De la sujétion à l'idée de citoyenneté aux îles d'Amérique (XVIIè-XVIIIè s.)
p. 245-256
Texte intégral
1Les notions de sujétion dès la fin du xviie siècle et de citoyenneté dans le second versant du xviiie siècle, sont au cœur même de l'évolution de l'histoire sociale et politique française et antillaise. Les archives juridiciaires ne manquent pas : les arrêts, les Mémoires, missives des Administrateurs et Secrétaires d'Etat prouvent que le souci de la justice, la nécessité de la tranquillité et du repos public, de la sécurité des sujets est au cœur des préoccupations de l'administration monarchique louisquatorzienne puis des Lumières. Il serait intéressant d'évoquer ici brièvement la montée de l'idée de citoyenneté et sa revendication dans les différentes couches sociales de la population - et la relative mise en sommeil de l'ancienne conception du milicien-sujet du roy - qui paraît inévitablement liée à la progression de l'idée de représentation des colons à la fin de l'Ancien Régime. Les prises de position d'un grand physiocrate incompris par la classe des planteurs à son époque, que fut Mercier de La Rivière, ne laissent pas de surprendre mais elles tentent de substituer une vision plus raisonnée et cartésienne de la science administrative - qui repose déjà dans les cartons du Pouvoir - à l'antique conception qu'ont encore de leurs libertés et privilèges MM les Membres des Conseils souverain de la Martinique et supérieurs des Antilles ainsi que les hobereaux alliés ou affairistes qui les soutiennent. L'histoire des dernières décennies de l'Ancien Régime aux colonies d'Amérique ne peut laisser indifférent le lecteur qui honnêtement découvre paradoxalement une véritable "révolution tranquille" s'opérer dans ces possessions lointaines qui par plus d'un irait ne cessent d'apparaître comme un véritable laboratoire institutionnel qui mit très tôt en pratique de nombreux chantiers de réformes
2Un auteur a pu écrire, s'agissant du cadre colonial antillais sous l'Ancien Régime que "d'une part, si la volonté assimilationniste existait, elle n'était pas totale elle se juxtaposait à des particularismes importants, telles la fonction de gouverneur ou l'existence de milices ; d'autre part, la société antillaise était à l'époque dualiste : à la communauté des esclaves, des affranchis et gens de couleur régie par le Code Noir se superposait celle des planteurs, davantage concernée par la logique de l'État". J. Mérillon admet cependant que "cette construction juridique reposait, quoi qu'on vienne de dire, [non pas] sur une théorie.., mais plutôt sur une démarche empirique". D'où, la tendance de la majorité des auteurs à faire remonter les premiers linéaments de l'idée de citoyenneté à 1848 et 18711. Une telle vision fait abstraction de l'évolution administrative antillaise antérieure à 1789 et de la réalité sociale fort complexe, non pas duale mais complexe et multiforme des Antilles, qui ne contredit en rien l'existence de strates sociales intermédiaires, une sorte d'estat mitoiien déjà nombreux comprenant naturellement des affranchis, des libres de savanne, mais aussi des petits blancs issus des engagés, artisans et commerçants, des petits fonctionnaires de la Marine ou du Domaine etc.)
3De plus, reviennent fréquemment tout au long du xviiie siècle les thèmes de la protection des habitans, de leur sécurité et du repos public. Une querelle sourde oppose vivement generaulx, intendans, administrateurs de la Marine et magistrature au sens strict en ce domaine. Les arrestations, incarcérations arbitraires sont dénoncées par Messieurs du Conseil souverain de Martinique et les membres des Cours supérieures de Guadeloupe et Saint-Domingue. Avec la restructuration administrative louisquatorzienne les compétences respectives des Administrateurs généraux ne sont pas strictement limitées car la volonté de Versailles est d'obliger ces derniers à se soutenir mutuellement, à collaborer. Si, précise L. R. Abenon2, "tout ce qui touche la police est du ressort de l'intendant, le gouverneur général peut envoyer chercher un habitant par un garde lorsqu'il est question de service, mais il doit empêcher que les gardes n'usent de violences et de voies de fait'3". Mais à l'ambiguïté fondamentale de la répartition des compétences entre les Administrateurs royaux4 ainsi que sur la naturelle sauvegarde des sujets du roi s'ajoutera, plus tardivement, celle de la "question sociale" qui a trait à l'Homme même, et nous ne serons pas surpris de voir apparaître peu à peu dans les rapports concernant nos contrées lointaines les termes de citoyen, de bonheur, de représentation... Ainsi donc se superposent dans les colonies françaises d'Amérique non seulement la naturelle opposition entre la poussée autonomiste et la revendication à l'assimilation juridique mais encore le délicat problème du passage de la simple qualité de naturel fanscois aulx isles à celle de citoyen, revendiquée par les habitans, les gens de la classe intermédiaire, les Libres, ingénus et petits blancs... A vrai dire deux époques successives marquent le passage de la sujétion pure et simple à des autorités royale et seigneuriale5 vers l'avènement de l'idée de citoyenneté aux xviiie siècle deux temps nécessaires, le premier favorable à la rupture avec toute idée de féodalité, typique de la politique colbertienne, le second, qui traduit les aspirations communes au siècle des Lumières, à l'Aufklärung catholique, à la pensée des physiocrates, aux hommes de progrès transposées en terres d'Amérique.
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4Nous sommes à l'origine en présence d'une conception militaire de la colonie6, composée avant tout de sujets du roi, miliciens, "portant armes", ce que dénotent les divers recensements des îles dès la fin du xviie siècle7. Tel est le premier tableau qui se présente à nos yeux. Ceci est de nature à expliquer les interventions fréquentes du gouverneur-général voire des gouverneurs particuliers à l'égard des colons et des premiers habitués8. Ces derniers devront dès 1679 mettrent un bémol puisqu'une dépêche du Secrétariat d'État expédiée au général de Blénac précise : "J'estime nécessaire a mon service et au repos de mes subjets de maintenir la deffense que j'ai faicte aulx gouverneurs particuliers de ne fere mestre aucun habitan en prison de leur authorité9"
5La difficulté résulte du fait que le gouverneur était jadis, c'est-à-dire avant 1679, le premier représentant de Sa Majesté, un militaire, dont la tâche consistait à régenter une population tumultueuse à la fois civile et milicienne. De ce point de vue, il disposait d'une juridiction générale à la fois contentieuse et gracieuse10. Comme au temps du Conseil souverain première manière, il était juge de tout ce qui ne ressortissait pas expressément à l'intendant de la Compagnie des Indes Occidentales. Tout ce qui avait trait de près ou de loin à la police des militaires11, à l'honneur des officiers de la Marine12, au tumulte, à la sécurité des rades routes et ports13, aux droits et devoirs des miliciens relevait de son autorité. Il estimait à tort ou à raison être en droit de corriger en vertu de son imperium les sentences injustes ou peu équitables, à l'instar du préteur urbain à Rome, et notamment en matière de stipulations ou de contrats innomés14. Et l'intendant, par dépi, même après 1679, de répondre à différentes plaintes à lui exposées de façon laconique : "Il est différent de juger et de gouverner". Plus tardivement de véritables conflits de juridiction opposeront nos Administrateurs généraux15 et ceux-ci au Conseil souverain. On trouve semblable problème au Canada16 et dans les gouvernements particuliers des Antilles entre gouverneurs, commissaires-ordonnateurs et conseillers des cours supérieures17. Les conflits sont en principe tranchés avec fermeté et doigté par le secrétaire d'Etat de la Marine ou son Premier commis18. En fait, dès l'Edit de mars 1685 ou Code Noir Louis, la notion de sujet du roi est clairement affirmée pour les colons et constitue l'un des effets paradoxaux de ce texte qui paraît par ailleurs justement si rétrograde et monstrueux à une partie de la Doctrine19.
6Le climat social évolue sensiblement dès la fin du xviie siècle. Les couches bigarrées de la population des îles d'Amérique se constituent lentement ; elles sont remuantes. Or le maintien de l'ordre public colonial impose une stricte réglementation pour contenir chacun en son état et régler l'état de chacun.
7La justice aux colonies est avant tout une justice surveillée. De nombreux traits prouvent cette assertion. Tout d'abord il est à noter que l'intendant de justice police et finances issu du corps de la Marine considère sa fonction comme prolongeant directement celle du roi ; à ce titre il est chef de la justice réglée, il peut intervenir ad nutum et à tout moment au profit des justiciables. Les intendants, dès la fin du xviie siècle, exercent fréquemment, par la voie de l'évocation ou même de la prévention, une sorte de justice parallèle dont s'émeuvent à plusieurs reprises MM. les conseillers de la Martinique20 qui, se sentant dépossédés, n'hésitent pas à affirmer : "Nos roys, qui ont commis des abus infinis (...) dont ils pouvoient être susceptibles, ont, par un effet de profonde sagesse et par amour du peuple, fini par establyr des loix qu'ils ont voulu estre inviolables". A l'inverse, le roi demandait traditionnellement aux intendants "de veiller a ce que lesdits juges soient maintenus dans leur fonction sans y être troublés21." De telles observations ne concernaient-elles que les immixtions du Gouverneur-général ? On en doute.
8Ces précautions ne sont pas inutiles même si elles sont parfois jugées insuffisantes ; elles n'assurent pas toujours aux habitans un personnel de justice de qualité. A preuve, l'intervention de Mgr l'intendant s'avère parfois nécessaire pour opérer un changement de juge lorsque celui-ci fait l'objet d'une requête en suspicion lors de l'instruction préparatoire dite des faits et articles22 ou agit en opposition aux intérêts des justiciables. En Martinique et Guadeloupe, des conseillers23 ou des procureurs24 sont parfois suspendus de leurs fonctions en raison de leur esprit de chicane25, parfois de leur insubordination, de vices particuliers26 ou de leur incompétence. Face aux prétentions des officiers de la magistrature locale, les critiques des agents royaux - et notamment de l'intendant en poste - ont l'allure de cinglantes leçons :
"J'ai trop reconneu depuis qu'ils ont appris que Sa Majesté me rappeloit que leur intention estoit d'attirer toutes choses au Conseil27, de s'en rendre maître absolu, de décider de tout au detriment du general et de l'intendant... Ceulx de la Martinique se sont asses Net entendre a ce sujet, ilz n'ont pas cache leur dessein. Ilz ont mesme pris a plaisi (...) a le publier. Hz ont bien voulu qu'on n'ignore pas qu'ilz nécessiteroient le general et l'intendant d'en passer par leur voulonte en tourte chose. Ilz pourroyent s'éloigner de la fin qu'on doit proteger ce quy est le bien public et general. Hz l'abandonneraient volontiers pour suyvre l'interest particulier du bien de leurs familles28."
9Dans le fond, la pensée de l'intendant Patoulet se résume dans l'affirmation que l'autorité de cette cour et de ses conseillers créoles et de la Marine ne devrait s'étendre que sur les différends concernant les sujets du roi entre eux ! Hors la compétence judiciaire, nulla salus ! Il est intéressant de constater que, déjà, la problématique majeure consiste plus dans la protection des individus que dans la revendication d'une forme d'autonomie des insulaires en cette fin du xviie siècle... d'où les critiques véhémentes des conseillers créoles contre les règlements de juge et les évocations fréquentes opérées en vertu du principe de justice retenue par l'intendant29.
10L'aspiration a plus d'indépendance pendant la Régence de Philippe d'Orléans n'est assurément pas surprenante30. L'autorité monarchique est alors affaiblie par la pratique de la polysynodie ; les distances accentuent le problème. Surtout, à l'instar des parlementaires du royaume, les magistrats martiniquais, aidés des principaulx de chaque mandement et des quartiers ainsi que des colonels de la milice s'insurgent contre la décadence morale et financière de l'île et l'arrogance des gens d'épée31. Durant l'expérience affligeante de ce régime aulique, le secrétaire de la Marine écrivit à l'intendant Bénard "d'avoyr attention a proposer pour les fonctions de juges les plus honnestes d'entre eulx, les moins processifs et les plus interressez, estant d'une grande consequence que la justice soit promptement rendeüe et que ceulx quy sont choisis pour la rendre n'engagent pas eux-mesmes les habitans a intenter des procez les uns contre les auttres32". Semblable préoccupation apparait à la lecture de nombreuses plaintes dressées contre les juges ou parfois des procureurs.
11Après les multiples avatars de la guerre de Sept Ans et l'attitude des planteurs anglophiles il importait de revenir aux exercices de la paix Les projets se multiplièrent selon J. Tarrade dans les cartons de Versailles33. Notamment il était question de réorganiser l'administration générale et de diminuer l'influence militaire en matière de justice et de laisser œuvrer la magistrature dans sa mission essentielle. Le Conseil souverain le 24 janvier 1754 adressait à MM. les Membres du Bureau des colonies les représentations suivantes :
"... premièrement on ne trouve nulle part que les généraux soient authorisés a fere le procez des sujets du roy, non plus a prononcer des amendes contre eux Mais on trouve bien des la depesche du 11 juin 1680 que l'intendant de roy est que tout aime commis entre soldats et habitans, et mesme par les soldats, hors les cas de desertion et de contravention des ordres de la guerre, soient de la compétence des juges ordinaires. On trouve encore que le roy deffend qu'on assemble des conseils de guerre contre les habitans et que S. M. veut qu'ils soient jeügés par des juges des lieux mesme pour les crimes commis sous les armes... Deuxiesmement, l'Officier de la garnison avoit formellement contrevenu à l'article XIII du Resglement du Roy du 1er 8bre 1727, lequel deffendoit a ceux-cy de se mesler de la police des habitans34. "
12On note donc la revendication majeure des juges à pouvoir accomplir librement et dignement leurs fonctions à l'instar des conseillers de la Métropole. L'opposition entre gens de justice - naturels protecteurs des sujets royaux - et Administrateurs va prendre un tour nouveau dès le milieu du xviiie siècle.
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13Avec l'arrivée de l'énergique intendant Mercier de La Rivière, maître des requêtes en l'Hôtel du Roi, s'ouvre le second tableau : les relations entre commissaires royaux ordinaires et le Conseil prétendu souverain de Martinique vont quelque peu changer de nature. De même, l'"administration civile" de Clugny à Saint-Domingue, ancien conseiller au Parlement de Bourgogne, va-t-elle en ce sens35. À la suprématie militaire devrait être substituée celle de la magistrature qui a jadis déjà tant combattu pour la ‘liberté civile’ ! Par ailleurs, un certain dosage de représentation sociale pourrait de plus corriger la trop grande influence des Administrateurs généraux, des planteurs et des conseillers des cours supérieures. Une autre mentalité se fait jour et le ton vif des échanges ne laisse planer aucun doute sur la dégradation des rapports entre les uns et les autres face aux aspirations montantes des différentes couches de la population qui désirent avant toute chose moins de pression fiscale36. L'affaire du doyen Dumoulin traduit l'envenimement des choses entre le Conseil et Mgr l'intendant : l'affaire de la conduite du" premier des juges martiniquais" qui fit l'objet d'une instruction en haut lieu37 illustre bien ce genre de conflit.
14Comme le précise si bien F. Olivier-Martin dans son Histoire du droit français "les grands administrateurs ne s'en tiennent plus au seul souci d'une police exacte. Ils ont des préoccupations philantropiques, qu'exagéra d'ailleurs la sensibilité du siècle38". Des opinions et points de vue très nets et tranchés doivent être rapportes ici, en matière de liberté : le général d'Ennery livre par exemple un jugement très critique sur ses prédécesseurs et déclare qu' "une autorité qui s'attribue le droit d'expédier un citoyen selon sa volonté.., peut se fayre craindre, mais elle ne peut jamais se fayre aimer... Il n'y a pas d'apparence que ces maximes soient d'accord avec les intentions du roy et de son ministre pour fayre le bonheur de ses sujets39. On note donc le changement de ton et de style dans un autre Mesmoire émanant de Versailles adressé au futur gouverneur de la Guadeloupe : "On doit encore advertir le sieur Cluny du point de vue sous lequel il doit considérer les habitans. Ils sont militaires sans cesser d'être citoiiens libres ; et sans perdre la liberté commune aux Citoiiens ils sont soumis en ce qui relève du service, à la discipline militaire40".
15Autre question contemporaine soulevée par Y. Debbasch41 : l'auteur avait souligné naguère la fragilité de la condition du Libre qui pouvait voir son nouveau statut remis en question. Cela n'est pas surprenant si l'on prend en compte l'état et la conservation des archives au xviiie siècle. Les Administrateurs Nozières et Tàscher conçurent par une ordonnance le 29 décembre 1774 un régime fixant la forme des actes et leur archivation dans les greffes de juridiction... Nous comprenons très bien l'inquiétude des nouveaux affranchis et des petites gens qui n'étaient plus en mesure injustement - de présenter de tels actes aux autorités conformément aux ordonnances locales42. Ils pouvaient être alors saisis de nouveau par les agents du Domaine I Des textes dangereux leur étaient opposables43 jusqu'au jour où un document provenant du Bureau des Colonyes établit un principe simplificateur se traduisant par une prescription relativement courte : "On ne peut estre privé de la Liberté qui est un droict naturel, après en avoyr joui sans trouble pendant cinq ans44 (...)". De plus, l'aspect onéreux de l'affranchissement heurte également certains esprits éclairés45.
16Dans un tout autre domaine on constate que la classe des affranchis ou classe intermédiaire46 souvent qualifiée d'estat mitoiien par E. Petit, revendique à l'instar des Blancs, un traitement égal et dans la considération (qui se traduit par l'habillement47 et leur protection48) mais aussi pour le payement des impôts et notamment du droit de capitation. Tantôt, la jurisprudence des cours supérieures et du Conseil souverain de la Martinique les en déclare exempts, tantôt, à l'inverse, des ordonnances les forcent à s'en acquitter. Mais la question est plus importante qu'il n'y paraît à première vue. Une vieille ordonnance du gouverneur de Batz semble ne pas opérer de distinction selon la race49. Dans un second temps les mulâtres et Libres de couleurs "exigent" une semblable exemption50 mais en vertu de leur "estat de liberté lesdits nesgres et mulatresses seront contraints à payer la capitation comme tout un chacun51..." Le contentieux du xviiie siècle prend un tour particulier. Il semble que de 1696 à 1712 le fisc n'ait pas cherché à percevoir la capitation sur les gens de couleur libre. En revanche, en 1724 intervient un arrêt du Conseil d'État, une des expressions achevées de la justice retenue aux îles, précisant que "conformément à yceulx, tous les nesgres et nesgresses, mulattres et mulatresses affranchis ou nés Libres, establys dans les isles du Vent de l'Amérique, soient qu'ils soient créoles ou non, seront asseujettis au droict de capitation, de S. M, etc.52". De même, lorsque tous les Blancs seront exemptés de cet impôt insulaire, certains Libres, noirs et mulâtres, revendiqueront le même droit à propos de cette contribution. Il semble que le désir d'assimilation sur ce point au sujet libre soit à l'ordre du jour en 1738 :
"Les trois compagnies de milices de Saint-Franscois ayant esté assemblées, on leur lut l'acte de la Declaration du roy relative [à la capitation]. M de Maisoncelle en fit sortir [des gens de couleur] successivement huict des rangs et leur demanda s'ils payeroient. Ils respondirent insolemment que non. Ils ont esté envoyés a la Martinique pour être mis aux cachots du Fort-Royal. On fera le procès des nommés Laverdure et Babien, mulattres accusés d'avoyr teneu des discours séditieux sur le mesme sujet53".
17Ce mouvement s'accentue d'ailleurs après la guerre de Sept Ans. Une lettre ministérielle en date du 11 novembre 1768 adressée à MM. le comte d'Ennery et le marquis de Peinier, en leurs qualités de general et Intendant de la Martinique dispose très clairement :
"Les gens de couleur libres et affranchis, jouissoient autrefois. Messieurs, de l'exemption de la capitation personnelle en vertu de l'Edit de 1685. Depuis la reprise de possession de la Guadeloupe ils ont esté asseujettis et taxés chacun de 15 lv. par an. Ceux de ces deux espèces qui servent dans les compagnyes de gens de couleur ont présenté à MM. de Nolivos et de Moissac un Mesmoire pour demander a jouir pour eux, leurs femmes et enfans de l'exemption de la capitation attendu que, depuis la suppression de la Maréchaussée, ils en font tous le service et qu'ils sont sujets a beaucoup de corvées qui n'avoient pas lieu auparavant MM. De Nolivos et de Moissac en me rendant compte de cette affaire me marquent qu'il leur paroit juste d'accorder aux mulattres ou nesgres libres ou affranchis l'exemption qu'ils demandent, tant qu'ils serviront dans les compagnyes de gens de couleur et mesme après qu'ils en seront sortis, pourveü qu'ils ne quittent le service qu'après l'âge de 60 ans. Ils ajouttent qu'une pareille grasce excitera l'émulation dans ces compagnyes, qui seront très-utyles cependant à la paix et peuvent l'estre encore bien davantage en tems de guerre54".
18Autre signe de l'évolution des mentalités : le Code de Police des Nègres de 178355 témoigne dans son Préambule de soucis et préoccupations nouvelles. Certes, cette ordonnance paraît aux contemporains fort rétrograde dans la mesure où elle tente d'accroître le contrôle des Noirs et des Libres, notamment dans leurs déplacements et le commerce56, mais elle fait état - et presqu'à regret - d'une économie des rapports peu satisfaisante pour l'esprit entre la classe servile et les autres sujets du roi :
"Le retour de la paix devant rendre au commerce et à l'agriculture, l'activité dont les avaient privé les désordres inséparables de la guerre, nous devons nous occuper sans retard, du rétablissement des ressorts destinés à les faire mouvoir : un des principaux, sans contredire, est la discipline des Noirs, qui a éprouvé un relâchement auquel il est tems de metre ordre... D'un autre côté, les maistres voulant exiger quelque fois par un travail au-dessus de leurs forces : le Gouvernement doit veiller a ce que le maistre remplisse un engagement que l'humanité lui a fait contracter avec la loy, en l'obligeant à vestir et nourrir son esclave, et à le traicter humainement"
19En fait, la condition servile ne cesse de coser problème. La littérature - parfois décevante des philosophes en témoigne57- les récits de voyage et les Mémoires abondent sur la question. Le Comité de Législation aborde semble-t-il maladroitement la question à plusieurs reprises entre 1761 et 1786. La rentabilité du travail servile ne fait guère illusion mais comment sortir de l'esclavagisme ? ou "véritable marais dans lequel il ne faut point glisser58". Toujours est-il que des rameurs courent à ce sujet59 : les esclaves et les maîtres ont peur d'"un courant général de liberté" et la polémique ne cesse de croître60. Il est vrai qu'existent dans chaque île des loges philantropiques61 et que le nombre d'affranchissements progresse de façon vertigineuse62. La police des maîtres doit être plus strictement contrôlée et l'on ne peut rechercher un nègre fugitif mort ou vif63. Enfin, un ultime Projet de loi sur le traitement et la police des nègres serfs dans les colonies fut élaboré en 1789 mais ne pourra paradoxalement pas mettre fin à la servitude64 en général pour fait de Révolution car l'histoire avance trop vite65.
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20C'est cette évolution qui aboutit à une timide mais très intéressante instauration d'une certaine représentation politique dès les lendemains de la Guerre de Sept Ans ainsi également qu'aux projets concernant l'amendement et la reconnaissance de la dignité humaine de l'esclave dans l'extrême fin de l'ancien régime66 traduisant le début de la crise esclavagiste aux Antilles et en Amérique. L'évolution du droit criminel et la réflexion sur les modes de répression sont à l'ordre du jour67. Comme le dit si bien L. R Abenon "l'ancienne monarchie était capable d'évoluer et de s'amender" et il est dommage que des crimes de torture et de mutilations atroces relevés au début du xixe siècle soient restés souvent impunis68 car les derniers édits de la Monarchie69 étaient abolis et la législation nouvelle non encore applicable !
21Par ailleurs, nous observons qu'on n'a qu'insuffisamment reconnu les mérites du commun estat représenté ici par la magistrature créole dont on a certes, dénoncé l'esprit de classe, son désir d'autonomie, mais non point suffisamment ses aspirations à la citoyenneté, à l'assimilation des colons magistrats ou habitants aux autres gens de qualité du royaume, même si cette dernière, paradoxalement, comme dans les sociétés anciennes, ne devait conférer in limine la pleine citoyenneté qu'à une élite70.
22Mais au-delà des contradictions sociales, il faut reconnaître que les Administrateurs généraux ont, à leur tour, relayé les aspirations de la Monarchie et gouverné à grand conseil avec les différentes forces représentatives du temps pour éloigner le spectre de la féodalité incompatible avec le nouveau monde et ce en accord avec les membres des conseil souverain et cours supérieures, des forces vives de la société antillaise : chambres de commerce puis mi-partie d'agriculture, députés et représentants des assemblées coloniales. La lente ascension du sujet-militaire vers le sujet-citoyen aux isles d'Amerique traduit une volonté assimilationniste remarquable au xviiie siècle qu'il convient de verser dans le vaste débat portant sur l'opposition des lois d'autonomie et d'assimilation dans l'histoire générale des Antilles.
Notes de bas de page
1 Merillon, La France et ses Antilles : vers la citoyenneté intégrale in Revue Autrement, 1994, n°28, spec. p. 51.
2 La Guadeloupe.... th. Lettres t.I, p. 92.
3 V. [anciennement] A. col. A24, f°552
4 V. sur la quest, l'avis très clair du juriste Petit dans son Droit public des colonyes franscoises, 1771, t. 1, 228 cité dans notre et. Grandeur et décadence des cours de justice françaises d'Amérique, P. U. A. M., 2002, 46, n. 61 (... l'éloignement oblige le Souverain a communiquer aux Administrateurs des colonies des pouvoirs plus estendues que ceux qu'il donne communément aux Administrateurs des provinces de France...)
5 Sur l'ère des compagnies Du Tertre, Histoire générale des Antilles, Paris 1667-1671, t. I. 292, 314 ss., 528...
6 En ce sens, Code de la Martinique (C. M.), t. III, 566 : le gouverneur peut communiquer sa justice militaire à un officier subalterne A. N. B 35(2) ff° 403, 501).
7 G. STHELE, Petit historique des grands recensements antillo-Guyanais et en particulier de la Guadeloupe.... in B. S. H. G., 1998, n° 115, 3-59.
8 Dans le sens où les colons acceptent de s'installer comme habitants sur ce que l'on appellera des habitations ou tenures concédées par les représentants des Compagnies puis par ceux de la puissance publique royale. V. en ce sens le rapport très instructif de De la Barre, maître des requêtes, faisant l'inventaire des us et coutumes des possessions françaises d'Amérique en 1683, rapport à l'origine du futur Code Noir Louis.
9 Secr., d'État à Blénac, miss. 11 Juin 1680, C.H.A.N. C 8A 63 - 64.
10 Ou juridiction volontaire. Sur la quest, cons, travaux de R. Navy, Essai de contribution à l'histoire du Cons. souv. de Martinique (thèse en cours).
11 Cf. les termes restrictifs de la dépêche de MM. Du Bureau des colonies du 11 juin 1680.
12 Le general a la présidence de la justice militaire qu'il peut communiquer à un officier subalterne V. Code Martinique (C. M.) t. III, 566.
13 Plus tardivement, la compétence des lieux publics deviendra commune, V. Régi, royal 17 avr. 1725, A. col. AI n°7, 168.
14 Le gouverneur général des isles d'Amérique peut en sa qualité de représentant du roi modifier en équité une décision de justice en vertu non pas de sa jurisdictio mais de son imperium.
15 Si, bien évidemment tout ce qui touche à la police ressortit à l'intentant, en revanche, le general dispose du droit de faire quérir par ses gardes tout contevenant pour question de service à condition cependant que ces derniers observent les formes prévues par le Code criminel et n'usent point de violences inutiles (...) ou de voies de fait (A. N. A 24, f° 552).
16 En ce sens, position de l'intendant Randot qui écrit au Secrétaire d'État : "Il conviendrait que l'intendant soict autan qu'il le pourra le premier observateur des resgles sans quoy tout deviendrait arbitrayre, mais je scais bien que les intendans ne doivent point scrupuleusement s'atacher aulx formalitez des procédures ; enfin il convient de s'asseujetit autan qu'il est possible aulx ordonnances et a la coustume" (anc. A. col. F3 vol. 9, miss, du 6 juin 1708).
17 On note de fréquents conflits de juridiction entre le gouverneur, les conseils souverain et supérieurs, les juridictions. L'intervention du commissaire-ordonnateur a également posé problème au xviiie s. dans les dépendances Les Instructions pour Mirabeau sont très caractéristiques à ce sujet.
18 Cons. par ex. A. col. B 138, Correspondance ministérielle et Ordonnances du roi.
19 En ce sens, travaux.de L. Sala-Molins, Le C. N. ou le calvaire de Canaan, P.U.F. rééd. coll. Quadrige, 2002.
20 Un Mesmoire du Conseil sony. dispose notamment : "Ainsi plus le tribunal de l'intendant rendait des jugements, moins les intentions du roy dans le sens du soulagement de ses sujets estoient suivies d'effets (...) [car] "tout tribunal qui pouvoit a son gré evoquer, retenir ou renvoyer les causes des particuliers serait dans l'ordre judiciaire un prodige bien etonnant et bien dangereux pour l'execution de la justice (A. N. C8A 63, f° 364)".
21 C.H.A.N. C8A 63, f° 376.
22 C.H.A.N. F3 222 (aff. Cangand, juge d'Amirauté, 1718).
23 Sur la tenue de mercuriales ou assemblées générales extraordinaires pouvant prononcer des sanctions disciplinaires, V. notre art. Grandeur et décadence des cours de justice françaises d'Amérique in Cahiers Aixois des droits de l'Outre-Mer, n° 1, 2002, spéc. 41-42.
24 Expulsion du Sr Goeffroy, procureur de juridiction à la Guadeloupe pourra permettre aux abitans de prier Dieu pour la prospérite du Ministre attendu la paix que cela leur procureroit et epargnerait en deppenses auquel ce mauvais "conseiller" les engage dans les procez qu'il faict entreprendre..." Une véritable demande d'exil est adressée par le gouverneur de La Malmaison pour le "soulaigement des sujets" (A.N. C7, A6 P 63, en date du 16 février 1711, arch. transf. au C.A.O.M).
25 Les procédures frustratoires ou inutiles abondent. Et malgré l'Ord. de 1667 la Satire de Boiceau, en dialecte poitevin semble toujours d'actualité (Le ménologue de Robin...le quau a preda son procès, 1555 ).
26 C.H.A.N. F3 224 f° 35 (aff. conseiller Boyelleau du Cons. de Guad. : "S. M. estant mal satisfaitte de la conduicte du Sr Boyelleau, Conseiller au Conseil supérieur..., elle l'a interdit (sic) des fonctions de la charge luy faisant deffense d'en faire aucune jusqu'a nouvel ordre et a tous les officiers et auttres de la reconnoistre en lad qualité. Enjoint S. M au Sr BLonde intendant des isles du Vent de desclarer audict Sr Boyelleau le contenu du present ordre".
27 C'est bien là, par une telle affirmation, la preuve que les commissaires du roi reçoivent outre les lettres de commission des instructions particulières, des sortes de mandata à la romaine qui n'ont à souffir aucune publicité et doivent rester le plus secrets possibles.
28 C.H.A.N. C8A 3 f°224 (missive de l'intendant Patoulel, juill. 1683).
29 Moreau de Saint-Mery, Descriptions de la partie françoise de la colonie de S. Domingue, Philadelphie, 1797-1798,1.1, Mesmoire du Cons. sup. de la Martinique au sujet de pretendues usurpations commises au fait de police et de justice par l'intendant (Le Mercier de la Rivière), 9 janv. 1761, dossier 40.
30 Sur l'affaire dite du Gaoulé V. Petitjean-Roget, Le Gaoulé : la révolte de la Martinique en 1717, Soc. Hist. Martinique, Fort-de-France, 1966, (579 p.).
31 Les conseillers établissent une véritable pétition au sens anglais et affirment "qu' elle [la colonie] exige des garnisons qu'elles ne feront aulcun tort ny insulte a ausqun (sic) habitant soubs quelque prétexte que se soit, de ne point se mesler de commerce ny de tout ce quy regarde le paiis jusqua receiption des ordres de Sa Majeste, de ne recepvoir aulcun secours du dehors ou de dedans (sic)... le present acte a este lu au peuple qui l'a approuvé, a promis de sy conformer e a cryé "Vive le roy", À cette déclaration figurent au bas du document 87 signatures dont celle du procureur général, Laurenceau d'Hauterive et de plusieurs membres du Conseil supérieur dontle Quoy, Touzay du Cheneteau, Février, Pain, Girardin, Pocquet... !
32 C.H.A.N. C7 A6, ff° 58 - 63.
33 L'administration coloniale en France à la fin de l'Ancien Régime - Projets de reformes in Revue Historique. 1964, 103-122.
34 C.H.A.N. C8A 63ss.
35 Il est nommé à l'intendance des Iles-sous-le-Vent, le 1er janvier 1760. Clugny créa plusieurs subdélégués principaux et particuliers à Saint-Domingue (mars 1763).
36 Les habilans ne cessent de répéter lors de leurs contestations "vive le roy sans l'octroi". En fait, le système fiscal des Grandes et Petites Antilles semble plutôt chétif et le taux d'imposition Outre-Mer n'a rien à envier à celui du royaume : sur la levée des impôts en 1714-1715, A. N. C8a 20(1), ff° 326 sa.
37 Cf. Moreau de Saint-Mery, ouvr. cit. supra, t. I, dossier n°40 (Mémoire du Cons. sup. de la Martinique au sujet de prétendues usurpations commises au fait de police et de justice par l'Intendant, 9 janv. 1761 - V. spec. t. I, 30, pièces ayant trait à la conduite du sieur Dumoulin, doyen Cons, sup et du juge depuis 1725, dossier 21).
38 Ouvr. cit., spéc. 295.
39 Expression soulignée par nous. Sur les idées de ce gouverneur V. C.H.A.N. C8 11(2)
40 Cf. Mémoire du 24 mars 1784 cité par A. Lacour, Histoire de la Guadeloupe s.d., t. I, 364. Le terme "citoiien" est volontairement souligné par nous.
41 Couleur et liberté, le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique esclavagiste, t. I, L'affranchi dans les possessions françaises de la Caraïbe (1635 - 1837), Paris, Libr. Dalloz, 1967, 23 ss, 90-100 - L. Peytraud, L'esclavage aux Antilles Françaises avant 1789, d'après les documents inédits des Archives coloniales, éd. Kolodziej, t. I, 1984 l'auteur soulève la quest, des affranchissements donnés sans autorisation des Administrateurs et not, des affranchissements testamentaires (cf. Ord. royale 24 oct. 1713).
42 Sur la vérification des titres de liberté comme mesure de police afin d'éviter les abus V. Durand-Molard, t. I, 160 présentant les ord. des Administrateurs des 7 juill. 1720, 1er sept. 1761, 29 déc. 1774. Le fait de ne pouvoir justifier de son affranchissement condamne le ‘sujet’ à retomber en servitude.
43 V. en ce sens, CHAN C8b f°49 acte du 12 7embre 1776 faisant allusion à une Ord. du 13 juill. 1755 (C8b l4f°13).
44 C.H.A.N. C8b 14 f° 44 miss, du 3 juin 1776.
45 C.H.A.N. C8 A 63 r 223 ss "[cette taxe] offensoit, dit un rapport du Cons, souv., la justice et l'humanité, car ou l'affranchissement estoit juste ou il estoit injuste. S'il estoit injuste quoy de plus contrayre a la raison et a l'équité qu'un impôt sur un acte de justice et d'humanité. Mais s'il estoit injuste, il devrait être refusé sans qu'aucune finance ne puisse le légaliser".
46 Cf. Recensement de 1772 qui fournit par ex. une photographie très nette des gens de l'île de Saint-Martin Les mulâtres libres sont assez nombreux parmi eux [population locale] : 57 peuvent correspondre aux petits blancs créoles... tous ont de petites propriétés, cultivent du coton, s'adonnent à l'élevage. Ils sont regroupés dans les quartiers du Colombier et d'Orléans, généralement en altitude. Les mulâtres libres sont assez nombreux parmi eux (Estat des isles de St Martin et St Barthélémy par le Commandant Descoudrelles de février 1772, V. anc. A. N. SOM Guadeloupe - St Martin, carton 46, doc. 7 (il y a 35 sucreries sur ta partie française).
47 Sur le luxe extrême des gens de couleur et "leur adjustements"... ; V.Ord. 9 févr. 1779 (St. Domingue) qui se limite à "une simple monition que nous croyons devoir nous contenter de fayre pour le moment à cette classe de sujets du roy... lorsqu'ils se contiennent dans les bornes de la simplicité".
48 Quest, évoquée plusieurs fois chez Hilliard d'Auberteuil, not, t. II, 74 (Une lettre du Secr. d'Et. approuve la condamnation d'un habitant de la Martinique puni pour violences excessives à 1 200 lv de dommages et intérêts envers un nègre libre, plus un écu pour le roi et une admonestation des conseillers, anc. A. Col. 261, 227, missive 2 mars 1742 ; "Jusqu'à cette année, dit Hilliard vers 1780, un blanc qui se croyoit offensé par un mulâtre le maltraitroit et le battoit impunément... mais à présent quiconque frappe un mulâtre est passible de prison..." Des mémoires sont déposés par les affranchis pour réclamer justice (A. Col. B. 192) - Sur les vexations, V. réponses des Administrateurs dans Col. Β 192 f° 85, avis du 6 avril 1786).
49 en date du 12 févr. 1671 note que "les mâles et femelles créoles seoient exemptéz des droicts pour leur propres personnes seulement".
50 En ce sens, Mesmoire de Patoulet, Intendant, 20 janv 1683.
51 Ord. de Bégon, 11 juill. 1684, donnée à la suite des remontrances du fermier général des droits de capitation (anc. A. col. F 248, f° 989).
52 Anc. N. col, F 253 CM. f° 245.
53 C.H.A.N. (col.) F. 225, C. G. (reproche d'insolence assez fréquent) - Sur cette aff. V. Peytraud, L'esclavage aux Antilles avant 1789, Paris, Hachette édit., 1897, 432.
54 C.H.A.N. (col) F. 246, C. M., 607.
55 Cf. Ord. concernant la police générale des Nègres et gens de couleurs libres, 25 déc. 1783, publiée en grande partie en 1784 (Code Noir G, provenant du gouvernement des Administrateurs généraux).
56 Sur la pratique du commerce par les esclaves prévue au C.N., art. 31 : cf. notre étude, Le négoce de l'esclave et la résurgence des actions quod iussu et institoria aux Antilles (xviie -xviiie s.) in D. H. Α., Besançon, 29/1, 2003, 127 - 136.
57 C'est l'époque du "bon sauvage" présenté par Rousseau, Diderot, Bernardin de Saint-Pierre. Voltaire écrit L'ingénu en 1767. G. T. Raynal fait paraître son Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes en 1782.
58 Cf. Instructions secrètes du Mal de Cannes aux Administrateurs de Cayenne (1785) : "Or, c'est pouvoir déterminer le succès d'un acte qui seroit satisfaisant au cœur de S. M. que les Administrateurs... doivent s'occuper des moyens de concilier l'opposition apparente qui s'y rencontre entre l'affranchissement désirable des esclaves et l'interest particulier des planteurs (...)". On ne peut être plus claire !
59 Arch, chambre de comm. de Marseille, missive du 25 mars 1776 : le ministre Sartine rassure les négriers affirmant que "les négociants n'ont à attendre du roi que des actes de bienfaisance..."
60 Une cire, minist, du 25 mars 1776 est nécessaire pour y mettre fin. La révolution américaine s'annonce et elle aura selon Ch. Frostin des répercussions politiques et philosophiques dans toutes les Antilles.
61 G. Monduc, Essai sur l'origine et l'histoire de la Franc-maçonnerie en Guadeloupe, Paris, éd. par l'auteur, 1985.
62 V. sur ce sujet, ét. de Moreau de Jonnes, Recherches statistiques sur l'esclavage colonial et sur les moyens de le supprimer, Paris, 1822, in-8°, 90 - 110.
63 Condamnation en forteresse sur ordre du Gouverneur d'un habitant ayant fait courir des billets mettant à prix l'une de ses esclaves "marronnes" (L. Chauleau, Histoire de la Martinique, 161).
64 Malouet gouverneur de Cayenne, déclare que son plan sur l'affranchissement des noirs fut discuté en 1779 devant le Comité de Législation dont il était membre "mais qu'il a été abandonné par des motif qu'il ignore (A. Marine, C 193 ff°63-64, dossier Malouet ) ".
65 Anc. A. col. F3 90, 275 ss : "Art. 1er Nous abolissons à l'égard des nègres... la qualification d'esclaves, comme présentant une dépendance illimitée. "Il est vrai que Louis XVI avait l'an précédent "élargi" les serfs de la Couronne.
66 V. B. Schnapper, La diffusion en France des nouvelles conceptions pénales dans la dernière décennie de l'Ancien Régime in Voie nouvelles en histoire du droit xvie - xviie s ; (.Publication de la Faculté de Droit et Se. Soc. de Poitiers, P. U. F., 1991.
67 Suppression de la question préparatoire (Décl. 24 août 1780 pour l'aveu) et de la question préalable (Edit 8 mai 1788, dénonciation des complices). Plus précisément les art. 10 de l'Ord. de 1783 et 7 du Titre II et 6 de l'Ord. de 1786 réprimèrent "les faicts constituans des châtiments escessifs et trayetemens inhumains prévus et punis par d'Edit de 1685. "Il est regrettable que l'art. 5 du C. P. colonial ait abrogé ces dispositions et que l'on ait plus pu poursuivre les criminels extraordinairement.
68 En ce sens V. D.-E. Marie-Sainte, Les annales criminelles de la Guadeloupe de 1829 à 1848. Cours d'assises et cour criminelle, in B. S. H. G., n° 123, 2000, spec. pp. 48-49.
69 V. anc. A. Col. B 173 (suppression de la question préparatoire, missive 28 avr. 1781 pour Saint Domingue).
70 Étrange mais certaine application géographiquement lointaine des idées de Ch. Loyseau dans la société coloniale américaine : Roland Mousnier affirme dans son chapitre sur La vénalité des offices (III, iv, 569 ss.) que "les gentilshommes poussaient les nobles de robe en dehors de la noblesse. Une lutte d'ordres domine ainsi la société française. Il est d'ailleurs remarquable qu'aux états généraux de 1616-1615, la plupart des nobles de robe aient siégé dans le tiers état". La magistrature essayant de changer le principe de société s'est considérée comme la plus digne non point pour assurer le service des armes mais le service civil de l'État. Ce faisant elle a non seulement assuré le triomphe de la monarchie absolue selon R. Mousnier, Fureurs paysannes, Calmann-Lévy, 1967, 32, mais bien plus, elle imposa l'idée que cet État était essentiellement composé des gens du commun, c'est-à-dire, des citoyens.
Auteur
Université des Antilles et de la Guyane
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