Chapitre II. Les comportements fautifs comme cause exclusive
p. 179-213
Texte intégral
1191 - Domaine de l’étude. L’auteur du dommage, défendeur à l’action indemnitaire intentée contre lui par la victime, peut prétendre échapper à toute responsabilité en prouvant l’existence d’une faute de cette dernière. Pour y parvenir, il lui appartient de démontrer que la faute de la victime a été la cause étrangère ou la cause exclusive du dommage qu’elle a subi. Au premier regard, ces deux qualifications semblent recouvrir, en apparence, une seule et même figure. Ainsi qualifiée, l’importance de la faute de la victime est telle qu’elle absorbe l’ensemble de la causalité de la situation dommageable et cristallise toute la responsabilité du dommage sur sa tête.
2La notion de cause exclusive traduit l’existence d’un concept autonome qui, pour aboutir à l’exonération totale de l’auteur présumé du dommage, n’est pas nécessairement placé sous la dépendance des caractères de la force majeure (Section 1). De surcroît, la notion de cause exclusive peut ne pas être qu’une cause d’exonération mais devient, en certaines occurrences, une véritable cause de non imputabilité du fait générateur au défendeur à l’action en responsabilité (Section 2).
SECTION 1. DE L’AUTONOMIE DE LA CAUSE EXCLUSIVE
3192 - A dépendance, dépendance et demie. Lorsque sa faute est reconnue comme cause exclusive du dommage, la victime ne peut obtenu-réparation auprès de l’auteur du dommage. Comme notion opératoire, la cause exclusive a conquis une autonomie par détachement d’avec les caractères de la force majeure. La jurisprudence, puis le législateur, ont donné pleine efficacité à cette notion (§ 1). Cependant, la jurisprudence utilise parfois la cause exclusive comme un pur instrument d’équité, ce qui a provoqué par réaction une évolution jurisprudentielle quant au rôle actif des choses inertes (§ 2).
§ 1 - Une autonomie sous surveillance
4193 - De l’origine à l’originalité. L’émergence de la notion de cause exclusive est d’origine jurisprudentielle. Dans les dernières décennies du xixème siècle, les tribunaux ont fait apparaître cette nouvelle qualification juridique. Bien plus tard, le législateur s’en est fait l’écho, et a ainsi consacré l’aptitude de ce concept juridique à régir des hypothèses à la fois particulières et différentes (A). Bien que ce concept soit pour la jurisprudence de nature à appréhender les situations dans lesquelles les caractères de la force majeure sont ou non révélés, le législateur l’a consacré par la loi du 5 juillet 1985 en matière d’accidents de la circulation (B).
A/ L’originalité du concept
5194 - Interrogations. Dans le domaine particulier de la responsabilité délictuelle du fait des choses, le gardien peut s’exonérer totalement de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui en rapportant la preuve d’une faute de la victime constitutive de force majeure. Cependant, la jurisprudence a fait apparaître aussi une qualification particulière de la faute de la victime, celle de cause exclusive du dommage. Deux questions se posent alors : à quel moment de notre histoire judiciaire ce concept est-il apparu ? Quelles hypothèses cette notion recouvre-t-elle ?
6195 - Approche historique. La notion de cause exclusive, aujourd’hui quasiment seule usitée en jurisprudence, a connu diverses formulations. D’anciennes décisions se réfèrent à l’« unique cause du malheur »669, à la « faute exclusivement imputable à la victime »670, à « la seule cause »671 ou la « cause unique »672 du dommage.
7A partir des années 1930673 et de l’arrêt Jand’heur, la jurisprudence a subordonné l’exonération complète du gardien à la démonstration d’une faute de la victime présentant les caractères de la force majeure. L’exclusivité de la faute ne dispensait pas les juges de caractériser les éléments constitutifs de la force majeure, sous peine de censure674. Cependant, il semblerait675 que, dès 1866676, la jurisprudence ait parfois eu recours à la notion de cause unique ou exclusive du dommage - utilisée en alternance avec celle de « cause étrangère »677 - pour se soustraire à l’exigence des caractères de la force majeure. La doctrine justifiait le recours à cette notion à raison de la gravité de la faute reprochée à la victime. Ainsi, un auteur678 précisait que « si [...] (la faute de la victime) est peu importante, [...] (les juges) décident qu’elle ne peut conduire à un partage de responsabilités. Si au contraire elle est très grave, ils la qualifient d’exclusive et ils exonèrent le gardien ».
8196 - Certitude des juges du fait. Face à l’existence de notions concurrentes, les juges du fond se sont interrogés sur le point de savoir si les termes de « cause exclusive » devaient s’entendre comme recouvrant ou non les caractères de la force majeure. La faute de la victime devait-elle être imprévisible, irrésistible et extérieure pour être regardée comme la cause exclusive du dommage ou de l’accident ?
9Pour répondre à cette question, nous avons interrogé la base de données JurisData679, ce qui nous a permis d’élaborer les graphismes suivants.
10Sur 230 décisions (Figure I) rendues entre 1980 et 2004680 (juridictions des 1er et 2nd degrés confondues), 204 d’entrés elles, soit près de 89 %, étaient dénuées de toute référence aux critères de la force majeure. Ceci appelle une première remarque. Pour les juges du fond, la notion de cause exclusive est regardée comme une notion indépendante de celle de la force majeure : pour être qualifiée telle, il suffit que la faute de la victime ait été la seule cause à l’origine du dommage. Ceci a la vertu d’aiguiser une distinction entre les notions de cause étrangère et de cause exclusive. En effet, pour que la faute de la victime soit assimilée à la cause étrangère, la jurisprudence exige la mise en évidence des critères de la force majeure681. De plus, l’incidence de la force majeure, qui n’est qu’une des hypothèses de cause étrangère682, est telle que la doctrine peut être amenée à assimiler la cause étrangère à la force majeure683.
11Au sein de ces contentieux, une particularité apparaît. Les décisions faisant appel aux critères de la force majeure pour qualifier la faute de la victime comme cause exclusive, bien que largement minoritaires, se concentrent sur une décennie (Figure I-a).
12Elles interviennent entre les années 1980 et 1991. De plus, nous constatons un très net fléchissement du recours aux critères de la force majeure après l’année 1986. Une explication peut en être avancée. Les décisions qui, antérieurement, en appelaient à la notion de cause exclusive concernaient majoritairement les accidents de la circulation régis par l’article 1384, alinéa 1er du Code civil. En effet, sur 38 décisions rendues entre 1980 et 1986, 30 relevaient de ce domaine. Conformément à la jurisprudence en matière de responsabilité civile du fait des choses, pour que la faute de la victime puisse être la cause exclusive du dommage il fallait vérifier les critères de la force majeure684. Ceci explique que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, les Tribunaux aient eu recours à ces derniers pour permettre de donner à la faute de la victime la qualification de cause exclusive.
13Avec la décennie suivante (Figure I-b), disparaît presque totalement le recours à la force majeure dans le processus qualifiant de la cause exclusive. En effet, 70 des 74 décisions - soit 96 % - sont exemptes de toute référence aux critères de la force majeure.
14Ceci s’explique par le fait que près de 55 % des décisions sont relatives à la faute du conducteur victime, laquelle relève de l’article 4 de la loi de 1985. Ce texte permet de qualifier toute faute du conducteur victime685 comme cause exclusive de l’accident, sans aucune référence particulière aux critères de la force majeure.
15197 - Contrôle des juges du droit. Il semble donc, à première vue, que la notion de cause exclusive remplisse une fonction exonératoire sans qu’il soit besoin de recourir à celle de force majeure. Ceci procède en partie des difficultés que rencontrent la jurisprudence et la doctrine s’agissant de déterminer les éléments constitutifs de la force majeure686. Mais une autre explication peut être avancée : en occultant délibérément l’analyse des caractères de la force majeure pour s’en tenir à la notion de cause exclusive, les juges disposent d’un instrument d’équité qui prend la forme d’une cause de non imputabilité du fait générateur au passif du défendeur. Toutefois, la Cour de cassation, bien que garante d’une certaine unité jurisprudentielle, a pu elle-même hésiter. Ainsi, a-t-elle parfois estimé que les juges du fond pouvaient avoir caractérisé les éléments constitutifs de la force majeure sans que cela fut nécessairement fait de manière expresse. Ainsi pose-t-elle qu’en jugeant que la faute de la victime « était la cause déterminante et exclusive de l’accident, les juges du fond ont nécessairement estimé que ladite faute avait été normalement imprévisible et inévitable dans ses conséquences dommageable pour le gardien »687. A l’inverse, la Cour de cassation688 a pu aussi casser des décisions qui ne caractérisaient pas la faute de la victime au regard de la force majeure et qui se contentaient de la qualifier de cause exclusive du dommage. La censure est d’ailleurs systématique, lorsque les éléments propres à caractériser la force majeure sont insuffisants. La position de la Cour de cassation est, à cet égard, paradoxale. Tantôt elle exige que la preuve des caractères de la force majeure soit rapportée, alors qu’elle se contente parfois d’en présumer l’existence au regard d’une même qualification : celle de cause exclusive (Figure II)689.
16198 - Domaine éminent de la cause exclusive. Un enseignement peut être tiré de l’étude des deux dernières décennies (Figure Il-a et Il-b) de notre jurisprudence. Le domaine d’élection de la notion de cause exclusive paraît bien être celui des accidents de la circulation, 94 % des décisions se référant à cette notion relèvent, en effet, de ce domaine particulier.
17Fort logiquement, près de 51 % des décisions - soit 111 arrêts -, sont fondées sur l’article 3 de la loi de 1985, relatif à la faute de la victime non conductrice. Il arrive alors que la cause exclusive soit - même en l’absence de toute prescription légale - parfois confrontée aux critères de la force majeure. En effet, sur 220 décisions référencées entre 1983 et 2004 (Figure II, II-a et Il-b), 19 d’entre elles se réfèrent à la force majeure pour qualifier la faute inexcusable de la victime, cause exclusive de l’accident. Cette référence est surabondante depuis que la Cour de cassation a défini la faute de l’article 3 de la loi de 1985, indépendamment de toute allusion à la force majeure690. Elle s’explique donc davantage par la résurgence d’un raisonnement passé, fondé sur l’article 1384 alinéa 1er, du Code civil, que par la volonté de faire des caractères de la force majeure des critères qualifiant de la cause exclusive.
18De manière plus surprenante, près de 44 % des décisions sont relatives à l’application de l’article 4 de la loi de 1985 et à la faute du conducteur victime, domaine dans lequel les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation. Ainsi, selon la gravité de cette dernière, le conducteur verra sa réparation limitée ou même exclue. Dans cette dernière hypothèse, la jurisprudence utilise la notion de cause exclusive. En effet, la gravité d’une telle déchéance du droit à réparation du conducteur ou de ses ayants droit conduit les magistrats de la Haute juridiction à qualifier la faute du conducteur de cause exclusive de l’accident alors même qu’expressis verbis, l’article 4 ne pose pas cette exigence. En pareille hypothèse, la cause exclusive permet de renvoyer l’imputabilité du fait générateur de l’accident sur le seul comportement fautif du conducteur.
19Enfin, en confrontant la cause exclusive aux caractères de la force majeure, la Cour de cassation censure les juges du fond qui exonèrent le responsable sans « établir que la faute de la victime ait été la cause exclusive, imprévisible et inévitable dans ses conséquences du dommage »691
20Cette confrontation intervient essentiellement692 quand est en jeu la responsabilité contractuelle d’un transporteur ou la responsabilité délictuelle du gardien d’une chose. La logique est alors sauve puisque classiquement693, en ces domaines, l’exonération totale de l’auteur du dommage ne peut jouer que si le comportement de la victime a été constitutif d’un évènement de force majeure.
21199 - Notion protéiforme. Cette notion de cause exclusive694 est donc l’objet de décisions qui peuvent être regardées comme contradictoires. Présentant parfois à elle seule les éléments nécessaires pour caractériser la force majeure, dans d’autres hypothèses elle n’est pas suffisante pour faire ressortir ces derniers. Enfin, d’autres décisions s’émancipent des caractères de la force majeure pour dénier toute imputabilité du dommage au défendeur à l’action en responsabilité. En dépit de ces contradictions jurisprudentielles, le législateur a donné pleine efficacité à la notion de cause exclusive avec la loi du 5 juillet 1985, relative à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation.
B/ La légalisation du concept
22200 - Des dommages aux biens. Par la réforme du 5 juillet 1985, le régime de protection des victimes d’accidents de la circulation a ainsi été soustrait au domaine de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil, pour être régi par une responsabilité spéciale du fait des choses. Or, cette loi a consacré dans trois de ses articles, explicitement ou non, la référence à la faute de la victime envisagée comme cause exclusive de l’accident. L’hypothèse que nous abordons en premier lieu est celle de la victime qui agit en réparation des dommages causés à ses biens. Le faible contentieux qu’elle paraît susciter n’appelle pas de développements substantiels. En application de l’article 5 de la loi du 5 juillet 1985, les tribunaux ont tout d’abord695 considéré que la victime devait être exclue de tout droit à réparation si sa faute pouvait être regardée comme la cause exclusive de l’accident. Ultérieurement, par une évolution calquée sur celle de l’article 4, l’appréciation souveraine de la gravité de la faute de la victime pour justifier l’exclusion ou la limitation de son droit à réparation fut laissée aux juges du fond696. C’est la raison pour laquelle nos développements seront plus largement consacrés au rôle de la faute du conducteur victime.
23201 - Le conducteur fautif. La manière dont les juges font application de l’article 4 permet à la notion de cause exclusive d’émerger une nouvelle fois. Il résulte de ce texte que la faute du conducteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation de ses dommages. Plus précisément, le comportement de l’automobiliste doit se révéler la cause de l’accident pour limiter ou exclure sa responsabilité. Cette exigence n’est pas différente du principe général de la responsabilité civile, qui veut qu’un dommage soit rattaché à un fait générateur par un lien de causalité.
24En la matière, lorsque le conducteur victime a commis une faute, la jurisprudence exclut son droit à réparation en se référant à la qualification de « cause exclusive de l’accident »697.
25Dans les premières années d’application de la réforme, les Tribunaux ont oscillé entre deux conceptions de la notion de cause exclusive. Certaines décisions estimaient que la faute du conducteur victime devait être qualifiée de cause exclusive lorsqu’elle présentait pour l’autre conducteur les caractères de la force majeure698. D’autres décisions conféraient une certaine autonomie à la notion de cause exclusive en n’exigeant pas sa qualification au regard des critères de la force majeure699, au point que pendant un temps, la notion de cause exclusive fut placée sous les feux de l’actualité jurisprudentielle, tant il semblait qu’elle se détachait de la force majeure700. Cependant, une doctrine majoritaire était hostile à ce courant jurisprudentiel qui réservait au conducteur victime, un sort beaucoup moins enviable que celui d’une victime de droit commun. C’est ainsi qu’en 1997701, la Chambre mixte de la Cour de cassation a précisé que pour que la réparation du préjudice subi par un conducteur soit réduite ou exclue, ce dernier devait avoir commis une faute ayant contribué à la réalisation de ce dommage. Cette décision a conduit M. Leduc a précisé que « finalement, l’histoire de la jurisprudence relative à l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 aura été celle du refoulement inexorable de la cause exclusive, à laquelle le juge avait malencontreusement fait appel »702. Le graphisme703 (Figure III), fait apparaître que le comportement du conducteur fautif repose sur deux notions majeures, et il ne semble pas que, dans ce domaine, la cause exclusive subisse un quelconque « refoulement » de la part des juges.
26Pour exclure de tout droit à réparation le conducteur fautif, la Cour de cassation704 utilise la notion de « cause exclusive de l’accident » dans près de 90 % des cas - soit 63 arrêts sur 71 qui concernent le refus d’indemnisation -. La Cour de cassation qualifie parfois improprement le comportement du conducteur comme « cause exclusive du dommage », alors qu’il serait plus exact, en matière d’exclusion de réparation, de le qualifier de « cause exclusive de l’accident ». Toute référence au dommage, dans cette hypothèse, est insuffisante. En effet, le dommage causé ou subi n’est qu’une composante de la circonstance accidentelle. Ainsi, pour être exclusive de tout droit à réparation, la faute du conducteur doit avoir été génératrice de l’accident dans sa globalité et non simplement d’un dommage. Par là même, l’accident doit se comprendre comme la combinaison des dommages.
27C’est pourquoi, s’agissant de limiter la réparation du conducteur fautif, ont doit approuver la notion de « cause partielle du dommage » à laquelle se réfère la jurisprudence. Telle est l’attitude adoptée par la Cour de cassation, qui dans 85 % des litiges relatifs à ce cas de figure - soit 33 arrêts sur 39 - procède à cette qualification idoine. Comme précédemment, on notera la même résurgence erronée de la notion de « cause partielle de l’accident » lorsqu’il s’agit de statuer sur la limitation de la réparation due au conducteur fautif.
28202 - Le non-conducteur fautif. La seule disposition de la loi du 5 juillet 1985 qui exige de la jurisprudence une analyse de la notion de cause exclusive est l’article 3, alinéa 1er. Selon ce texte, les piétons et autres non-conducteurs victimes d’un dommage imputable à l’accident voient leur responsabilité engagée dans l’unique hypothèse où ils auraient commis une « faute inexcusable, cause exclusive de l’accident ». Cependant, les tribunaux, pour qualifier cette faute, passent parfois par l’analyse des caractères de la force majeure alors qu’ils ne sont pas nécessairement visés de manière cumulative705. L’appréciation de la faute de la victime au regard des caractères de la force majeure s’explique, comme nous l’avons déjà précisé, par le fait que les accidents de la circulation qui dépendent aujourd’hui de la loi du 5 juillet 1985, relevaient antérieurement de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Or, dans le régime de droit commun de la responsabilité délictuelle du fait des choses, la victime fautive ne se voyait privée de son droit à indemnisation que si la faute qui lui était reprochée revêtait les traits de la force majeure. Le législateur de 1985 ne pouvait accorder à la victime non-conductrice une protection moindre que celle dont le droit commun la dotait antérieurement, le qualificatif de faute inexcusable706 n’étant mentionné que pour fournir « le supplément de protection spécifique offert par le texte spécial »707.
29203 - Achoppement. Toutefois, bien que le droit commun et le droit spécial issus de la réforme de 1985 semblent assurer la complémentarité des régimes de protection des victimes fautives, on rencontre des situations de fait donnant lieu à des décisions profondément illogiques. Ainsi, un arrêt rendu par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation en 1996708 a-t-il exonéré totalement de sa responsabilité la société gardienne d’un tramway, lequel avait mortellement blessé un piéton, qui traversait sans précaution la chaussée en franchissant la haie du terre-plein de séparation. Pourquoi cette solution est-elle illogique ? En l’espèce, la loi du 5 juillet 1985 était inapplicable car le tramway circulait sur une voie propre au sens de l’article 1er de cette loi, et le litige relevait, par conséquent de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Cette solution est illogique car, quelques centimètres plus loin, ce même piéton renversé par une automobile, aurait recouvré son droit à indemnisation (ou plus précisément en l’espèce ses ayants droit)709 En effet, au regard de la jurisprudence en matière d’accidents de la circulation, sa faute n’aurait pas été qualifiée d’inexcusable. De telles décisions, qui jalonnent le droit de la responsabilité civile, ont pu susciter des remarques désabusées de la part d’auteurs tels que M. Chabas710, qui observe : « La fatalité assignera à la victime d’un train un sort radicalement distinct de celui réservé à la victime d’un cyclomoteur, mais identique au sort de la victime d’une bicyclette ou d’une scie mécanique. Où est la logique ? Où est l’équité dans l’ensemble ? ».
30Ainsi, cette notion de cause exclusive peut conduire à une interprétation si ce n’est différente, du moins graduelle, selon le régime de protection qui s’y rapporte. Bien que la corrélation soit difficile à rapporter, il semble que la notion de cause exclusive a, en outre, été utilisée en réaction au courant jurisprudentiel qui a traversé la responsabilité du fait des choses inertes.
§ 2 - Une large admission du rôle actif d’une chose inerte
31204 - Hypothèse. Pour sa défense, le gardien présumé responsable cherche à prouver que la chose n’est pas intervenue dans la production du dommage. La jurisprudence accueille cette hypothèse quand il est établi que la chose n’a joué qu’un rôle passif dans la réalisation du dommage. Lorsque cette preuve est rapportée, le dommage est entièrement laissé à la charge de la victime nécessairement considérée comme fautive711, fut-ce de manière implicite. L’admission du rôle passif de la chose emporte une double conséquence. D’une part, le gardien est dispensé de rapporter la preuve d’une quelconque cause étrangère. D’autre part, la causalité du dommage sera en totalité transférée sur la victime. En la matière, la jurisprudence a connu une évolution (A) proche d’une révolution (B).
A/ Évolution jurisprudentielle
32205 - Variations. A l’époque712 où ils entendaient limiter l’application de l’article 1384, al. 1er, du Code civil, les juges se sont servis du rôle passif de la chose713 pour freiner l’inflation du contentieux en la matière. L’adoption de la théorie de la causalité adéquate a également favorisé ce courant jurisprudentiel. Selon cette théorie, seule l’intervention de la chose, comme antécédent du dommage, est susceptible de faire naître ce dommage. Logiquement, le gardien ne peut être tenu pour responsable que si cette chose a joué un rôle actif dans la production du dommage. Ce moyen de défense s’est révélé d’autant plus efficace que la Cour de cassation a refusé de le limiter aux choses inertes. En effet, dès 1945714, elle précisa « qu’un véhicule en marche pouvait, dans une collision, n’avoir joué qu’un rôle passif ».
33Dans la recherche nécessaire de la causalité715, les juges sont amenés à apprécier la conduite du gardien. Selon un auteur716, « c’est précisément parce que le gardien ne commet pas de faute que la Cour de cassation déclare que la chose n’a pas joué un rôle actif ». Il est évident que l’hypothèse dans laquelle la chose occupe une situation anormale, à l’exclusion de toute faute du gardien, relève des cas matérialisés par une cause étrangère. Toutefois, la Cour de cassation, en permettant au gardien de prouver que la chose a eu un comportement normal717, dispense celui-ci d’établir l’existence d’une cause étrangère normalement nécessaire pour l’exonérer totalement de sa responsabilité. Lapoyade Deschamps718 posait à cet égard une question pertinente : « N’est-ce pas alors, par un moyen détourné, remettre en cause le mécanisme général de l’exonération et singulièrement, dispenser le gardien de prouver, de manière positive, l’entière responsabilité de la victime ? ».
34206 - Réactions. Aussi, la jurisprudence s’est-elle montrée de moins en moins encline à considérer comme passif le rôle d’une chose en mouvement. Très tôt, elle a présumé le rôle actif de la chose719. Cependant, dès 1961720, la Cour de cassation décida, qu’il n’était pas opportun de faire jouer cette présomption pour les choses inertes et que seule les choses en mouvement y seraient assujetties. Dans l’hypothèse d’une chose inerte, le postulat est que la chose n’a pas été la cause prépondérante du dommage, puisqu’elle est inerte. Au contraire, c’est la maladresse ou l’inattention de la victime qui doit être incriminée. Pour faire la part du rôle de la chose et de l’intervention de la victime, la jurisprudence exigeait que le rôle anormal de la chose soit établi, par la victime, en raison de son comportement, de sa position ou d’un vice interne721. Les juges du fond trouvant à cette démonstration la vertu de départir le rôle causal des parties à l’instance, rendaient leurs décisions sur la base du contrôle du critère de l’anormalité722.
35207 - Controverse en matière de bris de vitre. Pour caractériser le rôle actif d’une vitre dans la production d’un dommage la Cour de cassation exigeait traditionnellement que les juges du fond mettent en évidence sa fragilité excessive723 ou son absence de signalement724. Cependant, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a très récemment repoussé cette exigence en admettant que la seule intervention matérielle d’une vitre suffisait à établir son rôle causal. Par deux arrêts de 1998725 et 2000726, la Haute juridiction a jeté le trouble. La doctrine fourmilla d’analyses. Pour Mlle Viney727, la Cour de cassation semblait vouloir revenir à une conception plus large du fait de la chose aggravant d’autant la responsabilité du gardien. Pour M. Jourdain728, cette jurisprudence devrait conduire à « la généralisation de la présomption de causalité active [...] en cas de contact entre la chose et le siège du dommage ». En effet, cette solution avait l’inconvénient d’effacer la distinction, en cas de contact, entre les choses inertes et les choses en mouvement.
36208 - Sérénité paradoxale. A l’époque, cependant, point d’alarmisme. D’une part, la démonstration de l’anormalité pouvait être considérée comme « la principale cause d’échec des actions tendant à la réparation de dommages occasionnés par des choses inertes »729. D’autre part, étendre le bénéfice de la présomption des choses en mouvement aux choses inertes éviterait les discussions parfois « byzantines sur la causalité (et faciliterait) l’indemnisation de la victime »730. En outre, cette jurisprudence se limitait au seul contentieux en matière de bris de vitres qui, en raison de leur transparence731, pouvait relever d’un régime particulier de responsabilité rappelant la condition d’implication du véhicule au sens de la loi du 5 juillet 1985732. A la même époque, la Cour de cassation saisie quant au rôle actif d’une barre de relaxation733, du sol d’un magasin734 ou du sol d’un bureau de poste735, continuait méthodiquement de procéder au contrôle de l’anormalité de la chose inerte pour démontrer son rôle actif dans la production du dommage. Dès lors, dans le cadre du bris de vitres, l’anormalité non explicitement exigée pouvait être considérée comme patente puisque si la vitre se brisait c’était en raison d’une trop grande fragilité et donc de son anormalité736.
37209 - Difficultés de compréhension. Cependant, dès l’année 200l737, le particularisme du contentieux en matière de bris de vitre tomba. En effet, à l’occasion du heurt, par un passant, d’une boîte aux lettres qui débordait sur le trottoir, la Cour de cassation précisa que « la boîte aux lettres avait été, de par sa position, l’instrument du dommage ». Deux interprétations furent données738.
38Selon une première acception minimaliste, qui ne remettait pas en cause l’analyse classique, l’arrêt signifiait que la Cour de cassation exerçait simplement un contrôle sur la qualification du rôle actif de la chose. En se référant à la « position » de la chose, la Cour estimait que celle-ci n’était pas normale contrairement à ce qui avait été décidé par les juges du fond.
39Cependant, dans un second sens, cet arrêt signifiait que le seul fait matériellement causal suffisait à faire de la chose l’instrument du dommage. C’était dire que la Cour de cassation renoncerait, et ce pouvait être inquiétant, à tout particularisme dans l’analyse du fait de la chose lorsque celle-ci est immobile au moment où se produit le heurt739. Une telle généralisation de la présomption de causalité se justifierait par la primauté de la fonction d’indemnisation de la responsabilité civile740. Cependant, la doctrine, fidèle à son exigence de démonstration de l’anormalité, fut très critique à l’égard d’une telle solution741. La jurisprudence n’en était cependant pas à la fin de son évolution.
B/ Révolution jurisprudentielle
40210 - Révolte. La jurisprudence adopta alternativement l’une ou l’autre position. Exigeant parfois la démonstration traditionnelle de l’anormalité de la chose inerte742, réitérant ailleurs la présomption de rôle actif d’une chose inerte743 ; de quoi laisser M. Jourdain744 « confondu [...] devant l’indécision de la Cour de cassation (qui) élabore une jurisprudence insaisissable ». En outre, cette « attitude [...] franchement déroutante »745, reste propre à la Haute juridiction. En effet, entre 1998 et 2005, aucune juridiction du fond, à une exception près746, n’a adopté le raisonnement visant à faire jouer la présomption du rôle actif au profit des choses inertes. Qu’il s’agisse de reconnaître747 le rôle actif d’une chose inerte ou de refuser celui-ci748, l’analyse de l’anormalité a toujours été effectuée par les juges du fond. Les décisions de la Cour de cassation sont-elles véritablement contradictoires ? Ouvrent-t-elles « des brèches [...] dans cette construction prétorienne » ?749 y a-t-il un « net recul de l’exigence d’anormalité »750 ou au contraire une résurgence de celle-ci ? Ne serait-ce donc pas, selon une fameuse expression, « qu’une arabesque supplémentaire de la jurisprudence »751, ou plutôt, « une certaine manière de renouer avec l’existence d’une présomption de causalité affirmée dans les années 30, en particulier à propos des chose inertes ? »752.
41211 - Débat doctrinal. Au regard de cette jurisprudence mouvante, la doctrine753 resta unanime quant à l’exigence du rôle anormal de la chose inerte comme instrument du dommage. Seul un auteur précise que la démonstration de l’anormalité apparaît comme « anachronique »754 puisqu’elle implique une appréciation subjective du comportement du gardien dans un domaine de pure responsabilité objective.
42Des explications755 ont été avancées pour concilier l’exigence de la démonstration de l’anormalité avec les arrêts qui engageaient la responsabilité du gardien du seul fait de l’intervention de la chose dans la production du dommage.
43Il s’agirait de distinguer selon qu’il y ait eu contact ou non avec un obstacle, quel qu’il soit.
44En l’absence de contact, la jurisprudence maintiendrait son exigence classique de la démonstration de l’état, de la position ou du fonctionnement anormal de la chose. Dans cette hypothèse, il apparaîtrait en effet difficile d’admettre que le dommage procède non de la faute de la victime mais du fait de la chose, sans qu’il soit démontré une quelconque anormalité.
45En revanche, en présence d’un contact, le simple heurt avec la chose démontrerait son rôle causal et sa position anormale. Le régime de la réparation ne changerait donc pas mais l’objet de la preuve s’en trouverait modifié. Ainsi, « bien plus qu’un rejet de l’anormalité, (cette jurisprudence) marque le passage d’une anormalité prouvée à une anormalité présumée »756. Dans l’arrêt de 2003757, c’est le seul heurt avec le plot en ciment qui détermine que cet objet a été l’instrument du dommage. L’enlèvement du plot incriminé, postérieurement à l’accident, contribue de surcroît à mettre en évidence la dangerosité de sa position sur la chaussée758. Aujourd’hui, une question demeure. Quelle pourra être la justification d’une solution qui, en l’absence de tout contact avec la chose inerte, verrait la Cour de cassation ne pas exiger la démonstration d’une quelconque anormalité ? A notre sens, il n’y en aurait plus. Il importe en effet, pour conserver un minimum de cohérence, d’exiger lato sensu759 la démonstration d’un état, d’un fonctionnement ou d’une position anormale de la chose, sous peine de voir augmenter de manière exponentielle le risque pour tout individu d’être défendeur à une action en responsabilité du fait des choses760. En l’état actuel de la jurisprudence, peut-on prétendre à une meilleure protection des victimes d’une chose inerte ? Faut-il croire, comme certains le prétendent, à une « déresponsabilisation de la société »761 ?
46212 - Faux-semblant. A priori, les solutions issues de cette évolution jurisprudentielle pourraient laisser croire que la victime est favorablement protégée et le gardien traité sévèrement. En effet, le rôle actif de la chose permet de protéger la victime « chaque fois qu’aucune faute irrésistible et imprévisible ne peut lui être reprochée et qu’aucune anormalité de la chose ne peut être établie »762.
47De surcroît, des solutions dégagées en matière de bris de vitre, où le rôle actif est présumé, il ressort que la victime est dispensée de démontrer l’anormalité ou la défectuosité de la chose. En effet, le simple bris valant preuve de l’anormalité, cette dernière se déduit du rôle actif de la vitre dans la production du dommage763. A première vue, cette jurisprudence pouvait sembler d’une sévérité excessive à rencontre du gardien.
48Cependant, ce renversement de la charge de la preuve changeait profondément les données de la question débattue par les juges du fond. Il suffisait que l’anormalité d’une vitre soit établie du seul fait de son bris, pour que l’obligation du défendeur à la dette soit constituée. Ainsi, la question concernant les critères de l’anormalité n’était dès lors plus pertinente. La seule question débattue par les parties étant celle de leur contribution respective à la dette de réparation.
49213 - Effets pervers. Deux conséquences néfastes sont à relever dans ce courant de jurisprudence. D’une part, la doctrine a craint de voir « ressusciter la défense (du gardien) par le fait passif »764 . La démonstration, par le gardien, que le dommage subi par la victime n’est dû qu’à sa propre faute ne va-t-elle pas être équivalente à la preuve que la chose n’a joué qu’un rôle purement passif dans la production du dommage ? Certains le craignent, mais tempèrent l’incidence d’une telle résurgence en observant que le gardien ne renversera pas « une présomption de responsabilité mais simplement une présomption de causalité », qu’ainsi il ne s’exonérera pas « de sa responsabilité mais il (démontrera) que sa responsabilité ne peut être recherchée puisqu’une condition de celle-ci fait défaut »765. Renaîtrait ainsi « un fait passif au standard relevé car indexé sur la démonstration d’une faute de la victime »766. Au demeurant, s’agit-il d’une véritable résurgence dès lors que le rôle passif de la chose a toujours existé dans la jurisprudence relative aux choses inertes767 ?
50D’autre part, puisqu’il ne s’agira que de discuter de la contribution à la dette, l’obligation à la dette du gardien étant présumée de par la seule intervention de la chose, l’assiette de la réparation s’établira en proportion de l’intervention de la chose et du comportement de la victime. Le débat risque alors de se focaliser sur la faute de la victime. De surcroît, face à une chose inerte, le comportement de la victime aura tôt fait d’apparaître fautif. Ainsi, alors qu’a priori ce courant jurisprudentiel peut sembler protecteur des intérêts de la victime, il risque en réalité de provoquer un durcissement quant à la vigilance attendue de la victime. L’arrêt Liebrandt768 en est une illustration : le client d’un centre commercial était passé par le sas d’entrée dont il a heurté la paroi latérale en verre, laquelle s’est brisée et l’a blessé. Sur l’action en réparation de la victime contre le gardien de la chose, la Cour de cassation, dans un premier arrêt rendu le 15 juin 2000769, a annulé la décision des juges du fond qui avait débouté ce client maladroit au motif qu’il ne démontrait pas que « la paroi vitrée avait été l’instrument du dommage ». Sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Grenoble décida que le gardien ne devait être tenu pour responsable que des deux tiers du dommage. La victime saisit de nouveau la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation770 qui a rejeté son pourvoi au motif qu’il « avait connaissance des lieux, qu’il venait de quitter pour y pénétrer à nouveau (ce qui caractérise) la faute d’inattention commise par celui-ci en venant se heurter à la paroi vitrée, dont (les juges du fond saisis sur renvoi ont) pu décider qu’elle avait concouru à la réalisation de son dommage ».
51Le débat en l’espèce n’a pas porté sur l’obligation à la dette. Celle-ci était établie du fait du bris de la vitre. L’analyse se focalise donc sur la contribution à la dette. Cette solution qui laisse à la charge de la victime un tiers du dommage n’est-elle pas trop sévère ? La Cour invoque la connaissance des lieux par la victime du fait qu’elle ait « pénétré à nouveau » dans le centre commercial. Cependant, peut-on exiger d’un consommateur qu’il prête attention au mobilier urbain destiné à l’accès de ces temples de la consommation ? Même si chacun doit veiller à sa propre sécurité, nous ne le pensons pas. De plus, cette évaluation de la réparation du préjudice est laissée au pouvoir souverain des juges du fond, ce qui peut faire craindre une certaine disparité dans les solutions à venir.
52La Cour de cassation semble aujourd’hui être revenue définitivement à l’exigence de l’anormalité771 pour réputer active une chose inerte. Pour que l’hésitation ne soit plus permise, l’avant-projet de réforme du droit des obligations772 souhaite procéder à l’intégration dans le Code civil d’un article 1354-1 qui précise :
« Le fait de la chose est établi dès lors que celle-ci, en mouvement, est entrée en contact avec le siège du dommage.
Dans les autres cas, il appartient à la victime de prouver le fait de la chose, en établissant soit le vice de celle-ci, soit l’anormalité de sa position ou de son état ».
53L’épisode jurisprudentiel, qui a vu présumer le rôle actif des choses inertes de par leur seule intervention dans la production d’un dommage a, sans doute, été mué par le souci de protection de la victime. A l’analyse, la tentative fut vaine, et l’arrêt Liebrand773 qui semble être le dernier arrêt de ce courant de jurisprudence en a illustré les travers.
54Par ailleurs, le droit commun de la responsabilité civile utilise la notion de cause exclusive pour permettre l’exonération complète de la responsabilité du gardien. Dans certaines hypothèses, la jurisprudence détache l’analyse de la notion de cause exclusive des critères de la force majeure, révélant ainsi une véritable autonomie. Ne doit-on pas craindre son extension au détriment de l’indemnisation des victimes dans des hypothèses telles que celle de l’arrêt Liebrand ?
55Cette jurisprudence, encore discrète, utilise aujourd’hui cette notion comme un véritable correctif d’équité en faveur du défendeur à l’action en responsabilité, ce qui confère aux juges du fond un pouvoir souverain exorbitant.
SECTION 2. DE LA CAUSE EXCLUSIVE COMME CORRECTIF D’ÉQUITÉ
56214 - Instrument d’équité. Lorsqu’elle est considérée comme excluant totalement l’indemnisation774, la faute de la victime joue un rôle correcteur au profit du débiteur de la réparation. En effet, en vertu de l’article 1147 du Code civil, le débiteur contractuel est tenu d’une obligation de sécurité qui l’assimile à un garant. L’article 1384, al. 1er du Code civil fait, quant à lui, peser sur le gardien une présomption de responsabilité. La jurisprudence a donc utilisé cette notion de cause exclusive dans des hypothèses où, bien qu’ayant pu prévoir la survenance d’un dommage, le défendeur présumé responsable n’avait aucune possibilité d’y parer. La cause exclusive peut alors se révéler comme une pure cause de non imputabilité du dommage, ce qui a pour effet de voir émerger un concept concurrent de ceux classiquement admis tant par la responsabilité délictuelle (§1) que par la responsabilité contractuelle (§ 2).
§ 1 - Dans la responsabilité délictuelle
57215 - Émancipation. Il arrive que le juge refuse toute indemnisation à la victime d’un dommage lorsque sa faute est la cause exclusive de l’accident, excluant toute responsabilité à l’encontre du défendeur à l’action indemnitaire. L’analyse de la jurisprudence fait apparaître que cette cause exclusive se détache de la force majeure bien qu’il s’agisse du domaine de responsabilité qui exige traditionnellement la démonstration de celle-ci pour aboutir à l’exonération totale de responsabilité du débiteur de la réparation.
58216 - Utilité. La jurisprudence a recours à la notion de cause exclusive pour rompre le lien d’imputabilité du fait générateur au gardien de la chose ou autre agent supposé responsable. Les espèces qui ont donné lieu à application de la notion de cause exclusive, à cette fin, présentent une similitude dans leurs circonstances de fait. Il s’agit principalement775 d’hypothèses de responsabilité objective. Cependant, quelques occurrences relèvent de la responsabilité pour faute de l’article 1382 du Code civil.
59217 - Responsabilité pour faute. Ainsi, la Cour d’appel de Lyon776 a-t-elle été saisie de l’action d’un pratiquant de moto cross qui s’est gravement blessé en chutant dans une fosse de tir aménagée sur le terrain -habituellement utilisé pour le ball-trap - où il s’exerçait. Son action en réparation était dirigée contre le propriétaire du terrain. Or, les juges relevèrent plusieurs circonstances de nature à exclure toute indemnisation. L’existence tout d’abord, en bordure du terrain d’« un panneau signalant) l’interdiction de circulation des motos et véhicules tout-terrain prise par arrêté municipal » de sorte que la victime « qui se déclare expérimentée en matière de tout-terrain pour avoir participé à des raids organisés, ne peut ignorer la possibilité pour les collectivités locales de limiter la pratique de son sport favori ». Ensuite, que la vitesse était excessive eu égard à l’obstacle puisque « les enquêteurs ont relevé que sa moto avait été trouvée après l’accident avec le sélecteur de vitesse enclenché sur le 3ème rapport ». Qu’en outre, la victime « a délibérément choisi les difficultés en cherchant à franchir les différentes bosses du terrain [...] (alors que la victime qui) se targue d’une compétence certaine en matière de tout-terrain se devait de reconnaître au préalable les difficultés qu’(elle) désirait affronter, les trois bosses constituées par les fosses de tir apparaissant en raison de leur alignement comme une anomalie du terrain lequel présente dans son ensemble une surface plane ». Qu’ainsi, « le dommage subi [...] relève exclusivement de son comportement fautif ».
60Semblablement, la Cour d’appel de Grenoble777 eut à se prononcer sur la responsabilité d’éducateurs qui encadraient lors d’une randonnée à bicyclette un groupe d’adolescents. Ayant dû porter assistance à une tierce personne en détresse dans une rivière, les éducateurs, après avoir donné des consignes claires aux adolescents, notamment l’interdiction de traverser la rivière ou d’y pénétrer, ont laissé le groupe seul. L’un des adolescents nonobstant l’interdiction, entreprit de se baigner et fut retrouvé noyé. Ses parents désireux de faire reconnaître la faute des éducateurs, furent déboutés de leur demande au motif d’une part que « les adolescents [...] suffisamment instruits des directives de leurs éducateurs, étaient aptes à comprendre que leur sécurité exigeait le respect des directives données ». De quoi il ressort que, le décès de l’adolescent n’était « dû qu’à sa désobéissance et à sa volonté de se baigner, malgré l’interdiction qui lui avait été faite, et qu’il ne pouvait [...] ignorer, les autres adolescents ayant confirmé le caractère impératif des directives données ».
61Ainsi, la faute du jeune adolescent fut-elle considérée comme la cause exclusive du dommage qui en a résulté.
62218 - Les choses inertes. Dans une première espèce, la Cour d’appel de Rennes778 a eu à connaître de l’action en responsabilité d’un entrepreneur en maçonnerie victime d’une chute, provoquée par l’affaissement d’un plancher. Pour évincer toute responsabilité, le syndic de copropriété poursuivi en sa qualité de gardien excipa d’une circulaire adressée aux copropriétaires selon laquelle « tout dernièrement nous étions alertés par l’entrepreneur [...] qui effectuait [...] des travaux de remise en l’état (d’un) appartement [...], que le sol était sur le point de s’effondrer ». Les juges, sans exiger la démonstration de la force majeure, ont débouté l’entrepreneur-victime au motif qu’il « connaissait l’ampleur du mal, et, que, professionnel averti ayant omis de s’entourer de toutes les précautions nécessaires, (il) a commis en connaissance de cause la faute cause exclusive de l’accident ».
63Quelques années plus tard la Cour d’appel d’Aix-en-Provence779 adopte le même type de raisonnement. En l’espèce, en descendant de son véhicule un automobiliste a heurté une borne destinée à empêcher le stationnement sur le trottoir, et s’est blessé. Fondant son action contre le propriétaire de l’immeuble ayant fait sceller cette borne sur l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, la victime fut déboutée au motif que « la borne litigieuse n’était pas isolée, mais au milieu d’autres implantées à proximité et légèrement en retrait sur le trottoir, peintes en deux couleurs, et que (la victime) est descendue précipitamment de la voiture, a buté sur la borne avant de chuter lourdement sur le trottoir et se blesser [...] (qu’ainsi) l’accident est dû à la faute exclusive d’inattention de la victime ».
64219 - Les choses en mouvement. La cause exclusive intervient également s’agissant de dommages causés par des choses mobiles : c’est ainsi qu’ayant été blessé au dos par une barrière automatique du parking d’un magasin qui s’était abattue sur lui, un piéton s’est vu débouté780 de sa demande en réparation du dommage subi au motif que le fait d’emprunter un passage réservé à la circulation automobile était dangereux et contraire à la destination de la chose, et qu’en conséquence, la faute de la victime était « seule à l’origine de son dommage et le gardien [...] exonéré de toute responsabilité ».
65Dans une autre espèce, une association d’étudiants d’une école d’ingénieurs avait organisé une régate sur un voilier loué pour l’occasion. En raison de la dégradation inattendue des conditions météorologiques, le skipper décide de rebrousser chemin. Lors des manœuvres de changement de cap, une forte vague déstabilise le navire. Par réaction, la bôme a heurté la tête d’un équipier qui décéda d’un traumatisme crânien.
66Les parents de la victime, agissant en réparation du préjudice subi sur le fondement de la responsabilité civile du fait des choses, furent déboutés de leur demande au motif que la victime était « non la passagère, mais la coéquipière (du skipper) ; qu’elle avait, à ce titre l’obligation de se conformer aux usages et aux règles de l’activité qu’elle avait choisi de pratiquer en adhérant au club de voile ; que l’une des règles élémentaires en matière de navigation à voile consiste à éviter les coups de bôme, élément du bateau par essence mobile », qu’en outre, le skipper « avait averti ses coéquipiers du passage de la bôme, avertissement dont tous ont tenu compte, à l’exception de la victime ; que ces faits constituent à la charge de (la victime), des fautes d’imprudence et d’inattention, cause exclusive de l’accident dont elle a été victime »781
67220 - Défaut d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. Dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle, qu’il s’agisse des articles 1382 ou 1384 du Code civil, il appartient au débiteur de la réparation de rapporter l’existence d’une faute de la victime présentant les caractères de la force majeure s’il entend s’exonérer totalement de sa responsabilité. Une application rigoureuse de ce principe aurait dû conduire à refuser l’exonération totale de responsabilité dans les espèces évoquées tant il paraît difficile de prétendre que la faute de la victime était imprévisible et irrésistible.
68La chute à travers le plancher était en effet prévisible eu égard à l’état de dégradation du sol782, le heurt de la borne l’était également du fait de l’inattention bien connue des piétons783. La pratique d’un sport tel que le moto cross784, ou la baignade d’un adolescent dans une rivière dangereuse785, interdite de surcroît, l’était aussi. Il est dans la nature de toute interdiction d’être enfreinte tantôt par un passionné avide de pratiquer son sport favori, tantôt par un adolescent friand de braver l’autorité des adultes l’encadrant. L’inattention de la coéquipière d’un voilier786 en régate l’était tout autant. C’est de l’essence de la nature humaine de ne pas exécuter avec promptitude les ordres donnés par le skipper occasionnel d’un équipage estudiantin. Enfin, le passage sous une barrière automatique787 était loin d’être imprévisible, car la vie moderne fait que le client empressé cherche volontiers le chemin le plus court pour accéder au temple de la consommation !
69De plus, l’ensemble de ces attitudes était résistible : le syndic de copropriété aurait pu diligenter les travaux nécessaires à la consolidation du sol ; l’accès au terrain pour pratiquer le moto cross aurait pu être interdit par une solide grille cadenassée ; un des éducateurs aurait pu, par sa simple présence, empêcher le jeune adolescent de pénétrer dans la rivière qui s’est avérée mortelle ; la coéquipière inexpérimentée aurait pu, sur les conseils du skipper, descendre dans la cabine à l’abri des éléments et de la bôme fatale ; enfin un simple faisceau détectant la présence d’un obstacle aurait permis d’arrêter le mouvement de la barrière automatique. Rien de tout cela n’a fait obstacle à l’exonération totale du gardien, la faute de la victime ayant été regardée comme la cause exclusive de l’accident.
70221 - Solution d’équité ? Comment justifier de telles solutions au regard des principes qui régissent la matière ? Lorsque le défendeur à l’action en réparation n’est pas à l’origine de la dangerosité de la chose, imputable au seul comportement de la victime, il semble socialement logique de prononcer son exonération totale. Cependant, comme le juge ne peut pas mettre en évidence les caractères de la force majeure, il recourt à la notion de cause exclusive pour conférer à sa décision, prise en équité, une coloration juridique destinée à éviter la censure de la Cour de cassation. Ainsi, dans les affaires citées, le rôle de la chose dans la production du dommage ne s’avère pas essentiel. En qualifiant la faute de la victime de cause exclusive, les juges mettent en exergue son rôle déterminant dans la production du dommage. Cette qualification s’impose pour appuyer les constatations des juges. Dans ces hypothèses, seuls l’inattention ou l’empressement de la victime sont à l’origine de l’accident. La cause exclusive a alors le rôle opérant de rompre l’imputabilité du fait générateur de responsabilité.
71Dans cette optique la cause exclusive ne doit pas s’interpréter comme une cause d’exonération de responsabilité. En effet, elle n’opère pas dans le cadre de l’analyse de la causalité. Cette notion a pour effet de bloquer la naissance même du rapport juridique qui permettrait de rattacher le dommage au gardien dans le cadre de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil. Ainsi, son analyse s’établit au stade de l’imputabilité du dommage. La cause exclusive est, dans ces occurrences, une cause de non imputabilité du fait générateur à rencontre du gardien. Pour faire clairement le partage entre exonération de responsabilité et cause de non imputabilité du dommage, il est souhaitable que les juges ne se réfèrent pas à une quelconque notion d’exonération lorsque la cause exclusive n’est utilisée que comme cause de non imputabilité788. Dans les espèces dans lesquelles la notion de cause exclusive est utilisée de manière autonome, il est alors exact de passer sous silence les critères de la force majeure. Ils sont en effet inopérants à ce stade. Ces critères ne peuvent servir que pour établir l’assiette du rapport de contribution à la dette de réparation. Auteur et victime ont participé à la production du dommage. Si le comportement de la victime recouvre les caractères de la force majeure, alors elle ne recevra aucune indemnisation. A l’inverse, si ces caractères sont absents, ceci ouvre droit à réparation partielle ou totale selon les espèces. Cette notion de cause exclusive intervient en amont, dans le rapport d’obligation à la dette de réparation. Ainsi, si la faute de la victime est la cause exclusive - autonome - de l’accident, l’auteur, au sens de l’article 1382 du Code civil, ou le gardien sont juridiquement considérés comme n’ayant pas pris part à la naissance de la circonstance dommageable. Il est donc inutile de discuter de la contribution à la dette et de son critère d’appréciation qu’est la force majeure.
72En outre, la jurisprudence utilise également cette notion en matière de responsabilité civile contractuelle.
§ 2 - Dans la responsabilité contractuelle
73222 - Accident de transport. Il est également, mais dans une moindre mesure, fait usage de la notion de cause exclusive en matière de responsabilité contractuelle. Les hypothèses d’application de la cause exclusive se présentent dans la responsabilité des transporteurs.
74Dans une première espèce789, un passager retardataire avait tenté de monter dans un train alors que les portières se refermaient et que le départ était annoncé par un signal sonore, ce qui avait provoqué sa chute sur le quai. La cour d’appel de Paris a débouté la victime de sa demande en réparation au motif que n’était pas démontré un manquement du transporteur à son obligation de sécurité. Le considérant précisa qu’« il est établi par les bandes graphiques du train que le signal sonore a normalement fonctionné lors de l’accident ; que la fermeture automatique des portières a été réalisée en deux temps, la fermeture rapide des vantaux laissant subsister un espace de vingt centimètres entre les portes, qui se sont rejointes ensuite progressivement ; que dès qu’il a constaté la chute du voyageur, le conducteur de la rame a stoppé celle-ci et provoqué la réouverture des portières [...] (qu’ainsi) il est démontré que la faute de la victime a constitué la cause exclusive de l’accident ».
75En 1992, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence790 a eu à connaître d’une espèce semblable : il s’agissait de la passagère d’un train qui, s’apercevant qu’elle s’était trompée de voiture, avait sauté sur le quai alors que le train était en marche. Elle fut mortellement blessée et ses ayants droit agirent contre la SNCF791. Par un attendu lapidaire, les juges du fond écartèrent totalement la responsabilité de la SNCF, au motif que « la faute de la victime, qui a volontairement ouvert une porte et sauté en marche, est la cause exclusive de l’accident ». A aucun moment il n’est fait allusion aux caractères de la force majeure. Pourtant, et si l’on se place sur le terrain de l’exonération, le gardien se voit totalement exonéré de sa responsabilité, au mépris des règles de droit commun de la responsabilité ! Comme l’observe M. Leduc792, « la faute de la victime n’était certainement pas imprévisible pour la SNCF (il y aura toujours des voyageurs étourdis), ni irrésistible (le dommage aurait été évité si la SNCF avait assuré le blocage des portes du train en marche) ».
76Dans une autre espèce793, la victime, dépourvue de titre de transport, était montée sur le marchepied d’un train en marche et s’était blessée en tombant sur la voie. Dans son pourvoi en cassation, elle reprochait aux juges du fond de n’avoir pas mis en évidence le caractère imprévisible et irrésistible de sa faute. La Cour rejeta le pourvoi au motif que « la cour d’appel a pu déduire de ces constatations que la faute ainsi commise par la victime constituait la cause exclusive de son dommage ». Où la doctrine794 constate que la Cour de cassation a conféré « à la faute commise par le voyageur tous les effets de la force majeure, sans pour autant caractériser les éléments constitutifs de celle-ci ». N’est-ce point alors « signifier qu’en l’occurrence, il était inutile de disputer de la force majeure ? »795.
77223 - Jeux dangereux. Toujours dans le domaine de la responsabilité contractuelle, la cause exclusive peut se révéler utile pour écarter la responsabilité de l’exploitant d’un parc de loisirs. En 1988, la Cour d’appel de Bordeaux796 dut se prononcer sur la responsabilité de l’exploitant d’un manège d’autotamponneuses à l’égard d’un passager dont un choc lui a occasionné une fracture du nez. Agissant en réparation contre l’exploitant du manège tenu d’une obligation de sécurité de résultat, il fut débouté car selon les juges du fond : « l’imprudence commise par (la victime) qui n’est pas restée en position normale dans la voiture, appelée par la destination même de ce type de manège, à recevoir des chocs, doit être analysée comme la cause exclusive de l’accident et exonère totalement (l’exploitant) de l’obligation de sécurité qui pèse sur lui ».
78Dans le même type d’accident lié aux activités de loisirs, le client d’un parc d’attractions recherchait la responsabilité de son exploitant à raison d’un dommage subi sur un toboggan où il avait été violemment heurté dans le dos par un autre utilisateur. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence797 le déboute de son action au double motif que la victime ne démontrait pas le mauvais fonctionnement ou la dangerosité anormale du toboggan, et que sa faute tenant au freinage dangereux de sa descente était la cause exclusive de l’accident.
79224 - Utilisation parcimonieuse. Dans ces décisions, la cause exclusive se présente bien comme une cause d’exonération distincte et concurrente de la force majeure ce qui confère une véritable autonomie à cette notion. Elle développe le même effet que la force majeure, puisqu’elle aboutit à l’exonération totale du débiteur de l’obligation de sécurité, sans qu’il soit besoin de qualifier ses éléments caractéristiques. Elle permet ainsi au juge d’exclure de tout droit à indemnisation la victime dans l’hypothèse où l’équité impose de ne pas sanctionner le débiteur virtuel de la réparation.
80Il est intéressant de se demander ce qui a incité les juges à faire usage de cette notion à cette fin. A l’aune de nos précédents développements798, il semble que les éléments de réponse sont à rechercher vers la façon qu’ont les juges d’appréhender les critères de la force majeure. Aujourd’hui, le transporteur n’est plus simplement responsable, ce qui supposerait qu’il puisse s’exonérer ; il constitue un véritable garant. En effet, les événements auxquels il est confronté étant toujours considérés comme prévisibles et résistibles, le transporteur se trouve privé de toute possibilité matérielle de s’exonérer.
81Aussi, la jurisprudence a-t-elle trouvé un concept juridique suffisamment souple pour s’affranchir de la délicate vérification des éléments caractéristiques de la force majeure. Cependant, à trop évincer la caractérisation des ces éléments, les tribunaux s’exposent, par l’utilisation de cette notion, à une appréciation éminemment subjective799 de l’intervention fautive de la victime dans la production du dommage, ce qui conduit de facto à une radicalisation des décisions défavorables aux victimes. La qualification de la force majeure garantit un examen attentif du comportement de la victime et empêche une exonération trop aisée du débiteur de la réparation ; les juges doivent manier cet « instrument redoutable »800 que constitue la notion de cause exclusive avec parcimonie, ce « correctif d’équité » ne devant servir qu’à « tempérer ponctuellement des solutions de droit strict »801.
82225 - Conclusion Chapitre II. Classiquement, en matière de responsabilité civile, l’exonération totale du débiteur de la réparation passe par la démonstration des caractères d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité du comportement de la victime. Longtemps assimilée à la force majeure, la cause exclusive se révèle pourtant plus complexe à appréhender. Elle a été consacrée par la loi du 5 juillet 1985, relative à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation, dans les articles 3, et 4. Elle ne répond cependant pas à la même exigence. S’agissant de la victime fautive non-conductrice, il n’est pas rare de trouver confrontés la cause exclusive aux caractères de la force majeure. Ceci s’explique par une approche historique de la matière : les accidents de la circulation relevant, avant la loi de 1985, de l’article 1384 du Code civil, la loi spéciale ne pouvait pas réserver aux victimes un sort moindre que celui du droit commun en éludant la confrontation de leur comportement aux critères de la force majeure. Cependant, dans le cadre des articles 4 et 5, le conducteur fautif, oublié de la réforme de 1985802, voit son comportement être réputé la cause exclusive de l’accident sans aucune confrontation avec les caractères de la force majeure. Le fondement de ces solutions tient davantage à la réprobation sociale du comportement routier qu’à une analyse pure de la causalité803.
83Le droit commun de la responsabilité civile, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, utilise volontiers cette notion éminemment pratique de cause exclusive. Lorsqu’elle est détachée de toute analyse des critères de la force majeure, la cause exclusive apparaît comme une cause de non imputabilité du fait générateur au défendeur à l’action en responsabilité civile. Cette jurisprudence a projeté son incidence sur un autre domaine de la responsabilité civile, celui du rôle actif des choses inertes. En effet, cette matière a connu une phase de turbulences quant aux critères permettant de révéler le rôle actif des choses inertes. Passer de l’exigence de la démonstration de l’anormalité dans la position, l’état, ou le fonctionnement de la chose à une présomption d’anormalité en présence du seul contact avec le siège du dommage, ce pan de la jurisprudence, aujourd’hui revenue à l’équilibre, a permis au premier abord de rendre plus facile aux victimes la charge de la preuve. Cependant, déduire l’anormalité du seul contact entre la chose et le siège du dommage conduit à focaliser le débat judiciaire sur le comportement de la victime qui a tôt fait de se révéler fautif face à une chose inerte. La notion de cause exclusive, utilisée comme cause de non imputabilité du fait générateur de responsabilité, se révèle ainsi être une notion permettant aux juges d’éviter le débat incertain quant aux critères de la force majeure lié au seul contentieux de l’exonération.
84226 - Conclusion Titre II. Pour permettre l’analyse des comportements fautifs, il est nécessaire que soient confrontés plusieurs concepts.
85D’une part, la force majeure. Ses caractères doivent se retrouver dans le comportement de la victime pour conduire à l’exonération totale du débiteur. Aujourd’hui, cette dernière connaît une crise de ses fondements. En effet, les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité peuvent donner lieu à des solutions contestables. Il est avéré qu’aujourd’hui le transporteur ne peut plus s’exonérer de sa responsabilité car il lui est matériellement impossible de démontrer que le comportement de la victime a été irrésistible. Pour y remédier on pourra souhaiter un plus large recours au critère de l’inévitabilité qui présentera les avantages de la force majeure sans en retenir les inconvénients.
86L’analyse de la force majeure est de première importance parce qu’elle provoque la rupture du lien de causalité. Les tribunaux appliquent alternativement les théories de l’équivalence des conditions ou de la causalité adéquate dans le but de parvenir non pas à la solution la plus exacte en droit mais à celle qui, aux yeux des magistrats, apparaît la plus juste. Cependant, dans les méandres de la causalité demeure un domaine où il est à espérer que les Tribunaux reviennent à un raisonnement plus adéquat. La causalité rejaillissant sur les victimes par ricochet, il est difficile d’admettre que les ayants droit agissant en réparation d’un préjudice personnel puissent se voir opposer la faute causale de la victime directe.
87D’autre part, face à cette crise de la force majeure, la jurisprudence, relayée par la loi, a créé une notion complémentaire pour permettre l’exonération totale du débiteur de la réparation sans passer par la trémie de la qualification des critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. La notion de cause exclusive est une notion protéiforme. Confrontée dans certaines hypothèses à la force majeure, s’émancipant de tous critères dans d’autres occurrences, cette notion apparaît dans cette seconde acception comme une cause de non imputabilité du fait générateur de responsabilité. Présente dans la loi du 5 juillet 1985, elle n’est utilisée, dans ses fonctions d’imputabilité, que dans le cadre du droit commun lorsque la caractérisation des critères de la force majeure se révèle indifférent, ce qui transforme cette cause d’exonération en cause de non imputabilité.
88Ce durcissement à l’égard de la victime, par le recours à la notion de cause exclusive, a été tempéré par l’assouplissement des conditions de mise en œuvre de la responsabilité du gardien d’une chose inerte. Ainsi, la chose inerte était réputée l’instrument du dommage dès lors qu’il y avait contact avec le siège du dommage. Aujourd’hui, la jurisprudence est revenue à l’exigence de l’anormalité de la chose inerte pour la réputer active dans la production du dommage. Cependant, quand bien même cette jurisprudence a pu être regardée comme aggravant le sort du gardien de la chose, il s’avère qu’en fait la victime était au centre du débat. En présence d’une chose inerte, rien n’est plus naturel que de considérer comme fautive l’attitude de la victime.
89227 - Conclusion Première Partie. Où réside le particularisme des concepts matérialisant les comportements fautifs ? Cette question a été la trame de la première partie de cette étude.
90Particularité notionnelle tout d’abord. Ces concepts se retrouvent dans les traits du fait ou de la faute du créancier en matière contractuelle. Lorsqu’un créancier réclame de son débiteur l’exécution de son obligation alors qu’il n’a pas lui même exécuté la sienne, il s’expose à se voir opposer son propre comportement défaillant.
91Ensuite, ce concept prend l’apparence de la faute de la victime dans le cadre de la responsabilité délictuelle. Celui-ci correspond alors à l’intervention alternative ou simultanée de la victime dans la production du dommage.
92Aujourd’hui, notre Droit, exposé à l’influence des droits des pays voisins, s’interroge sur la nécessité de consacrer une obligation de minimiser le dommage. La jurisprudence s’y refuse. Néanmoins, ce refus de principe doit être tempéré. Il ne s’agit pas d’écarter le principe de minimisation du dommage en tant que tel, mais plutôt de le refuser en tant qu’obligation au sens strict. La raison en est simple. Le droit positif dispose déjà des moyens de sanctionner ces comportements par le biais de la faute de la victime en matière délictuelle, et du devoir de collaboration dans le domaine contractuel. Particularité matérielle ensuite. S’agissant d’appliquer ce concept de grandes disparités d’appréciation apparaissent.
93Lorsqu’il s’agit de statuer sur la faute d’un incapable, les juges se livrent à une appréciation in abstracto de sa faute. Il semble souhaitable que les tribunaux n’accablent pas trop ces victimes. Pour aboutir à ce résultat, nous proposons un raisonnement combinatoire par lequel l’appréciation objective se subjectiviserait, tempérant ainsi la rudesse de la sanction.
94En l’état de la jurisprudence actuelle, et des critères de la force majeure qu’elle retient, le transporteur dont la responsabilité est engagée se voit privé de toute possibilité de s’exonérer. Pour sortir de l’impasse, le critère de l’inévitabilité parait adéquat. Pour remédier à la difficulté de cerner la notion de force majeure, les tribunaux ont ponctuellement recours à une notion autonome : la cause exclusive. Lorsqu’il semble logique d’exonérer totalement le débiteur de la réparation alors que pourtant les caractères de la force majeure ne sont pas réunis, ce correctif d’équité, à quelques réserves près, semble efficace. Cette notion autonome ne relève pas d’une appréciation causaliste de la situation mais se niche au cœur de la question de l’imputabilité du dommage.
95La question qui va nous guider à présent sera celle de savoir quelles peuvent être les incidences du concept de comportement fautif dans les domaines du cautionnement et des quasi-contrats.
Notes de bas de page
669 Cass. req., 23 décembre 1879 : D. P. 1880, 1, p. 134, pour un cocher blessé par son cheval qu’il a mal attelé et mal conduit.
670 CA Dijon, 21 juin 1894 : D. P. 1896, 2, p. 48, pour la chute d’un domestique d’une voiture dite tapissière qui s’est assis sur un siège mobile d’un usage notoirement dangereux.
671 Cass. req., 15 juillet 1902 : D. 1905, 1, p. 340, pour la chute accidentelle d’un piéton devant les roues d’un tramway non munies d'appareils protecteur ; v. également Trib. civ. Seine, 20 novembre 1934 : JCP 1935, p. 22 ; CA Amiens, 12 mai 1937 : Gaz. Pal. 1937, 2, p. 441
672 Cass. req., 22 janvier 1908 : D. 1908, 1, p. 217, note L. Josserand, pour un commis vendeur qui se blesse à l’oeil, par inattention, en heurtant une tringle dont l’extrémité était brisée ; Cass. civ., 1e r décembre 1936 : D. S. 1937, 1, jur., p. 86, pour l’hypothèse dans laquelle l’imprudence de la victime a été la cause unique de son accident mortel causé par un fil électrique sous tension ; Cass. civ. 9 septembre 1940 : D. S. 1940, 1, p. 81 note H. Mazeaud.
673 Cass. req., 16 mai 1938 : Gaz. Pal. 1938, 2, jur. p. 358, pour la faute d’un piéton, imprévisible et inévitable, cause exclusive de l’accident, qui s’était engagé sur la chaussée en dehors d’un passage clouté situé à 30 mètres alors que la circulation était « particulièrement dense » ; Cass. req., 27 janvier 1947 : D. 1947, jur. p. 238. En l’espèce, un piéton était sorti d’une vespasienne en faisant une brusque apparition sur la chaussée et avait été heurté, renversé et blessé par une automobile. La Cour de cassation précise que « l’imprudence de la victime, qui revêtait le caractère d’un événement imprévisible et inévitable pour l’automobiliste, avait été la cause génératrice exclusive de l’accident ».
674 Cass. civ., 8 février 1938 : D. S. 1938, 1, jur. p. 194 ; Gaz. Pal. 1938, 1, jur. p. 558, qui casse l’arrêt des juges du fond qui exonéraient totalement de sa responsabilité un automobiliste au motif que la faute de la victime (en l’espèce le fait d’avoir traversé un grand boulevard parisien en dehors d’un passage clouté) avait été la « cause exclusive du dommage ».
675 L’emploi du conditionnel permet de préciser que, dans le cadre de cette étude, la jurisprudence la plus ancienne date de 1866. Cette réserve consiste à mettre en évidence qu’il existe des décisions antérieures à cette date utilisant ce concept particulier de cause unique ou exclusive du dommage. Cette étude n’a cependant pas réussi à identifier formellement de décisions qui précèdent celle de 1866, et qui ont recours explicitement à cette notion.
676 CA Montpellier, 23 juillet 1866 : D. P. 1868, 2, p. 72, pour la mort d’un domestique blessé par un cheval dont il avait la garde ; Cass. civ., 8 janvier 1894 : D. P. 1894, 1, p. 403, pour la blessure par la ruade d'un cheval d’une fille de ferme qui a provoqué l'amputation de la jambe gauche ; CA Paris, 30 octobre 1933 : D. H. 1933, 2, p. 546, pour l’imprudence d’un piéton, qui a traversé un carrefour en dehors d’un passage clouté, qui est considérée comme la « cause exclusive et directe du dommage » ; Cass. req., 24 novembre 1931 : S. 1932, 1, p. 30. L’attendu de principe précise « qu’en déduisant de ces circonstances souverainement constatées que I accident doit être uniquement imputé à la faute de la victime et que, par suite, se trouve détruite la présomption de responsabilité de l’article 1384, § 1, C. civ, l’arrêt attaqué a donné base légale à sa décision » ; v. également Cass. req., 13 avril 1934 : D. S. 1934, 1, p. 41, rapport de M. le Conseiller Gazeau, note R. Savatier. L’attendu de principe est ainsi rédigé : « La faute de la victime, lorsqu’elle n’est pas la cause unique de l’accident, ne fait pas disparaître entièrement la présomption de responsabilité qui pèse sur le gardien ».
677 Cass. civ., 18 mars 1930 : D. 1930, 1, p. 283. En l’espèce, il s’agissait d’une passagère d’un tramway qui avait surgi inopinément devant l’automobile qui l’avait blessée. La Cour de cassation précise que les juges du fond avaient pu en déduire « que l’accident était dû à un cas fortuit ou à une cause étrangère de nature à exonérer le gardien de l’automobile de toute responsabilité ».
678 G. Marty, La relation de cause à effet comme condition de la responsabilité civile (Étude comparative des conceptions allemandes, anglaises et française), RTD civ. 1939, p. 705, v. spéc. p. 706, n° 17, qui cite R. Houin, L’inertie de la chose et l’acceptation des risques par la victime sont-elles des causes d’exonérations de la présomption de l’article 1384 al. 1er, C. civ., Rev. Cru. de lég. et jur., 1939, p. 155.
679 Les décisions référencées par cette base de données répondent aux critères d’interrogation suivants : Responsabilité civile, Faute de la victime, Cause exclusive, CA et TGI, Années : 1980 à 2004.
680 Pour le détail de l’ensemble de ces décisions v. Annexe III.
681 V. dernièrement Cass. 2ème civ., 23 septembre 2004 : JurisData n° 2004-024874, l’attendu est éloquent, et précise que « la responsabilité de plein droit du gardien est engagée dès lors qu’il est établi que la chose a été [...] l’instrument du dommage, sauf au gardien à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère qu’il n’a pu ni prévoir ni empêcher ».
682 Sous le vocable de cause étrangère, la doctrine regroupe l’étude du cas fortuit, de la force majeure et du fait du tiers, v. en ce sens Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2004/2005, p. 424, n° 1799 ; G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 218, n° 383 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 755, n° 796.
683 En ce sens G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, Ibid ; v. également L. Josserand, note sous Trib. civ., Bourges, 7 février 1895 ; Agen, 17 mars 1897 ; Liège 5 et 12 novembre 1898 ; Trib. civ., de la Seine, 28 janvier 1899 ; Trib. civ., de la Mayenne, 2 mars 1899 : D. 1900, 2, p. 289, v. spéc. p. 291 qui précise que « la force majeure consiste [...] dans (l’)intervention [...] d’une cause étrangère ».
684 Pour les juges du fond : CA Paris, 21 novembre 1980 : JurisData n° 1980-095788 ; CA Paris, 27 mai 1981 : JurisData n° 1981-024151 ; CA Reims, 28 octobre 1982 : JurisData n° 1982- 042778 ; CA Nîmes, 11 avril 1984 : JurisData n° 1984-600290 ; CA Angers, 9 octobre 1985 : JurisData n° 1985-642141. Pour la Cour de cassation : Cass. req., 27 janvier 1947 : D. 1947, jur. p. 238. Un piéton qui sortait d’une vespasienne à l’instant précis où l’automobiliste arrivait à sa hauteur, a fait brusquement irruption sur la voie sans vérifier si elle était libre et s’y est engagé en dehors d’un passage clouté. La Cour de cassation précise « qu’en l’état de ces constatations souveraines la cour d’appel a pu décider sans se contredire que l’imprudence de la victime, qui revêtait le caractère d’un événement imprévisible et inévitable pour l’automobiliste, avait été la cause génératrice exclusive de l’accident, et qu’en conséquent (l’automobiliste) [...] se trouvait déchargé en tant que gardien de la chose ayant causé le dommage de la présomption de responsabilité édictée à son encontre par l’art. 1384, § 1er c.civ., » ; v. également Cass. 2ème civ., 30 novembre 1960 : D. 1961, jur. p. 121, note A. Tune ; Cass. 2ème civ., 21 novembre 1963 : Gaz. Pal. 1964, 1, jur. p. 240 ; Cass. 1ère civ., 6 octobre 1964 : D. 1965, jur. p. 21, note P. Esmein.
685 Pour les développements relatifs à la faute du conducteur victime v. Infra, p. 186, n° 197.
686 V. Supra, p. 137 et s., n° 143 et s.
687 Cass. 2ème civ., 15 mars 1978 : Bull. civ. II, n° 84, pour une espèce où un motocycliste qui circulait en sens inverse avait été blessé dans une collision avec une automobile qui « circulait doucement et normalement dans son couloir de marche ».
688 Cass. 2ème civ., 2 juillet 1975 : JCP éd. G 1975, IV, p. 277, qui casse la décision des juges du fond qui avait qualifié « l’inattention et la vitesse de la victime d’un accident de la circulation de causes exclusives de la collision », sans rechercher si elle présentait les caractères de la force majeure. A noter l’emploi curieux du pluriel ! La cause si elle est exclusive se devrait d’être unique !
689 Les décisions référencées par la base de donnée JurisData répondent aux critères d’interrogation suivant : Responsabilité civile, Faute de la victime, Cause exclusive, Cour de cassation, Années : 1983 à 2004. Pour le détail de l’ensemble de ces décisions v. Annexe IV.
690 Cass. 2ème civ., 20 juillet 1987, 10 arrêts : Bull. civ. II, n° 160, qui précise que : « Seule est inexcusable au sens de l’article 3 la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » ; v. dernièrement pour la réaffirmation de cet attendu Cass. 2ème civ., 11 avril 2002 : JurisData n° 2002-014002 et n° 2002-013921 ; Cass. 2ème civ., 16 décembre 2004 : JurisData n° 2004-026263.
691 Cass. civ., 30 mai 1944 : D. 1944, jur. p. 105, pour une espèce dans laquelle le préposé d’une société de transport avait été blessé et reconnu fautif suite au dépassement d’un camion effectué par lui ; Cass. 2ème civ., 7 novembre 1979 : JCP éd. G 1980, IV, p. 26, pour l’écart, considéré comme fautif par les juges du fond, d’un conducteur de cyclomoteur qui était venu heurter un véhicule circulant dans le même sens ; Cass. 2ème civ., 25 juin 1998 : D. 1999, jur. p. 416, note C. Lapoyade Deschamps ; Resp. civ. et assur. 1998, com. n° 296, note H. Groutel, pour un usager de la SNCF qui empiétait de 3,5 centimètres sur la voie ferrée, condamné par les juges du fond à supporter une responsabilité pleine et entière ; Cass. 2ème civ., 27 mai 1999 : Bull. civ. II, n° 104 ; D. Aff. 1999, p. 1108, obs. J. F. ; D. 1999, IR, p. 166 ; Resp. civ. et assur. 1999, com. n° 249, cassation plus contestable dans une espèce dans laquelle le pilote d’un rallye motocycliste avait trouvé la mort en heurtant une ambulance alors qu’il circulait à gauche de la chaussée et qu’il avait été considéré (logiquement semblait-il pour les juges du fond) comme seul fautif ; Cass. 2ème civ., 11 janvier 2001 : D. 2001, IR., p. 408 ; JCP éd. G 2001, IV, 1377, pour une variante de la chute de la victime sur une voie ferrée, dans laquelle la Cour de cassation exige de la SNCF qu’elle caractérise la faute de la victime au regard de la force majeure.
692 Les trois précédents graphiques (Figure II, II-a et ll-b), démontrent que sur un total de 32 arrêts de la Cour de cassation, entre les années 1983 et 2004, confrontant la notion de cause exclusive aux caractères de la force majeure, près de 41% des décisions - soit 13 arrêts – sont relatifs aux articles 1384 alinéa 1er, et 1147 du Code civil.
693 V. dernièrement, pour le rappel explicite de cette exigence en matière contractuelle, CA Aix-en-provence, 30 mars 2004 : JurisData n° 2004-237508, « Attendu que la SNCF, en sa qualité de transporteur, ne peut s’exonérer totalement de (sa) responsabilité que par la preuve d’une faute exclusive de la victime présentant les caractères de la force majeure ». Pour cette même exigence dans le régime délictuel de la responsabilité civile, v. Cass. 2ème civ., 18 mars 2004 : JurisData n° 2004-022963, qui refuse de voir dans le comportement d’une jeune victime, qui a fait une chute mortelle après avoir ouvert les portes intérieures d’une cabine d’ascenseur, un événement imprévisible et irrésistible.
694 Une décision surprenante par le refus de voir dans la faute de la victime la cause exclusive de l’accident alors que matériellement c’est incontestable v. TGI Liboume, 12 novembre 1964 : Gaz. Pal. 1965, 1, jur. p. 49, en l’espèce, de nuit, par un épais brouillard, avec un taux d’alcool de 2,5 grammes par litre de sang et circulant au milieu de la route, un cycliste avait été mortellement blessé par un automobiliste qui circulait normalement. Les juges de première instance refusèrent d’exonérer de sa responsabilité le gardien de l’automobile. La motivation des juges du fond laisse pantois ! : « En effet, dans un pays de viticulture intensive, comme la zone de Montagne-Saint-Emilion, il est fréquent de trouver sur une voie publique, en novembre, époque de la fin des vendanges, des individus en état d’ivresse, et l’auteur de l’accident, habitué du pays où il réside, ne pouvait ignorer cette particularité des routes de la région ».
695 Cass. 2 civ., 11 octobre 1989 : Bull. civ. Il, n° 159, qui précise que « l’accident était dû au fait que le conducteur du camion de la coopérative avait manqué de maîtrise (qu’ainsi) la faute du conducteur était la cause exclusive de l’accident ».
696 Cass. 2ème civ., 28 janvier 1998 : Resp. civ. et assur. 1998, com. n° 153. En l’espèce, le conducteur d’un véhicule automobile alléguait avoir été gêné par un autobus de la RATP lors de son dépassement. Son véhicule avait heurté un terre-plein. Il contestait la limitation de son indemnisation au regard de la faute que lui reprochaient les juges du fond. La Cour de cassation rejette son pourvoi au motif « qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure ».
697 Cass. 2ème civ., 27 mai 1988 : Bull. civ. II, n° l 19, pour une espèce dans laquelle le véhicule d’un premier conducteur était immobilisé de nuit, sur la voie centrale d’une autoroute, sans aucune présignalisation et a été percuté par un second véhicule. Au regard des traces de freinages, qui n’étaient pas significatives d’un excès de vitesse, le second conducteur a été reconnu comme n’ayant pas commis de faute. La faute du premier conducteur a ainsi été reconnue comme « la cause exclusive de l’accident ».
698 Cass. 2ème civ., 21 novembre 1990 : Bull. civ. II, n° 237. En l’espèce, la Cour de cassation sanctionne les juges du fond d’avoir retenu la faute d’une conductrice comme cause exclusive de l’accident, alors que son véhicule avait heurté, sur une autoroute, l’arrière d’une automobile qui s’était immobilisé sur la chaussée sans nécessité absolue.
699 Cass. 2ème civ., 10 octobre 1985 : Bull. civ. II, n° 150, pour une espèce dans laquelle une collision entre deux véhicules était survenue au cours d’un dépassement ; Cass. 2ème civ., 22 janvier 1992 : Bull. civ. II, n° 21, pour une espèce qui sanctionne la faute d’un motocycliste, qui arrivait d’une voie sur la droite et qui est entré en collision avec une automobile.
700 V. pour les développements relatifs à l’émancipation de la cause exclusive par rapport aux critères de la force majeure, Supra, p. 181, n° 196.
701 Cass. Ch. mixte, 28 mars 1997 : D. 1997, jur. p. 294, note H. Groutel.
702 F. Leduc, La cause exclusive, Resp. civ. assur. 1999, chron. n° l 7, p. 7, (nous soulignons).
703 Les décisions qui ont servi à élaborer ce graphisme sont référencées par la base de donnée Juridisque Lamy, Cour de cassation vol. I (1984-1990), vol. II (1991-1996), vol. III (1997-2000) et vol. IV (2001-2003), et répondent aux critères d’interrogation suivants : Responsabilité civile, Faute de la victime (et) conducteur, Cause exclusive (ou) Cause partielle, v. Annexe V.
704 Pour le détail de l’ensemble de ces décisions v. Annexe V. L’avant projet de réforme du droit des obligations prévoit l’assimilation pure et simple du sort du conducteur aux autres victimes d’accident de la circulation. Celui-ci ne pourra être privé d’indemnisation que si son comportement s’assimile à une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, v. en ce sens G. Viney, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/
rapportcatalaseptembre2005.pdf, Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Sous-titre III -De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386), Exposé des motifs, p. 150.
705 Parfois la Cour de cassation refuse de qualifier la faute inexcusable de la victime de cause exclusive de l’accident, car cette faute n’était pas irrésistible, v. Cass. 2ème civ., 25 juin 1986 : Bull. civ. n, n° 98, pour un exemple dans lequel un automobiliste est reconnu responsable d’avoir renversé un cycliste car il « avait aperçu bien à l’avance la manœuvre dangereuse du cycliste et qu’il aurait pu éviter celui-ci en passant derrière lui ». Dans d’autres hypothèses, la Cour de cassation justifie sa décision au regard de la seule imprévisibilité, v. Cass. 2ème civ., 28 juin 1989 : Bull. civ. Il, n° 137, qui retient à rencontre d’un piéton une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident qui consiste en la traversée de nuit, d’une autoroute à deux voies séparées par un terre plein central et une glissière de sécurité. La Cour de cassation précise que « la présence d’un piéton sur cette partie de la chaussée (était) parfaitement imprévisible ». Dans une troisième série d’hypothèses, la qualification de la faute inexcusable de la victime comme cause exclusive du dommage s’opère au regard de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité, v. Cass. 2 è m e civ., 13 février 1991 : Bull. civ. II, n° 50, qui qualifie la faute d’irrésistible, au regard de la précipitation du piéton qui « s’est jeté sur le véhicule », et d’imprévisibilité, en relevant « que l’automobiliste ne pouvait pas normalement s’attendre à ce qu’un piéton traversât la chaussée d’une autoroute malgré trois glissières de sécurité ».
706 Selon F. Zenati, in RTD civ. 1985, p. 790 et s., IV- Contrats et obligations, n° 29, v. spéc. p. 792, n° 5, le caractère inexcusable de la faute de la victime est « un ferment de chicane qui laisse encore de beaux jours aux plaidoyers en matière d’accidents de la circulation ».
707 F. Leduc, La cause exclusive, Resp. civ. assur. 1999, chron. n° 17, p. 7, v. spéc. p. 8.
708 Cass. 2ème civ., 29 mai 1996 : D. 1997, jur. p. 213, note G. Blanc, v. spéc. p. 215 où cet auteur prétend que la loi du 5 juillet 1985 « déresponsabilise quelque peu le piéton ». On peut douter de la pertinence de cette remarque car il apparaît plus que douteux que le piéton songe à mettre en danger sa vie en considérant qu’il (ou ses ayants droit, s’il décède !) bénéficiera d’un régime de réparation favorable ! Comp. la justesse des propos de A. Tune, Les causes d’exonérations de la responsabilité de plein droit de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, D. 1975, chron. p. 83, v. spéc. p. 87, n° 12, qui précise que « si la crainte de se faire tuer, de se faire réduire à un état végétatif ou simplement de se faire estropier pour la vie n’a pas empêché un certain comportement de sa part, ce n’est certes pas la menace de l’application du droit, à laquelle il ne songe nullement, qui aura cet effet ».
709 Il semble, à l’avenir, que cette solution soit amenée à disparaître si les propositions de l’avant-projet de réforme du droit des obligations sont suivies d’effets. Le groupe de travail sur la responsabilité civile préconise la suppression de la distinction opérée par l’article 1er de loi de 1985, v. en ce sens G. Viney, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur
http://vvww.justice.gouv.fr/publicat/rapport/rapportcatalaseptembre2005.pdf, Livre Troisième -Titre III, Des obligations, Sous-titre III - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386), Exposé des motifs, p. 150.
710 F. Chabas, obs. sous Cass. 2ème civ., 6 avril 1987 : JCP éd. G 1987, II, 20828, n° 2.
711 L. Josserand, note sous Trib. civ., Bourges, 7 février 1895 ; Agen, 17 mars 1897 ; Liège 5 et 12 novembre 1898 ; Trib. civ., de la Seine, 28 janvier 1899 ; Trib. civ., de la Mayenne, 2 mars 1899 : D. 1900, 2, p. 289, v. spéc. p. 291, qui précise : « En dénonçant la faute de la victime comme source du dommage ; l’objet n’a alors joué dans l’accident qu’un rôle inerte et passif ; il n’en a pas été la cause véritable ; ce n’est pas par lui que le dommage a été occasionné mais par l’imprudence ou la négligence de la victime qui doit donc le supporter définitivement et sans aucun recours ».
712 Cass. civ., 19 et 24 février 1941 : D. 1941, jur. p. 85, note J. Flour. En l’espèce la Cour de cassation admet que le gardien pouvait s’exonérer « en prouvant que la chose n’a joué qu’un rôle purement passif, qu’elle a seulement subi l’action étrangère génératrice du dommage ».
713 V. pour le détournement de cette notion, Cass. 2 civ., 1er octobre 1975 : D. 1976, jur. p. 46, pour une espèce où la Cour de cassation n’hésite pas à valider la décision des juges du fond, qui avaient pu soutenir que « le véhicule avait subi le heurt de la victime » et n’avait eu qu’un rôle passif alors même qu’il résultait de leur propres constatations que « la roue du camion avait écrasé le pied de l’enfant ».
714 Cass. civ., 13 janvier 1945 : D. 1945, jur. p. 317, note R. Savatier.
715 V. en la matière E. Pierroux, Le fait des choses inertes. Esquisse de bilan des dernières arabesques de la jurisprudence, RRJ Droit prospectif, 2004-4, p. 2279, v. spéc. p. 2295, n°13, qui précise, avec raison, qu'en matière de chose inerte « le critère retenu est celui d’un rapport de causalité direct d'un fait à un dommage ».
716 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 531.
717 CA Versailles, 21 avril 2000 : D. 2000, IR., p. 154, qui précise que même si les barrières automatiques du parking d’un magasin sont en mouvement « leur rôle doit être considéré comme passif dès lors que leur fonctionnement normal c’est à dire ni violent, ni rapide, ni irrégulier » et qui, de par ces constatations, prononce l’exonération totale de responsabilité de l’exploitant du magasin.
718 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, op. cit., p. 533.
719 Cass. req., 14 avril 1930 : D. S. 1930, 1, p. 81, note R. Savatier, qui précise : « Pour l’application de l’article 1384, al. 1er, la chose inanimée doit être la cause du dommage, mais que du moment où il est établi qu’elle a contribué à la réalisation du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice, sauf au gardien à apporter la preuve contraire ».
720 Cass. 2ème civ., 19 octobre 1961 : Bull. civ. II, n° 675 ; Cass. 2ème civ., 19 novembre 1964 : JCP 1965, II, 14022, note R. Rodière.
721 Cass. 2ème civ., 7 mars 1979 : D. 1980, IR., p. 5, obs. C. Larroumet, pour une paroi vitrée dont le rôle actif est reconnu dans la réalisation du dommage en raison de la fragilité des vitres de grandes dimension ; Cass. 2ème civ., 20 janvier 1993 : JurisData n° 1993-000019, pour le rejet des prétentions de la victime qui n’a pas établi que « la porte vitrée (était) défectueuse ou non conforme aux normes de sécurité » ; Cass. 2ème civ., 8 juin 1994 : Juridisque Lamy, Cassation vol. II (1991-1996), Arrêt n° 744, Pourvoi n° 92-19.546, pour le refus d’indemnisation de la blessure d’un athlète lors d’un exercice d’un saut en trampoline, qui a chuté dans la fosse de réception. La chose n’a pas été l’instrument du dommage car « ce matériel avait été installé conformément aux normes du fabricant, était en parfait état et ne présentait pas de vice de fabrication, de conception ou d’installation » ; Cass. 2ème civ., 11 janvier 1995 : D. 1995, IR., p. 39, pour le bris d’une plaque d’éclairement d’une toiture ; Cass. 2 civ., 3 mai 1995 : Juridisque Lamy, Cassation vol. II (1991-1996), Arrêt n° 518, Pourvoi n° 93-16.332, pour une dalle couvrant une citerne de fioul, qui s’est brisée au passage d’un livreur, réputée l’instrument du dommage au motif qu’elle « était fissurée et en mauvais état ».
722 Pour l’absence d’anormalité d’un sol comportant une dénivellation v. CA Paris, 24 novembre 1993 : JurisData n° 1993-023754 ; d’une vitre v. CA Paris, 15 mai 1996 : JurisData n° 1996-021884 ; d’une marche qui « ne présente pas en elle-même une dangerosité intrinsèque » ; v. particulièrement CA Chambéry, 29 juin 1998 cassée par Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : Resp. civ. et assur. 2000, com. n° 292, note H. Groutel ; D. 2001, jur. p. 886, note G. Blanc, qui précise que « la victime ne démontrait pas que la chose avait été l’instrument du dommage (en n’établissant pas) qu’elle avait un caractère anormal ou que sa finition présentait ce caractère, ou encore qu’elle était affectée d’un vice ou d’un défaut d’entretien ».
723 Cass. 2ème civ., 16 novembre 1978 : Bull. civ. II, n° 240.
724 Cass. 2ème civ., 16 mars 1994 : D. 1994, IR, p. 88.
725 Cass. 2ème civ., 29 avril 1998 : RTD civ. 1998, p. 913, obs. P. Jourdain ; Resp. civ. et assur. 1998, com. n° 222, pour une espèce dans laquelle les juges du fond refusèrent de considérer une vitre comme instrument du dommage au motif que son état n’apparaissait ni anormal ni dangereux. Cassation de l’arrêt car en substance le garçonnet s’était blessé au coude en heurtant le carreau de la porte palière, ce qui faisait de la vitre l’instrument du dommage. V. pour un arrêt précurseur, Cass. 2ème civ., 12 mai 1980 : JCP éd. G 1981, II, 19694, note N. Dejean de la Bâtie. Cet arrêt casse pour manque de base légale la décision des juges du fond qui refusent l’application de l’article 1384, al. 1er, C. civ. au motif « qu’une vitrine était à sa place normale, en bon état, inerte, qu’elle avait joué un rôle purement passif dans la réalisation du dommage et qu’elle avait seulement subi l’action de la victime qui s’y était heurtée ».
726 Cass. 2ème civ., 15 juin 2000, Liebrand : Bull. civ. II, n° 103 ; D. 2001, jur. p. 886, note G. Blanc ; Resp. civ. et assur. 2000, com. n° 292, note H. Groutel ; RTD civ. 2000, p. 849, obs. P. Jourdain, pour une espèce dans laquelle l’intervention de la paroi vitrée, heurtée par un piéton, résultait simplement de son bris.
727 G. Viney, obs. sous Cass. 2ème civ., 29 avril 1998 : JCP éd. G 1998,I, 185, p. 2161, n° 6, 2°.
728 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : op. cit., v. spéc. p. 850, v. également en ce sens J. Colonna, Incertitude autour de la preuve du rôle actif de la chose inerte, RRJ Droit prospectif, 2003-1, p. 593, v. spéc. p. 595, n° 9 ; C. Le Tertre, note sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : JCP éd. G. 2004, n, 10013.
729 F. Leduc, L’état actuel du principe général de responsabilité délictuelle du fait des choses, in La responsabilité du fait des choses, Réflexions autour d’un centenaire, Economica, 1997, p. 35, v. spéc. p. 44.
730 G. Blanc, note sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : D. 2001, jur. p. 886, v. spéc. p. 889.
731 En ce sens Y. Dagorne-Labbe, note sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : Petites Affiches, 2001,n° 88,p. 14.
732 G. Blanc, note sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : op. et loc. cit. ; P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000, RTD civ. 2000, p. 849.
733 Cass. 2ème civ., 31 mai 2000 : Juridisque Lamy, Base, Cassation vol. III (1997-2000), Arrêt n° 548, Pourvoi n° 98-18.173, pour l’anormalité du comportement d’une barre de relaxation fixée par serrage entre deux parois.
734 Cass. 2ème civ., 1er mars 2001 : Juridisque Lamy, Base, Cassation vol. III (1997-2000), Arrêt n° 238, Pourvoi n° 99-13.643, pour l’état normal du sol d’un magasin et d’un portant mobile.
735 Cass. 2ème civ., 18 mars 1999 : Resp. civ. et assur. 1999, com. n° 167, pour le rôle actif de « plusieurs feuilles mortes souillant de façon anormale le sol d’accès (d’un) bureau de poste ».
736 G. Viney, obs. sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000, Liebrand : JCP éd. G. 2000, I, 280, n° 5. V. Contra CA Paris, 15 mai 1996 : JurisData n° 1996-021884, qui refuse de reconnaître une quelconque anormalité de la vitre qui s’est brisée par le simple heurt du trousseau de clef de la victime.
737 Cass. 2ème civ., 25 octobre 2001 : D. 2002, jur. p. 1450, note C. Prat ; RTD civ. 2002, p. 108, obs. P. Jourdain ; JCP éd. G 2002,1, 122, n° 9 obs. G. Viney.
738 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2 civ., 25 octobre 2001 : op. cit., v. spéc. p. 109.
739 En ce sens, G. Viney, obs. sous Cass. 2ème civ., 25 octobre 2001 : JCP éd. G 2002, I, 122, n° 9.
740 En ce sens, C. Prat, note sous Cass. 2ème civ., 25 octobre 2001, D. 2002, jur. p. 1450 ; v. spéc. p. 1452.
741 Pour l’exigence du maintien du critère de l’anormalité v. J. Carbonnier, Droit civil, Tome 4, Les obligations, PUF, Thémis droit privé, 22ème éd., 2000, p. 478, n° 265, d), 2° ; J. Flour, J.-L. Aubert, et É. Savaux, Les obligations, Tome 2, Le fait juridique, Armand Colin, 2003, p. 251, n° 250 ; P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 29 avril 1998 : RTD civ. 1998, p. 913, v. spéc. p. 914 ; Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2004/2005, p. 1207, n° 7804 ; Ph. Malaurie, L. Aynès, et Ph. Stoffel-Munck, Droit civil 2004, Les obligations, éd., Defrénois, 2003, p. 96, n° 193 ; B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Droit civil, Les obligations, 1- Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème éd., 1996, p. 227 et s., n° 482 et s. ; G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 641, n° 674 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 733, n° 775.
742 Cass. 2ème civ., 1er mars 2001 : Resp. civ. assur. 2001, com. n° 215 ; Cass. 2ème civ., 7 mai 2002 : Resp. civ. assur. 2002, com. n° 250 ; Cass. lère civ., 9 juillet 2002 et Cass. 2ème civ., 11 juillet 2002 : Resp. civ. assur. 2002, com. n° 326, p. 14. Dans la première espèce pour un escalier non muni de rampe, dont les deux marches très peu visibles et non signalées présentaient des hauteurs inégales. Dans le second arrêt, pour une rampe fixe d’un magasin de type grande surface ; Cass. 2ème civ., 26 septembre 2002 : Juridisque Lamy, Cassation vol. IV (2001-2003), Arrêt n° 919, Pourvoi n° 00-15.237, pour la chute d’un piéton sur un tas de gravats qui jonchaient le centre de la chaussée ; Cass. 2ème civ., 14 novembre 2002 : Resp. civ. assur. 2003, com. n° 31 et 32 ; D. 2002, IR, p. 3245 ; Cass. 2ème civ., 11 décembre 2003 : D. 2004, IR, p. 109 ; Resp. civ. assur. 2004, com., n° 61, p. 14 ; D. 2004, jur. p. 2181, note S. Godechot, pour un sol ciré particulièrement glissant ; Cass. 2ème civ., 13 mai 2004 : JurisData n° 2004-023723, pour un sol encombré de câbles ; Cass. 2ème civ., 25 novembre 2004 : JurisData n° 2004-025803, pour la chute d’une victime dans un escalier dont « l’anormalité [...] liée à l’absence d’une seconde rampe du côté du mur n’avait eu aucun rôle causal dans (la) chute » ; Cass. 1 civ., 8 février 2005 : JurisData n° 2005-026879, solution implicite de l’arrêt de rejet du pourvoi contre CA Aix-en-Provencc, 21 novembre 2000 : JurisData n° 2000-131865, qui a « exclu tout danger anormal de l’escalier » dans lequel le client d’un hôtel a chuté ; Cass. 2ème civ., 17 février 2005 : JurisData n° 2005-027007, pour un sol recouvert de neige verglacée ; Cass. 2ème civ., 24 février 2005 : JurisData n° 2005-027093, pour un tremplin destiné à des sauts en vélo tout terrain ; Cass. 2ème civ., 24 février 2005 : JurisData n° 2005-027094, pour le bris d’une baie vitrée excessivement fragile ; Cass. 2ème civ., 7 avril 2005 : JurisData n° 2005-027955, pour la chute d’une victime sur du carrelage humide ; Cass. 2ème civ., 2 juin 2005 : JurisData n° 2005-028720, pour la chute d’un client dans la fosse à vidange d’un garage automobile.
743 Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : Bull. civ. n, n° 287 ; D. 2003, IR, p. 2412 ; D. 2004, jur., p. 25 note N. Damas ; Resp. civ. assur. 2003, com., n° 286, obs. H. Groutel ; RTD civ. 2004, p. 108, obs. P. Jourdain ; JCP éd. G. 2004, II, 10013, note C. Le Tertre ; JCP éd. G 2004, I, 101, n° 18, obs. G. Viney, pour le heurt par un piéton d’un plot en ciment ; Cass. 2ème civ., 19 février 2004, Liebrand : Resp. civ. et assur. 2004, comm. n° 173, pour le heurt d’une paroi vitrée.
744 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : op. cit., v. spéc. p. 109.
745 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : eod. op. ; v. également Ph. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, 8ème éd., 2003, p. 441, n° 622.
746 CA Versailles, 1er mars 2002 : Inédit, Mademoiselle Lefel c/ Monsieur GoumanD. En l’espèce, la jeune cliente d’une boulangerie a heurté la vitrine, qui s’est brisée, après avoir effectué son achat. Les juges du fond estiment que le boulanger « est le gardien de la vitrine de son magasin qui, à l’évidence a eu un rôle causal dans la survenance de cet accident [...] et au’elle a été l’instrument du dommage ».
747 Pour les décisions reconnaissant le rôle actif de la chose inerte du fait de l’anormalité v. CA Rouen, 9 septembre 1999 : JurisData n° 1999-044965, pour le caractère extrêmement glissant du sol d’une salle de danse ; CA Chambéry, 8 mars 2000 : JurisData n° 2000-l 17597, pour le glissement d’une échelle sous le seul poids de la victime ; CA Paris, 16 octobre 2000 : JurisData n° 2000-128362, pour la dangerosité du rail d’un volet métallique qui a profondément entaillé la main de la victime ; CA Aix-en-provence, 13 février 2001 : JurisData n° 2001-136775, pour une armature métallique dépassant de la façade d’un immeuble ; CA Aix-en-provence, 20 février 2001 : JurisData n° 2001-136778, pour une attache métallique ancrée dans le sol ; CA Aix-en-provence, 8 mars 2001 : JurisData n° 2001-l42045, pour des cartons empilés derrière la porte d’accès aux caves d’un immeuble ; CA Aix-en-provence, 29 mars 2001 : JurisData n° 2001-142049, pour un trépied dépassant de l’étal d’un commerçant ; CA Aix-en-provence, 18 octobre 2001 : JurisData n° 2001-171792, pour le sol humide et glissant d’un restaurant ; CA Paris, 19 octobre 2001 : JurisData n° 2001-161483, pour une bougie posée allumée sur le comptoir d’un magasin ; CA Aix-en-provence, 21 novembre 2001 : JurisData n° 2001-171786, pour un sol rendu particulièrement glissant par un dépôt gras ; CA Amiens, 13 décembre 2001 : JurisData n° 2001-l67847, pour un escalier démuni de rambardes de sécurité dont les marches sont rendues glissantes par temps de pluie ; CA Rennes, 19 décembre 2001 : JurisData n° 2001-169694, pour la marche d’accès d’un local industriel qui débouche sur le vide ; CA Aix-en-provence, 8 janvier 2002 : JurisData n° 2002-172388, pour un escalier dont les nez de marches sont arrondies et la planimétrie de la partie carrelée inégale ; CA Rennes, 9 janvier 2002 : JurisData n° 2002-185559, pour une barre de seuil glissante à l’aplomb d’un escalier ; CA Douai, 28 février 2002 : JurisData n° 2002-187757, pour le défaut de solidité de l’arrimage de planches disposées pour l’accès à un restaurant ; CA Rennes, 13 mars 2002 : JurisData n° 2002-179694, pour une peinture murale plastifiée appliquée sur le sol au pied d’un escalator ; CA Aix-en-provence, 21 mars 2002 : JurisData n° 2002-173999, pour le revêtement d’un trottoir particulièrement glissant par temps de pluie ; CA Paris, 3 avril 2002 : Gaz. Pal., 6 et 7 novembre 2002, p. 13, pour le piéton qui s’est empêtré les pieds dans un sac posé à terre ; CA Aix-en-provence, 18 avril 2002 : JurisData n° 2002-176005, pour le sol ciré d’une galerie marchande ; CA Douai, 5 septembre 2002 : JurisData n° 2002-221512, pour des cartons dispersés sur le sol de l’allée centrale d’un magasin ; CA Grenoble, 16 septembre 2002 : JurisData n° 2002-200759, pour les équerres d’un pied de parasol d’un commerçant masqué par un portant de vêtements ; CA Aix-en-provence, 17 octobre 2002 : JurisData n° 2002-192016, pour un escalier constituant une excavation ouverte de nuit, non sécurisée et non signalée ; CA Aix-en-provence, 18 mars 2003 : JurisData n° 2003-212212, pour une plante rampante située au centre d’un hall d’entrée ; CA Aix-en-provence, 18 mars 2003 : JurisData n° 2003-212215, pour l’étroitesse et l’absence de garde corps empêchant l’accès à un escalier situé sur le toit d’un immeuble ; CA Paris, 5 mai 2003 : JurisData n° 2003-213663, pour les marches d’un escalier d’une station de métro présentant un évidement dans leur partie centrale ; CA Toulouse, 7 octobre 2003 : JurisData n° 2003-228505, pour le sol d’un supermarché rendu glissant par des déchets de fruits et légumes ; CA Paris, 8 mars 2004 : JurisData n° 2004-238425, pour un fossé ni signalé, ni protégé et non visible de nuit ; CA Rouen, 7 avril 2004 : JurisData n° 2004-240209, pour la dénivellation entre deux nappes de bitume dépourvue de signalisation ; CA Grenoble, 14 septembre 2004 : JurisData n° 2004-251651, pour une borne en béton cassée et affleurant le sol ; CA Toulouse, 19 octobre 2004 : JurisData n° 2004-258878, pour une palette servant de présentoir gênant l’accès au rayon d’un supermarché ; CA Paris, 8 novembre 2004 : JurisData n° 2004-257387, pour un escalier contigu au bar d’un restaurant dont l’accès n’est pas protégé par une barrière.
748 Pour les décisions qui refusent de reconnaître le rôle actif de la chose inerte en l’absence d’anormalité v. CA Aix-en-provence, 9 juin 1998 : JurisData n° 1998-042006, pour la marche d’un cabinet radiologique ; CA Nancy, 5 octobre 1998 : JurisData n° 1998-045280, pour l’escalier d’une cafétéria ; CA Lyon, 7 avril 1999 : JurisData n° 1999-108227, dans le cadre de la confusion, par la victime, de la porte des toilettes avec la porte à foin du grenier qui a entraîné sa chute du premier étage ; CA Agen, 26 mai 1999 : JurisData n° 1999-042366, pour la chute d’un locataire en descendant un escalier ; CA Toulouse, 6 juillet 1999 : JurisData n° 1999-043887, pour la chute d’un client sur les marches débordant la façade d’un magasin ; CA Chambéry, 25 janvier 2000 : JurisData n° 2000-l 17605, pour le pied d’un stand d’exposition à l’entrée d’un supermarché ; CA Paris, 17 avril 2000 : JurisData n° 2000-l 13600, pour le sol d’un passage de caisse d’un supermarché ; CA Lyon, 10 mai 2000 : JurisData n° 2000-132251, pour la vitre d’un poêle qui a grièvement brûlé les mains d’un enfant ; CA Rouen, 17 février 2000 : JurisData n° 2000-l 19931, pour la chute du client d’un garage sur les rails d’un pont de levage ; CA Paris, 6 septembre 2000 : JurisData n° 2000-124009, pour des grumes entreposées sur le bas-côté de la route ; CA Nancy, 2 octobre 2000 : JurisData n° 2000-146665, pour la marche d’entrée d’une boulangerie ; CA Grenoble, 14 novembre 2000 : JurisData n° 2000-137972, pour un panier métallique posé au milieu d’une allée de magasin ; CA Aix-en-Provence, 21 novembre 2000 : JurisData n° 2000-131865, pour la porte vitrée du hall d’entrée d’un hôtel brisée suite à la chute d’un client dans l’escalier ; CA Montpellier, 13 février 2001 : JurisData n° 2001 -139549, pour le sol ciré d’un appartement ; CA Toulouse, 16 octobre 2001 : JurisData n° 2001-164651, pour la chute d’un client du fait d’un pot de fleur posé devant la vitrine d’un magasin ; CA Paris, 5 novembre 2001 : JurisData n° 2001-161481, pour une bâche posée sur le sol d’un appartement en travaux ; CA Toulouse, 6 novembre 2001 : JurisData n° 2001-173933, pour le heurt d’une porte vitrée munie d’une poignée en cuivre et d’une affichette particulièrement visible ; CA Aix-en-provence, 16 avril 2002 : JurisData n° 2002-176001, pour la chute d’un locataire dans un escalier en bon état et bien entretenu ; CA Aix-en-provence, 25 avril 2002 : JurisData n° 2002-176007, pour le plan incliné d’accès à un commerce ; CA Toulouse, 25 juin 2002 : JurisData n° 2002-183874, pour le bris d’une baie vitrée ; CA Chambéry, 2 juillet 2002 : JurisData n° 2002-195617, pour l’escalier d’un immeuble en construction répondant aux exigences de sécurité ; CA Poitiers, 5 novembre 2002 : JurisData n° 2002-199893, pour l’absence de caractère glissant d’un escalier ; CA Limoges, 15 janvier 2003 : JurisData n° 2003-203494, pour un journal se trouvant sur une marche d’escalier ; CA Aix-en-provence, 5 mars 2003 : JurisData n° 2003-212241, pour une pile de livres posés à terre ; CA Aix-en-provence, 18 mars 2003 : JurisData n° 2003-212211, pour une corde jonchant le sol d’un quai d’amarrage ; CA Pau, 24 juin 2003 : JurisData n° 2003-238942, pour une palette placée sur un chariot élévateur ; CA Bordeaux, 26 juin 2003 : JurisData n° 2003-220545, pour le perron d’un escalier extérieur d’un grand magasin ; CA Aix-en-provence, 10 décembre 2003 : JurisData n° 2003-237569, pour le jet de poudre reçu au visage par l’utilisateur d’un extincteur ; CA Aix-en-provence, 15 janvier 2004 : JurisData n° 2004-237568, pour un escalier obscur ; CA Aix-en-provence, 11 mars 2004 : JurisData n° 2004-237524, pour une marche placée derrière une porte vitrée ; CA Dijon, 6 mai 2004 : JurisData n° 2004-241501, pour la barrière pour enfant placée en haut d’un escalier au bout d’un couloir obscur ; CA Nancy, Ier juin 2004 : JurisData n° 2004-251729, pour le sol carrelé de la galerie d’un centre commercial ; CA Douai, 23 septembre 2004 : JurisData n° 2004-254231, pour l’escalier d’une auberge ; CA Aix-en-provence, 8 octobre 2004 : JurisData n° 2004-256806, pour la rampe d’accès d’un manège forain ; CA Aix-en-provence, 9 novembre 2004 : JurisData n° 2004-257139, pour une borne en béton placée en retrait de barrières métalliques délimitant le couloir des chariots d’un supermarché ; CA Douai, 16 décembre 2004 : Inédit, n° RG : 03/05201, Madame Vangrevelinge c/ SARL Brasserie Thiriez, pour un escalier qui ne présentait « aucun caractère dangereux » ; CA Rouen, 2 mars 2005 : JurisData n° 2005 266158, pour une plaque d’éclairement en PVC intégrée à une toiture qui s’est brisée sous le poids de la victime.
749 S. Rélief, Un critère unique de la garde d’une chose : la faculté de prévenir le préjudice qu’elle peut causer ?, Resp. civ. et assur. 2004, Étude n° 24, p. 7, v. spéc. p. 11, n° 21.
750 S. Godechot, note sous Cass. 2ème civ., 11 décembre 2003 : D. 2004, jur. p. 2181, v. spéc. p. 2182.
751 F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8™ éd., 2002, p. 702, n° 764.
752 G. Blanc, note sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : D. 2001, jur. p. 886, v. spéc. p. 888.
753 Pour la réaffirmation de cette exigence v. P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : RTD civ. 2004, p. 108, v. spéc. p. 109 ; v. également du même auteur obs. sous Cass. 2ème civ., 24 février 2005 : RTD civ. 2005, p. 407, v. spéc. p. 409.
754 N. Damas, note sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : D. 2004, jur., p. 25, v. spéc. p. 26, n° 4.
755 J. Colonna, Incertitude autour de la preuve du rôle actif de la chose inerte, RRJ Droit prospectif, 2003-1, p. 593, v. spéc. p. 598, n° 17 ; v. également L. Bloch, La paroi vitrée, la boîte aux lettres, le plot et la victime, Resp. civ. et assur. 2004, Étude n° 14, p. 9.
756 L. Bloch, La paroi vitrée, la boîte aux lettres, le plot et la victime, op. cit., v. spéc. p. 10, n° 7.
757 Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : Bull. civ. U, n° 287 ; D. 2003, IR, p. 2412 ; D. 2004, jur., p. 25 note N. Damas ; Resp. civ. assur. 2003, com., n° 286, obs. H. Groutel ; RTD civ. 2004, p. 108, obs. P. Jourdain ; JCP éd. G. 2004, II, 10013, note C. Le Tertre ; JCP éd. G 2004, I, 101, n° 18, obs. G. Viney.
758 En ce sens, C. Le Tertre, note sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003, JCP éd. G 2004, II, 10013.
759 L’anormalité lato sensu inclut la dangerosité de la chose qui n’est qu’une illustration de l’anormalité entachant l’objet. V. en ce sens Cass. 2ème civ., 16 mars 1994 : Bull, civ., n° 24, pour une verrière dont le rôle actif est rapporté car elle était « rendue invisible par la poussière, (ce qui) présentait un danger évident ».
760 En ce sens, N. Damas, note sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : D. 2004, jur., p. 25, v. spéc. p. 27, n° 9.
761 C. Le Tertre, note sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003, op. cit.
762 G. Blanc, note sous Cass. 2ème civ., 15 juin 2000 : D. 2001, jur. p. 886, v. spéc. p. 888.
763 En ce sens, L. Bloch, La paroi vitrée, la boîte aux lettres, le plot et la victime, Resp. civ. et assur. 2004, Étude n° 14, p. 9, v. spéc. p. 10, n° 8.
764 L. Bloch, La paroi vitrée, la boite aux lettres, le plot et la victime, op. cit., v. spéc. p. 11, n° 17.
765 En ce sens, L. Bloch, La paroi vitrée, la boîte aux lettres, le plot et la victime, Resp. civ. et assur. 2004, Étude n° 14, p. 9, v. spec. p. 11, n° 19.
766 L. Bloch, La paroi vitrée, la boîte aux lettres, le plot et la victime, eod. op.
767 Cass. 2ème civ., 13 octobre 1982 : Bull. civ. Il, n° 124, pour le présentoir d’un magasin qui n’a fait que subir le mouvement de la victime ; Cass. 2ème civ., 25 novembre 1992 : Bull. civ. II, n° 281, pour le heurt par un skieur d’une barrière de sécurité délimitant la voie d’accès à un téléski ; CA Toulouse, 5 octobre 1999 : Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées, 2000/1, p. 82, pour le rôle passif d’une piscine dans le dommage subi par un enfant qui a pénétré dans une propriété non clôturée ; CA Bordeaux, 30 avril 2002 : Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées, 2002/2, p. 334, rôle passif de la cuvette des toilettes sur laquelle a chuté la victime prise d’un malaise ; Cass. 2ème civ., 11 juillet 2002 : Resp. civ. et assur. 2002, comm. n° 326, pour la rampe fixe d’un escalier qui n’a eu qu’un rôle passif dans la survenance de la chute de la victime.
768 Cass. 2ème civ., 19 février 2004 : Resp. civ. et assur. 2004, comm. n° 173 ; v. également dans la même logique CA Versailles, 1er mars 2002 : Inédit, Mademoiselle Lefel c/ Monsieur Goumand. En l’espèce, la jeune cliente d’une boulangerie a heurté la vitrine, qui s’est brisée, après avoir effectué son achat. Les juges du fond estiment que le boulanger « est le gardien de la vitrine de son magasin qui, à l’évidence a eu un rôle causal dans la survenance de cet accident [...] et qu’elle a été l’instrument du dommage ». Cependant, ils exonèrent totalement le gardien au motif du comportement imprévisible et irrésistible de la victime car cet « accident n’est survenu qu’en raison de la précipitation fautive, de l’inattention et de l’imprudence de (la) victime qui connaissait les lieux et qui devait donc - si elle avait été prudente et attentive -éviter cette vitrine connue d’elle et visible pour tous ».
769 Cass. 2ème civ., 15 juin 2000, Liebrand : Bull. civ. II, n° 103 ; D. 2001, jur. p. 886, note G. Blanc ; Resp. civ. et assur. 2000, com. n° 292, note H. Groutel ; RTD civ. 2000, p. 849, obs. P. Jourdain.
770 Cass. 2ème civ., 19 février 2004 : Resp. civ. et assur. 2004, comm. n° 173
771 Cass. 2ème civ., 13 mai 2004 : JurisData n° 2004-023723, pour un sol encombré de câbles ; Cass. 2ème civ., 25 novembre 2004 : JurisData n° 2004-025803, pour la chute d’une victime dans un escalier dont « l’anormalité [...] liée à l’absence d’une seconde rampe du côté du mur n’avait eu aucun rôle causal dans (la) chute » ; Cass. 1ère civ., 8 février 2005 : JurisData n° 2005-026879, solution implicite de l’arrêt de rejet du pourvoi contre CA Aix-en-Provence, 21 novembre 2000 : JurisData n° 2000-131865, qui a « exclu tout danger anormal de l’escalier » dans lequel le client d’un hôtel a chuté ; Cass. 2ème : civ., 17 février 2005 : JurisData n° 2005-027007, pour un sol recouvert de neige verglacée ; Cass. 2ème civ., 24 février 2005 : JurisData n° 2005-027093, pour un tremplin destiné à des sauts en vélo tout terrain ; Cass. 2ème civ., 24 février 2005 : JurisData n° 2005-027094, pour le bris d’une baie vitrée excessivement fragile ; Cass. 2ème civ., 7 avril 2005 : JurisData n° 2005-027955, pour la chute d’une victime sur du carrelage humide ; Cass. 2ème civ., 2 juin 2005 : JurisData n° 2005-028720, pour la chute d’un client dans la fosse à vidange d’un garage automobile.
772 Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/rapportcatalaseptembre2005.pdf, Livre Troisième -Titre III, Des obligations, Sous-titre III - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386), Chapitre 2 - Des conditions de la responsabilité, Section 2. Dispositions propres à la responsabilité extra-contractuelle, §2 - Le fait des choses, p. 156.
773 Cass. 2ème civ., 19 février 2004 : Resp. civ. et assur. 2004, comm. n° 173.
774 J Moury, Force majeure : éloge de la sobriété, RTD civ. 2004, Variétés, p. 471, v. spéc. p. 474, n° 7, qui précise que « le fait allégué sera regardé comme la cause juridique exclusive de l’inexécution ou de la production du dommage s’il est tel, par son effet, qu’il permette d’abolir toute parcelle de causalité matérielle ».
775 A l’exception de deux arrêts qui sont fondés sur le visa de l’article 1382 du Code civil, tous relèvent de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil.
776 CA Lyon, 13 décembre 2000 : JurisData n° 2000-153941.
777 CA Grenoble, 25 janvier 2000 : JurisData n° 2000-105345.
778 CA Rennes, 20 mars 1990 : JurisData n° 1990-041690.
779 CA Aix-en-Provence, 28 mars 1996 : JurisData n° 1996-041252.
780 CA Versailles, 21 avril 2000 : D. 2000, IR, p. 154.
781 CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2002 : JurisData n° 2002-189258.
782 CA Rennes, 20 mars 1990 : JurisData n° 1990-041690.
783 CA Aix-en-Provence, 28 mars 1996 : JurisData n° 1996-041252.
784 CA Lyon, 13 décembre 2000 : JurisData n° 2000-153941.
785 CA Grenoble, 25 janvier 2000 : JurisData n° 2000-105345.
786 CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2002 : JurisData n° 2002-l89258.
787 CA Versailles, 21 avril 2000 : D. 2000, IR, p. 154.
788 CA Versailles, 21 avril 2000 : D. 2000, IR, p. 154, pour l’utilisation de la cause exclusive comme cause de non imputabilité du dommage et la référence explicite à l’exonération.
789 CA Paris, 15 décembre 1988 : JurisData n° l988-027822.
790 CA Aix-en-Provence, 16 juin 1992 : JurisData n° 1992-041613.
791 Il est à noter qu’en l’espèce le fondement de la responsabilité contractuelle ne pouvait être invoqué à l’appui de la demande car la victime n’avait pas de titre de transport régulier. Son titre de transport n’était pas valable car il ne correspondait pas au train dans lequel était survenu l’accident. Cependant, la solution aurait été la même, la cause exclusive s’appliquant indifféremment au domaine contractuel ou délictuel de la responsabilité civile.
792 F. Leduc, La cause exclusive, Resp. civ. assur. 1999, chron. n° 17, v. spéc. p. 5.
793 Cass. 1ère civ., 6 octobre 1998 : JCP éd. G 1999, II, 10186, note Y. Aubree ; D. Aff. 1998, p. 1809, obs. J. F.
794 Y. Aubree, note sous Cass. 1ère civ., 6 octobre 1998 : op. cit.
795 F Leduc, La cause exclusive, eod. op..
796 CA Bordeaux, 27 octobre 1988 : JurisData n° 1988-046487.
797 CA Aix-en-Provence, 21 mars 1990 : JurisData n° 1990-041247.
798 V. Supra, p. 147 et s., n° 155 et s.
799 V. en ce sens P.-H., Antonmattei, Contribution à l’étude de la force majeure, Préface de B. Teyssié, Bibliothèque de droit privé, Tome 220, éd. LGDJ, 1992, v. spéc. p. 136, n° 190, qui précise : « Que la force majeure soit concurrencée par d’autres notions n’est pas en soi critiquable. La force majeure ne saurait constituer la seule cause de justification. Mais opposer à la force majeure des concepts plus souples - qui, a fortiori, l’absorbent - mérite attention. Faute de coder suffisamment la norme, la concurrence crée une ambiguïté sur l’autonomie de la notion rivale. Appelés à gérer cette situation les tribunaux étendent ou non, à leur guise, la qualification de force majeure, et vont parfois jusqu’à bâtir des notions concurrentes. L’arbitraire judiciaire est alors souvent avéré. [...] Maîtriser le contenu de la qualification de force majeure est essentiel ».
800 G. Viney, Chronique : responsabilité civile, JCP éd. G 1996,1, 3985.
801 F. Leduc, La cause exclusive, Resp. civ. assur. 1999, chron. n° 17, v. spéc p. 8.
802 En ce sens v. F. Chabas, Commentaire de la loi du 5 juillet 1985, tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, JCP. éd. G 1985, I, 3205, v. spec. n° 5 ; v. également du même auteur La situation faite au conducteur fautif de véhicule terrestre à moteur, Gaz. Pal. 1994, 1, doctrine, p. 216 ; H. Groutel, La responsabilité du fait des choses, réflexions autour d’un centenaire, éd. Economica, 1997, p. 3 ; P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 24 novembre 1993 : RTD civ. 1994, p. 367.
803 En ce sens v. H. Groutel, Les incidences de la faute du conducteur victime : des précisions intéressantes, D. 2003, jur. com., p. 859, v. spéc p. 860.
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