Postface
p. 317-318
Texte intégral
1Une postface du directeur de l’IESR, fonction à laquelle je succède à l’historien Claude Langlois puis au sociologue Jean-Paul Willaime, n’a pas pour objet de délivrer l’imprimatur de l’Institut européen en sciences des religions ou un quelconque nihil obstat ! Que le lecteur se rassure, Philippe Gaudin a pu mener à bien selon ses objectifs propres un travail universitaire, sanctionné par l’obtention d’un diplôme de doctorat, dont le présent ouvrage est issu. Les positions qu’il exprime, ses analyses et sa lecture critique peuvent croiser par bien des aspects celles d’autres membres de la petite équipe que forme l’IESR, en lien avec un vaste réseau de chercheurs sur les faits religieux. Elles peuvent aussi s’en distinguer nettement tant le respect des missions confiées à chacun au sein d’une équipe n’exclut ni l’indépendance d’esprit ni la liberté de penser et d’analyser le contexte et les pratiques de ce qui n’est qu’une des facettes de l’IESR : le volet de ses activités qui concerne les faits religieux et la laïcité dans le monde scolaire. Plusieurs publications collectives de l’IESR, auxquelles Philippe Gaudin a pris part jusqu’à la dernière en date : Le Défi de l’enseignement des faits religieux à l’école. Réponses européennes et québécoises, tout récemment parue sous la direction de Jean-Paul Willaime (Riveneuve éditions 2014), ont étudié tant le contexte de la mise en place de cet enseignement que ses spécificités ou les difficultés qu’il pouvait rencontrer. Appuyé sur une solide documentation, l’ouvrage de Philippe Gaudin permet une mise en perspective et une synthèse des travaux antérieurs exprimant sur ces questions des points de vue divers, parmi lesquels l’IESR n’est qu’une des voix. Il s’en différencie toutefois par trois aspects : une ampleur de vue particulière, une grande liberté de ton, et les acquis d’une expérience de terrain très diversifiée.
2Une des principales originalités de l’ouvrage tient à la largeur de vue dans laquelle l’auteur inscrit le phénomène étudié. Loin de s’en tenir au contexte immédiat ou à une généalogie qui remonte souvent aux années 1990 et au rapport de Philippe Joutard, Philippe Gaudin estime ne pas pouvoir dissocier la réflexion sur l’enseignement des faits religieux d’une lecture plus globale des évolutions de la société française depuis les années quatre-vingt. En témoignent l’importance qu’il attache à l’analyse du Désenchantement du monde de Marcel Gauchet, mais aussi le souci qu’il a d’inclure dans son propos les rapports sur l’éducation rendus par Pierre Bourdieu puis par Jacques Berque, il y a plus de trente ans. Mettre en évidence, dès 1985, des questionnements parallèles à ceux qui vont conduire à réfléchir à la place des faits religieux dans l’enseignement se révèle très pertinent. Pour d’autres aspects, le regard de l’historien pourra s’étonner parfois de voir placé presque sur le même plan des textes et des notes qui ont connu des fortunes fort différentes en termes de diffusion, de notoriété et donc d’effets ou d’influences sur les discours publics. Mais Philippe Gaudin, philosophe de formation, cherche à comprendre et analyser tous les facteurs ; il se situe ici davantage dans une étude de l’histoire des idées et de la circulation des thèmes et non pas seulement dans celle des prises de position officielles.
3 Une des thèses de l’auteur est ainsi de souligner l’ancienneté de la thématique du « vivre ensemble » qui lui paraît très tôt sous-jacente dans l’argumentation en faveur de meilleure prise en compte des faits religieux à l’école, et ce même si tous les acteurs de l’époque n’en ont pas nécessairement été conscients. Il conduit à remettre en cause la nette distinction entre la valeur de l’argument culturel ou patrimonial souvent mis en avant dans les motivations premières et celle de l’argument politique du « vivre ensemble ». L’historien de l’art, pour sa part, ne pourra en effet manquer d’estimer que la question d’une culture commune et d’un patrimoine partagé de références littéraires ou artistiques au sens large n’est pas un aspect purement décoratif ou anecdotique d’une éducation, mais contribue bien à sa manière à la formation complète de l’individu et à l’inscription du citoyen dans une nation. C’est en ce sens que les différentes formes de méconnaissance des faits religieux, relevées dès les années quatre-vingt, s’inscrivent plus largement dans la perte d’une culture humaniste qui n’était sans doute que l’apanage d’un petit nombre. C’est aussi en cela que l’analyse des politiques éducatives permet des parallèles avec la mise en place de l’histoire des arts à l’école.
4Sans langue de bois, sans éviter la volonté de faire réagir en mettant au jour les simplismes des uns et des autres, et ce qu’il voit comme des impasses dans les discours critiques, Philippe Gaudin suit son fil. Il n’hésite pas à souligner l’effet décapant d’une introduction de l’enseignement des faits religieux peut avoir par sa capacité à faire entrer le regard critique sur les religions tant en histoire que dans les cours de Lettres ou de Langues, et pas seulement donc dans ses rapports avec les sciences de la vie et de la terre. L’auteur appuie son analyse sur une réelle expérience de terrain, d’abord en lycée puis comme professeur à l’Institut des jeunes aveugles ou encore en classes préparatoires HEC. Il n’a donc pas découvert la question de l’enseignement des faits religieux seulement par des recherches érudites et livresques, même s’il a été amené au cours de sa carrière à diriger aux éditions de l’Atelier la collection « Ce qu’en disent les religions » avec notamment des travaux sur la violence ou l’injustice, ou à publier une étude sur la Religion de Nietzsche. L’expérience de ces dernières années l’a en outre conduit à assurer de nombreuses formations sur la philosophie de la laïcité et sa pratique dans le monde scolaire devant les publics les plus divers. Sa mission à l’IESR suppose en effet des liens fréquents avec la Ligue de l’enseignement et une bonne connaissance des travaux du Haut Conseil à l’Intégration puis de ceux de l’Observatoire de la laïcité. Philippe Gaudin a ainsi été amené très directement à confronter les réflexions théoriques et les aspects concrets qu’implique une meilleure prise compte des faits religieux et de la laïcité dans l’enseignement. Il a pu en dégager les atouts comme mettre au jour certaines impasses, aussi est-ce nourri d’une expérience diversifiée que ce livre exprime des convictions personnelles et donne véritablement à penser à tous ceux qui s’intéressent aux évolutions des politiques éducatives.
Auteur
Directrice d’études à l’EPHE, directrice de l’IESR
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