaiter que l’État soit le plus fort possible »1009. Cependant, l’exemple anglais avec Henri de Bolingbroke, tenant d’une ligne aristocratique incontestable1010 et percevant au Royaume-Uni le confluent patriotique entre le souverain et ses sujets, est d’un grand secours1011. Ainsi, en ce qui concerne la France, le premier principe à ne pas occulter est celui de la symbiose roi-patrie comme le professe le Parlement de Toulouse le 17 novembre 17601012. Selon un anonyme en 1762, « le roi et la patrie [sont] deux objets qui s’unissent, qui s’incorporent, si l’on peut ainsi parler, dans le cœur de la nation comme dans la constitution nationale. Le roi est l’âme de la patrie »1013. Les Français aiment leur roi puisque la raison l’indique1014 et parce que le régime monarchique est naturel à leur nation1015. Il n’est donc pas étonnant d’observer le noble Claude-Louis de Sacy faire coïncider parfaitement le roi et la patrie. Établissant une dualité entre république et monarchie1016, dichotomie partiale1017, il remarque que
« la patrie n’est point pour le sujet un objet vague, un être de raison, il la voit, il l’entend, il lui parle et ses sens ne sont pas moins affectés par elle que son cœur. Cette patrie est le monarque lui-même ; elle réside tout entière dans son âme ; elle est identifiée avec lui. Ce n’est point un fantôme que la raison poursuit : c’est un être réel et sensible »1018.
45L’argumentation pamphlétaire absolutiste en 1770-1771 reprend cette fusion1019. Mais plus encore, c’est la patrie qui uni le roi et la nation1020. La symbiose parfaite monarque-patrie établie, le second principe qui fait office de corollaire et qui permet de clarifier une telle union pour la rendre effective se situe sur le parangon familial.
46La patrie est la famille nationale dont le roi est le père dans l’harmonie1021. Le pouvoir des rois a été transposé sur celui des pères : ils sont, à l’égard de leurs peuples, ce que sont les pères à l’égard de leurs enfants. Une nation est pour son souverain ce qu’une famille est pour son chef. L’obéissance et le respect sont les hommages des sujets, l’amour et la bienveillance sont l’esprit des rois. Ainsi, la soumission des uns et l’autorité des autres sont les gages de la durée et de l’équilibre national. Cette image a bien sûr une origine médiévale1022. Le roi « père du peuple »1023, thème prôné par Bossuet1024, envahit le schéma du bonus pater familias. Pierre Roques, s’appuyant beaucoup sur les recommandations de Saint Paul, adopte dès 1737 une vision chrétienne de la nation-famille et veut en faire découler un équilibre avec l’amour de la patrie1025. Le roi est un père pour ses enfants1026 à travers l’organigramme institutionnel1027. De surcroît, le surnom de père du peuple emporte l’idée « d’amour du bien public » selon le théologien Jacques-Joseph Duguet en 17401028. D’après le professeur de droit de l’Université de Perpignan François Fossa en 1760, le roi de France est le père de toutes les composantes de la nation1029. Il y a donc en retour un patriotisme royal, selon l’abbé François-André Pluquet en 1767, qui a toute sa place dans le royaume. En effet, selon lui,
« pourquoi le peuple a-t-il surnommé Louis XV le bien-aimé ; car ce surnom est l’expression de l’amour du peuple et non pas un titre donné par adulation. Le courtisan exalte la grandeur du souverain mais le peuple publie sa bonté »1030.
47L’émulation est recherchée avec comme ligne directrice un prince et ses enfants1031. Selon Rossel en 1769, « si la patrie est monarchique, ce n’est plus qu’une vaste famille, dont le roi est le père et dont les peuples sont les enfants »1032. Le patriarcalisme permet d’entrevoir non pas une conscience au sens moderne du terme mais une idée d’appartenance à un groupe comme les enfants d’un même foyer1033. Même pour l’avocat dauphinois Servan en 1769,
« les lois enregistrent nos actions publiques pour en rendre témoignage au public ; elles conduisent l’homme au temple, au sénat, dans les places, dans les palais, dans les camps ; mais elles le laissent à la porte de sa maison, et c’est là qu’il entre sous le règne des mœurs, c’est là que le citoyen, le magistrat, le monarque est un père qui commande à ses enfants qui l’aiment et [lui] obéissent ; les concitoyens sont des frères, des époux qui se chérissent ; la patrie, c’est la famille »1034.
48Cette rhétorique ne doit être prise que dans un seul sens : celui de la primauté du père. Thomas écrit par exemple que « les princes sont les premiers enfants de la patrie »1035. Toutefois, la tendance est toujours la même : le roi, comme le pressentait Fénelon1036, le définit Moreau en 17601037 ou l’écrit un anonyme en 17741038, est le père de la patrie. Le monarque peut alors anticiper les problèmes de ses enfants et écouter leurs complaintes.
49La dialectique patriarcale est aussi employée dans le discours parlementaire avec une certaine affection mais qui n’est pas dénuée d’arrière-pensées. On veut montrer au souverain que la nation française est une famille que l’on doit prendre en considération tel que le proclame le Parlement d’Aix en 17491039. D’après le Parlement de Pau en 1766, adepte de l’équilibre dans les intérêts réciproques entre le prince et ses sujets, le monarque imprime « à tous les mouvements particuliers une direction uniforme vers le bien général »1040. Le roi est le « père des peuples » pour les magistrats bisontins en 17571041, « père de la patrie » pour le Parlement de Bordeaux en 17571042 et de Metz en 17591043, « père de ses sujets » pour les Dauphinois en 17671044 et Bisontins en 17721045. La présente concordance qui peut égarer quelque peu le lecteur, n’en est pas moins significative de cette relation roi-patrie. La liaison ne doit être prise que sous l’angle d’une communauté nationale à qui on doit secours et justice. D’ailleurs, ce principe correspond aux affirmations de deux pamphlets écrits à des périodes charnières : 1756 et 1771. Pour le premier, « le prince n’était pas le maître des lois, mais préposé pour les faire exécuter et conduire les peuples confiés à ses soins, comme un père plein de tendresse pour ses enfants »1046. Selon le second, rédigé par Target, les différents ordres de la nation constituent une famille,
« ces hommes de tout État, de toutes couleurs qui se mêlent sans se confondre, qui apportent à la masse de la société des préjugés si disparates ; (…) une nation, une famille, des frères qui au fond n’ont que les mêmes intérêts et les mêmes droits »1047.
50Si de prime abord, les enfants doivent obéir et ont des devoirs envers leur père, ceux-ci détiennent désormais, par l’intermédiaire du greffon parlementaire, des droits. En 1754, ces juges, selon le Paige, « ont mérité éminemment de la patrie qu’ils doivent être regardés comme les pères et les protecteurs »1048. Ainsi, une première brèche à ce cadre familial si sécurisant est faite. Un libelle de 1759, et c’est très révélateur, refuse aux avocats le surnom de « petits pères de la patrie » en l’absence des exilés de Besançon1049 ! De plus, en 1764, le Parlement d’Aix passe imperceptiblement d’un monarque père de la nation aux magistrats expressément « pères » de la patrie1050. Enfin la même année, un anonyme pense que les magistrats sont « les pères de la patrie et les protecteurs de l’humanité »1051. Une identification judiciaire s’opère ici naturellement puisque les juges sont les canaux de la revendication des enfants de la famille nationale. Ainsi, le retour des officiers après un exil forcé est d’autant plus ressenti par les diverses populations comme un événement patriotique qu’il faut célébrer1052. En pareil cas, la sémantique judiciaire ne fait que seconder les nouvelles aspirations politiques des cours souveraines. Pour le Parlement de Bordeaux en 1772, « la monarchie enfin est le tableau fidèle d’une famille où chacun réclame avec justice la légitimité de ses droits »1053. Ces mêmes magistrats bordelais admettent une dichotomie simple. Si d’un côté, il existe dans le père des peuples le principe politique de la paternité qui peut tout et à qui on doit allégeance de l’autre, reste en vigueur le thème institutionnel parlementaire qui offre une marge de manœuvre considérable. En effet, le Parlement de Guyenne
« ne cessera en conséquence de représenter au dit Seigneur roi qu’il est père et monarque tout à la fois ; que comme père, il peut tout ; qu’il jouit d’un pouvoir absolu sur le cœur de ses sujets : que sous ce rapport, ses magistrats ne cesseront de donner l’exemple d’une soumission sans borne, et des plus grands sacrifices. Mais que comme monarque, les ayant préposés à la manutention des lois, le caractère qu’il leur a imprimé les a rendus garants de cette portion essentielle de sa souveraineté »1054.
51Il existe donc en pratique un dépassement de la rhétorique patriarcale. Dès lors, le principe familial traditionnel est inversé. Le père de la nation ne peut se prévaloir que d’un sentiment populaire assez vague. À rebours, les officiers se font les chantres et les représentants d’une nouvelle famille nationale. Loin quand même de l’ostracisme, le père tend à être détrôné et à être mis à l’index du conseil familial. La déstructuration de l’image est importante car l’attaque vient de l’intérieur du système monarchique et a pour origine, finalement, ce que l’on pourrait appeler les « grands enfants ». Pour vulgariser à outrance, on serait tenté de dire que l’on n’est mieux trahi que par les siens ! La nation, à travers les yeux des officiers, ne met plus au centre du foyer le prince, permettant de ce fait son affaiblissement institutionnel, son essoufflement charismatique et à terme sa délégitimation politique. Ce début de substitution est également de rigueur dans un autre champ habituel, celui de la défense de la nation. À l’instar des magistrats, le monarque devait aussi combattre pour la patrie.
Défendre la communauté nationale
52La défense nationale au siècle des Lumières s’accroche à l’expression médiévale du « pugnare pro rege et patria ». Ce patriotisme ne correspond nullement au nationalisme de type agressif au sens moderne du terme même si l’expression est apparue pour la première fois en Allemagne en 16611055. Ainsi, la référence guerrière du pro patria mori surgit assez rapidement lorsque l’on se penche sur le concept de patrie1056. L’attachement au sol reconnu à travers la défense du pays porte au départ « la marque d’un sentimentalisme mêlé de religion »1057. L’idée de guerre couplée au thème du viol du territoire prend alors son essor dans la forme d’exaltation du sacrifice chrétien à la fin du xiiième siècle avec Geoffroy de Montmouth parlant d’offrande comme celle du Christ1058 et Henri de Gand privilégiant l’acte de charité. Le xviiième siècle est très réceptif à cette fibre de renoncement. Le pouvoir monarchique reprend à son compte cette défense de la patrie allant jusqu’à donner des pensions à ceux qui l’auront défendue, utilisant pour ce fait le précepte religieux de l’équité1059.
53L’amour de la patrie d’après l’abbé Ansquer de Ponçol en 1778 ne peut se définir que par le sacrifice de soi1060. En effet, vingt ans plus tôt, la guerre de Sept ans envahissant les esprits, Jean-François de Bastide affirmait que « la guerre élev[ait] l’âme d’une nation et la sauv[ait] de mille monstres »1061. La nation française était par nature un peuple guerrier de par son génie propre1062. Par conséquent, tous les rois devaient se conformer à cette réalité et mener le pays à la victoire1063. Toutefois, sans s’attarder sur cette guerre1064, il est intéressant de se pencher sur le phénomène de défense de la patrie et sur ses causes profondes et non conjoncturelles. Selon l’avocat au Parlement de Paris Jean Soret en 1756,
« quand un guerrier combat pour sa fortune et pour sa gloire, la patrie ne lui doit que la moitié de ce qu’il cherche, une fortune et point d’éloges. Quand un guerrier ne combat que pour sa patrie, elle lui doit tout ce qu’il ne cherche pas, des richesses, des dignités, des triomphes et des statues »1065.
54Une vision du héros national est prônée mais on est très éloigné du « héros révolutionnaire »1066 même s’il y a un renforcement du « chauvinisme militaire » grâce par exemple à Voltaire en faveur de la patrie1067. Ainsi, le façonnement du citoyen presque terminé, celui-ci doit aussi prouver sa ferveur militaire. Pour Hobbes1068 comme pour Rousseau1069, la patrie fait mourir, préfigurant en cela une déviation révolutionnaire sans limites1070. Cependant, il faut relever l’attitude du Genevois contre un patriotisme agressif dans son Économie politique1071 tranchant avec ses dires dans l’Émile où il affirme que « tout patriote est dur aux étrangers »1072. À travers cette hésitation, on peut s’interroger sur la diffusion ou non d’une idée de mort ou de vie en faveur de la patrie1073 ? Si le sacrifice l’emporte, la nation ne peut avoir une connotation positive et se développer. Malgré cela, il faut prendre inversement le problème. Même si le soldat peut mettre en jeu sa vie, il le fait pour une communauté qui aspire à l’existence. Quelques libelles reprennent ledit principe. Un auteur anonyme écrit en 1771 que
« la nation française est généreuse et brave mais elle est légère : elle est capable de conquérir l’univers parce que chaque individu est plein d’amour-propre et que le moindre soldat, quand on se donne la peine de réveiller en lui ce sentiment vraiment national, oublie que sa vie est en danger »1074.
55Un pamphlet parlementaire n’hésite donc pas à se référer à la défense commune :
« C’est par un abus semblable que les militaires disent qu’ils servent le roi ; ce qui est absolument faux : les serviteurs du roi sont des domestiques, les gens de sa maison ; mais les militaires servent l’État, la patrie : le mot de patrie serait-il donc devenu méprisable ou indifférent ? Pourquoi le bannir pour y en substituer un autre ? Ne serait-il pas plus noble de dire que l’on sert l’État ou la patrie »1075 ?
56À propos de l’expression « le roi tient son royaume que de son épée », un autre brûlot indique enfin en 1774 que cette « épée nationale » n’est pas une prérogative de droit de conquête mais un symbole de défense1076. On combat pour son territoire, sa terre, ses semblables. Le principe de résistance a une emprise énorme sur les écrits parlementaires. Ainsi, se dessine « l’idéal du parfait magistrat », à savoir l’amour de la patrie, l’attachement à la chose publique et à l’État. Ce sacrifice patriotique peut se diviser en deux temps : celui d’un effort en faveur de l’institution monarchique proprement dite et celui d’une défense traditionnelle du royaume.
57Les magistrats servent le roi et la patrie et se veulent les acteurs patriotiques dans le domaine proprement militaire. L’utilité des Parlements dans cette tâche est comparée, à l’instar des cours souveraines toulousaine en 17201077 et bisontine en 17341078, au rôle de la noblesse d’épée. Défendre la patrie correspond à la défense de la nation monarchique. Il n’est qu’à rappeler les dires du chancelier d’Aguesseau louant des magistrats patriotes1079. En retour, le patriotisme propagé par le haut magistrat est volontiers admis par les juges dauphinois1080. Ce secours patriotique est utilisé à des fins politiques par les parlementaires. Le Paige indique dans une brochure datée de 1754 :
« En quoi même constituerait-elle cette faute ? Si c’en est une d’avoir suspendu le service ordinaire pour employer toute sa vigilance à défendre la paix de l’État contre le schisme et l’autorité du roi contre les maximes d’indépendance, la faute même justifie la droiture et la bonté des intentions ; le Parlement n’aura péché que par un zèle trop empressé à servir son roi et à sauver sa patrie »1081.
58« En temps de paix, un Parlement est une armée » toujours selon le bailli du Temple1082. Le « bien de la nation », dans le cadre de la résistance nationale, voilà un mot d’ordre parlementaire1083. Le Parlement de Besançon en 1757 et 1760, sur le rappel des exilés, rappelle ses efforts pour la nation France1084, pour « la défense commune »1085. Deux auteurs proches des milieux judiciaires relayent très bien ce discours. Selon Guichard, le respect public dû à la magistrature ne peut que dépasser celui bénéficiant aux militaires car il en va de la viabilité de l’autorité royale1086. D’après le chevalier de Montfort Zacharie-Mathieu de Ponchon, homme proche de la mouvance janséniste, les cours souveraines, ayant « pris la place de l’antique noblesse pour le fait de justice »1087, ne peuvent se voir écartées parce que celles-ci véhiculent un sentiment patriotique : celui de l’honneur1088. Evidemment, par effet de rebond, les juges reprennent à souhait l’image. « Les termes de patrie, de chose publique, d’intérêt général » vont ensemble pour le Parlement de Franche-Comté en 17651089. Celui-ci se reconnaît comme véritablement patriote envers le roi et la nation. En effet, le magistrat est, à l’instar du noble d’épée, le défenseur de la patrie française1090. La noblesse bretonne donne naturellement en 1767 « dans les armées des preuves égales à sa soumission et à son amour pour le roi et pour la patrie »1091. Nostalgiques, les parlementaires ne font finalement que reprendre l’idée traditionnelle du noble militaire pour le service du roi mais vont plus loin puisqu’ils s’autoproclament défenseurs de la nation entière à l’intérieur de laquelle se trouve le monarque.
59Le Parlement de Rouen, en pleine guerre de Sept ans, révèle qu’il est le rempart contre l’Angleterre, « ennemi du nom français »1092. En 1760, le Parlement de Rennes fait œuvre d’un patriotisme flagrant et demande à ce que la province bretonne soit considérée comme française à part entière grâce aux efforts contre l’ennemi anglais1093. La Bretagne, par l’intermédiaire de sa cour souveraine, s’érige alors en barrière nationale1094. Ainsi, sans se mettre hors de la patrie et de ce fait hors de la nation, le monarque ne doit pas remettre en cause ceux qui se battent pour le royaume comme l’affirment les Parlements de Toulouse en 17601095 et d’Aix en 17611096. Un fait historique notoire permet d’appréhender cette argumentation. En 1763, les juges toulousains décident de prolonger exceptionnellement la session du Parlement. Sans en référer à sa hiérarchie, le lieutenant-général duc de Fitz-James ordonne aux magistrats de rester chez eux. Frappés de stupeur, ceux-ci dénient le 7 janvier 1764 au soldat la qualité de commandant en chef du Languedoc sur le motif principal que l’on ne pouvait considérer des officiers comme ennemis de la royauté1097. Ainsi, les magistrats ont commodément instrumentalisé le pro patria mori et se sont envisagés comme l’avant-garde d’une armée nationale dont le chef -c’est-à-dire le roi -est apte à concéder leurs sacrifices. Dès lors, la défense nationale devient un sujet sérieux comme si le sort du pays ne dépendait plus que des officiers de justice1098. Un principe a, en ce sens, son importance : celui de la trahison envers la patrie à travers les discours du Parlement de Grenoble en 17631099 et de Besançon en 17711100. Le crime de haute trahison sonne le glas de toute dérobade populaire et annonce la future substitution de la lèse-nation à la lèse-majesté. Les juges commencent à pointer du doigt un phénomène qui s’amplifiera à partir des années 1780, celui d’une totale inversion entre un prince, ultime garant de la sécurité nationale, et des parlementaires aspirant dans ce cadre à prendre la place de ce premier. Ainsi, l’utilité à la patrie sont les maîtres-mots pour le Parlement de Pau en 17631101, 17651102 et la Cour des aides de Paris le 2 septembre 17681103. Les magistrats toulousains ont le sens du sacrifice au profit du monarque et de la nation1104. Des aspirations identiques sont partagées par le Conseil Souverain du Roussillon en 17631105, les Parlements de Toulouse en 17651106, de Besançon en 1767 et 17711107 et de Grenoble en 17711108. De surcroît, la patrie coïncide avec la nation et se coupe du roi. La nation, les « nations » de France, les peuples reconnaissent, aux dires des robins mais aussi des libelles, les efforts patriotiques des parlementaires. Dans une brochure anonyme à propos des exilés de Besançon, il est écrit que
« rien ne sera capable d’étouffer en eux ce germe de patriotisme précieux à la société (…) Le public a vu avec joie dans les opposants, des magistrats recommandables par leur esprit et par leurs lumières »1109.
60Les juges renversent partialement et partiellement le précepte du roi protecteur de ses peuples et se substituent à lui. Il ne faut pas se tromper d’ennemi, celui-ci n’est pas à l’intérieur du royaume. Pour le Parlement de Metz en 1765, on arrête les magistrats car ils sont « victimes de leur amour pour la patrie »1110. L’ennemi national n’est pas la nation française représentée par les juges pour le Parlement de Dijon en 1764 à propos de l’affaire de Toulouse et les agissements de Fitz-James :
« On a déployé l’appareil de la guerre dans le sein de la patrie paisible, soumise et fidèle (…) Rien de plus dangereux, que de donner dans le sein de l’État une pareille autorité, qui n’est faite que pour être employée au dehors contre l’ennemi, que d’habituer le guerrier à maltraiter le citoyen, et à perdre les égards naturels qu’on doit à son pays »1111.
61Les magistrats usent très bien cette notion patriotique afin, encore une fois, de légitimer à foison leurs demandes. Certes, il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse, les juges ont évidemment le réflexe naturel de défense de la patrie en guerre contre le voisin anglais mais il est utile et pratique d’utiliser cette dialectique au sein d’une opposition systématique.
62L’amour de la patrie pour le bien de la nation est l’enjeu d’une bataille sémantique extrêmement acharnée et ambitieuse. En effet, éduquer le peuple pour que celui-ci devienne une nation, sauvegarder ses propriétés, défendre la nation jusque dans une substitution, certes balbutiante, de la fonction royale avec la reconnaissance d’une allégorie monarchique patriarcale déficiente, participent à la destruction de la nation royale traditionnelle vers sa palingénésie qui aura son heure de gloire entre 1788 et 1789. Nonobstant cette fiction qui deviendra de plus en plus réalité, la patrie diffuse aussi une idée sentimentale d’hommes reliés contre tout élément étranger à la communauté et contre toute forme d’arbitraire. Implicitement, l’offensive continue !
II -LA PATRIE, UNE NATION D’HOMMES RELIÉS
63La nation permet une réflexion, non une apostasie, mais au contraire une apologie patriotique qui place le référent national en supériorité face à l’étranger. Le patriotisme sert de levain à cette nation par le versant de l’unité contre toute forme de despotisme. De ce fait, il faut bannir la contagion de l’arbitraire infléchissant le développement national et remettant en cause « l’humanité ».
§ 1 - La nation, entre refus d’expatriation et ouverture sur l’extérieur
64La France au xviiième siècle est définie par sa supériorité. La nation est l’ensemble des nationaux1112 et loin de l’anathème, l’étranger occupe à l’intérieur de celle-ci une position ambivalente, à la fois utile et menaçante, à la fois source d’une sédimentation humaine et maladie endémique. À ce sujet, le nom « français » est repris par nombre de Parlements comme s’il fallait légitimer une action juridique et politique par la qualification nationale comme le conçoivent les officiers toulousains en 17601113. Cette attitude rompt partiellement avec une idée « neuve », celle du cosmopolitisme.
La supériorité de la nation française
65Le caractère exceptionnel de l’identité nationale, thème rassembleur par excellence, a pour but de donner à une nation « une réalité et une dignité »1114. Selon le baron d’Holbach,
« il n’est pas dans une nation deux hommes parfaitement semblables, soit pour le corps soit pour les facultés de l’esprit ; on trouve néanmoins une ressemblance générale dans les traits et dans les idées du plus grand nombre d’individus. Le caractère et les mœurs des nations dépendent en premier lieu de la nature du climat, qui influe sur le corps ; et ensuite du gouvernement, de l’éducation, des opinions, des usages, qui influent sur les esprits et décident des mœurs nationales »1115.
66La nation, entité objective, fait l’objet d’interprétations qui tout en se voulant neutres, sont en réalité influencées par l’émergence d’un véritable caractère national français1116. En effet, selon un anonyme en 1764,
« à force d’outrer le caractère et de le rendre ineffaçable, incorrigible chez les hommes, on rend inutiles, les exemples, les lois, la morale et la religion. Les soins de l’éducation se réduiraient à peu de choses et même à rien si le caractère en était indépendant »1117.
67Même si l’idée n’est pas nouvelle, en ce sens que des personnages comme Polybe, Plutarque, Galien, Hérodote, Hippocrate, Thucydide, Platon, Aristote et Bodin1118 avaient déjà emprunté ce champ d’investigation1119, le siècle des Lumières amplifie le principe. D’ailleurs, des géographes contemporains comme R. le Coq1120 et l’abbé Jean-Joseph d’Expilly1121 ont, eux aussi, perçu cette dimension humaine. Selon un anonyme en 1762, la comparaison entre les différents peuples paraît nécessaire1122. Ainsi, juger de la nation française, c’est opérer un parallèle avec d’autres nations. Béat de Muralt bien avant Rousseau, Montesquieu et Voltaire, essayait à la fin du xviième siècle de définir l’identité française et anglaise avec leurs types permanents et leurs marques distinctives. Le Bernois reprochait d’ailleurs aux deux nations leur hégémonisme et leur amour-propre national1123. Dès lors, le milieu du xviiième siècle voit fleurir de multiples analyses et comparaisons partiales entre les nations du monde.
68Pour Voltaire, partant du principe que l’on imite partout les Français1124 et adepte du polygénisme1125, « les Suédois sont bien faits, robustes, agiles, capables de soutenir les plus grands travaux, la faim et la misère »1126. Les Turcs ont de l’expérience, du courage, une constance dans le travail1127. Les Suisses composent une « nation aussi redoutable que pauvre »1128. Les Anglais sont une nation philosophe et guerrière1129, les Russes se distinguent par leur « grande discipline » et par leur résistance1130. Les Indiens ont eu une carence insurmontable car « la douceur de leurs mœurs en fit toujours de très mauvais soldats. C’est une vertu qui a causé leurs malheurs et qui les a fait esclaves »1131. Voltaire, pour qui les mœurs désignent un état de civilité1132, pense dorénavant que
« chaque peuple a son caractère comme chaque homme ; et ce caractère général est formé de toutes les ressemblances que la nature et l’habitude ont mises entre des habitants d’un même pays, au milieu des variétés qui les distinguent. Ainsi le caractère, le génie, l’esprit français résultent de ce que les différentes provinces de ce royaume ont entre elles de semblable. Les peuples de la Guyenne et ceux de Normandie diffèrent beaucoup ; cependant on reconnaît en eux le génie français qui forme une nation de ces différentes provinces et qui les distinguent des Italiens et des Allemands »1133.
69Dans une tentative de réconciliation nationale, naturelle et particulariste, le patriarche de Ferney reconnaît une unité de caractère qui possède, entre autre, comme dénominateur commun la politesse1134. La nation française est alors « légère et brillante » pour d’Espiard de la Borde1135, « honnête et d’une humeur agréable » pour Piganiol de la Force1136, « sage » et a « un esprit vif » pour Joubert de la Rue1137 Que ce soit Moreau1138, Galiani1139 ou Rousseau1140, tous louent et essayent de traduire un caractère français positif.
70Une telle description n’a d’intérêt que si elle aboutit pour Voltaire, au contraire de Rousseau1141, à une conclusion simple : la supériorité des Européens et surtout des Français sur les Asiatiques1142. Le marquis d’Argenson, reprenant une vieille idée, présente la nation française comme un peuple élu par Dieu1143. À travers ce fondement ethnocentriste, il est question au xviiième siècle de la supériorité de la nation française lato sensu. L’abbé Barral écrit que « la France est encore plus en spectacle qu’aucune autre nation : les étrangers y viennent en foule étudier nos mœurs, pour les porter ensuite dans les contrées les plus éloignées »1144. On observe la même croyance chez d’Espiard de la Borde1145, le baron de la Brède n’échappant pas à la règle de la prédominance des nations européennes sur les peuples moins développés1146 comme les Indiens1147 ou les Japonais1148. La nation France requiert toute l’attention des philosophes parce qu’il est difficile dans la quête de l’homme d’attaquer la figure, la vitrine d’un parangon de pensée. La France est un archétype et Sébastien-Marie Gazon-Dourxigné s’empresse d’affirmer que le règne de Louis XIV constitue un des fondements de cette réalité1149. La France symbolise la nation-modèle qui attire beaucoup d’étrangers selon Roch-Antoine de Pellissery1150. Que ce soit dans le regard des littéraires1151 ou celui des voyageurs1152, les caractères nationaux prennent également de l’importance lorsqu’une comparaison est établie entre chaque communauté comme on le constate dans un libelle sur la Hollande1153. Le cas de l’Angleterre n’est donc pas isolé. Malgré cela, Bolingbroke1154, de Mandeville1155 ou Brown1156 mettent volontiers en parallèle les Français et les Anglais. Rutlidge, traitant les Français d’intolérants1157 et de présomptueux1158, remarque partialement que
« le caractère des Français est si peu hospitalier qu’à la mort d’un étranger, tous ses effets appartiennent au roi : c’est ce qu’ils appellent le droit d’aubaine, et ce qui devrait plutôt s’appeler un droit de rapine et de pillage »1159 !
71Ainsi, sur l’opposition nation française-nation anglaise, devenu au xviiième siècle un véritable « lieu commun des moralistes »1160, se développe une critique sur les mœurs françaises. La définition de la « France » que produit Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray démontre bien le désir d’une volonté émancipatrice contre les préjugés anglais1161.
72Au-delà de la rivalité entre les deux pays, Castilhon resserre son analyse sur les caractéristiques françaises à l’image d’un être humain et atteste que « la gaieté française est une flamme de mille couleurs, passagère, brillante et légère »1162. Pour lui, la connaissance nationale s’opère à travers les qualités du corps1163, de la voix1164, de la langue1165, des vêtements, de la prestance1166, des mœurs, de l’éducation1167, de la vertu1168, de l’intelligence1169 ; qualités non exhaustives accouchant « d’un caractère français » inimitable1170. Le peuple français est humain, il se comporte comme n’importe quel être doué de sens mais il se distingue par son génie. L’auteur ne fait ici que confirmer l’idée d’une nation-homme comme ramification et surtout joyaux du monde entier. Le dictionnaire de Lefebvre Beauvray adopte la même ligne1171.
73À la lumière de ces exemples, il n’existe donc pas des génies uniformes mais un génie français unique et original vis-à-vis des autres nations : c’est une perspective qui fera son chemin sous la pré-Révolution et la Révolution. La nation France a-t-elle un don inné grâce à son esprit et à sa position géographique et pour cette raison, peut-elle imposer à tous les gouvernements sa façon de penser et d’agir ? Nonobstant une réponse claire à cette question -même si à la lumière de la philosophie, on peut répondre positivement -en corollaire, se pose l’interrogation de la place de l’étranger en France.
La question de l’étranger contre l’harmonie nationale
74Jusqu’au crépuscule de l’Ancien Régime, l’opposition entre les Français d’origine et les étrangers est assez floue même si ces derniers sont un facteur de déstabilisation1172, par l’opposition entre le naturalis et l’estrange1173. Il faut savoir que le terme regnicole signifie « gens qui sont nez au royaume »1174. Le droit du sol issu de l’origo prenant son essor au xiiième siècle1175, le xvème siècle n’échappe pas à la règle de la nationalité avec une affaire de mariage tranchée par le Parlement de Paris entre une Française et un Anglais en pleine guerre de Cent ans. En l’espèce, « la France et l’Angleterre étant en guerre, Jeannette Roland, une Française, ne peut épouser un Anglais et devenir Anglesche »1176 puisque c’est un crime de lèse-majesté1177. Or, il faut savoir que le xvième siècle permet à la nationalité de se développer incidemment aux questions successorales. D’un jus sanguinis en pleine expansion au xvième siècle1178, l’étranger étant reconnu par Bodin comme élément hors de la cité nationale commandée par le souverain1179, le xviième siècle permet à la France de montrer que celle-ci pouvait se targuer d’être une terre d’immigration grâce à la bienveillance du roi même si la contrepartie financière n’a pas été négligeable avec la fameuse déclaration du 22 juillet 16971180. Toutefois, au siècle des Lumières, trois sentiments importants sont mêlés avec une attitude pragmatique en faveur de l’étranger, une position institutionnelle contre l’étranger et le détournement parlementaire du thème de l’étranger afin de montrer qu’il existe des Français étrangers !
75Pourquoi y-a-t-il le développement, au cours du xviiième siècle, de lettres de naturalité1181, principe « d’étaticité » et de non de « nationalité »1182, malgré quelques dysfonctionnements légaux réels1183 ? Un premier élément de réponse confirme que le jus soli n’est pas en cause, procédure parfaitement reconnue par Dubos1184. Ensuite, il existe un désir important dans le renforcement de l’arsenal défensif français1185 même si ce n’est qu’une intention circonstancielle1186. Le déterministe et matérialiste Frédéric II, sur la même ligne que Seyssel1187 ou Machiavel1188, pense que des troupes strictement nationales ne peuvent être que bénéfiques à leurs pays1189. La possibilité d’un déficit humain pouvant obérer la nation ne remet pas en cause le fait que l’on doive « porter sa principale attention sur ce que le nombre d’étrangers n’excède point le nombre des nationaux »1190 car il faut éviter de faire appel à la « plus vile partie du peuple, fainéants qui aiment mieux l’oisiveté que le travail »1191. Rousseau, préfigurant cette armée bourgeoise que représente la garde nationale sous la Révolution, celle prônée par Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne1192, admet que « tout citoyen doit être soldat par devoir et non par métier »1193. Le sentiment affectif qu’est le patriotisme trace le chemin du comportement de chacun et dès lors le Genevois se méfie quand même, comme Mably en 17811194, des mercenaires que l’on peut acheter et qui agissent par intérêt1195. La posture face à l’étranger ne peut au fond étayer qu’un palliatif militaire. Enfin, la fin du règne de Louis XV engendre une attitude plus tolérante face à l’étranger même si cela n’a pas toujours été le cas pendant le siècle1196 -surtout si celui-ci est méritant1197. On l’observe très bien chez Thomas en 1766. Celui-ci affirme :
« O vous, qui êtes assez fiers pour croire mériter ce titre, je vous appelle tous, j’implore votre secours. Citoyens, étrangers même, si vous êtes vertueux, la patrie vous adopte. En servant l’État vous devenez ses enfants. J’aspire à la gloire d’être votre chef »1198.
76Néanmoins, l’étranger est loin d’être rejeté au grand regret de Vallange en 1736 voulant rééquilibrer l’affection du monarque en faveur de ses sujets1199. Ainsi, d’Argenson recueille les dires, en 1734, du garde des sceaux de l’époque qui affirmait que « le Français se livre volontiers à l’étranger et même encore plus cordialement qu’à son compatriote »1200. Selon le chancelier d’Aguesseau, on doit respecter l’humanité et l’étranger1201. D’ailleurs d’après Rousseau, l’étranger doit être protégé par l’État1202, représentant une manne humaine non négligeable. En effet, l’étranger s’inscrit dans le droit fil d’un repeuplement de la France1203. L’accroissement démographique est au centre de la politique royale face aux colonies par exemple. Le physiocrate Quesnay admet du reste celle-ci au sein de la communauté nationale1204. Dans un autre ordre d’idée, le huguenot Court de Gébelin pense en 1756 que la France a fait fuir nombre de protestants,
« l’amour de la patrie nous les fait déplorer ; mais nos voisins en profitent et les rendent par là d’autant plus considérables. L’Angleterre fourmille de protestants français qui, par leur industrie, enrichissent la nation »1205.
77Ce mouvement d’expatriation sera perçu par Paul-Philippe Gudin de la Brenellerie en 1776 comme une hémorragie nationale1206. On aspire à la réconciliation nationale afin de renforcer le peuple de France en matière économique. Le plus marquant est que l’étranger qui veut se fondre dans la communauté nationale est d’autant plus toléré s’il apporte non seulement son savoir-faire1207 mais aussi sa bonne volonté à s’intégrer. Pecquet soutient, à propos des lettres de naturalité, que
« ces changements ou transmigrations ne se font jamais que dans l’espérance d’être mieux que dans sa propre patrie. Ainsi, plus il y aura de gens qui chercheront à être enfants d’adoption d’un État, plus la balance de l’opinion sera pour cet État, parce beaucoup de gens ne s’accordent pas pour se tromper sur une chose aussi essentielle que ce qui intéresse le bonheur de la société civile »1208.
78Finalement l’étranger, selon d’Alembert, a compris qu’il lui fallait s’adapter à sa nouvelle patrie alors que les nationaux tendent à perdre de vue leurs liens avec les leurs1209. Paradoxalement, le national se préoccupe finalement plus de son voisin que de ses propres compatriotes. Effets lointains du cosmopolitisme ou absence pour certains de lucidité, la nation française est un peuple tolérant, ouvert à condition que les nouveaux individus intégrés se conforment à leurs nouveaux droits et devoirs. Ainsi, politiquement, l’étranger est considéré comme un enrichissement, certes éphémère, mais il est loin d’être abhorré ce qui n’est pas le cas en matière institutionnelle.
79Le roi français, voilà un des problèmes majeurs du début du siècle. Pour certains, le monarque devait honorer ce titre. Il ne peut y avoir à la tête du royaume d’étranger, tout ceci dans un souci d’unité1210. La question de la « nationalité » du prétendant au trône de France a en effet posé beaucoup de problèmes1211 lorsqu’en 1700 s’est produit le cas de la succession d’Espagne et la renonciation de Philippe V, duc d’Anjou et petit-fils de Louis XIV, à la Couronne de France. Est-ce qu’un membre de la famille royale, en l’occurrence un prince du sang, doit se voir opposé la même procédure que le droit privé du jus soli qui expose qu’un Français partant pour l’étranger sans vouloir revenir, perd automatiquement sa qualité de sujet français, de regnicole ? Est-ce que le droit public est une exception à ce droit et, de ce fait, ne toucherait-il pas ledit prince ? Si l’on se penche sur l’histoire constitutionnelle de l’Ancien Régime, on remarque sur le plan dynastique, un net penchant en faveur d’un successeur français comme Hugues Capet ou Henri IV. Sur le plan juridique, on constate un élan « national » dans les écrits de Mezeray, le Teneur, sans parler de l’arrêt Lemaistre de 1593. Sur le plan politique, on observe une volonté nationale avec Bossuet1212. Evidemment, lorsque survient le cas de Philippe V renonçant1213 sous la pression de l’Angleterre1214, un large courant s’élève pour essayer de s’opposer à une telle situation. D’après Fénelon en 1711, une « nation ne devrait point s’assujettir à la domination d’un étranger »1215. La fiction juridique des lettres patentes du roi -lettres enregistrées par le Parlement indiquant que Philippe V résidait toujours en France -n’était qu’une précaution sans valeur pour ceux qui se référaient à l’immutabilité de la « nationalité » du prince, même si le terme est anachronique1216. Par conséquent, il n’y a que l’expression d’une loi de « sanguinité » proche de la loi fondamentale de l’hérédité1217. En effet, Louis XIV lui-même insiste :
« Voulons et nous plaît que le roi d’Espagne conserve toujours les droits de sa naissance de la même manière que s’il faisait sa résidence actuelle dans notre royaume. S’il arrive que notre petit-fils, le duc de Bourgogne, vienne à mourir sans enfants mâles nés en légitime mariage, en ce cas notre dit petit-fils le roi d’Espagne, usant des droits de sa naissance, soit le vrai et légitime successeur de notre Couronne (...) et, immédiatement après son décès, ses hoirs mâles procrées en loyal mariage viendront à ladite succession, nonobstant qu’ils soient nés et habitent hors de notre royaume »1218.
80Loi « innommée » ou loi de « sanguinité », telle est la question au début du xviiième siècle. La querelle entre les princes légitimés et légitimes en 1717 apporte, ici, quelques éléments de réponse1219. La race sert de point de ralliement à la succession. Selon l’avocat général au Parlement de Toulouse Avisard, l’intérêt de la nation est de garder la même race de roi1220. En effet, quelques libelles partisans du comte de Toulouse et du duc du Maine indiquent que les présents légitimés
« doivent juger par l’attachement que la nation a toujours eu pour le sang de ses rois, que si elle était assez malheureuse pour perdre un jour tous ses princes légitimes, elle suivrait ses anciens usages, plutôt que de choisir un sang étranger à la maison »1221.
81La sanguinité des enfants du roi doit servir de vecteur directeur dans le choix que la nation aurait peut-être à faire1222. Ainsi, un enfant naturel est toujours supérieur à un étranger selon Nicolas de Malézieux1223. Les princes légitimés sont des nationaux, « ce n’est donc pas comme étant d’une maison étrangère » qu’ils succèdent1224. Ces princes ont la même « patrie » : la France1225. Les princes légitimés se prévalent du jus sanguinis selon Louis le Gendre1226, surtout que pour cet auteur,
« c’est une loi fondamentale que les étrangers ne soient jamais admis à la Couronne ; pourquoi ? Parce que jamais on n’a écouté leurs prétentions depuis 1300 ans que subsiste la monarchie et qu’on a toujours pris les armes pour s’y opposer »1227.
82Néanmoins, la littérature politique du siècle des Lumières est très peu prolixe sur ce problème et l’on peut prendre les auteurs de trois courants différents cautionnant chacun un roi national. Tout d’abord, d’Argenson affirme en 1744 que : « Nos chefs sont Français comme nous, nous nous accommodons mal du ministère ou du commandement des étrangers »1228. Ensuite, Rousseau écrit à propos des Polonais : « Pourquoi faut-il qu’ils se donnent des rois étrangers ? (...) c’est un affront à la patrie »1229. Enfin, sur une ligne constitutionnelle assez nette, Lefebvre de Beauvray, parlant des sentiments entre le roi et son peuple, mentionne que
« ces sentiments nobles et généreux sont, depuis près de huit cent ans, gravés dans tous les cœurs français. Pour en trouver la source, il faut remonter jusqu’à l’établissement de la loi salique, loi fondamentale de la monarchie, inébranlable appui du trône, gardienne fidèle de la succession royale et garant de sa perpétuité dans la ligne masculine et nationale, à l’exclusion de toute dynastie étrangère »1230.
83Le monarque français faisant apparemment l’unanimité, il est un autre mouvement parlementaire combattant l’étranger comme le bénéficiaire d’une politique fiscale corrodant la nation France.
84Le Parlement de Navarre écrit en 1756 que
« les peuples de ce ressort ont donné dans tous temps les preuves les plus éclatantes de leurs sentiments [au roi] mais ne peut-on pas craindre que s’ils étaient accablés, ils ne furent tentés d’abandonner leur patrie et de porter chez des nations desquelles presque rien ne les sépare leur habitude aux travaux les plus pénibles et leur laborieuse industrie »1231 ?
85Une fiscalité trop forte fait fuir la population de telle ou telle province vers des pays étrangers : les économistes en relèveront vigoureusement les conséquences1232. Les plaintes foisonnantes des officiers de justice illustrent parfaitement la probable et néfaste émigration. À l’instar des magistrats parisiens en 1750 et 17671233, c’est « l’expatriation » qui guette la nation française pour le Parlement de Metz en 17591234. Selon le Parlement de Grenoble en 1760, l’argent français « va se perdre dans une terre étrangère, enrichie de nos dépouilles, arrosée d’un sang précieux à la nation »1235. D’après le Parlement de Rouen la même année, « l’étranger s’enrichit de nos pertes, il se fortifie par notre affaiblissement qui augmente de jour en jour »1236. La Cour des aides de Clermont-Ferrand en 1763 explicite très bien cette hémorragie :
« Les provinces se dépeuplent tous les jours de plus en plus. On voit de toute part les maisons tomber en ruine et les propriétaires s’expatrier pour aller vivre en d’autres climats (…) La nature a elle-même imprimé dans le cœur des malheureux un droit de changer de demeure ; on ne peut leur faire un crime de l’exécuter. Les puissances étrangères profitent depuis longtemps de vos pertes ; vos sujets qui s’expatrient, augmentent leur force, et en même temps, par un double emploi, diminuent la vôtre »1237.
86Il faut finalement, par le biais d’une baisse significative de la fiscalité, éviter que la condition du propriétaire national ne devienne « plus dure que celle du mercenaire » selon les Grenoblois en 17671238. L’effort patriotique peut changer de direction et se tourner vers une autre nation accueillante et disposée à prendre en compte les difficultés financières des peuples des provinces de France. Le présage d’une faillite commune au profit de non-nationaux devrait faire frémir un monarque garant des biens de ses sujets. Pour le Parlement de Grenoble en 1763 comme son homologue bisontin1239, il faut que le roi se rende compte de la situation de ses sujets poussés à fuir la patrie vers l’étranger afin d’y porter le fruit de leurs commerces et de leurs industries1240. À ce sujet, un véritable ultimatum est renouvelé en 1764 à l’occasion de la demande de suppression de la commission de Valence établie pour juger les délits en matière de contrebandes1241. Quatre ans plus tard, le Parlement de Rouen comprend que l’artisan puisse « demander à l’étranger, pour prix de son talent et de son industrie, le pain que sa patrie lui refuse »1242. Les juges lorrains revendiquent alors le nom « français » synonyme désormais, à lui seul, d’une exonération fiscale1243. La nation se définit ainsi par un aspect négatif, par la lutte contre une ingérence passive de l’étranger qui bénéficie des vicissitudes de la politique fiscale royale. Il faut donc résorber la crise qui couve et éviter à la fois l’évasion financière et la paupérisation. Les juges continuent à expliquer et légitimer leur rôle d’unificateur et font feu de tout bois contre le roi. Le prince n’est plus considéré comme apte à veiller personnellement à l’harmonie nationale. À côté de cette revendication contre l’étranger se situant à l’extérieur du pays, on remarque une autre rhétorique, celle de l’étranger à l’intérieur du royaume. L’étranger n’est pas celui que l’on croit !
87Le thème de l’étranger est utilisé à des fins strictement politiques que ce soit pour le Parlement de Besançon se plaignant d’une double naturalité en sa défaveur ou que ce soit le rejet de toute réforme judiciaire entreprise par le pouvoir monarchique. En effet, par un mécanisme assez complexe, on observe en Franche-Comté des droits d’entrée et de sortie à payer pour les marchandises. Ainsi, il est aisé de dire que la province est réputée à la fois française et étrangère. Cette double fiscalité est étayée dès 17231244. Province-frontière importante dans le dispositif défensif en 17491245 et économique du royaume en 17561246, la cour souveraine affirme en 1758 que « les provinces de l’intérieur ont des droits dont la Franche-Comté est privée ; à cet égard, elle est réputée étrangère ; elle ne partage que les charges et les impôts »1247. Il faut donc trouver un juste équilibre, la stabilité passant par une baisse voire une suppression des droits de ferme afin d’éviter l’aporie en 17601248. En effet,
« comment est-il possible de concevoir qu’une province soit réputée étrangère pour l’entrée et la sortie à l’égard du royaume dont elle fait partie, et qu’en même temps elle soit réputée française à l’égard de l’étranger »1249 ?
88Plus simplement et en d’autres termes, la province, par l’intermédiaire de son Parlement en 1764, se plaint d’une double injustice, considérée comme province étrangère lorsqu’elle commerce avec les autres provinces françaises et comme province étrangère en face de la Suisse en 17641250, 17671251 et même en 17891252. Cependant, la Franche-Comté est loin d’être anti-française surtout qu’un sentiment national existait bien, affection tournée vers la patrie monarchique1253.
89L’étranger est également utilisé pour censurer toute réforme juridictionnelle. L’invective va jusqu’à confondre les agents royaux français, comme les intendants, avec des étrangers pour obtenir leur déchéance. Déjà en 1730, dans le libelle Judicium Francorum, on peut noter que les ministres sont des « étrangers » qui corrompent « la façon de parler de nos pères, aussi bien que leurs mœurs et leur discipline »1254. Une telle réputation ne pouvait qu’être grandissante au cours du siècle et se coller irrémédiablement contre tous corps en concurrence immédiate avec les magistrats. Les personnes morales et physiques sont atteintes. En ce qui concerne le premier cas, le Paige, parlant du Grand Conseil, redoute « des mains étrangères » venant court-circuiter les Parlements1255. Toujours à propos du Grand Conseil, la Cour des comptes d’Aix souligne en 1756 qu’elle doit être « dispensée de parler à des tribunaux étrangers qu’on a substitués aux juges naturels »1256. Le Grand Conseil rétabli en 1768 est pour le Parlement de Dijon « un tribunal étranger par conséquent suspect »1257. On observe bien sûr la même propension dans l’accusation lors du coup d’État de Maupeou avec par exemple les Parlements de Dijon1258 et de Rennes1259. Pour la seconde catégorie, le Parlement de Grenoble en 1760, visant le commandant chargé de faire enregistrer militairement l’édit de février 1760 sur le troisième vingtième, P.-E. Marcieu, affirme de cet homme qu’il « ordonne mais c’est la voix de l’étranger, et vos peuples accoutumés au langage de votre cour, dépositaire de vos volontés, ne s’y méprendront pas »1260. De plus, le Parlement de Besançon en 1763 pense qu’une « foule d’étrangers, sans caractère et sans connaissances, se répandirent dans cette province sous les noms de régisseurs, d’employés, de commis »1261.
90Ainsi, il est quand même surprenant de voir écrire que tels ou tels fonctionnaires, telles ou telles institutions françaises sont réputés étrangers à telle ou telle province. En réalité, c’est la traduction iconoclaste d’une résistance tout azimut et pléthorique contre toute rénovation institutionnelle. Le thème national est utilisé au maximum de ses potentialités afin de démontrer non seulement que les « nations » de France font parties d’un ensemble plus grand que l’on doit défendre mais aussi qu’à l’intérieur de cette communauté, on ne doit tolérer aucune excroissance étrangère, fusse-telle française ! Prélude lointain du droit du juge naturel en droit positif1262, c’est une attitude partiale très dure qui ne laisse aucune marge de manœuvre au roi. Cette position tranche pourtant avec un cosmopolitisme ambiant pendant le siècle.
Le cosmopolitisme, antithèse de la nation ?
91Le cosmopolitisme, synonyme d’ouverture vers le monde extérieur, participe à la « conscience européenne » que Paul Hazard avait bien décrite1263. Toutefois, ce mouvement est en contradiction avec l’émergence d’un patriotisme qui a une circonférence territoriale précise. Le citoyen du monde ne correspond plus, selon Rousseau, s’inscrivant dans une vision affective et pré-romantique1264, aux nouvelles obligations nationales. L’étranger par nature se coupe de la nation et le fait de le naturaliser participe là aussi à un acte patriotique. Il est plus normal de privilégier, pour le Genevois, ses proches car l’amour ne peut s’étendre à tout le monde ; c’est un objectif de réduction des risques dans l’effectivité morale que recherche Rousseau avant tout1265. Cet anti-cosmopolitisme n’a de réelle valeur que par l’édition d’un schéma anti-niveleur des individualités, par une politique anti-acculturative1266 et c’est dans ce sens que certains auteurs pensent que Rousseau « manifeste un nationalisme en opposition aux Lumières »1267. Contre l’aphorisme de Voltaire, le Genevois n’est effectivement pas tendre envers les « âmes cosmopolites qui franchissent les barrières imaginaires qui séparent les peuples »1268. Le défaut d’union entre les diverses entités du « genre humain » est stigmatisé comme la perte d’une identité nationale se noyant dans un monde collectif sans caractères1269. En effet, l’accusation est sans appel :
« Ces prétendus cosmopolites, qui justifiant leur amour pour la patrie par leur amour pour le genre humain, se vantent d’aimer tout le monde pour avoir droit de n’aimer personne »1270.
92Ainsi, l’exclusivisme dénie la possibilité pour une nation d’avoir besoin des autres peuples1271. Là est la coïncidence entre la nation et la patrie car « comment ce qui nous occupe uniquement d’une autre patrie [dit-il] nous attacherait-il davantage à celle-ci »1272 ? L’incompatibilité entre le patriotisme et l’humanité est alors consommée1273. À côté de cette vision, existe pourtant une réalité philosophique plus large.
93Le cosmopolitisme, qui signifie en grec citoyen du monde1274 et dont le socle générateur est le postulat de « l’espèce humaine pour une »1275, a dès le xviiième siècle une marge de manœuvre européenne. La diffusion par la propagande de l’idée de république des lettres en est la preuve1276. L’édition du Dictionnaire de Trévoux de 1721 définit ainsi le cosmopolitain comme
« pour signifier un homme qui n’a pas de demeure fixe ou bien un homme qui nulle part n’est étranger (...) un homme dont tout le monde est la ville ou la patrie. Un ancien philosophe étant interrogé d’où il était répondit : je suis un cosmopolite, c’est-à-dire citoyen de l’univers »1277.
94Cette définition est corroborée par l’article « Cosmopolitain » de Diderot dans l’Encyclopédie en 17541278. Le cosmopolitisme, par son universalisme1279, s’oppose aux développements des différences et particularités culturelles et idéologiques même s’il faut relativiser un tel regard à propos de l’exemple espagnol et les préjugés vivaces en France1280. Ainsi, à côté d’une première acception relative à la solidarité humaine, il existe une seconde définition touchant l’absence d’appartenance à une nation particulière dont Voltaire est l’un des chefs de file. Le philosophe fut d’ailleurs l’objet d’une remarque assez vive d’un libelle rousseauiste en 17721281.
95Le patriarche de Ferney rejette le fanatisme patriotique et évite de tomber dans le piège de l’exclusivisme voire de l’ethnocentrisme. Agissant en ethnologue, il fait du cosmopolitisme le cheval de bataille d’une frange de philosophes imbus d’universalisme1282. Il indique donc aux habitants de la capitale française :
« Toi, voluptueux Parisien, qui n’a jamais fait d’autre grand voyage que celui de Dieppe pour y manger de la marée fraîche, qui ne connais que ta maison vernie de la ville, ta jolie maison de campagne, et ta loge à cet opéra où le reste de l’Europe s’obstine à s’ennuyer, qui parle assez agréablement ta langue parce que tu n’en sais point d’autre, tu aimes tout cela, et tu aimes encore les filles que tu entre tiens, le vin de champagne qui t’arrive de Reims, tes rentes que l’hôtel de ville te paye tous les six mois, et tu dis que tu aimes ta patrie »1283 !
96À travers l’exemple de Voltaire, c’est bien l’idée philosophique de l’ouverture à l’extérieure, vers une nation plus large, une patrie plus générale qui est en jeu : le monde comme le concevaient Bacon, Newton, Locke ou le conçoivent Terrasson1284, d’Alembert1285 et Montesquieu1286. L’homme est un sujet de redécouverte mais celui-ci n’a aucun droit. On constate simplement une réalité naturelle. Pour l’abbé Desapt en 1769, « l’ami de l’humanité n’est d’aucun siècle, d’aucune nation ; il est citoyen du monde »1287. L’abbé annonce la pensée de Louis-Antoine de Caraccioli1288. Toutefois, un patriotisme exclusif peut toucher l’apparence d’une nation beaucoup plus large et se rapprocher d’une forme de cosmopolitisme.
97Selon l’avocat au Parlement Richer en 1755,
« ce qu’est le citoyen à l’égard de sa patrie, lui-même et sa patrie le sont à l’égard du genre humain. Comme l’homme n’a point été crée pour lui seul, et pour vivre sans relation avec le reste de l’espèce humaine, aucune portion des hommes n’a été destinée par l’auteur de la nature, à vivre étrangère à l’égard de tout »1289.
98Sur le même plan, Mably part du principe en 1763 que le salut de la patrie est primordial1290 et que celui-ci dépend pour beaucoup des mœurs et de la vertu1291 qui, déviées, font que « le luxe du citoyen refuse tout aux devoirs de l’humanité »1292. Dans un souci d’obtenir des citoyens engagés et non « paresseux et indifférents »1293, le frère aîné de Condillac remarque que le patriotisme est « l’amour de l’humanité »1294. Est-ce que la mise en avant de cette humanité est un phénomène restreint aux contours du pays ou est-ce que celui-ci « s’internationalise »1295 ? Est-ce que l’humanité prête le flanc à un certain libéralisme, refusant toute forme d’hédonisme mais intégrant l’ensemble des citoyens conscients de leurs droits1296 dans une vision républicaine de la nation1297 ? La réponse peut paraître simple. Il n’y a pas de contradiction entre l’affirmation d’un élément psychologique interne à la nation et une volonté d’ouverture vers l’extérieur. La nation fait partie du monde. En effet, à la manière de Louis-Charles Fougeret de Montbron1298, suivant une ligne pessimiste et égoïste1299, le « pur cosmopolite » est un égoïste social1300. Le monde entier en général et la nation française en particulier sont en incessante interaction. Ainsi, coulent dans les veines du peuple de France la même sève qui vivifie l’univers. Selon Rossel,
« le cosmopolite prétend être de toutes les nations : sa patrie est partout et nulle part (...) L’amour patriotique n’éteint point en elle l’amour de l’humanité, elle reçoit tous les peuples dans son sein »1301.
99Dès lors, le cosmopolitisme et l’amour de l’humanité ne sont que la source médiate de l’amour de la patrie, le premier représentant une large surface et le second restreint aux contours d’un pays.
100La France subit une double évolution apparemment contradictoire avec un repli sur soi bénéfique et une échappée bien intentionnée vers l’étranger. Tous les protagonistes du discours national, juristes, écrivains, recourent communément à cette dualité et essaient d’en tirer la quintessence au profit d’une communauté de plus en plus représentative et de plus en plus liée. Néanmoins, l’humanité, la nation, ne peuvent survivre que par la communion nationale contre l’arbitraire.
§ 2 - La communion nationale contre le fléau de l’arbitraire
Pas de nation sous le despotisme
101La patrie, au siècle des Lumières, glisse subrepticement vers la nation, le pays où l’on se sent bien. La patrie, dont l’abbé Coyer successeur des observations sur le patriotisme apparues à la fin du règne du Roi Soleil et relevant passablement trop vite son extinction1302, s’inscrit sur un versant « libéral ». Coyer, contre les différentes acceptions données par les dictionnaires de l’époque1303, n’est pas surpris
« qu’un mot qu’on nous donne comme l’expression d’une passion stupide et furieuse, comme une vision, un fantôme ridicule, ait pris congé d’une nation aussi sensée que la notre, et que nous l’ayons relégué dans les rêveries des Anciens »1304.
102Pourtant, ce songe patriotique n’est pas loin de son siècle. Si l’amour de la patrie au xvième siècle comporte une vision de reconnaissance et de piété1305, si celui du xviième siècle possède un regard politique avec la Bruyère, Fénelon1306, le xviiième siècle intègre des notions qui s’attachent elles, dans une vision matérielle qu’il faut absolument partager1307, à la liberté1308, à l’Antiquité1309, au bonheur1310, à la fraternité1311, à la vertu1312, à la république1313 et plus généralement au « bien public »1314.
103Il n’y a donc pas de patrie sous le despotisme, voilà une des unanimités existantes à la fin du xviième siècle : c’est une référence à la Bruyère1315 relayée par Voltaire1316 et d’Holbach intégrant le thème du despotisme oriental1317. Ce refus de l’arbitraire est, dès le début du siècle, un enjeu important pour l’abbé de Saint-Pierre à propos de l’utilité de la Polysynodie contre le despotisme1318. En effet, il prône « plus d’amour pour la patrie »1319 dans le choix des conseillers afin que ceux-ci soient utiles à leur nation et à leur roi. On doit sauver les serviteurs de l’État1320 et éviter le développement des « flatteurs », des thuriféraires du pouvoir dont les intérêts nuisent à la nation monarchique1321. Autour du prince se construit un espace affectif liant le souverain, sa descendance et surtout ses sujets. Evidemment, les opposants à la monarchie absolue reprennent à leur compte cette idée de despotisme et la reformulent afin d’obtenir un nouveau système : la nation contre l’arbitraire. Le roi, qui au départ fait partie de la communauté nationale contre les méfaits d’influences externes, en somme les ministres, est désormais considéré comme un élément devant être pris avec méfiance puisque sujet à la surprise. Comme pour le thème de la constitution1322, la nation doit s’opposer au despotisme. Le recours à cette théorie est pratique dans la recherche d’une opposition viable face au monarque. Sans aller jusqu’à dire que de Mandeville a eu une influence certaine sur le débat présent1323, il est sûr que Montesquieu a eu un rôle indéniable1324. Pourtant, un auteur méconnu a réussi à propager un an après De l’esprit des lois des théories en avance sur son temps. En effet, dès 1749, Laurent-Angliviel de la Baumelle s’attaque au despotisme et pense que « tous les rois sont sujets ; tous les peuples sont souverains »1325. La volonté des hommes permet alors l’effectivité de l’autorité royale1326. S’attachant à reconnaître la rébellion de la nation en cas de tyrannie1327, influencé sans nul doute par les doctrines monarchomaques, il indique qu’un « monarque qui cesse d’être le berger de son peuple, en devient l’ennemi. L’obéissance à un tel prince est un crime de haute trahison au premier chef de l’humanité »1328 ! La nation ne peut reconnaître la nature même d’un tel État à moins de se désagréger et d’observer, impuissante, la promulgation de lois contraires à la propriété et à la liberté. La haine du despotisme propagée par Montesquieu exhibe un prince incapable d’assurer non seulement le bonheur de son peuple mais surtout déficient dans le maintien de l’ordre. D’ailleurs, le despotisme se comprend pour le Paige en 1754 à travers un « monarque [comme] loi vivante »1329, les influences du baron de la Brède étant avérées1330. Ainsi, l’anti-absolutiste et abbé Labat de Mourlens en 1767 veut que la nation soit instruite afin de former avec le prince un système harmonieux basé sur la raison et non sur la force et la peur1331. En effet, les lumières « donnent à l’esprit général de la nation cette force seule capable de rompre le torrent qui entraîne toute monarchie vers le despotisme »1332. Un fait oublié est très révélateur d’une telle appréhension. En 1771 est arrêté en flagrant délit un ancien procureur au Châtelet dénommé Pierre-Denis de la Rivoire1333. Celui-ci est pris alors qu’il envoyait des lettres offensantes voire ordurières à Louis XV. En somme, de la Rivoire accusait en 1770 le souverain de « traître, perfide, infidèle »1334, le comparant « à Néron »1335 et pensant que régnait en France une tyrannie détruisant la nation1336. Les termes de « despotisme oriental » raisonnent alors dans nombre de remontrances comme celles du Parlement de Rennes ou de la Cour des aides de Paris1337. L’arbitraire, qui ronge en premier lieu la liberté politique, participe d’une propension à détruire la nation.
104Le combat contre le despotisme se retrouve par conséquent dans le thème de la liberté de la nation. Les parlementaires emploient cette défense même si l’on peut se poser la question de l’effectivité des remontrances quant à ce domaine1338. Dès 1732, dans une brochure de le Paige, il est écrit :
« Que dans le royaume de France, comme dans tous les États, où la barbarie n’a pas introduit une domination tyrannique, l’obéissance due aux souverains a ses bornes prescrites par le souverain lui-même : conformément aux qualités respectives du monarque et des sujets : du monarque qui a la gloire de commander à des hommes libres ; des sujets qui ont l’avantage de n’être pas nés esclaves »1339.
105La liberté est utilisée dans toutes les directions, participant au tourbillon philosophique du siècle. « Vous êtes, Sire, le roi des Francs et non pas des serfs » affirme le Parlement de Toulouse en 17561340. La nation ne peut subsister sans la liberté, synonyme d’harmonie nationale pour les Parlements de Rouen en 1760 -citant un passage de l’ouvrage de J.-B. Massillon1341 -de Grenoble1342 et de Toulouse en 17631343. Celle-ci s’intègre naturellement au sein d’un esprit patriotique selon le Parlement de Rouen en 17681344. La liberté est quasiment le slogan des magistrats aixois en 17691345. Elle est liée à la « régénération du corps politique » selon les juges dauphinois1346 : c’est un principe qui aura un avenir florissant sous la pré-Révolution. Le Parlement de Rouen en 1765, à propos du Parlement de Pau, relève que le despotisme détruit ce principe et donc « l’existence de la patrie »1347. L’adage « pas de patrie sous le despotisme » arrive, de ce fait, à point nommé. Selon le Mercier de la Rivière en 1767, le despotisme attaque les biens des sujets. En effet,
« les peuples qui gémissent sous le joug du despotisme arbitraire, ne forment donc point une nation, parce qu’ils ne forment point entre eux une société ; car il n’est point de société sans droits réciproques »1348.
106C’est le bonheur national qu’il faut défendre pour d’Holbach en 1773 car il correspond à l’amour de la patrie contre le despotisme1349. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si le comte de Mirabeau utilise ces deux référents et écrit en toute lettre en 1775 du fond de sa prison à l’Île de Ré que l’arbitraire est « L’ALIÉ NATION DE LA LIBERTÉ »1350. Le comte veut démontrer que le despotisme constitue pour les peuples « l’ignorance ou l’oubli de leurs droits »1351. C’est une conséquence éminemment dangereuse parce que « la violence détrompe une nation, la réveille et hâte sa révolution »1352. Ainsi, la nation dite « organisée » perd ses repères et se désagrège petit à petit, montant les différents corps les uns contre les autres1353. Suivant encore Mirabeau, l’anti-despotisme s’oppose contre une
« politique barbare ; car comment qualifier autrement la constitution d’un État où le roi peut toujours faire la guerre à la nation sans que la nation puisse jamais être instruite de ses droits, des injustices qu’elle endure, des vexations dont elle est la proie sans qu’il soit possible de se plaindre des ministres, de détromper le maître, de lui lier les mains s’il devient tyran »1354 ?
107Par conséquent et en corollaire, il est un autre thème encore plus intense dans sa signification : celui de l’esclavage1355.
108À l’instar d’un pamphlet de le Paige en 17541356 et du discours parlementaire parisien en 17561357, les juges dauphinois écrivent en 1760 que « l’amour est le partage des enfants, l’esclave ne connaît que la crainte et la terreur »1358. Cette pensée est d’ailleurs relayée par leurs homologues lorrains en 17651359. Les magistrats bourguignons s’insurgent contre la volonté royale qui peut devenir la « proie à l’incertitude et à l’arbitraire, plus de droits certains, de citoyens, de patrie ; il ne reste qu’un maître et des esclaves »1360. Cette vision est partagée par beaucoup de cours souveraines1361.
109Evidemment, tout cet arsenal existe en grande partie pour défendre une conjoncture particulière : celle des différents exils comme celui de Paris en 1754 à propos d’une déclaration royale conférant à l’archevêque de Paris l’administration de l’Hôpital général. Attaqué lui aussi, le Parlement de Besançon en 1767 signale au roi que son attitude remet en cause, face aux innombrables familles françaises, la patrie, la justice, « la sûreté » qu’il doit à ses sujets1362. Le Parlement de Guyenne, soutenant celui de Paris, parle en 1771 d’atteinte à la « liberté nationale »1363 et s’oppose aux « instruments aveugles du despotisme »1364. De plus, l’arbitraire est synonyme d’instabilité institutionnelle d’où une légitimité nationale et patriotique judiciaire qu’il ne faut pas attaquer d’après les juges aixois1365 et nancéens1366. La stabilité est mère de sûreté « dans l’administration des corps politiques » pour le Parlement de Grenoble en 17721367, idée reprise par Hue de Miromesnil en 17721368. La continuité des fonctions judiciaires s’enveloppe indubitablement dans le principe classique de la dichotomie pouvoir limité-pouvoir tyrannique.
110L’ensemble de ces discours a une forte résonance dans les pamphlets de l’époque. Les problèmes entre le greffe et la Couronne situent le débat autour du despotisme dans la littérature politique anonyme1369. De Revol en 1754 veut en conséquence révéler que les magistrats sont des juristes garant du droit public national et que, de ce fait, ils peuvent facilement mettre de côté leurs prétentions personnelles vis-à-vis du clergé1370. Ainsi, Pidansat de Mairobert en septembre 1771 veut éviter que les Européens appellent « les Français les French slaves »1371. Un brûlot de 1774 indique d’ailleurs que les actes de la séance de la flagellation et de la séance du 3 septembre 1770 étaient des actes « despotiques »1372. La littérature issue du mouvement parlementaire diffuse la perspective que la fonction judiciaire ne peut pas être remise en question car les officiers de justice agissent en patriotes pour la nation et modèrent le gouvernement monarchique1373. À l’instar de le Paige1374, Clément de Boissy pense même que « les fabricateurs des chaînes de la patrie auraient manqué leur coup s’ils n’avaient éloigné les dépositaires des lois, dont la présence et la fidélité réclamaient sans cesse contre l’injustice de l’édit » de 17701375. Enfin, un opuscule de 1774 remarque à propos de l’édit de février 1771 qu’une nation française libre devrait rejeter toute forme de despotisme1376.
111Cette attitude livresque pose comme hérésie politique un système qui fait une grande place aux prévaricateurs de la Cour qui jalonnent et qui trompent le roi et la nation1377. Une fois encore, les magistrats et leurs renforts pamphlétaires s’adonnent à un paradigme simple, celui de référents corroborant des thèmes anciens et consubstantiels à la nature même de la nation. Les parlementaires sont les garants d’une image harmonieuse, d’une photographie instantanée du pays, des peuples, d’où l’idée d’une greffe naturelle dans le combat contre le despotisme : celle du règne royal en accord avec la nation. Selon Pierre Boyer en 17321378 et un manuscrit anonyme en 17511379, le prince doit plus se faire obéir par l’amour de ses sujets que par la crainte. C’est le renversement de l’adage de Machiavel du « il vaut mieux être aimé mais il est nécessaire d’être craint ». Pour d’Alès de Corbet aux alentours des années 1755,
« le despote ressemble à un mécaniste qui fait mouvoir des machines ; les autres souverains conduisent des hommes libres comme eux, raisonnables comme eux, vertueux comme eux. La crainte seule est ordinairement le ressort de tous dans l’Empire despotique »1380.
112« Vous voulez régner non par l’impression seule de l’autorité mais par l’amour, par la justice et par l’observation des règles et des formes observées dans votre royaume » indiquent en définitive au roi les magistrats dauphinois en 17691381. À partir de ce constat, les juges prétendent opposer un tableau antithétique d’un royaume en proie à la vanité, l’inertie, la force d’un seul homme, à une monarchie ordonnée et idéale. Il vaut mieux régner par la persuasion que par des ordres absolus, « telle est la base de la liberté publique qui doit rester inaltérable entre le souverain et la nation » réitèrent les magistrats grenoblois en 17711382. Les influences de Montesquieu permettent d’asseoir cette pensée et le Parlement de Dijon n’hésite pas à le citer en 17711383 à l’instar des magistrats toulousains cinq ans plus tard dans la défense des privilèges du Languedoc1384. À la lumière de cette explication, on serait même tenté de se référer à Bossuet et Bodin privilégiant un rapport harmonique entre le prince et ses sujets. Le despotisme brocardé, il existe désormais une nation que l’on doit prendre en considération à travers son humanité.
L’humanité ou la légitimation naturelle de la nation
113Héritant de l’universalité du droit naturel, le thème de l’humanité se développe très rapidement à partir des années 1755-1760, celui-ci étant au centre de la morale sociale et patriotique. L’humanité que manifeste le monarque dans son attitude envers ses sujets ne doit pas être assimilée aux droits de l’humanité. Selon les magistrats aixois en 1723, conférer des pouvoirs à des commandants en opposition à la cour, c’est mettre en péril « toutes les règles de la raison, de la justice et de l’humanité »1385. Cette humanité touche la définition objective de la nation en tant que peuple mais il n’existe aucune fonction politique, seulement une bienveillance traditionnelle du roi1386. En revanche à partir de 1755, d’Alès de Corbet signale que
« toute autorité injuste, contraire aux droits naturels de l’humanité, ne sera celle d’aucun gouvernement. Toute autorité opposée à nos mœurs, à notre génie ne pourra convenir à notre gouvernement »1387.
114À travers le conflit du Grand Conseil, cette idée se charge politiquement ou tout du moins est le paravent idéal contre le despotisme. Une opération de dédifférenciation se met en place, celle d’une définition se généralisant pour recevoir la légitimité et la force de l’entité universelle. La nation, par son acception, bénéficie au départ de l’existence d’un peuple particulier mais petit à petit les parlementaires se rendent compte, aussi grâce à l’influence des Lumières -on pense à Rousseau1388 et à Vattel1389 -qu’il est plus légitime de se référer à un ensemble plus large : l’humanité1390. Le pragmatisme est de mise. Le Parlement de Pau avertit en 1757 que l’étendue du pouvoir royal dans ses excès peut « blesser l’humanité »1391. Il est indéniable que ce terme coïncide avec le vocable nation en le chargeant positivement. Ce vocable est usité dans le discours parlementaire et ce dans plusieurs directions. Le Parlement de Grenoble en 1759 note en faveur des exilés de Besançon que
« le droit du citoyen, et à plus forte raison celui du magistrat, est d’être jugé suivant les lois par ceux qui en sont dépositaires. L’instruction légale peut seule opérer la condamnation ou l’absolution légitime. Ce droit n’est pas particulier à la nation française, c’est le droit naturel de tous les hommes »1392.
115En effet, c’est aussi dans le cadre de l’amour dû aux peuples que le roi mérite le titre de « plus cher à l’humanité » selon les magistrats rennais1393 et dauphinois en 17601394. Les « droits de l’humanité » font une entrée remarquée dans l’argumentation juridique que ce soit pour la Cour des aides de Paris en 17611395 ou pour le Parlement de Rouen parlant de « tribunal humain » toujours en 17611396. La redécouverte de l’être humain dans la prise en compte de ses aspirations, de sa pensée, de son comportement, en définitive de sa figure, constitue un élément important dans la circonférence politique de la nation comme interlocutrice privilégiée du prince. De ce fait, le Parlement de Rouen révèle en 1764 que « le souverain [est l’] ami de l’ordre et de l’humanité »1397. On retrouve une idée identique chez son homologue bourguignon la même année1398. Cette nouvelle définition nationale fait appel à la nature de l’homme en général. Le Parlement de Paris note en 1766 que les lois « sont nées avec la monarchie ou plutôt avec l’humanité ; elles font partie du droit naturel, du droit national »1399. Une des conséquences de cet état de fait est que le droit de propriété s’épanouit aisément, pour la Cour des aides de Paris, dans « les droits des hommes », « ces droits [nationaux] qui appartiennent à tous les Français par les lois du royaume et à tous les hommes par la loi de l’humanité et de la raison »1400.
116L’humanité sert aussi de cadre général à un schéma particulier, celui de la nation au travers de l’amour de la patrie comme le véhicule l’avocat Joseph-Félicité Cochu en 1763. Il y a selon lui trois stades afin d’arriver à définir réellement cette affection :
« D’abord un sentiment général qui nous fait aimer les hommes, parce qu’ils sont nos semblables, l’amour de l’humanité, ensuite un sentiment relatif qui nous les fait chérir parce que nous tenons à eux, l’amour de la société, enfin un sentiment plus intime et plus élevé qui nous lie nécessairement à l’État dans lequel nous vivons, l’amour de la patrie »1401.
117Cette pensée est reprise à l’unisson par les différentes cours souveraines. Le roi doit avant tout rechercher le « bonheur de l’humanité » selon les magistrats grenoblois en 17671402. En effet, la nation produit un vœu car son « cri » et « le vœu de l’humanité » sont identiques pour les Parlements de Douai1403, de Dijon en 17711404 et de Rouen en 17721405. Le despotisme n’a pas sa place dans une communauté douée d’un élément universel. Ainsi, le Parlement de Bordeaux écrit en 1771 au roi qu’il est l’« ami de l’humanité, père tendre de [ses] sujets, [et qu’il] abhorre jusqu’au nom du despotisme »1406. La nation a donc des droits par le biais de son acception universelle et profite d’un paravent inusable. D’ailleurs, le Parlement de Besançon en 1771 parle de « droits inaliénables de l’humanité »1407. Néanmoins, le prince a toute sa place dans ce nouveau schéma, il est loin d’être rejeté si, bien sûr, il se comporte en souverain bienveillant et proche de ses peuples. Selon Hue de Miromesnil en 1772, « tout ce qui tend au bien de l’humanité est le fondement le plus solide de la puissance royale »1408. Ce ne sont donc pas ici les droits de l’homme de la Révolution mais simplement des droits de la nation comme premier jalon à une évolution plus large dont il est question. La pensée de Condorcet est encore assez loin même si Lefebvre de Beauvray atteste en 1770 que « les annales du royaume nous offrent le spectacle le plus intéressant. C’est là qu’on respecte également les droits de l’homme et ceux du citoyen »1409.
118La nation, peuple aux multiples figures, ne peut être définie complètement sans appréhender le véritable rôle de la patrie. L’ambiguïté du terme est accrue dans la mesure où celui-ci se charge d’un sens affectif. Le peuple français avec son caractère et jouissant d’une diversité propre bénéficie, au xviiième siècle, d’une attention particulière dans sa transformation. Essayer de responsabiliser toutes les composantes de la nation est une étape importante dans le cheminement vers la modernité de la coïncidence patriotisme-sentiment national. La référence patriotique est utilisée au maximum de ses capacités afin de fonder une nation tournée vers ses membres. Pourtant, les deux premiers tiers du siècle ne font qu’établir les soubassements d’une mutation future. En effet, deux visions se partagent le fait national, celui de parlementaires voulant jouer les acteurs patriotiques au service de la nation monarchique qui n’en demandait pas tant et celui de la philosophie en général, avec Rousseau en tête, s’attachant à construire un peuple citoyen, éduqué, humain, patriote. C’est bien ce dernier courant qui a permis à la nation de s’orienter en direction de son autonomie politique.
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119La définition de la nation doit emprunter le chemin de sa « naturalité ». Cet ensemble, qui jadis sombrait dans l’innombrable, n’est pas encore complètement réhabilité mais doit être pris en compte comme une entité à part entière. Les mœurs, l’esprit, le caractère, le climat sont perçus comme des carrefours incontournables dans l’art de gouverner. Connaître ceux sur qui on a une domination, c’est prévoir et agir en harmonie dans la direction de la cité. La nation est une figure à plusieurs facettes qu’il faut écouter parler, les magistrats et les philosophes l’ont très bien intégré. Pourtant, recueillir et identifier la situation des peuples ne suffit pas pour convaincre, il faut produire d’autres arguments. Cette nation-peuple, à qui l’on reconnaît un génie, un début de pensée -même si l’on peut admettre tout l’artifice de l’opération -se resitue sur l’échiquier politique et donc produit des conséquences juridiques. La nation, que les parlementaires et les philosophes défendent, se transforme en un être que l’on ne peut offenser : elle fait partie naturellement d’un ensemble beaucoup plus large, celui de l’homme. Dès lors, la nation possède une diversité propre faisant le lit d’un particularisme certain et revendiqué. À travers ce prisme, c’est bien la patrie, élément affectif, qui est le moteur de l’élévation politique de la nation non seulement dans le développement et la construction d’une citoyenneté en devenir et de plus en plus active mais aussi dans la quête d’une autonomie psychologique : celle de la nation libre, humaine, reconnaissable par son pluralisme et à même de se soutenir. La littérature politique et institutionnelle a été fondamentale dans le cadre d’une telle évolution proposant finalement et implicitement, en concurrence au roi, une nation en puissance. Néanmoins se construit, en parallèle, un autre mouvement, celui d’un pouvoir national en confrontation direct avec le monarque par le vacillement du schéma traditionnel du roi et de la nation.
Notes de bas de page
794 A. Viguier, « Le mot individu fait-il au xviiième siècle parti du vocabulaire sociopolitique ? », Cahiers de Lexicologie, 1968, n° 2, pp. 106-108.
795 C. Kintzler, « Peuple, nation, humanité dans les rapports sur l’instruction publique », L’invention du peuple, sous la dir. de R. Goetz et A. Trognon, Nancy, PUN, 1993, pp. 71-72.
796 G. Lemarchand, « Débat sur la nation », CIRM, 1988, n° 12, p. 30.
797 « Où trouverons-nous donc la patrie ? L’intérêt la trahit, la mollesse l’ignore, une vaine philosophie la condamne. Quel étrange spectacle pour le zèle de l’homme public ! Un grand royaume et point de patrie ; un peuple nombreux et presque plus de citoyens », (H.-F. d’Aguesseau, xixème Mercuriale, in Œuvres, t. 1, op. cit., pp. 201-211).
798 L’homme sociable et lettres philosophiques sur la jeunesse, Paris, Dessain, 1772, pp. 96-97.
799 Ibid., p. 90.
800 « On trouve beaucoup d’instruction et peu d’éducation ; on y forme des savants, des artistes de toutes espèces (...) Mais on ne s’est pas encore avisé de former des hommes, c’est-à-dire de les élever respectivement les uns pour les autres, de faire porter sur une base d’éducation générale toutes les instructions particulières ; de façon qu’ils fussent accoutumés à chercher leurs avantages personnels dans le plan du bien général et que dans quelque profession que ce fut, ils commençassent par être patriotes », (C. Duclos Pineau, Considérations sur les mœurs de ce siècle, op. cit., p. 24). De plus, il ajoute que « c’est ainsi qu’on devrait dans tous les États inspirer les sentiments de citoyen, former des Français parmi nous, et pour en faire des Français, travailler à en faire des hommes », (ibid., p. 27).
801 W. Frijhoff, « L’État et l’éducation au xvième-xviième siècle : une perspective globale », Culture et idéologies dans la genèse de l’État moderne, Collection de l’Ecole Française de Rome, 1985, t. 82, p. 105 et S. Gougeaud-Arnaudeau, Entre gouvernants et gouvernés, op. cit., p. 76.
802 F. Melonio, « L’idée de nation et l’idée de démocratie chez Tocqueville », Littérature et Nation, 1991, n° 7, série 2, p. 10.
803 J. Michelet, Le peuple, introduction de P. Viallaneix, Paris, Flammarion, 1979, pp. 231, 234-235.
804 « C’est alors, Aristias, nous n’avions plus de mœurs ; c’est que Périclès nous avait amollis par l’oisiveté, la paresse et l’usage des plaisirs ; c’est que chaque citoyen accablé dans sa maison d’une foule de besoins inutiles n’avait plus de patrie », (G. de Mably, Entretiens de Phocion, op. cit., p. 150).
805 « Il faut à l’État des hommes, des citoyens. Des citoyens, dites-vous ! Hé ! Y-a-t-il encore une patrie ? Oui sans doute, mais il est vrai que n’entrant plus rien dans l’éducation, la jeunesse d’aujourd’hui ne sent pas le prix du savoir, qui la mettrait en état de s’acquitter de tout ce qu’elle doit à Dieu, à son roi, à sa patrie », (Fleury, Essai sur les moyens de réformer l’éducation particulière et générale, Paris, Guyllin, 1764, p. 42). Fleury était professeur royal de mathématiques, de génie et d’artillerie.
806 D.-A. Bell, The cult of the nation, op. cit., pp. 60-62. « Le peuple national doit moins éprouver que s’éprouver, se réaliser dans une sorte d’auto centrisme, un peuple qui se regarde, c’est un peuple autonome », (D. Bastide, « Note sur la naissance de la nation moderne : le rapport entre le roi et la nation dans le discours des constituants, 1789-1791 », RHDFE, avril-juin 1999, n° 2, p. 243).
807 V. Riquéti de Mirabeau, L’ami des hommes, t. 1, op. cit., p. 136.
808 E.-G. Morelly, Le code de la nature, op. cit., pp. 46-52.
809 « La force d’un État ne consiste pas dans l’étendue de son territoire mais dans la multitude de ses habitants », (C.-I. Castel de Saint-Pierre, Annales politiques, Londres, 1757, p. 18).
810 J.-J. Rousseau, Emile, in Œuvres, t. 4, op. cit., p. 509.
811 « Tels sont magnifiques et très honorés Seigneurs, les citoyens et même les simples habitants nés dans l’État que vous gouvernez ; tels sont ces hommes instruits et sensés dont, sous le nom d’ouvrier et de peuple, on a chez les autres nations des idées si basses et si fausses », (J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, ibid., t. 3, p. 118).
812 Essai sur le luxe, s.l., 1764, p. 71.
813 Ibid., p. 67.
814 Ibid., pp. 55-56.
815 G.-F. Coyer, Dissertation sur la nature du peuple, bagatelles morales, nouvelle édition, Paris, Duschène, 1769, p. 282. Mais avant 1769, il a, à propos du théâtre, ces mots : « Quand je parle du public, je ne compte pas les sots qui peuvent cependant se rendre redoutables en étouffant la voix des sages par leurs clameurs », (Discours prononcé dans l’Académie royale des sciences et belles lettres de Nancy, Paris, Duschène, 1763, p. 20).
816 G.-F. Coyer, Dissertation sur la nature du peuple, op. cit., p. 285.
817 « Le peuple n’est pas plus susceptible d’émulation que les animaux (…) Nous refusons la raison au peuple et nos lois le punissent : les prisons, les tortures, les gibets, les roues sont à son usage, on ne condamne pourtant pas à mort le taureau qui a éventré le bouvier », (ibid., pp. 298, 288).
818 Ibid., p. 300.
819 C’est l’entreprise d’une rééducation du public, « quant au rôle décisif du paysan dans l’économie et dans la réforme morale du royaume », qui est développée par Restif, (R.-M. Schwarz, « Le paysan comme héros : Rousseau, Restif de la Bretonne et la représentation des vertus rustiques », Le bonheur est une idée neuve, Hommage à J. Bart, Dijon, Publication du Centre G. Chevrier, 2000, t. 15, p. 390).
820 « La plupart de nos philosophes nouveaux traitent les nations comme des tulipes dont on n’estime que la tête, le pied qui les nourrit, la tige qui les soutient, n’ont aucun mérite aux yeux du fleuriste : la multitude, la foule des hommes obscurs, n’est pas plus considérée de tant de gens qui se donnent maintenant pour philosophes », (A.-G. de Moissy, La nature philosophe ou dictionnaire de comparaison et similitudes, v°« Nations », La Haye, P.-F. Gosse, 1776, p. 219).
821 En effet, Louis-Sébastien Mercier rendra un hommage appuyé en 1781 à la « populace », pensant que celle-ci est aussi apte que « l’assemblée la plus brillante » à saisir la beauté d’une pièce de théâtre, (E. Rufi, Le rêve laïque de Louis-Sébastien Mercier entre littérature et politique, SVEC, 1995, n° 326, p. 53).
822 Projet de remontrances de décembre 1760, (A.-T. Hue de Miromesnil, Correspondance politique et administrative, t. 1, publiée par P. Verdier, Paris, A. Picard et Fils, 1899-1903, p. 264).
823 Remontrances du 19 décembre 1759 de la Chambre des comptes de Paris, BN Lb38 816 p. 15.
824 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., p. 132.
825 Remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 1763 p. 6.
826 Arrêté du 1er mai 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1226 p. 11.
827 Remontrances du 24 juillet 1760 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 841 p. 19.
828 J. Egret, Le Parlement du Dauphiné, t. 1, op. cit., p. 21.
829 « Le plus grand ressort de prospérité dans ces entreprises est de rappeler dans le cœur des hommes le doux nom de patrie, trop oublié dans le siècle où nous vivons : ce mot de ralliement qui a crée autrefois tant de miracles, exprime un sentiment qui commence par le village, on l’étend à son canton, à sa province, puis enfin à sa nation. Il faudrait donc faire en sorte que chaque habitant se crût plus heureux d’être de son village que du village voisin. Pour commencer ce grand ouvrage d’affection, je voudrais que le seigneur bâtit à ses dépens dans chaque village une maison commune sur la place publique », (Journal économique ou mémoires, notes et avis sur l’agriculture, les arts, le commerce, Paris, Antoine Boudet, 1751, p. 75).
830 « L’admission des gens du tiers état aux assemblées de la nation fut un grand bien, et qu’elle porta le dernier coup à cette administration barbare », (E.-J. Poullin de Lumina, Mœurs et coutumes des Français, ouvrage où l’on traite de l’origine de la nation, de l’établissement de la monarchie et de son gouvernement politique, civil, militaire et ecclésiastique, t. 2, Lyon, L.-J. Berthoud, 1768, p. 161).
831 « L’amour de la patrie fait les bons citoyens », (P.-J. Brillon, Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlements de France, v°« Patrie », t. 5, Paris, G. Cavelier, 1727, p. 91).
832 J.-A. Cérutti, Discours qui a remporté le prix de l’éloquence à l’Académie des jeux floraux de Toulouse, le 3 mai 1760, Lyon, A. Delaroche, 1760, pp. 9-10.
833 Ibid., p. 14. Il ajoute que « fondé sur l’égalité, l’amour de la patrie se communique à l’orateur, de même qu’au citoyen, par la voie de l’éducation, nouvel avantage des anciennes républiques sur les républiques modernes », (ibid., p. 13).
834 J.-L. Castilhon, Considérations sur les causes physiques, op. cit., p. 134.
835 « On dit qu’un homme est bon citoyen, pour dire que c’est un homme zélé pour sa patrie », (Dictionnaire de l’Académie française, v°« Citoyen », t. 1, [1765], op. cit., p. 216).
836 « La patrie est le lieu où l’on est né. C’est là que l’on trouve la plus agréable société, celle des parents, des amis, des voisins qu’on a connus dès l’enfance, enfin des compatriotes qui ont les mêmes usages, le même langage et les mêmes intérêts que nous », (J.-R. Joly, Dictionnaire de morale philosophique, v°« Patrie », t. 2, Paris, Didôt l’aîné, 1771, p. 150).
837 « L’amour de la patrie, qui paraît d’abord si noble dans son principe, n’est souvent qu’un amour-propre déguisé. On tient à une femme, à des enfants, à des parents, à des amis, à des biens : voilà ce qui attache la plupart des hommes à la patrie. Le souvenir des premières années de l’enfance et des plaisirs dont cet heureux âge est accompagné, la vue des lieux où l’on en a jouit la rendent chère à beaucoup d’autres. Il en est bien peu qui chérissent la patrie par devoir », (D.-P. Chicaneau de Neuvillé, Dictionnaire philosophique ou introduction à la connaissance de l’homme, v°« Amour de la patrie », Paris, Durand-Guillyn, 1762, pp. 32-33).
838 « Digne citoyen : ce n’est point ici un mérite vulgaire, et plût au ciel qu’il puisse le devenir ! Quelle gloire, et quelle force pour l’État, si le nombre des citoyens répondait à la multitude des sujets ! Qui dit un citoyen, Messieurs, dit un homme zélé pour la patrie, qui l’honore par ses sentiments, qui la sert par ses talents, qui l’accrédite par ses vertus, qui est prêt à lui sacrifier dans l’occasion et dans le besoin, ses goûts, ses répugnances, ses plaisirs, ses inclinations, ses ressentiments, ses propres intérêts, sa vie même. Voilà le citoyen », (R.-P. Charles, Oraison funèbre de très haut et très puissant Seigneur Louis-Marie Fouquet, comte de Gisors, prononcée le 9 août 1758 dans l’Église Cathédrale de Metz, Metz, Joseph Collignon, 1758, p. 19).
839 « Les enfants font une portion précieuse d’une nation. Ils en sont l’espérance. Ils sont destinés à la composer un jour. Doit-on regretter les soins et la dépense que leur éducation peut exiger ? Des parents ne sont-ils pas coupables envers leur patrie, s’ils apportent la moindre négligence dans une chose aussi importante », (le Rebours, Observations sur les manuscrits de feu M. du Marsais, avec quelques réflexions sur l’éducation, Paris, Veuve David, 1760, p. 26).
840 C.-L. Chanlaire, L’ami de la concorde ou essai sur les motifs d’éviter les procès et sur les moyens d’en tarir la source par un avocat au Parlement, Londres 1765, pp. 80-81, 98-99.
841 Ibid., p. 85. Pour une autre vision -novatrice -de l’instruction comme pédagogie contraignante s’attachant à conditionner l’enfant au xviiième siècle, cf. X. Martin, Nature 2ème humaine et Révolution française, du siècle des Lumières au Code Napoléon, édition, Bouère, DMM, 2002, pp. 79-87.
842 Rousseau est visiblement un des premiers à employer les termes « éducation nationale » dans ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, (Œuvres, t. 3, op. cit., p. 966).
843 Il faut savoir que ce sont les physiocrates qui ont demandé les premiers une instruction du peuple avec Nicolas Baudeau, (H. Michel, L’idée d’État, op. cit., p. 35).
844 Selon Puget de Saint-Pierre, il y a une concordance exacte entre le sujet et le citoyen. En effet, « quiconque est né dans un pays, ou est naturalisé, qui jouit des avantages de ce pays, qui a droit à la protection des lois et du gouvernement, est nommé citoyen. De là dérivent ses obligations et ses devoirs envers la société dont il partage le sort et envers le gouvernement, qui veille à la sûreté de sa personne et de ses biens », (Dictionnaire des notions primitives, v°« Citoyen », t. 1, op. cit., p. 233). Mais attention, il ne faut pas se méprendre sur le terme « actif » car le citoyen, ici, est en opposition à l’étranger dans le sens où le national est un sujet de l’État ; sujet ayant des droits civils mais pas obligatoirement politiques comme le droit de vote, (M. Troper, « La notion de citoyen sous la Révolution française », Études en l’honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, p. 302 ; A. Lefebvre-Teillard, « Citoyen », Droits, juin 1993, n° 17, p. 38). Le mot citoyen n’est donc pas un vocable univoque, (L. Jaume, « Citoyenneté et souveraineté, le poids de l’absolutisme », The french Revolution and creation of modern political culture, t. 1, op. cit., p. 516).
845 « Les sujets d’un État sont quelquefois appelés citoyens ; quelques-uns ne font aucune distinction entre ces deux termes mais il est mieux de les distinguer. Celui de citoyen doit s’entendre de tous ceux qui ont part à tous les avantages, à tous les privilèges de l’association », (Encyclopédie, v°« Sujet », t. 15, [1765], op. cit., p. 643).
846 O. Beaud, La puissance de l’État, op. cit., p. 111.
847 « Ces mots de sujet et de souverain sont des corrélations identiques dont l’idée se réunit sous le seul mot de citoyen », (J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. III, chap. 13, in Œuvres, op. cit., p. 427). Cette ambiguïté se résout chez le citoyen de Genève par la mutation du corps politique national appelé « peuple et s’appel[ant] en particulier citoyen comme participant à l’autorité souveraine et sujet comme soumis aux lois de l’État », (ibid., liv. I, chap. 6, p. 362). Le citoyen se délie de sa personne individuelle grâce au pacte (ibid., liv. I, chap. 7, p. 364). « En effet, chaque individu peut comme homme avoir une volonté particulière contraire ou dissemblable à la volonté qu’il a comme citoyen », (ibid., p. 363). Ainsi, dans une lettre de 1769 à M. de Franquières, Rousseau affirme : « Où je suis, moi être mixte », (ibid., t. 4, p. 1139).
848 C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 1, [1772], op. cit., p. 79.
849 C. Aubertin, L’esprit public au xviiième siècle, 3ème édition, Paris, Didier-Perrin, 1889, p. 271.
850 F. Bluche, Le despotisme éclairé, Paris, A. Fayard, 1968, p. 323.
851 « Tous cherchèrent des liens qui attachassent les citoyens à la patrie et les uns aux autres, et ils les trouvèrent dans les usages particuliers, dans les cérémonies religieuses qui par leur nature étaient toujours exclusives et nationales », (J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 958).
852 R. Derathé, « La religion civile selon Rousseau », Annales de la Société J.-J. Rousseau, 19591962, t. 35, p. 164.
853 J.-J. Rousseau, Discours, 1ère partie, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 112.
854 « Renfermée pour ainsi dire dans un seul pays, [la religion] donne ses dieux propres et tutélaires, elle a ses cérémonies, ses rites, son culte extérieur prescrit par les lois : hors de la seule nation qui la suit, tout le reste est pour elle infidèle, étranger, barbare », (J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. IV, chap. 8, ibid., p. 464).
855 Ibid., p. 465.
856 Ibid., p. 704.
857 J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, (ibid., p. 944).
858 Ibid., p. 943 et Du contrat social, liv. III, chap. 1, (ibid., p. 340).
859 B. Baczko, « Rousseau et l’imagination sociale du Contrat social aux Considérations sur le gouvernement de Pologne », Annales de la Société J.-J. Rousseau, 1969-1971, t. 38, p. 56.
860 Dictionnaire de J.-J. Rousseau, publié sous la dir. de R. Trousson et F.-S. Eigeildinger, op. cit., p. 704. Cf. X. Martin, Nature humaine et Révolution française, op. cit., p. 80 et plus généralement J. Bloch, Rousseauism and education in eighteenth-century France, SVEC, 1995, n° 325, pp. 19-85.
861 M. Launay, « Les pouvoirs du mot peuple chez Jean-Jacques Rousseau », Peuple et pouvoir, étude de lexicologie politique, textes réunis par M. Glatigny et J. Guilhaumou, Lille, PUL, 1981, pp. 120, 123 ; J.-F. Spitz, « Le contrat social », Droits, 1990, n° 12, pp. 26-35 ; G. Mairet, Le maître et la multitude, op. cit., p. 250.
862 J.-J. Rousseau, Discours, 1ère partie, in Œuvres, t. 3, op. cit., pp. 260-261.
863 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, (ibid., t. 3, p. 966).
864 J.-J. Rousseau, Emile, (ibid., t. 4., p. 323).
865 C. Haroche, « La compassion comme amour social et politique de l’autre au xviiième siècle », La solidarité : un sentiment républicain, CURAPP, Paris, 1992, pp. 12-13.
866 J.-J. Rousseau, Économie politique, in ŒUVRES, t. 3, op. cit., p. 259.
867 J.-J. Rousseau, Fragments politiques, III, 16, (ibid., t. 3 p. 486). B. Baczko aura cette bonne définition : « La nation détermine une source originaire des valeurs, une manière d’être dans le monde qui relie l’individu à une communauté et imprègne toute son existence », (« Rousseau et l’imagination sociale », op. cit., p. 48).
868 « Toute la nation corse se réunira par un serment solennel en un seul corps politique dont tant les corps qui doivent la composer que les individus seront désormais les membres », (J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 943).
869 J.-J. Rousseau, Économie politique, (ibid., p. 245).
870 Ibid., p. 255.
871 Ibid., p. 256.
872 J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, (ibid., p. 913).
873 « C’est le peuple qui compose le genre humain ; ce qui n’est pas peuple est si peu de chose que ce n’est pas la peine de le compter », (J.-J. Rousseau, Emile, ibid., t. 4, p. 509).
874 Ibid., p. 250.
875 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, (ibid., t. 3, p. 957).
876 « Tout vrai républicain suça avec le lait de sa mère l’amour de sa patrie, c’est-à-dire des lois et de la liberté. Cet amour fait toute son existence ; il ne voit que la patrie, il ne vit que pour elle ; sitôt qu’il est seul, il est nul ; sitôt qu’il n’a plus de patrie, il n’est plus et s’il n’est pas mort, il est pis », (ibid., p. 966).
877 J.-J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 260. « On peut élever un homme pour lui-même ou pour d’autres ; il y a donc deux éducations, celle de la nature et celle de la société. Par l’une on formera l’homme et par l’autre le citoyen », (Emile, ibid., t. 4, p. 58).
878 « Un État où tous les particuliers se connaissant entre eux, les manœuvres obscures du vice ni la modestie de la vertu n’eussent pu se dérober aux regards et au jugement du public, et où cette douce habitude de se voir et de se connaître, fît de l’amour de la patrie l’amour des citoyens plutôt que celui de la terre », (J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, ibid., t. 3, p. 112). Cf. aussi ses Fragments politiques, XI, (ibid., pp. 535-536).
879 « Le corps politique, pris individuellement, peut être considéré comme un corps organisé, vivant et semblable à celui de l’homme. Le pouvoir souverain représente la tête ; les lois et les coutumes sont le cerveau, les principes des nerfs et siège de l’entendement, de la volonté, et des sens, dont les juges et magistrats sont les organes ; le commerce, l’industrie, et l’agriculture, sont la bouche et l’estomac qui préparent la substance commune (...) les citoyens sont le corps et les membres qui font mouvoir, vivre et travailler la machine », (J.-J. Rousseau, Économie politique, ibid., p. 244).
880 J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. I, chap. 6, (ibid., p. 362).
881 Ibid., liv. I, chap. 5, p. 303.
882 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, (ibid., p. 960).
883 G. Burdeau, « Le citoyen selon Rousseau », Études sur le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, Société des Belles Lettres, Publications de l’Université de Dijon, 1964, t. 30, p. 221.
884 L. Trenard, « L’enseignement de la langue nationale : une réforme pédagogique, 17501790 », Réflexions Historiques, 1980, t. 7, n° 2-3, p. 102.
885 Le mot nation « peut signifier une éducation assurée par l’État, une éducation dispensant les valeurs nationales, une éducation pour toute la nation (…) Cet adjectif national signifie aussi que l’éducation des enfants est à la charge de l’État, qu’elle doit être confiée à des maîtres préparés par l’État, soumis à lui, qu’elle doit devenir uniforme dans tout le royaume », (ibid., p. 101).
886 J.-A. Borelli, Système de législation ou moyens que la politique peut employer pour former à l’État des sujets utiles et vertueux, Paris, Lacombe, 1768, pp. 24-25.
887 E. le Roy Ladurie parle, pour l’éducation du bas peuple au xviiième siècle, « des Lumières à l’obscurantisme avec un rechignement flagrant de la part de Voltaire et Rousseau à l’enseignement rural », (Histoire des paysans français de la peste noire à la Révolution, Paris, Seuil, 2002, pp. 640-645).
888 J.-M. Gougelot, « Du républicanisme et l’idée républicaine au xviiième siècle », Le siècle de l’avènement républicain, sous la direction de F. Furet et M. Ozouf, Paris, NRF-Gallimard, 1993, p. 36.
889 X. Martin, « De Newton au Code civil : une problématique du secret », RHFDSJ, 2000, n° 21, pp. 21, 25, 19.
890 « L’esprit de la multitude est un fleuve auquel l’homme d’État sait donner un cours », (J. Terrasson, La philosophie applicable, op. cit., p. 65).
891 « Le bon ton est celui que chaque société regarde comme le meilleur après le sien, et ce ton est celui des gens d’esprits », (C.-A. Helvétius, De l’esprit, t. 1, op. cit., p. 99).
892 F. Galiani, Dialogues sur le commerce des blés, op. cit., pp. 222-223.
893 F. Quesnay, Physiocratie, Droit naturel, Tableau économique, op. cit., p. 238. Cf. plus largement, l’article de B. Grosperrin, « Faut-il instruire le peuple ? La réponse des physiocrates », Cahiers d’Histoire, 1976, t. 21, pp. 157-169.
894 G.-F. Coyer, Plan d’éducation publique, Paris, Duschène, 1770, p. 175.
895 « Il est une classe d’hommes illustres dont les mœurs sont bien importantes pour la société qu’ils honorent, c’est celle des gens de lettres. Placés au milieu d’une nation pour l’éclairer, la nature semble avoir mis la vérité sous leur sauvegarde », (J.-V. Delacroix, Combien le respect pour les mœurs contribue au bonheur des États, Paris, Ruault, 1776, p. 20).
896 J.-B. le Rond d’Alembert, Mélanges de littérature, t. 1, op. cit., p. 330.
897 J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. II, chap. 8, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 386.
898 « Il sera donc vrai de dire que si l’on voulait ou si l’on pouvait raisonnablement vouloir changer le génie naturel d’une nation, on n’y pourrait parvenir que par les efforts suivis d’une éducation différente. À la vérité, il est peut-être plus sûr d’approprier les éducations au naturel », (A. Pecquet, L’esprit des maximes politiques, t. 1, op. cit., p. 257).
899 Petiot, De l’opinion et des mœurs, op. cit., p. 25.
900 Ibid., p. 37.
901 Ibid., p. 124.
902 C.-A. Helvétius, De l’homme, t. 1, op. cit., p. 183.
903 Ibid., p. 5.
904 « Un peuple où l’éducation publique donnerait du génie à un certain nombre de citoyens, et du sens à presque tous, serait sans contredit le premier peuple de l’univers. Le seul et sûr moyen d’opérer cet effet, est d’habituer de bonne heure les enfants à la fatigue de l’attention », (ibid., p. 434).
905 Ibid., t. 2, p. 671.
906 Ibid., p. 121.
907 Ibid., p. 133. Il ajoute que « le prince doit donc aux nations la vérité comme utile et la liberté de la presse comme moyen de la découvrir », (ibid., p. 498).
908 Ibid., p. 644.
909 Ibid., p. 501.
910 D’ailleurs, même la sémantique parlementaire en est consciente car le « citoyen » devient chez elle un symbole de libre parole, de libre pensée face à un souverain qui leur refuse toutes prétentions politiques mais il n’y a là aucune autonomie, (F. Bidouze, « Polysémie et diachronie du terme de citoyen dans les discours parlementaires au xviiième siècle : essai d’interprétation », Invention et réinvention de la citoyenneté, actes du colloque international de Pau, sous la dir. de C. Fievet, Pau, 2000, p. 102).
911 Remontrances de 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 953 pp. 7-8.
912 « Et c’est surtout pour l’éducation de la jeunesse, cette fleur précieuse qui fait l’espérance de l’État, que les peuples en ressentent davantage l’utilité », (F. Prost, Les remontrances, op. cit., p. 187).
913 « Tel est un imprimé en date du 4 mars 1771 (…) Cet ouvrage est un de ceux qu’on ne saurait trop multiplier, afin de faire pénétrer l’instruction et la vérité chez les gens les moins instruits et dans les provinces du royaume les plus reculées. Au moyen de cette fécondité de lumières, la nation connaîtra enfin ses vrais intérêts et poussera un cri unanime vers le souverain », (M.-F. Pidansat de Mairobert, Journal historique, t. 1, op. cit., p. 233).
914 « Chaque État a ses préoccupations, ses idées, ses devoirs, son génie, ses moeurs, que l’éducation ne doit pas altérer, confondre ; cette confusion n’est pas à craindre dans les collèges où sont élevés sans distinction les jeunes citoyens de toutes les classes », (remontrances du 25 avril 1777 du Parlement de Paris, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 3, op. cit., p. 392).
915 Pour une vue d’ensemble, cf. D. Van Kley, The jansenists and the expulsion of the jesuits from France, 1757-1765, New Haven, 1975.
916 F. Boulerie, « La voix du citoyen : une parole émergente dans le discours sur l’éducation publique des années 1760 », Invention et réinvention de la citoyenneté, op. cit., pp. 113-115 ; M. Grandière, L’idéal pédagogique en France au dix-huitième siècle, SVEC, 1998, n° 361, pp. 216-247.
917 Lettre écrite de Paris à un ami de province sur l’éducation des jeunes gens dans les collèges des jésuites, par un homme de qualité, s.l.n.d., pp. 29-30.
918 L.-R. Caradeuc de la Chalotais, Essai d’éducation nationale, op. cit., p. 1.
919 Ibid., p. 5.
920 Ibid., p. 2.
921 Ibid., p. 10.
922 Ibid., p. 12.
923 Ibid., pp. 10, 140.
924 Ibid., p. 13.
925 Ibid., p. 17.
926 « Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas loin que ses occupations. Tout homme qui voit au-delà de son triste métier ne s’en acquittera jamais avec courage et avec patience. Parmi les gens du peuple, il n’est presque nécessaire de savoir lire et écrire qu’à ceux qui vivent par ces arts ou à ceux que ces arts aident à vivre », (ibid., p. 26).
927 J.-B. Crevier, Difficultés proposées à Monsieur de Caradeuc de la Chalotais, Paris, 1763, pp. 4, 5.
928 Ibid., p. 12.
929 Ibid., p. 30.
930 Pellicier, Mémoire sur la nécessité de fonder une école pour former des maîtres, selon le plan d’éducation donné par le Parlement en son arrêté du 3 septembre 1762, s.l., 1762-1763, p. 2.
931 Ibid., p. 1.
932 Lettre au roi du 29 janvier 1776 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2318 f° 43).
933 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 pp. 32-33, 46.
934 Arrêté du 1er mai 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1226 p. 3.
935 Le magistrat dauphinois est un patriote qui doit obtenir un double témoignage de bienveillance. La fonction de juger ne doit pas les priver de la « liberté légitime qui appartient » à tous les sujets, (remontrances du 28 mars 1776, ADI série B 2318 f° 57). La liberté des hommes est reprise par les juges qui en font une condition sine qua non dans leur attitude et leur comportement, « la liberté du magistrat est donc nécessaire à la liberté du citoyen », (remontrances du 23 juin 1784 du Parlement de Grenoble, AN K 710 pièce 31 f° 2). Ce raisonnement est repris dans leurs remontrances du 20 décembre 1787, (AN O1 352 pièce 461 f° 5).
936 « Vous êtes chrétiens, Messieurs, avant d’être magistrats. Comme chrétiens, vous devez détester tout système contraire à la sainteté et à la pureté de la foi, comme magistrats, vous devez avoir en horreur tout système capable d’altérer le repos public, la liberté légitime des sujets du roi, l’autorité suprême et les lois du royaume », (L.-A. le Paige, Lettre à M.***, président au Parlement de Paris, Londres, 1754, BN Ld4 2568 p. 30). Parlant de la bulle Unigenitus, le bailli du Temple ajoute : « Je me garderai bien de blâmer des membres du Parlement qui s’intéressent pour la piété et pour son langage, parce qu’avant d’être citoyens et magistrats, ils ont le bonheur d’être chrétiens », (Réponse à M. le chevalier*** sur la lettre de M.***, conseiller au Parlement ou ses réflexions sur l’arrêt du 18 mars 1755, Paris, 15 avril 1755, BN Ld4 2677 p. 12).
937 « Que vous nous envisagiez comme citoyens ou comme avocats, la cause est la même ; notre gloire et notre conscience nous dictent la même conduite. Comme citoyens nous connaissons le respect, la soumission et l’obéissance que nous devons au souverain (…) Oui, nous sommes Français, et c’est en cette qualité que nous apercevons dans tout ce qui se fait maintenant, l’abus le plus énorme du pouvoir monarchique », (Nous y pensons, ou réponse de MM. les avocats de Paris à l’auteur de l’avis pensez-y bien, s.l.n.d. BN Lb38 1208 p. 29).
938 P.-E. Regnaud, Histoire des événements arrivés en France, op. cit., f° 96.
939 C.-F. Bouche, Droit public du Comté-État de la Provence sur la contribution aux impositions, 2ème édition, Aix, Pierre-Joseph Calmen, 1788, pp. 317-318.
940 Dictionnaire de l’Académie française, v°« Patrie », t. 2, [1765], op. cit., p. 224. On parlera aussi de « patria natale solum », in Dictionnaire de Trevoux, v°« Patrie », t. 5, [1752], op. cit., p. 287.
941 C’est la fameuse distinction des deux pays propagée par les lecteurs du Digeste entre d’un côté, la patria propria et de l’autre, la communis patria.
942 B. Guenée, « État et nation au Moyen Âge », op. cit., p. 24.
943 A.-J. Chaumeix, La petite encyclopédie ou dictionnaire des philosophes, v°« Patrie », Anvers, J. Gasbeck, s.d. p. 151. « Que la patrie se montre donc la mère commune des citoyens », (J.-J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 258).
944 R.-J. Pothier, Traité de la communauté auquel on a joint un traité de la puissance du mari sur la personne et les biens de la femme, t. 1, Paris, Debure, 1770, p. 2.
945 L’esprit des esprits ou pensées choisies, nouvelle édition, Paris, Ruault, 1778, pp. 140-141.
946 « L’intérieur du royaume jouissait d’un calme profond et les frontières retentissaient du bruit de vos exploits lorsque la Provence éloignée de vos yeux et du secours de votre bras, eut le malheur d’être exposée à l’invasion des ennemis (…) Notre histoire nous fournit plusieurs exemples de pareilles invasions que la disposition de nos frontières dégarnies de places de défense a d’abord favorisé et qui ont bientôt échoué par la puissance du maître et la fidélité des sujets. Chacun de ces événements en particulier a été un fléau redoutable pour cette province mais le souvenir en sera toujours chère à la nation par les monuments qu’ils ont laissé de son zèle et par la mémoire des bienfaits et de la satisfaction de ses rois. La dernière plaie est encore ouverte et Votre Majesté n’a pu étendre sa main bienfaisante pour la fermer (…) Que ne peut-il mettre [Parlement] sous vos yeux le spectacle touchant d’un peuple plus empressé pour votre service, qu’effrayé de son propre danger, les exemples de notre noblesse, les sentiments fidèles et généreux des moindres citoyens et le concours de tous les ordres dans la ferme résolution de vivre et de mourir pour vous ? (…) La Provence était d’une part victime des besoins de ses défenseurs et de l’autre la proie de ses ennemis », (remontrances du 7 mai 1748 du Parlement d’Aix, ADBR série B 3675 f° 433, 433 v°, 434).
947 « Sont celles dont la propriété appartient au peuple à qui sont les terres dans lesquelles elles se trouvent situées, et dont l’usage est commun à tous les hommes », (C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit, v°« Choses publiques », t. 1, op. cit., p. 407).
948 Objets de remontrances du 22 septembre 1759 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 823 p. 18.
949 Remontrances du 16 février 1760 du Parlement d’Aix, BN Lb38 824 p. 35.
950 Cf. sur le problème fiscal, entre autre, Y. Thomas, Essai sur le consentement à l’impôt aux derniers siècles de l’Ancien Régime (xvème-xviiième siècles), 2 vol. , thèse dactyl. de l’Université de Paris II, 1974.
951 Remontrances du 9 juillet 1768 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 1551 p. 3. On pouvait déjà remarquer que ses remontrances du 23 juin 1761 étaient d’une rare violence, (M. Antoine, Louis XV, op. cit., p. 773).
952 « La propriété, Sire, est le droit essentiel de tout peuple qui n’est pas esclave : l’impôt, souvent nécessaire, est néanmoins une dérogation à ce droit ; mais dans l’origine les impôts n’étaient établis que du consentement des peuples donné dans les assemblées des États. Que ces assemblées aient cessé d’avoir lieu, la condition des peuples n’a pas dû changer pour cela, leurs droits sont aussi imprescriptibles que ceux du souverain, ses domaines peuvent s’accroître, les bornes de son Empire peuvent s’étendre ; mais il ne croira jamais pouvoir mettre la possession de ses sujets au nombre de ses conquêtes ; et depuis que les peuples ne peuvent plus se faire entendre par leurs représentants, c’est à vos cours, Sire, à remplir cette importante fonction. Créées pour vous acquitter envers eux de la justice que vous leur devez, elles le sont aussi pour vous avertir de ce qui blesse leurs droits ou les lois de votre Couronne ; et comme les intérêts bien entendus du souverain et de la nation sont les mêmes, elles doivent dans tous les cas s’élever contre ceux qui abusent de votre autorité. Votre Cour des aides, Sire, tient de plus près que toutes les autres aux assemblées représentatives de la nation. Notre existence est le gage de la parole donnée par les rois, que les lois enregistrées seraient toujours la mesure du fardeau des peuples, sans qu’ils eussent à craindre de le voir aggravé par les abus de la perception. La création de votre Cour des aides fut accordée aux instances de la nation ». (remontrances du 17 août 1770 de la Cour des aides de Paris, in L.-A. Dionis du Séjour, Mémoires, op. cit., p. 530). D’ailleurs, la première édition de l’ouvrage de 1772 de C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 2, reprend expressément ces remontrances en indiquant p. 164 : « Avoir la propriété de ses biens est le droit essentiel de tout peuple qui n’est pas esclave ».
953 « Le droit de propriété n’est plus que le triste lien qui attache à la patrie, une multitude de malheureux accablés de regrets d’avoir sacrifié leur patrimoine et leur liberté pour acquérir de funestes possessions », (remontrances du 17 août 1763 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2325 f° 12).
954 « Que l’attachement à la propriété, principe actif de l’économie industrieuse des propriétaires, source des richesses les plus importantes du royaume et le plus fort des liens par lesquels le citoyen tient à la patrie, ferait place à une funeste insensibilité, présage incertain de la ruine de tout État », (arrêté du 16 juillet 1763 du Parlement de Rouen, BN Lb38 900 pp. 11-12). L’« antique attachement aux propriétés foncières [est] un des plus forts liens qui réunissent le citoyen à la patrie » selon le Parlement de Rouen, (remontrances du 5 février 1788, ADSM 1 B 300 f° 47).
955 Remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 910 p. 21.
956 Arrêté du 16 juillet 1763 du Parlement de Rouen, BN Lb38 900 p. 5.
957 « Que deviendra la liberté légitime des peuples qui tient essentiellement aux droits de propriété ? Où il n’est point de propriétaire, on ne connaît que des esclaves : il n’est plus d’État ni de société, parce que l’État et la société ne sont fondés que sur la propriété », (remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 910 pp. 7-8).
958 « Sire, il y a des vérités indubitables, tellement gravées dans les cœurs que nul temps, nul abus ne peut les couvrir, nulle oppression les étouffer. C’est le cri de la nature, dont les germes sont indestructibles. Telles sont celles-ci ; que l’héritage patrimonial du citoyen lui appartient en propriété ; que sa propriété devient une chimère si l’usufruit lui est enlevé ; que la monarchie n’est pas un despotisme », (remontrances du 19 janvier 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 946 p. 9).
959 Remontrances du 5 mai 1760 du Parlement de Rennes, (AN H1 440 pièce 36 f° 8).
960 C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. XIII, chap. 7.
961 Comme l’affirme à juste titre C. Larrère à propos de la pensée du baron de la Brède : « L’augmentation des revenus de l’État ne suit pas seulement celle de la richesse des sujets, elle est le résultat de la liberté dont ils jouissent. L’impôt, alors, est consenti. Il y a un échange équilibré et réciproque entre le pouvoir et ceux qui y sont soumis », (« Impôts directs, impôts indirects : Économie, politique, droit », APD, 2002, n° 46, p. 126).
962 Remontrances du 17 juin 1767 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2313 f° 297 v°).
963 Remontrances du 27 mars 1770 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2314 f° 155 v°).
964 Remontrances du 13 mars 1769 du Parlement de Besançon, (AN K 708 pièce 5 f° 8).
965 Remontrances du 1er février 1771 du Parlement d’Aix, (ADBR série B 3677 f° 430).
966 A.-A. Clément de Boissy, Le maire du palais, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 75.
967 Remontrances du 4 janvier 1764 du Parlement de Bordeaux, (AN K 708 pièce 31 f°1 v°). Le Parlement de Besançon ne disait-il pas en 1776, dans le même ordre d’idée, que « les droits de la propriété [des sujets] pour la conservation de laquelle les nations se sont formées en corps de sociétés, de cette propriété si sacrée qu’elle n’est soumise qu’à la loi de la nécessité publique, de cette propriété enfin, qui donne à l’homme sa consistance civile et le fait membre d’un État », (remontrances du 13 mars 1776, ADD série B 2844 pièce 11 f° 14).
968 « Maître du plus florissant Empire de l’univers, vous régnez, Sire, sur une nation généreuse et libre. Le premier tribut que les Français ont offert à leurs rois dans le berceau de la monarchie, a été celui de leur sang et de leur amour. Uniquement sensibles à la gloire de leur patrie et à l’honneur de mourir pour elle, ils servirent le roi en servant l’État : les intérêts du monarque furent toujours inséparables de ceux de la constitution de la monarchie. À ces temps, dont le souverain se rappelle à la nation, et la noblesse de son origine et les sentiments qui règnent dans l’âme des premiers Francs, succède l’époque dans laquelle la France devenue un grand fief, fut soumise à l’empire des lois féodales. Lois imparfaites mais dont l’inconsistance et le vice radical n’altéra point ces principes d’honneur et de magnanimité qui distinguèrent les chevaliers français, qui leur acquirent le titre glorieux d’hommes de la nation », (remontrances du 17 juin 1765 du Parlement de Besançon, AN K 708 pièce 262 f° 2-2 v°).
969 « Dans toute espèce de gouvernement bien ordonné, il est juste que chaque membre contribue par une taxe proportionnelle aux dépenses publiques, qui seules peuvent maintenir à leur tour la propriété des revenus des particuliers. Ainsi, se constituent la force et les richesses d’une puissance tutélaire ; par là s’établissent et se conservent les fortunes privées. Sans doute il n’appartient qu’à la plus haute sagesse de déposer entre ses deux domaines les bornes de la modération : mais quelles qu’elles soient ces bornes, n’est-il pas nécessaire qu’un équilibre invincible régisse constamment la balance du besoin habituel et du tribut réglé » ? (remontrances du 17 août 1767 du Parlement de Besançon, ADD série B 2843 pièce 10 f° 2-2v°). Le Parlement de Besançon en 1767 indique « que les motifs de tous impôts [doivent être] pesés dans le premier tribunal de la nation », (remontrances du 23 juin 1767 du Parlement de Besançon, ADD série B 2843 pièce 16 f° 1 v°)
970 « La nation connaissait les justes limites du droit de propriété. Elle s’empressa de faire le plus noble exercice de la liberté fondamentale en se ménageant à elle-même l’avantage inestimable de consacrer au bien et à la défense de la patrie une portion plus ou moins considérable du revenu de ses possessions. Cette proportion inaltérable entre le besoin et le secours, fut toujours, Sire, la base des subventions octroyées à vos augustes prédécesseurs dans toutes les guerres et affaires. Les aides établissaient pour un temps, elles cessaient avec la nécessité qui y avait donné lieu : le moment de la nécessité renaissante était celui auquel le consentement libre des contribuables attachait le renouvellement de la perception. Telle est, Sire, d’après les notions indestructibles de notre droit national, la condition essentielle de l’impôt », (remontrances du 17 août 1767 du Parlement de Besançon, ADD série B 2843 pièce 10 f° 2 v°-3).
971 Encyclopédie, v°« Autorité politique », t. 4, [1778], op. cit., p. 122. Cf. S. Goyard-Fabre, « Les idées politiques de Diderot au temps de l’Encyclopédie », RIP, 1984, n° 148-149, pp. 96-97. D’ailleurs, cette différence importante était admise au préalable par C. Mey, G.-N. Maultrot et alii, Maximes du droit public français, t. 2, [1772], op. cit., pp. 169-170.
972 P.-P. le Mercier de la Rivière, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, op. cit., p. 41.
973 Le Manifeste aux Normands va plus loin que le Mercier de la Rivière et refuse la copropriété avec le prince. En effet, « la fin du bouleversement actuel est évidente, c’est d’imposer à discrétion et sans difficulté les peuples ; c’est de rendre (comme le disait un ouvrage protégé par le gouvernement) le roi copropriétaire des biens des Français, Ordre naturel des sociétés politiques : c’est de lui attribuer la part du lion », (in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 5, op. cit., pp. 195-196).
974 « Le copropriétaire est le souverain ou le titulaire de la souveraineté », (V. Riquéti de Mirabeau, Les devoirs, Milan, 1780, p. 96).
975 Remontrances du 21 mai 1760 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 832 pp. 33, 39.
976 Remontrances du 22 décembre 1763 du Parlement de Toulouse, (P.-J. Dufey, Histoires, actes, t. 2, op. cit., p. 95).
977 Remontrances du 26 avril 1769 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 8 f° 6).
978 « L’état social est donc essentiellement, et par la nature, un état de sûreté ; autrement il serait pire que l’état primitif, parce que le citoyen ayant renoncé à sa force, pour avoir droit à la protection publique, serait perdu si elle lui manquait », (remontrances du 11 mars 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1142 pp. 16-17).
979 Remontrances du 6 juin 1725 du Parlement de Rennes, (AN H1 575 pièce 92 f° 3 v°-4).
980 « Lorsque des subsides insolites entraînent par l’étendue de leur prorogation un retranchement de la propriété, lorsqu’ils tendent en quelque sorte à unir au domaine de votre Couronne une partie du patrimoine dont vos sujets eurent droit de jouir sous la protection de leur souverain, alors Sire, ce ne sont plus des subsides, c’est un changement dans la condition des peuples », (itératives remontrances du 18 mars 1772 du Parlement de Bordeaux, AN K 708 pièce 49 f° 2 v°3).
981 Remontrances du 18 janvier 1772 du Parlement de Bordeaux, (AN K 708 pièce 53 f° 9 v°10).
982 Remontrances du 19 février 1772 du Parlement de Bordeaux, (AN K 708 pièce 54 f° 4 v°).
983 Ibid., f° 5 v°.
984 « Nous avons parlé, jusqu’ici, que de la liberté générale, c’est-à-dire, des droits de la nation, comme nation » mais il y a aussi la liberté des individus « premièrement, du droit de propriété (…) secondement, du droit de sûreté personnelle, troisièmement, de la faculté locomotive, soit liberté, prise dans un sens plus particulier », (J.-L. de Lolme, Constitution de l’Angleterre, Amsterdam, E. Van Harrevelt, 1771, p. 88). Cf. l’ouvrage de J.-P. Machelon, Les idées politiques de J.-L. de Lolme, Paris, PUF, 1969 et E. Tillet, La constitution anglaise, op. cit., p. 329.
985 Lettre au roi du 26 février 1771 du Parlement de Rouen, BN Lb38 1119 p. 6. D’ailleurs, les magistrats normands indiquaient trois semaines avant que « si les délits, les suppressions, les confiscations sont arbitraires, si les lois qui assurent les propriétés ne sont pas un frein au pouvoir absolu, cela en est fait de la confiance et de la liberté nationale. Le maintien des propriétés personnelles et mobilières est le fondement et le motif de la souveraineté », (lettre au roi du 8 février 1771, BN Lb38 1094 p. 13).
986 Cf. E. Tillet, La constitution anglaise, op. cit., pp. 327 et s.
987 C.-A. Helvétius, De l’esprit, t. 1, op. cit., p. 26.
988 V. Riquéti de Mirabeau, Précis de l’organisation ou mémoire sur les États provinciaux, 6ème édition, Hambourg, C. Hérold, 1754, p. 24. Il ajoute qu’il « est vrai que le penchant à la propriété peut être le lien de l’attachement du citoyen à la chose publique : je dis plus, c’est qu’il est le seul », (ibid., p. 35).
989 J.-C. de Lavie, Des corps politiques, t. 2, op. cit., p. 430.
990 « Il faut en un mot renverser un exécrable proverbe et faire dire à tout Polonais au fond de son cœur : ubi patria, ibi bene », (J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 963).
991 J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, (ibid., p. 941). De plus, « le goût de l’agriculture n’est pas seulement avantageux à la population en multipliant la substance des hommes mais en donnant au corps de la nation un tempérament et des mœurs qui les font naître en plus grand nombre », (ibid., p. 904). Cf. à ce sujet S. Leliepvre-Botton, Droit du sol, droit du sang, patriotisme et sentiment national chez Rousseau, Polis, Paris, Ellipses, 1996, pp. 84 et s.
992 « Tandis que les premiers sont sociaux, c’est-à-dire que l’intérêt de leur possession est uni à l’intérêt de la société, les autres sont anti-sociaux, c’est-à-dire que l’intérêt de leur genre de possession est opposé à l’intérêt de la société », (V. Riquéti de Mirabeau, Les devoirs, op. cit., p. 83).
993 P. Rosanvallon, Le sacre du citoyen, histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992, p. 46.
994 J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 119 ; Fragments politiques, XI, 1, (ibid., p. 534) et Emile, (ibid., t. 4, p. 429).
995 J.-J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, (ibid., t. 3, p. 184) et Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, (ibid., p. 269).
996 P.-H. d’Holbach, Système social, t. 2, op. cit., p. 399.
997 P.-H. d’Holbach, Ethocratie ou le gouvernement fondé sur la morale, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1776, p. 144.
998 « Mais qu’est-ce qui lie le citoyen à sa patrie ? Ce sont les possessions desquelles dépend son propre bien-être (...) Ainsi la possession de la terre constitue le vrai citoyen ; et tout vrai citoyen doit être représenté dans l’État, il doit y parler en raison de l’intérêt qu’il a dans la chose publique », (P.-H. d’Holbach, La politique naturelle, t. 1, op. cit., pp. 178-179).
999 P.-H. d’Holbach, Système social, t. 2, op. cit., p. 52. D’ailleurs, J.-F. Spitz indique, à propos d’Holbach, qu’un « être véritablement social ne peut en effet s’aimer lui-même qu’en intéressant ses semblables à son bonheur, ce qu’il ne peut réaliser qu’en leur faisant éprouver les bonnes dispositions de son cœur. On voit donc qu’on pêche toujours contre soi-même lorsqu’on viole les devoirs qui nous lient à autrui et que, inversement, on sert ses propres intérêts lorsqu’on les respecte », (L’amour de l’égalité, essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France, 1770-1830, Paris, Vrin-EHESS, 2000, p. 88). Ainsi, la notion d’intérêt, dans un cadre qui peut parfois paraître paradoxal, permet le lien et l’effectivité de l’amour de la patrie.
1000 Rossel, Histoire du patriotisme français, t. 1, op. cit., p. 3. Il ajoute de plus que « la complaisance de Clovis à embrasser le christianisme était sainte dans son principe et égale, pour ainsi dire, les vaincus aux vainqueurs, elle forma entre les deux peuples, ce nœud d’amour, cette union inviolable, qui les a confondus l’un dans l’autre, et n’en a fait qu’une nation, qu’une patrie, qu’un Empire », (ibid., p. 21).
1001 P.-F. Guyot Desfontaines, Dictionnaire néologique à l’usage des beaux esprits du siècle, v°« Patrie », s.l., 1726, p. 69.
1002 Vers à ma patrie, s.l., 1774, p. 1.
1003 W. Kraus, « Patriote, patriotique, patriotisme à la fin de l’Ancien Régime », Le réel dans la littérature et dans la langue, Paris, Klincksieck, 1967, p. 274.
1004 Dans un style assez mauvais, le chevalier de Forge, parlant des obligations de la patrie envers les citoyens, indique « qu’il y a un contrat entre les souverains et les sujets, fondé sur les obligations réciproques et ces obligations elles-mêmes ont pour fondement l’humanité ». Il y a donc pour lui un patriotisme étatique envers les sujets, (Des véritables intérêts de la patrie, Rotterdam, 1764, p. 20).
1005 L’acception « père du peuple » est préférée à « père de la patrie » car au xvème siècle le populus développe une communauté politique alors que la patrie expose une définition géographique, (L. Avezou, « Louis XII père du peuple : grandeur et décadence d’un mythe politique du xvième au xixème siècle », RH, janvier 2003, n° 625, p. 97).
1006 Dictionnaire de Trévoux, v°« Patriotisme », t. 6, [1771], op. cit., p. 598.
1007 On naît dans sa patrie et l’on doit obéissance au souverain de celle-ci, pour preuve l’édit portant défense à ceux qui sont relégués dans un lieu par ordre du roi d’en sortir à peine de confiscation de corps et de biens de juillet 1705 dispose que l’attachement que « les sujets naturels doivent à leur souverain et à leur patrie est une obligation formée par le lien seul de la naissance, et si naturellement gravé dans le cœur de tous les peuples, que ceux qui oublient ce premier de leurs devoirs en renonçant à leur patrie, méritent de perdre tous les avantages qu’ils avaient acquis par leur naissance », (Recueil Isambert, t. 20, n° 1968, op. cit., p. 467). D’ailleurs, cette naissance fait l’objet aussi d’une hiérarchie et surtout admet les titulaires des « plus hautes naissances » en tant que modèles pour le bien de la patrie comme pour le duc d’Orléans dans la déclaration portant établissement de plusieurs Conseils pour la direction des affaires du royaume du 15 septembre 1715, (ibid., t. 21, n° 5, p. 38). De plus, cette utilisation patriotique est reprise par Louis XVI le 18 janvier 1775 dans sa réponse aux représentations du Parlement de Paris du 30 décembre 1774 en indiquant que « les édits et ordonnances que j’ai fait publier en mon lit de Justice le 12 novembre dernier ne contiennent rien qui porte atteinte aux lois primordiales, qui ne sauraient être changées (…) elles n’altèrent en rien les droits et la dignité des pairs de mon royaume, ni les lois qui ont réglé l’exercice des fonctions de la patrie », (ibid., t. 23, n° 133, p. 134).
1008 J. Lestoquoy, Histoire du patriotisme, op. cit., p. 52. Cette théorie peut être retrouvée chez des personnages comme Cardin le Bret, André Duschène, Jérôme Bignon et surtout Bossuet. Même si à première vue la notion chez l’évêque de Meaux a une connotation passive, ne signifiant qu’une communauté d’origine coupant court à toute volonté individuelle, (Y. Durand, « L’appartenance nationale en France au xviième siècle », op. cit., p. 297 ; R. Pomeau, « De la paix perpétuelle à la nation armée », La Table Ronde, mars 1960, p. 79), il n’en demeure pas moins qu’il faut étayer ce propos. Certes, la nation dans le sens biblique est affirmée dans La politique tirée des paroles de l’Écriture sainte à Monsieur le dauphin, ouvrage posthume, 2 vol. , Paris, Pierre Cot, 1709, à propos du peuple juif, (liv. I, art. 1 § 4, op. cit., t. 1, p. 9; art. 2 §3, ibid., pp. 16-18; art. 4 §8, ibid., p. 31). Toutefois, ne dit-il pas dans les conclusions du liv. I (ibid., p. 48) que « la société humaine peut être considérée en deux manières. Ou en tant qu’elle embrasse tout le genre humain comme une grande famille. Ou en tant qu’elle se réduit en nations ; ou en peuples composés de plusieurs familles particulières qui ont chacune leurs droits » ? Mais, on occulte trop souvent cette nation en liaison avec le terme de patrie dans son acception politique, pour preuve cette citation du liv. I, art. 6 § 2 (ibid., p. 44) qui affirme que « Caïphe ayant prononcé qu’il fallait que Jésus mourût pour empêcher toute la nation de périr, l’évangéliste remarque qu’il ne dit pas cela de lui-même ; mais qu’étant le pontife de cette année, il prophétisa que Jésus devait mourir pour sa nation ; et non seulement pour sa nation mais encore pour ramasser en un les enfants de Dieu. Ainsi il versa son sang avec un regard particulier pour sa nation et offrant ce grand sacrifice qui devait faire l’expiation de tout l’univers, il voulut que l’amour de la patrie y trouva sa place ». Notion purement passive en tant que peuple de Dieu, la nation a aussi une fonction active dans le processus du genre humain car il faut aimer sa société dont on fait partie, « il faut être bon citoyen et sacrifier à sa patrie dans le besoin tout ce que l’on a et sa propre vie », (liv. I, art. 6 § 1, ibid., p. 36). Ainsi, dans le cadre d’une passion « affective », Bossuet pense qu’il faut développer l’amour de la patrie, donc défendre son patrimoine humain (soi-même, ses amis, sa famille) en somme le « public » au sein d’un pays, sauver son patrimoine culturel (autels, etc.), préserver son patrimoine commun (biens, propriétés). En résumé, il faut défendre la « mère patrie », celle qui nous a donné naissance, Bossuet parlant à ce propos de « nourrice », (liv. I, art. 5 § 1, ibid., pp. 32-36). Tout ce raisonnement s’opère alors dans la vision traditionnelle du roi-patrie. La patrie est le prince puisque tout l’État est en la personne du prince, (liv. VI, art. 1, ibid., pp. 217-225). Dès lors, l’Aigle de Meaux préfigure la liaison « nationale » entre le clergé de France et le roi par rapport à la dialectique divine et l’adage paulien de Rom. XIII, « tout pouvoir vient de Dieu » qui sera repris par les Avertissements du clergé en 1770 et 1775, (M. Peronnet, « Nulla potestas nisi a natione », Tout pouvoir vient de dieu, Saint Paul-Rm. XIII2, actes du VIIème colloque Jean Boisset, sous la dir. de M.-M. Fragonard et M. Peronnet, Montpellier, Sauramps, 1993, pp. 317-320).
1009 J.-P. Labatut, « Patriotisme et noblesse sous le règne de Louis XIV », RHMC, octobre-décembre 1982, pp. 623 et 628.
1010 B. Cottret, Bolingbroke, exil et écriture au siècle des Lumières, Paris, Klincksieck, 1992, p. 452.
1011 M. Delon, Nouvelle histoire des idées politiques, v° « Nation », Collection Pluriel, Paris, Hachette, 1987, p. 129. En effet, Bolingbroke, partant du fait que la patrie est le lieu symbolique où se rencontrent les intérêts du roi et du peuple au sens de nation, admet l’existence de deux catégories d’hommes, les uns sont amenés à vivre simplement, les autres à occuper par leur talent « les emplois les plus importants ». C’est une situation à double tranchant car « plus les grands génies s’occupent de la destruction de l’État, ou en négligent la défense, plus la conservation en est difficile (...) il faut donc leur opposer des génies capables de combattre l’ambition, l’avarice ». Ainsi, « servir son pays, n’est pas point un devoir chimérique, c’est une obligation réelle », d’où l’obligation de le servir sans arrière-pensée ni timidement. Seul le monarque peut avoir la carrure pour mener à bien cette mission patriotique contre la « corruption ». C’est bien de l’esprit patriotique qu’il s’agit car le roi devra « rétablir l’esprit de liberté (…) réformer les mœurs (...) relever les sentiments d’un peuple ». C’est « un roi patriote, phénomène le plus rare du monde physique et moral » qu’il faut rechercher, (H.-S. de Bolingbroke, Lettres sur l’esprit de patriotisme, sur l’idée d’un roi patriote, traduit de l’anglais par Bissy, Londres, 1750, pp. 6, 18, 18-19, 20, 30, 36, 39, 68, 70).
1012 « La loi, le souverain et l’État ne forment qu’un tout indissoluble ; (...) c’est à ce précieux ensemble qu’appartient le nom de patrie », (cité par R. Bickart, Les Parlements, op. cit., p. 28).
1013 Discours sur le patriotisme français, lu à l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon, le 21 janvier 1762, Lyon, Frères Perisse, 1762, BN Li4 10 p. 15.
1014 Ibid., p. 17.
1015 « Que dans ces républiques ouvertes à la rage des factions, les nobles et les plébéiens, par leurs rivalités implacables déchirent à l’envi la patrie qu’ils se vantent d’aimer », (ibid., p. 18).
1016 C.-L. de Sacy, L’honneur français ou histoire des vertus et exploits de notre nation depuis l’établissement de la monarchie jusqu’à nos jours, t. 1, Paris, J.-P. Costard, 1769, p. XXVI.
1017 « Comparons le républicain et l’homme vivant dans un État monarchique. Quelle est la patrie du premier ? C’est l’assemblage d’une multitude d’hommes soumis aux mêmes lois, habitant le même sol, réunis par les mêmes intérêts : le Sénat qui gouverne ce peuple sera regardé par le républicain comme la portion la plus pure et la plus auguste de la patrie (...) mais n’aimant aucun objet déterminé, mais une foule d’objets confus, il sentira pour le tout qu’une affection languissante », (ibid., pp. XXVIII-XXIX).
1018 Ibid., p. XXXI.
1019 La tête leur tourne ; Recherches sur les États généraux, in Le code des Français, t. 2, op. cit., pp. 128, 434.
1020 « Le patriotisme, l’honneur, l’amour du bien, le plus entier dévouement aux lois, et aux intérêts du monarque et du public, voilà les principes gravés dans notre cœur », (Nous y pensons, ou réponse de MM. les avocats de Paris, op. cit., p. 34). « Si la puissance des Parlements pouvait arrêter la puissance royale, les uns s’affectionneraient pour celle-ci, les autres pour celle-là. Il n’y aurait plus d’unité de gouvernement, d’unité d’obéissance, d’unité de patrie. Le royaume se diviserait en royalistes et en parlementaires », (Considérations sur l’édit du mois de décembre 1770, in Le code des Français, t. 1, op. cit., pp. 91-92).
1021 Cf. J. Merrick, « Father and kings: patriachalism and absolutism in eighteenth century french politics », SVEC, 1993, n° 308, pp. 281-303; T.-E. Kaiser, « Louis le bien-aimé and the rhetoric of the royal body », From royal to the republican body, incorporating the political in seventeenth and eighteenth century France, édité par S.-E. Melzer et K. Norberg, Berkeley, UCP, 1998, p. 133 et A. Ducrest, La famille, cadre de l’autorité monarchique, op. cit. D’ailleurs, l’abbé Coyer disait que « la patrie, qui vient du mot pater, exprime un père et des enfants. C’est ce mot que Ciceron, cet orateur si habile dans le choix des mots, trouvait si humain, si tendre, si harmonieux qu’il préférait à tout autre lorsqu’il parlait des intérêts publics », (Dissertation sur le vieux mot de patrie, [1755], in E. Dziembowski, G.-F. Coyer, J.-N. Moreau, écrits sur le patriotisme, l’esprit public et la propagande au milieu du xviiième siècle, La Rochelle, Rumeurs des Ages, 1997, p. 43).
1022 J.-M. Carbasse et alii, La monarchie française, op. cit., p. 13.
1023 « À l’image du monarque, tête d’un corps qui serait la nation, se superpose donc celle de la famille nationale, qui suppose, elle, que la nation n’est pas encore suffisamment adulte pour prendre seule son destin en main », (H. Dupuy, « Le roi dans la patrie », AHRF, avril-juin 1991, n° 284, p. 149). D’ailleurs, c’est par la voix de Thomas Bricot, chanoine de Notre-Dame de Paris, que les notables assemblés au Plessis-lès-Tours décernèrent le 14 mai 1506 à Louis XII le titre de « père du peuple », (L. Avezou, « Louis XII père du peuple », op. cit., p. 97).
1024 J.-B. Bossuet, La politique tirée des paroles, op. cit., liv. II, art. 4, § 3.
1025 P. Roques, Les devoirs des sujets expliqués en quatre discours, Bâle, E. et J.-R. Thoueneisen, 1737, p. 48.
1026 « Les souverains sont des pères, et convient-il à des enfants biens nés, de décrier et de déshonorer des pères que la loi divine ordonne de chérir et de respecter ? », (ibid., p. 23).
1027 « Mais si le souverain s’intéresse pour le bonheur du peuple, et le peuple pour la gloire de son souverain, la société civile se trouve alors dans un état de perfection. Cette perfection consiste dans une triple subordination (…) Dans la subordination du chef et des membres aux lois de la divinité ; dans la subordination des souverains aux lois fondamentales de l’État, et dans la subordination du peuple aux lois du souverain », (ibid., p. 82).
1028 J.-J. Duguet, Maximes tirées du livre de l’institution d’un prince, s.l., 1740, p. 10.
1029 Parlant de la naissance du futur Louis XVI, l’auteur indique : « Mais les grâces qu’il vient de répandre sur cette province [du Roussillon] ne sont pas les seuls liens qui enchaînent nos cœurs à ses vertus. Les bienfaits auxquels ils nous associent avec le reste de la nation, passeront avec bien plus de pompe dans l’avenir ; et après avoir célébré le père du Roussillon, nous mêlerons nos voix avec celles des autres provinces, pour faire retentir dans le temple de l’immortalité le nom de père de France », (F. Fossa, Discours à la louange du roi établi et fondé à perpétuité par l’Université de Perpignan, Paris, Michel Lambert, 1760, BN Lb38 822 p. 11).
1030 F.-A. Pluquet, De la sociabilité, t. 2, Paris, Barrois, 1767, p. 63.
1031 « Parce que nous avons dit de la société universelle que forment les hommes, les citoyens de toutes les nations sont naturellement alliés et frères, toutes les nations ne doivent se regarder que comme des branches d’une même famille, et les cantons qu’ils occupent, comme des partages de frères », (ibid., pp. 279-280).
1032 Rossel, Histoire du patriotisme français, t. 1, op. cit., p. 4. D’ailleurs, pour lui, c’est le patriotisme qui a crée la monarchie (ibid., pp. 16-21).
1033 J. Lacroix, « Simple note sur les rapports de la famille et de la patrie », CIS, 1947, n° 2, p. 165.
1034 M-J. Servan, Discours sur les mœurs, op. cit., p. 3.
1035 A.-L. Thomas, Éloge de Louis le dauphin, op. cit., p. 34.
1036 F. Cuche, « Vers une nouvelle définition de la nation à la fin du xviième siècle-Fénelon et la nation française », Églises, États, nations, xvième-xviiième siècle, t. 2, actes du 3ème colloque de Poznan-Strasbourg des 13-15 octobre 1983, Strasbourg, 1985, pp. 419-421.
1037 « Mais si les sociétés s’étendirent, l’autorité ne changea point de caractère, et les devoirs des sujets continuèrent d’être les mêmes. Ils avaient dû respecter dans le père de famille, l’ordre et le plan du créateur. Ils durent le reconnaître encore dans les successeurs du premier souverain. Les chefs se succèdent, les degrés de parenté s’éloignèrent mais la nation fut toujours une famille. Nous prononçons tous les jours le mot patrie ; mais réfléchissons-nous assez sur l’idée qu’il exprime ? Comme elle est une des plus anciennes que les hommes aient pu avoir, le mot destiné à la rendre, peint dans toutes les langues le même rapport : c’est celui des enfants à leur père. Le terme que tous les peuples ont employé pour donner l’idée d’une nation, renferme celle d’une famille, et nous rappelle à une origine commune : tant il est vrai que les premières notions de société se sont confondues avec celles d’un père gouvernant ses enfants », (J.-N. Moreau, Le moniteur français, t. 1, op. cit., p. 129).
1038 Edit nouveau ou la voix du peuple, Paris, D.-C. Couturier, juin 1774, BN Lb39 6237 p. 3.
1039 « Le père de famille n’immole point ses enfants pour grossir la fortune d’une postérité reculée (…) Qu’il nous soit permis de considérer [indique le Parlement d’Aix] Votre Majesté sous cette image touchante, et de regarder votre nation comme une famille nombreuse dont vous réglez le sort », (remontrances du 12 octobre 1749, BN Lb38 707 p. 13).
1040 Remontrances du 21 avril 1766 du Parlement de Pau, (AN K 711 pièce 28 f° 1 v°). « Le royaume est au roi, et le roi est aussi au royaume, et cette union précieuse, essentiellement exclusive d’une diversité d’intérêts, opère en même temps la force du prince et la sûreté des sujets, et produit entre eux ces rapports que la nature a mis entre un père et ses enfants. Ainsi se forme cet esprit public et national, cet amour de la patrie avec lequel un prince peut tout à la tête d’une nation libre et soumise dont il est adoré », (ibid., f° 2).
1041 Remontrances du 5 septembre 1757 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 10 f° 4).
1042 Remontrances du 25 mai 1757 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 749 p. 30.
1043 Remontrances du 15 décembre 1759 du Parlement de Metz, BN Lb38 1505 p. 34.
1044 Remontrances du 17 juin 1767 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2313 f° 297).
1045 Remontrances du 23 janvier 1772 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2844 pièce 10 f° 1 v°).
1046 Addition aux remontrances du Parlement de Normandie, op. cit., p. 2.
1047 G.-J. Target, Lettres d’un homme à un autre homme sur les affaires du temps, in Les efforts de la liberté et du patriotisme, t. 1, op. cit., p. 170.
1048 L.-A. le Paige, Le véritable portrait des cardinaux Richelieu et Mazarin, s.l., 1754, BPR Lp754 p. 21. « Œil de l’État toujours ouvert sur les intérêts du souverain, des peuples et de la patrie, toujours prêts à les faire valoir dans l’occasion, à les défendre, à les conserver au péril de leurs biens », (ibid., p. 40).
1049 Discours de Jacquemard, doyen de la cité royale de Besançon à ses concitoyens, les vignerons de la bannière battant sur les rumeurs actuelles, s.l., 1759, BN Lb38 806 p. 8.
1050 Réponse du Parlement de Provence à MM. du Parlement de Grenoble du 23 mars 1764, BN Lb38 954 p. 8.
1051 Journal des opérations du Parlement de Normandie depuis le renvoi des démissions, s.l., 1764, p. 131.
1052 C. Coulomb, « L’heureux retour, fêtes parlementaires », op. cit., pp. 209 et s.
1053 Remontrances du 18 janvier 1772 du Parlement de Bordeaux, (AN K 708 pièce 53 f° 2).
1054 Arrêté du 29 janvier 1771 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1085 pp. 9-10.
1055 J. Godechot, « L’apparition du mot nationalisme », AHRF, janvier-mars 1982, n° 248, pp. 312-313.
1056 Il ne faut pas confondre ce principe avec le pro patria mori de l’Antiquité touchant directement la philosophie ou la religion : en d’autres termes soit le concept de respublica ou les dieux. C’est dans ce sens que d’Holbach s’interroge : « L’amour de la patrie, qui faisait le caractère du citoyen de Rome, n’était-il pas une haine jurée contre toutes les autres nations ? », (P.-H. d’Holbach, Système social, t. 1, op. cit., p. 41). Cf. E. Kantorowicz, Mourir pour la patrie, traduit de l’américain par L. Mayali et A. Schütz, Pratiques théoriques, Paris, PUF, 1984, pp. 105-141 et plus généralement E. Desmons, Mourir pour la patrie, op. cit.
1057 F. Saint-Bonnet, L’État d’exception, Léviathan, Paris, PUF, 2001, p. 128.
1058 J.-P. Genet, « Le roi de France anglais et la nation française au xvème siècle », Identité régionale et conscience nationale en France et en Allemagne du Moyen Âge à l’époque moderne, actes du colloque de l’Université de Paris XII des 6-8 octobre 1993, publiés par R. Babel et J.-M. Moeglin, Beihefte der Francia, band 39, Jan Thombecke Verlag Sigmaringen, 1997, pp. 44-45.
1059 « Si la condition de ceux qui sont chargés du poids des impositions, exige que nous donnions tous nos soins à rendre leur situation plus heureuse (...) le même esprit d’équité nous engage à traiter favorablement ceux qui ont mérité les bienfaits de notre bisaïeul par les services qu’ils ont rendus en s’exposant pour la patrie », (déclaration concernant les pensions du 30 janvier 1717, Recueil Isambert, t. 21, n° 117, op. cit., pp. 129-130).
1060 « Au combat de Clostercamp, M. d’Assas, capitaine dans le régiment d’Auvergne, s’étant avancé pendant la nuit pour reconnaître le terrain, fut saisi par des grenadiers ennemis, embusqués pour surprendre l’armée française. Ces grenadiers l’entourent et le menacent de l’égorger sur-le-champ s’il fait le moindre cri qui puisse les faire découvrir. M. d’Assas, sous la pointe de vingt baïonnettes, se dévoue et crie d’une voix généreuse : À moi, ! Auvergne ! ce sont les ennemis ! et tombe à l’instant percé de cent coups. Le régiment d’Auvergne instruit par le cri de ce brave officier de la présence des ennemis, soutint leur premier effort, les repoussa et il en résulta une victoire complète », (H.-S. Ansquer de Ponçol, Code la raison ou principe de moral, t. 1, Paris, Colas, 1778, pp. 105-106).
1061 J.-F. de Bastide, Les choses comme on doit les voir, Paris, Duchesne, 1757, p. 32.
1062 Ibid., p. 33.
1063 Ibid., p. 34. « Un peuple belliqueux, dirais-je, s’est donné un roi ; dans l’essor de son génie, élevé et noble, il lui a dit : Nous te confions le soin de notre gloire, le courage en a été la source, les armes en ont été le moyen ; elle nous est si précieuse, que ne pas [l’]augmenter ce serait la détruire ; c’est dans cette espérance, c’est par ce motif que nous nous réunissons sous tes lois. Quel est le devoir de ce roi choisi ? Quel doit même être le procédé de ses successeurs ? De faire la guerre par penchant, et la paix par raison », (ibid., p. 35).
1064 Cf. E. Dziembowski, Un nouveau patriotisme, op. cit.
1065 J. Soret, Essai sur les mœurs, Bruxelles, 1756, p. 35.
1066 M. Ganzin, « Le héros révolutionnaire, 1789-1794 », RHDFE, 1983, pp. 372-373.
1067 R. Pomeau, « De la paix perpétuelle à la nation armée », op. cit., p. 77.
1068 F. Saint-Bonnet, L’État d’exception, op. cit., p. 281.
1069 « La culture de la terre forme des hommes patients et robustes tels qu’il les faut pour devenir de bons soldats », (J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 905).
1070 J. de Viguerie, « Considérations au sujet du patriotisme humanitaire », Catholica, 1997, n° 55, p. 71.
1071 « Le goût des conquêtes est une des causes les plus sensibles et les plus dangereuses de cette augmentation. Ce goût, engendré souvent par une espèce d’ambition que celle qu’il semble annoncer, n’est pas toujours ce qu’il paraît être, et n’a pas tant pour véritable motif le désir apparent d’agrandir la nation, que le désir caché d’augmenter au-dedans l’autorité des chefs, à l’aide de l’augmentation des troupes, et la faveur de la diversion que font les objets de la guerre dans l’esprit des citoyens. Ce qu’il y a du moins de très certain, c’est que rien n’est si foulé ni si misérable que les peuples conquérants, et que leurs succès même ne font qu’augmenter leurs misères », (J.-J. Rousseau, Économie politique, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 268).
1072 J.-J. Rousseau, Emile, (ibid., t. 4, p. 248).
1073 À propos des contradictions flagrantes de Rousseau parlant à la fois d’un ennemi d’État qu’il faut tuer et sauver, se reporter à l’article de S. Labrusse, « Le droit de vie et de mort selon J.-J. Rousseau ou la politique de l’homme infaillible », Annales de la Société J.-J. Rousseau, 2001, t. 43, pp. 107-128.
1074 Lettre d’un vrai patriote à M. Chrétien de Lamoignon, garde des sceaux de France, s.l.n.d., p. 1.
1075 Le Parlement justifié par l’impératrice reine de Hongrie et par le roi de Prusse ou seconde lettre dans laquelle on continue à répondre aux édits de M. le chancelier, s.l., 1772, BN Lb38 1267 pp. 53.
1076 L’avocat national ou lettre d’un patriote au Sieur Bouquet, dans laquelle on défend la vérité, les lois et la patrie contre le système qu’il a publié dans l’ouvrage intitulé Lettres provinciales, s.l., 1774, BN Lb38 1581 pp. 72, 74.
1077 « Tous les États du monde sont composés dans leur origine des différentes professions (…) La profession des armes et la magistrature sont nécessaires parce qu’il y aura toujours des ennemis à repousser, des différents à régler entre les hommes (…) il en résulte une société paisible, heureuse et respectable aux autres nations », (remontrances du 11 mai 1720 du Parlement de Toulouse, AN K 713 pièce 4bis f° 8 v°-9).
1078 « Nous devons, Sire, à vos sujets de Franche-Comté, le témoignage que leur dévouement au service de Votre Majesté n’a point de bornes, prêt à donner le peu qui leur reste pour soutenir la guerre », (remontrances de février 1734 du Parlement de Besançon, ADD série B 2840 pièce 2 f° 5).
1079 Les magistrats ont pour fonction d’« éclairer les tribunaux inférieurs, [d’] y faire briller comme par une réflexion de lumière, une partie des vertus du sénat ; réformer les mœurs publiques par son autorité, les condamner au moins par son exemple ; et être comme la voix de la patrie, qui réclame toujours la règle et la loi, qui dans les temps difficiles proteste sagement pour le bien public, et dans les jours plus tranquilles rappelle le souvenir de l’ancien ordre de l’État, et ramène la patrie à ses véritables principes ; telle est non seulement la gloire, mais l’obligation d’une compagnie qui est la dépositaire des intérêts publics, et dont le caractère glorieux a toujours été de servir dignement son roi, en servant la patrie », (H.-F. d’Aguesseau, XIXème mercuriale, in Œuvres, t. 1, op. cit., pp. 211-212).
1080 Remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 910 p. 5.
1081 L.-A. le Paige, Lettre à une personne de très haute considération au sujet de la cessation du service ordinaire résolue PAR LE PARLEMENT, le 5 mai 1753, pour vaquer sans discontinuation aux affaires du schisme, Amsterdam, 1754, BN Ld4 2566 p. 18.
1082 L.-A. le Paige, Lettre apologétique critique et politique écrite par un seigneur de la cour à Monsieur le maréchal de *** sur l’affaire du Parlement, s.l., 1754, BN Ld4 2567 p. 75.
1083 Remontrances de 1756 du Parlement d’Aix, BN Lb38 701 pp. 20-21.
1084 « Vos sujets de Franche-Comté volent en foule sous vos drapeaux, heureux de pouvoir aux prix de leur sang, concourir à l’exécution de vos projets pour la tranquillité de l’Europe et pour la gloire de votre Couronne, plus heureux encore d’avoir l’occasion de faire connaître ainsi à Votre Majesté qu’un attachement sans bornes pour la personne de leurs souverains a toujours formé le caractère de ces peuples, que leurs cours se sont données sans efforts aux successeurs légitimes de leurs anciens maîtres, en un mot, qu’ils se sont trouvés réunis à la Couronne avec cette satisfaction que l’on ressent dans sa patrie après une longue absence », (itératives remontrances du 30 juillet 1757 du Parlement de Besançon, ADD série B 2841 pièce 9 f° 1-1 v°).
1085 Remontrances du 7 mars 1760 du Parlement Besançon, (ADD série B 2841 pièce 16 f° 2).
1086 O. Guichard, Observations sur la noblesse et le tiers état, op. cit., pp. 69-70.
1087 Z.-M. de Ponchon, Franches et loyales représentations de la noblesse, s.l.n.d. BN Lb38 1127 p. 2.
1088 Ibid., p. 1.
1089 Remontrances du 10 juillet 1765 du Parlement de Besançon, (AN K 708 pièce 4 f° 2).
1090 « Tel est, Sire, le genre de service que la magistrature doit à Votre Majesté. Qu’une autre partie de vos sujets vous sacrifient leur sang, les magistrats vous consacrent tous les instants de leur vie ; ils veillent sur les lois qui sont le fondement de l’ordre public, tandis que vos soldats défendent et protègent les frontières. Ils tendent les uns et les autres au même but, à la conservation de la société », (ibid., f° 4).
1091 Remontrances du 1er juillet 1767 du Parlement de Rennes, (AN H1 420 pièce 115 f° 2 v°).
1092 Remontrances du 22 août 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 854 p. 11. « La province est, nous le savons, exposée plus que toute autre aux insultes de l’ennemi : mais cet ennemi qui la regarde avec envie ne l’approchera jamais qu’avec crainte. Le courage de ses habitants, soutenu par l’honneur, fortifié par les nouvelles marques que nous osons attendre de votre affection pour eux, sera toujours un rempart inaccessible aux efforts d’une nation ennemie du nom français » (itératives remontrances du 26 juillet 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 848 p. 8).
1093 « La Bretagne, dont les peuples ne subsistent que par le commerce, pour ainsi dire, respirait à peine. Les plaies de la précédente guerre saignaient encore (…) il semble que cette nation ennemie et jalouse du nom français, ait fixé particulièrement sur la Bretagne ses projets de destruction. Des flottes sans nombre n’ont cessé de bloquer nos ports et d’infester nos côtes », (remontrances du 4 mai 1760 du Parlement de Rennes, BN Lb38 834 p. 6 et AN H1 440 pièce 36 f° 4 v°-5).
1094 « Nous connaissons, Sire, toute l’étendue des devoirs qui lient les sujets à leur roi, les Bretons n’auront jamais besoin qu’on leur rappelle ces nœuds sacrés. Depuis près de trois siècles qu’une union volontaire les a soumis à votre Couronne, l’amour qui la forma n’a rien perdu sur eux de ses droits ; c’est un sentiment vif et pur qui dispose toujours de leurs vies et de leurs biens quand les nécessités de l’État en demandent le sacrifice », (remontrances du 13 décembre 1756 du Parlement de Rennes, BN Lb38 715 p. 3).
1095 Remontrances du 9 août 1760 du Parlement de Toulouse, BN Lb38 851 p. 18.
1096 « La nation n’a pû voir qu’avec peine les offres faites à nos lumières, (…) c’est à elle à conserver par des prodiges de valeur et de générosité ces possessions extérieures que Votre Majesté consentait à démembrer, c’est à elle à ramener la paix en montrant à l’Europe que la France ne fut jamais si puissante et plus redoutable puisque le monarque qui la gouverne voit croître tous les jours cet amour qui dévoue le Français à son roi et qui fait la force invincible de l’État », (remontrances du 26 novembre 1761 du Parlement d’Aix, ADBR série B 3676 f° 272272 v°).
1097 J. Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, op. cit., p. 153.
1098 Comme le dit bien C. Cheminade, « certes, aucune amorce ne semble avoir été brûlée, aucune goutte de sang répandue. Mais l’effet de ces simulacres guerriers en pleine paix n’en fut pas moins désastreux », (« Les robes et le sabre : du bon usage de l’armée selon la littérature parlementaire, (1763-1774) », in L’armée au xviiième siècle (1715-1789), colloque du CAER d’Aix en Provence des 13-15 juin 1996, édité par G. Goubier-Robert, Publications de l’Université de Provence, Aix, 1999, p. 124).
1099 « Mais que le ministère périsse si jamais la prévarication devait siéger sur le tribunal, et malheur aux magistrats qui chercheraient à conserver une ombre d’autorité par une trahison envers le souverain et la patrie », (remontrances du 17 août 1763 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2325 f° 4).
1100 Le Parlement bisontin a peur « d’être parjure et traite à la patrie » si celui-ci accepte en 1771 les nouveaux offices, (protestations du 5 août 1771, BN Lb38 1244 p. 4).
1101 « Quelles mains garderont ce dépôt précieux, que deviendra l’honneur attaché aux services rendus à la patrie, seule récompense digne de magistrats fidèles », (remontrances du 29 novembre 1763 du Parlement de Pau, AN K 711 pièce 17 f° 15 v°).
1102 « Oui, Sire, écoutez à leur égard les mouvements de votre justice ; membre de votre Parlement chargé du dépôt précieux des lois, redevables à vous, à la patrie », (lettre du 16 juillet 1765 du Parlement de Pau, ADPA, série B 4562 f° 50).
1103 « Puissent nos travaux nous procurer la plus glorieuse des récompenses, qui serait de nous être rendus utiles à la patrie », (L.-A. Dionis du Séjour, Mémoires, op. cit., p. 274).
1104 « Nous n’ignorons point, Sire, que le plus essentiel de nos devoirs est d’inspirer à vos peuples les plus grands sacrifices lorsqu’il s’agit de votre intérêt et de celui de la nation », (remontrances du 18 janvier 1772 du Parlement de Toulouse, AN K 713 pièce 36 f° 1).
1105 « Que les nations qui environnent vos États, jalouses de votre prospérité et de votre gloire, guidée par un intérêt aveugle, et méconnaissant cette modération dont vous leur avez donné tant de preuves, brisent les liens des traités les plus solennels ; c’est alors que vos armées invincibles, assemblées par la justice, précédées par la victoire, porteront partout la terreur, et rappelleront les nations ennemies à l’exécution de leurs engagements », (remontrances du 3 décembre 1763 du Conseil Souverain du Roussillon, BN Lb38 930 p. 2).
1106 Remontrances du 23 février 1765 du Parlement de Toulouse, (AN K 713 pièce 29 f° 6).
1107 Remontrances du 13 juillet 1767 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2843 pièce 9 f° 2 v°) et remontrances du 5 juin 1771, BN Lb38 1238 p. 14.
1108 Arrêté du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 1129 p. 29. Roi et patrie sont mêlés même dans la littérature pamphlétaire lors de la réforme Maupeou. Selon le Paige en 1772, les « formes nécessaires pour la formation authentique des lois, est le seul qui ait alarmé votre autorité et provoqué votre colère contre le Parlement de Paris. Cependant il est constant que cette compagnie n’aurait pu en abandonner la défense, sans manquer essentiellement à la patrie et Votre Majesté elle-même », (Requête des États généraux au roi, op. cit., pp. 10-11).
1109 Observations succinctes sur la position nouvelle des exilés de Besançon, s.l.n.d. BN Lb38 800 pp. 23, 15-16.
1110 Lettre au roi du 10 septembre 1765 du Parlement de Metz, BN Lb38 1529 p. 6.
1111 Remontrances du 14 février 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 948 pp. 3, 10-11.
1112 Dictionnaire de l’Académie française, v°« Nation », t. 1, [1765], op. cit., p. 476.
1113 « Vous ne permettrez pas, Sire, que cet ordre si fidèle, si respectable, si lié à la constitution de la monarchie, si nécessaire à la gloire du nom français », (remontrances du Parlement de Toulouse du 11 février 1760, BN Lb38 821 p. 10).
1114 R. Mas, « La nation : état de la question à la veille de 1789 », op. cit., p. 50. Ainsi, le problème de la subjectivité du chercheur entre d’un côté la « strato nation » et de l’autre la « nation de volonté » ne se pose plus, ni d’ailleurs le problème de la triple définition philosophique tendant à expliquer les mœurs nationales par « la valorisation ontologique de la finitude (...) par la définition de l’homme comme perfectibilité et comme orientation pratique de la raison », (Histoire de la philosophie politique, Lumières et romantisme, t. 3, sous la dir. de A. Renaut, Paris, Calmann-Lévy, 1999, pp. 65-66).
1115 P.-H. d’Holbach, La morale universelle, t. 3, op. cit., p. 107.
1116 L. Van Delft, « Les caractères des nations à l’âge classique », Travaux de littérature offerts en hommages à Néomi Hepp, t. 3, Paris, Les Belles Lettres, 1990, pp. 449-459 ; D.-A. Bell, « Le caractère national et l’imaginaire républicain », op. cit., p. 871.
1117 Remarques sur un livre intitulé Dictionnaire philosophique portatif, Londres, 1764, Lausanne, J.-P. Heubach, 1765, p. 25.
1118 S. Goyard-Fabre relève à juste titre le caractère communautaire de la définition de la république de Jean Bodin, exprimant la réalité existentielle d’une nation-peuple, (« Corps politique et âme des peuples », op. cit., pp. 161-162). Mais plus encore, il faut se reporter à l’article de C.-G. Dubois, « La nation selon J. Bodin et ses rapports avec la république et la royauté », Sociétés et idéologies des Temps modernes, hommage à Arlette Jouanna, t. 2, textes recueillis par J. Fouilleron, Montpellier, CHMCEMP, 1996, aux pages 591-592. Jean Bodin affirme dans Les six livres de la république de I. Bodin angevin, Paris, Jacques du Puys, 1576, p. 516 : « Qu’il y a presque autant de variété au naturel des hommes, qu’il y a de pays, voire en mesmes climats ».
1119 P. Claret, La personnalité collectives des nations, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 19.
1120 « Quels sont les mœurs des Français ? Ils sont naturellement vaillants, généreux, polis, civils, courtois et affables aux étrangers », (R. le Coq, Le parfait géographe ou méthode pour apprendre aisément la géographie, l’histoire et la sphère, 4ème édition, v°« France », t. 1, Paris, Denis Mouchet, 1723, p. 22).
1121 « Les Français ont joui, dans tous les temps, chez toutes les nations du monde, d’une réputation distinguée et des plus avantageuses, tant pour les qualités du cœur que pour celle de l’esprit (…) C’est leur goût, ce sont leurs usages que l’on suit chez toutes les nations que l’on estime les plus policées », (J.-J. d’Expilly, Le géographe manuel, contenant la description de tous les pays du monde, 2ème édition, v°« France », Paris, Bauche, 1767, p. 55).
1122 « Pour bien juger du génie des nations, il faut les comparer les unes aux autres et ne pas s’arrêter à la seule constitution des gouvernements. La différence du climat, des aliments et de l’éducation des hommes, établit une différence totale entre leur façon de vivre et de penser (...) Le génie de la nation française a été en partie la cause des fréquentes révolutions de ce royaume dans les siècles passés », (Dictionnaire philosophique ou encyclopédie de pensées, v°« Nation », op. cit., pp. 385-386).
1123 C. Reichler, « Voltaire et quelle Europe ? », Le jardin de l’esprit, textes offerts à B. Backzo, textes réunis par M. Porret et F. Rosset, Genève, Droz, 1995, pp. 174-175.
1124 F.-M. Voltaire, Mélanges philosophiques, historiques et critiques, in Œuvres complètes, t. 4, op. cit., p. 9.
1125 L. Poliakov, « Les idées anthropologiques des philosophes du siècle des Lumières », RFHOM, 1971, t. 58, n° 212, p. 258 ; L. Trénard, « Les fondements de l’idée de race », op. cit., p. 170.
1126 F.-M. Voltaire, Discours sur l’histoire de Charles XII, in Œuvres historiques, op. cit., p. 58.
1127 F.-M. Voltaire, Le siècle de Louis XIV, (ibid., p. 708).
1128 Ibid., p. 728.
1129 Ibid., p. 1232.
1130 F.-M. Voltaire, Précis du siècle de Louis XV, (ibid., p. 1453).
1131 Ibid., pp. 1468-1469.
1132 G. Benrekassa, Le langage des Lumières, op. cit., p. 58.
1133 F.-M. Voltaire, Questions sur l’encyclopédie par des amateurs, v°« Franc », t. 6, s.l., 17701772, p. 157.
1134 « Tous les différents états de la vie étaient auparavant reconnaissables par les défauts qui les caractérisaient. Les militaires et les jeunes gens qui se destinaient à la profession des armes avaient une vivacité emportée ; les gens de justice une gravité rebutante, à quoi ne contribuait pas peu l’usage d’aller toujours en robe, même à la Cour (...) mais les maisons, les spectacles, les promenades publiques, où l’on commençait à se rassembler pour goûter une vie plus douce, rendirent peu à peu l’extérieur de tous les citoyens presque semblables. On s’aperçoit aujourd’hui, jusque dans le fond d’une boutique, que la politesse a gagné toutes les conditions. Les provinces se sont ressenties avec le temps de tous ces changements », (F.-M. Voltaire, Le siècle de Louis XIV, in Œuvres historiques, op. cit., p. 981).
1135 F. d’Espiard de la Borde, Essais sur le génie, t. 2, op. cit., p. 47. La même opinion est professée dans son Esprit des nations, t. 1, op. cit., pp. 154-155.
1136 J.-A. Piganiol de la Force, Introduction à la description de la France, t. 1, op. cit., p. 9.
1137 J. Joubert de la Rue, Lettres d’un sauvage dépaysé, t. 1, Amsterdam, J.-F. Sully, 1738, p. 101.
1138 « Le peuple français est de tous les peuples de l’Europe le plus facile à gouverner, si l’on prend ce terme dans sa plus exacte signification. Actif mais docile, souvent fier, jamais intraitable, toujours bon, il n’oppose à la règle qu’on lui présente ni la paresse invincible de certaines nations, ni la fougue impétueuse des autres », (J.-N. Moreau, De l’avantage que l’on peut tirer des écrits, in E. Dziembowski, op. cit., pp. 64-65).
1139 « Je dis par exemple, vous, Monsieur le marquis, vous êtes Français, vous êtes loin de l’âge frivole, donc vous êtes aimable. Ce raisonnement ne vaut pas le diable, et j’ai pourtant dit trois grandes vérités (...) Vous ne connaissez pas les Français. C’est une nation vive, impatiente, capable des choses les plus difficiles, les plus hardies, les plus grandes, les plus fortes ; mais incapable de s’ennuyer », (F. Galiani, Dialogues sur le commerce des blés, op. cit., pp. 18, 86).
1140 J.-J. Rousseau, Projet de constitution pour la Corse, textes présentés par P. Castellin et J.-M. Arrighi, Marseille, La Marge, 1980, pp. 104, 111.
1141 J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 212.
1142 F.-M. Voltaire, Précis du siècle de Louis XV, in Œuvres historiques, op. cit., p. 1469. Il ajoute d’ailleurs que « les Français ont été, depuis près de cent-cinquante ans, le peuple qui a le plus connu la société, qui en a le premier écarté toute la gêne », (Mélanges philosophiques, historiques et critiques, in Œuvres complètes, t. 4, op. cit., p. 8).
1143 « Que l’on pèse bien toutes les circonstances du présent gouvernement français, qu’on le compare à ceux de l’Antiquité et des autres nations d’Europe, on le trouvera neuf et singulier. Le génie national fait toute la force du royaume », (R.-L. d’Argenson, Journal, t. 4, op. cit., p. 139).
1144 P. Barral, Maximes sur le devoir des rois et le bon usage de leur autorité, En France, 1754, p. 5.
1145 « L’honneur ou ce qui en a pris faussement la ressemblance et le nom, est la souveraine loi des nations européennes, et surtout de la française » et « non seulement les Français ont donné la société à toute l’Europe, mais ils ont porté si loin la perfection de la société, qu’on a vu chez eux, encore plus que chez les Athéniens et les Romains, des citoyens capables de réunir les moeurs et les manières des différentes professions », (F. d’Espiard de la Borde, Essais sur le génie, t. 3, op. cit., p. 32 et L’esprit des nations, t. 1, op. cit., p. 140).
1146 « C’est ce qui a fait que le génie de la nation tartare ou gétique a toujours été semblable à celui des Empires de l’Asie. Les peuples, dans ceux-ci, sont gouvernés par le bâton ; les peuples tartares, par de longs fouets. L’esprit de l’Europe a toujours été contraire à ces moeurs », (C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. XVII, chap. 5).
1147 Ibid., liv. XIV, chap. 3.
1148 Ibid., liv. XIV, chap. 15.
1149 « On dût tout au règne de Louis XIV, véritable époque de la grandeur de la France, qui devint dès lors le modèle des nations. Il est vrai que ce monarque, à qui nous devons tant de lumières, n’était pas lui-même instruit : mais il possédait du moins la grande science des rois, il savait choisir les hommes : il eut l’art de se faire obéir par un peuple qu’il rendit heureux et célèbre : on accuse ce peuple d’être adulateur et trop soumis ; c’est un reproche à faire à tous les hommes exceptés quelques républicains qui ne sont jamais tranquilles », (S.-M. Gazon-Dourxigné, Essai historique et philosophique sur les principaux ridicules des différentes nations, Amsterdam, Rey, 1766, pp. 136-137).
1150 « Depuis que j’étudie les hommes et que je cherche à connaître impartialement les intérêts des nations ; (...) depuis que je voyage dans des pays habités, et que je ne cesse de réfléchir sur ce qu’on appelle la politique ou l’art de gouverner les hommes, je n’ai point trouvé de situation et de législation plus favorable à l’humanité que celle de la France. Cette monarchie est placée au centre de la partie du monde la plus illustrée par les arts et les sciences, sous un ciel pur et serein, (...) favorisée d’une très nombreuse population, d’un caractère doux et guerrier et appliqué », (R.-A. de Pellissery, Le café politique d’Amsterdam ou entretiens familiers d’un Français, d’un Anglais, d’un Hollandais et d’un cosmopolite, t. 1, Amsterdam, 1776, pp. 49-50).
1151 À voir les extraits des écrits de A. la Solle, de Valentine, Lesuire et L.-A. de Caraccioli dans l’article d’I. Herrero et L. Vasquez, « Types nationaux européens dans les œuvres de fictions françaises », Revue Dix-Huitième Siècle, 1993, n° 25, pp. 115-127. Pour les siècles suivants, se reporter à l’article de J. Pirotte, « Stéréotypes nationaux et préjugés raciaux aux xixème et xxème siècles, sources et méthodes pour une approche historique », Recueil de Travaux d’Histoire et de Philologie de l’Université de Louvain, 1982, 6ème série, fasc. 24, pp. 3-18.
1152 J.-F. Bernard, Recueil de voyages, t. 1, op. cit., p. XLVIII.
1153 « Je ne sais, par quel travers d’esprit, les nations étrangères veulent de toute force prendre le ridicule des jeunes français pour un modèle du bon air et du savoir-vivre. On devrait prendre garde, que, n’est pas petit-maître qui veut ; et que de même le naturel doit s’unir avec l’étude pour faire les grands génies, il faut aussi que ces deux choses concourent pour composer le caractère de petit-maître. Or, la nature n’a donné qu’aux Français le privilège de le devenir sans peine, et elle paraît leur avoir départi, préférablement aux autres nations, toutes les qualités requises pour une brillante extravagance. Les jeunes français naissent avec un cerveau éventé, un air aisé et prévenant, une effronterie cavalière et une vivacité d’esprit qui rend leur folie plus propre à plaire que la sagesse même des autres nations », (Les amusements de la Hollande, t. 1, La Haye, Pierre Van Cleef, 1734, pp. 185-186).
1154 H.-S. de Bolingbroke, Observations sur l’état de la nation britannique au commencement de l’année 1713, traduit de l’anglais, Londres, Jean Morphew, 1713, p. 33.
1155 B. de Mandeville, Pensées libres, sur la religion, op. cit., p. 250.
1156 J. Brown, Les moeurs anglaises, op. cit., p. 11. De plus, il ajoute que « l’humanité est cette compassion tendre pour les malheureux, cette modération adroite à restreindre les peines qu’on inflige, par des adoucissements tirés du but de ces peines et du degré qu’il convient de leur assigner ; sentiments généreux qui ont toujours distingué la nation anglaise entre toutes les autres », (ibid., p. 13). Même si notre présent travail concerne en grande partie l’histoire politique et institutionnelle française, il n’en demeure pas moins qu’étudier de près John Brown nous permet de montrer finalement, a contrario, toute l’analyse pointilleuse d’auteurs définissant leur nation. Ainsi, pour ce dernier, il existe, en union, trois principes et trois appuis de la nation anglaise : la religion, l’honneur et le bien public pour les premiers (ibid., pp. 52-70), l’habileté nationale, l’esprit national de défendre, esprit d’union national pour les seconds (ibid., pp. 74141). Pour lui, les conséquences politiques sont donc simples : « Les effets de la désunion dans un peuple quelconque doivent nécessairement varier avec le caractère de ce peuple. Si la nation est guerrière et que l’esprit de défense l’anime en commun, le péril viendra du dedans. Si elle est amollie et que le zèle de la défense commune y soit faible et languissant, le danger viendra du dehors », (ibid., p. 130).
1157 J. Rutlidge, Essai sur le caractère et les moeurs des Français, op. cit., p. 75.
1158 Ibid., p. 82.
1159 Ibid., p. 75.
1160 C. Cheminade, « Une prédication républicaine au milieu du siècle : Les bagatelles morales de l’abbé Coyer », Revue Dix-Huitième Siècle, 1995, n° 27, p. 376.
1161 « Nous savons tous les discours vagues, que l’on tient à Londres, au sujet de la décadence imaginaire des Français : mais nous n’ignorons pas aussi que l’on s’y aveugle volontairement sur les ressorts puissants qui font mourir cette grande monarchie. C’est l’honneur, c’est le courage, c’est l’amour du peuple pour ses rois, et celui des rois pour le peuple qui l’ont fondée, qui la soutiennent depuis tant de siècles et qui garantissent sa perpétuité. L’histoire nous a conservé une preuve bien authentique de cette correspondance d’estime et d’affection entre le monarque et les sujets ; correspondance honorable, qui peut être regardée comme le caractère distinctif de la nation française et comme le principe de sa force, tant au-dedans qu’au dehors. On se rappelle encore avec attendrissement le discours que Louis XIV tint au plus fort de ses disgrâces au maréchal d’Harcourt : qu’en cas d’un nouveau malheur, il convoquerait toute la noblesse de son royaume, qu’il la conduirait à l’ennemi, malgré son grand âge de soixante et quatorze ans et qu’ilpérirait à leur tête. Cette union rare entre le chef et les membres d’un État ; cette confiance si glorieuse pour un roi, dans l’amour de son peuple, cette idée si consolante pour des enfants d’être aimés d’un père qu’ils chérissent ; voilà sans doute des ressorts bien propres à suppléer à l’amour de la patrie, ce grand mobile des âmes républicaines », (C.-R. Lefebvre de Beauvray, Dictionnaire social et patriotique, v°« France », Amsterdam, 1770, pp. 167-168).
1162 J.-L. Castilhon, Considérations, op. cit., p. 50.
1163 « Le génie des nations peut être considéré comme une cause ou comme un effet. Dans le premier de ces sens, il n’est autre chose que l’humeur, le naturel, le tempérament. Dans le second, il est pour les esprits ce que la physionomie est pour les esprits. Celle-ci n’est autre chose que l’air du visage, qui se forme par l’accord des différents traits », (ibid., p. 1).
1164 « Qu’on me permette en finissant ce chapitre de regarder le Français, qui n’a que fort peu d’accent et de prosodie, comme l’antipode du Chinois », (ibid., p. 40).
1165 Ibid., p. 42.
1166 Ibid., p. 43.
1167 Ibid., pp. 137-169, 177-186, 564-579.
1168 Ibid., pp. 340-350.
1169 Ibid., pp. 376-388.
1170 Ibid., pp. 169-177.
1171 C.-R. Lefebvre de Beauvray, Dictionnaire social et patriotique, op. cit., pp. 170-171.
1172 Histoire de la France ; l’État et les pouvoirs, sous la dir. de A. Bruguière et J. Revel, Paris, Seuil, 1989, p. 279 ; M. Vanel, Évolution historique de la notion de Français d’origine du xvième siècle au Code civil, Paris, Imprimerie de la Cour d’Appel, 1945, p. 65 ; C.-J. Stoïcesco, De la naturalisation en droit français, Paris, Maresq, 1876, p. 184 ; H. Beaune, Droit coutumier français, la condition des personnes, t. 2, Paris-Lyon, Larose-Briday, 1882, p. 32.
1173 D. Lochak, Étrangers : de quel droit ?, Politique d’Aujourd’hui, Paris, PUF, 1985, p. 22.
1174 P. Contamine, Moyen Âge, le roi, l’Église, op. cit., p. 350.
1175 B. d’Alteroche, De l’étranger à la seigneurie, op. cit., pp. 78-87.
1176 A. Bossuat, « L’idée de nation et la jurisprudence du Parlement de Paris au xvème siècle », RH, 1950, n° 204, p. 56.
1177 K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif (xivème-xvème siècles), Paris, De Boccard, 2001, p. 258.
1178 A. Lefebvre-Teillard, « Ius sanguinis : l’émergence d’un principe, élément d’histoire de la nationalité française », RCDIP, avril-juin 1993, n° 2, p. 227.
1179 « Quand le chef de famille vient à sortir de la maison où il commande pour traiter et négocier avec les autres chefs de famille, de ce qui leur touche à tous en général, alors il dépouille le titre de maître, de chef, de Seigneur, pour être compagnon, pair et associé avec les autres : laissant sa famille, pour entrer en la cité : et les affaires domestiques, pour traiter les publiques : et au lieu du Seigneur, il s’appelle citoyen : qui n’est autre chose en propres termes, que le Franc sujet tenant de la souveraineté d’autrui », (J. Bodin, Les six livres de la république, liv. I, chap. 6, op. cit., pp. 49). Cf. K. Kim, « L’étranger chez Jean Bodin, l’étranger chez nous », RHDFE, 1998, n° 1, p. 77, et selon ce dernier, « la différence entre le citoyen et l’étranger n’est pas une différence fondée sur les libertés et les immunités juridiques. Elle découle directement de la soumission à l’autorité politique, qui n’a peu de choses à voir avec la question des libertés et immunités juridiques de l’individu », (ibid., p. 79).
1180 J.-F. Dubost, P. Sahlins, Et si on faisait payer les étrangers ? Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris, Flammarion, 1999, pp. 21, 39-60.
1181 B. d’Alteroche, De l’étranger à la seigneurie, op. cit., pp. 51-78, 179 ; J. Boizet, Les lettres de naturalité sous l’Ancien Régime, Paris, Hachette, 1943, p. 36.
1182 D. Lochak, Étrangers, de quel droit ?, op. cit., pp. 49-50.
1183 Il y a le problème de la nationalité fluctuante pour les personnes qui servent plusieurs pays à leur tour, (J. Vidalenc, « Quelques cas particuliers du cosmopolitisme en France au xviiième siècle », AHRF, 1963, t. 35, p. 203).
1184 « Aujourd’hui par exemple, tous les habitants de la France qui sont nés dans le royaume, sont réputés être de la même nation. Ils sont tous Français (…) Aujourd’hui c’est le lieu de naissance qui décide de quelle nation est un homme. Tout homme qui est né d’un père habitué en France est réputé Français, de quelque contrée que ce soit », (J.-B. Dubos, Histoire critique de l’établissement de la monarchie, t. 2, op. cit., pp. 376-377).
1185 R. Villers, « La condition des étrangers en France dans les trois derniers siècles de la monarchie », L’étranger, Recueil de la Société Jean Bodin, t. 10, 2ème partie, Bruxelles, Encyclopédique, 1958, p. 147. Pour preuve, cet extrait des mémoires du duc de Choiseul : « Il n’y avait pas deux légions semblables pour la composition. Dans l’infanterie, cette différence était bien plus sensible ; les Suisses n’étaient pas comme les Allemands, les Allemands n’étaient pas comme les Irlandais et les Italiens ; aucun n’étaient comme les Français, qui, entre eux, n’étaient pas égaux, car il y avait des régiments français qui n’avaient que treize compagnies par bataillon, tandis que la composition était de dix-sept », (cité par A. Latreille, L’armée et la nation à la fin de l’Ancien Régime, Paris, Chapelot, 1914, p. 9). Pour une vision d’ensemble, cf. P. Sahlins, « La nationalité avant la lettre. Les pratiques de naturalisation en France sous l’Ancien Régime », AHSS, 2000, n° 5, pp. 1088-1091.
1186 J.-F. Dubost, Étrangers en France, op. cit., p. 521. On le remarque très bien avec le cas du duc de Fitz James dans l’année 1763 à Toulouse où l’on écrivait que « le premier soin des magistrats, dès qu’ils pourront délibérer, sera d’instruire son procès, et de venger les Francs d’un étranger », (Journal de ce qui s’est passé au Parlement de Toulouse, au sujet de la transcription des édits et déclarations du mois d’avril, t. 2, s.l., 1763, p. 6). Cf. R. Pillorget, « Le recours à l’imaginaire étranger en France au cours des décennies précédant la Révolution de 1789 », RHD, 1984, pp. 9-10.
1187 A. Jacquet, « Le sentiment national au xvième siècle, Claude de Seyssel », RQH, 1895, t. 13, pp. 434-435.
1188 N. Machiavel, Le prince, 1513, chap. XIII.
1189 Frédéric II, L’anti-Machiavel, examen du Prince de Machiavel, 3ème édition, t. 1, La Haye, Jean Van Duren, 1741, p. 175.
1190 Ibid., p. 177.
1191 Ibid., pp. 180-181.
1192 A. Slimani, « Un huguenot en révolution : l’œuvre de Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne à la Constituante », RRJ, 2001-3, pp. 1568-1569.
1193 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 1014.
1194 G. de Mably, Du gouvernement et des lois de la Pologne, in Œuvres complètes, t. 8, op. cit., p. 179.
1195 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 994.
1196 Pour preuve cette lettre du 4 février 1719 du Parlement de Béarn et Navarre au régent qui pour ce premier ayant reçu une lettre « estampillée Barcelone », écrivait au second : « Paraissant que cette lettre vient d’un pays ennemi, il croit (le premier président) qu’il est de la prudence de la cour de ne point ouvrir et de l’envoyer à Monseigneur le régent », (ADPA série B 4549 f° 68).
1197 R. Villers, « La condition des étrangers », op. cit., p. 147.
1198 A.-L. Thomas, Éloge de Louis le dauphin, op. cit., p. 31.
1199 « Chaque souverain peut être un Salomon dans la magnificence de sa maison, sans vexer son peuple. S’il doit être libéral aux étrangers, il ne lui est pas permis d’oublier un moment qu’il est le père de ses sujets. Je souffre quand je vois des gens qui régalent les étrangers avec profusion, tandis que les enfants, les parents et les domestiques sont traités indignement », (De Vallange, Académies royales instructives, dans lesquelles on propose d’élever les enfants des deux sexes à la décharge de leurs parents, Paris, Gandoin l’aîné, 1736, p. 83).
1200 R.-L. d’Argenson, Journal, t. 1, op. cit., p. 197.
1201 H.-F. d’Aguesseau, Dixième méditation, in Œuvres, t. 11, op. cit., p. 603.
1202 G. Bacot, « La situation juridique des non-citoyens d’après J.-J. Rousseau », RDP, 2000, n° 1, pp. 84-85.
1203 J.-F. Dubost, P. Sahlins, Et si on faisait payer les étrangers, op. cit., p. 60.
1204 « Les colonies de la métropole sont-elles sous une autre domination que les autres provinces de la métropole ? L’intérêt général de la nation n’embrasse-t-il pas tous les intérêts particuliers des provinces soumises à la même domination ? Pouvez-vous détacher les intérêts particuliers de quelques-unes de ces provinces de l’intérêt général de la nation ? Et pourriez-vous nuire à l’intérêt particulier de ces mêmes provinces sans préjudicier à l’intérêt général de la nation (...) les colonies ne sont pas des nations étrangères à la métropole », (F. Quesnay, Physiocratie, Droit naturel, Tableau économique, op. cit., pp. 353-354).
1205 A. Court de Gébelin, Lettre d’un patriote, op. cit., pp. 13-14.
1206 « Rien ne fut plus nuisible à la marine, au commerce et aux arts, que ces persécutions. Rien ne fut plus utile aux nations étrangères, chez qui les réfugiés français portèrent leur industrie, une partie de leurs richesses, et des lumières qui valent mieux que l’or, et qui procurent beaucoup d’or à ces nations », (P.-P. Gudin de la Brenellerie, Aux mannes de Louis XV, t. 1, Aux Deux-Ponts, Imprimerie Ducale, 1776, p. 13).
1207 Des auteurs comme Barthélemy, Laffermas ou Montchrétien reconnaissent l’utilité et la nécessité d’un appel aux artisans étrangers comme les Génois pour la soie, les Suisses pour les peaux, les Allemands pour la métallurgie, (P. Bonolas, « La question des étrangers à la fin du xvième siècle et au début du xviième siècle », RHMC, avril-juin 1989, t. 36, p. 311).
1208 A. Pecquet, L’esprit des maximes, t. 1, op. cit., p. 352.
1209 « Quelquefois on se rend étranger soi-même à sa patrie : on met trois cent lieues entre soi et l’envie après avoir lutter en vain contre elle. Mais on ne pense pas que cette distance qui affaiblit les traits de la satire, refroidit encore bien plus l’amitié que la haine, et qu’à l’égard des liaisons qui ont commencé dans l’éloignement, elles ne sont que trop souvent détruites par la présence. Ainsi, on ne fait par cette démarche qu’affaiblir le zèle des partisans qu’on avait chez soi et dans le pays où l’on se retire, pour aller chercher dans ce pays même de nouveaux ennemis. On a beau se flatter que les étrangers sont une espèce de postérité vivante dont le suffrage impartial en imposera à des compatriotes aveugles ou de mauvaise foi ; on ne pense pas que plus on se rapproche des étrangers, plus ils perdent ce caractère de postérité, pour lequel la distance des lieux est du moins nécessaire, au défaut de la distance des temps. Devenus en quelque manière compatriotes, ils en adoptent les passions parce qu’ils en ont les intérêts », (J.-B. le Rond d’Alembert, Mélanges de littérature, t. 1, op. cit., pp. 361-362).
1210 G. Coutant de Saisseval, La légitimité monarchique, le droit royal historique, Paris, Editions Christian, 1985, p. 26.
1211 J.-P. Raoux affirme, contre l’Empire supranational, que « même quand le roi est d’origine étrangère, il est naturalisé », (Le roi, mythe et symbole, Paris, A. Fayard, 1995, p. 32).
1212 « Où les filles succèdent, les royaumes ne sortent pas seulement des maisons régnantes, mais de toute la nation : or il est bien plus convenable que le chef d’un État ne lui soit pas étranger : et c’est pourquoi Moïse avait établi cette loi : vous ne pourrez pas établir sur vous un roi d’une autre nation », (J.-B. Bossuet, La politique tirée des paroles, t. 1, liv. II, art. 1, § 11, op. cit., p. 65).
1213 Renonciation approuvée par les orléanistes-fusionnistes indiquant qu’il y aurait eu si non « une extension des règles de droit privé au droit public (...) un vice de pérégrinité qui frapperait les princes capétiens expatriés », (G. Augé, Succession de France et règle de nationalité, Paris, Légitimité, 1979, p. 17).
1214 Sixte de Bourbon, Le traité d’Utrecht et les lois fondamentales du royaume, Paris, Communication et Tradition, 1998, p. 205.
1215 F. de Fénelon, Examen des droits de Philippe V à la Couronne d’Espagne, in Œuvres, t. 2, op. cit., p. 1069.
1216 H. Morel, « La loi innommée », État et pouvoir : la Corse dans la pensée politique, actes du colloque de Bastia des 26-28 avril 1984 de l’AFHIP, Aix, PUAM, 1985, pp. 33-35.
1217 G. Augé, Succession de France, op. cit., p. 25.
1218 Recueil Isambert, t. 20, op. cit., p. 375. De plus, Louis XIV dira dans ses recommandations : « N’oubliez jamais que vous êtes Français et ce qui peut vous arriver quand vous aurez assuré la succession d’Espagne par des enfants », (Mémoires et réflexions, op. cit., p. 163). D’ailleurs, après la découverte du complot de Cellamare, Philippe V aurait écrit, en parlant de la France dans un manifeste du 28 décembre 1718 : « On ne doit pas aussi l’imputer à une nation que j’aime tendrement, et avec laquelle je suis lié par des nœuds si étroits ; personne n’ignore qu’outre je suis né et que j’ai été élevé dans son sein, elle a uni ses forces avec celles de mes fidèles sujets et que de concert avec eux, elle m’a maintenu sur le trône d’Espagne, au prix même de son sang », (cité par G. Bertoux, Anecdotes espagnoles et portugaises, t. 2, Paris, Vincent, 1773, p. 328).
1219 Louis XIV inquiet quant à sa descendance, habilita dans son testament et par un édit de juillet 1714 deux de ses fils bâtards pour succéder au trône : le duc du Maine et le comte de Toulouse.
1220 Avisard, Troisième mémoire des princes légitimés, s.l., 1717, BN Lb38 118 p. 124.
1221 Second mémoire sur la requête présentée au roi contre les princes légitimés, s.l., 9 décembre 1716, BN Lb38 91 p. 4.
1222 À l’époque de Clovis, « la nation honorait si fort le sang de ses rois, que sans faire de différence entre leurs enfants légitimes, et ceux qui ne l’étaient pas, elle rendait aux uns et autres même respect et même honneur », (Lettre de M.*** à un homme de qualité, qui lui a demandé son sentiment sur la lettre d’un Espagnol à un Français, sur les réponses qu’on y a faites et sur la requête des princes, s.l., 20 septembre 1716, BN Lb38 87 p. 27).
1223 « Faire succéder un bâtard, ou déshériter un fils légitime, sont deux choses différentes : faire succéder un bâtard à la Couronne, ou la transporter à un étranger, sont encore deux choses différentes. Il faut donc voir si la coutume fondamentale, qui admet à la Couronne les princes légitimés, permet aux rois d’exclure les légitimés pour y appeler un étranger : or, non seulement la loi fondamentale de l’État ne permettait pas à Charles VI de déshériter le dauphin, mais elle le lui défendait ; non seulement elle ne lui permettait pas de transporter la Couronne à un étranger, mais elle le lui défendait : parce que les successeurs, dit-elle, doivent être fils du roi, ou avoir consanguinité avec lui (…) Autrement, ce n’est plus au roi à se choisir un successeur, c’est à la nation à se donner un maître », (N. de Malézieux, Apologie de l’édit du mois de juillet 1714 et de la déclaration du 23 mai 1715, Paris, 20 octobre 1716, BN Lb38 88 pp. 80-81).
1224 Mémoire instructif sur la requête présentée au roi contre les princes légitimés, s.l., 15 novembre 1716, BN Lb38 89 p. 23. On ne veut pas d’un « sang étranger », (ibid., p. 3).
1225 « Il y a une différence infinie entre les bâtards non reconnus et les bâtards légitimés. Les premiers n’ont, nec genus, nec gentem, ni famille, ni patrie (…) Les seconds ne sont pas de même, leur père est connu, leur patrie est connue, genus et gentem habent », (Justification de Monsieur le président de *** sur la dispute des princes, s.l., 1717, BN Lb38 96 p. 31).
1226 « La nation, en appelant au trône après les princes légitimes les fils naturels de ses rois, ne fait-elle pas voir, que tout illégitimes que sont ces fils, elle estime plus leur naissance que celle de tous les autres princes » ? (L. le Gendre, Troisième lettre de M.*** à un homme de qualité qui lui a demandé son sentiment sur le grand mémoire qui a paru sous le nom de M. le duc, de M. le comte de Charolais et de M. le prince de Conti, s.l., 23 mars 1717, BN Lb38 104 p. 7).
1227 L. le Gendre, Examen de la prétendue loi fondamentale qui exclut les princes légitimés de la succession, s.l.n.d. BN Lb38 86 p. 22.
1228 R.-L. d’Argenson, Journal, t. 4, op. cit., p. 217. De plus, il affirmait dix plutôt, en 1734 : « Nous devons notre sang à nos princes de France, autant qu’ils nous gouvernent et peuvent nous gouverner, mais dès qu’ils sont expatriés, dès qu’il s’agit de leur procurer des souverainetés étrangères, je crois que nous ne leur devons sacrifier ni une goutte de sang, ni une obole de nos biens », (ibid., t. 1, p. 184).
1229 J.-J. Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, in Œuvres, t. 3, op. cit., pp. 1029-1030.
1230 C.-R. Lefebvre de Beauvray, Dictionnaire social et patriotique, v°« France », op. cit., p. 167.
1231 Remontrances du 7 juillet 1756 du Parlement de Pau, (ADPA série B 4558 f° 24).
1232 Celui-ci prône une liberté de commerce dont le protectionnisme irait à l’encontre et adopte une posture patriotique en indiquant que « l’objet d’un bon gouvernement doit être que le blé de France garde fidélité aux Français ; qu’il soit à eux ; qu’il n’aille pas à l’étranger (...) C’est que dans le commerce intérieur, tous ces profits doivent rester dans la main des Français, le commerçant, le débitant en détail, tous sont Français. Mais, dans l’exportation aux étrangers, il est impossible qu’une partie des profits n’aille pas dans leurs mains », (F. Galiani, Dialogues sur le commerce des blés, op. cit., pp. 147, 237).
1233 « Ne va-t-il pas même quelquefois jusqu’à fuir sa propre patrie pour chercher dans des terres étrangères un repos qui lui devient plus précieux que l’air qu’il a respiré dès le moment de sa naissance ? », (remontrances du 7 juin 1750 du Parlement de Paris, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 408). Cf. aussi les remontrances du 1er mars 1767, (ibid., t. 2, p. 695).
1234 Remontrances du 15 décembre 1759 du Parlement de Metz, BN Lb38 1505 p. 13.
1235 Remontrances du 24 juillet 1760 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 841 p. 40.
1236 Itératives remontrances du 26 juillet 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 848 p. 3.
1237 Remontrances du 13 septembre 1763 de la Cour des aides de Clermont-Ferrand, BN Lb38 919 pp. 3, 15.
1238 Remontrances du 8 août 1767 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2313 f° 279).
1239 Arrêtés et arrêts des 21-22 novembre 1763 du Parlement de Besançon, BN Lb38 926 pp. 4-5.
1240 Remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 910 p. 30. « L’ouvrier porte à l’étranger ses talents et son industrie. Les villes se dépeuplent, les campagnes et surtout les frontières n’offriront bientôt que des déserts. L’indigence a presque éteint l’amour de la patrie dans le cœur du citoyen », (itératives remontrances du 18 septembre 1760 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2323 f° 328 v°). Il faut éviter que « le propriétaire [puisse] user du secours étranger pour cultiver ses possessions (…) l’émigration d’une multitude d’infortunés chassés du patrimoine de leurs pères par la cruauté des impôts, la bonne foi opprimée par la défiance et la perfidie demande un asile à l’étranger pour y porter le commerce et l’industrie », (remontrances du 17 août 1763 du Parlement de Grenoble, ADI série B 2325 f° 6, 17-17 v°). « La plupart de ceux qui professent des arts et métiers ne trouvant dans leurs ressources aucun moyen pour payer et méditer de toutes parts une retraite sous les dominations voisines : nous les voyons encore, Sire, chaque jour demander partout la larme à l’œil des lettres de recommandations pour l’étranger. Cette province voisine de Suisse à la porte de l’Italie, limitant la Savoie et le Comtat, fournit à ses habitants des moyens toujours faciles pour s’expatrier », (remontrances du 18 janvier 1768 du Parlement de Grenoble, AN K 710 pièce 7 f° 27 v°-28). L’expatriation des ouvriers dauphinois vers la Savoie sera aussi déplorée par le Parlement de Grenoble en 1781, (remontrances du 3 décembre 1781, ADI série B 2318 f° 213-213 v°).
1241 « Que la dépopulation causée par la commission de Valence, et la terreur qu’elle imprime, touchera le cœur paternel dudit Seigneur roi : qu’il passe dans les pays étrangers, pour ne jamais rentrer en France, ou pour n’y rentrer que criminels, un nombre de ses sujets bien plus considérable que celui des malheureux retranchés de la société, ou morts dans les supplices, quelques effrayants qu’ils soient pour l’humanité ; qu’ainsi se dépeuplent beaucoup de villages, et principalement ceux qui sont situés sur la frontière : perte fâcheuse dans tous les temps, mais plus encore en temps de guerre, comme l’expérience l’a démontré », (objets de remontrances du 7 septembre 1764 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 967 pp. 10-11).
1242 Remontrances du 29 octobre 1768 du Parlement de Rouen, BN Lb38 1556 p. 13.
1243 Lettre au roi du 23 mars 1771 du Parlement de Nancy, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2296 f° 118.
1244 « Mais ce qui achève d’anéantir le commerce parmi nous, c’est la multitude des bureaux dont nous sommes environnés et où nos marchands éprouvent des duretés infinies : ces bureaux n’avaient d’abord été établis que pour empêcher le versement des marchandises dans le dedans des fermes unies, insensiblement on en a fait usage pour faire payer des droits d’entrée sur toutes les marchandises qui nous arrivent. Par là le Comté de Bourgogne est réputé province étrangère pour ce qui concerne les fermes », (remontrances de décembre 1723 du Parlement de Besançon, ADD série B 2840 pièce 14 f° 5).
1245 Remontrances du 30 juin 1749 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2840 pièce 8 f° 3).
1246 Remontrances du 24 décembre 1756 du Parlement de Besançon, BN Lb38 717 pp. 8-9 et remontrances du 31 août 1763 du même Parlement, BN Lb38 915 p. 11.
1247 Itératives remontrances du 9 août 1758 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2841 pièce 12 f° 2 v°).
1248 « Mais la Franche-Comté aura à souffrir des droits d’entrée et de sortie, plus il sera juste de la maintenir dans ses privilèges et immunités, moins elle profitera des avantages du royaume, moins elle en devra supporter les charges. C’est un équilibre dont la conservation lui a été promise. Elle aura toujours lieu de représenter qu’elle ne peut être regardée comme étrangère pour payer les droits auxquels sont sujets les étrangers, et en même temps nationale pour porter les charges des provinces de l’ancienne domination, et que si on augmente les droits sur les étrangers, on doit réciproquement lui diminuer les autres charges », (remontrances du 13 juin 1760 du Parlement de Besançon, ADD série B 2841 pièce 17 f° 4 v°).
1249 Remontrances du 26 janvier 1764 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2842 pièce 5 f° 8).
1250 « Placée à l’une des extrémités du royaume, attenante à la Suisse dans une étendue de plus de trente lieues, elle ne peut y verser le superflu de ses denrées : et l’État perd les avantages attachés à toute exportation : elle est d’un autre côté réputée étrangère, et son commerce avec les autres provinces voisines se trouve gêné par les droits d’entrée et de sortie, et par les octrois dont votre Parlement a souvent sollicité la suppression sans succès. Est-il une position plus désavantageuse, plus contraire à la liberté et aux principes d’une bonne administration ? Privée de l’égalité et de toute concurrence, soit à l’égard des nationaux, soit à l’égard de l’étranger, elle est isolée et contrainte », (remontrances du 15 mars 1764 du Parlement de Besançon, BN Lb38 956 p. 24).
1251 « Placée à l’extrémité du royaume, réputée tour à tour province de l’intérieur et province étrangère, elle paye sous les deux qualités des droits d’entrée et de sortie considérables », (remontrances du 13 juillet 1767 du Parlement de Besançon, ADD série B 2843 pièce 9 f° 6 v°).
1252 Arrêté du 27 janvier 1789 du Parlement de Besançon, BN Lb39 1026 p. 8. Cf. également le cahier de doléances du tiers état de Besançon, (A.P., t. 2, p. 343).
1253 B. Grosperrin, L’influence française et le sentiment national français en Franche-Comté, de la conquête à la Révolution (1674-1789), Cahiers d’Études Comtoises, 1967, n° 11, pp. 76-78.
1254 Mémoire touchant l’origine et l’autorité du Parlement de France, appelé Judicium Francorum, s.l.n.d. BN Ld4 1818 A p. 18. Ce pamphlet n’est que la retranscription presque à l’identique d’un libelle de la Fronde attribué à Louis Machon s’intitulant Les véritables maximes du gouvernement de la France justifiées par l’ordre des temps depuis l’establissement de la monarchie jusque à présent, servant de réponse au prétendu arrest de cassation du conseil du 18 janvier 1652, Paris, I. Guillemot, 1652, BN Lb37 2161.
1255 L-A. le Paige, Lettre apologétique critique et politique, op. cit., p. 105.
1256 Remontrances du 18 novembre 1756 de la Cour des comptes d’Aix, BN Lb38 711 p. 15. Elle ajoute et s’interroge : « L’évaluation de nos fortunes est livrée, à quels appréciateurs ? Un ramas d’hommes encore plus étrangers à nos usages qu’à notre patrie, qui ont à peine vu nos fonds », (ibid., p. 14).
1257 Arrêté du 27 février 1768 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1541 p. 8.
1258 « La Cour, en réitérant les protestations contenues dans un arrêté du 4 de ce mois, a fait et fait très expresses inhibitions et défenses à tous officiers de son ressort, d’accorder aucun pareatis sur mandements desdits prétendus Conseils Supérieurs », (arrêt du 23 mars 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1150 p. 7).
1259 « Considérant que par la destruction projetée du Parlement, il ne restera plus de corps qui puisse opposer la barrière de la loi à l’autorité arbitraire ; que le clergé, la noblesse et le tiers état, se trouveront privés de leurs défenseurs naturels, et tous les sujets du Duché de Bretagne réduits à la cruelle alternative, ou d’être malgré leurs privilèges, traduits devant des juges étrangers, ou d’avoir dans le sein de leur patrie, pour arbitre de leur honneur, de leur vie et de leurs biens, des gens que l’honneur même désavoue, et que l’opinion publique récuse », (protestations du 23 octobre 1771 du Parlement de Rennes, BN Lb38 1260 pp. 9-12).
1260 Remontrances du 20 novembre 1760 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 841 p. 41.
1261 Remontrances du 31 août 1763 du Parlement de Besançon, BN Lb38 915 pp. 13-14.
1262 Cf. T.-S. Renoux, « Le droit au juge naturel, droit fondamental », Revue Trimestrielle de Droit Civil, janvier-mars 1993, pp. 33-58.
1263 P. Hazard, La crise de la conscience européenne, 1680-1715, Paris, Fayard, 1961.
1264 J.-Y. Guiomar, La nation, op. cit., p. 67 ; A. Bouvier, « Peuple et nation dans le Contrat social de J.-J. Rousseau : une conception française de la nation », Les mots de la nation, op. cit., p. 205.
1265 A. Choulguine, « Les origines de l’esprit national moderne et J.-J. Rousseau », Annales de la Société J.-J. Rousseau, 1937, t. 26, p. 193.
1266 J.-J. Guinchard, « Le national et le rationnel », Éléments pour une théorie de la nation, op. cit., pp. 37-38.
1267 M.-J. Villaverde, « Trois concepts-clé dans la pensée du citoyen de Genève : patrie, cité, 2ème nation », J.-J. Rousseau, politique et nation, actes du colloque international de Montmorency des 27 septembre-4 octobre 1995, Paris, H. Champion, 2001, p. 15.
1268 J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 178.
1269 J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1ère version, (ibid., p. 283). Cf. aussi G. Cavallar, « La société générale du genre humain : Rousseau on cosmopolitanism, international relation and republican patriotism », SVEC, 2003, n° 9, pp. 89-109.
1270 Ibid., p. 287.
1271 « D’ailleurs on peut dire que l’état général de la nation le plus favorable au bonheur des particuliers est de n’avoir besoin pour vivre heureux du concours d’aucun autre peuple », (J.-J. Rousseau, Fragments politiques, VI, in ŒUVRES, t. 3, p. 513).
1272 J.-J. Rousseau, Lettres écrites de la montagne, (ibid., p. 704).
1273 « Le patriotisme et l’humanité sont, par exemple, deux vertus incompatibles dans leur énergie, et surtout chez un peuple entier. Le législateur qui les voudra toutes deux n’obtiendra ni l’une ni l’autre », (ibid., p. 706 note).
1274 La formule : « Je suis citoyen du monde » est de Diogène, (P. Coulmas, Les citoyens du monde. Histoire du cosmopolitisme, traduit de l’allemand par J. Etoré, Paris, H. Michel, 1995, p. 207).
1275 R. Mousnier, E. Labrousse, M. Bouloiseau, Le xviiième siècle, l’époque des Lumières : 17151815, histoire générale des civilisations, 5ème édition, Paris, PUF, 1967, p. 172.
1276 F. Waquet, « Qu’est-ce que la république des lettres ? Essai de sémantique historique », BEC, 1989, t. 147, pp. 501-502 ; E. Gojosso, Le concept de république, op. cit., pp. 374-380.
1277 P. Hasard, « Cosmopolite », Mélanges d’histoire littéraire générale et comparée offerts à Fernand Baldensperger, t. 1, Paris, H. Champion, 1930, p. 356.
1278 Encyclopédie, v°« Cosmopolitain », t. 4, [1754], op. cit., p. 297.
1279 Il faut à ce sujet prendre garde à ne pas confondre les termes. Le cosmopolitisme n’est pas l’universalisme tout simplement parce que ce dernier développe l’idée de l’espèce humaine avec des individus naturellement égaux, (C. Bruschi, « Citoyenneté et universalité », in Les principes de 1789, Aix, PUAM, 1989, p. 155).
1280 J. Jurt, « L’image de l’Espagne en France au siècle des Lumières », Cosmopolitisme, patriotisme et xénophobie, actes du colloque international de Strasbourg des 2-5 octobre 1985, édités par G.-L. Fink, Strasbourg, 1987, p. 33.
1281 « Ce cosmopolitisme qui se vante de trouver le sien [pays] partout où il peut être à son aise, osera-t-il jamais se comparer à ces hommes célèbres qui ont servi le leur avec gloire ? C’est rabaisser son âme, que de l’asservir à ses propres intérêts, sans y mêler jamais ceux de ses concitoyens. C’est de l’air de son pays, des aliments qu’il produit qu’on est pétri. Chaque climat a une sorte de droit sur ceux qu’il a vu naître, à la production desquels il a concouru », (L’homme sociable et lettres philosophiques, op. cit., p. 96).
1282 S. Pujol, « Histoire et philosophie de l’histoire au xviiième siècle : la critique de l’universalisme chez Voltaire et Herder », Raison universelle et culture nationale au siècle des Lumières, édité par D.-A. Bell et alii, Paris, H. Champion, 1999, p. 181.
1283 F.-M. Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, v°« Patrie », op. cit., p. 157.
1284 « La première partie de l’humanité consiste à aimer ses proches ; elle a été connue des sauvages mêmes dans tous les temps. La seconde est d’aimer une société plus ou moins étendue dont on est membre, et qu’on appelle sa patrie : cette seconde partie de l’humanité a été connue de toutes les nations policées, depuis qu’il y en a. Mais la troisième est d’aimer tous les hommes : cette dernière a été si peu connue avant ces derniers temps, qu’on s’est fait pendant bien des siècles un titre de gloire de détruire, ou du moins de subjuguer des peuples entiers », (J. Terrasson, La philosophie applicable, op. cit., pp. 74-75).
1285 J.-B. le Rond d’Alembert, Mélanges de littérature, t. 4, op. cit., p. 91.
1286 « Si je savais une chose utile à ma nation qui fut ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme, avant d’être Français ou bien parce que je suis nécessairement homme et que je ne suis Français que par hasard », (C. de Montesquieu, Mes pensées, n° 10).
1287 Desapt, L’ami du prince et de la patrie, op. cit., pp. 92-93.
1288 C’est sûrement de Caraccioli qui professe le plus fort cosmopolitisme au xviiième siècle. Selon lui, le Français contribue au rayonnement de l’Europe, (Paris, le modèle des nations étrangères ou l’Europe française, Paris, Duschène, 1777, BN Li3 45 p. 142). En effet, « la France est la patrie de toutes les nations. Par la douceur de son gouvernement, par la suavité de ses mœurs, chaque étranger peut s’y regarder comme chez soi », (ibid., p. 137). Sans s’attarder sur la supériorité de l’éducation, (ibid., pp. 104, 148), de la langue, (ibid., pp. 170, 173), de l’esprit, (ibid., pp. 163, 201-202), de Caraccioli reconnaît que les conséquences de l’édit de Nantes ont contribué « à franciser l’Europe », (ibid., p. 33). Il y a une contamination française par le développement des factums, de la jurisprudence, (ibid., p. 69) et de la philosophie, (ibid., pp. 71 et s.). Dès lors, le Français a réussi à envahir les nations avoisinantes, (ibid., pp. 272-273). Toutefois, un an avant, le docteur en droit et professeur à l’Ecole royale militaire Pierre-Ignace Roubaud de Tressedl eut à ce sujet une remarque limpide dans ses Discours sur les différents sujets, Paris, Knapen, 1776, pp. 18-19 : « Le monde devient la patrie de celui qui, par l’étude de l’histoire, le connaît comme sa terre natale. Un habitant de la campagne, qui n’est pas sorti de son hameau, ne connaît d’autre patrie que ce hameau ; le reste du royaume qu’il n’habite point, lui est, à certains égards, aussi étranger que le peuple le plus éloigné. Le voyageur qui voit et prend successivement les mœurs des différentes nations, parvient insensiblement à se regarder comme s’il était né parmi elles. Tel est l’effet que doit naturellement produire l’histoire ».
1289 F. Richer, Traité de la mort civile, op. cit., p. 55.
1290 G. de Mably, Entretiens de Phocion, op. cit., p. 5.
1291 Ibid., p. 48.
1292 Ibid., p. 27. D’ailleurs n’affirme-t-il pas : « Nous parlons de l’amour de la patrie et de la liberté, qui ne vit plus que dans le cœur de trois ou quatre citoyens ; nous regrettons cette ancienne simplicité qui servait de rempart aux bonnes mœurs », (ibid., p. 7).
1293 Ibid., p. 94.
1294 Ibid., p. 65. Ainsi, Mably ne tolérera que des guerres défensives, (Y. Charara, « Droit et vertu chez Mably », op. cit., p. 393).
1295 Il faut se poser la question, comme le pense M. Belissa, de savoir si l’amour de la patrie « n’est pas l’amour du sol mais de l’humanité et si cette position ne découle pas du primat du droit naturel » ? (Fraternité universelle et intérêt national, op. cit., p. 51). Ne s’agit-il pas finalement d’un « patriotisme moral qui met l’accent sur la charité et la solidarité, d’un nouvel intérêt pour une morale sociale » ? (G.-L. Fink, « Patriotisme et cosmopolitisme », op. cit., p. 23).
1296 N. Hampson, « Patrie », The french Revolution and the creation, t. 2, op. cit., pp. 125-137.
1297 M. Cranston « The sovereignty of the nation », (ibid., p. 99).
1298 L.-C. Fougeret de Montbron, Le cosmopolite ou le citoyen du monde, Londres, 1756, p. 165.À voir l’article de C. Bruschi, « Note sur l’étranger et la nation au xviiième siècle », Nation et République, op. cit., pp. 41-50.
1299 F. Venturi, « Fougeret de Montbron », Europe des Lumières, recherches sur le xviiième siècle, Paris, Mouton, 1971, p. 103.
1300 M. Belissa, Fraternité universelle et intérêt national, op. cit., p. 52.
1301 Rossel, Histoire du patriotisme français, t. 1, op. cit., pp. 9, 15.
1302 E. Dziembowski, « L’abbé Coyer et la reformulation de l’idée de patrie au milieu du xviiième siècle », Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, 1997, n° 39, p. 6. « Qu’est-ce que le mot de patrie avait de bas ou de dur pour le retrancher de la langue ? On ne l’entend plus ou presque plus ni dans les campagnes, ni dans les villes, ni dans la province, ni dans la capitale, encore moins à la Cour (...) J’interroge ce citoyen qui marche toujours armé : quel est votre emploi ? Je sers le roi, me dit-il, pourquoi pas la patrie ? Le roi lui-même est fait pour la servir », (G.-F. Coyer, Dissertation sur le vieux mot de patrie, [1755], in E. Dziembowski, op. cit., p. 41).
1303 G.-F. Coyer, Dissertation sur le vieux mot de patrie, [1755], in E. Dziembowski, op. cit., p. 43.
1304 Ibid., p. 44. En effet, faisant coïncider dans son esprit la nation et le peuple, il indique que « la patrie ressemble à une étoffe (...) la patrie, dis-je, ressemble à une pièce d’étoffe assez grande pour couvrir tout un peuple. Les petites tailles composent la foule modeste. Mais viennent des géants avec de grands titres, de grandes prétentions se jeter sur l’étoffe, et ils en emportent des morceaux beaucoup plus grands que leurs besoins, tandis que la multitude reste nue exposée à toutes les injures de l’air. Est-ce là ce que promettait la patrie ? Je n’irai pas dire aux grands, aux puissants de la nation que nous sommes tous frères. Cette grossièreté évangélique n’est placée que dans la chaire. Mais je leur dirai que s’ils peuvent rire tandis que d’autres pleurent, que si les forts ne portent pas les faibles, le mot patrie devient nul », (ibid., p. 52).
1305 J. de Viguerie, « Étude sur l’origine et sur la substance du patriotisme révolutionnaire », RH, janvier-mars 1996, n° 597, pp. 83-84. C’est l’héritage thomiste de la caritas patriae avec comme formule, celle de Philippe le Bel en 1302 : patriae defensionis negotium, ab omnibus et singulis assumatur. Rappelons qu’aux xivème et xvème siècles, du fait de la laïcisation, la patrie en tant que « terre » avait une importance accrue face au concept de nation « médiévale ».
1306 Même si l’utilisation du vocable patrie, au xviième siècle, reste marginale, (J.-P. Labatut, « Patriotisme et noblesse », op. cit., p. 623).
1307 J. de Viguerie, « Considérations au sujet du patriotisme humanitaire », op. cit., p. 70 et plus généralement, il faut se reporter à son article « Patriotisme et terreur », Justice et politique, la terreur dans la Révolution française, sous la dir. de G. Sicard, Toulouse, CTHDIP, 1997, pp. 107-116.
1308 Avec comme représentants Vauban et Corneille, (A. Aulard, « Patrie, patriotisme avant 1789 », op. cit., p. 202.
1309 O. Dann, « Nation », op. cit., p. 764.
1310 « Le bon naît de l’application à chercher le bonheur les uns des autres, comme les enfants d’un même père. On ne peut mieux désigner l’amour de la patrie », (Discours sur la philosophie de la nation, Amsterdam, Merlin, 1767, p. 7).
1311 M. Borgetto, La notion de fraternité en droit public français, Bibliothèque de Droit Public, Paris, LGDJ, 1993, p. 30. Ce thème de la fraternité entre dans le champ des aspirations principales du xviiième siècle, celles du sentiment et de l’égalité dont Rousseau, Mably et Raynal en sont les porte-drapeaux, (M. Leroy, Histoire des idées sociales en France, op. cit., pp. 48-49).
1312 J. Godechot, « Nation, patrie, nationalisme », op. cit., pp. 485-486.
1313 R. Monnier, « L’histoire comme laboratoire du politique. Le paradigme de la démocratie et la notion dans De l’esprit des lois », Le temps de Montesquieu, sous la dir. de M. Porret et C. Volpilhac-Auger, Genève, Droz, 2002, pp. 214-216 ; E. Gojosso, Le concept de république, op. cit., p. 324.
1314 F. Brunot, Histoire de la langue française des origines à nos jours, t. 6, 1ère partie, Paris, A. Colin, 1966, p. 135. Le chancelier Maupeou indique que « des circonstances, des hasards amènent quelques changements, quelques modifications nouvelles ; mais jamais on ne creuse jusque dans les fondations, jamais on ne s’occupe à renouer ensemble les anneaux qui doivent former la chaîne de la société ; de là cette chaîne est souvent rompue et l’action interceptée ; de là plus de centre commun, plus de marche uniforme et par conséquent moins de forces réelles, moins d’esprit public, moins d’amour de la patrie », (Mémoires à Louis XVI, 1789, in J. Flammermont, Le chancelier Maupeou et les Parlements, thèse imprimée, Appendice, Paris, A. Picard, 1883, p. 602).
1315 J. de la Bruyère écrit qu’il « n’y a point de patrie dans le despotique », (Les caractères de Theophraste, traduit du grec avec les caractères ou les mœurs de ce siècle, 10ème édition, Paris, E. Michallet, 1699, p. 258).
1316 « On a une patrie sous un bon roi, on en a point sous un méchant », (F.-M. Voltaire, Notes books, 82, The complete works of Voltaire, éditées par T. Besterman, Institut et musée Voltaire, Genève-Oxford, Voltaire Foudation, 1968, p. 569).
1317 « Dans un État despotique, le chef de la nation est tout, la nation n’est rien ; la volonté d’un seul fait la loi ; la société n’est point représentée (...) Dans les États despotiques tels que la Turquie, la nation ne peut avoir de représentants ; on n’y voit point de noblesse, le despote n’a que des esclaves également vils à ses yeux ; il n’est point de justice parce que la volonté du maître est l’unique loi », (Encyclopédie, v°« Représentant », t. 14, [1765], op. cit., pp. 143-144). Cf. aussi le v°« Pouvoir », (ibid., t. 13, p. 255) et surtout le texte du chevalier de Jaucourt indiquant que « Rome oublia sous Tibère, tout amour de la patrie », (v° « Patrie », t. 12, ibid.). Néanmoins, il faut rappeler que Jaucourt a énormément emprunté à Coyer.
1318 C’est un nouveau thème qui est ici abordé, celui de l’éthique car cette dernière entre dans le dévouement au bien du peuple. D’ailleurs, beaucoup d’auteurs du xviiième siècle s’attachaient à retracer l’histoire de Trajan comme « père de la patrie », (S. Citron, Le mythe national, op. cit., p. 152). En ce qui concerne la Polysynodie, certains commentateurs parlaient de cette cour comme le « sénat de la nation », (La monarchie entre Renaissance et Révolution, 1515-1792, sous la dir. de J. Cornette, Paris, Seuil, 2000, p. 300) dans un désir de « répudiation solennelle de la monarchie administrative Louis-quatorzième », (J.-L. Harouel, « La Polysynodie », L’État moderne, 1715-1848, études réunies par S. Goyard-Fabre, Paris, Vrin, 2000, p. 44).
1319 C.-I. de Saint-Pierre, Discours sur la Polysynodie où l’on démontre que la Polysynodie ou pluralité des Conseils est la forme de ministère la plus avantageuse pour un roi et pour son royaume, Amsterdam, du Villard et Changuion, 1719, p. 53
1320 « On voit assez d’un côté, combien l’augmentation de l’amour de la patrie serait utile au roi et à l’État ; et de l’autre, il n’est que trop vrai que cette vertu est devenue fort rare sous le vizirat et sous le demi-vizirat », (ibid., p. 54).
1321 Ibid.
1322 A. Vergne, La notion de constitution, op. cit., pp. 78-83.
1323 « On convient [dit-il] de part et d’autre, que le peuple doit une obéissance limitée. La question est à qui le peuple doit cette obéissance ? Il est facile d’y répondre : c’est au pouvoir suprême, revêtu d’une souveraineté despotique, où toute la nation est soumise (…) [s’] il est logé dans une seule personne de la nation (…) il ne s’agit plus de disputer, il faut se soumettre aux ordres arbitraires de ce souverain despotique ; et les termes de Parlements, de lois fondamentales et de constitution sont des sons vides, qui ne signifient absolument rien. Mais, si la souveraineté absolue est divisée en différentes branches, si le pouvoir législatif réside dans les trois états, le roi, les pairs du royaume et les communes, l’obéissance illimitée est uniquement due à des ordres, qui, procèdent du consentement de ces trois états », (B. de Mandeville, Pensées libres sur la religion, t. 2, op. cit., p. 412).
1324 « Une nation libre peut avoir un libérateur ; une nation subjuguée ne peut avoir qu’un oppresseur », (C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. XIX, chap. 27). Pour le baron de la Brède, l’amour de la patrie est une vertu politique mais c’est avant tout la liberté politique, (ibid., liv. V, chap. 5 ; liv. VIII, chap. 3).
1325 L.-A. de la Baumelle, L’Asiatique tolérant, Paris, Durand, l’an XXIV du traducteur, p. 105. Cf. H. Bost, « Lumières et Refuge huguenot, sur les itinéraires intellectuels de Bayle et de la Baumelle », Revue Dix-Huitième Siècle, 2002, n° 34, pp. 187-200 et plus particulièrement les travaux de Claude Lauriol, La Beaumelle : un protestant cévénol entre Montesquieu et Voltaire, Genève, Droz, 1978 et La Beaumelle et le « montesquieusisme » : contribution à l’étude de la réception De l’esprit des lois, Oxford, Voltaire Foundation, 1996.
1326 L.-A. de la Baumelle, L’Asiatique, op. cit., p. 106.
1327 Ibid., p. 116.
1328 Ibid.
1329 L.-A. le Paige, Le véritable portrait des cardinaux Richelieu et Mazarin, op. cit., p. 8.
1330 Ibid., pp. 38-39.
1331 Labat de Mourlens, Les avantages qu’il y a pour un État d’être éclairé sur les objets de sa politique. Discours qui a remporté le prix à l’Académie des jeux floraux, Paris, Sébastien Jorry, 1767, pp. 55 et s.
1332 Ibid., p. 68.
1333 Pour une vision d’ensemble de l’affaire, se reporter à l’ouvrage de L.-J. Graham, If the king only knew. Seditious speech in the reign of Louis XV, Londres, University Press of Virginia, 2000, pp. 213-256.
1334 Lettre manuscrite au roi intitulée La queue du chat sous forme de fable, in Dossier de police de la Bastille concernant l’arrestation de Pierre-Denis de la Rivoire, 1771, (Bibliothèque de l’Arsenal Ms 12395 f° 52 r°).
1335 Au roi lui-même, s.l.n.d. (ibid., f° 164).
1336 « Et ce que tant de siècles n’ont fait qu’avec tant de peines, vous voulez le détruire en un jour, vous commencez cet attentat énorme dont votre destruction à vous-même serait le seul fruit par la proscription tyrannique du premier coup formé depuis si longtemps par le consentement de la nation pour être sa défense contre les erreurs sans nombre (…) les réclamations de vos Parlements et même des autres corps de la magistrature ne sont que l’expression très adoucie des vrais sentiments de l’universalité de ceux qui forment le véritable corps de la nation », (ibid., f° 63 r°). De plus, il ajoute dans une autre lettre : « Nous souffrons beaucoup, Sire, de votre aveugle faiblesse, mais Dieu ne plaise que mes yeux voient jamais régner un traître dans le patrimoine d’Henri IV », (Lettre, s.l.n.d. ibid., f° 172).
1337 Remontrances du 6 mai 1775 de la Cour des aides de Paris, BN Lb39 174 p. 62. Il convient de dire, à ce stade, que la pensée de Nicolas-Antoine Boulanger, (peut-être celle d’Holbach), sur le despotisme et son discours désacralisant n’ont nullement influencé les parlementaires. Celui-ci parle de chimère quant au « règne de Dieu », « d’idolâtrie », de « Dieu-monarque », (Recherches sur l’origine du despotisme, op. cit., pp. 137, 192, 197).
1338 K.-A. Wittfogel, Le despotisme oriental, étude comparative du pouvoir total, traduit de l’anglais par A. Marchand, Paris, Editions de Minuit, 1964, pp. 166-175.
1339 L.-A. le Paige, Mémoire succinct sur la démarche présente de MM. du Parlement, s.l.n.d. BN Ld4 1816 p. 2.
1340 Remontrances du 27 septembre 1756 du Parlement de Toulouse, in Recueil de remontrances, s.l.n.d. Méjanes Rec D 382 1-4, p. 81.
1341 « Vous ne commandez pas à des esclaves, vous commandez à une nation libre », (remontrances du 4 juillet 1760 du Parlement de Rouen, BN Lb38 836 p. 16).
1342 « La liberté légitime caractérise le gouvernement monarchique, forme le nœud sacré qui unit le souverain à la nation et la nation au souverain, maintient la tranquillité au-dedans, rend l’État formidable au-dehors, et fait chérir à l’humanité le joug aimable de votre puissance », (remontrances du 10 août 1763 du Parlement de Grenoble, BN Lb38 910 pp. 6-7).
1343 « Pour façonner des hommes libres à la servitude, il ne faut que concentrer tous les devoirs en un seul, celui d’obéir par la crainte ; encourager la bassesse d’âme ; faire oublier les noms si doux de liberté, de propriété, de lois, de patrie », (remontrances du 22 décembre 1763 du Parlement de Toulouse, in P.-J. Dufey, Histoire, actes et remontrances, t. 2, op. cit., p. 129).
1344 Lettre au roi du 19 août 1768 du Parlement de Rouen, BN Lb38 1031 p. 3.
1345 « Le peuple français, soumis à la puissance souveraine, est libre de cette vraie liberté que donnent les lois et la liberté, reçoit une atteinte réelle lorsque la contrainte est imposée sur ce qu’il y a de plus volontaire : le don gratuit (…) Le plus grand avantage des souverains est de conserver à leurs peuples le plus de liberté que faire se peut, parce que dans cet État leur obéissance est plus volontaire, plus prompt et plus utile », (remontrances du 4 décembre 1769 du Parlement d’Aix, ADBR série B 3677 f° 398 v°).
1346 Remontrances du 26 avril 1769 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 8 f° 2).
1347 Remontrances du 29 juillet 1765 du Parlement de Rouen, BN Lb38 978 pp. 8-9.
1348 P.-P. le Mercier de la Rivière, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, op. cit., p. 175.
1349 « Nul repos, nulle sûreté, nulle félicité pour le plus grand nombre, dans un pays d’où le pouvoir arbitraire a banni la liberté. Ce n’est que dans les sociétés où elle règne que l’on trouve de la puissance, c’est là seulement qu’il existe une patrie. Qu’est-ce donc que la patrie ? Dira l’esclave dont l’âme avilie n’est point accoutumée à réfléchir ; est-ce cet amour imbécile du sol qui nous a vu naître ? Non, c’est un amour éclairé de nous-mêmes qui nous apprend à chérir le gouvernement qui nous protège, les lois qui assurent notre personne et nos biens, la société qui travaille à notre félicité. La liberté seule peut procurer ces avantages ; sans elle il ne peut donc y avoir de patrie ; l’amour de notre pays n’est jamais que l’amour de nous-mêmes », (P.-H. d’Holbach, La politique naturelle, t. 2, op. cit., p. 94).
1350 H.-G. de Mirabeau, Essai sur le despotisme, Londres, 1775, p. 33.
1351 Ibid., p. 59.
1352 Ibid., p. 120. En effet, « la nation finit toujours par être plus puissante que le tyran, lorsque le pouvoir arbitraire, parvenu à son dernier délire, a dissout tous les liens de l’opinion, et épuisé les ressources que la terre offre à ceux qui la cultivent en liberté », (ibid., pp. 102-103).
1353 « Dans un pays où le chef marche au pouvoir absolu, vous verrez l’homme de robe despote envers le citoyen, méprisé par les autres ordres ; l’homme d’Église sera pour ainsi l’ennemi public ; le militaire, successivement ignorant et mercenaire, deviendra à son tour un fléau national », (ibid., p. 242).
1354 Ibid., pp. 255-256.
1355 Cf. C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. IV, chap. 3.
1356 « Las de rencontrer sur son chemin des défenseurs des lois, on ne désirerait y trouver que des magistrats qui ne connussent point d’autres lois que les volontés arbitraires du prince. Les citoyens déplaisent : on veut des esclaves », (L.-A. le Paige, Lettre apologétique critique et politique, op. cit., p. 89).
1357 « Quelque soit le zèle qui l’anime [magistrat] pour servir son roi et sa patrie, ne se croira-t-il pas condamné à l’esclavage le plus cruel, si, au lieu d’être encouragé par les regards du souverain, il est continuellement menacé de la disgrâce », (remontrances du 22 août 1756 du Parlement de Paris, in J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 140).
1358 Itératives remontrances du 15 octobre 1760 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2323 f° 347 v°).
1359 « Non, Sire, un système aussi pernicieux ne fut et ne sera jamais celui du gouvernement français : il ne peut avoir lieu que dans ces contrées barbares et malheureuses, où l’on voit les ministres d’un despote impérieux porter à des esclaves des ordres arbitraires, et les exécuter encore plus arbitrairement. Votre Parlement, dépositaire essentiel des formes anciennes et de la liberté nationale, ne peut en souffrir l’altération », (lettre au roi du 10 septembre 1765 du Parlement de Metz, BN Lb38 1529).
1360 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 74. Ce Parlement indiquait déjà en 1764, à propos des Parlements de Toulouse, Grenoble, Rouen, que l’arbitraire du roi est « destructif des lois et du droit national », (remontrances du 14 février 1764, BN Lb38 948 p. 7).
1361 Objets de remontrances du 20 juin 1761 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 873 pp. 9-10 et remontrances de janvier 1771, BN Lb38 1087 p. 13. « Les lois, Sire, sont ou bien nouvelles ou bien correctives ou destructives des anciennes. Elles seules forment la constitution de l’État soit relativement au roi, soit relativement aux différents ordres dont la nation est composée, et cette position légale ne peut être chargée que par la réunion de toutes les volontés. Si le contraire pouvait jamais arriver, ce ne serait plus le même souverain, les mêmes sujets, la même Couronne, le même peuple, la monarchie serait détruite, la volonté arbitraire du prince substituée à la loi formerait le plus pur despotisme », (remontrances du 29 novembre 1763 du Parlement de Pau, AN K 711 pièce 17 f° 4-4 v°). Selon le Parlement de Nancy en 1771, « le gouvernement monarchique est celui sous lequel nous avons le bonheur de vivre. Les principes les plus constants, les plus anciens monuments de la législation et de l’histoire qui constituent une partie du droit public de la nation, opposeront toujours une résistance insurmontable à l’introduction de tout système qui attribuerait des droits arbitraires à votre Couronne », (lettre au roi du 23 mars 1771, BPR Lp 570 pièce 135 p. 6). « La nation toujours fidèle à ses engagements, considérant les événements publics, qui depuis plusieurs années étonnent tous les esprits, voit avec frayeur se concentrer à l’ombre du trône, l’entreprise d’ériger la puissance souveraine en une autorité sans bornes au-dessus des lois et des droits de la nation », (objets de remontrances du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, AN K 710 pièce 9 f° 2).
1362 Remontrances du 2 mai 1767 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2843 pièce 14 f° 1).
1363 Remontrances du 25 février 1771 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1118 p. 3.
1364 Ibid., p. 23.
1365 « Sans les formes rien n’est stable. Sans stabilité il n’y a point de patrie. Ce n’est plus une société formée par des engagements réciproques qui lient tous les membres entre eux, et qui les soumettent tous ensemble à leur souverain. C’est un assemblage confus d’hommes uniquement occupés de leurs intérêts », (remontrances du 21 janvier 1754 du Parlement d’Aix, BN Ld4 2575 p. 35).
1366 « La violation des lois, la destruction des usages, le renversement de l’ordre judiciaire, l’emploi des armes pour arrêter le cours de la justice, sont des événements qui font éprouver à vos peuples un despotisme », (remontrances du 15 mai 1756 du Parlement de Nancy, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2456 p. 7).
1367 Remontrances du 7 septembre 1772 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2314 f° 246 v°).
1368 « Rien n’est plus important pour entretenir et pour assurer la tranquillité dans l’intérieur du royaume que d’établir et de maintenir un ordre stable pour l’administration de la justice », (A.-T. Hue de Miromesnil, Lettre sur l’état de la magistrature en l’année 1772, op. cit., f° 5).
1369 Un pamphlet du milieu des années 1760 indique à propos de la Gazette de France : « Pourquoi cette Gazette, qui doit porter ses nouvelles aux nations les plus éloignées, dissimule-t-elle ces détails ? C’est qu’ils annonceraient aux nations que la plus extrême tyrannie s’exerce sous un règne que l’on a vanté comme celui de la bienfaisance », (Suite du traitement fait à Besançon et qui doit s’exécuter ailleurs, s.l.n.d. BN Lb38 949 p. 4).
1370 « Le Parlement a-t-il eu d’autres motifs que cet amour du véritable droit public de la nation pour refuser de se livrer à condamner le procès-verbal de l’assemblée du clergé de 1750 qui lui avait été déféré en février 1751 ? Ce procès-verbal défendait par les principes les plus faux une cause très soutenable mais en proscrivant cette défense, le Parlement aurait paru envelopper dans la condamnation le moyen du droit public national par lequel on pouvait établir que c’était un droit inhérent à ces assemblées de proportionner librement les tributs que leur ordre doit à la nécessité que le gouvernement peut avoir et à la possibilité de la part des contribuables. Ainsi, quoique le Parlement soit bien éloigné de déférer dans les besoins de l’État à ces prétendues immunités dont le clergé veut faire une nouvelle religion ; quoiqu’en conséquence, il ait enregistré l’impôt le plus onéreux mais que la parole sacrée du souverain lui a assuré ne devoir durer que peu d’années ; quoique depuis cet enregistrement, cette compagnie ait concouru à la fois (…) à la nécessité des déclarations, seul moyen de parvenir à l’égalité de la contribution ; cependant, lorsqu’il s’agit de convertir le don gratuit en imposition arbitraire, ce même Parlement sait respecter les droits dont le clergé a conservé la possession par la tenue régulière de ses assemblées », (C.-F. de Revol, Observations relatives à la première partie des lettres sur l’origine du Parlement, s.l., janvier 1754, BPR Lp 580-4 f° 567-568 r°).
1371 M.-F. Pidansat de Mairobert, Journal historique de la révolution, t. 2, op. cit., p. 114.
1372 Le patriote parisien, s.l.n.d. BN Lb39 128 p. 10.
1373 A.-T. Hue de Miromesnil, Lettre sur l’état de la magistrature en l’année 1772, op. cit., f° 69.
1374 L.-A. le Paige, Observations sur l’édit du mois de février 1771, portant création des Conseils Supérieurs, s.l.n.d. BN Lb38 1107 pp. 44, 53.
1375 A.-A. Clément de Boissy, Vues pacifiques sur l’état actuel du Parlement, s.l., 4 mars 1771, BN Lb38 1133 pp. 6-7.
1376 Le roi « connaît les droits de ses peuples ; [la nation] sait que le despotisme est la caducité et la fin du gouvernement monarchique ; elle sait, qu’appelée par la providence même au gouvernement d’un État, c’est cependant à celui d’une monarchie, et de la monarchie d’une nation libre, soumise, généreuse et fidèle ; que la liberté légale a de tout temps été la distinction et l’apanage de cette nation, au point qu’elle en a communiqué le droit au sol de la terre qu’elle a conquise par ses bienfaits ou par ses armes ; tellement qu’il ne peut être reçu, ni admis d’esclaves dans l’étendue européenne de sa domination », (Principes de la constitution du royaume de France, exposés dans les lettres des princes du sang au roi, s.l., 1774, BPR Lp 569 pièce 123 pp. 15-16).
1377 Itératives remontrances du 18 août 1760 du Parlement de Grenoble (ADI série B 2323 f° 295).
1378 « Mais n’est-ce pas déjà un grand malheur que de n’avoir que la force pour ressource, et un bon prince aime-t-il à commander le devoir ? Pourquoi ne lui laisser que cette voie pour se faire obéir, et fermer toutes celles, qui en instruisant du devoir feraient aimer l’obéissance ? À la bonne heure, que la crainte conduise des peuples à la nation, que le cœur guide et que l’amour attache », (P. Boyer, Projet de remontrances ou mémoire pour y servir, s.l., 1732, BN Ld4 1834 p. 11).
1379 La « loi qui loin de diminuer votre autorité en est au contraire le ferme appui, qui excluant l’idée de contrainte, vous assure la plus entière obéissance de la part de vos sujets, et qui vous donnant leur cœur, étend votre empire jusque sur leur volonté », (Affaire du Parlement au sujet de l’enregistrement de la déclaration du 24 mars 1751 contenant règlement pour l’administration de l’Hôpital général de Paris, s.l.n.d. BN Ms Fr. 14037 f° 69-70 r°).
1380 P. Alès de Corbet, Examen des principes de gouvernement qu’à voulu établir l’auteur des observations sur le refus que fait le Châtelet de reconnaître la chambre royale, s.l.n.d. BN Ld4 2615 p. 14.
1381 Remontrances du 21 avril 1769 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2314 f° 79).
1382 Objets de remontrances du 4 mars 1771 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 9 f° 2 v°).
1383 Remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 p. 74. C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. V, chap. 14 et 16.
1384 Remontrances du 7 septembre 1776 du Parlement de Toulouse, (AN K 713 pièce 40 f° 13 v°). C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. VIII, chap. 6. À ce sujet, Rousseau affirme « que les rois ne dédaignent donc pas d’admettre dans leurs Conseils les gens les plus capables de les bien conseiller : qu’ils renoncent à ces vieux préjugés inventés par l’orgueil des grands, que l’art de conduire les peuples est plus difficile que celui de les éclairer : comme s’il était plus aisé d’engager les hommes à bien faire de leur bon gré, que de les y contraindre par la force », (Discours sur les sciences et les arts, in Œuvres, t. 3, op. cit., pp. 29-30). Cependant, quelques années plus tard le citoyen de Genève écrit que « les rois veulent être absolus et de loin on leur crie que le meilleur moyen de l’être est de se faire aimer de leurs peuples. Cette maxime est très belle et même très vraie à certains égards. Malheureusement on s’en moquera toujours dans les Cours. La puissance qui vient de l’amour des peuples est sans doute la plus grande ; mais elle est précaire et conditionnelle, jamais les princes ne s’en contenteront », (Du contrat social, liv. III, chap. 6, ibid., p. 409).
1385 Remontrances du 9 janvier 1723 du Parlement d’Aix, (ADBR, série B 3673 f° 152).
1386 Le Parlement de Paris dans ses remontrances du 7 juin 1750 parle d’un monarque ayant des « sentiments d’humanité », (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 411).
1387 P.-A. Alès de Corbet, Examen des principes de gouvernement, op. cit., p. 6.
1388 « Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs », (J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. I, chap. 4, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 356).
1389 E. de Vattel, Le droit des gens, t. 1, op. cit., p. 7.
1390 « Enfin, nous réclamerions auprès d’un roi protecteur de l’humanité, les maximes » selon les remontrances du 15 mai 1756 du Parlement de Nancy, Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2456 p. 20.
1391 Remontrances du 14 février 1757 du Parlement de Pau, BN Lb38 736 p. 4.
1392 Remontrances du 7 septembre 1759 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2323 f° 266266 v°).
1393 Remontrances du 18 juillet 1760 du Parlement de Rennes, BN Lb38 839 p. 4.
1394 Itératives remontrances du 15 octobre 1760 du Parlement de Grenoble, (ADI série B 2323 f° 349 v°).
1395 « Le despotisme, cette forme de gouvernement effrayante pour les peuples, et contraire aux droits de l’humanité, entraîne avec elle l’idée de l’injustice », (remontrances de la Cour des aides de Paris du 23 juin 1761, in L.-A. Dionis du Séjour, Mémoires, op. cit., p. 145).
1396 Remontrances du 8 janvier 1761 du Parlement de Rouen, BN Lb38 867 p. 34.
1397 Arrêt du 9 août 1764 du Parlement de Rouen, BN Lb38 965 p. 14.
1398 « Un monarque, ami de l’humanité, qui chérit ses sujets comme un père tendre chérit des enfants », (remontrances du 19 janvier 1764 du Parlement de Dijon, BN Lb38 946 pp. 2-3).
1399 Remontrances des 5-8 décembre 1765 du Parlement de Paris, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 2, op. cit., p. 664).
1400 Remontrances du 18 février 1771 de la Cour des aides de Paris, BN Lb38 1099 pp. 13, 15.
1401 J.-F. Cochu, Discours sur l’amour du bien public prononcé à l’Hôtel de ville de Lyon, Lyon, A. Delaroche, 1763, BN Lk18 1420 p. 5.
1402 Itératives remontrances du 24 août 1767 du Parlement de Grenoble, (AN K 710 pièce 4 f° 4 v°).
1403 Lettre au roi du 27 mars 1771 du Parlement de Douai, BN Lb38 1162 p. 7 et Bibliothèque de l’Arsenal Ms 2296 f° 79.
1404 « À la ruine des lois, à la corruption des mœurs, on reconnaît ce gouvernement horrible, la honte, la dégradation de l’humanité et le malheur de toutes les nations qui y ont été assujetties. Ses ravages commencent par l’ordre légal et s’étendent rapidement ensuite au physique et au moral ; il flétrit l’âme, il y dessèche tout sentiment honnête et vertueux, seul dédommagement des malheurs attachés à l’humanité ; ce n’est qu’à l’ombre des lois et de la liberté, que l’on voit naître l’aisance, la prospérité publique, fleurir l’honneur, les vertus, l’amour de la patrie », (remontrances du 16 avril 1771 du Parlement de Dijon, BN Lb38 1214 pp. 76-77).
1405 « Aucune prescription ne peut courir contre les pupilles. C’est le vœu de toutes nos lois comme le cri de la nature et de l’humanité », (remontrances du 20 juin 1772 du Parlement de Grenoble, AN K 871 pièce 11 f° 17 v°).
1406 Représentations du 16 janvier 1771 du Parlement de Bordeaux, BN Lb38 1075 p. 3. Le Parlement parlera même de « l’inhumanité », (ibid., p. 8).
1407 Remontrances du 5 juin 1771 du Parlement de Besançon, BN Lb38 1238 p. 2.
1408 A.-T. Hue de Miromesnil, Lettre sur l’état de la magistrature en l’année 1772, op. cit., f° 37.
1409 C.-R. Lefebvre de Beauvray, Dictionnaire social et patriotique, v°« France », op. cit., p. 165.
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