République et types de représentation dans la théorie politique de Giuseppe Mazzini
p. 341-359
Texte intégral
1Comme chacun sait, le Risorgimento a été réalisé à l’époque où l’idée de nation, et d’État-nation, était devenue fondamentale dans la culture européenne. Y avait concouru la Révolution française, d’abord avec son exemple d’État des ‘citoyens’, de la ‘patrie’ -dont l’écho puissant retentit dans les esprits dès que les volontaires entonnèrent pour la première fois La Marseillaise, et ensuite avec sa puissante impulsion à la formation des Républiques ‘soeurs’, même si, de fait, celles-ci étaient très conditionnées, sinon tout à fait dépendantes de la France ‘révolutionnaire’. Cela apparaît clairement dans les actes de Napoléon en Italie, en tant que promoteur d’une République Cisalpine et Cispadane, mais aussi d’une République italienne dont il voulut être, lui-même le président1, malgré les doutes et les résistances de quelques patriotes. Du reste, même si l’Italie n’était pas sa patrie d’élection, Napoléon était corse ; de plus, tout le monde sait que son nom était ‘Buonaparte’. D’abord son frère Joseph et ensuite son beau-frère Joachim Murat régnèrent à Naples, sur le trône des Bourbons. Et Murat, bien que dans le cadre d’une tentative désespérée de sauver sa couronne, avec la proclamation de Rimini en mars 1815, se dressa en défenseur politique et militaire de l’unité, de l’indépendance et de la liberté italiennes ; c’est pour cela qu’il a été fusillé. S’il est vrai que dans le reste de l’Europe, et notamment en Allemagne, l’idée d’unité nationale surgit aussi comme réaction à l’impérialisme français, il n’en est pas moins vrai que, pour l’Italie, la France fut surtout un exemple vivant d’un possible État national républicain et modernisateur. Les plus grands esprits italiens, de Melchiorre Gioia à Ugo Foscolo, comprirent vite soit la valeur tout à fait positive de l’exemple de la République française, soit ses traits impérialistes qui ne tardèrent pas à émerger, d’abord au préjudice des républiques, ensuite de la république d’Italie ; ces institutions, qui avaient été apportées, pour ainsi dire, sur les pointes des baïonnettes par les soldats français, continuaient la grande Révolution en des formes nouvelles, parfois même illibérales. Cela compta beaucoup après la chute définitive de Napoléon. Les sectes révolutionnaires, qui, pendant la Restauration, s’étaient développées dans la tradition du jacobinisme de gauche -en particulier celle de Filippo Buonarroti, qui participa à la conspiration des Égaux, organisée par Babeuf en 1797, et qui en devint le grand historien témoin2 -, continuèrent toujours à regarder à la France comme à une sorte de nation guide de tout processus révolutionnaire européen. Cela compta beaucoup pour la Carboneria, liée à Buonarroti, où Giuseppe Mazzini, en 1827, à l’âge de vingt-deux ans, fit ses débuts de révolutionnaire de profession. Arrêté en tant que carbonaro par la police de Carlo Alberto en février 1830, le génois développa une nouvelle orientation qui, s’éloignant de la tradition française, le poussait à revendiquer l’unité nationale républicaine et démocratique, avant tout réalisable par les forces italiennes, sur la base d’une vision de l’engagement des patriotes non seulement politique, mais aussi éthique et religieuse. Il soulignait constamment, et non par hasard, l’importance de mettre en premier plan les devoirs plutôt que les droits, dépassant toute conception individualiste et hédoniste dans le sens d’une wentanschauung qui aurait dû être adoptée d’abord par les patriotes et ensuite par tous les citoyens d’une Italie nouvelle. Selon cette doctrine, l’existence était conçue comme un service envers les autres, qui, à partir de la nation italienne, embrasserait l’ensemble des nations, qui, pour Mazzini, constituaient “l’Humanité”. Proche de la pensée de Saint-Simon et, je crois, surtout de Leroux, Mazzini considérait “l’Humanité” comme un être unique, d’où Dieu rayonne par l’intermédiaire de tous les peuples3. Tandis que la Carboneria avait essayé de constitutionnaliser chaque État, par des conspirations ou par des accords avec les rois éclairés d’États italiens même très petits, et s’était engagée à garder un fort lien idéal et idéologique avec les Constitutions et les mouvements du jacobinisme français de gauche, et avec les autres sectes de ce genre, Mazzini mettait à la première place l’unité nationale fondée sur la république, en repoussant tout particularisme local et toute dépendance idéologique ou militaire d’autres nations.
2Cette position nouvelle, si éloignée de la Carboneria, qui amena Mazzini à fonder la Giovane Italia en 1831, était rendue possible grâce à la culture du Romantisme, dont lui-même, qui avait fait des études sur l’italianité de Dante, était imbu4. La philosophie des Lumières - on peut bien le constater dans les ouvrages de Kant -avait été très cosmopolite5. Cette philosophie, qui abordait toujours les questions politiques d’une manière universaliste et qui était ouverte à toutes les étapes de l’histoire, avait été d’une grande importance aussi pour les révolutionnaires français -malgré leur patriotisme - et même pour la perspective politique napoléonienne, supranationale sous certains aspects, bien que totalement centrée sur la France. Mais la culture romantique dépassait complètement le cosmopolitisme des Lumières, insistant particulièrement sur l’idée de nation6 et sur l’idée jointe d’État-nation. Cependant, même la nouvelle orientation mazzinienne, qui mettait au premier plan l’idée d’une république unitaire italienne, impliquait une confrontation continuelle avec les idées françaises, à partir des Lumières7 et de la Révolution française jusqu’à la monarchie de tendance libérale, qui suivit l’insurrection de 1830, et dont il fut, dès le début, un critique démocratique et républicain intransigeant8.
3Au nom de l’unité italienne sur base républicaine, et grâce aussi à une immense correspondance, Mazzini constituait, selon l’historien Franco Della Peruta, le premier parti italien, avec des milliers d’adhérents, la Giovane Italia9, qui en 1848 devint Associazione Nazionale Italiana. Au lieu d’une secte, avec une complexe hiérarchie de degrés et de niveaux de conscience parmi les adeptes, comme avaient été d’abord la Maçonnerie et ensuite la Carboneria, Mazzini fondait un mouvement politique qui était secret par force majeure, contre les polices des royaumes italiens, mais qui, pour le reste, était très simple dans sa structure, du moment qu’il distinguait deux seul degrés, celui des initiateurs et celui des initiés10, et qu’il agrégeait les militants sur la base d’un but commun et clair pour tous : la république italienne comprenant toute la péninsule et les îles11, fondée démocratiquement, c’est-à-dire sur le suffrage universel immédiat. La Giovane Italia eut des adhérents dans toute l’Italie, même dans des hameaux tout à fait perdus de la Sicile (le frère de mon arrière-grand-père, le docteur Giuseppe Matera, contribua à fonder l’association et à l’organiser à Riesi, un petit village de la Sicile centrale, avant 1848)12.
4L’histoire politique de Mazzini est connue : on ne peut pas la reconstruire ici dans ses détails. Mazzini avait une stratégie et une tactique de type complexe. Il s’opposait de toutes ses forces à l’Italie et à l’Europe de la Restauration. Les petites monarchies de l’ancien régime qui avaient réapparu étaient son grand ennemi. Mais son ennemi numéro un restait l’empire autrichien, metternichien, considéré une “prison des peuples”. Le mot d’ordre Delenda Austria, “L’Autriche doit être détruite”, fut un élément constant dans la réflexion politique de Mazzini. Il visait à une Europe unie ; mais il la concevait vraiment comme une Europe “des patries”13, expression et idée que de Gaulle aussi emploiera. Il croyait qu’une fois dissous les grands empires mondiaux - l’autrichien en particulier - les patries, libres et démocratiques, pourraient cohabiter fraternellement. Comme tous les démocrates jusqu’à 1918, il se faisait beaucoup d’illusions sur les conséquences de la chute des grands empires mondiaux.
5Pour ce qui concerne les rapports avec l’étranger, Mazzini était passé d’une exagération à l’autre, si je peux ainsi m’exprimer. Tandis que les Carbonari - mais, plus tard, même les fédéralistes socialistes, le philosophe italien Giuseppe Ferrari14, en particulier- pensaient qu’on ne pouvait faire aucun pas décisif sans la France, Mazzini, qui se souvenait de l’impérialisme napoléonien, l’esprit plein des brûlantes déceptions de son Foscolo, après le traité de Campoformio, considérait qu’on devait s’appuyer sur des troupes italiennes. Cela le disposait à un rapport complexe avec les rois de la Maison de Savoie, qui cependant l’avaient et après l’auraient considéré comme leur plus grand ennemi. Il voyait la nécessité d’une armée italienne à mettre aux côtés des patriotes volontaires et révolutionnaires. Il considéra comme une nécessité tactique incontournable l’engagement de l’armée des rois de la Maison de Savoie, en sollicitant la soif d’expansion et de gloire de ces souverains régionaux italiens, et en exploitant aussi la crainte de perdre leur royaume : ce qui se réalisa d’abord durant le royaume de Charles Albert en 1848, et ensuite pendant la deuxième guerre d’indépendance, sous Victor Emmanuel II, qui, d’ailleurs, le considérait avec plus de sympathie et de compréhension que son père, et même que Cavour15. Une fois chassé l’étranger, Mazzini envisageait la possibilité de convoquer un “Concile national” électif, une véritable Assemblée constituante, pour décider la forme définitive à donner à l’Italie unie, qui, à son avis, devait être républicaine. Il plaçait toutefois l’objectif de l’unité nationale même avant celui de la république, qui aurait pu être aussi un idéal à réaliser dans un avenir sinon éloigné, certes, pas forcément très proche. En 1848 cette tactique mit Mazzini en désaccord avec les républicains fédéralistes tels que Cattaneo. Ceux-ci, qui voulaient une Italie où leur Lombardie fût l’avant-garde, même si prima inter pares16, n’acceptaient aucune forme de dépendance de la révolution en cours des rois de la Maison de Savoie, considérés, pour des raisons valables et souvent confirmées historiquement, comme des ennemis potentiels ou des alliés déloyaux17. Mais ce n’est pas par hasard que le lien solide, presque un compromis historique, entre la petite Prusse d’Italie, le Piémont bureaucratique et militaire, appartenant à la Maison des Savoie, et le mouvement de libération nationale des patriotes se manifesta pendant tout le Risorgimento ; il se manifesta néanmoins avec les contradictions - que Cattaneo déplorait qui conditionnèrent toute la future histoire italienne, comme Ettore A. Albertoni a bien démontré dans ses écrits18. Néanmoins l’œuvre de Mazzini ne fut pas inutile, du point de vue pratique non plus. Même bien des futurs alliés de Cavour ou de Victor Emmanuel II, de Manin à Garibaldi, venaient de son école, de sa tendance, de sa secte. En outre, Mazzini fut l’animateur de la République romaine de 1849, qui, avec la révolte de Milan de mars 1848, fut l’apogée de l’“année des prodiges”. Dans la République romaine, le suffrage universel, masculin bien sûr, ainsi que le lien très fort et consensuel entre les masses et le pouvoir furent tout de suite des réalités.
6De plus, Mazzini fut le premier partisan de la “propagande par le fait” et, par conséquent, l’involontaire précurseur des anarchistes italiens, qu’il influença, du reste, dans le Sud de l’Italie19. Ses adeptes essayaient des coups de main armés, généralement voués à l’échec, que beaucoup critiquaient -de Marx à Massimo D’Azeglio, libéral modéré, jusqu’à Cattaneo -en les considérant des sacrifices plus ou moins inutiles20. Il s’imaginait que le peuple, qu’il considéra toujours potentiellement révolutionnaire, à un certain moment suivrait ses martyrs, ses héros, ses libérateurs. Beaucoup de ces exploits échouèrent, celui des Frères Bandiera en 1844, ainsi que celui de Pisacane en 1857, mais, sans doute, ils maintinrent allumé le flambeau de la révolution nationale, même dans les phases de reflux. Ce furent justement les réactionnaires et les modérés des cours italiennes et européennes -à partir de Metternich -qui, les premiers, considérèrent Mazzini comme l’homme le plus dangereux.
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7Revenons maintenant à l’idée de République et d’État de Mazzini.
8D’abord, il se rapportait, même polémiquement, à la Révolution française et aux institutions qui suivirent, pour définir son idée républicaine renouvelée. Nous sommes à Marseille, près d’ici, en 1831. Le printemps de 1831, à Marseille justement, parmi les exilés italiens, Mazzini fonde la susdite Giovine Italia et le périodique homonyme, où il défie immédiatement le roi, Charles Albert à se faire “glaive d’Italie”, non sans le menacer de le frapper par le “poignard”, s’il préférait continuer à faire le réactionnaire21. En 1832 il publie sur son journal, en deux articles, l’important essai D’alcune cause che impedirono finora lo sviluppo della libertà in Italia (« De quelques causes qui empêchèrent jusqu’à présent le développement de la liberté en Italie »). Dans ce texte la finalité républicaine émerge avec force, à travers une terminologie évidemment empruntée à Rousseau, surtout où il remarque :
Il y a un mot que le peuple comprend partout, et en Italie plus qu’ailleurs, un mot qui annonce aux multitudes une définition de leurs droits : un abrégé de science politique, un programme de libres institutions. Le peuple a foi dans ce mot, parce qu’il y entrevoit un gage d’amélioration et d’autorité ; parce que le son même de ce mot parle de lui ; parce qu’il se souvient confusément que si jamais il eut le pouvoir et la prospérité, il les dut à ce mot écrit sur le drapeau qui le guidait. Les siècles ont pu lui enlever la conscience de ses forces, le sentiment de ses droits, tout, mais pas l’affection pour ce mot, le seul, peut-être, capable de l’enlever de la boue d’inertie où il languit, pour le soulever vers des prodiges d’action.
Ce mot est : RÉPUBLIQUE.
République, c’est-à-dire chose publique : gouvernement de la nation exercé par la nation même : gouvernement fondé sur des lois qui soient vraiment l’expression de la volonté générale22.
9Mazzini se montre cependant conscient du discrédit qui a atteint l’idée républicaine en France, après la déception ressentie au moment où, après la Révolution française (il faut se rappeler qu’on est en 1830, à l’époque de la Monarchie de Juillet), le privilège de l’argent, ou des riches, des bourgeois, a succédé à celui du sang. Mazzini, ainsi que Buonarroti (avec qui il a un rapport inégal), considère que cette évolution à faveur de la bourgeoisie plutôt que du peuple souverain n’est pas nécessaire, mais, au contraire, en contradiction avec l’idée de gouvernement du peuple par le peuple, qui est propre à la république. Mazzini n’oublie jamais la réaction négative que la Terreur jacobine provoque toujours ; mais il ne croit pas que rien de cela puisse être dit ou soupçonné à l’égard du nouveau mouvement républicain. Ici, il prend même ses distances des propos énoncés par les hauts rangs de la secte carbonara de Buonarroti, ensuite confirmés et développés par Giuseppe Ferrari, et déclare :
Nous avons horreur du sang fraternel : NOUS NE VOULONS PAS LA TERREUR ÉRIGÉE EN SYSTÈME ; nous ne voulons ni renversements de droits légitimement acquis, ni lois agraires, ni violations inutiles de biens individuels, ni usurpations de propriétés23.
10Tout cela met immédiatement en évidence la conception interclassiste et politique, plutôt que sociale et économique, de la Révolution de Mazzini : conception qui l’amènera, plusieurs années après, à condamner la Commune de Paris, contre beaucoup de ses camarades, même contre Garibaldi24. L’idée de république démocratique est soutenue comme télos contre ce que nous appellerions aujourd’hui libéralisme individualiste, ou libéralisme modéré, libéralisme qui s’affirma en France après la révolution de 1830, avec la monarchie de juillet, appelée aussi la monarchie des banquiers.
11Sa position antijacobine même, contraire au jacobinisme de gauche, ou néojacobinisme, à l’époque répandu parmi les révolutionnaires, amène Mazzini à refuser l’idée de dictature révolutionnaire, dont Filippo Buonarroti était, au contraire, partisan. Il annote, dans le même numéro de la “Giovine Italia” que nous avons cité plus haut, un article de Buonarroti sur ce sujet, qui soutenait la nécessité de la dictature dans la phase révolutionnaire. Mazzini, dans un écrit remarquable de la seconde moitié de 1831, Istruzione generale per gli affratellati della Giovine Italia (« Instructions générales pour les affiliés à la Giovine Italia »), précisait l’importante distinction entre “insurrection” et “révolution” et postulait, aussitôt après l’insurrection, une Constituante démocratique. Il affirmait :
La Giovine Italia fait une distinction entre la phase de l’insurrection et celle de la révolution. La révolution débutera quand l’insurrection emportera la victoire. Pendant la phase de l’insurrection, c’est-à-dire pendant toute la période comprise entre l’initiative et la libération de tout le territoire italien continental, le gouvernement sera exercé par une autorité provisoire, dictatoriale, concentrée dans un petit groupe d’hommes. Une fois libéré le territoire, tous les pouvoirs doivent disparaître devant le Concile national, seule source d’autorité de l’État25.
12La confrontation avec “les Français”, ou avec les “francisés” ou les “francisants” est de première importance dans le remarquable essai Fede e avvenire (« Foi et avenir »)26, de septembre 1835. Le prétexte de l’écrit fut la polémique en cours en France contre une loi récente sur la presse, qui défendait les écrits à orientation républicaine. Cela paraissait à Mazzini une absurdité, contraire à une tradition de liberté de l’Occident, qui remonte à la bataille des Grecs, à Marathon, contre le despotisme des Persans, en 490 avant Jésus-Christ. En vrai politicien, il saisissait l’occasion pour mettre en garde les républicains contre les polémiques stériles entre les partisans de 1789 (Révolution française libérale) et les partisans de 1793 (jacobinisme), pendant que la monarchie contre-révolutionnaire violait la liberté dans la France même. Mais, après, il reprenait la polémique intérieure, dénonçant la confiance, mal placée, en des puissances étrangères, considérées indispensables pour la révolution des buonarrotiens ou des carbonari. Il jugeait l’individualisme comme le trait saillant des Lumières et de la Révolution française. Il le rapprochait au protestantisme, jusqu’à considérer la “révolution française” comme la “traduction politique de la révolution protestante”27. Dans ces affirmations il y a un clair écho de Maistre28, mais avec une marque politique naturellement opposée. Mazzini -qui, évidemment, était plus cultivé qu’on ne le croit d’habitude -apercevait le même individualisme dans l’absolutisation idéaliste du Moi de Fichte. Dans un morceau presque identique à celui qu’on trouve dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte29 de Marx, mais, ici aussi, avec une marque politique opposée, Mazzini écrivait :
Le passé nous est fatal. La Révolution française, je l’affirme avec conviction, nous écrase30”.
13Il s’agissait, à son avis, de dépasser l’individualisme du xviiième siècle, le même qui aboutit à la monarchie constitutionnelle, et, plus généralement, au libéralisme individualiste de Constant, propre à l’époque. Il affirmait que l’histoire ne se termine pas par la Révolution française, ni par ses effets, ni par la réalisation du principe personnaliste, ou individualiste protestant31 ; et là ne se termine non plus le développement de l’esprit religieux, déjà fortement nié par le matérialisme et par le laïcisme radicaux du passé même révolutionnaire32. Après l’époque de l’individu souverain, l’époque de l’“UMANITÀ” (Humanité)” doit s’imposer33.
14Il nie la conception de l’individu situé, en tant que tel, au centre de l’univers ; il souligne qu’il faudra récupérer cette idée, mais dans un contexte législatif à caractère social, contraire à l’individualisme et à l’égoïsme dominants, un individualisme qui a engendré une société où triomphe la guerre de tous contre tous, la concurrence acharnée, c’est-à-dire le contraire de la fraternité sociale, qu’il a toujours souhaitée, manifestant une position équidistante par rapport aux libéraux et aux socialistes révolutionnaires, partisans plus tard de la lutte des classes.
15Cette conception, profondément historisante, implique justement une interprétation des Lumières, de Montesquieu en particulier, qui relève de l’historicité, ainsi que Mastellone l’a démontré. Les trois types permanents de gouvernement définis dans l’Esprit des lois de Montesquieu -république, monarchie et despotisme - sont ici ‘historisés’, pour ainsi dire, dans le temps et dans l’espace : dans le sens que l’histoire mondiale évoluerait du despotisme à la monarchie, de la monarchie à la république dans chaque peuple et dans l’humanité, une humanité que, comme l’on sait, Mazzini, en simplifiant le discours d’Hégel et en lui donnant une empreinte plus spiritualiste, voyait comme un tout-un (ce qu’Hégel appelait l’”esprit de l’Humanité” conjugué avec celui des “nations”)34. Mazzini croit que Dieu parle à travers l’humanité, qui, à son avis, est composée de peuples-nations, raison pour laquelle on peut affirmer que Dieu s’exprime historiquement à travers la volonté des peuples-nations, qu’on ne doit pas confondre avec leurs chefs ou représentants, réels ou arbitraires. Selon Mazzini, république et démocratie s’ensuivaient, dans le cadre d’une conception providentielle du rôle des peuples dans l’histoire, du peuple italien en particulier, mais en accord avec les autres peuples-nations.
16La république unitaire - dont le principe, français et surtout jacobin, est exprimé dans la devise de 1793 “Unité et indivisibilité de la république, liberté égalité fraternité ou la mort” -était opposée au fédéralisme, qui cependant était pour Mazzini ce que nous appelons “confédéralisme”, c’est-à-dire une union d’États qui restent tout à fait souverains chez eux, même s’ils sont coordonnés par une Diète commune35. Cela émerge déjà dans la susdite Istruzione generale per gli affratellati della Giovine Italia de 1831, où il remarque :
La Giovine Italia est pour l’unité nationale, parce que, sans unité, il n’y a pas de véritable nation ; parce que, sans unité, il n’y a pas de force ; et l’Italie, entourée de nations unitaires, puissantes et jalouses, a besoin, avant tout, d’être forte ; parce que le fédéralisme, la condamnant à l’impuissance de la Suisse, la placerait sous l’influence nécessaire de l’une ou de l’autre nation qui lui est proche ; parce que le fédéralisme, ranimant les rivalités locales déjà éteintes, pousserait l’Italie à reculer vers le moyen-âge...36.
17Il s’agissait d’une opinion qui manquait de générosité vers la libre Suisse, qui, pourtant, comme chacun sait, ne deviendra une république fédérale, au sens américain, qu’en 1848, et qui, à l’époque, était fort conditionnée par Metternich, tout en restant une île de liberté dans l’Europe de la Restauration. Pourtant, il serait inexact d’attribuer à Mazzini une conception centraliste, dans le sens de la tradition française, car toute polémique de Mazzini avec le fédéralisme (en réalité avec le confédéralisme) s’allie toujours à une revendication passionnée de l’autonomie des pouvoirs locaux. Il remarquait à ce propos :
...toutes les objections faites au système unitaire en sont réduites à des objections contre un système de concentration et de despotisme administratif, qui n’a rien en commun avec l’unité. La Giovine Italia veut que l’unité nationale implique non pas le despotisme, mais l’association et la concorde entre tous. La vie à l’intérieur des localités doit être libre et sacrée. L’organisation administrative doit être faite sur des bases très larges, et respecter rigoureusement les libertés des communes ; mais l’organisation politique destinée à représenter la nation en Europe doit être une et centrale. Sans unité de foi et de pacte social, sans unité de législation politique, civile et pénale, sans unité d’éducation et de représentation, il n’y a pas de nation37.
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18Mazzini soutient une position franchement démocratique, qui va au-delà d’une simple collaboration entre les classes. On voit émerger une conception libéral-démocratique, qui, dans son écrit de 1832 I collaboratori della “Giovine Italia” ai loro concittadini (« Les collaborateurs de la “Giovine Italia” à leurs concitoyens »), apparaît non seulement assez bien définie, mais aussi décidément ouverte d’un point de vue social, peut-être avec beaucoup d’échos de Leroux. Pour Mazzini “Égalité, liberté, association” sont un trinôme dont il faut tenir absolument compte pour qu’il ait “nation”, dans les sens fort théologique qu’il donne à cette idée. Il précise à ce propos :
La NATION représente pour nous L’UNIVERSALITÉ DES CITOYENS QUI PARLENT LA MÊME LANGUE, ASSOCIÉS, AVEC DROITS CIVILS ET POLITIQUES ÉGAUX, DANS LE BUT COMMUN DE DÉVELOPPER ET DE PERFECTIONNER PROGRESSIVEMENT LES FORCES SOCIALES ET L’ACTIVITÉ DE CES FORCES38.
19Ici - dans un moment où Mazzini collabore avec Buonarroti - la liberté et l’égalité sont considérées dans une acception politique et économique, avec quelques notes différentes par rapport à la susdite Istruzione generale della Giovine Italia de 1831. Il se propose, en effet, “l’abolition de tout privilège héréditaire”. En outre, il énonce une conception typiquement rousseauienne de la représentation, avec des échos indéniables du Contrat social, lu comme le lisaient, et justement, d’après moi, les républicains et les démocrates de l’époque. Dans l’idée de représentation comme nécessité empirique d’organiser ce que Locke appelait le pouvoir fédéré, c’est-à-dire direct, des citoyens, il y a aussi des échos directs ou indirects, peu importe, du Second traité sur le gouvernement de Locke39. Mazzini remarquait :
IL N’Y A QU’UN SOUVERAIN : LA NATION.
Tout pouvoir qui ne dérive pas d’elle est une usurpation. (...) Seule la nation a inviolablement le droit de choisir ses institutions, de les corriger, de les changer quand elles ne correspondent plus à ses besoins et au progrès de l’esprit social.
Mais, comme la nation ne peut pas se réunir toute en assemblée pour discuter et pour voter ses institutions, elle agit par délégation, en élisant un certain nombre d’hommes, dans lesquels elle a confiance, pour recueillir l’expression de ses besoins et de ses volontés, et pour l’ériger en loi.
LA VOLONTÉ DE LA NATION, EXPRIMÉE PAR LES MANDATAIRES QU’ELLE A CHOISIS POUR LA REPRÉSENTER, FORME LOI POUR LES CITOYENS.
20Mazzini est contraire à l’identification de la nation à la bourgeoisie propriétaire, qui était courante à l’époque, dans la France du suffrage restreint et, après, dans l’Italie unie (où 600.000 hommes votaient en 1861 et deux millions à partir de 1882)40. Toutes les “forces sociales” doivent, à son avis, être représentées, avec pleine parité des citoyens.
21Là, où une seule de ces forces est négligée, la représentation n’est pas nationale. La tendance de cette force à être représentée engendre la nécessité d’un changement radical. Partant, lutte, ou nécessité de révolution, non pas progrès tranquille et pacifique. En France et en Angleterre, où la seule propriété est représentée, il y a la guerre entre la classe laborieuse et la classe inactive : les prolétaires menacent d’insurger et ils insurgeront.
22Il faut remarquer ici, au moins pour la France, la perspicacité de ses observations et prévisions. Il y a ensuite le passage sur le suffrage universel, entendu comme nécessité immédiate, et aussi celui sur le rôle des députés.
23LA REPRÉSENTATION NATIONALE - écrit Mazzini -N’EST PAS FONDÉE SUR LE CENS, MAIS SUR LA POPULATION. Pour que la représentation soit vraiment nationale, il est nécessaire que chaque citoyen concoure à la former par sa voix. L’homme qui, de quelque manière, n’exercerait pas son droit d’élection, cesserait d’être citoyen. Le pacte d’association, ne comptant pas l’expression de sa volonté, lui paraîtrait tyrannique.
24Nous avons ici l’antécédent historique du principe typiquement italien -en vigueur dans notre Constitution de 1948 (actuelle), et bien différent de celui d’origine anglo-américaine selon lequel la voix est un droit de l’individu et pas un devoir -de la voix obligatoire, qui privilégie la dimension du devoir par rapport à celle du droit entendu d’une manière individualiste. Ici, pourtant, la voix obligatoire pour tous est fonctionnelle à la défense de l’universalité du suffrage. De cela il tire la conséquence politique constitutionnelle suivante :
D’ici, la nécessité d’instituer un système d’élections à différents degrés, dans lequel chaque commune est représentée.
Les mandataires de la nation doivent être rémunérés par la nation. Il leur est défendu toute autre charge publique, pendant l’exercice de leurs fonctions41.
25Ici aussi il faut remarquer une certaine modernité. À cette époque-là, les parlementaires n’étaient pas payés par l’État et n’avaient naturellement pas l’obligation d’être seulement des parlementaires. En Italie, la rétribution des parlementaires ne sera établie qu’en 1948 - à la naissance de la République démocratique - par la Constitution qui est encore en vigueur.
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26L’étape ultérieure de ce discours concerne la Constituante. En 1835, Mazzini aborde ce sujet dans Necessità d’una costituente (« Nécessité d’une constituante »), article bref et très clair42. Il reprenait un projet dont était rapporteur à la Diète fédérale helvétique un patriote italien, Pellegrino Rossi assassiné en 1848 -qui, après avoir été, en 1815, camarade de Murat, était devenu citoyen suisse et député, plus tard membre éminent du parlement français, et, pour finir, ministre de Pio IX. Dans ce rapport on proposait une révision du pacte confédératif de la Suisse dans un sens national, libéral-démocratique et fédéraliste, par une Constituante suisse nationale. Le projet, des radicaux, échoua ensuite, en 1836, à cause des catholiques et des conservateurs. De toute évidence, cette initiative devançait le passage de la Suisse du confédéralisme au fédéralisme, qui sera réalisé en 1848. Mazzini approuvait et considérait cette expérience comme un bon exemple pour la cause italienne. La Constituante démocratique était pour lui la voie obligée vers l’unité nationale républicaine. L’histoire le confirmait. Il remarquait à ce propos :
Quelle résolution prirent les États-Unis quand, après la paix avec l’Angleterre, l’impuissance reconnue de la constitution de 1778 rendit nécessaire un nouveau pacte ? La convocation d’une Constituante43.
27Il renforçait sa thèse par des exemples extraits de l’histoire suisse. Et sur la situation du moment -mais passant tout de suite des faits aux principes, comme à son habitude - il notait, à la façon de Hamilton :
Quel est le but du parti qui invoque la révolution fédérale ? La nationalité (...). À qui appartient de choisir le moment opportun ? À la nation. Où réside la force pour mettre à exécution le programme ? Dans la nation. Qui est le meilleur juge des intérêts nationaux ? La nation. Qui peut manifester la pensée nationale ? La nation. Comment peut-elle le manifester ? Par ses représentants. Comment la nation peut-elle constituer ses propres représentants ? En les déléguant par l’élection. Quel type d’élection faut-il choisir ? Celle au suffrage universel, uniforme, libre. Le peuple se réunit dans les assemblées primaires et vote : tout le peuple, car, autrement, l’élection ne relève pas la pensée nationale, mais une partie de cette pensée. Et les délégués de la nation constituent un congrès national, une Constituante. Elle rédige le Pacte National ; elle le soumet à l’approbation du peuple ; après, elle se confond de nouveau dans le pays.
Hors de ces principes, toute chose est illégale...44.
28On peut donc remarquer que Mazzini prévoyait le référendum confirmatif sur la Constitution vouée par une Constituante élue au suffrage universel. Ce n’était pas peu.
29Ces propositions eurent un grand retentissement même en 1848, année où, le 27 mai, il écrivait :
Que l’Italie dise comment elle veut être, et sous quels types de vie nationale que Dieu lui commande elle doit émerger représentée à tous ses fils et aux peuples de l’Europe... Qu’à Rome surgisse, pas une Diète, mais l’ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE ITALIENNE élue non pas par divisions d’États, mais par l’ensemble des citoyens d’Italie, avec des circonscriptions égales et avec une seule loi électorale45.
30Sur ces bases, il polémiquait, une fois de plus, contre les confédéralistes, qui étaient souvent son cible, comme dans son important écrit autobiographique et politique de novembre 1848 Ai giovani. Ricordi (« Aux jeunes. Souvenirs »), où, à un certain moment, il éclate en une apostrophe très significative :
Il n’y a qu’UNE ITALIE. L’Italie du Nord, les trois Italie, les cinq Italie sont des bêtises de sophistes ou des trouvailles de politique courtisane condamnées à l’impuissance dès leur apparition46.
31Même au cas où une assemblée nationale constituante ferait un choix de ce genre, Mazzini déclarait qu’il accepterait démocratiquement le résultat, se réservant de le combattre plus tard47.
32Mazzini tâchait de répliquer, par ces positions, aux critiques acrimonieuses de la gauche républicaine et fédéraliste, en particulier de Giuseppe Ferrari et de Carlo Cattaneo, pour l’amorce de confiance accordée à la Maison de Savoie pendant la première guerre d’indépendance48. Il essayait de démontrer qu’il avait bien disjoint sa conviction de la nécessité d’une alliance avec l’armée de la Maison de Savoie contre les Autrichiens de la question nationale. Certes, il en avait été ainsi, à partir de mai 1848. Mais on ne sait pas si c’était si évident déjà au mois de mars. En tout cas, pourtant, la ligne générale de sa pensée était celle que nous venons de rappeler, et que Mazzini a toujours confirmée : une ligne riche en arguments peut-être discutables, mais motivés d’une manière cohérente.
33Du reste, en 1843, Mazzini avait déjà développé la position que je viens d’indiquer dans l’article inoubliable, et solidement argumenté, Simbolo politico della Giovine Italia (« Symbole politique de la Giovine Italia »)49. Dans ce contexte, le mot “symbole” avait été employé comme une sorte de mot d’ordre, qui synthétisait la volonté du mouvement politique, identifiée à “L’UNITÉ NATIONALE”50. Une fois de plus, la polémique s’adressait contre l’orientation confédéraliste néo-guelfe, qui était représentée par Vincenzo Gioberti et par Cesare Balbo, et qui venait de s’exprimer avec force (Del primato morale e civile degli Italiani (« De la primauté morale et civile des Italiens ») de Gioberti avait été publié en 1843, avec un énorme retentissement, au moins pour l’époque, et Le speranze d’Italia (« Les espoirs d’Italie ») de Balbo paraîtra à Turin en 1844). Ces confédéralistes proposaient l’union, établie par un pacte, des États italiens sortis du congrès de Vienne (à l’exception des plus petits, qui auraient pu disparaître), sous l’autorité du pape ou de la Maison de Savoie. Ils sentaient vivement l’exigence d’une unité douanière italienne, à réaliser par l’indépendance des États, mais concertée avec l’Autriche. Dans ce cadre, ils souhaitaient une confédération d’États italiens, présidée par le pape, qu’on prétendait libéral ou bien qu’on pouvait convertir au libéralisme catholique, ou par le roi Charles Albert. Mazzini opposait à cela -selon une optique, à mon avis, encore romantique -le “sentiment national” ; il jugeait qu’une unité qui ne dérive que d’un pacte se base sur des raisons d’intérêt, toujours controversables et facilement révocables. Il identifiait les fédéralistes à “ceux qui acceptent la division de l’Italie en plusieurs États”, mais que nous appellerions aujourd’hui, on l’a dit, “confédéralistes”.
34En défendant sa conception unitaire de l’État national, Mazzini écrivait :
Il n’y pas de prospérité matérielle possible sans tranquillité et sans stabilité à l’intérieur, et sans indépendance de l’étranger. Et on ne peut pas espérer qu’une confédération italienne puisse produire l’indépendance et la tranquillité51.
35Il rappelait, en le critiquant, l’exemple de la Suisse, qu’il considérait, en tant que confédération, sans influence dans le panorama international et, surtout, sous l’emprise de Metternich, qui manœuvrait les contrastes entre les cantons catholiques et les cantons protestants, entre les traditionalistes et les démocrates. De sa part, en cas de solution de type confédéral, il craignait les contrastes entre les petits États italiens, si différents entre eux.
36Champ d’intrigues pour tous les gouvernements, l’Italie perdrait immanquablement son indépendance, si elle ne se constituait sur la base d’une unité forte, solide et redoutable52.
37Il faisait vibrer aussi la note de la “grandeur“, que, du reste, le mazzinien Mameli reprendra dans notre hymne national (“elle s’est ceint la tête de l’heaume de Scipion”), hélas, très rhétorique et, décidément, moins beau que la Marseillaise”. En effet il affirmait :
Dès le début de notre renaissance (risorgimento) nous serons puissants, craints, actifs par l’ardeur de nos facultés, maîtres de la Méditerranée, symbole pour les espoirs des peuples, appelés à un double développement, terrestre et maritime, de la vie nationale.
38Il reconnaissait que le fédéralisme pouvait convenir aux États-Unis et à la Suisse, mais non pas à l’Italie. En effet il remarquait :
Que le fédéralisme puisse être une nécessité -nous ne parlons pas des États-Unis, parce que la comparaison établie entre un continent avec une extension de 1.570.000 kilomètres carrés et une péninsule qui en compte 95098 est surtout ridicule (...) -mais, si nous parlons de la Suisse, où deux religions et trois langues se heurtent, nous le comprenons. Mais en Italie ?
39Il en tirait, pour l’Italie, l’idée de la combinaison d’un fort centralisme politique et une forte décentralisation administrative :
Donc, nous sommes et nous serons unitaires : unitaires, même si nous reconnaissons comme indispensable aux îles italiennes un système administratif spécial : une grande expansion de vie et de libre élection pour tout ce qui concerne les intérêts simplement locaux est indispensable à toutes les parties, même les plus petites, de la Péninsule53.
40Sur cette base, il précisait, une fois de plus, ses positions dans la brochure Agli Italiani (« Aux Italiens »), de mars 185354. Dans cet écrit aussi, il reprenait la polémique contre les fédéralistes, mais avec de nouvelles et importantes mises au point. Désormais, l’adversaire confédéraliste, contrairement à ce qu’il affirmait dans les autres écrits que nous avons examinés, ne pouvait plus être le néo-guelfisme, auquel Gioberti et Balbo avaient renoncé, se rangeant d’une façon plus ou moins critique, ou totalement, du côté de Cavour. Ses adversaires étaient plutôt les représentants du courant républicain, auxquels il s’était heurté polémiquement en Lombardie, en 1848. À ce propos, Mazzini faisait une distinction précise entre la position de Giuseppe Ferrari, le patriote proudhonien, qui l’avait toujours attaqué d’une manière rude, surtout dans son écrit de 1848 La federazione repubblicana (« La fédération républicaine »), et celle de Cattaneo, qu’il respectait, et avec qui, à la fin, il se serait réconcilié, et qui, du reste, avait exprimé de l’admiration et du respect pour sa position dans certains écrits55. Ferrari est appelé “manoeuvrier”, “esprit français au sens péjoratif, écrivain facile, hardi, superficiel, copiste des négations d’il y a soixante ans, sceptique pour ce qui concerne la foi, les principes et les doctrines”. Il avait affirmé que Mazzini “n’était pas, à vrai dire, républicain, mais alternativement monarchiste, papiste et je ne sais pas quoi d’autre ; ensuite, que l’Italie, pour se régénérer, avait besoin de deux choses : de devenir sceptique et française”56. En somme, il le voyait comme un philosophe qui était resté lié à un matérialisme athée proche du dix-huitième siècle avancé, et convaincu de la dépendance nécessaire de la révolution italienne de celle française, conviction que -on l’a vu -plusieurs représentants de la Carboneria de gauche partageaient, à qui, selon ses dires, Ferrari se rattachait. En effet, il appelait ce type de fédéralisme “Rejeton d’un vieux matérialisme, qui, incapable de saisir l’unité d’ensemble de la vie, ne peut, par l’analyse, qu’en déceler les manifestations locales et en ignorer la Nation et ses destins”, jusqu’à substituer “à l’idée de la mission de l’Italie dans l’humanité un problème de simple liberté et d’un égoïsme plus satisfait”57.
41D’autre part, il comprenait aussi que le fédéralisme républicain, celui de Cattaneo en particulier, exprimait des conceptions bien différentes, dont il cependant n’en saisissait plus la différence par rapport aux siennes, car son unitarisme - croyait-il - était très attentif au problème de la décentralisation effective des pouvoirs. En s’adressant à ce genre de fédéralistes il disait :
Mais, quand je pensais à la façon dont nous modérions l’idée d’unité et à la façon dont ils semblaient entendre le fédéralisme, je ne réussissais jamais à comprendre de quoi ils se plaignaient, où ce qu’ils voulaient. Comme eux, nous adorons respectueusement la liberté ; comme eux, nous avons horreur de la concentration administrative ; comme eux, nous réputons sacrée la spontanéité de la vie locale. Pour nous, en Italie il n’y a que deux éléments historiques : la commune, qui fut à l’origine du développement de notre vie ; la nation, but vers lequel se réalisa progressivement, d’époque en époque, la fusion de notre peuple.
42Ici il insérait une remarque qu’on peut rapporter à l’oscillation française entre les excès de localisme ou de communalisme, jusqu’aux limites de l’anarchie - je pense au fédéralisme libertaire proudhonien - et les excès de centralisme - néo-jacobin, babouviste, buonarrotien ou blanquiste -jusqu’aux limites de la dictature. En effet il remarquait :
Ce sont les deux éléments qui correspondent aux deux autres, violés alternativement par les systèmes du socialisme français, l’individu et la société dans chaque État ; et, comme ceux-ci, ils sont inviolables et doivent s’harmoniser, non pas se nier mutuellement58.
43Sur ce point, il ouvrait une confrontation critique, mais respectueuse et franche, avec Cattaneo ; il opposait le penseur (philosophe) politique lombard aux confédéralistes piémontais modérés, dont on a parlé, en affirmant :
J’entends -le Ciel me préserve de l’approuver ! -le fédéralisme monarchiste de Gioberti et de Mamiani ; ils sacrifient l’Italie, les principes, l’avenir à une prétendue opportunité ou à la couarde ambition d’une famille de princes. Mais le fédéralisme républicain, le fédéralisme qui n’a que trois voies devant soi -sacrifier la justice et les principes en respectant les États actuels ; affronter tous les obstacles rencontrés par les unitaires et encore d’autres, pour fonder arbitrairement une différente série d’États ; ou descendre, par une juste déduction logique, à la souveraineté de chaque clocher, aux cent ou aux deux-cents petites républiques, au moyen-âge, contre le mouvement qui avance vers de gigantesques unités nationales et qui fatigue l’Europe - ce fédéralisme, je l’avoue, est pour moi incompréhensible. Et je regrette qu’un esprit comme celui de Cattaneo, d’une capacité analytique si puissante, si riche en connaissances pratiques, consente d’être soupçonné d’une telle folie59.
44En réalité, son analyse, bien que très aiguë dans la perception des difficultés de ce fédéralisme et dans l’intuition d’une balance possible entre l’unité nationale et les pouvoirs locaux, sous-estimait les pulsions autoritaires que le fait d’imposer l’unité nationale dans une péninsule caractérisée par bien des différences historiques et culturelles aurait impliqués60, probablement même en cas de victoire des républicains (même si ces derniers auraient pu éviter certains désastres, ouvrant vers le communalisme et vers le régionalisme).
45C’était pourtant vrai -c’est aussi l’idée des fédéralistes européens agissant en Italie en époque républicaine, de Mario Albertini à Sergio Pistone -qu’avant de pouvoir dépasser l’État national - un peu comme pour le rapport entre capitalisme et socialisme en Marx -il fallait le faire61. Sur ce point alors, dans l’ensemble, si nous excluons, peut-être, le printemps lombard et italien de 1848, l’histoire était plus proche de Mazzini que de Cattaneo, et, malheureusement, plus proche de Cavour, avec sa Maison de Savoie, que de Mazzini.
46Les derniers mots du débat qui nous intéresse sont ceux de Mazzini, dans son essai de 1861, quand l’Italie était déjà presque unie (Rome exceptée), Dell’unità italiana (« De l’unité italienne »). Dans cet écrit il achevait des élaborations de 1833, qui exigeaient la suite. Il le faisait à la lumière d’un récent débat parlementaire, où la position du ministère Minghetti, libérale et modérément orientée vers la décentralisation -que la Chambre et le Sénat avaient initialement approuvée -, avait été ensuite battue par les centralistes radicaux, décidés à exporter tout simplement les institutions piémontaises dans toute la péninsule, de gré ou de force. Mazzini en profitait pour exposer d’une manière exhaustive sa pensée sur l’unité et sur la décentralisation des pouvoirs de l’État. Il optait avec force pour l’unité dans la diversité, c’est-à-dire pour l’unité et pour la décentralisation des pouvoirs conjugués. Il lui paraissait qu’il fallait maintenant tenir absolument compte des deux revendications (ce qui, peut-être, explique le rapport de grande collaboration, dans les décennies suivantes, entre les partisans de Mazzini et ceux de Cattaneo, de Jessie White Mario à Arcangelo Ghisleri, c’est-à-dire la longue unité d’action, dans l’Italie libérale, entre les républicains unitaires et les fédéralistes désormais réconciliés)62. En ouvrant son discours, Mazzini disait :
Dans un État bien réglementé, la nation représente l’association, la commune la liberté.
NATION et COMMUNE : ce sont les éléments NATURELS dans un peuple ; les deux seules manifestations de la vie générale et locale qui sont enracinées dans l’essence des choses. Les autres éléments, de quelque façon qu’on puisse les appeler, sont artificiels...63.
47L’organisation de l’État exigeait une “Constituante italienne élue au suffrage universel”64. Cette condition, qui ne pourra être réalisée qu’en 1946 en Italie, était considérée la seule base légitime et démocratique possible de l’État unitaire. À l’État, dans sa dimension unitaire, appartenaient des rôles fondamentaux tels que l’éducation nationale, à réaliser par l’entremise des Communes, et l’organisation de l’armée, considérée comme “la réglementation de la nation armée”, c’est-à-dire comme l’armée des citoyens, organisée de bas en haut, selon des formules déjà définies par Cattaneo, d’après le modèle suisse, et par Pisacane, par rapport au thème révolutionnaire du peuple armé, comme Della Peruta a démontré, et, en effet, revenant premièrement “aux soldats de chaque commune, devenus légion”, qui auraient “le droit de proposer, du degré inférieur au degré supérieur, progressivement, et selon certaines règles préétablies, les listes pour le choix des officiers”65. En outre, à l’État national devrait revenir la réglementation judiciaire et fiscale (les compétences de cette dernière devraient être partagées avec les Communes). À l’État national devrait aussi revenir la gestion du patrimoine et des biens publics, à administrer toutefois surtout par l’intermédiaire des Communes. En outre, l’État national devrait présider à toutes les fonctions de police, tout en assurant, ici aussi, un rôle important aux Communes. L’État national devrait s’occuper des oeuvres publiques d’intérêt national et de la protection du patrimoine artistique national, laissant pourtant ces compétences aux Communes, au cas où celles-ci en seraient directement intéressées. En outre, à l’État national devrait revenir toute la politique extérieure, mais avec le droit de contrôle garanti aux Communes.
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48En conclusion, il voulait un État national absolument décentralisé, qu’il opposait explicitement au modèle napoléonien et français d’État administratif centralisé fondé en 1799-180066. Il était donc contraire au modèle souhaité par la classe dirigeante libérale de droite au pouvoir, et surtout, paradoxalement, par le groupe démocratique pro-Maison de Savoie, dont le représentant le plus remarquable, par sa fidélité exceptionnelle à la monarchie, était l’alexandrin Urbano Rattazzi67. Sur son modèle d’État unitaire, mais très décentralisé, Mazzini se demandait, d’une manière rhétorique :
Où est le danger d’anarchie ou de tyrannie, avec une telle séparation des devoirs et des droits ? Où est le vice d’une nation incapable de suivre une voie de progrès et d’honneur, par la jalousie de localités presque souveraines et indépendantes, ou celui d’une commune esclave, comme la commune française, astreinte à recevoir les chefs et les commissaires de toute sorte envoyés par le gouvernement central et à se soumettre à son intervention dans la plus petite opération ?
49Il proposait des Communes avec au moins 20.000 habitants (éventuellement par une unification circonscriptionnelle), contre un déplorable “émiettement”, qui, par contre, en Italie, est resté jusqu’à nos jours. Il ébauchait surtout le dessin très simple d’une Italie structurée sur trois niveaux. Il remarquait sur ce point :
Je voudrais (...) qu’il n’y eût que trois unités politiques-administratives : la commune, unité primordiale, la nation, but et mission de toutes les générations qui vécurent et vivront à l’intérieur des limites que Dieu a visiblement assignées à un peuple, et la région, territoire indispensable intermédiaire entre la nation et la commune, indiquée par les caractéristiques territoriales secondaires, par les patois et par la prédominance des attitude agricoles, industrielles ou maritimes. L’Italie serait capable à peu près de douze régions, subdivisées en circonscriptions. Chaque région compterait cent communes environ, dont chacune n’aurait pas moins de 20.000 habitants.
50Il proposait l’éligibilité, naturellement au suffrage universel, des autorités communales et régionales, mais il voulait que dans chaque région on préposât aussi un commissaire gouvernemental, comme garantie de lien avec le centre. Il voulait la décentralisation sur le territoire même des bureaux d’intérêt collectif. Naturellement, il considérait décisif que Rome fût la capitale de l’Italie. Mais les compétences administratives ne devraient pas être situées là, mais dans les villes les plus grandes et les plus indiquées de la péninsule.
La Représentation nationale, le saint nom et le développement providentiel, du haut de ses collines, de la synthèse de l’unité morale européenne suffiraient à Rome.
51Il finissait par un appel, à vrai dire très rhétorique, mais qui bien exprimait les débuts de rupture entre les républicains et l’État libéral alors naissant ; c’était le désaveu du type d’État réalisé, qui fera du mouvement républicain un parti révolutionnaire, souvent à la gauche des socialistes, jusqu’à 1911, au moins :
Que Dieu disperse la secte mesquine qui pèse aujourd’hui comme un cauchemar sur le coeur de l’Italie, et que les Italiens, de nouveau sensibles à leur mission dans le monde, soient capables d’écrire dans un futur proche, à Rome, sur le Panthéon de nos martyrs, les deux mots qui symbolisent l’avenir : Unité et Liberté68.
52Avec ces mots, qui bien expriment l’esprit de Mazzini, la force de ses buts et aussi les limites de sa rhétorique, nous pouvons considérer exposé à grands traits le modèle d’État démocratique républicain propre de Mazzini et de ses adeptes.
Notes de bas de page
1 D. Richet, Campagna d’Italia, in F. Furet - M. Ozouf, Dizionario critico della Rivoluzione francese (tr. it. de D. Richet-M. Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988), Milan, Bompiani, 1994, t.1, pp. 3-17 et F. Furet, Bonaparte, in Ibid., t. 2, pp. 236-250
2 F. Buonarroti, Conspiration des Égaux dite de Babeuf, Paris, 1828, 2 t. Cf. A. Galante Garrone, Filippo Buonarroti e i rivoluzionari dell’Ottocento, Turin, Einaudi, 1951.
3 Cette thèse, qui mûrit à partir de 1831, a son plein développement dans l’important essai de Mazzini, Dei doveri dell’uomo, qui reprend des écrits divers, à partir de 1841, et les assemble, et qui paraît, dans sa version définitive, dans le périodique “Pensiero e Azione”, nn. 2, 3 et 5, entre le 15 septembre et le le novembre 1858. V. le texte in G.Mazzini, “Scritti politici”, sous la direction de T. Grandi et A. Comba, Turin, UTET, 1972, pp. 837-943.
4 F. L. Mannucci, Giuseppe Mazzini e la prima fase del suo pensiero letterario, Milan, Casa Editrice Risorgimento, 1919. V.surtout : AA.VV., “Mazzini e i repubblicani italiani. Studi in onore di Gerenzio Grandi nel suo 92° compleanno”, Turin, Istituto per la Storia del Risorgimento Italiano, Comitato di Torino, 1976, en particulier les essais de A. Galante Garrone sur Mazzini et sur Schiller et de E. Passerin d’Entrèves sur Mazzini et sur George Sand.
5 V. l’essai fondamental de I. Kant, Zum Ewigen Frieden, 1795 (tr. it. Per la pace perpetua, avec Introduction de N. Bobbio et sous la direction de N. Merker, Rome, Editori Riuniti, 1992). Sur cette question je renvoie aussi à mon essai Pace perpetua e unione mondiale, in “Stati e federazioni. Interpretazioni del federalismo”, avec Introduction et sous la direction de E. A. Albertoni, Milan, Eured, 1998, pp. 5-31.
6 Cf. l’intéressant essai de E. Passerin d’Entrèves, L’idea e i moti delle nazionalità, in “Storia delle idee politiche, economiche e sociali”, sous la direction de L. Firpo, Turin, UTET, t. V, pp. 321-409.
7 La thèse selon laquelle la philosophie des Lumières, française en particulier, est à la base d’une conscience nationale italienne a été soutenue par plusieurs auteurs, et d’une manière très documentée par E. Rota, Le origini del Risorgimento, Milan, Vallardi, 2 vol.
8 Pour la première période de la vie de Mazzini on considère encore intéressante l’ouvrage de A. Codignola, La giovinezza di G. Mazzini, Florence, Vallecchi, 1926. Sur Mazzini cf. surtout : B. King, Mazzini, Londres, 1902 ; D : Mack Smith, Mazzini, Milan, Rizzoli, 1993 ; S. Mastellone, Il progetto politico di Mazzini (Italia-Europa), Florence, Olschki, 1994.
9 F. Della Peruta, I democratici e la Rivoluzione italiana. Dibattiti ideali e contrasti politici all’indomani del 1848, Milan, Feltrinelli, 1958 ; F. Della Peruta, Giuseppe Mazzini e i democratici, Milan-Naples, Ricciardi, 1984. Mais la position de Mazzini a été mise en valeur d’un point de vue politique et idéologique surtout dans l’ouvrage, très important dans le cadre de l’historiographie marxiste des années Cinquante et Soixante, de G. Berti, I democratici e l’iniziativa meridionale nel Risorgimento, Milan, Feltrinelli, 1962.
10 V., sur cette question, ce que Mazzini écrit dans Note autobiografiche, 1861-1866, sous la direction de R. Pertici, Milan, Biblioteca Universale Rizzoli, 1986, pp. 124-125.
11 G. Mazzini, Manifesto del Comitato nazionale italiano, Losanna, settembre 1850 et G. Mazzini, “Scritti politici”, op. cit., pp. 679-686.
12 S. Ferro, La storia di Riesi, Caltanissetta, Salvatore Di Marco, 1934, pp. 68-75.
13 G. Mazzini, La Santa Alleanza dei popoli, “Italia del Popolo”, n. III, 26 octobre 1849 et G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 652-666.
14 G. Ferrari, “Scritti politici”, avec Introduction et sous la direction de S. Rota Ghibaudi, Turin, UTET, 1973 ; S. Rota Ghibaudi, Giuseppe Ferrari. L’evoluzione del suo pensiero (1836-1860), Florence, Olschki, 1969.
15 Sur ces questions cf. surtout : G. Candeloro, Storia dell’Italia moderna, vol. III : 1846-1849. La rivoluzione nazionale, Milan, Feltrinelli, 1960.
16 R. Bracalini, Mazzini. Il sogno dell’Italia onesta, Milan, Oscar Storia, 1994, pp. 343-344.
17 Cette conception du rôle d’avant-garde attribué par Cattaneo à la Lombardie dans la marche vers l’unification nationale, dont le fédéralisme républicain serait la justification idéologique, à été surtout soulignée par A. GRAMSCI, Quaderni dal carcere, en 1931-1932 : cf. la version complète et revue par l’Istituto Gramsci, sous la direction de V. Gerratana, Turin, Einaudi, 1975, II, p. 961. V. aussi C. CATTANEO, Notizie naturali e civili su la Lombardia, Milan, 1844, avec Introduction de E. Talamona et Préface de E. A. Albertoni, sous la direction de F. Livorsi, Milan, Oscar Mondadori, 2001. V. dans le même ouvrage l’essai de C. Cattaneo, La città considerata come principio delle istorie italiane, de 1858, avec Introduction de R. Ghiringhelli.
18 Les thèses de la gauche du Risorgimento, surtout cattanéenne, ont été reprises plusieurs fois par l’historiographie libérale socialiste et par l’historiografie marxiste. Pour ce qui concerne la première, V. l’ouvrage ‘classique’ : P. Gobetti, Risorgimento senza eroi, Turin, Baretti, 1926 ; C. Spellanzon, Il vero segreto di re Carlo Alberto, Florence, Parenti, 1953. Pour la deuxième, V. surtout les ouvrages de F. Della Peruta, et de G. Berti, mentionnés dans les notes suivantes.
19 Sur ce problème, V. les actes du congrès du Dipartimento Giuridico Politico dell’Università Statale de Milan, 1998, qui recueille les essais de E. A. Albertoni, P. Bagnoli, M. Bassani, G. Calabrò, L. Colucci, M. d’Addio, R. Feola, S. B. Galli, R. Ghirighelli, E. Guccione, G : La Rosa,F. Livorsi, S. Mastellone, Libertà e Stato nel 1848-49. Idee politiche e costituzionali, avec Introduction et sous la direction de F. Livorsi, Milan, Giuffré, 2001. La thèse qui souligne les conséquences bureaucratiques, centralisatrices, transformistes et aussi très autoritaires de cette manière de faire le Risorgimento, surtout à partir du Statuto de Charles Albert, a été soutenue par E. A. Albertoni dans cet ouvrage et encore dans l’essai Statualità e centralismo in Italia, in “Stati e Federazioni. Interpretazioni del federalismo”..., op. cit., pp. 163-232.
20 N. Rosselli, Mazzini e Bakunin. Dodici anni di movimento operaio in Italia (1860-1872) (1927), rééd. Turin, Einaudi, 1967; cf. surtout A. Romano, Storia del movimento socialista in Italia, Bari, Laterza, 1966-1967, I-III (vol. I).
21 K. Marx – F. Engels, Scritti italiani, a cura di G. Bosio, Milano-Roma, Edizioni Avanti !, 1955 ; IDEM, Corrispondenza di Marx e Engels con italiani, a cura di G. Del Bo, Milano, Feltrinelli, 1964 ; M. D’azeglio, Degli ultimi casi di Romagna, Firenze, Le Monnier, 1846.
22 G. Mazzini, A Carlo Alberto di Savoia. Un italiano, Marseille, Dufort, 1831 ; et in : G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 143-163. Il est utile de comparer l’essai de C. Spellanzon sur “le vrai secret de Charles Albert”, op. cit., à un ouvrage de l’historiographie “monarchiste”, peu profonde, mais riche en documentation, à revoir et à vérifier, de A. Luzio, Carlo Alberto e Mazzini, Turin, Bocca, 1923.
23 G. Mazzini, D’alcune cause che impedirono finora lo sviluppo della libertà in italia, “Giovine Italia”, a. II, fasc. II, pp. 57-97 et fasc. III, pp. 83-125. V. G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 215-279. Citation à la p. 263.
24 Ibid., pp. 265-266.
25 Ibid., pp. 269-270. Le soulignement est à moi.
26 G. Mazzini, Le classi artigiane, “Roma del Popolo”, nn. 7 et 8, 12 et 19 avril 1871 ; G. Mazzini, Il Comune e l’Assemblea, ibid., nn. 15, 17 et 18, 7 et 28 juin 1871, in G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 1059-1096.
27 G. Mazzini, Istruzione generale per gli affratellati nella Giovine Italia, Marseille, 1831 et in : G. Mazzini, “Scritti politici”, op. cit., pp. 164-172.
28 Le texte de G. Mazzini, Fede e avvenire, parut d’abord en français, à Berne, en Suisse, ensuite en France, en 1850 -avec une préface nouvelle -et finalement dans une traduction italienne de l’auteur. Cf. in G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 420-470.
29 Ibid., p. 441.
30 V. surtout : J. De Maistre, Considération sur la France, Lausanne, 1796. Dans la première édition, de Maistre définissait le protestantisme comme le sanculottisme dans le contexte religieux. À son avis, rendre personnel le jugement en matière de foi -contre le monopole interprétatif des textes révélés tenu par l’autorité consacrée préposée, comme l’était depuis toujours l’Église romaine -jeterait les bases de la théorie de la possible révolte du citoyen contre l’autorité politique en tant que telle. Pour de Maistre, la Révolution française marquait le début de la grande révolte du monde moderne contre le christianisme, une révolution profondément antichrétienne. Pour Mazzini, les religions ne meurent pas, mais elles renaissent sous des formes nouvelles.
31 K. Marx, Der 18te Brumaire des Louis Napoleon, 1852 (tr. it. Il 18 brumaio di Luigi Bonapart, a cura di G. Giorgetti, Roma, Editori Riuniti, 1964, pp. 44-45).
32 G. Mazzini, Fede e avvenire..., op. cit., p. 455.
33 Ibid., p. 444.
34 Ibid., p. 445.
35 Ibid., p. 455.
36 Ibid., p. 446.
37 G. W. F. Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte, Hamburg, 1996 (tr. it. Filosofia della storia universale, Secondo il corso tenuto nel semestre 1822-23, Sulla base degli appunti di K. G. J. Von Griesheim, H. G. Hotho, F. C. H. V. von Kehler, A cura di K. H. Ilting, K. Brehmer e H. N. Seelmann, Introduzione di S. Dellavalle, Torino, Einaudi, 2001).
38 L. Levi, Confederazione, in “Dizionario politico”, sous la direction de N. Bobbio, N. Matteucci e G. Pasquino, Turin, UTET, 1983, pp. 210-212.
39 G. Mazzini, Istruzione generale per gli affratellati nella Giovine Italia..., op. cit., p. 167.
40 V. Ravasi, Dal sacro romano impero alla Germania, Svizzera e austria, in “Stati e federazioni”..., op. cit., pp. 61-121.
41 G. Mazzini, Istruzione..., op. cit., p. 168.
42 G. Mazzini, I Collaboratori della “Giovine Italia” ai loro concittadini, “Giovine Italia”, fasc. IV, 18 janvier 1832, et in : “Scritti politici”..., op. cit., pp. 287-323.
43 Ibid., p. 316.
44 G. Candeloro, Storia dell’Italia moderna, voll. 10, Milano, Feltrinelli, 1956-1984 : vol. IV, Dalla rivoluzione nazionale all’unità. 1849-1860, 1966 ; vol. V, La costruzione dello Stato unitario. 1860-1871, 1968 ; F. Livorsi, L’Italia liberale. Il pensiero politico dal 1861 al 1920, Università in Alessandria, 1988.
45 G. Mazzini, I collaboratori della Giovine Italia ai loro concittadini..., op. cit., p. 317.
46 G. Mazzini, Nécessité d’une constituante, “Jeune Suisse”, n. 21, 9 septembre 1835. Le texte fut ensuite traduit en italien par Mazzini ; v. G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 398-400.
47 Ibid., p. 399.
48 Ibid., pp. 398-399.
49 “Italia del Popolo”, 27 mai 1848 et in : Ai giovani. Ricordi, Lugano, novembre 1848. In: G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 582-618.
50 Ibid., p. 611.
51 Ibid., p. 612.
52 Sur cette période V. surtout : G. Candeloro, Storia dell’Italia moderna III..., op. cit.
53 “Apostolato Popolare”, n. 12, 30 settembre 1843 et in: G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 554-559.
54 Ibid., p. 544.
55 Ibid., p. 555.
56 Ibid., p. 556.
57 Ibid. p. 558.
58 G. Mazzini, Agli italiani, Gênes, Moretti, 1853 et in : G. Mazzini, “Scritti politici”..., op. cit., pp. 701-759.
59 C. Cattaneo, Considerazioni al primo volume dell’Archivio triennale delle cose d’Italia, 1850-1856, in : “Scritti politici ed epistolario”, Firenze, Barbera, 1892-1901, I/III, vol. I, pp. 235-276.
60 G. Mazzini, Agli italiani..., op. cit., pp. 717-718.
61 Ibid., p. 720.
62 Ibid., p. 721.
63 Ibid., p. 722.
64 C’est la thèse de A. Caracciolo qui, dans Il Parlamento nella formazione del regno d’Italia, Milan, Giuffré, 1960, p. 57, après avoir documenté le centralisme bureaucratique et autoritaire imposé aux États unifiés, remarque que “la suprématie du modératisme, le ton conservateur si évident dans la classe qui pourtant fit des actions révolutionnaires, l’atmosphère qui faisait parler de la classe politique au pouvoir comme d’un ‘monde des sages’, n’étaient qu’en partie le résultat de l’abus d’un parti sur un autre ; c’était bien plus la conséquence de vides effectifs, dans le pays, d’énergies sociales, établies de façon organique et suffisamment répandues de tout côté, capables de créer un régime de liberté plus avancé”.
65 M. Albertini, Il Risorgimento e l’unità europea, Naples, Guida, 1979 ; S. Pistone, L’Italia e l’unità europea, dalle premesse storiche all’elezione del Parlamento europeo, Turin, Loescher, 1982, pp. 18-52.
66 V. l’essai de A. Comba, I repubblicani nella ricerca di un’identità. 1870-1895, in: “Mazzini e i repubblicani italiani”..., op. cit.
67 G. Mazzini, Dell’unità italiana, 1835/1861, in G. Mazzini, “Scritti politici”..., cit., pp. 944-953.
68 Ibid., p. 946.
Auteur
Professore di “Storia delle dottrine politiche” presso la Facoltà di Scienze Politiche dell’Università statale di Milano
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