Quand même le peintre se devait d’être un citoyen
Tentative d’analyse des discours sur les arts picturaux au siècle des lumières
p. 177-196
Texte intégral
1Être un Citoyen du monde, comme le propose Fougeret de Monbron dans Le Cosmopolite (Londres, 1756), un Citoyen philosophe en se livrant à un Examen critique de la noblesse militaire (s.l., 1756), un Ecclésiastique citoyen dans des Lettres sur les moyens de rendre les personnes, les établissemens et les biens de l’Église encore plus utiles à l’État et même à la Religion (Londres, 1785), ou, plus sobrement, un Citoyen français, au fil de Mémoires historiques, politiques, physiques (Londres, 1785). Proposer un Catéchisme du citoyen (1775), comme le fait le parlementaire bordelais Guillaume-Joseph Saige dans l’un des ouvrages les plus radicaux des Lumières tardives. Élever la Voix libre du citoyen quand Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, livre des Observations sur le gouvernement de Pologne (s.l., 1753).
2Ces quelques titres d’ouvrages, accompagnés de leur sous-titre, auxquels il serait possible d’ajouter ceux d’auteurs plus célèbres1, permettent de constater que le concept de citoyen sature la réflexion politique des Lumières. Absolutistes orthodoxes ou hétérodoxes2, parlementaires ou partisans du despotisme éclairé, tous semblent gagnés par une singulière frénésie à manipuler le terme de « citoyen ».
3Quel contenu attribuer à ce terme3 avant sa consécration solennelle dans le texte d’août 1789 ? Pour tenter de saisir cette notion complexe de « citoyenneté », une approche nouvelle a été envisagée en élargissant le corpus traditionnel retenu par les historiens des idées politiques à celui du discours sur l’art et les pratiques artistiques. Plusieurs raisons peuvent légitimer cette tentative de repoussement des frontières habituelles de la discipline. La première est de refuser de considérer ce discours sur l’art, et notamment sur la peinture, comme un discours hermétiquement clos. La simple lecture des écrits sur l’art, qui se multiplient dans la seconde moitié du xviiie siècle, atteste de la présence d’un vocabulaire à forte charge politique (« républicain », « liberté », « citoyen »). Cette politisation du discours sur l’art, induite par la présence de ces termes exige d’être expliquée4. Cette hypothèse est d’autant plus pertinente qu’au xviiie siècle, la réflexion esthétique émane d’auteurs ayant livré des réflexions politiques plus ou moins ambitieuses. Le temps est encore à l’esprit encyclopédique, à la volonté de maîtriser un savoir universel, à embrasser des champs de connaissances depuis lors compartimentés. Il suffit de mentionner l’un des fondateurs de l’esthétique moderne, l’abbé Dubos, plus souvent cité pour ses recherches historiques au service de l’absolutisme monarchique que pour ses Réflexions sur la poésie et sur la peinture (1718), profondément marquées par les théories sensualistes anglaises. Si le nom de Diderot vient évidemment à l’esprit, il conviendrait de mentionner ceux de l’abbé Jean-Bernard Le Blanc5, traducteur des écrits politiques de Hume, du marquis d’Argens6, ou de Dupont de Nemours7. À cela s’ajoute le fait que la pratique artistique est inscrite dans une réflexion d’ensemble sur le devenir de l’ordre politique et social. Le sujet du concours posé par l’Académie de Dijon en 1750 ne porte-t-il pas sur la question de savoir si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ? Les réponses démontrent que les arts relèvent de la chose publique et interviennent à ce titre comme un excellent indicateur du degré de liberté d’une société. Au fil du discours sur les arts, tout comme dans les polémiques sur la question du luxe, de la noblesse commerçante ou de la fiscalité, c’est toute la question de l’ordre social qui est à chaque fois envisagée. Plus largement, les questions constitutionnelles ne sont alors jamais étudiées indépendamment des mœurs, voire même de la morale. Le titre de l’ouvrage du baron d’Holbalch, "Ethocratie, ou le gouvernement fondé sur la morale (1776) en est la meilleure illustration. Cette quête d’une « éthocratie » exige d’interroger toutes les activités humaines pour conduire à son terme la réflexion sur la liberté politique. Comme l’écrit Beccaria dans un ouvrage rarement consulté,
(...) La beauté, la bonté, l’utilité ont la plus grande affinité entre elles, et [...] tous ces modes ou concepts de notre esprit aboutissent, en dernière analyse à l’amour du bonheur ; en sorte que la morale, la politique et les beaux-arts, qui sont les sciences du bon, de l’utile et du beau, sont des sciences ayant plus de proximité, ou plutôt une identité de principes plus étendue qu’on ne pourrait imaginer ; ces sciences dérivent toute d’une science unique et primitive, savoir, de la science de l’homme8.
4Enfin, le dernier argument rendant pertinent l’aventure sur ce territoire des discours sur l’art, est que nombre d’œuvres artistiques des Lumières contribuent à l’Invention de la liberté, pour reprendre le titre du bel ouvrage de Jean Starobinsky. Si art et pouvoir ont toujours entretenu des relations complexes, le premier ayant été longtemps déployé au service du second, qu’il soit religieux ou politique, il n’empêche que le mouvement de contestation secouant l’édifice séculaire de la monarchie interfère directement sur la production artistique contemporaine. Simple exemple, en 1755 est commandée à Jean-Baptiste Pigalle une sculpture pour la place royale de Reims, lieu traditionnel des sacres. Les partis pris iconographiques sont révélateurs, marqués par les conceptions monarchiques de Voltaire. Au pied de la statue pédestre de Louis XV en empereur romain figurent deux personnages : une femme drapée tenant un gouvernail et caressant un lion, expression de la douceur du gouvernement royal, et, selon les termes de la commande, « un citoyen heureux », entouré des symboles de l’abondance (signifiée par des ballots) et représentant la félicité d’un peuple industrieux9. Quelques années plus tard, d’Angiviller, directeur des Bâtiments du Roi, passe commande de dix tableaux d’histoire et de quatre statues de personnages célèbres (Sully, L’Hospital, Descartes, Fénelon) exposés au Salon de 1777. Au-delà de leur qualité artistique intrinsèque, de telles œuvres doivent être comprises comme la volonté d’affirmer les vertus d’un pouvoir monarchique fort, et surtout de dénoncer l’insoumission des parlementaires lors de la réforme du Chancelier Maupéou10.
5Afin d’interroger cette possible contamination du discours artistique par des considérations idéologiques, un corpus d’œuvres s’imposait de lui-même, celui des comptes-rendus des expositions proposées dans le Salon carré du Louvre par l’Académie royale de peinture et de sculpture. Tous les deux ans, à compter du 25 août, jour de la Saint Louis, une foule bigarrée venue de toute l’Europe se pressait devant les toiles exposées par des artistes qui représentaient le meilleur des arts picturaux de leur époque. Ce spectacle artistique inédit engendre un nouveau genre littéraire, celui du compte-rendu, destiné à fournir à la fois une explication des œuvres et un jugement critique sur leur qualité pour un public avide de ce nouveau savoir. De façon peut-être un peu naïve, la première hypothèse de recherche avancée, était que ces textes relativement courts (le plus souvent d’une vingtaine à une cinquantaine de pages), le plus souvent publiés sous couvert d’anonymat, pourraient être le prétexte à des digressions politiques plus ou moins conséquentes. Le sujet de certaines des toiles exposées ne pouvait en effet manquer de faire écho à de délicates questions d’actualité. Après examen de cette littérature11, force est de constater qu’il s’agissait pourtant d’une fausse piste. Exceptionnels sont les auteurs à se hasarder dans le champ strictement politique. Diderot fait presque figure d’anomalie quand il évoque l’affaire Calas à l’occasion d’une description du Triomphe de la Justice de Durameau, destiné à être placé dans la chambre criminelle du Parlement de Rouen12. L’immense majorité des salonniers manifeste un relatif classicisme dans le propos, se contentant de livrer des analyses plus ou moins achevées des peintures et des sculptures. Le glissement de l’esthétique au politique ne se produit presque jamais. Le Louis XV en armure exposé par Cari Van Loo (Salon de 1751), Le Portrait du roi (Salon de 1761) de Louis-Michel Van Loo, Le portrait de Louis XVI en pied, en grand manteau royal13, de Duplessis (Salon de 1777) ou Marie-Antoinette et ses enfants (1787) d’Elizabeth Vigée-Lebrun, ne sont jamais l’occasion d’une quelconque réflexion sur le pouvoir royal et sa représentation imagée. Quand François-Hubert Drouais expose les portraits de Madame de Pompadour (1763) et de La comtesse du Barry en muse (1771), il ne suscite guère de diatribes anti-aristocratiques chez les salonniers. Plus parlant encore, la vue du tableau figurant de façon émouvante. Le Président Molé saisi par les factieux au temps de la Fronde, exposé au Salon de 1779 par Vincent, ne pouvait manquer de réveiller les souvenirs pénibles du conflit entre le Greffe et la Couronne. Pourtant personne ne se hasarde jamais sur le terrain risqué de la polémique, que ce soit pour dénoncer les prétentions infondées des robins ou, au contraire, le despotisme royal. Il en est de même de La mort de Coligny présenté par Joseph-Benoît Suvée en 1787, année de la reconnaissance de l’état civil pour les Protestants. Si le ton de ces textes, souvent violemment polémique et satyrique, traduit d’autres formes de contestation de l’ordre social14, si leur prolifération atteste de la naissance d’un nouvel espace public, supposant de nouvelles relations entre l’artiste, le critique et l’opinion15, ces écrits n’offrent à première vue que bien peu de causes de satisfaction à l’historien des idées politiques. Les raisons en sont assurément complexes, à commencer par le caractère extrêmement codifié, presque figé de ce genre de littérature. Il consiste à passer en revue, souvent en quelques lignes et selon l’ordre proposé par le livret officiel du Salon, les œuvres exposées, pour ne proposer qu’une description de la toile (sujet, composition, couleurs) ou de la sculpture. Le réel ne vient que très rarement s’immiscer au côté de la création artistique. Il faut attendre les dernières heures de l’Ancien Régime, pour qu’une toile annoncée au Salon de 1787, en l’espèce un Portrait de M. le comte de Lally-Tollendal de Jean-Baptiste Robin, fasse l’objet d’une vive polémique. De peur de froisser les magistrats des cours souveraines, et parce qu’il s’agissait du portrait du fils de la victime de l’un des plus grands scandales judiciaires du temps, cette toile en effet a été retirée à la dernière minute16 du lieu d’exposition.
6Une telle déception ne doit pas pour autant conduire l’historien des idées politiques à refuser d’interroger le discours artistique et esthétique des Lumières. Si le sujet d’une peinture ayant une indéniable épaisseur politique ne rencontre pas l’écho espéré chez les critiques d’art, si le discours sur l’art n’a que rarement un contenu idéologique, il ne conviendrait pas pour autant de conclure à une stricte, et au demeurant impensable, neutralité politique des discours artistiques. Les grands mouvements de la pensée esthétique et des pratiques artistiques des Lumières se déploient dans une période de fermentation idéologique, de radicalisation des esprits et il serait illusoire d’admettre une parfaite perméabilité des premières au regard de la seconde.
7En dépit d’une chronologie particulièrement difficile à établir, il semble que le midi du siècle marque une mutation notable du discours sur l’art. Plusieurs éléments y contribuent, à commencer par le fait que ce discours gagne alors en autonomie17. De plus, et de façon plus diffuse, s’opère une modification du goût, le courant rococo dominant dans l’école française est concurrencé par l’émergence du néo-classicisme qui triomphera lors du Salon de 178118. Une partie de la critique d’art des secondes Lumières encourage et accompagne ces mutations stylistiques en développant des attaques de plus en plus vives contre Boucher (I), puis en manifestant une admiration sans nuance devant les œuvres néoclassiques (II). Ces inflexions de la production artistique sont rapportées par la manipulation d’un vocabulaire riche de sens politique sur lequel il conviendra de s’attarder. L’idée qui semble s’imposer est que le spectateur, et plus encore le peintre, doivent être des « citoyens ». Acte de civisme d’un genre nouveau, la pratique artistique abandonne la sphère privée pour s’intégrer dans l’espace public, et être mise au service non plus du roi, ni de quelques uns, mais de la communauté nationale toute entière.
I - GREUZE V. BOUCHER. UN RÉPUBLICANISME LATENT DANS LE REJET DE LA TRADITION ROCOCO
8Depuis la Régence de Philippe d’Orléans, le rococo est l’art officiel de la monarchie, largement soutenu par les institutions officielles et particulièrement recherché dans les milieux aristocratiques. Outre Nattier et Fragonard, un peintre incarne cette domination esthétique : François Boucher, élève surdoué de Lemoyne et d’Antoine Watteau, qui parvient à maturité dans son chef d’œuvre Le triomphe de Venus (1740, Stockholm, Nationalmuseum). Protégé de Madame de Pompadour et de Marigny, surintendant des Beaux Arts, Boucher, élevé au rang de premier peintre du roi en 1765, excelle dans une peinture malicieuse, faites de mythologies galantes, de paysages à la douce et paisible sérénité et de délicates pastorales19.
9Les attaques contre Boucher et ses élèves20, émanent principalement des auteurs les plus radicaux des Lumières, à commencer par Raynal, qui trouve la couleur de Boucher « jamais mâle, (...) rarement vraie et presque toujours trop brillante » ou Nattier, peintre attitré de la cour et de la famille royale, dont le style de ses portraits mythologiques, est « galant, mais maniéré »21. De même, Diderot n’aura de cesse au fil de ses lettres adressées à l’aristocratie européenne de vouer aux gémonies Boucher, dont « les gens d’un grand goût, d’un goût sévère et antique ne font nul cas »22. Soucieux de vanter les mérites d’une peinture morale, austère, illustrée par les scènes de genre de Chardin (La toilette du matin, par exemple), mais plus encore par Jean-Baptiste Greuze, « prédicateur des bonnes mœurs »23, il regrette que Boucher ne propose qu’un monde factice, irréel, brillant, produit de sa seule imagination. Certes, Diderot admet sans aucune difficulté les qualités du peintre. Lui seul a cette capacité à saisir « l’art de la lumière et des ombres » dans sa Pastorale présentée au Salon de 1761, et La Bergerie exposée en 1763 atteste qu’il souffre plus d’un « abus de talent » que d’une absence de talent. De telles facilités ne permettent néanmoins pas de satisfaire aux attentes du philosophe, à savoir la « sévérité de l’art », qui ne peut s’accorder « au saillant, au libertinage, à l’éclat, aux pompons, aux tétons, aux fesses, à l’épigramme de Boucher »24. Cette aspiration à un art austère est parfaitement satisfaite avec la Piété filiale de Greuze (1763), ou dans le Mauvais Fils puni (1765). Dans ce qui est présenté comme une « peinture morale », l’artiste parviendrait « à nous toucher, à nous instruire, à nous corriger et à nous inviter à la vertu »25. De même, La mère bien aimée, esquisse présentée au Salon de 1765, est, selon les dires de Diderot, excellente « et pour le talent, et pour les mœurs. Cela prêche la population, et peint très pathétiquement le bonheur et le prix inestimable de la paix domestique »26. Toutes les critiques hostiles au rococo partagent la conviction que Boucher est à la fois le corrupteur des mœurs par le sujet de ses toiles et le révélateur de la corruption des mœurs de la France de Louis XV.
10Les raisons de ce refus du rococo sont aujourd’hui bien connues. Elles mêleraient la dénonciation de la fausseté d’une représentation brillante, mais piégée de la réalité, qui « farde à la fois la femme et la vérité », ainsi que le rejet d’un art grivois, moralement perverti, sollicité pour le seul libertinage27. Énoncés au service d’une pensée esthétique fort cohérente, ces raisons doivent être replacées dans le contexte idéologique des secondes Lumières. Le vocabulaire employé dans la critique du style rococo, est marqué par l’utilisation de notions politiques certes anciennes (« citoyen », « patrie », « vertu », « corruption »), mais qui prennent de façon insidieuse une nouvelle charge idéologique. Loin d’être neutres, ces notions démontrent que la diffusion du paradigme de l’humanisme civique ou republicanisme28, n’est pas circonscrit à un cadre strictement politique, mais s’étend au discours sur les arts. Ce républicanisme ne doit pas s’entendre en termes de droit public. Il ne signifie en rien que la forme républicaine de gouvernement ne devienne pour les critiques, une hypothèse pertinente dans la France des Bourbons. Le principe monarchique fait encore l’objet d’une relative unanimité, en raison notamment du postulat géographique de l’impossibilité d’instaurer un régime républicain sur un grand territoire. L’humanisme civique suppose un cadre conceptuel permettant de penser la place de l’individu au sein d’un ordre politique. Il s’épanouit par la mise en opposition du commerce et de la vertu, du luxe et du patriotisme, de la république et de l’empire, de la corruption et de la liberté. À partir de 1748 et la publication de l’Esprit des lois29, une ligne de partage se dessine dans la pensée politique des Lumières. D’un côté, la tradition voltairienne, entretenue par Morellet, Helvétius ou de Lolme, est hostile à ce discours républicain. Attachée à un individualisme libéral ouvertement anglophile, elle n’a aucune sympathie pour l’austère et orgueilleux mirage antique. Les entrées « luxe » et « patrie » du Dictionnaire philosophique de Voltaire suggère ainsi un humanisme qui ne se veut pas civique, mais marchand, conforme à la place désormais occupée par le commerce dans les rapports sociaux30. De l’autre côté, les tenants d’un humanisme civique régénéré par les propositions radicales de Rousseau, a pour principales figures Diderot, Mably ou Brissot. Le pouvoir est plus ici une affaire de moralité que de lois, la liberté exige davantage la « vertu » nécessaire à la participation du peuple à la vie de la cité que des « droits » individuels légalement protégés.
11Le terme de « corruption » illustre à lui seul la présence de ce paradigme dans le discours des critiques d’art. La corruption du goût comme de la morale ne peut être séparée de la corruption de l’ordre politique tout entier. Une inquiétude sourd de la lecture de ces critiques angoissés par cette obsession de la décadence. À la suite de Rousseau, qui a formulé pour la première fois cette idée en 175031, une partie de la critique d’art emploiera le même langage de la dénonciation du luxe, de la hantise du commerce et de la ville, de l’instabilité du pouvoir, pour penser le devenir de l’ordre politique32 et dénoncer le style rococo. Au milieu du compte rendu du Salon de 1767, Diderot a ainsi glissé une curieuse Satire contre le luxe, à la manière de Perse dans laquelle il s’emporte contre les richesses qui viennent dérégler l’ordre social, contre l’or qui corrompt les mœurs, et brise les solidarités naturelles, contre les financiers, les exacteurs et les parvenus qui interdisent l’épanouissement du mérite et de la vertu, contre l’argent qui crée de l’inégalité33. Sa distinction entre le mauvais luxe, issu de « l’ostentation et de la misère » et le bon luxe, conséquence « de la richesse et de l’aisance générale », nourrit sa représentation de la production artistique. Ainsi, à l’occasion du Salon de 1765, il affirme : « La dégradation du goût, de la couleur, de la composition, des caractères, de l’expression, du dessin, a suivi pas à pas la dépravation des mœurs »34. En 1767, son rejet du luxe débridé et corrupteur, est toujours aussi manifeste lorsque, commentant une toile de Michel Van Loo, il écrit :
N’oubliez pas que parmi les obstacles à la perfection et à la durée des beaux-arts, je ne dis pas la richesse d’un peuple, mais ce luxe qui dégrade les grands talents. (...) Ajoutez à ces causes la dépravation des mœurs, ce goût effréné de galanterie universelle qui ne peut supporter que les ouvrages du vice, et qui condamnerait un artiste moderne à la mendicité, au milieu de cent chefs d’œuvre dont les sujets auraient été empruntés de l’histoire grecque ou romaine35.
12Diderot suggère ainsi de lire en sens inverse la proposition de Montesquieu sur les rapports de causalité entre commerce, luxe et arts : « L’effet du commerce sont les richesses, la suite de richesses le luxe, celle du luxe la perfection des arts »36. L’art doit permettre de rétablir un certain ordre dans les mœurs. Plus largement, ce lien entre l’état des mœurs et celui des arts, qui sera répété à l’envie jusqu’à la Révolution37, donne son sens au rejet de la tradition rococo. Plus qu’une forme stylistique, le rococo révèle un état social. Outre le style ici déployé (le pastel, un choix de couleurs ouatées et la carnation nacrée des personnages), c’est le choix des sujets, féminins et voluptueux, qui explique l’élévation de Boucher au rang de bouc émissaire des dérives esthétiques de l’époque. Il ne répond en rien aux attentes de critiques, qui s’inscrivent dans une exigence d’austérité et de virilisation de la production artistique. D’un point de vue formel, la peinture doit renoncer à son caractère poudré et volage. La fable, les sujets mythologiques inspirés d’Homère, tout comme les paysages oniriques, pour lesquels excellent les artistes rococo, ne sont que des sujets artificiels, qui éloignent de l’appréhension de la vraie nature. L’univers rustique, fénelonien, à très forte connotation morale, suggéré par Greuze est en parfaite adéquation avec les aspirations républicaines de ces auteurs.
13L’art n’est alors plus destiné à servir à la gloire de Dieu ou du prince. Il ne doit pas contribuer à la propagation des valeurs de la religion chrétienne ou monarchique, ni être un divertissement, un noble agrément pour les sens. L’art doit contribuer à l’élévation du citoyen. L’introduction de cette nouvelle exigence revient sans aucun doute à Rousseau dans son Discours sur les sciences et les arts. Il déplore que les artistes ne soient capables de proposer à leurs contemporains que « les égarements du cœur et de l’esprit » au lieu d’offrir à leur admiration « les défenseurs de la patrie et les hommes, plus grands encore, qui l’ont enrichi par leur vertu »38. Et le Genevois d’interpeller nommément Carl Van Loo, alors au sommet de sa gloire, et le prometteur Jean-Baptiste Pierre, qui vient d’accéder à la notoriété avec son Assassinat de saint Thomas Becket (1748), pour qu’ils préfèrent la noble peinture destinée « à augmenter la majesté de nos temples par des images sublimes et saintes », plutôt que la simple peinture de décoration, par laquelle l’artiste se « prostitue à orner de peintures lascives les panneaux d’un vis-à-vis »39. Seules de telles pratiques apporteront quelques apaisements à l’obsession de la décadence, à l’angoisse du déclin qui émanent des textes de Rousseau.
14La Font de Saint-Yenne, auteur moins connu mais néanmoins considéré comme le père fondateur de la critique d’art, partage ce constat d’un déclin conjugué des arts et des mœurs40. Un nécessaire sursaut de la production artistique doit avoir lieu, sursaut qui passe par la réhabilitation de la peinture d’histoire. En puisant dans des épisodes des temps anciens, seule ce genre pourra « former des héros à la postérité, par les grandes actions et les vertus des hommes célèbres »41. Les propositions esthético-politiques de La Font faites à l’occasion du Salon de 1746 étaient encore modérées au regard de ses Sentiments sur quelques ouvrages de peinture publiés à l’occasion du Salon de 175342. Le ton est cette fois nettement plus polémique. Tout en partageant les réserves de nombre de ses contemporains sur Boucher qui exposait cette année Le lever et Le coucher du soleil, La Font se propose d’étayer le souhait de Rousseau en livrant une liste particulièrement suggestive de sujets historiques à illustrer par le pinceau. Si Charlemagne, Saint-Louis en roi justicier et François Ier chef de guerre sont les seules figures monarchiques de l’histoire nationale à être mentionnées43, les sujets inspirés de l’Antiquité sont beaucoup mieux détaillés. Ils permettraient à la peinture de remplir sa véritable fonction, celle d’être « une école des mœurs et un orateur muet qui nous persuade la vertu et les grandes actions », de développer « un zèle passionné pour l’honneur et le salut de sa patrie, et surtout la défense de la religion »44. Les propositions sont alors édifiantes : dans l’histoire de Sparte, mettre en image « la piété d’Agésilas, [...] sa frugalité, son horreur pour la volupté, le luxe et la mollesse, son obéissance aux lois seuls soutiens des Empire » ; dans celle d’Athènes, il conviendrait de retenir « le zèle et le dévouement pour la patrie » d’Alcibiade qui l’aurait pourtant conduit à un injuste exil ; dans celle de Corinthe, le destin glorieux de Timoléon rapporté par Plutarque qui, après avoir délivré la Sicile de son tyran, Denys le Jeune, « y rétablit les lois [...] et fuit dans la retraite pour se dérober au danger des louanges »45. Le destin de Rome magnifié par Tite-Live et Plutarque ne doit pas être négligé, puisqu’il offre quantité d’exemples de vies édifiantes, « d’amour pour la gloire de la patrie plus fort que le sang et la nature ». Et de citer les exemples de Brutus condamnant à mort ses propres fils, Vetturie l’épouse de Coriolan, Fabricius46, ou le vertueux Scipion. La Rome de La Font n’est que vertu, sévérité, refus de la mollesse et de l’opulence. Le dévouement à la patrie, objet d’une admiration sincère, a des raisons essentiellement politiques, puisque « chaque citoyen ayant part au gouvernement, la bonne constitution de l’État devenait son bien propre et son intérêt personnel »47. Curieuse ingérence d’un éloge du principe du gouvernement républicain dans un discours artistique. Le propos peut même devenir ouvertement polémique dans un développement consacré au genre du portrait. L’année où Le Paige publie ses Lettres historiques, où le conflit autour de la bulle Unigenitus franchit un degré d’intensité, obligeant Louis XV à exiler le Parlement de Paris à Pontoise, La Font suggère de multiplier « les portraits de ces magistrats intègres et irréprochables, [...] hommes invincibles par leur fidélité aux lois et à leurs serments ». Parés de toutes les vertus puisque capables d’exposer « leurs biens, leur liberté, souvent même leur vie, pour être un mur de fer impénétrable aux coups de surprise48 portés à la religion et à la bonté du Prince », les parlementaires deviennent, sous la plume du critique, ces « laborieux citoyens » chargés de défendre « le bonheur des sujets et du repos public par le maintien de l’ordre et des lois de l’Etat, dont ils ont le dépôt sacré et dont le violement [sic] ébranlerait les trônes, étant le seul fondement solide des monarchies »49. Bel exemple de la dilution des thèses parlementaires de Montesquieu dans un cadre de pensée rousseauiste.
15Cette « esthétique de l’exemple » suggérée par ce critique d’art, illustre une forme d’évaporation du sentiment monarchique. S’opère un déplacement des thèmes iconographiques, qui ne doivent plus, ou plus seulement, offrir une image au service du pouvoir monarchique, mais permettre l’exaltation de la vertu civique du citoyen. Dans son Essai sur la peinture, publié à la suite de son Salon de 1765, Diderot opère une distinction lourde de sous-entendus sur la place des genres de peinture selon la forme du régime politique. Les gouvernements républicains doivent favoriser « les peintures en portrait et l’art du buste » afin d’attacher « sans cesse les regards des citoyens sur les défenseurs de leurs droits et de leurs libertés ». Il en est tout autrement dans les États monarchiques, où « il n’y a qu’un Dieu et le Roi »50. L’entrée « Luxe » de l’Encyclopédie suggère la même idée. Les beaux-arts doivent contribuer à ramener « l’esprit des citoyens aux sentiments patriotiques et aux véritables vertus ». Pour cela, il importe d’éviter de traiter de sujets relatifs « à la superstition et au libertinage », tout comme « une Galatée maniérée, de petits Daphnis, une Madeleine, un Jérôme », mais « Saint-Hilaire blessé dangereusement, qui montre à son fils le grand Turenne perdu pour sa patrie »51. Des conclusions similaires se retrouvent dans les réflexions du baron d’Holbach sur la fonction de l’artiste. Ce dernier doit avoir un « but moral » en détournant ses concitoyens de la vanité et de la dépravation, pour au contraire avoir « l’ambition d’être utile aux hommes et de les rendre meilleurs »52. À cette fin, il conviendra de rejeter les sujets inspirés de la « mythologie souvent lascive et criminelle », de représenter « les amours d’une foule de divinités, de nymphes, de satyres impudiques », qui n’ont pour autre conséquence que « d’infecter les esprits d’images obscènes, et faire éclore dans les cœurs des passions dangereuses ». Seule l’histoire sait fournir au peintre des sujets « capables d’exciter la vertu », des « traits mémorables de grandeur d’âme, de bonté, de justice, d’amour pour la patrie »53. Le thème de la vertu, omniprésent dans la doctrine esthétique des Lumières tardives, a un contenu politique évident, mais qui résiste aux définitions forcément réductrices. Dans l’Esprit des lois, Montesquieu, ici parfaitement intégré dans le courant de l’humanisme civique, avait fait de cette notion le principe du gouvernement républicain, alors que « l’honneur » est celui actif dans les monarchies. La vertu est porteuse d’égalité. Comme elle ne s’acquiert ni par l’argent, ni par la naissance, ni par le hasard, elle exige un acte de volonté de chacun des membres de la cité. Grâce à une austère égalité, à une simplicité frugale des mœurs, le citoyen vertueux parvient à une certaine grandeur d’âme, à un dévouement à la chose publique. Cette idée se précise dans le siècle. La vertu peut, indifféremment créer une relation à la cité, à l’ordre civil comme une relation à autrui dans le sens de l’utilité commune. La double dimension de cette notion se retrouve sous la plume de Diderot, qui l’entend soit comme « l’habitude de conformer sa conduite à la loi » (verticalité de la vertu), soit comme « l’habitude de conformer sa conduite à l’utilité publique » (horizontalité de la vertu). Se soumettre à la loi est l’exigence du citoyen, et tendre vers l’utilité publique, celle du Souverain54. La difficulté éclate sur la nécessaire évaluation de la conformité de la loi à l’utilité publique. Le geste de Socrate le met en évidence quand il préfère la mort à la soumission à une loi injuste. Et Diderot préfère suivre l’opinion d’Aristippe condamnant l’attitude de son maître en affirmant : « Je me soumettrais à la loi, de peur qu’en discutant de mon autorité privée les mauvaises lois, je n’encourage par mon exemple la multitude insensée à discuter les bonnes »55.
16Que suggère alors Diderot pour enrayer cette dégradation des mœurs et des arts, pour mettre un terme à ces temps « maniérés, ou plutôt très maniérés » ? Le recours à l’antique, ou même mieux encore, « parler des choses modernes à l’antique »56. Le critique d’art des Mémoires secrets confirme cette mutation fondamentale dans la production artistique des Lumières en préambule de son analyse du Priam partant pour supplier Achille de lui rendre le corps de son fils Hector de Joseph-Marie Vien :
Les vrais connaisseurs reconnaissent avec satisfaction que l’École de Boucher disparaît sensiblement et qu’à son style précieux et maniéré qui a si longtemps infecté l’École française, succède enfin aujourd’hui le bon goût de la peinture et l’imitation, quoique bien éloignée encore, de l’antique57.
17Le Cupidon de Boucher est désormais contraint de laisser la place au Brutus de David, au risque sinon d’être réduit à l’état d’esclave, comme pourrait l’évoquer une toile de Vien présentée au Salon de 178958.
II - UN RÉPUBLICANISME PLUS AFFICHÉ DANS L’ADHÉSION AU NÉOCLASSICISME
18Au cours de la décennie précédant la Révolution, se produit une rencontre entre une théorie esthétique et les aspirations d’une partie des élites éclairées emportée par la contestation. Un horizon commun de principes, un même modèle de civilisation président à ces discours appartenant à des registres en apparence distincts, le registre des idées esthétiques et celui des idées politiques. Le discours et la pratique artistiques se nourrissent de la littérature germanique59, anglo-saxonne60, et notamment de Shaftesbury, de la Théorie des beaux-arts de Sulzer, dont de nombreux extraits figurent dans l’Encyclopédie61, mais surtout à l’œuvre de l’autre Jean-Jacques du siècle, l’abbé Johann Joachim Winckelmann. Ses Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques en peinture et en sculpture (1755) et l’Histoire de l’art de l’Antiquité (1764), figureront parmi les ouvrages de prédilection des théoriciens de l’art des Lumières tardives. Ces écrits proposent un goût notable et profondément renouvelé pour l’art antique, qui comporte une dimension politique essentielle. En des termes aujourd’hui célèbres, il affirme : « La constitution et le gouvernement de la Grèce furent très favorables à l’art ; il s’éleva et se perfectionna à l’ombre de la liberté qui a toujours été dans la Grèce, où elle fut même assise sur le trône des rois »62. L’apogée de l’art grec correspond à l’âge d’or de la démocratie, au temps où, selon le témoignage avancé d’Aristote, « tous les législateurs étaient des citoyens »63. Tout en se référant au traditionnel déterminisme géographique et climatique, l’érudit allemand opère un lien entre le génie artistique et les institutions publiques, le « vrai beau » ne pouvant être atteint que par la liberté politique.
L’art fut toujours employé à des usages grands et nobles. Il n’était destiné qu’aux divinités, aux choses sacrées, et à ce qu’il y a de plus utile pour la patrie. La simplicité et la modération habitaient chez les citoyens. L’art ne se trouvait point asservi par un goût puéril ; il ne s’abaissa point à des bagatelles, ni à des jeux de poupées. Tout ce qu’il exécutait était digne des grandes idées de toute la nation64.
19Cette radicalité esthétique et politique, qui a connu une diffusion rapide dans la France de Louis XVI, grâce notamment aux efforts de Garat, l’un des penseurs les plus radicaux des Lumières65, conjuguée à un rousseauisme diffus, permettent de dégager un certain nombre de principes que les arts picturaux doivent mettre en œuvre : primat de la ligne sur la couleur, éloge de la simplicité, du dépouillement par la mise en place de scènes austères et minérales, choix de sujets suggérant l’éloge du labeur, du renoncement, de la discipline et du sacrifice. La peinture d’histoire apparaît alors comme l’un des vecteurs idéaux pour dessiner ce nouvel espace républicain, fortement marqué par la présence de l’antique.
20Une nouvelle pédagogie de l’art s’impose. L’art ne doit plus divertir l’homme pris dans son individualité, mais éduquer et inspirer l’homme pris dans sa qualité de membre du corps politique, le citoyen. Selon l’auteur anonyme des Dialogues sur la peinture qui écrit en 1772, la fonction première d’une œuvre doit être d’enflammer « les âmes citoyennes », afin d’influer sur les mœurs de la nation. L’art ne puise sa légitimité que dans sa capacité à élever le peuple, à offrir des modèles de vertu, de dévouement à la chose publique. Un modèle s’impose alors, celui de la Grèce antique, qui démontre les liens entre pureté des mœurs et génie artistique au prix d’une heureuse métaphore musicale :
Il nous faudrait des âmes fortement populaires et publiques. [...] De pareils citoyens s’animeraient vraiment pour de grands intérêts puisqu’ils ne sont indifférents sur rien, et qu’ils mettent de la chaleur comme vous avez vu jusque dans les arts, les misères et les petites choses. Rien n’est petit dans l’ordre public. [...] Est-ce qu’une âme citoyenne s’enthousiasmerait pour du marbre et des couleurs sans leur influence sur les mœurs ? C’est à elles que la Grèce rapportait tous les arts dont elle faisait les ressorts de sa politique, et une corde ajoutée à la lyre y fit craindre une révolution66.
21La pratique artistique se trouve réduite à un acte de civisme, comme le montre ce passage pour le moins enthousiaste d’un compte-rendu du Salon de 1781 :
Oh, qu’il serait attendrissant de savoir que l’amour seul de l’art ferait prendre l’ébauchoir et le pinceau ! La vertu, l’adresse de l’homme seraient appliquées toutes à l’avantage de l’humanité, et le succès des arts nous rappellerait à des pratiques sociales et civiques, dont peu d’entre nous nous semblent se souvenir. Cette conduite des artistes les rendraient des demi-dieux ; assez sages pour édifier, assez puissants pour instruire, nous n’aurions qu’à ajouter à la distinction qu’ils s’arrogent.
22S’ébauche le portrait d’un artiste démiurge, « demi-dieu », capable par son talent et sa vertu d’élever les âmes de ses concitoyens vers les sentiments les plus élevés :
La critique serait sans voix ; au lieu des plus désagréables vérités, même du silence ironique d’une malice timide, la reconnaissance placerait de sincères éloges. Le monarque, satisfait de la dispense de ses dons, le citoyen du fruit qu’il en verrait naître, chef et sujets, tous s’uniraient pour honorer des hommes parfaits67.
23L’auteur du Discours sur la peinture (1785) en vient à suggérer une forme d’autocensure de l’artiste lui-même, qui ne doit mettre son talent qu’à l’exaltation de la seule vertu. Ainsi, Greuze, le maître de la peinture à l’austérité toute calviniste, a su offrir des « leçons utiles et pour ainsi dire, vivantes » dans son Père de famille lisant la Bible et dans la Piété filiale. Il aurait dû par contre s’abstenir de réaliser d’autres toiles (Le fils ingrat, La malédiction paternelle ou La mauvaise belle-mère), autant de sujets qui « font naître des idées moins consolantes », l’auteur ajoutant : « Peut-être vaudrait-il mieux ne supposer l’existence de pareils monstres à l’exemple de Lycurgue, qui, dans ses lois, n’aurait pas supposé la possibilité d’un parricide »68. Il est vrai que d’Holbach lui-même va très loin dans cette mise en œuvre d’un art civique. Ainsi, il n’hésite pas à écrire qu’une « législation vigilante doit empêcher les arts de nuire aux mœurs des citoyens ; elle doit mieux diriger le goût de tant d’artistes, trop souvent occupés à séduire nos regards »69.
24Un autre pamphlétaire, dont l’anonymat dissimulerait la figure de Paul, confirme cette figure de l’artiste précepteur du bon goût, de la vertu civique. Le propos maintient une apparente fidélité monarchique dans son éloge de Louis XIV, protecteur des Beaux-Arts, en la personne de Le Brun, de Le Sueur et de Puget car, à cette époque, « nous eûmes des grands hommes, parce qu’un grand homme savait les distinguer, les reconnaître »70. Ces accents très voltairiens savent se conjuguer avec une lecture plus rousseauiste de la production artistique du règne de Louis XV, marquée par la domination de peintres décadents comme de Troys, Restout, Coypel et surtout dans « les mixtives ingénieuses et perfides de Boucher ». Cette fois, le constat est plus grave, puisque la vue de ces toiles « fait que le civisme vous arrache le pinceau des mains, que l’amour de l’art vous déchire le cœur »71. Dans ce texte nourri des lectures les plus variées (Algarotti, Shaftesbury, Webb), l’art se réduit à une propédeutique chargée de propager un idéal civique, où la quête du beau se réduit à la recherche des moyens de l’élévation des membres du corps social. Selon une formule pour le moins troublante, l’art est « plus une moralité qu’une œuvre matérielle ». Il se pense d’abord par sa fonction, par ses fins, plus que par sa matérialité. Cela explique que l’auteur puisse opposer la fonction de l’artisan, qui doit être « le physique de l’Etat », à celle de l’artiste qui en est « la spiritualité ». Un maître en peinture ne doit-il pas « former le cœur, élever l’âme et le génie de ceux qui se rangent auprès d’eux, faire pour l’art des champions illustres pour la patrie des citoyens »72 ? Seuls de tels « artistes citoyens » sauront mettre un terme dans « le désordre, l’insouciance qui abâtardissent les talents au sein des arts » pour au contraire recouvrer « l’antique patriotisme »73.
25C’est en effet autour de la peinture d’histoire, et plus particulièrement dans les scènes tirées de l’Antiquité74, que les attentes sont les plus fortes. Pendant un temps Joseph-Marie Vien, prix de Rome en 1753 et reçu à l’Académie en 1754, incarne ce goût de l’Antique, qui lui vaut un triomphe lors du Salon de 1763 avec sa Marchande d’Amours, vêtue à la grecque. Considéré comme le rénovateur d’une école française moribonde, il reçoit nombre de compliments qui restent néanmoins contenus du fait de sa lecture trop fade, galante et ennuyeuse des sujets antiques75. À partir du Salon de 1781, David, le meilleur élève de Vien, devenu pédagogue influent par ses fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome, incarne désormais cette nécessaire régénération des arts et des mœurs par le détour de l’antique76. La vue de Bélisaire, scène inspirée du roman philosophique de Marmontel, ou de Saint Roch intercédant la vierge pour la guérison des pestiférés déclenche l’enthousiasme. Un critique peut écrire : « Quelle énergie dans le premier ! Quelle grandeur dans le second »77. Le temps n’est plus à la mollesse et à la lascivité du rococo, mais à l’énergie virile déployée par la peinture néoclassique. Le Discours sur l’origine, les progrès et l’état actuel de la peinture en France offre une belle illustration de l’enthousiasme suscitée par ces mutations stylistiques. Il est toujours reproché à l’École française (Boucher, Le Moyne, de La Joue) de produire un art factice, éloigné de la vraie nature, en offrant des personnages (bergers, vierges, anges) « qui ne se trouvent qu’à l’opéra ». Seuls la fidélité au costumes, la pureté du dessin, un noble dépouillement et la grandeur calme des expressions que maîtrisent Vien, Vincent et David permettent d’accéder à la véritable nature corrompue par la civilisation78. Manifeste du néoclassicisme, Le serment des Horaces, commande royale exposée à Rome en 1785, provoque des émois républicains chez nombre de salonniers. Un critique décèle dans la pose des trois fils, prêtant serment à leur père « le même courage, la même fierté républicaine »79. D’autres ne cachent pas leur admiration pour « le costume simple, la vie citoyenne et intérieure, et les mœurs patriotiques et cruelles des premiers Romains »80 ou encore « l’enthousiasme du patriotisme »81. Ce patriotisme républicain doit s’entendre ici comme le renoncement à ses intérêts particuliers, qu’ils soient familiaux ou marchands, pour se dévouer tout entier au bien commun. L’adjectif « républicain » a ici définitivement perdu sa connotation péjorative qui permettait de l’assimiler au factieux, au mutin, au séditieux. Il évoque l’Antique, mais il peut renvoyer aussi à la jeune Amérique, dont les héros/hérauts (Jefferson, Franklin ...) suscitent une indéniable attraction lors de leur séjour à Paris. La liberté était le privilège des Anciens, mais aussi, grâce à leurs innovations juridico-politiques (déclaration des droits, rédaction d’une constitution), une conquête du jeune peuple américain82. Ainsi, Louis-Sébastien Mercier écrit : « C’est peut-être en Amérique, que le genre humain va se refondre ; qu’il doit adopter une législation neuve et sublime, qu’il va perfectionner les sciences et les arts et représenter les anciens peuples. Asile de la liberté, les âmes de la Grèce, les âmes fortes et généreuses y croîtront ou s’y rendront, et ce grand exemple donné à l’univers prouvera ce que peut l’homme, quand il met en dépôt commun son courage et ses lumières ».
26L’antique est donc le lieu d’épanouissement de la radicalité politique, qu’un compte-rendu du Salon de 1787, nourri des thèses de Winckelmann, illustre parfaitement. Selon son auteur, l’artiste grec a accédé au beau idéal, incarné par les statues du Laocoon ou du Gladiateur Borghèse pour des raisons climatiques, mais aussi sociales et politiques. La simplicité des mœurs, le sens civique des citoyens entretenu par des fêtes et des jeux, et surtout l’esprit de liberté, a permis aux artistes, peintres et sculpteurs, « d’exprimer les traits nobles et généreux »83 de leurs modèles. Avec une nostalgie mêlée de polémique, l’auteur donne à contempler une véritable Arcadie : « Dans les assemblées nationales, la voix puissante de ses orateurs offrait [à l’artiste] le peuple remué, agité successivement de diverses passions ; aux champs, de paisibles cultivateurs, d’heureux bergers, faisaient résonner les collines de leurs pipeaux et de leurs chansons ». Comme l’affirmait déjà l’Auteur de l’histoire de l’art antique84, les Romains n’ont été que de pâles imitateurs de leurs illustres prédécesseurs. Grâce une minorité éclairée, ce peuple orgueilleux a pu continuer pendant un temps à cultiver les beaux-arts. Cette entreprise, qui ne fut que de courte durée (jusqu’au règne de Trajan), permit au peuple « de se consoler de la perte de sa liberté »85. La décadence, inexorable sous un régime tyrannique, s’accéléra avec la diffusion du christianisme. Après une longue nuit d’obscurantisme, une forme de renouveau s’opéra sous Louis XIV, non pas grâce à son mécénat autoritaire, mais à cause de « l’énergie des guerres civiles et des factions », conjuguée aux recherches sur l’Antiquité. Cette période d’éclat ne fut qu’une brève parenthèse. Le règne de Louis XV ouvre la porte « aux productions fantasques et licencieuses ». Le temps n’est plus alors à « la représentation et à la dignité des mœurs publiques », mais au goût pour « des petites maisons, de ces voluptueux boudoirs ». La cause de cette licence artistique n’est pas à attribuer au manque de génie des artistes, mais aux mœurs du temps, à la perte de « l’amour de la patrie ». L’artiste n’est plus que le révélateur du goût d’une époque, du degré de perfection ou de progrès d’une civilisation. Et cet admirateur de Vien et de David, peut conclure son propos par cet avertissement : « Les arts ne peuvent prendre parmi nous un nouveau caractère, que quand la nation sera elle-même devenue susceptible de plus d’énergie »86.
27Le modèle achevé de l’exemplum virtutis87 est alors le sacrifice, et l’Antique fournit un réservoir d’exemples de dévouement absolu, d’un patriotisme qui conduit jusqu’à la mort, pour le seul bien de la cité. Dès 1753, La Font de Saint-Yenne proposait aux peintres de son temps de représenter l’action « citoyenne » de la condamnation à mort de Plistarque, par la femme du roi Léonidas, qui sacrifie ainsi son propre fils ayant « osé se présenter devant elle après avoir fui lâchement dans une bataille qui devait décider de la liberté de la patrie »88. Ce thème du sacrifice rencontre un vif succès dans les Salons du règne de Louis XVI. Brenet réalise une Piété et générosité des dames romaines, sobre composition qui suscite des commentaires laudateurs, puis un Virginius prêt à sacrifier sa fille au Salon de 1783. Le plus brillant rival de David, Jean-François Peyron livre un Cimon et Miltiade. Cette très belle toile montre un citoyen athénien, Cimon, renonçant à sa liberté pour pouvoir offrir à son père qui était mort en prison, une sépulture décente, digne de sa qualité de général. En 1787, Petrin propose l’histoire du double sacrifice de Cyannippe et de sa fille à Bacchus ; Le Barbier, Le courage des femmes de Sparte et Lagrenée l’aîné, La fidélité d’un Satrape de Darius. Certains commentaires de la toile de Jean-Simon Berthélémy, Manlius Torquatus condamnant son fils à mort exposée au Salon de 1785 sont édifiants. Qu’un consul préfère se soumettre à l’empire de la loi plutôt que de suivre ses sentiments en condamnant son fils coupable d’indiscipline militaire, inspirent à certains salonniers des analyses enflammées. Soulavie s’emporte sur la tête de Manlius, « sublime par l’expression », le peintre ne pouvant mieux rendre « la victoire que l’amour des lois remporte, chez un Romain sévère, sur l’amour paternel »89. Ce « combat cruel de la nature et du devoir »90, ce conflit de normes entre la sphère publique et la sphère privée, entre les liens familiaux et les liens civiques ont été parfaitement rendus par le peintre, qui a su mêler « le père barbare et le romain vertueux si ferme dans ses principes, [qui] craint d’être attendri à la vue de son fils qui va mourir par son ordre »91. L’auteur de Minos au sallon [sic] ne partage pas le même enthousiasme pour cette toile. Il n’en n’exprime pas moins un jugement similaire sur la référence romaine, qui emporte avec elle « quelque chose de grand et de héroïque. On ne parle de ce peuple qu’avec une espèce d’admiration et d’effroi. Pénétrée de ce principe, une peinture doit chercher à prononcer dans les héros de cette illustre république le courage, la fierté et l’âpreté de leur caractère »92. Le sacrifice ouvre la porte au « grand », au pathétique, au dramatique. C’est là l’une des qualités reconnus à ces peintres républicains, qui ont su délaisser le goût du « petit », du léger, de l’hédoniste tant prisé par les artistes rococo. Une véritable théorie des dimensions peut être mise en évidence dans la pensée esthétique des secondes Lumières. Elle passe par une mise en opposition, au sens propre ou au figuré, entre le « grand » et le « petit ». Ainsi, Diderot voit comme obstacle à la perfection des Beaux-Arts « ce luxe qui dégrade les grands talents en les assujettissant à de petits ouvrages, et les grands sujets en les réduisant à la bambochade »93. Cette opposition entre le grand et le petit, le « sublime » et le « mesquin » pour reprendre des termes de Winckelmann94, se retrouvera dans les théories esthétiques de la Révolution. Dans Considérations sur les arts du dessin en France, qui constituent selon Edouard Pommier, le premier traité sur les arts de l’époque révolutionnaire, Quatremère de Quincy, alors député de la ville de Paris à la Législative, perpétue cette théorie des dimensions quand il jette un regard rétrospectif sur les dernières de l’Ancien Régime. Il voit « décroître et se rapetisser, bien sensiblement, toutes les ressources de l’art. Comme si la race humaine eût subitement diminué de proportion, toutes les habitations diminuèrent, les palais se changèrent en modiques maisons, les monuments publics ne se distinguèrent plus des édifices particuliers, (...) les salons devinrent des boudoirs, les arts furent obligés de se rapetisser au niveau de leur modèle. La miniature devint la peinture d’histoire de cette génération »95.
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28Diderot et Winckelmann, Rousseau et David, tel semble avoir été le mélange détonant tout à la fois capable de saper les fondements de l’ordre politique et esthétique de la monarchie capétienne et d’offrir aux hommes de 89 de nouvelles bases conceptuelles pour repenser les rapports entre arts et politique.
29Les troubles et l’effervescence qui agitent la France au cours de l’été 1789 n’ont pas empêché la tenue du Salon qui s’est ouvert comme à l’accoutumée, le 25 août, veille du jour de la proclamation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le mouvement de contestation qui avait irrigué une partie du discours sur l’art depuis plusieurs décennies gagne alors en intensité96. Qu’il suffise de citer Carmontel, littérateur prolixe, critique à succès et protégé du duc d’Orléans, qui se réjouit de voir que « la musique trouve aujourd’hui des oreilles dignes d’écouter ses chants sévères, la toile n’offre plus comme autrefois, ces puériles enluminures qui déshonoreraient l’école française ; nos poètes à Madrigaux laissent nos orateurs brûlants de zèle pour la patrie foudroyer le despotisme »97. Plus que jamais, Boucher est détesté, accusé d’avoir « gâté le goût français ». Seuls Vien, David, Regnault ou Vincent ont permis la réhabilitation du goût de l’antique, de « cette liberté renaissante [qui] va éteindre toutes ces petites aristocraties »98. David est définitivement élevé au rang de peintre républicain, celui qui, par son Brutus inspiré du Livre I de Tite-Live, a su donner tout son éclat à la peinture d’histoire en mettant en scène « l’élan le plus vigoureux des âmes et le sublime de la férocité »99. Dans cette toile, Brutus, héros républicain, apparaît au premier plan, accablé par la douleur à la vue du cortège funèbre emmené par des licteurs qui portent le corps de ses fils. Le sujet principal se trouvant dans l’obscurité du tableau, « comme pour marquer la douleur d’un être que la morgue républicaine ne saurait empêcher d’être père ». Le salonnier peut ajouter :
Pour apprécier les beautés sublimes de cette composition, il faut se transporter au temps où faisait consister sa liberté dans la rudesse de ses mœurs ; au temps où de prétendus citoyens ne détrônaient les rois que pour régner eux-mêmes ; au temps où un fantôme républicain consolait le peuple de la tyrannie de ses consuls100.
30Ce fantôme républicain, qui hantait depuis déjà longtemps les esprits de la France d’Ancien régime, devra attendre encore quelques temps avant de pouvoir s’incarner dans la chair du droit public. La monarchie est abolie le 21 septembre 1792, un décret du lendemain ordonnant de dater les actes publics de l’an I de la République.
Notes de bas de page
1 Par exemple la traduction abrégée de Pufendorf par Barbeyrac (Les devoirs de l’homme et du citoyen, 1712), et les ouvrages de Mably (Des droits et des devoirs du citoyen, 1789 à titre posthume), Baudeau (Idées d’un citoyen sur les besoins, les droits et les devoirs des vrais pauvres, 1765) ou de Volney (La loi naturelle, ou catéchisme du citoyen, 1793).
2 À l’exemple des célèbres Éphémérides du citoyen des physiocrates.
3 Une bonne synthèse des tensions qui traversent la notion de « citoyen », notamment dans son rapport avec celle plus traditionnelle de « sujet » est proposée par J.-J. Rousseau (Contrat social, I, 6) : « À l’égard des associés, [les membres du corps politiques] prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l’Etat ». Voir également les entrées « sujet » et « citoyen » signées par de Jaucourt dans l’Encyclopédie. Il manque encore une étude d’ensemble sur la citoyenneté au xviiie siècle. Voir néanmoins, P. Rétat, « Citoyen-sujet-civisme », dans R. Reichardt et E. Schmitt (éd.), Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich, 1680-1820, Munich, Oldenburg, 9, 1988, p. 75-105, et C. Larrere, « Le civique et le civil. De la citoyenneté chez Montesquieu », Revue Montesquieu, 3, 1999, p. 41-61.
4 La voie n’est évidemment pas nouvelle, depuis les travaux essentiels de Th. Crow. Voir notamment La peinture et son public à Paris au xviiie siècle ([1985], Paris, Macula, 2000), ouvrage qui a été l’élément déclencheur de notre recherche. À cela, il convient d’ajouter James A. Leith, The Idea of Art as Propaganda in France (1750 -1799), Univ. of Toronto Press, 1965.
5 Observations sur les ouvrages de MM. de l’Académie de peinture et de sculpture exposés au Salon du Louvre, s. 1., 1753.
6 Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture, s.l., 1752.
7 K. Obser, « Lettres sur les Salons de 1773, 1777 et 1779 adressées par du Pont de Nemours à la Margrave Caroline-Louise de Balde », Archives de l’art français, 1908, t. II, p. 3-123.
8 Beccaria, Recherches concernant la nature du style (1770), traduction, annotation et postface de B. Poutrat, Editions de la Rue d’Ulm, 2001, p. 9.
9 Voir Y. Le Gall, « Louis XV en ses places : Paris, Rouen et Reims, trois formules politiques », Cahiers de l’Institut d’Anthropologie juridique, PULIM, 4, 2000, p. 191-237.
10 A. McClellan, « La série des grands hommes de la France du comte d’Angiviller, et la politique des Parlements », dans Clodion et la sculpture française à la fin du xviiie siècle, Paris, La Documentation française, 1993, p. 223-248.
11 Entreprise facilitée par la consultation (pour les Salons de 1785 et 1787) de la collection Deloynes, recueil de pièces rares (livrets de Salon ou commentaires critiques) disponible sous la forme de microfiches à la Bibliothèque Nationale François Mitterrand.
12 Diderot, Salons, texte établi et présenté par J. Seznec et J. Adhémar, Oxford, Clarendon Press, 4 vol. , 1960-1967, t. III, p. 288-289, la chambre criminelle étant décrite comme une « espèce d’inquisition d’où le crime intrépide, subtil, hardi s’échappe quelques fois par les formes, qui immolent d’autres fois l’innocence timide, effrayée, alarmée ». À ce titre, le Berlinois Daniel Chodowiecki a réalisé un tableau portant sur cette affaire (Les adieux de Calas, 1767).
13 Le journaliste des Mémoires secrets écrit à ce sujet : « M. Duplessis, au lieu de chercher à rendre l’homme, avait voulu peindre le monarque. Il n’a pas senti que l’humanité, la bonté, la popularité, la familiarité, si l’on peut s’exprimer ainsi, étant le caractère distinctif de la physionomie de notre roi, il ne pouvait s’allier avec celui de la grandeur, de la fierté imposante, repoussante, qu’il a voulu exprimer » (Les Salons des « Mémoires secrets » 1767-1787, édition établie et présentée par Bernadette Fort, Paris, École Nationale des Beaux-Arts, 1999, p. 179).
14 Fl. Ferran, « Le Salon en délire : Gorsas et la Plume du Coq de Micille », dans R. Démoris et Fl. Ferran (éd.), La peinture en procès. L’invention de la critique d’art au siècle des Lumières, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001, p. 257 et s.
15 Voir l’ouvrage cité supra de Th. Crow.
16 Sur cette toile, on peut lire l’inscription : « Je défends mon père innocent, assassiné par le glaive des lois ». Ainsi, le journaliste des Mémoires secrets note : « Quelle ne fut pas ma surprise en entrant au Salon d’apprendre que ce tableau n’était plus, qu’il y avait eu ordre de le retirer pour ne point déplaire au Parlement, dont on avait cassé l’arrêt, dont on en cassait tous les jours, et dont on venait d’en casser un de ce genre d’une manière encore plus humiliante [en référence à l’affaire dite des « trois hommes condamnés à la roue », dans laquelle s’est illustré l’avocat Dupaty]. On avait craint, par le souvenir d’une telle catastrophe, d’affaiblir le respect dû aux oracles de cette cour, de la dégrader, de l’avilir aux yeux du peuple ; et dans ce moment même on proscrivait ses membres, on les envoyait en exil, on suspendait leurs fonctions, on les traitait comme des rebelles » (Les Salons des « Mémoires secrets », op. cit., p. 319).
17 R. Wrigley, The Origins of French Art Criticism, from the Ancien Régime to the Revolution, Oxford, Oxford U.P., 1993.
18 M. Levey, Rococo to Revolution : Major Trends in Eighteenth Century Painting, London, 1966; R. Rosenblum, L’art au xviiie siècle. Transformations et mutations, [1967], Brionne, Gérard Montfort Éditeur, 1989.
19 Voir les publications à l’occasion du tricentenaire de la naissance du peintre (François Boucher et l’art rocaille, Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2003 ; François Boucher, hier et aujourd’hui, Louvre, R.M.N., 2003).
20 Notamment ses gendres Pierre-Antoine Baudoin et surtout Jean-Baptiste Deshays, premier prix à l’Académie en 1751, dont les œuvres, notamment un Martyr de Saint André (Salon de 1759) et le Mariage de la Vierge (Salon de 1763), ont fait dire à Diderot qu’il était « le plus grand peintre d’Eglise que nous ayons ».
21 Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. M. Tournaux, t. I, p. 357.
22 Diderot, op. cit., t. I, Salon de 1761, p. 112.
23 Ibid., t. II, Salon de 1765, p. 140
24 Ibid., t. I, Salon de 1761, p. 112.
25 Ibid., t. I, Salon de 1763, p. 233.
26 Ibid., t. II, Salon de 1765, p. 165. Dans le même sens, du Pont de Nemours (Revue de l’art, op. cit, p. 66) considère Greuze comme « le peintre de la morale, de la bienfaisance, des belles âmes, mais principalement de la nature et de la vérité » Sur la place complexe de Greuze, autre « artiste officiel » au siècle des Lumières, voir Th. Crow, La peinture, op. cit., chap. V.
27 R. Mortier, « Diderot contre Boucher ou le refus du rococo », Études sur le xviiie siècle. Rocaille, Rococo, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1991, p. 151-157. Plus récemment, C. Duflo a insisté sur le fait que la peinture de Boucher est à l’opposé d’une « esthétique de la vérité » élaborée par Diderot (« Le système du dégoût. Diderot critique de Boucher », Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, 29, 2000, p. 85-101).
28 C’est dans le Moment machiavélien (1975, Paris, PUF, 1997) que J. G. A. Pocock a mis en lumière ce courant de pensée qui permet d’offrir une alternative au libéralisme lockien comme fondement de la modernité. Élaboré au cœur des cités italiennes de la Renaissance, avec notamment Machiavel, le paradigme de l’humanisme civique aurait traversé la Manche pour nourrir les débats politiques pendant les guerres civiles sous Charles Ier. Dans son Oceana (1656), Harrington parachève « l’anglicisation de la république ». Incompatible avec l’individualisme commercial triomphant dans l’Angleterre hanovrienne, ce paradigme trouve refuge de l’autre côté de l’Atlantique, où une doctrine mêlant les thèses des commonwealthmen radicaux à l’héritage du conservatisme tory d’un Bolingbroke, donne naissance aux principes fondateurs de la République américaine. La présence de ce thème dans la littérature politique française, négligée par J. Pocock, a été mise en évidence, notamment grâce aux travaux de J.-F. Spitz (L’amour de l’égalité, Paris, Vrin, 2000) et J. K. Wright (« The Idea of a Republican Constitution in Old Régime France », dans M. Von Gelderen et Q. Skinner, Republicanism. A Shared European Heritage, Cambridge U.P., 2002, t. II, p. 298-306). De plus, et la question mériterait une enquête impossible à mener dans le cadre de cette étude, le Machiavel républicain connaît en cette fin de siècle, une actualité éditoriale révélatrice. Sont par exemple publiées en 1782 des Réflexions de Machiavel sur la première décade de Tite-Live (Amsterdam, 1782), dont l’important « Discours préliminaire » anonyme offre une parfaite synthèse de ce républicanisme des Lumières.
29 Au-delà de la difficulté de situer L’Esprit des lois dans ce débat (voir C. Spector, « L’Esprit des lois de Montesquieu. Entre libéralisme et humanisme civique », Revue Montesquieu, 1998-2, p. 139-161), il semble qu’il faille considérer cet ouvrage comme la matrice d’où pourront se développer et le libéralisme et l’humanisme civique.
30 « Être patriote, c’est souhaiter que sa ville s’enrichisse par le commerce, et soit puissante par les armes » (Voltaire, Dictionnaire philosophique, v° « Patrie »). Sur la dimension antirépublicaine de Voltaire, voir en dernier lieu F. Quastana, Voltaire et l’absolutisme éclairé, Aix-en-Provence PUAM, 2003, p. 69 et s.
31 « C’est ainsi que la dissolution des mœurs, suite nécessaire du luxe, entraîne à son tour la corruption du goût » (Rousseau, Discours sur cette question proposée par l’Académie de Dijon : si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs, (1750), Paris, Pléiade, 1964, p. 21). Sur ce thème, voir la belle étude de R. Trousson, « Art et luxe au xviiie siècle », Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, 2003, p. 15-36.
32 Il convient de noter que cette angoisse de la décadence peut être le fait de penseurs plus conservateurs, soucieux de maintenir en l’état l’ordre politique des Capétiens. Outre Sénac de Meilhand (Considérations sur le luxe et les richesses, 1787), Rigoley de Juvigny en offre un bel exemple, quand il partage avec Mably et Raynal un discours « patriotique » fait de rejet du luxe et du commerce, de mépris pour une éducation « molle et efféminée » (De la décadence des lettres et des mœurs depuis les Grecs et les Romains jusqu’à nous, Paris, 1787).
33 « Maudit soit le premier qui rendit les fonctions publiques vénales ; Maudit soit celui qui rendit l’or l’idole de la nation ; maudit soit celui qui créa la race exécrable des grands exacteurs ; maudit soit celui qui engendra ce foyer d’où sortirent cette ostentation insolente de richesse dans les uns, et cette hypocrisie épidémique de fortune dans les autres ; maudit soit celui qui condamna par contre-coup le mérite à l’obscurité, et qui dévoua la vertu et les mœurs au mépris » (Salons, op. cit., t. III, Salon de 1767, p. 123).
34 Ibid., t. II, Salon 1765, p. 75.
35 Ibid., t. III, Salon de 1767, p. 56. Plus loin, il écrit : « C’est sous la tyrannie de ce luxe que les talents restent enfouis ou sont égarés » (ibid., p. 120).
36 De l’Esprit des lois, XXI, 6.
37 Ainsi, Soulavie affirme : « Les causes qui flétrissent le génie politique, qui avilissent le cœur et l’âme d’un peuple et le précipitent vers sa décadence, et celles qui entraînent la ruine des arts, sont absolument les mêmes » (Réflexions impartiales sur les progrès de l’art en France et sur les tableaux exposés au Louvre, par ordre du roi, en 1785, s. l., 1785, p. 2).
38 Rousseau, Discours, op. cit., 25.
39 Ibid., p. 21, un vis-à-vis étant une petite voiture en forme de berline.
40 La Font de Saint-Yenne (1688-1771) bénéficie d’un regain d’intérêt de la part de l’historiographie, comme en témoigne la belle édition de l’Œuvre critique par E. Jollet (Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2001).
41 Réflexions sur quelques causes de l’état présent de la peinture en France, avec un examen des principaux ouvrages exposés au Louvre le mois d’août 1746, (1747), Œuvre critique, op. cit., p. 47. Sur ce point, voir Ch. Henry, « La peinture en question. Genèse conflictuelle d’une fonction sociale de la peinture d’histoire en France au milieu du xviiie siècle », dans Th. W. Gaehtgens et alii, L’art et les normes sociales au xviiie siècle, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2001, p. 459-476.
42 Signalons que le texte de 1747, le premier dans le genre de la critique d’art, provoqua un important scandale. Les membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture goûtèrent modérément le fait de se voir soumis à la critique émanant d’un non-praticien. Cette innovation fut à l’origine de leur « grève » (assimilable aux « grèves judiciaires »), lors du Salon prévu en 1749. Cet épisode ne doit cependant pas occulter la nette radicalisation des propositions de La Font dans son texte de 1753, évolution qui pourrait sans doute s’expliquer par la fréquentation de Rousseau. R. Démons s’est attardé sur les liens entre ces deux auteurs (« Jean-Jacques Rousseau et le discours sur la peinture », Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, 2003, p. 238 et s.).
43 La Font est sur ce point très moderne, puisque l’illustration du passé national par des peintres d’histoire n’aura lieu qu’à l’occasion du Salon de 1779.
44 La Font de Saint-Yenne, Sentiments, Œuvre critique, op. cit., p. 299.
45 Ibid.,p. 300-301.
46 Rousseau a rédigé la célèbre prosopopée de ce vertueux consul dans son Discours sur les arts.
47 La Font de Saint-Yenne, Sentiments, op. cit., p. 304.
48 La théorie de la surprise est un des lieux communs de l’opposition parlementaire. Seuls des magistrats intègres peuvent, en toute loyauté, éclairer le roi qui aurait été « surpris » ou mal conseillé par des ministres forcément fourbes et ambitieux qui peuplent ses conseils.
49 Ibid., p. 236-237. Dans la biographie placée en tête de l’édition de l’Œuvre critique, E. Jollet souligne la « religiosité d’obédience janséniste » du critique.
50 Diderot, Salons, op. cit., t. II, Salons de 1765, p. 397.
51 Encyclopédie de Diderot et d’Alembert v° « Luxe ».
52 [Holbach], La morale universelle ou les devoirs de l’homme fondé sur la nature, Amsterdam, M.-M. Rey, 1776, t. I, p. 233.
53 Ibid., t. I, p. 234. Dans l’Éthocratie, ou le gouvernement fondé sur la morale, Amsterdam, 1776, p. 167), il s’en prenait déjà aux « peintures indécentes de la mythologie ancienne », et aux « représentations trop naïves de la corruption moderne ».
54 Diderot, Salons, op. cit., t. III, Salon de 1767, p. 145.
55 Ibid., p. 147. La même idée est reprise dans les Entretiens avec Catherine II (Œuvres politiques, Paris, Garnier Frères, 1963, p. 321).
56 Diderot, Salons, op. cit., t. III, Salon de 1767, p. 238, à propos de la Cuisine italienne d’Hubert Robert.
57 Sur les peintures ... exposées au Salon du Louvre, le 25 août 1783, dans Les Salons des « Mémoires secrets », op. cit., p. 255. A propos des toiles du Salon de 1785, sont de même dénoncées « les scènes molles et efféminées dont l’effet ordinaire est d’énerver le talent en corrompant le cœur », proposées par Boucher et ses disciples, pour au contraire louer la critique qui peut se vanter d’avoir rappelé à la nouvelle génération de peintres « [les] vrais principes du grand genre, [les] beautés mâles de l’antique » (ibid., p. 283).
58 L’Amour fuit l’esclavage (Musée des Augustins, Toulouse), montre un cupidon s’envolant par la fenêtre d’une demeure grecque.
59 A l’exemple d’Aton Mengs installé à Rome.
60 L’influence anglaise (à travers les œuvres de Gavin Hamilton, Benjamin West ou Angelica Kauffmann), a été bien mise en évidence par J. Locquin (La peinture d’histoire en France de 1747 à 1785, Paris, 1912, et « La part de l’influence anglaise dans l’orientation néoclassique de la peinture française entre 1750 et 1780 », Actes du Congrès d’histoire de l’art (Paris, 1921), II, 2ème section, 1ère partie, Paris, PUF, 1924, p. 391-399).
61 Voir par exemple l’article « Intéressant (Beaux-Arts) ».
62 Winckelmann, Histoire de l’art de l’Antiquité (1764), Paris, 1766, t. I, p. 222. Sur la pensée esthético-politique du critique allemand, voir É. Décultot, Johann Joachim Winckelmann. Enquête sur la genèse de l’histoire de l’art, Paris, PUF, 2000, p. 175-192 et le recueil d’articles d’E. Pommier (Winckelmann, inventeur de l’histoire de l’art, Paris, Gallimard, 2003, notamment p. 253-269).
63 Winckelmann, Histoire de l’art, op. cit., p. 230.
64 Ibid., p. 235. Cette théorie d’un lien entre art et liberté, rencontre sa plus grande limite dans l’analyse de la cause de la décadence de l’art grec, qui n’a alors plus aucune raison politique, mais qui tient à la corruption du goût, gagné par le « pédantisme », et à une forme d’épuisement des artistes, qui, incapables de rivaliser avec Praxitèle ou Apelle, furent contraints de se réfugier dans « l’esprit d’imitation ».
65 Avocat au Parlement de Paris, auteur de redoutables contributions au Répertoire universel et raisonné de jurisprudence de Guyot (à l’exemple de l’entrée « souveraineté », Paris, 1784, t. XVI, p. 388-395), ce familier des cercles de Diderot et de Raynal, a laissé un compte-rendu dithyrambique de la deuxième traduction de l’Histoire de l’art au Mercure de France. Il ne pouvait manquer de souligner la portée politique des thèses de l’érudit allemand, qui, « en liant la science des arts à celle de la Nature et des législations », a démontré en quoi « les climats et les gouvernements ont concouru à donner ou à refuser aux peuples et les formes de la beauté, et cette sensibilité d’imagination » (Mercure de France. 11 janvier 1783, p. 63-75, citation p. 71).
66 Dialogues sur la peinture, cité par Th. Crow, op. cit., p. 201.
67 Pique-nique convenable à ceux qui fréquentent le sallon, préparé par un aveugle, 1781, p. 27.
68 Discours sur l’origine, les progrès et l’état actuel de la peinture en France, 1785, p. 25.
69 D’Holbach, Ìthocratie, op. cit., p. 167.
70 Sur la peinture, ouvrage succinct, qui peut éclairer les artistes sur la fin originelle de l'art, et aider les citoyens dans l'idée qu'ils doivent se faire de son état actuel en France, La Haye, 1782, p. 106.
71 Ibid., p. 120.
72 Ibid., p. 70.
73 Ibid., p. 32-33.
74 En 1762, et pour la première fois, le sujet du grand prix de l'Académie royale de peinture n'est plus tiré de la Bible, mais de l'Antiquité classique.
75 Voir M. Levey, Du Rococo à la Révolution, op. cit., p. 169-170.
76 Voir par exemple l'éloge du Saint Roch, de l'Andromaque et du Bélisaire dans le Discours sur l'origine ... , op. cit., p. 19.
77 Pique nique, op. cit., p. 24.
78 Discours sur l’origine op. cit., 1785, p. 6 et s.
79 L’Aristophane moderne au sallon, Paris, 1785, p. 16, à propos des trois fils de Brutus.
80 Avis important d’une femme, sur le sallon de 1785 par Madame E.A.R.T.L.A.D.C.S. dédié aux femmes, s. l., 1785, p. 29.
81 Lettre d’un amateur de Paris à un amateur de Province sur le Salon de 1787, Paris, 1787, p. 12 ; le Socrate de David traduisant bien évidemment le « triomphe de la philosophie ».
82 De la littérature et des littérateurs, Yverdon, 1778, p. 19.
83 L’Ami des artistes au sallon, ou Réflexions sur l’origine et les progrès des arts, sur leur état actuel en France, et sur les tableaux exposés au Louvre par ordre du Roi, Paris, 1787, p. 7.
84 Winckelmann, Histoire de l’art antique, op. cit., t. II, p. 120 et s.
85 L’Ami des artistes au sallon, op. cit., p. 12.
86 Ibid., p. 15-16.
87 R. Rosenblum, (L’art au xviiie siècle, op. cit., chap. II « L’exemplum virtutis »), qui note que « l’assaut final » contre l’idée de l’œuvre d’art entendue comme l’illustration d’une valeur morale sera porté par Edouard Manet dans L’Exécution de Maximilien (1867), dont le « vide émotionnel » rend la toile encore plus troublante.
88 Sentiments sur quelques ouvrages de peinture, op. cit, p. 300.
89 Soulavie, Réflexions op. cit., p. 22.
90 Correspondance littéraire, t. XIV, novembre 1785, p. 286.
91 Mémoires secrets, op. cit., p. 288.
92 Minos au sallon, ou la gazette infernale, par M. L.B.D.B., 1785, p. 18.
93 Diderot, Salons, op. cit., t. III, Salon de 1767, p. 56. Ainsi, Baudoin est forcément un peintre « de petites maisons » (Salon de 1765). De même, dans les Entretiens avec Catherine Il (Œuvres politiques, op. cit., p. 287), il déplore que Vien ne fasse plus des « dessus de portes », Boucher « des ordures pour le boudoir d’un grand » et Vernet de ne s’occuper que de « la salle à manger » de Louveciennes.
94 Winckelmann, Histoire, op. cit., t. II, p. 49.
95 E. Pommier, L’art de la liberté, Paris, Gallimard, 1989, qui analyse très bien la pensée de Quatremère (p. 63-91).
96 Tous ne tombent évidemment pas dans cette radicalité esthético-politique, à l’exemple du Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure (1789, nouvelle éd., Paris, 1792) de Watelet et Lesveque, qui n’évoque jamais la question du lien entre liberté artistique et liberté politique.
97 Vérités agréables ou le Salon vu en beau par l’auteur du coup de patte, Paris, 1789, p. 4. Sur le premier Salon de l’époque révolutionnaire, voir R. Michel, « L’art des Salons », dans Ph. Bordes et R. Michel (dir.), Aux arts et aux armes ! Les arts de la Révolution (1789-1799), Paris, Adam Biro, Paris, 1988, p. 10-25.
98 Les élèves au Salon ou l’amphigouri, Paris, 1789, p. 47.
99 Vérités agréables, op. cit., p. 23.
100 Supplément aux remarques sur les ouvrages exposés au Salon, par le C.D.M.M. de plusieurs académies, s. 1., s. d. [1789], p. 1.
Auteur
Maître de Conférences à la Faculté de Droit d’Aix-Marseille
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