Le XIXème siècle à la recherche d’un citoyen éclairé
p. 363-374
Texte intégral
18 septembre 2003. Depuis le grand amphithéâtre de la Sorbonne, lieu chargé de symboles par excellence et pénétré de l’écho des magistrales conférences d’histoire et de philosophie qui ont marqué le xixème siècle1 "un grand débat public sur l’école2" est annoncé comme un événement de portée nationale. L’éducation serait ainsi un enjeu crucial pour la société et pour les hommes politiques au pouvoir. D’ailleurs qui ne se souvient avoir vu en vidéo ou avoir vécu les immenses manifestations de 1984 en faveur de la liberté de l’enseignement qui jetaient dans la rue à Rennes, Lyon, Lille, Versailles, Paris, des centaines de milliers de français de tous métiers et de toutes confessions qui militaient pour le libre choix par les parents de l’École où seraient instruits leurs enfants avant d’entonner d’une seule voix le célèbre chant de Giuseppe Verdi "Liberté". Après ces mobilisations qui par vagues successives secouèrent l’opinion publique, le projet d’un grand service public laïque et unifié s’évanouissait3
2Bien avant, que de joutes oratoires passionnées au Parlement lorsque fut débattue la loi Debré du 31 décembre 1959 qui posait les fondements d’une politique contractuelle entre l’État et l’enseignement privé4.
3Décidément, la question scolaire ne cesse d’être un sujet aussi fédérateur que porteur de fractures irréductibles. Qu’on en juge, le quotidien le Monde publiait, il y a une vingtaine d’années, des réflexions empreintes de consternation notamment celles de François Mitterrand sur la conception de l’histoire véhiculée par les nouveaux manuels des classes de seconde.
4A priori, l’instruction, l’éducation des enfants ne serait qu’une affaire de famille : choix des maîtres, de l’école, des savoirs, des carrières5...Or, depuis 1789, l’instruction publique est un enjeu majeur : tous y investissent des espoirs, souvent contradictoires, à partir de la conviction partagée que l’éducation donnée constitue à faire de l’homme naturel, un être civil, un citoyen qui identifié à l’être social, acquiert sa liberté, puis l’exprime par son vote6.
5En 2003, si l’enfant suit évidemment la voie déterminée par ses parents eu égard à leurs conceptions et à ses propres aptitudes, ce choix ne s’exerce que dans un cadre et selon des normes définies par la puissance publique. On veut transmettre des connaissances, les programmes scolaires sont fixés par une commission nationale, mais on veut également transmettre des "valeurs".
6Et la République, à ce titre, tient l’école en bride, même si elle en transfert la gestion aux collectivités territoriales ou si cette gestion – en partie contrôlée – relève d’organismes privés qui constituent de puissants lobbies7. Le choix enseignement privé – enseignement public est lié, souvent, aux convictions sociales et familiales mais l’instruction dispensée est partout identique et n’est valablement et légalement sanctionnée que par l’État.
7Parallèlement, la formation des maîtres et leur évaluation relève d’un jury national Seules peuvent différer les méthodes et pratiques pédagogiques. Tous auront les mêmes références intellectuelles, pas de différenciation selon les appartenances sociales, géographiques, ethniques, religieuses. Au nom de l’égalité entre tous, de la fraternité8 inscrite dans la devise républicaine, il s’agit de faire de l’homme civil un homme politique apte à s’exprimer lors des consultations électorales. Là se situe le nœud gordien : l’instruction s’inscrit dans une logique idéologique susceptible de fonder un régime politique, d’en assurer la stabilité, la permanence et de le légitimer9.
8Le débat est passionnel car il touche au plus profond des intérêts et des certitudes de chacun. Nul qui veut orienter l’éducation n’oublie que "les familles demeurent la pépinière de l’État".
9Déjà, sous l’Ancien Régime, ce sujet avait été au cœur de polémiques, de luttes et de querelles tant politiques que philosophiques. En 1789, alors que sont solennellement proclamées la liberté de conscience et d’opinion, l’égalité entre les hommes, tout est à inventer mais dans une perspective nouvelle : il faut former non plus le sujet, le chrétien, mais le citoyen, le patriote, le républicain. L’école oppose les fils de Voltaire aux fils des croisés.
10Dès 1790, Mirabeau10 se montre farouchement hostile à toute liberté d’enseignement nuisible à la cohésion nationale. Seuls des maîtres au service de la morale publique peuvent être les garants de la formation de l’intelligence et de l’esprit de la jeune génération. Et Talleyrand11 insiste en déclarant que l’école crée le bon citoyen. Il ouvre la voie aux propos de Condorcet qui milite pour un enseignement des principes de l’ordre social et la diffusion d’une éthique républicaine12
11Alors que le discours révolutionnaire se radicalise, Le Peletier de Saint-Fargeau, fort d’une conception spartiate, proclame que l’État est le maître de l’enfant élevé pour servir la République : "La totalité de l’existence de l’enfant nous appartient, la matière ne sort jamais du moule".
12Quel enthousiasme en l’an III quand il faut recruter des instituteurs ! On en appelle "aux patriotes des deux sexes qui joignent à un sincère attachement à la République des talents, des lumières, des mœurs pures afin qu’ils en portent le tribut dans ces écoles qui doivent régénérer les mœurs d’un grand peuple"13. L’École est décidément le pré-carré des gouvernants qui veillent avec un soin jaloux à ce qu’aucune influence funeste ne puisse corrompre le petit homme. Beau dessein, mais les moyens font cruellement défaut. Le droit à l’instruction élevé au rang des droits fondamentaux depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen votée le 23 juin 1793 et placée en tête de la Constitution de l’an I14 demeure un rêve, une utopie en dépit des multiples décrets.
13Pour Bonaparte, de toutes les institutions, la plus importante est l’instruction publique. Tout en dépend, le présent et l’avenir, il faut qu’une génération entière puisse être jetée dans le même moule15. Cependant, son champ d’action prioritaire n’est pas l’enseignement primaire ; il abandonne aux administrations locales le recrutement et la surveillance du maître. Les préfets s’acquittent de cette mission avec zèle, même si certains se bornent à s’enquérir lors de leurs tournées des compétences des maîtres et de l’état des locaux sans mettre en œuvre de véritable "politique" scolaire. A cette époque, on se sert des congréganistes pour pallier la carence en instituteurs16. En revanche que d’efforts pour le lycée impérial, donc pour l’enseignement secondaire qui prépare la relève des "masses de granit" sur lesquelles l’Empereur s’appuie pour établir la pérennité de son régime. Les listes de notabilités, le système électoral, les modalités de recrutement de la haute fonction publique, les conditions d’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur ou d’accès à l’auditorat au Conseil d’Etat17 concourent tous sans équivoque à privilégier la formation d’un petit nombre susceptible de participer à la vie publique.
14Puis, comme au rythme alternant d’une escarpolette, dès 1815-1816, des voix s’élèvent pour souligner que l’école n’est pas destinée à servir des vues politiques. Une ordonnance royale précise alors qu’à l’avenir ne seront acceptés que les maîtres qui seront pourvus d’un certificat de bonne conduite signé à la fois du maire et du curé18. Cependant, bien qu’apparemment à jeu égal, l’Église se rebelle car l’État se réserve le pouvoir de nommer in fine les instituteurs desquels on exige même un serment de fidélité monarchique.
15En ces années d’alliance entre le trône et l’autel, il va de soi que l’éducation devrait reposer tout à la fois sur la religion et la Charte. En 1829, on recense déjà 24.000 écoles primaires pour 38.000 communes mais elles sont fort irrégulièrement fréquentées car les mentalités ne sont pas prêtes : les notables préfèrent les précepteurs, les parents qui tirent leurs revenus des manufactures et ateliers privilégient le travail rémunéré de l’enfant qui rapporte quelques francs par an : l’urgence du quotidien l’emporte sur le long cheminement qui conduit à l’élévation de l’esprit.
16De toute façon, et toutes les sources concordent, lois, décrets, règlements, circulaires, institutions, littérature, le sujet de l’école est indissociable de la place dévolue tant à l’Église qu’à l’État par la société. Dans ce contexte, la pièce prend des allures de drame cornélien puisque chaque acteur est convaincu de son exclusive légitimité à encadrer l’enfant afin qu’il ne soit pas perverti par des idées condamnables qui n’en feraient qu’un bien piètre citoyen19. La conception du "citoyen éclairé" apparaît ainsi avec toutes ses facettes, ses ambiguïtés et ses contradictions. La Lumière vient-elle des préceptes de l’Évangile, de la Raison, de la Science ?
17La direction des esprits, la maîtrise de l’opinion publique hantent les maîtres du pouvoir tout au long du xixème siècle et s’il apparaît une méthode pour s’assurer du contrôle des pensées, c’est assurément l’éducation qui façonne un être nouveau, affranchi de ses passions. Le citoyen qui émerge après un cursus d’instruction est le porteur de la volonté générale. En parallèle de l’obstination à maîtriser le contenu de l’enseignement se situe un autre débat qui mobilise les énergies, celui du mode de suffrage censitaire ou universel, qui apparaît dans les rivalités politiques et au travers des multiples lois électorales20. Les enfants ont-ils tous vocation à devenir des citoyens qui participeront par leurs votes à la vie publique ? Faut-il privilégier la formation d’une élite ou parvenir à la démocratisation par l’école ? Éduquer un citoyen éclairé, est-ce récompenser des mérites ou reconnaître un droit inné (I), comment y parvenir (II) ?
I - ÊTRE CITOYEN, RÉCOMPENSE DES MÉRITES, ÊTRE CITOYEN, UNE FONCTION
- La citoyenneté liée à la vertu et aux mérites
18Une citoyenneté ainsi définie se décline à partir d’un cens, et de capacités. L’argent est l’étalon à partir duquel tout se mesure surtout le droit d’être acteur de la vie publique. Les notables légitimistes, orléanistes, conservateurs, libéraux représentent des courants de pensée qui s’affrontent autour d’une question clef : l’enseignement est-il un instrument de promotion culturelle ou de conservatisme social, doit-il être un monopole de l’État ou a-t-il vocation à être libre ?
19Déjà en 1822, le Général Foy21 affirme que la jeunesse ne doit recevoir qu’une instruction nationale. Cette proclamation, à l’instar de nombreuses autres dans les années qui suivent, doit s’apprécier comme une réaction vis-à-vis de la multiplication des écoles tenues par les religieux et religieuses qui amène à soutenir que le droit d’instruire n’appartient qu’à l’État car c’est un droit sacré22.
20Enfin Guizot vint !
21Selon lui, l’école modernisée libérera de la tutelle de l’Église, mais reconnaît néanmoins qu’il faut un minimum de religion pour façonner la morale et la vie sociale23. Sa logique est civique, religieuse, domestique : il prend appui sur ce socle d’idées, a un souci évident et politique du compromis, joue habilement entre conservateurs et libéraux et écarte ainsi le tout-État et le tout-Église. Il a la conviction qu’une bonne loi sur l’enseignement est le point d’orgue d’une politique réformatrice, que la foi chrétienne est complémentaire de la démocratie moderne. Il se situe à la fois dans le sillage de Condorcet pour lequel l’instruction est la condition de l’émancipation et est le porte-parole des orléanistes qui confèrent à l’éducation la vocation de fonder les supériorités sociales sous le contrôle de l’opinion éclairée. La représentation est confirmée en qualité de fonction et non de droit. Elle ne peut que s’élargir avec les progrès de l’instruction. Toutefois, Guizot doit compter avec la bourgeoisie conquérante en opposition avec les légitimistes, grands notables catholiques favorables à une forte implication cléricale dans les différentes formes et étapes du processus éducatif24. La loi du 28 juin 1833 est ainsi élaborée au sein du Conseil royal de l’instruction publique. Elle institue un enseignement populaire de masse contrôlé25 et inaugure une ère de progrès et de popularité. En revanche, à cette date, Guizot n’a pas pris position sur la question de l’enseignement secondaire, le plus influant puisqu’il forme les classe éclairées et qu’il demeure au cœur de la polémique entre le monopole de l’État et la liberté de l’enseignement. Or, les notables considèrent comme une atteinte inacceptable à l’ordre social toute critique du clergé mais hésitent à exprimer avec force leurs convictions et leur foi dans la liberté de l’enseignement afin de n’être ni en contradiction avec la Charte, ni hostiles aux libertés publiques. Le débat, des salons, des salles de rédaction des journaux, des antichambres et cabinets ministériels gagnera l’enceinte parlementaire. Victor Cousin et Adolphe Thiers sont des défenseurs acharnés du contrôle de l’État sur les établissements : tous les citoyens de la même patrie, également admissibles aux emplois publics doivent être imprégnés, marqués du même esprit civil.
22Ainsi menacer le monopole de l’université, c’est menacer l’État ; le défendre, c’est défendre les principes légués par la Révolution. Edgard Quinet, du Collège de France, dénonce les menées cléricales, fait le procès des jésuites, de cette milice pontificale hostile à la liberté des individus et des peuples. Il oppose l’église catholique autoritaire à l’esprit chrétien de 1789 qui fonda la liberté de conscience. Pour Michelet, admettre la liberté de l’enseignement, c’est réclamer des droits autres que ceux des citoyens, c’est aller contre la nationalité française, c’est combattre l’idée républicaine construite autour des idées de nation et de fraternité.
23L’opposition riposte en invoquant la priorité des droits du père de famille, et forte de l’appui du parti catholique libéral, affirme qu’il est urgent de réconcilier l’Église avec la société moderne et que l’époque est révolue où les prêtres et prédicateurs de la religion étaient tout spécialement avides de maintenir l’ignorance et soucieux de contenir le progrès des lumières. Guizot n’aime ni l’anticléricalisme, ni l’intolérance religieuse, il laisse se développer le conflit entre deux surenchères. L’État n’interviendrait qu’en protecteur, formule que rejettent les libéraux qui redoutent que soient créés deux types distincts de citoyens si on acceptait d’écouter et de se laisser convaincre par Montalembert qui assure, selon eux à tort, à cette date que le prêtre et le professeur se portent un mutuel et réciproque appui. Le débat en dépit des avancées législatives est toujours loin d’être clos !
24Alors que février 1848 marque la fin de la domination d’un esprit voltairien et l’avènement d’une égalité fraternelle, il convient de promouvoir une instruction démocratique, populaire. Carnot, ministre de l’instruction publique est profondément parqué par le discours de Charles Renouvier exprimées dans le "Manuel républicain de l’homme et du citoyen26" qui se présente sous la forme d’un dialogue entre le maître et l’élève. Le citoyen vit dans une République et y prend une part de souveraineté ; il doit obéissance à la loi ; l’enseignement est un devoir pour le citoyen afin de pouvoir exercer des fonctions politiques, son vote est une fonction éclairée par l’acquisition de savoirs. La crainte de la démocratie, assimilée à la ploutocratie ou à l’anarchisme, provoque la mutilation du suffrage universel27. Les notables pactisent avec les cléricaux, se coupent de la philosophie des Lumières et en 1850 admettent successivement que les congréganistes puissent enseigner et que la liberté d’enseignement soit légalement reconnue28. L’Église peut ouvrir de nombreux établissements, l’Université conserve la collation des grades. Immédiatement, des voix vilipendent le parti de la réaction ; l’assimile au parti jésuite : Victor Hugo met sa plume au service de l’unité scolaire.
- Aussitôt la laïcité devient le drapeau républicain
25Alors recommence la recherche d’un équilibre entre les prérogatives de l’État et le respect des droits du clergé, mais à partir de 1860, la question scolaire, donc celle de la formation du bon citoyen, sans quitter les luttes d’influences et de domination s’appuie sur de nouveaux concepts.
26La foi dans la science et la raison sonnent le glas du message religieux. Ernest Renan oppose le remède de l’éducation à la décadence de la Nation ; la renaissance nationale tient tout entière dans la réforme scolaire, il milite pour une formation rationnelle proche d’un civisme républicain. Jules Ferry veut limiter les droits naturels pour valoriser l’éducation des citoyens et en arrive à une pédagogie de la raison par laquelle chaque membre du contrat social trouve son universalité : c’est une réconciliation posthume entre Rousseau et Condorcet.
27Le pouvoir spirituel ne trouve sa réalisation que dans l’éducation républicaine qui conduit à la démocratie. Enfin ! la démocratie et la liberté vont être unies par l’école et la République, instrument de régénération qui fait de l’homme un citoyen éclairé29. La démocratie est ici une force d’intégration en marche, l’école joue alors un rôle capital dans la mise en valeur et la promotion des talents ; Gambetta peut donc annoncer la venue de "nouvelles couches sociales", les classes moyennes formées à la raison, délivrées de la tyrannie obscurantiste du clergé30.
28Le centre du combat politique est constitué par l’école élémentaire, foyer de la culture démocratique. Seule l’école laïque unit vertu civique et délibération rationnelle. La cité est enfin capable de réunir tous ses enfants dans la fraternité civique. L’idée de laïcisation constitue le ciment de l’idéologie républicaine31. C’est à travers elle que se concilient tradition révolutionnaire et philosophie positiviste32. "Qui tient l’école, tient le monde ; qui tient les écoles de France, tient la France. L’avenir de la République est en jeu".
29De toute évidence, un tel programme ne pouvait se réaliser que si l’ensemble des institutions publiques étaient guidées par la même main. Et c’est à partir de 1879-1880 que les républicains détenteurs de tous les postes de décision et de gouvernement vont pouvoir donner corps à leur doctrine. Ministres, parlementaires, hauts et petits fonctionnaires seront tous unis pour promouvoir l’école, la vraie, la seule, celle de la République et pour abattre celle des congréganistes33. On sait que dans ce combat, le droit et la violence s’entrechoquèrent. L’un fut violé par l’autre pour que triomphe l’école laïque précurseur de la République laïque qui dès le 9 décembre 1905 ne reconnaît ni ne salarie aucun culte.
II - COMMENT Y PARVENIR ?
30Que l’on veuille élever à la dignité de citoyen, celui qui aura donné des preuves qu’il en possède les mérites, que l’on veuille conférer sans distinction le statut de citoyen et le droit de voter avec discernement, il faut des instruments afin d’éduquer, donc un corps enseignant et des programmes. Dans ce domaine aussi, la lutte est âpre entre les tenants du tout-État et ceux qui prônent la liberté de l’enseignement.
- Le maître d’école
31C’est le 20-21 avril 179234 qu’on déclare que les maîtres des écoles primaires "s’appellent instituteurs et qu’ils ont des devoirs vis-à-vis des autorités qui les instituent".
32Le maître d’école de la Monarchie de Juillet doit avoir foi dans la providence, la sainteté de son devoir, la soumission à l’autorité paternelle, le respect dû aux lois et au Prince35. Sa profession participe des fonctions publiques bien qu’il n’attende sa récompense que de Dieu36. Sa vertu est l’humilité qu’il apprend comme la civilité dans les écoles normales. Il garantit l’ordre et la stabilité, son action contribue à réduire la délinquance et la criminalité. Ne jugea-t-on pas en 1841 alors que sera discutée et votée la loi relative aux conditions de travail des enfants, que ceux qui ne fréquentent ni l’école, ni l’atelier "déguenillent" et vagabondent ? Charles de Rémusat déclare même que l’instituteur a un rôle social puisqu’il contient les malheureux et évite ainsi les troubles sociaux37
33Il est contrôlé par des comités locaux de surveillance composés du maire et du curé. En 1833, 32.000 instituteurs pourvus d’un certificat de moralité prêtent serment au Roi, à la Charte. Afin de susciter des vocations, la loi Guizot dispense du service militaire, ceux qui ont souscrit un engagement décennal.
34Incontestablement, l’instituteur devient le serviteur de l’État, l’interprète de ses idées, de ses vœux : "vous n’ignorez pas qu’en vous confiant un enfant...le pays... vous demande de lui rendre un bon citoyen...". Les préfets incitent les communes à voter des crédits pour rémunérer les instituteurs, les députés cherchent à se gagner des appuis parmi les maîtres, le Conseil Royal de l’instruction publique exerce sa vigilance sur le personnel. La mission première et prioritaire de l’instituteur est d’apprendre la lecture et l’arithmétique mais parallèlement il doit dispenser une solide formation morale et religieuse38. Guizot avait bien écrit dans sa circulaire du 8 juillet 1833 que les familles attendaient de lui qu’il leur rende un honnête homme par l’affermissement des principes de morale et de raison, par l’éloignement des doctrines religieuses ou politiques qui mettent les adolescents en révolte contre l’autorité des conseils domestiques et qui déstabilisent l’ordre universel. Mais, avisé, prudent, louvoyant, Guizot ajoutait aussitôt (pour se concilier Montalembert ?) que l’accord du prêtre et de l’instituteur était plus que désirable afin d’exercer sur les enfants une commune influence.
35En ces temps de libéralisme, on hésitait à confier trop largement au Léviathan la mission enseignante. Cependant la réaction ultramontaine est immédiate alors que s’accroissent, de fait sinon de droit, les emprises sur les carrières des instituteurs, les catholiques redoutent le contrôle de la puissance publique, les légitimistes la centralisation et ces craintes se cristallisent avec le projet Salvandy qui transformerait les 38.000 instituteurs en fonctionnaires publics39.
36Après les journées révolutionnaires de 1848, on stigmatise ces "petits rhéteurs de village qui propagent des doctrines socialistes40". Montalembert et Monseigneur Dupanloup les assimile à des insurgés, opposent l’armée anarchique et démoralisatrice des instituteurs à l’armée des curés41. C’est dans un climat politique agité, au cours de discussions violentes que la loi du 15 mars 1850 dite loi Falloux assure que seront indistinctement nommés maîtres d’école les clercs et les laïcs s’ils sont retenus par le conseil communal à partir de la liste dressée par le conseil académique. Le combat fait rage et se prolonge entre les "ignorantins", esprits de la réaction, et les "rouges" instituteurs laïcs, promoteurs d’un nouveau monde.
37Quand est attaqué l’enseignement dispensé dans les écoles congréganistes, on vise une pédagogie, on fait le procès des vertus chrétiennes et aux mêmes moments, dans les classes des écoles normales, on se réfère encore et toujours à Voltaire.
38La bataille ne se limite pas au champ clos de l’enseignement primaire : il convient d’étroitement contrôler l’enseignement secondaire et supérieur. Le lycée a reçu sa charte lors de sa fondation. Le casernement est la règle, le professeur est de préférence célibataire ; ici, la querelle se place sur le contenu des programmes et la place dévolue à l’histoire et à la philosophie42 ce qui dépasse l’univers du lycée pour atteindre celui de l’université où la destinée des disciplines dites subversives ou révolutionnaires est soumise aux caprices des gouvernants43.
39Or, c’est du lycée que proviennent les cadres futurs de la nation, et l’idée commence à s’ancrer que le mérite et le diplôme contribuent à la promotion sociale. La tâche du professeur est, à cet égard, gratifiante. En revanche, cet homme de savoir forme les électeurs et les éligibles des années prochaines sans que lui-même, maigrement payé, puisse prétendre une fois déposer son bulletin de vote devant le président du collège électoral44.
40Écartelé entre des rivalités qui atteignent une dimension politique bien éloignée de son univers quotidien, l’instituteur communal fonde des espoirs sur le fonctionnariat ; il ne serait alors plus la proie de "tyranneaux locaux" mais ce statut nouveau offrirait-il des garanties telles que même lors d’un changement politique il conserverait sa classe et son école ?
41Avec l’école républicaine, le rôle politique du maître d’école et sa place dans la société changent. Il devient le pionnier du nouveau régime45. L’alliance entre lui et le parti républicain est scellée : il a vocation à former une génération ennemie irréductible et irréconciliable des superstitions absurdes, amie de la science et des progrès.
42Fonctionnaire de la République, il se doit à elle. Tous ses efforts doivent tendre, et sans répit, à "fabriquer" de bons républicains. Le voici devenu au fil des décennies, missionnaire de l’État. Jules Romains l’assimile au calme fantassin de la République universelle46. Ils sont nommés par l’inspecteur d’académie qui les déplace et les révoque, qui fixe le montant de leur indemnité de logement47.
43Mais tandis que 35.000 instituteurs servent l’idéologie républicaine, les congréganistes tiennent l’enfant et son éducation. Les empiétements tolérés, si ils ne sont acceptés ; provoquent de violentes rivalités au sein de nombreux villages. Chaque camp veut grossir son armée. L’institutrice peut devenir l’ennemie de la religieuse, peut être soupçonnée de conspiration, de fomenter des complots48.
44Ferdinand Buisson assigne aux instituteurs une tâche qui passe par l’école et qui la dépasse : contenir les écoles privées, s’unir à son député sans défaillance, afin que par un mouvement rectiligne, des lois scolaires de Jules Ferry on aboutisse à la séparation des Églises et de l’État. Dans cette perspective, l’instituteur devient une monnaie électorale49, un agent électoral. Le gouvernement conduit par les radicaux mène ses campagnes électorales avec les maîtres d’école comme d’autres les ont conduites avec le clergé50.
45La milice des instituteurs "hussard noirs de la République" exerce un sacerdoce laïc. La laïcité est la finalité spirituelle de la nation à déchristianiser. L’éducation diffuse sans répit la conception d’un monde moderne fondé sur la Raison.
- Mais quel enseignement doit-on dispenser ?
46Celui qui a été appris dans les écoles normales mais aussi celui qui est régulièrement scandé lors des conférences pédagogiques départementales51.
47La défaite de 1870 a été ressentie comme celle de l’éducation : Daniel Halévy soulignera que "c’est le maître d’école prussien qui a vaincu et le maître d’école français sera l’agent du relèvement". Alors on ne peut que suivre les propos tenus antérieurement par Victor Cousin "celui qui a les meilleures écoles est le premier peuple". On relit Victor Duruy, on veut se donner une conscience nationale et collective. A cette fin, l’histoire des héros est exaltée car il convient de pouvoir s’y identifier52. L’enjeu est considérable : substituer à un idéal chrétien, un idéal national ; substituer aux vertus des Saints de l’Église celles des grandes figures de l’histoire de l’État. Pour réussir, une méthode, celle de la narration qui implique chaque écolier dans un vécu collectif, qui lui donne le sens de la patrie et qui lui assure que l’honneur de servir n’est pas l’apanage d’une élite mais le triomphe de chacun, enfant de la laïque.
48On ne peut que rapprocher cette volonté de panthéonisation des grands hommes du dessein grandiose du Roi-citoyen qui, en refusant le palais de ses aïeux, le sauva de la ruine en y élevant un sanctuaire dédié "à toutes les gloires de la France53". Le visiteur, citoyen ou non électeur pouvait déjà rêver devant le preux chevalier Bayard ou le magnifique Prince Murat qu’il avait le loisir d’idéaliser. Il ouvrait la voie qui conduisit Anaïs Nin à écrire "J’ai rêvé que je sauvais la France, que Jeanne d’Arc était avec moi et qu’elle chantait !".
49Les programmes scolaires étaient également conçus afin de forger une unité nationale. L’étude récente conduite par des historiens est particulièrement éclairante sur le contenu des manuels scolaires54 tout comme l’est la comparaison entre les sujets d’examens proposés au certificat d’études.
501792-1833-1880 : des lois fondatrices, des étapes dans la démarche qui conduit à rendre l’instruction publique obligatoire. Des repères, sur une toile de fond faite de déchirements, de réconciliation, de blessures au nom d’idéologies qui ne cessent de s’affronter afin que le petit français devienne un "citoyen éclairé". Alors que les passions semblent s’apaiser, que les écoliers au nom de la liberté d’opinion et de conscience, de l’égalité reçoivent des formations similaires au nom de l’éducation à la citoyenneté, sourdement puis à l’occasion plus vivement l’idéal qu’on a tenté d’étouffer comme une hydre endormie peut réapparaître.
Notes de bas de page
1 Les conférences de Victor Cousin sont notamment demeurées célèbres, tout comme celles de Renan, Michelet, Jules Simon, Edgard Quinet qu’elles aient eu lieu à la Sorbonne ou au Collège de France.
2 La commission Thelot a adressé un questionnaire comprenant 22 questions à discuter au cours de 15.000 réunions publiques afin de préparer un projet de la loi d’orientation scolaire.
3 Programme commun de gouvernement, parti socialiste, parti communiste, mouvement des radicaux de gauche, Paris, 1973, p. 27 : "tous les secteurs de l’enseignement initial et une partie importante de l’éducation permanente seront réunis dans un service public unique et laïque dépendant de l’Éducation nationale".
4 R. Drago, L’administration de l’enseignement de 1945 à 1980, in, Histoire de l’administration en France 1789-1981, Genève, Droz, 1983, p. 146.
5 D. Roche, Les républicains des lettres, Paris, 1988, Ch. XIV-XV, p. 331-371.
Au xixème siècle, la littérature sur ces thèmes livre des portaits aussi séduisants que vifs. Ceux de A. Musset, A. de Vigny et Stendhal demeurent aussi célèbres que ceux du précepteur de S. David et du maître de pension de E. Regnault écrits pour Les français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841,.
6 Pour J.J. Rousseau, être citoyen, c’est participer, or le citoyen est intégré au grand tout social, l’effet de citoyenneté transporte le moi dans l’unité commune. En 1849 par exemple, le prêtre est le personnage clé du vote paysan dans l’ouest puisqu’on associe pratique religieuse et vote à droite.
7 En 1848, le lobby parlementaire catholique défendait la liberté de l’enseignement ; les jésuites ont été constamment attaqués par les positivistes ; les ordres religieux ont été accusés d’enlacer l’homme de la naissance à la mort et ainsi d’éduquer une classe sociale aux idées fortes et différentes de celles des enfants des écoles publiques. Au xxème siècle encore, les gouvernements doivent compter avec le secrétariat général de l’enseignement catholique.
8 M. Borgetto, La notion de fraternité en droit public français, Paris, L.G.D.J., 1993, p. 689
9 Selon Charles de Rémusat, l’éducation est le meilleur remède pour atténuer la crise sociale, l’instituteur doit contenir les malheureux et éviter les troubles sociaux.
10 Selon lui les maîtres sont au service de la Nation qui doit les enchaîner à ses plans ; ils ne peuvent être en opposition avec la morale politique.
11 Talleyrand présente le 10, 11 et 19 septembre 1791 un "Rapport sur l’instruction publique" au nom du comité de Constitution : "l’instruction publique qui est attachée à la Constitution embrasse tout ce qui peut perfectionner l’homme naturel et social", Archives parlementaires, XXX, p. 447, septembre 1791.
12 Condorcet, dès 1791, avait publié cinq mémoires sur l’instruction publique. Il est rapporteur du projet élaboré par le comité d’instruction publique devant l’Assemblée Législative : il ne peut y avoir d’éducation publique que libre, ouverte à la raison critique donc neutre et laïque.
13 "La loi du 27 brumaire vient d’ouvrir à la France une source féconde de prospérité et de bonheur" ; et décret du 27 brumaire, an III (17 novembre 1794), Ch. IV, instruction et régime des écoles primaires.
14 R. Lafore, le droit à l’instruction dans les déclarations de l’an I, in, Les déclarations de l’an I, PUF, 1995, p. 163s.
15 Fourcroy, rapport du 27 février 1806, in, "Rapports, Etats, Tableaux de l’instruction publique", Paris, 1806 : "Tant qu’on n’apprendra pas dès l’enfance s’il faut être républicain ou monarchiste, catholique ou irréligieux, l’État ne formera point une Nation, il sera constamment exposé aux changements".
16 Le 4 août 1810, l’enseignement primaire est confié aux frères des écoles chrétiennes, bien que le 15 février 1805, Napoléon ait évoqué la nécessité de former un corps enseignant civil, séculier, public pour assurer l’unité morale de la Nation.
17 L’auditorat est créé par arrêté du 19 germinal an XI ; à partir du 1er janvier 1813, ceux qui aspireront au titre d’auditeur devront être licenciés en droit ou es-sciences.
18 Louis XVIII en 1814 proclamait qu’il fallait "supprimer toute entrave, laisser une liberté entière....[que] les parents, maîtres de leurs enfants, cesseront d’être dans la cruelle nécessité de les abandonner à l’ignorance ou de consentir à leur perversion", in, Montalembert, Discours, Paris, 1860. L’ordonnance du 29 février 1816 dispose qu’un comité cantonal composé du curé, du juge de paix, du sous-préfet et du maire nomme et révoque les maîtres ; l’autorisation du recteur demeure indispensable.
19 En 1829, la direction de l’instruction publique est l’affaire du gouvernement. C’est un droit indispensable pour l’accomplissement d’un grand devoir. Il convient de souligner que la direction des Cultes et celle de l’instruction publique sont liées en 1824, 1830-1832, 1848 et 1870.
20 Les lois électorales successives de 1815 à 1848 fixeront le montant du cens qui permet d’être électeur et éligible : 240.000 citoyens à la veille de 1848 participent à la vie publique. Le décret Cormenin qui institue le suffrage universel porte à neuf millions le nombre de votants.
21 Il défend le monopole de l’Université, s’inquiète de la montée en puissance des séminaires. Quelques accents de ses propos annoncent ceux que proféreront à la fin du siècle Waldeck Rousseau.
22 De 1809 à 1842, la population scolaire des collèges royaux et communaux passe de 26.622 à 38660 élèves ; celle des établissements d’enseignement secondaire privé s’accroît de 20.000 élèves.
23 Guizot a trouvé à Genève l’héritage de Rousseau ; le gouvernement des esprits est une garantie de l’ordre et de la stabilité sociale.
24 Montalembert est un des chantres de la liberté de l’enseignement : "Chrétien et catholique...ma foi est outragée par le monopole de l’université... Tout ce que nous demandons, c’est d’être libres de son joug et nous n’avons pas attendu le triomphe de la liberté en France pour demander celle de l’enseignement", in, Montalembert Discours, Paris, 1860, T.I.
25 Selon Guizot, la condition humaine s’améliore d’autant que son niveau intellectuel est élevé ; la liberté n’est assurée qu’au sein d’un peuple éclairé, l’enseignement primaire est une nécessité économique, sociale, politique. "Comme tout, dans les principes de notre gouvernement, est vrai et raisonnable, propager les lumières c’est assurer l’empire et la durée de la monarchie constitutionnelle, l’instruction primaire est une des garanties de l’ordre et de la stabilité", in, Guizot, Œuvres, TIII, p. 344-350. Le Conseil royal de l’instruction publique, jaloux de ses prérogatives, restreint par une application stricte la marge de liberté concédée par la loi du 28 juin 1833. Victor Cousin a présenté le 21 mai 1833 à La Chambre des Papes, Le Rapport sur le projet de loi relatif à l’instruction primaire, Archives parlementaires, LXXXIV, p. 50 s.
26 Charles Renouvier, Manuel républicain de l’homme et du citoyen, 1848, Paris, Pagnerre, 1848, p. 36.
27 Victor Hugo, Discours à la Chambre, 20 mai 1850, "Le côté merveilleux, profond, politique du suffrage universel, ce fut d’aller chercher... l’être courbé sous le poids des négations sociales... Vous, législateurs...savez-vous ce que vient de faire cette loi fatale... elle vient proposer à l’Assemblée l’abolition des droits de suffrage pour les classes souffrantes".
28 La loi Parien autorise tout congréganiste à devenir instituteur (11 janvier 1850) ; la loi Falloux reconnaît la liberté de l’enseignement, notamment supérieur (15 mars), le 31 mai, le suffrage universel est seulement "accordé" aux citoyens qui résident depuis 3 ans dans la même commune.
29 Journal le Temps, 25 mars 1882 : "il ne faut pas s’y tromper, c’est peut-être l’événement le plus considérable de notre temps La direction de ce que l’on pourrait appeler l’âme traditionnelle de la France va changer de mains ; aux doctrines d’autorité vont succéder celles du libre examen. Les générations qui sortiront de ces écoles nouvelles ne ressembleront plus aux anciennes".
30 Les hommes politiques reprennent ici les propos de Pierre Roger Ducos en avril 1792 à l’Assemblée Législative ; Victor Hugo lance une diatribe contre les jésuites, âmes de la réaction et qui cloîtrent la pensée dans le dogme ; Renan est favorable à une masse populaire dénuée d’idéal religieux qui repousse tout principe supérieur à la volonté des individus.
31 Paul Bert affirme que la science révèle des lois naturelles méconnues par la religion ; Littré milite pour le couple républicanisme-positivisme.
32 Ligue de l’enseignement, 1882, in, A. Debidou, L’Église Catholique et l’État sous la IIIème République, Paris, 1906, T. 1, p. 303s.
33 Les décrets de mars 1880 dont l’exécution provoqua la dissolution des congrégations avaient assurément pour finalité d’interdire toute forme d’enseignement aux congréganistes. C. Lecomte, Les préfets et les congrégations religieuses (1880-1883), in, La loi du 28 pluviôse an VIII, deux cents après : Le préfet et les libertés, PULIM, 2001, p. 135s ; J.P. Machelon, La République contre les libertés, Paris, 1976.
34 Cette titulature est reprise dans le décret du 29 frimaire-5 nivôse an II (19/25 décembre 1793) "Les citoyens et citoyennes qui se vouent à l’instruction seront désignés sous le nom d’instituteurs".
35 Guizot, circulaire du 8 juillet 1833 adressée aux instituteurs : "il faut qu’un sentiment profond de l’importance morale de ses travaux le soutienne et l’anime".
36 Guizot, ibid. : "C’est sa gloire de s’épuiser en sacrifices de travailler pour les hommes et de n’attendre sa récompense que de Dieu...Aussi voit-on qu’une pensée religieuse s’est unie au goût des lumières et de l’instruction".
37 L. Trenard, Les instituteurs à la veille de 1848, in, Actes du 90ème congrès des sociétés savantes, Nice, 1965. Dans les écoles, on institue le banc des pauvres ; les enfants des fabriques pouvaient prétendre à un enseignement gratuit.
38 Guizot, ibid. : "Que l’instituteur ne craigne pas d’entreprendre sur les droits des familles, en donnant ses premiers soins à la culture intérieure de l’âme de ses élèves".
39 Thiers, Procès-verbaux de la commission extraparlementaire de 1849 ; "Les instituteurs sont 35.000 socialistes et communistes, véritables anti-curés dans les communes".
40 En 1845, Meunier lance l’Écho des Instituteurs ; en 1848, il amorce un courant d’opinion qui veut donner à l’instituteur un rang de fonctionnaire.
41 "Il y a deux armées en présence, l’armée des instituteurs et l’armée des curés", Montalembert qui dénonce une évolution des institutions scolaires, lance cette affirmation alors qu’il défend avec Thiers la loi Falloux.
42 Sous l’autorité de Victor Cousin, les catholiques reprochent à l’Université d’avoir émancipé de la religion les programmes et les cours.
43 En 1854, la classe de philosophie est remplacée par une année de logique. Dans les Facultés de droit, les places assignées dans le cursus au droit constitutionnel et à l’histoire du droit seront souvent contestées. C. Lecomte, La Faculté de droit de Paris dans la tourmente politique, 1830-1848, in, Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 1990, n°10-11, p. 59 s.
44 En 1846, la Gazette spéciale de l’instruction publique note que dans les trois-quarts des collèges électoraux, il n’y a pas un seul universitaire.
45 F. Buisson, Œuvres, Paris, 1911, "Dans la commune même où il n’y avait pas encore un seul républicain, il y en aura un, ce sera lui". Déjà en 1852, le recteur de l’Académie de l’Isère indiquait à ses instituteurs que leur mission était de soutenir le candidat au gouvernement.
46 Eugène Rendu, Manuel de l’enseignement primaire, Paris, 1881.
47 Lettre d’une institutrice, 24 mai 1897, in, Les premières institutrices laïques, Paris, 1980.
48 L’avenir de la Meuse, 15 novembre 1882. "L’instituteur fréquente-t-il le maire ? on l’accuse de comploter avec le curé... On le dénonce comme un professeur de jacobinisme... Reste-t-il à l’écart, il a tous les partis pour ennemis".
49 Selon Un instituteur de Lozère en 1882, "beaucoup de politiciens de l’époque nous considèrent comme une sorte de monnaie électorale", et il n’était pas rare que des déplacements d’office aient lieu, faisant suite à es élections où l’instituteur avait osé se prononcer contre le favori de la préfecture.
50 Paul Bourget, Le péril primaire, in, Sociologie et Libéralisme, Paris, 1895.
51 Registre des conférences pédagogiques de Dourdan, Seine et Oise, 1872.
52 Les historiens qui entouraient Guizot avaient aussi la volonté de réunir et de publier les documents fondateurs de l’histoire nationale ; en 1833 est créée la société de l’histoire de France. Michelet a le sens de la fraternité des citoyens qui est annonciatrice de la laïcité
53 Louis-Philippe déjà avait tracé le sillon en élevant le château de Versailles au rang de Musée "À toutes les gloires de la France" et en faisant réaliser une multitude de peintures représentant chefs de guerre et célébrités qui ont donné à la nation ses plus beaux titres. Le Roi soustrait Versailles au contrôle du parlement, en fait une dotation de la Couronne par la loi qui est votée le 2 mars 1832, et c’est par l’ordonnance de Cherbourg du 1er septembre 1833 qu’il décide de créer un musée inauguré en 1837.
54 G. Bruno, Le tour de France par deux enfants, "La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instruction civique". Ce manuel fut vendu à près de 600.000 exemplaires.
Auteur
Professeur agrégée à l’Université de Versailles St. Quentin en Yvelines
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