Chapitre I. Les figures théoriques des comportements fautifs
p. 35-94
Texte intégral
112 – Ressemblances et dissemblances. Les causes exonératoires de responsabilité, qu’elles prennent place dans le domaine contractuel, sous l’aspect du fait du créancier, ou délictuel, sous les traits de la théorie de la faute de la victime, nécessitent la mise en évidence d’un schéma de raisonnement propre à cet « autre versant de la responsabilité »30.
2Quand bien même l’étude de ces causes d’exonération de responsabilité révélera qu’il s’agit de standards juridiques, et qu’ainsi la jurisprudence tente de s’émanciper d’une analyse rigoureuse de leur fonctionnement, il est incontestable que ces causes d’exonération ne sauraient se départir de critères spécifiques, propres à chacun des ordres de responsabilité civile. Ces critères permettent leur conceptualisation, ainsi que la mise en évidence de leurs dissemblances (Section 1).
3Ces procédés d’exonération de responsabilité, s’ils fonctionnent selon des rouages caractéristiques de leurs domaines respectifs, présentent toutefois un déclencheur commun. Tant en matière contractuelle que délictuelle, fait du créancier et faute de la victime sont stigmatisés par la chronologie des évènements. Qu’il s’agisse de l’instant contractuel, où le fait du créancier prend place, ou du temps délictuel, où la faute de la victime apparaît, l’emprise temporelle cristallise leurs ressemblances (Section 2).
SECTION 1. LES DIFFÉRENTS CONCEPTS DE COMPORTEMENTS FAUTIFS
413 – Essence contre apparence. Le concept de victime fautive se caractérise par la mise en évidence de critères distinctifs. Ceux-ci permettent l’individualisation des mécanismes exonératoires pour répondre à l’exigence de la distinction des responsabilités contractuelle et délictuelle31. La mise en exergue de critères matériels fait apparaître l’essence même de ces mécanismes (§1). Pourtant, la jurisprudence, dans un souci louable de pragmatisme, se réfère à l’apparence de ces causes d’exonération. Cette apparence réside dans la sanction d’un comportement non diligent rendant ainsi possible une confusion entre deux concepts (§ 2).
§ 1 – Les critères distinctifs
514 – Mécanisme commun. L’utilisation de mécanismes exonératoires de responsabilité est connue tant du domaine contractuel (A) que du domaine délictuel (B). Cependant, de ce processus commun émergent des particularités à chaque ordre de responsabilité civile.
A/ Les critères du fait du créancier contractuel
614bis – Particularité. Le fait du créancier contractuel bien qu’il ne soit connu, de manière explicite, que de l’article 2037 du Code civil, qui le consacre dans le cadre du contrat de cautionnement, est d’un usage jurisprudentiel fréquent. Le droit français l’a consacré (a) sans véritablement l’expliquer (b) ; de sorte que ce concept exonératoire est trop souvent confondu avec la faute de la victime dans le cadre de la responsabilité délictuelle. Cependant, force est de constater qu’en aboutissant à l’exonération de la responsabilité recherchée, le fait du créancier recouvre des aspects particuliers qui lui donnent sa coloration contractuelle.
a/ La consécration du fait du créancier
715 – L’institution ancestrale : la mora creditoris. Historiquement la question du fait du créancier peut se rattacher à une institution issue du droit romain qui, dotée d’un domaine plus large, englobait toutes les hypothèses de fait du créancier : la mora creditoris. Étymologiquement, le terme mora signifie retard32. Et la mora creditoris, peut être comprise comme « la situation dans laquelle se trouve le créancier lorsqu’il a, par son fait, empêché le débiteur d’exécuter son obligation »33. Le fonctionnement de ce concept était subordonné à deux conditions. Il fallait, d’une part, que soit présentée une offre d’exécution du débiteur et, d’autre part, qu’une circonstance propre au créancier en rende impossible l’exécution. Cette situation durait jusqu’à ce que le débiteur soit en mesure de s’exécuter, éventuellement avec l’assistance du créancier. La mora creditoris figure dans divers fragments du Digeste34 mais n’y est jamais réellement définie. L’interprétation dominante voulait que la demeure du créancier s’opère dès que l’obligation n’avait pas été exécutée et que le créancier n’avait pas coopéré à son exécution. Certains interprètes contemporains35 ont estimé que la demeure du créancier était subordonnée à un comportement fautif de sa part. Cependant, le créancier qui ne coopérait pas n’était pas toujours fautif. Il pouvait, en effet, parfois justifier son omission par le caractère insuffisant des propositions du débiteur. En outre, il pouvait s’avérer difficile pour le débiteur de rapporter la preuve du caractère fautif requis36. Si le créancier parvenait à justifier son attitude, il n’était pas placé en demeure. La mora creditoris était une notion large, qui englobait des circonstances de faits variés, y compris les cas de fait du créancier, et les résolvait de manière pragmatique37. Bien que l’institution paraisse éloignée du concept contemporain de fait du créancier tel que le connaît le droit positif, elle a formé le terreau de réflexion qui a donné naissance à ce concept dans différents systèmes juridiques.
816 – Droit comparé. Les droits allemand et anglais sont particulièrement intéressants en ce qu’ils envisagent de façon expresse – et moderne -des hypothèses de fait du créancier héritées de la mora creditoris romaine.
917 – Droit allemand. Le Bügerliches Gesetzbuch (BGB), équivalent de notre Code civil, connaît différentes hypothèses relatives à la participation du créancier à son propre dommage. On a pu dire qu’il « offre une véritable typologie des faits du créancier contractuel »38.
10Ainsi, le paragraphe 254 du BGB précise que « Si lors de la réalisation du dommage il y a eu, du chef de la partie lésée, une faute qui ait coopéré au dommage, l’existence de l’obligation à réparation comme l’étendue de la réparation à fournir dépendent des circonstances et, en particulier, du point de savoir dans quelle mesure le dommage aura été causé d’une façon prépondérante par l’une ou l’autre des parties ».
11Il est vrai cependant que l’hypothèse dans laquelle le débiteur ne peut s’exécuter en raison d’un fait du créancier n’est pas traitée directement par le Code civil allemand. Cependant, pour régler les situations litigieuses, la jurisprudence applique par analogie, au créancier, des dispositions initialement prévues pour régir le comportement défaillant du débiteur. C’est ainsi que le droit allemand applique au créancier les paragraphes 276 à 278 du BGB39 qui sont relatifs au fait du contractant, qu’il soit fautif ou non ; en sorte que le créancier, qui a empêché l’exécution de la prestation, est tenu d’en répondre à l’égard du débiteur.
12Enfin, il résulte du paragraphe 293 du BGB, en substance que le créancier est constitué en demeure dès qu’il n’accepte pas la prestation qui lui est offerte par le débiteur. Si le créancier ne parvient pas à justifier de son refus de voir son débiteur s’exécuter, et indépendamment d’un comportement fautif de sa part, il est constitué en demeure. L’effet de la demeure – initiale du créancier est d’annuler la demeure du débiteur qui pourra, dans l’hypothèse d’un comportement fautif du premier, être fondé à recevoir une indemnisation.
1318 – Droit anglais – Mitigation of damages. Le droit anglais connaît lui aussi des mécanismes assez similaires en rapport avec le fait du créancier contractuel. Ce sont la mitigation of damages, l’estoppel et le waiver.
14La mitigation of damages ou l’obligation de minimiser son dommage40 a été formulée pour la première fois par un jugement de 183041. Elle tient en trois propositions : la victime ne peut être indemnisée du dommage qu’elle pouvait éviter ; elle peut demander l’indemnisation des frais qu’elle a exposés en cherchant à contenir le dommage ; enfin, le dommage évité ne saurait faire l’objet d’une quelconque indemnisation. Or, mettre une telle obligation à la charge du créancier – de l’obligation inexécutée – permet d’anticiper un comportement condamnable, à condition toutefois que ce dernier ne parvienne pas à justifier son abstention. Cependant, le domaine de cette contrainte ne recouvre pas toutes les hypothèses où le fait du créancier se manifeste. L’obligation n’apparaît qu’après que le débiteur a causé un dommage, par son inexécution, au créancier : elle n’embrasse pas les cas où le fait du créancier est concomitant voire postérieur à celui du débiteur. De plus, l’obligation de limiter son propre dommage induit pour sanction que l’allocation de dommages et intérêts est, selon l’appréciation souveraine des juges du fond, exclue ou minorée. Ainsi, ne pas travailler à réduire l’étendue de son dommage alors que la victime était en mesure de le faire n’est qu’un cas particulier de prise en compte du fait du créancier.
1519 – Droit anglais – L’estoppel. Un deuxième précepte du droit anglais, connu sous le nom d’estoppel, consiste à interdire au créancier de se contredire au détriment du débiteur. Au sens large, l’estoppel matérialise l’exigence de cohérence en matière contractuelle42. Par principe, la théorie de l’estoppef43 empêche un contractant de revenir sur sa déclaration de volonté, si le cocontractant comptait sur la prestation convenue. C’est une sorte de principe de bonne foi dans l’exécution des conventions par lequel le créancier doit aussi agir dans l’intérêt du débiteur. Cependant, l’estoppel est réduit à la sanction de l’incohérence du créancier44 et ne couvre donc pas plus que la mitigation of damages l’ensemble des hypothèses de fait du créancier.
1620 – Le waiver. Un dernier procédé anglo-saxon, le waiver, semble correspondre le mieux45 au fait du créancier tel que le droit français le connaît. Cette notion, qui correspond à la suspension ou l’abandon d’un droit du créancier à la suite d’une décision judiciaire, permet de retirer certaines prérogatives à un créancier dans des hypothèses spécifiques. Pour parvenir à cette solution, qui opère une paralysie des prérogatives du créancier, il est nécessaire que les juges constatent « une promesse ou une information émise par le créancier qui modifie la position du débiteur et rend inéquitable le retour au droit originaire prévu éventuellement par la lettre du contrat46. En pratique, il est nécessaire et suffisant que le débiteur ait pu déduire de l’attitude de son créancier qu’il ne voulait pas de sa prestation pour que le lien contractuel en soit affecté47. Néanmoins, ce comportement ne doit pas être équivoque et doit se démarquer d’un simple silence. Certains aspects de cette notion peuvent être rapprochés du fait du créancier contractuel en droit français. En effet, le waiver, imprégné d’équité, opère de façon générale et recouvre une multitude de situations factuelles. Le waiver a pour trait commun avec le fait du créancier de permettre au débiteur de ne pas répondre à une demande excessive du créancier. Ce concept paraît être un moyen de défense efficace pour le débiteur victime d’un créancier qui ne respecte pas ses obligations essentielles. Cependant, le waiver n’est pas exempt d’incertitude quant à ses effets qui ne sont que provisoires. Ainsi, quand la cause de suspension qui bénéficie au débiteur disparaît, le créancier devient apte à exiger de son débiteur qu’il exécute ses obligations. Cependant, cette réhabilitation peut être tempérée par l’écoulement du temps qui, au regard de l’équité, rend parfois impossible la demande du créancier. Par contraste, en droit français, l’impact du fait du créancier a vocation à être définitif, et non suspensif comme dans le cadre de la Common law.
1721 – Reconnaissance internationale. L’utilité de ces concepts d’inspiration romaine est avérée, car ils ont été transposés dans différents textes internationaux directement applicables en droit français. Essentiellement, deux corps de textes internationaux connaissent le fait du créancier.
18Tout d’abord, les principes relatifs aux contrats du commerce international, dits principes UNIDROIT48, reprennent pour l’essentiel la Convention de Vienne, et précisent dans leur article 7.1.2. qu’« une partie ne peut se prévaloir de l’inexécution par l’autre partie dans la mesure où l’inexécution est due à un acte ou une omission de sa propre part ou encore à un événement dont elle a assumé le risque ».
19Par ailleurs, l’article 80 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandises prévoit qu’ « une partie ne peut pas se prévaloir d’une inexécution par l’autre partie dans la mesure où cette inexécution est due à un acte ou une omission de sa part ». Ces textes, applicables en France, systématisent la considération éventuelle du fait du créancier dans les contrats du commerce international.
2022 – Imprégnation du droit français. Notre Corpus juris civilis49 qui formellement ignore presque le fait du créancier, laisse néanmoins déceler sa perméabilité à ce concept. Le Code civil ne connaît qu’un unique texte qui consacre explicitement le concept de fait du créancier contractuel. En matière de cautionnement, l’article 2037 du Code civil50 permet à la caution d’être déchargée de son obligation de paiement de la créance qu’elle garantit lorsque, par le fait de son créancier, elle ne peut plus faire jouer à son profit le bénéfice de subrogation. Ce bénéfice a une importance primordiale puisqu’il permet à la caution, par l’exercice d’un recours subrogatoire, d’agir en remboursement contre le débiteur initial dont elle a assuré le paiement de la dette.
21Implicitement plusieurs textes du Code civil laissent au débiteur d’une obligation la possibilité de recourir au fait du créancier. Ainsi, les articles 207 alinéa 251, 114752, 1184 alinéa 253,1610 et 163354 du Code civil laissent transparaître en filigrane ce moyen de défense.
22La doctrine, face à ce concept, qui n’apparaît que de manière peu explicite dans le Code civil, ne cerne pas précisément la spécificité de son mode de fonctionnement. Cependant, il apparaît possible, en dépit de « la difficulté d’une définition substantielle »55 du fait du créancier, de procéder à la mise en évidence de critères distinctifs qui permettent sa conceptualisation pour une meilleure compréhension de son fonctionnement.
b/ La définition du fait du créancier
2323 – Difficulté d’approche. La place réservée à la notion de fait du créancier contractuel dans les manuels de référence reste encore faible. Sur le sujet, une certaine confusion s’installe car « la question de la participation du créancier à l’inexécution [...] est la plupart du temps masquée par la théorie de la faute de la victime, dont on ne le distingue pas suffisamment »56. Mais, la doctrine a pour excuse absolutoire la difficulté d’identifier les critères distinctifs de cette notion.
2424 – Instant donné. Le fait du créancier a pour originalité de pouvoir s’immiscer dans toutes les phases de la vie du contrat. Le comportement du créancier pourra lui être reproché avant, pendant et après la formation de la convention. Les hypothèses prétoriennes révèlent surtout un manquement du créancier à son devoir précontractuel d’information du débiteur. Mais, le concept peut trouver place aussi pendant l’exécution de la convention. Ici, le fait du créancier intervient procéduralement comme un moyen de défense du débiteur dans le cadre de l’exception d’inexécution57. Enfin, l’attitude du créancier peut encore avoir une répercussion sur l’extinction du contrat lorsque les juges ont à se prononcer sur une demande de résolution contractuelle58. Ainsi, le fait du créancier contractuel « est entouré de tous les comportements : les anciens et les présents, les juridiques et les autres, ceux des deux parties, [...] les inhérents ou les étrangers au contrat, les bons et les mauvais »59. Dès lors, la mise en évidence d’un schéma de fonctionnement s’avère difficile. Toutefois, il semble possible d’exhumer de la jurisprudence certains critères permettant une meilleure compréhension de cette cause d’exonération particulière. Cette conceptualisation passe par la distinction entre le fait du créancier et la faute du créancier qui ne répond pas matériellement aux mêmes hypothèses.
2525 – Fait du créancier. Selon l’unique formulation de la notion donnée par le Code civil, c’est son fait qui est reproché au créancier dans ses rapports avec la caution60. En matière de cautionnement, il n’y a aucune obligation préexistante à la charge du créancier de conserver les privilèges pouvant valablement garantir la caution dans l’exercice de son recours subrogatoire. En cas de contentieux, le comportement qui est reproché au créancier se déduit des circonstances de fait, sans qu’aucun manquement contractuel ne puisse par ailleurs lui être reproché. C’est une attitude périphérique au contrat qui lui sera reprochée et qui provoquera la « décharge »61 de la caution. La notion de faute telle que définie par Planiol62 est alors étrangère à la sanction du créancier.
26Le fait du créancier est une catégorie déterminée de comportements qui permet, indépendamment de toute démonstration d’une quelconque attitude fautive, de déduire de l’agissement du créancier un effet sur la situation du débiteur. Prétendre dresser une liste exhaustive de tels comportements est utopique. Dans sa thèse, Baroncéa s’y est essayé en vain, en proposant d’expliquer le fait du créancier par la violation d’un devoir préexistant qui vaudrait en toutes circonstances. C’était à la fois omettre la spécificité de la responsabilité contractuelle, et faire valoir l’hégémonie de l’article 1382 du Code civil.
27Aujourd’hui, le fait du créancier est reconnu en tant que tel. Dans de nombreuses hypothèses, aucun devoir préexistant ne peut être mis en évidence, ce qui interdit la qualification de faute. Pourtant, la sanction du fait du créancier n’en demeure pas moins effective. Une espèce particulière l’illustre bien. Il s’agissait d’un contrat de fourniture de matériel pour l’informatisation d’une comptabilité. A la suite de plusieurs pannes, résolues par le fournisseur, le client mécontent des performances de la machine a agi en résolution de la vente. L’un des fondements de son action est atypique car il prétendait que son fournisseur ne lui avait pas livré un produit conforme au nouveau programme élaboré par une société sous-traitante. Les juges du fond63 le déboutèrent de sa demande au motif que « la machine livrée conformément à la commande a dû être adaptée à de nouveaux programmes ; que c’est au cours de cette adaptation que des difficultés se sont produites, mais qu’il importe de noter que la plupart d’entres elles [...] n’ont pas consisté en des réparations proprement dites, mais bien davantage en des révisions ou dans un recâblage en fonction des nécessités du nouveau traitement élaboré (par le sous-traitant) ». Ainsi, le fait du créancier contractuel se caractérise à la fois par l’absence d’obligation préexistante, ainsi que par un manquement du créancier, qui interfère avec la situation du débiteur. En effet, il n’y a pas d’obligation préexistante entre le client et le fournisseur du matériel quant à l’intervention d’un sous-traitant. Pourtant, le créancier insatisfait des performances de sa machine s’est vu reprocher d’avoir tenté d’imputer l’inadaptation du programme au fournisseur du matériel qui, rappelons-le, n’était pas tenu de le faire. En effet, si une adaptation devait être effectuée, elle relevait de l’obligation du sous-traitant. Le fournisseur, débiteur de la seule livraison de la machine, pouvait légitimement croire les propos de son client qui avait précisé à la commande que le programme serait réalisé par une société sous-traitante. Par le refus de prononcer la résolution, les juges condamnent donc le client-créancier pour le fait d’avoir prétendu modifier l’obligation du fournisseur.
28Le fait du créancier peut donc être justement défini comme « une promesse du créancier ou une croyance légitime du débiteur qui modifie la position du débiteur »64. Cette proposition a le mérite de synthétiser la diversité des comportements qui peuvent illustrer le fait d’un créancier et de cerner, au plus près, son expression prétorienne.
2926 – Faute du créancier. Bien que le législateur n’ait pas prévu expressément la notion de faute du créancier, le fait du créancier peut se révéler fautif et se voir sanctionné. Un auteur nie la pertinence de la notion de faute dans le cadre de la responsabilité contractuelle. Elle serait une notion « aussi encombrante qu’inutile »65 car « la faute s’identifie à l’inexécution »66 et « ce qui compte, c’est le non accomplissement de la prestation et non le comportement des parties »67. Cependant, une doctrine éminente laisse penser que le fondement premier de la sanction du créancier reste son comportement fautif. Ainsi, « le fait du créancier revêtira le plus souvent les caractères d’une faute, mais il peut être exonèratoire pour le débiteur même s’il n’est pas fautif »68. La formulation suggère que le fait du créancier est une sous-hypothèse de sanction du comportement du créancier. Par principe, tout comportement du créancier, alors même qu’il ne recouvre pas les traits d’une faute, peut lui être reproché lors d’une procédure judiciaire. Cependant, pour que le créancier de l’obligation inexécutée se voie reprocher une faute il est nécessaire que son attitude soit examinée au regard des prescriptions contractuelles.
3027 – Manquement à une obligation essentielle. Le manquement contractuel fautif, peut procéder soit de la violation d’une obligation légale, soit de la violation d’une obligation inhérente au contrat.
31Les hypothèses d’obligation légale sont nombreuses. Le contrat de cautionnement en fournit plusieurs à lui seul. D’une part, il existe l’obligation pour les établissements de crédit69 ayant accordé un prêt sous la condition d’un cautionnement d’informer chaque année la caution du montant du principal et des intérêts de la créance garantie. D’autre part, le créancier est tenu d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement70. Dans ces deux hypothèses, le créancier, qui manquerait à ces obligations légales préexistantes, se verrait sanctionner par la déchéance71 de son droit de réclamer à la caution le paiement de certains intérêts.
32Dans le cadre de la violation d’une obligation inhérente au contrat, la terminologie de faute du créancier doit également prévaloir, car il y a évidemment manquement à une obligation préexistante. Dans le contrat de bail, une clause résolutoire avait été prévue spécifiant que le bail serait résolu après mise en demeure des débiteurs en cas de non-paiement d’un des loyers. Ainsi, la Cour de cassation72 a-t-elle pu reprocher à des bailleurs d’avoir laissé s’accroître la dette de loyer sans jamais mettre en œuvre la clause résolutoire. En conséquent, les garants solidaires du débiteur ont pu valablement invoquer l’inaction des créanciers pour engager leur responsabilité au motif « qu’ils n’avaient pas exécuté de bonne foi le contrat en cherchant à faire supporter (aux garants) les conséquences de leur propre carence ». Le fait du créancier peut donc être qualifié de fautif lorsqu’il entre en contradiction avec l’équilibre du contrat. Dès lors, le créancier est considéré comme fautif lorsqu’il agit contre son débiteur alors que lui-même a manqué à son obligation contractuelle. Un arrêt récent73 permet d’illustrer ce principe. En l’espèce, un couple avait obtenu de sa banque l’octroi d’un prêt. Une clause du contrat lui permettait de procéder à un remboursement anticipé sous réserve du versement d’une indemnité dont le montant devait être porté à sa connaissance dans le délai d’un mois suivant l’information de la banque quant à son intention de rembourser. Les emprunteurs notifièrent à leur prêteur leur intention de procéder à ce remboursement anticipé. Le montant de l’indemnité ne leur ayant pas été indiqué par la banque dans le délai contractuellement prévu, ils adressèrent un chèque en règlement du capital restant dû. La banque refusa d’une part, d’encaisser ce règlement qui n’incluait pas le montant de l’indemnité et, continua d’autre part, à exiger le paiement des intérêts du prêt. Les emprunteurs réclamèrent que leur règlement soit considéré comme libératoire au regard du comportement fautif de la banque. Les juges du fond optèrent, à tort, pour le partage de responsabilité entre la banque, qui n’avait pas indiqué le montant total à verser pour solder le prêt, et les emprunteurs qui, étonnement, auraient « commis une faute en adressant tardivement un chèque insusceptible de solder le prêt ». La cassation était inévitable, elle intervient au visa de l’article 1147 du Code civil au motif que les emprunteurs « ne pouvaient rembourser des montants que la banque ne leur avait pas communiqués ». L’attitude de la banque – créancière de l’indemnité impayée – qui n’avait pas satisfait à son obligation d’informer, dans le délai prévu, les emprunteurs du montant de l’indemnité, devait être sanctionnée. En effet, cette attitude ne permettait en aucun cas aux débiteurs de procéder au règlement de l’indemnité dont le montant ne leur avait pas été communiqué. Dès lors, il ne pouvait être reproché aux emprunteurs de ne s’être qu’incomplètement libérés !
33De ce constat il faut déduire que « la faute du créancier consiste, de façon indivisible, dans une demande excessive adressée au débiteur alors même qu’il a manqué à ses propres obligations »74 même si une partie de la doctrine estime que pour être considéré comme fautif le comportement du créancier doit être « relativement grave »75.
34La spécificité du fait ou de la faute du créancier dans le domaine contractuel semble proscrire toute possibilité de rapprochement des mécanismes exonératoires. N’y a-t-il pour autant aucun parallélisme avec le mécanisme de la faute de la victime ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’examiner les critères de la faute de la victime.
B/Les critères de la faute de la victime
3528 – Particularité du concept. Notre droit obéit à un souci de catégorisation. Les juges, face à un concept particulier, ont une tendance naturelle à appliquer des schémas connus. L’assimilation de la faute de la victime au concept de faute déduit de l’article 1382 du Code civil était donc inévitable. Néanmoins, tel un arôme spécifique à cette notion, il est possible de mettre en évidence les caractères particuliers de la faute de la victime qui permettent de la distinguer de la notion classique de faute. Ce concept de faute de la victime peut illustrer sa particularité par le mécanisme qu’elle permet de mettre en place. Alors que la faute, au sens de l’article 1382 du Code civil, permet d’engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage, la faute de la victime permet au gardien d’une chose, ou d’un individu, qui a causé un dommage, ou à l’auteur d’un dommage de s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité.
3629 – Élément distinctif. C’est par sa vertu exonératoire que la faute de la victime se distingue de la faute de l’auteur du dommage. Cette notion est analysée par le droit comme toute faute reprochée à l’auteur d’un dommage causé à un tiers. Cependant, il est nécessaire de comprendre que la faute de la victime comporte un aspect particulier. En effet, c’est dans ces éléments constitutifs que se révèle toute son originalité. La confusion qui s’opère entre faute de la victime et faute au sens de l’article 1382 du Code civil marque l’hégémonie de la notion classique de faute.
3730 – L’empreinte de la faute. La responsabilité civile a toujours été marquée par la notion fondamentale de faute. Au point même que la responsabilité objective de l’article 1384, al. 1er du Code civil, dite « sans faute », a été envahie par cette notion. Un auteur souligne qu’« au lieu d’interpréter franchement la responsabilité du fait des choses comme un moyen d’attribuer au propriétaire la charge de l’assurance pour les risques créés par sa chose, la Cour de cassation a eu tendance à introduire insidieusement l’idée de faute et, par conséquent, à réduire sa portée protectrice des victimes d’accidents »76. Ce concept de la faute recouvre une telle importance que certains auteurs se sont interrogés : « Est-elle la pierre d’angle de notre société ? Est-elle un simple mythe ou une vaine idole ? »77. Dans une étude sur la faute de la victime, il s’agit de savoir si cette faute répond, dans ses éléments constitutifs, à la définition classique de la faute comme fait générateur de responsabilité civile.
3831 – Éléments caractéristiques. La faute a reçu d’innombrables définitions. La plus illustre est celle de Planiol qui, dans une formule synthétique et explicative, précisa que « toute faute est une contravention à une obligation préexistante »78. Pour la doctrine classique, la faute constituerait « une notion abstraite et objective qui recouvrirait le fait de ne pas se conduire en homme raisonnable »79. Elle a été également définie comme « une erreur de conduite que n’aurait pas commise une personne avisée, placée dans les mêmes circonstances externes que le défendeur »80. Pour Esmein, « la faute est constituée par un acte ou une abstention en violation d’une obligation, ou d’un devoir, ou d’une règle »81. Cependant, pour mieux cerner la notion de faute, il est généralement admis en doctrine qu’elle se cristallise en trois éléments.
39Le premier est l’élément légal. Pour la doctrine unanime, la faute civile, ce formidable « protée »82 sanctionne généralement la violation d’exigences à caractère impératif83 Un auteur qualifiait ce premier élément « d’élément objectif de transgression »84 matérialisé par le corps de règles que connaît le droit positif, sans « qu’il soit nécessaire que le fait reproché ait été commis en violation d’une disposition suffisamment précise d’un texte législatif voire réglementaire »85. Ensuite, vient l’élément matériel. Élément large s’il en est, il est constitué soit par un comportement actif (faute de commission), soit par un comportement passif (faute d’omission86. Le dernier de ces éléments, dit subjectif ou moral, est constitué par l’imputabilité de la faute à son auteur.
40Tous ces éléments ont été mis en évidence au regard de la faute du défendeur, c’est-à-dire dans le domaine particulier de la responsabilité délictuelle, au regard du comportement de l’auteur de l’acte dommageable ou du gardien de la chose, cause du dommage. Ces éléments caractéristiques nécessitent toutefois une adaptation à la situation particulière de la victime. Pour procéder à celle-ci, il est nécessaire de savoir si l’élément objectif de la faute, la transgression, se présente de manière identique selon qu’il s’agit de la responsabilité de l’auteur ou de celle de la victime.
4132 – Manquement à un impératif général. Une certitude existe : c’est la violation d’une règle87 qui constitue l’élément primaire de la notion de faute, qu’il s’agisse de celle de la victime ou de celle de l’auteur. En matière délictuelle, ces règles correspondent à « un ordre social et à une éthique morale connus des sujets de droit »88. Elles peuvent être matérialisées par une norme, au sens strict du terme, qui a été codifïée89, mais également procéder d’un impératif général non décliné en textes spéciaux. En effet, si le droit n’a pas vocation à régir l’ensemble des comportements sociaux, il doit disposer de mécanismes lui permettant, dans le domaine de la responsabilité civile en particulier, de sanctionner des comportements répréhensibles. C’est ce qu’illustre l’article 1382 du Code civil, qui, par sa rédaction90, permet d’englober à peu près tous les types de comportements. Cependant, cet article a été conçu pour permettre la réparation d’un dommage causé à un tiers. Or, le particularisme de la faute de la victime nécessite de trouver un impératif spécifique par lequel elle sera tenue, non vis-à-vis d’un tiers, mais à l’égard d’elle-même. Ainsi, la notion de faute de la victime recouvrirait la violation de « l’impératif général de l’obligation pour la victime de veiller à sa propre sécurité »91. La victime fautive, dans le cadre de la responsabilité délictuelle, se voit donc reprocher un manquement envers elle-même.
4233 – Manquement envers soi-même. La jurisprudence vient confirmer cette analyse. En effet, lorsque les juges relèvent une faute à la charge de la victime, ils lui reprochent, implicitement92 ou explicitement93, l’inobservation d’une obligation envers elle-même. Cependant, alors que l’auteur est responsable dès qu’il cause un dommage par sa faute, la responsabilité de la victime n’est engagée que si elle réclame réparation. La faute de la victime, révélatrice de la transgression, n’intéressera donc le droit que lorsqu’elle sera révélée par la demande indemnitaire de la victime.
4334 – Divergence d’appréciation. En outre, la spécificité de la faute de la victime se révèle également dans l’analyse de l’appréciation de cette faute. Dans le domaine de la responsabilité civile, la faute délictuelle est généralement appréciée in abstracto. L’analyse de la faute est faite par comparaison avec l’attitude d’un individu raisonnable. Ce principe, élaboré à propos de la faute de l’auteur d’un dommage à l’égard d’un tiers, est-il applicable au domaine particulier de la faute de la victime ? La majorité de la doctrine opte pour une appréciation objective de la faute de la victime94 qui méconnaît cependant le particularisme de la situation de la victime fautive.
44Tout d’abord, en sa qualité de victime, la protection assurée par les mécanismes de la responsabilité civile a en vue ses intérêts et tend naturellement à s’adapter à elle95. Dans cette optique, c’est à une appréciation in concreto de la conduite ou de l’état de la victime qu’il faudrait procéder.
45Cependant, étant fautive, la victime se présente comme l’auteur quelconque d’une faute. Dès lors, il n’y aurait aucune raison de s’écarter d’une appréciation in abstracto. Toutefois, comme le précisait un auteur96 : « si la manière d’être de la victime est telle que l’auteur devrait s’y attendre, on ne saurait la lui reprocher ». En conséquence, l’appréciation de la faute de la victime devrait prendre en compte les particularités de la victime fautive et non pas se référer à un comportement idéal.
46Malgré la nécessité de voir appliquer un critère spécifique d’appréciation à la faute de la victime, la jurisprudence se range à l’avis majoritaire de la doctrine. Les tribunaux calquent leur analyse sur la faute de l’auteur d’un dommage et optent ainsi pour un critère objectif d’appréciation97.
4735 – Orientation du droit positif. Consacrer la spécificité de la faute de la victime dans ses éléments constitutifs apparaît inutile à la doctrine majoritaire. En effet, la transposition des critères retenus pour qualifier la faute de l’auteur du dommage se révèle plus aisée que la recherche de critères spécifiques à la faute de la victime. Cependant, la particularité qui est ainsi refusée à la faute de la victime se révèlera à nouveau dans l’analyse du moment où elle est commise98. Il existe entre les notions délictuelle et contractuelle de victime fautive des zones de confusion, qui permettent de justifier leur assimilation, et entre lesquelles la démarcation n’est pas toujours aisée.
§ 2- Les notions confondues
4836 – Flou juridique. En théorie, il existe des critères qui permettent l’analyse rigoureuse de chacune des causes d’exonération que sont le fait du créancier et la faute de la victime. La pratique contentieuse, sauf à lui prêter d’implicites intentions, ne s’évertue pas à les mettre en évidence. De façon plus pragmatique, la jurisprudence, en sanctionnant un manquement à l’obligation de se comporter de manière diligente, crée dans certaines hypothèses, la confusion entre la faute de la victime et le fait du créancier. Cette confusion des genres, s’opère essentiellement dans les domaines de la garantie des vices cachés (A) de l’obligation de sécurité (B) et de la théorie de l’acceptation des risques (C).
A/ La garantie des vices cachés
4937 – Domaine. Traditionnellement, la garantie des vices cachés incame la protection de l’« exigence de loyauté »99 dans les conventions. Déjà étudiée par Cicéron et Diogène100, cette garantie légale a connu un véritable essor101 en droit français. Ainsi, le contrat de bail et de crédit bail102, le prêt à usage103 et le contrat de louage d’ouvrage104 sont dotés de cette garantie. Cependant, cette dernière a essentiellement vocation à s’appliquer au contrat de vente105. Ainsi, l’article 1641 du Code civil précise que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
50Tel que définie par le législateur, quatre conditions permettent la mise en œuvre de cette garantie.
5138 – Vice et vertu. Classiquement, les conditions de déclenchement de la garantie des vices cachés s’articulent autour de l’analyse du vice qui entache la chose, objet de la transaction.
52En premier lieu, il faut que le vice soit inhérent à la chose à savoir que « l’impropriété à l’usage ait sa source dans la chose même et non en dehors d’elle106.
53Ensuite, ce vice doit être rédhibitoire, et rendre la chose impropre à l’usage normal auquel elle était destinée107. En outre il doit aussi être antérieur à la vente.
54Enfin, la caractéristique essentielle de ce vice est d’être occulte ou caché108 pour l’acheteur. Par interprétation a contrario de l’article 1642 du Code civil109, est considéré comme un vice caché le défaut que l’acheteur ne pouvait pas déceler ou dont il n’avait pas connaissance au moment de la vente. Pour activer la garantie dont il bénéficie, l’acheteur va pouvoir agir sur la base de deux actions110. Il peut réclamer au vendeur réparation du dommage subi en complément d’une réduction du prix par le biais de l’action estimatoire ; ou, par l’exercice de l’action rédhibitoire, la résolution de la vente et la restitution concomitante du prix payé. Au cours du contentieux, il peut arriver que le vendeur, débiteur de la garantie, oppose à l’acheteur, créancier de la garantie, son fait ou sa faute pour tenter d’obtenir sa libération totale ou partielle de l’obligation de garantir les vices cachés.
55Par la particularité de l’action en garantie des vices cachés, qui consiste à permettre la réparation des dommages causés à la chose mais aussi par la chose, il est des hypothèses dans lesquelles le dommage subi par un tiers à la convention sera réparé sur le fondement de la responsabilité délictuelle. C’est dans ces hypothèses que, fait du créancier contractuel et faute de la victime vont se confondre (et se fondre) en un même mécanisme consistant à prendre en considération le comportement fautif du créancier-victime garanti. C’est ainsi qu’alternent en jurisprudence la qualité de victime délictuelle et celle de créancier contractuel, qui consiste à désigner le comportement, objet de la réprobation.
5639 – Connaissance du vice. Dans une première série d’hypothèses, le comportement fautif sanctionné consiste, pour l’acquéreur qui réclame le bénéfice de la garantie, à avoir eu connaissance du vice de la chose. En cas d’absence de l’une des conditions de l’action en garantie des vices cachés, qui veut que le vice soit occulte et non apparent, la jurisprudence sanctionne le créancier pour avoir eu la possibilité d’appréhender le vice antérieurement à la vente.
57Ainsi, en 1991111, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur un contentieux relatif à des dégâts causés à une maison d’habitation par la présence de termites. En l’espèce, un particulier a vendu une maison. Dans l’acte sous seing privé, réitéré en la forme authentique, il était précisé que l’immeuble était atteint par les termites, et les capricornes, le mot « termites » étant toutefois rayé dans un premier temps puis réécrit quelques lignes plus bas. Cet acte précisait que l’acquéreur s’interdisait tout recours fondé sur ce vice. Malgré ces dispositions contractuelles acceptées par les acquéreurs, ces derniers ont agi contre le vendeur en garantie des vices cachés. Les juges du fond déclarèrent irrecevable l’action en garantie des vices cachés, en raison de la connaissance qu’avaient les acquéreurs de la présence des termites. Ceux-ci formèrent un pourvoi en cassation, qui fut rejeté au motif que « la Cour d’appel a relevé que la mention du mot termites figurait dans l’acte sous seing privé et dans l’acte authentique, de telle sorte que l’attention des acheteurs aurait dû être attirée sur la probabilité de la présence de tels xylophages et qu’un minimum d’application leur aurait certainement permis de constater les dégâts causés aux portes, plinthes et lambris, et de remarquer les reprises évidentes des boiseries endommagées ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la juridiction du second degré a estimé que (les acquéreurs) avaient eu connaissance avant la vente de l’existence de ces termites, et que leur action était irrecevable au fond ». Cette hypothèse prétorienne illustre le premier degré du comportement fautif qui peut être reproché au créancier de la garantie, qui se confond avec le critère d’ouverture de l’action : un vice non apparent.
5840 – Comportement non-professionnel. Un autre stade de la sanction consiste à reprocher au créancier un manquement au comportement qu’aurait dû adopter un professionnel averti. Il est en effet, une seconde série d’hypothèses où la jurisprudence reproche à un professionnel de ne pas avoir agi conformément aux règles de conduite qui dirige sa profession. Selon le cas, il peut s’agir de ne pas avoir été un bon agriculteur112, un bon viticulteur113, un bon pépiniériste114 ou un bon maçon115. Dans tous les cas, la jurisprudence en matière de garantie des vices cachés, a tendance à faire jouer à la qualité de professionnel « un rôle non négligeable »116 dans l’aptitude à connaître le vice qui affecte la chose. Toutefois, l’acheteur professionnel n’est tenu qu’à l’« examen normalement diligent de la chose et (doit) effectuer un minimum de vérifications »117. S’il n’accomplit pas ses obligations, il se verra sanctionné par l’exonération partielle du débiteur de la garantie.
5941 – Comportement dangereux. Une dernière hypothèse se présente, qui consiste à reprocher au créancier-victime un comportement qui confine à la dangerosité. La jurisprudence sanctionne les comportements dangereux qui ont pu générer le dommage. Parfois, « la rupture de causalité »118 entre le dommage et le vice de la chose peut apparaître insuffisante pour retenir pleinement la responsabilité du créancier de la garantie ; elle n’a alors pour effet que de provoquer une exonération partielle. Dans d’autre cas, elle exonère complètement le débiteur de la garantie même si, en ce domaine, il est des solutions éminemment critiquables.
60En premier lieu, il est des cas où la dangerosité du créancier-victime est patente et où la jurisprudence ne fait qu’imputer une partie de la responsabilité au créancier de la garantie car la chose était grevée d’un défaut. C’est le cas de la victime de l’explosion d’un fer à repasser. La Cour de cassation119 impute trois quart de la responsabilité au fabricant, pour n’avoir pas mentionné sur la notice d’utilisation qu’un risque d’entartrage de l’appareil était possible, et le quart de responsabilité restant à la charge de la victime pour avoir utilisé l’appareil en mauvais état de fonctionnement. Il en est de même pour l’utilisateur victime de l’explosion du bouchon d’un compresseur120 affecté d’un vice de conception qui le rend inapte à supporter des efforts répétés : la moitié de la responsabilité est endossée par l’utilisateur qui avait intentionnellement déréglé les soupapes pour obtenir une pression anormale lors d’une démonstration.
61Dans une seconde série d’hypothèses, la jurisprudence écarte totalement la demande en garantie du vice caché, car le comportement du créancier-victime « s’est révélé d’une particulière négligence et (qu’) il paraît clair que les précautions dont il devait faire preuve auraient permis d’éviter le dommage »121. Toutefois la jurisprudence de la Cour de cassation ne laisse de surprendre : soit qu’elle sanctionne sévèrement certains agissements qui ne procèdent pas de négligence particulière122, soit qu’elle valide certaines attitudes qui devraient être sanctionnées. Un arrêt de 1997123 est symptomatique à cet égard. En l’espèce, les juges du fond ont débouté l’acquéreur de sa demande en garantie des vices cachés après avoir estimé que le système d’allumage du véhicule était défectueux. Selon eux, « cette défectuosité ne constituait pas un vice caché au sens de l’article 1641 du Code civil, dès lors qu’elle ne rendait pas le véhicule impropre à l’usage auquel il était destiné, l’incendie l’ayant détruit étant imputable à une mauvaise utilisation par l’acheteur qui avait actionné exagérément le démarreur et qui n’avait pas observé les consignes figurant sur la notice d’utilisation prescrivant, en cas de démarrage difficile à chaud, de laisser refroidir le moteur, d’actionner le démarreur 10 à 20 secondes et de consulter le représentant Renault ». La première Chambre civile de la Cour de cassation censure cet arrêt au motif « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle tenait pour constant que le dispositif d’allumage du véhicule avait été détruit par un incendie au cours du démarrage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ». Un auteur s’étonna de cette censure car « il était allégué une série de fautes qui, dès lors, invitaient à dépasser la seule constatation de l’existence du sinistre comme devant entraîner la protection de l’acheteur »124. Cependant, ce même auteur tempéra sa critique car si la Cour de cassation « a censuré une pareille exonération du vendeur (c’est qu’) il est difficile de dire d’un vice à l’origine de l’incendie d’une voiture qu’il n’était pas grave »125. Toutefois, il apparaît en l’espèce critiquable que la Cour de cassation n’ait pas tenu compte des manquements avérés de l’acheteur-créancier de la garantie pour exonérer, même partiellement, le débiteur de la garantie.
6242 – Parti pris. De cette contradiction, favorable au créancier de la garantie, alors même que son comportement n’est pas exempt de tout reproche, apparaît très clairement l’existence d’une tendance protectrice qui s’illustre au sein de la première Chambre civile de la Cour de cassation. Il semble que dès 1986126, cette Chambre civile ait été très favorable à la protection du créancier de la garantie légale. Dans le même temps, la troisième Chambre civile127 s’en tient à la sanction des comportements négligents de l’acheteur. La doctrine128 estime que « La Cour de cassation se contente de la preuve négative que la défaillance ne pouvait provenir d’une autre cause, ce qui revient à inverser la charge de la preuve », et de continuer : « C’est une véritable présomption de vice caché qui apparaît désormais chaque fois que la chose délivrée ne donne pas satisfaction et qui marque par-là même le retour en force de la garantie édilicienne ». Ainsi, les arrêts qui émanent de la première Chambre civile de la Cour de cassation dérogent, par faveur pour la protection du créancier de la garantie, au principe probatoire posé à l’article 1315, alinéa 1er du Code civil qui exige de lui – en sa qualité de demandeur à l’action en garantie – qu’il apporte la preuve de l’origine du vice qui entache la chose. Ce domaine de la garantie des vices cachés connaît donc une confusion presque permanente entre le concept délictuel de la faute de la victime et le concept contractuel de fait du créancier. Il est une autre sphère de confusion des schémas délictuel et contractuel qu’illustre le contentieux de l’obligation de sécurité.
B/L’obligation de sécurité
6343 – Les prodromes de l’obligation de sécurité. C’est au xixème siècle129 que la préoccupation relative à la sécurité des individus transportés apparaît. La jurisprudence semble avoir statué pour la première fois en la matière au cours de l’année 1836130. La doctrine de l’époque n’est pas pléthorique ; et c’est sur l’impulsion d’un auteur belge131 que la réflexion sera suscitée. Cependant, ce n’est véritablement qu’en 1911132 que la Cour de cassation fait « la découverte »133 de l’obligation de sécurité. La création de cette « notion d’appoint »134 semble provenir d’un mimétisme135 de la responsabilité contractuelle à l’égard de la responsabilité délictuelle, mais par son succès elle irradiera bientôt de nombreux contrats et sera mise à la charge d’une multitude d’exploitants136. Cette contractualisation de la sécurité137 aura agi comme un « détonateur »138 de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat.
6444 – Summa divisio. C’est classiquement à Demogue139 qu’est attribuée la paternité de la division de l’obligation de sécurité. Bien que cette division historique ait été considéré comme une approximation grossière et problématique140 la jurisprudence a conservé cette gradation des obligations et l’a même érigé en summa divisio des obligations contractuelles.
6545 – Modèle originel. L’émergence de cette division primaire est liée à la nécessité de reproduire, dans le cadre du contrat, la division primaire de la responsabilité délictuelle141, qui se scinde d’une part en responsabilité pour faute (à prouver) et, d’autre part, en responsabilité sans faute prouvée (ou faute présumée). La division des obligations contractuelles posée par Demogue a été inspirée par les principes directeurs de la responsabilité délictuelle. L’un de ces principes consiste à mettre à la charge des débiteurs de la réparation une obligation de veiller à la sécurité soit d’autrui, soit de soi même. C’est par une sorte de capillarité que la sécurité a intégré le domaine des relations contractuelles. Cette division, entre obligation de résultat et obligation de moyens, « pur produit du génie juridique national »142, reproduisant à l’identique la division de la responsabilité délictuelle a fait qu’il y a eu une contractualisation forcée143 de l’obligation de sécurité. Par l’avènement de ce « parapluie contractuel »144 qu’est l’obligation de sécurité, s’est fait jour la nécessité de trouver une gradation idéale par le biais des obligations de moyens145 et de résultat146. Cette dichotomie a été très contestée en doctrine par des auteurs qui estimaient que, par essence, l’obligation de sécurité ne pouvait être que de résultat147, mais la pratique contentieuse montre qu’elle n’incline pas à renoncer à cette division. Cependant, par un retour au modèle originel, doctrine148 et jurisprudence se sont engagées sur la voie de la décontractualisation de la sécurité.
6646 – Retour aux sources. Pendant deux décennies, la Cour de cassation a fait appel au critère du découpage temporel du contrat de transport pour distinguer le régime de l’obligation de sécurité. Ainsi, lorsque l’accident survenait « pendant l’exécution du contrat de transport, c’est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en descendre »149, l’obligation de sécurité à la charge du transporteur était une obligation contractuelle de résultat. En revanche, « l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination, résultant de l’art. 1147, (cessait) de s’appliquer lorsque le voyageur [...] (achevait) de descendre du véhicule, (et) le transporteur (restait) tenu encore, à son égard, à une obligation générale de prudence ou de diligence »150. Ainsi, dans toutes les hypothèses d’accidents survenus dans les locaux du transporteur, en dehors du cadre stricto sensu du transport, ce dernier restait tenu d’une obligation contractuelle de sécurité de moyens. Cependant, ce choix jurisprudentiel n’était pas sans inconvénient et conduisit la Cour de cassation dans la voie de la décontractualisation de l’obligation de sécurité.
6747 – Décontractualisation. Le mouvement de décontractualisation de l’obligation de sécurité a été pleinement consacré par l’illustre arrêt Valverde de 1989151. La raison en était simple. En effet, « la jurisprudence antérieure fractionnant l’obligation de sécurité du transporteur aboutissait [...] à des résultats contraires à sa finalité, qui est d’améliorer la situation des victimes. Au lieu de bénéficier de l’allégement de la charge de la preuve propre aux obligations de résultat, les voyageurs victimes de dommages causés dans l’enceinte d’une gare devaient prouver une faute du transporteur et se voyaient ainsi privés de la faculté d’invoquer la responsabilité de plein droit de l’article 1384, alinéa 1er »152. Ainsi, c’est à la fois par une alternance entre fondement contractuel et délictuel dans le domaine de la sécurité153, par une division chronologique du contrat de transport, que certains concepts exonératoires ont été confondus (voire fondus) par la jurisprudence.
6848 – Confusion ou fusion ? A la suite d’hésitations dans le cadre du contrat de transport, pour délimiter le domaine de l’obligation de sécurité et enclencher – pour les moments antérieurs et postérieurs au transport lui-même – les mécanismes de la responsabilité délictuelle, la jurisprudence a finalement interféré dans la logique de démarcation des deux ordres de responsabilité. Notre étude a fait apparaître que le fait du créancier et la faute de la victime semblaient ne pas devoir être confondus154. Cependant, dans certaines hypothèses, la distinction n’est pas opérée. Les juges en charge des contentieux emploient la notion de faute de la victime alors qu’il s’agit à l’évidence d’un fait, voire d’une faute, du créancier. Cette absence de distinction doit être comprise au regard de la confusion existant entre, d’une part, la faute contractuelle qui consiste à violer une obligation de sécurité de moyens et, d’autre part, la faute délictuelle qui consacre le manquement à un comportement prudent et diligent155. Cette confusion des fautes opère, en pratique, une fusion des causes d’exonération en matière contractuelle et délictuelle comme l’illustre la responsabilité des exploitants de remontées mécaniques ainsi que de jeux forains.
6949 – Contrat de transport dérivé. Les contrats de remontées mécaniques sont perçus par la doctrine comme l’illustration d’une jurisprudence incohérente, éclatée et imprévisible156. En effet, dans un premier temps, la jurisprudence mettait à la charge de l’exploitant de remontées mécaniques une simple obligation de moyens157, puis dans un second temps, une obligation déterminée de sécurité158. Ce n’est qu’à partir de 1986, que la jurisprudence posa le principe, encore en vigueur aujourd’hui, qui veut que « l’exploitant du télésiège est tenu d’une simple obligation de moyens pour les opérations d’embarquement et de débarquement, au cours desquelles le skieur a un rôle actif à jouer »159 et d’une obligation de sécurité de résultat au cours du transport160.
70Les jeux forains connurent également un régime tortueux. Par principe, l’exploitant d’un jeu forain est tenu d’une obligation de sécurité de moyens161. Cependant, la jurisprudence, malgré la critique d’une partie de la doctrine162, choisit de faire peser sur l’exploitant une obligation de sécurité de résultat163 lorsque le participant blessé n’a joué qu’un rôle passif164. Cette obligation couvre même le préjudice subi par les personnes ne participant pas directement au jeu mais accompagnant l’une d’entre elles165. Dans ce type de contrat de transport dérivé, la distinction entre faute de la victime et fait (fautif) du créancier n’apparaît jamais en jurisprudence. Ceci est semble-t-il dû à l’absence d’intérêt pratique d’une telle distinction.
7150 – Intérêt théorique contre intérêt pratique. Dans un souci de meilleure compréhension du droit, la jurisprudence se devrait de distinguer entre d’une part, le fait fautif du créancier, qui ne devrait être qualifié de tel que dans le cadre du transport stricto sensu, et d’autre part, la faute de la victime, qui ne devrait être mise en évidence que lorsque la phase de débarquement a commencé.
72De l’ensemble des arrêts étudiés, il ressort qu’une telle distinction n’est jamais opérée. Est-ce à dire que cette distinction n’apparaît pas comme essentielle aux yeux des juges ? Certes, la différenciation entre le fait du créancier contractuel et la faute de la victime délictuelle ne semble pas, en pratique, nécessaire puisque le résultat aboutira à un retranchement de l’indemnité due au créancier (fautif) de l’obligation de sécurité, victime du dommage. En effet, la confusion s’opère par la combinaison de ses qualités de créancier d’une obligation contractuelle et de victime d’un dommage. Cependant, alors que notre droit de la responsabilité civile connaît une crise majeure166, au moment même où la doctrine remet en cause l’existence de la responsabilité contractuelle167, il serait sans doute nécessaire d’éviter la confusion chaque fois qu’une distinction se révèle finalement simple à appliquer.
7351 – Critère de distinction : l’émergence d’un rôle fautif. Pour certains168, la notion d’aléa peut seule servir de critère pour déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité, qui prend la forme soit d’une obligation de moyens soit d’une obligation de résultat. Pour d’autres169, seul le rôle actif, et plus largement la participation de la victime à l’exécution du contrat, doit servir d’élément déterminant dans la distinction. Il semble que l’émergence du critère du rôle actif ou passif du créancier victime soit postérieure à la notion d’aléa. En outre, le recours au critère de la participation de la victime est intervenu dans le cadre des obligations de sécurité de résultat. Ainsi, « l’idée que la responsabilité du débiteur puisse être engagée sans qu’il ait commis la moindre faute peut conduire à penser faussement, par contamination, que la victime du dommage sera alors nécessairement indemnisée de celui-ci, qu’elle ait ou non commis une faute. C’est en fait probablement à la suite de l’adoption de cette conception erronée, qui méconnaît la prise en compte de la faute de la victime, que certains juges ont pu être conduits à opter pour la caractérisation de l’existence d’une obligation de sécurité de moyens, chaque fois que l’activité ou l’inactivité de la victime avait contribué à l’exécution de l’obligation principale »170. Par cette analyse, il semble évident que le critère essentiel pour déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité réside dans la présence d’un aléa dans l’exécution de la convention ; le rôle actif n’intervenant qu’à titre complémentaire171 du critère de l’aléa. Cependant, ce critère complémentaire semble se concentrer, non pas sur l’activité ou la passivité du créancier victime, mais sur l’analyse de son attitude révélant un comportement fautif. Ainsi, lorsque le créancier de l’obligation de sécurité, victime, bénéficie d’une liberté de mouvement, il lui est imposé de veiller à sa propre sécurité. S’il est victime d’un dommage, alors qu’il disposait des moyens techniques de pourvoir à sa propre sécurité, alors il se verra reprocher son comportement fautif172. Ainsi, la confusion entre les concepts contractuels et délictuels est patente dans le domaine de l’obligation de sécurité. Il existe également une difficulté à distinguer la notion de faute de la victime dans le cadre de la théorie de l’acceptation des risques.
C/ L’acceptation des risques
7452 – Fondement incertain. Classiquement, la théorie de l’acceptation des risques repose sur l’idée que la personne qui se place volontairement dans une situation potentiellement dangereuse accepte, de facto, d’en supporter les conséquences dommageables. Initialement, la doctrine a rattaché cette théorie à l’existence d’une convention tacite de non-responsabilité173. Sur ce fondement, l’individu qui subit un dommage dans le cadre de la pratique d’une activité renonce, de manière anticipée, à exercer un recours en indemnisation sur la base de la responsabilité de plein droit. Face à la critique, tant jurisprudentielle174 que doctrinale, qui, avec raison, estime que de telles conventions sont nulles et inefficaces175, la doctrine s’est engagée dans la recherche d’un fondement renouvelé de la théorie de l’acceptation des risques.
7552bis – Fondement renouvelé. Un auteur176 estime que le législateur aurait implicitement mais nécessairement exclu du champ d’application de la responsabilité de plein droit la victime lorsque cette dernière s’expose à un danger. D’autres177 avancent que « la jurisprudence voit au fond dans la notion (d’acceptation des risques) un pardon anticipé et obligatoire qui met en dehors du droit les dommages causés dans l’exercice d’un sport ». Toutefois, établir le fondement d’un mécanisme sur la base d’un raisonnement implicite du législateur, voire sur l’existence d’un pardon anticipé, relève bien plus de l’intuition que de l’analyse juridique.
76Aujourd’hui, la doctrine considère l’acceptation des risques comme un facteur provoquant le « recul de la culpabilité »178. D’éminents auteurs estiment, de manière unanime, que « l’acceptation des risques recule ainsi le seuil de la faute en lui imprimant une certaine spécificité »179. En effet, dès l’analyse du fondement de l’acceptation des risques, la référence à la faute imprègne la notion et provoque une confusion des concepts. Pour que l’acceptation des risques par la victime puisse exonérer l’auteur du dommage de sa responsabilité, il est nécessaire que certaines conditions soient réunies.
7753 – Domaine restreint. La mise en œuvre de la théorie de l’acceptation des risques est subordonnée à deux conditions majeures, définies par la jurisprudence.
78La première tient au risque auquel la victime est exposée. Celui-ci est strictement limité à un risque normal et inhérent à l’activité pratiquée. La jurisprudence refuse de faire jouer l’acceptation des risques lorsque ce risque excède la mesure du raisonnable, tel celui de s’exposer au danger de mort180. En matière sportive, doit être considéré comme normal le risque qui résulte d’une faute dans le jeu181 et est jugé excessif le risque lié à une faute contre le jeu182. En dehors du domaine de la pratique sportive, et à l’époque où la jurisprudence utilisait la notion d’acceptation des risques indépendamment de l’existence d’une quelconque compétition, l’appréciation de la notion de risque faisait appel à l’examen d’une sorte de bon sens universel. A défaut, ceci pouvait justifier l’enclenchement de la théorie du risque accepté pour minorer la responsabilité du gardien présumé responsable. Comme dans l’espèce183 où une voiture de type R5 était occupée par huit personnes au moment de l’accident : à l’avant, le conducteur borgne, son épouse et deux de leurs enfants, à l’arrière leur troisième enfant, un ménage ami et leur jeune fils sur les genoux de sa mère.
79Les juges du fond retiennent fort logiquement l’acceptation fautive des risques par ces passagers du véhicule pour minorer leur indemnité.
80La seconde condition, tient à la sphère d’efficacité de cette théorie aujourd’hui limitée, en matière contractuelle à la pratique sportive et, en matière délictuelle, aux compétitions sportives184.
81En matière contractuelle, le champ d’efficacité de cette notion est plus large qu’en matière délictuelle. La jurisprudence précise classiquement, au visa de l’article 1147 du Code civil, « que la pratique du sport équestre, sous la forme de promenades à l’extérieur implique l’acceptation de certains risques, provoqués notamment par les réactions imprévisibles des chevaux »185. L’acceptation des risques en matière contractuelle, est ainsi comprise au regard de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’organisateur de ce type d’activité. Puisque cette obligation n’est qu’une obligation de moyens186, l’acceptation des risques concourt à établir l’absence de faute contractuelle imputable à l’organisateur. Elle est une notion « d’appui »187. Dans le cadre de la responsabilité délictuelle, son domaine est plus réduit. Pendant un temps, et jusqu’au début de l’année 1999, la jurisprudence a laissé entendre que la responsabilité d’un agent pouvait être écartée lorsque la victime avait accepté le risque inhérent à l’activité pratiquée, alors même qu’elle ne s’exerçait pas dans le cadre d’une compétition188. Cependant, dès la fin de l’année189, des décisions des juges du fond restreignaient le domaine de l’acceptation des risques au cadre des compétitions sportives. Cette position fut confortée la Cour de cassation qui, depuis lors, demeure fidèle à ce principe190. De cette restriction jurisprudentielle, une partie de la doctrine a déduit, peut-être de manière hâtive, l’inutilité de la notion d’acceptation des risques.
8254 – Inutilité conceptuelle de la théorie. La notion d’acceptation des risques a subi les foudres d’une partie de la doctrine au prétexte de son inutilité, de sa désuétude voire d’un certain arbitraire191.
83Cette inutilité semble patente dans le cadre de la responsabilité contractuelle. En la matière, les organisateurs d’activités sportives, sur lesquels pèse une obligation contractuelle de sécurité, se doivent de prévenir la survenance de dommages. Cependant « si le risque n’est qu’une éventualité de dommage, il faut que cette éventualité soit suffisamment fréquente et précise pour qu’on puisse concevoir une acceptation qui soit opérante »192. Ainsi, même si la jurisprudence faisait prévaloir la théorie du risque accepté par la victime, ceci ne changeait pas les solutions apportées aujourd’hui par le critère de l’aléa193. Dès lors, dans un souci de logique, la jurisprudence194 écarte cette théorie du domaine contractuel et ne lui réserve d’efficacité que sur le plan délictuel de la responsabilité civile. Mais alors, l’argument de cette inutilité en matière contractuelle se vérifie-t-il en matière délictuelle ?
84En matière de responsabilité délictuelle195 ; la notion d’acceptation des risques semble faire doublon avec celle de faute de la victime196. Il est vrai qu’« en analysant les diverses modalités du risque, on voit toujours émerger les éléments de la faute, qui, en définitive, est la mesure de toute obligation délictuelle. Lorsque, pour atténuer cette obligation [...] on évoque l’acceptation des risques par celui qui subit un dommage, ce n’est pas réellement de risques qu’il s’agit. [...] Sous l’apparence trompeuse d’une acceptation des risques, existe une faute du prétendu acceptant »197. A cet égard, la jurisprudence parvient à stigmatiser l’inutilité de cette théorie lorsque la solution peut être trouvée par le recours au mécanisme de la faute de la victime. Ainsi, dans une espèce198 où, lors d’une escalade organisée par le Club alpin français, un moniteur qui conduisait la deuxième cordée, a été heurté par une pierre dont la chute avait été provoquée par un membre de la première cordée, les juges du fond ont déclaré le club organisateur entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident sur le fondement d’une convention d’assistance et l’ont condamné à réparation du préjudice subi par leur moniteur. A l’appui du pourvoi, ce club organisateur estimait que « la victime avait accepté les risques de l’ascension et [...] qu’elle avait commis un faute qui avait contribué à son propre dommage en se plaçant dans une position dangereuse par rapport à la première cordée ». La Cour de cassation rejeta le pourvoi en précisant que « la cour d’appel a retenu à bon droit que la notion d’acceptation des risques n’ajoutait rien aux effets attachés à la faute de la victime ; qu’appliquant comme elle devait le faire les règles de la responsabilité, la cour d’appel [...] a souverainement estimé que la preuve d’une faute n’était pas établie à l’encontre de (la victime) ».
85En ce domaine, l’acceptation des risques qui recèle les caractères d’une faute ne présente pas de particularité au regard de la faute de la victime199. La jurisprudence préfère alors avoir recours à la notion plus large de faute de la victime, quitte à l’écarter comme en l’espèce, plutôt qu’à celle de risques acceptés, aujourd’hui cantonnée au domaine restrictif des compétitions sportives. Cependant, il est des hypothèses dans lesquelles aucune faute de la victime ne peut être matérialisée, et où la théorie de l’acceptation des risques révèle toute son efficacité.
8654bis – Efficacité prétorienne de la théorie. Les griefs d’inutilité ou de désuétude se doivent d’être tempérés, tant en matière contractuelle qu’en matière délictuelle.
87D’une part, la jurisprudence a utilisé pendant un temps ce mécanisme en matière contractuelle pour « créer des obligations de moyens là où les obligations de résultat normalement souveraines choqueraient une certaine morale sociale »200. Ce subterfuge fut utilisé dans le cadre des contrats de transport dérivés tel que les contrats de remontées mécaniques ou de jeux forains201, et eut pour but de minorer la responsabilité des exploitants pourtant tenus par principe, à l’époque, d’une obligation de sécurité résultat.
88D’autre part, sur le pan délictuel de la responsabilité, la jurisprudence a également utilisé cette théorie afin de procéder à l’exonération de la responsabilité d’un agent alors même qu’il n’y avait pas véritablement de comportement fautif de la victime. Un arrêt de l999202 en constitue une parfaite illustration. En l’espèce, un cavalier aguerri se promenait à cheval dans une manade où des taureaux vivaient en liberté. Sa monture effrayée par la charge d’un taureau fit chuter son cavalier qui demanda réparation de son préjudice au propriétaire de la manade qui lui avait donné l’autorisation de parcourir son domaine. Les juges du fond déboutèrent le cavalier de sa demande sur le fondement de la théorie de l’acceptation des risques. La Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par la victime au motif qu’elle était « habituée de cette manade où (elle) faisait régulièrement des promenades à cheval et où vivaient en liberté des taureaux, avait accepté par avance le risque normal, de voir un taureau effrayer sa monture et provoquer sa chute ».
89En l’espèce, pouvait-on déceler un comportement fautif dans l’attitude du cavalier victime ? Il semble que la réponse doit être négative. En effet, l’autorisation du propriétaire de la manade empêchait de caractériser une faute de la victime permettant son exonération totale, le comportement du cavalier n’étant ni imprévisible, ni irrésistible au regard des circonstances. Dès lors, seule la notion d’acceptation des risques permettait aux juges de procéder à l’exonération totale de responsabilité sans exiger que le comportement de la victime recouvre les critères de la force majeure203. L’acceptation des risques révèle ainsi toute son efficacité lorsque, indépendamment d’un comportement fautif de la victime, la solution du litige commande l’exonération totale de l’agent dont la responsabilité est discutée. La théorie du risque accepté constitue donc une solution efficace et pragmatique dans le cadre de contentieux où l’absence d’une attitude fautive laisserait craindre l’engagement de la responsabilité d’un agent présumé responsable. En outre, comme l’arrêt le laisse percevoir, le propriétaire de la manade ne devait pas voir engager sa responsabilité du seul fait de l’autorisation par lui délivrée. Les juges répondent fort logiquement par l’exonération de ce dernier grâce à la malléabilité de cette notion car sur le plan de la faute de la victime seule une exonération partielle aurait été possible.
90Ce schéma de raisonnement, qui consiste à procéder à l’exonération de la responsabilité d’un agent alors même que le comportement de la victime ne réunit pas les exigences requises pour ce faire, n’est pas isolé. Ici, il prend place dans le cadre de la théorie de l’acceptation des risques, mais ce réflexe des juges, qui consiste à rendre la solution la plus juste et équitable en provoquant une distorsion des concepts, se retrouvera lors de l’étude de la notion de faute de la victime, cause exclusive du dommage204. Une confusion se révèle nettement lors de l’analyse conceptuelle des mécanismes permettant l’exonération, quel que soit le fondement de la responsabilité. En outre, une ressemblance existe également entre ces concepts selon le moment où ils interviennent.
SECTION 2. LA MATÉRIALISATION DES CONCEPTS
9155 – Fil du temps. Le temps a une incidence majeure dans l’intervention des mécanismes exonératoires. Son écoulement va mettre en évidence leurs traits communs. Sur le plan contractuel de l’analyse, la faute du créancier va pouvoir être révélée par son intervention à des instants précis de la vie du contrat (§ 1). Sur le champ délictuel du mécanisme, la faute de la victime va également survenir en des temps donnés (§ 2).
92Cependant, si en matière contractuelle le moment de la mise en évidence de la faute n’a pas de réelles conséquences sur la qualification de fait du créancier, qui s’avère toujours idoine ; en revanche dans le cadre délictuel, la qualification de faute de la victime opérée par la jurisprudence peut ne pas paraître exacte selon le moment de son intervention.
§ 1- Les phases contractuelles
9356 – Périodes contractuelles. Le fait du créancier contractuel intervient, principalement, dans deux phases de la vie du contrat : au cours de l’exécution du contrat et lors de son extinction. De l’une à l’autre, le fait du créancier est invoqué en réaction à l’exception d’inexécution (A) ou à la demande de résolution du contrat (B).
A/L’exception d’inexécution
9457- Définition. L’exceptio non adimpleti contractus205 est la faculté reconnue au créancier, dans le cadre d’un contrat synallagmatique, de refuser d’exécuter son obligation tant que son débiteur n’offre pas d’exécuter la sienne.
95Ce mécanisme, qui a pu apparaître comme « une application grossière et massive de la loi du talion »206, n’est en réalité que la traduction juridique de la pensée populaire selon laquelle « on n’a pas à tenir sa parole envers celui qui ne la tient pas »207. Cette exécution « donnant donnant »208 ou « trait pour trait »209 des obligations réciproques n’est pourtant pas reçue expressis verbis dans le Code civil qui ne connaît que de rares applications de cette exception.
9657bis – Codification. Le mécanisme de l’exception d’inexécution transparaît en matière de contrat de vente, dans les articles 1612 et 1653 du Code civil qui envisagent respectivement l’exception au profit du vendeur puis au bénéfice de l’acheteur ; en matière de contrat d’échange avec les dispositions de l’article 1704 du Code civil ; au profit des locataires210 dans le cadre du contrat de bail prévu à l’article 1749 du Code civil et, pour finir, en matière de contrat de dépôt avec l’article 1948 du Code civil qui l’autorise au profit du dépositaire. Cependant, dans aucun de ces articles il n’est fait littéralement référence à l’exception d’inexécution211. C’est essentiellement à la doctrine et à la jurisprudence qu’est revenu le rôle de dégager l’exception d’inexécution du Code civil pour lui conférer une portée générale, et déterminer sa nature juridique.
9757ter – Processus temporaire de ralentissement d’exécution du contrat. La nature juridique de l’exception d’inexécution a suscité quelques controverses.
98Certains, comme M. Jestaz212 y ont vu « un processus anormal d’accélération » de la relation contractuelle. Dans cette conception, ce qui est recherché par l’invocation de l’exception d’inexécution c’est une issue rapide au contrat et non pas, l’exécution des prestations promises par les cocontractants.
99Pour d’autres213, l’exception d’inexécution doit être envisagée comme un moyen de pression temporaire utilisé par un créancier qui veut, avant tout, sauvegarder la relation contractuelle. Il paraît assez réaliste que l’exception d’inexécution puisse être considérée, par essence, comme un outil de sauvegarde du contrat. En effet, sa vocation première est d’obtenir du cocontractant récalcitrant l’exécution de son obligation. Son pouvoir coercitif est mis au service de celui qui subit l’exécution défaillante, en incitant le débiteur de l’obligation inexécutée à poursuivre le contrat en accomplissant la prestation par lui promise. Lorsqu’un contentieux survient, et que l’exception d’inexécution est invoquée214, le juge va devoir examiner une situation très particulière, caractérisée par les qualités interchangeables des plaideurs.
10058 – Qualités réversibles. Le créancier qui cherche à faire pression sur son débiteur en excipant de l’exception d’inexécution, pour retenir sa prestation, est doté d’une double qualité. Il est effectivement créancier d’une obligation inexécutée par son débiteur ; et, dans le même temps, débiteur de l’obligation qu’il se retient d’exécuter dans le cadre de l’exception. Cet excipiens va donc se heurter à la défense de son débiteur qui va pouvoir invoquer le comportement de ce créancier pour justifier son refus d’exécution. Les juges analysent donc les agissements contractuels de ce créancier pour autoriser le jeu de l’exception d’inexécution, ou pour le bloquer. Ainsi, dans les hypothèses jurisprudentielles, soit le fait de l’excipiens paralyse l’exception d’inexécution (a), soit il la justifie (b) mettant le créancier à l’abri de tout reproche.
a/ L’exception d’inexécution paralysée
10158bis – Domaine éminent. Le contrat de bail est par principe « le terrain d’élection de l’exception »215. Les hypothèses prétoriennes sont invariablement les mêmes, et présentent un débiteur qui refuse de procéder au paiement de loyers au motif de l’inexécution par son bailleur de ses obligations d’entretien de l’immeuble par lui loué. Ce dernier réplique, ou plus rarement agit216, en invoquant l’inexécution de l’obligation de paiement par le preneur. Selon les circonstances, le fait du créancier va bloquer le mécanisme de l’exception d’inexécution ou, au contraire, le doter d’une pleine efficacité.
10258ter – Blocage de l’exception. De jurisprudence constante, lorsqu’un preneur à bail oppose le jeu de l’exception d’inexécution, au regard du refus de son bailleur d’accomplir des travaux, pour justifier son absence ou son retard dans le paiement des loyers, le preneur se heurte à la sanction classique des juges. L’attendu de principe précise « qu’en aucun cas les preneurs ne peuvent, pour refuser le payement des fermages échus, qui constituent une créance certaine, liquide et exigible, opposer au bailleur l’inexécution par lui de travaux que représentent une créance incertaine »217. Cette jurisprudence peut sembler défavorable au preneur. Cependant, ce dernier reste en possession de l’immeuble loué alors que le bailleur est au contraire privé de la jouissance de son bien218. Dès lors, la jurisprudence exige, pour sanctionner un bailleur négligent, que « les manquements imputables aux bailleurs aient entraîné une impossibilité totale d’utiliser les lieux »219 ; et pour justifier l’exception d’inexécution, que celle-ci puisse répondre au critère de la réaction proportionnée.
103Ce n’est pas le cas lorsque le crédit-preneur a adhéré à un contrat comportant une clause de renonciation à la garantie des vices cachés alors que ce dernier invoque l’exception d’inexécution du crédit-bailleur au motif d’une privation de jouissance due à des vices cachés. La Cour de cassation220 refuse d’y voir un comportement de nature à justifier l’exception. La Haute juridiction y perçoit au contraire, et fort justement, un argument décisif pour bloquer la demande du crédit-preneur. Bien qu’en l’espèce il y avait de la part du crédit-bailleur un manquement à ses obligations issues du contrat, puisque le bien était entaché de vices cachés, ceux-ci ne pouvaient être utilement invoqués par le crédit-preneur qui les avaient conventionnellement écartés par la ratification de la clause de non garantie.
104Il en est de même pour le locataire d’un immeuble qui a été victime d’un accident dans les parties communes. Celui-ci agit en réparation de son préjudice contre le propriétaire qui lui oppose l’exception d’inexécution au motif qu’il est redevable de plusieurs termes de loyers impayés. Les juges du fond procèdent à réparation du préjudice subi par le locataire, nonobstant le moyen développé par le bailleur. Ce dernier forme un pourvoi en cassation221 qui est rejeté au motif que la Cour d’appel relève que « l’accident était dû au fait d’une lame du parquet qui, étant en très mauvais état, avait cédé et qu’il s’est produit dans une partie commune de l’immeuble, en a déduit qu’il s’agissait de travaux indispensables à la sécurité des occupants dont le retard imputé (au locataire) dans le paiement de son loyer ne dispensait point le propriétaire ».
105En matière de vente les solutions sont similaires lorsque l’acheteur a accompli ses obligations222 et que le vendeur manque à son obligation de délivrance223. Le vendeur non diligent qui chercherait à opposer le jeu de l’exception d’inexécution se heurterait à un refus justifié des juges. 11 en est de même en matière de prestation de service informatique lorsque le client ne remplit pas ses obligations224, ou qu’il prétend justifier son refus de paiement par l’inefficacité prétendue du matériel fourni225. Pour qu’il en soit autrement, et que l’exception d’inexécution ait une pleine efficacité, il faut qu’il y ait un comportement du créancier qui se révèle contraire aux obligations qu’il s’était engagé à exécuter lors de la signature de la convention.
b/ L’exception d’inexécution légitimée
10659 – Inexécution totale. L’exception peut être utilement invoquée lorsque le fait du créancier correspond à l’inexécution totale de l’obligation essentielle issue du contrat. Ainsi, comme dans l’espèce226 où un groupe de commerçants a conclu avec une société d’informatique un contrat d’adhésion par lequel celle-ci s’engageait à remettre un système informatique de gestion de trafic de clientèle. Un contrat a été conclu pour la location d’un matériel informatique neuf avec une société de crédit-bail. Le matériel informatique s’est révélé non opérationnel. La société de crédit-bail a assigné les commerçants en remboursement des loyers impayés. Son pourvoi est rejeté au motif qu’« après avoir retenu que les contrats d’achat et de crédit-bail étaient indivisibles et que le contrat d’adhésion avait pour caractéristique propre une compensation substantielle du loyer du matériel à verser à l’organisme de crédit au moyen d’une prestation devant être versée par la société (d’informatique) la Cour d’appel a pu [...] décider que, par suite de l’inexécution par la société (d’informatique) de ses obligations, les locataires n’avaient pas à payer le montant des loyers au crédit-bailleur ».
107Le locataire du matériel se trouve justifié, par l’effet de l’indivisibilité des contrats, de n’avoir pas exécuté l’obligation de payer les loyers en invoquant l’inexécution par son cocontractant, dans le contrat distinct de fourniture, de son obligation de mettre à la disposition de son client un matériel informatique efficace.
108De même pour le client d’un garage qui a pris en location avec option d’achat un véhicule automobile par l’intermédiaire d’une compagnie de location. Cette dernière a réglé le prix du véhicule au garage vendeur et en a réclamé les loyers au locataire. Le locataire n’a effectué que le premier versement et a suspendu les remboursements au motif que le véhicule ne lui avait pas été livré. La compagnie de location lui réclame le paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation, ce à quoi le locataire s’oppose. La Cour d’appel le condamne au paiement mais la Haute juridiction227 censure les juges du fond au motif que « si le bailleur n’exécute pas son obligation de délivrer la chose louée, le locataire n’est pas tenu de payer les loyers qui en sont la contrepartie ».
109Il en est de même lorsque les obligations corrélatives ne sont exécutées qu’en partie.
11060 – Inexécution partielle. L’exception d’inexécution peut également être justifiée lorsque l’un des cocontractants n’accomplit que partiellement ses obligations. Il peut s’agir de la faute d’un créancier qui a vendu un immeuble et qui n’a pas effectué la radiation des privilèges et hypothèques grevant le bien antérieurement à la vente228, de la livraison de marchandises non conformes qui permet valablement au débiteur de l’obligation de paiement de réclamer la suspension de l’exécution du contrat229, voire le risque de mettre en péril une entreprise qui peut justifier l’engagement de l’exception230.
111Ainsi, comme dans l’espèce231 où le preneur d’un local à usage commercial, dans une galerie marchande en cours d’aménagement, a demandé la suspension du paiement de son loyer, dont il a procédé à consignation avec réduction de son montant, au motif que le bailleur ne respectait pas ses obligations. Ce dernier assigne son preneur en paiement des loyers impayés et d’une somme prévue par la clause résolutoire insérée dans le bail. Les juges du fond le déboutent mais le bailleur mécontent forme un pourvoi en cassation. Celui-ci est sanctionné par un arrêt de rejet au motif « qu’ayant relevé que (le bailleur) était tenu de faire son affaire personnelle du gardiennage et de l’ouverture sans interruption de la galerie de 9 heures à 21 heures, la cour d’appel, qui a constaté que ce bailleur, depuis l’origine, n’avait pas permis (au preneur) d’exploiter conformément à ces stipulations du bail, a souverainement retenu que ce manquement autorisait le locataire à suspendre le paiement des loyers et apprécié la réduction du loyer qui devait résulter de cette situation ».
112Cet arrêt a suscité d’âpres critiques doctrinales. Des auteurs avertis232, estiment que le locataire n’est pas fondé à retenir une partie du loyer car le bailleur, en vertu de l’article 1244 du Code civil, peut refuser un paiement partiel. Ainsi, dans cette logique, l’exception d’inexécution ne pourrait consister qu’en un refus de payer la totalité du loyer. Cependant, il semble que cet arrêt réserve, au contraire, un juste équilibre au jeu de l’exception d’inexécution. Ainsi, cet arrêt nous enseigne que le preneur qui procéderait à une mauvaise appréciation de la situation et qui utiliserait de manière dolosive l’exception, en refusant le paiement de ses loyers, s’exposerait au refus des juges de consacrer l’exception, voire même au prononcé de la résolution du contrat de bail à ses torts exclusifs233. De ces hypothèses jurisprudentielles ressort le raisonnement des juges qui n’est tourné que vers un mécanisme, celui de l’exception d’inexécution. Pourtant il semble que le fait du créancier puisse jouer un rôle non négligeable dans la justification de ces solutions.
11360bis – Impression d’ensemble. De ces décisions, se dégage une impression de règlement pragmatique des litiges. Comme l’a révélé un auteur, « si les circonstances sont favorables au jeu de l’exception, le juge adopte volontiers la solution que celle-ci impose mais peut-être sans une conscience bien nette de la règle qu’il applique »234. Dans le cadre de l’exception d’inexécution, le fait du créancier n’est pas la cause de l’inexécution puisqu’il lui succède. Le fait du créancier qui va justifier ou paralyser l’exception est la conséquence de l’inexécution. Ce fait du créancier n’est pas clairement mis en évidence par les juges qui parviennent à une solution sans véritablement s’appuyer sur le fondement adéquat. Pour reprendre les mots de M. Talion, la théorie du fait du créancier est « masquée »235 par certaines théories telle que celle de la faute de la victime. Il semble que la théorie de l’exception d’inexécution masque à son tour celle du fait du créancier. A l’heure où une doctrine éminente insiste pour que les remèdes à l’inexécution du contrat soient individualisés, et bien que le fondement premier de ces décisions soit indéniablement celui de l’exception d’inexécution, il semble nécessaire de faire apparaître dans les solutions la référence plus explicite à ce fait du créancier qui revêt une importance déterminante dans le jeu de cette exception. Ce fait du créancier va également intervenir dans la phase d’extinction du contrat lors du prononcé de la résolution.
B/ La résolution contractuelle
11461 – Inexécution. A l’inverse de l’exception d’inexécution, la résolution est une mesure grave sanctionnant l’inexécution par l’un des cocontractants de l’une de ses obligations issues du contrat, ou périphériques à celui-ci, qui a vocation à éteindre la relation contractuelle. En effet, la résolution contractuelle consomme « la faillite de la foi contractuelle »236. Cette institution originale du droit français237 est prévue par l’article 1184, alinéa 2 du Code civil qui autorise « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté (à) demander la résolution avec dommages-intérêts ». Selon l’influence du fait du créancier la résolution sera refusée (a) ou agréée (b).
a/ La résolution refusée
11561bis – Hypothèse. Le choix par le juge de prononcer ou non la résolution de la convention va dépendre des manquements par lui constatés. Ainsi, le créancier-débiteur238 qui agit en résolution, pour sanctionner son cocontractant non diligent, s’expose à l’examen de son propre comportement. En effet, avant de déclarer recevable l’action aux fins de résolution, le juge doit vérifier si le comportement du demandeur n’est pas à l’origine du manquement reproché au débiteur de l’obligation inexécutée239. Depuis 1998240, la jurisprudence autorise même, sous réserve de l’existence d’un comportement grave241, le principe de la résolution unilatérale.
116Dans une première série d’hypothèse, le juge refusera de prononcer la résolution au profit du demandeur lorsque les circonstances de l’espèce permettent de mettre en évidence un manquement de sa part dans l’accomplissement de ses obligations issues du contrat.
11762 – Manquement aux obligations contractuelles. Le créancier qui agit pour résoudre la convention à laquelle il est partie, doit s’assurer au préalable qu’aucun de ses agissements ne pourront lui être reprochés. Il est parfois des créanciers qui, trop sûrs d’avoir respecté leurs obligations contractuelles, voient leur demande en résolution être écartée. Ainsi, dans une espèce où un administrateur d’immeuble a passé commande auprès de la société Olympia d’une machine comptable électronique sur l’instigation de la société SED qu’il avait chargée d’établir les programmes destinés à l’informatisation de sa comptabilité. La machine a été livrée et essayée, mais sa mise en service n’a été effectuée que trois ans plus tard. Lors de cette mise en marche, des pannes ont été signalées donnant lieu à de multiples interventions de la société venderesse. Cette dernière a proposé à son client l’échange de la machine avec soulte contre un appareil plus performant. Le client refusa en assignant la venderesse pour voir prononcer la résolution de la vente à ses torts.
118Les juges du Tribunal de commerce de Paris le déboutèrent de sa demande au motif que « la machine correspondait bien à la commande, qu’elle était en état de fonctionner lors de la livraison ; que le mauvais fonctionnement apparu deux ans et demi après la livraison [...] provenait d’une difficulté d’adaptation de la machine au programme mis sur pied après acquisition ; qu’il appartenait (au client et à la société SED) de concevoir un programme en fonction des capacités de la machine achetée par le premier ou de choisir un autre type de machine pouvant fonctionner avec le programme adopté ». La Cour d’appel242 confirma le jugement entrepris et débouta le client de sa demande en résolution. La faute, du créancier, qui lui est reprochée a été de ne pas concevoir, avec l’aide d’une société sous-traitante, le programme adapté à la machine qu’il avait commandée. Cette charge de concevoir un programme adéquat, à laquelle le client-créancier s’était engagé lors de la formation de la convention, lui coûte le refus du prononcé de la résolution.
119Il en est de même dans le cadre d’un contrat de vente d’un immeuble en l’état de futur achèvement243 ou d’un contrat de tournage d’un film244 dans lesquels sont insérés des clauses résolutoires expresses245.
120En outre, lorsque le comportement du créancier s’avère particulièrement défaillant, la jurisprudence se réserve le droit, non plus simplement de débouter de son action le créancier, mais de retourner246 l’arme de la résolution contre l’auteur de la demande. Ainsi, comme dans l’espèce où après avoir vendu à crédit un immeuble, la société immobilière met en œuvre, par un commandement de payer en avril 1991, la clause résolutoire contenue dans l’acte de vente s’appliquant de plein droit un mois après la mise en demeure restée infructueuse. N’obtenant pas satisfaction, la venderesse saisit le Tribunal compétent en décembre 1991 afin qu’il constate la résolution de plein droit de la vente. Entre-temps, l’acheteur a, en juillet 1991, assigné son vendeur en résolution de la vente pour défaut de conformité de l’appartement vendu. Les juges du fond l’ont débouté de sa demande au motif qu’elle était devenue sans objet, le contrat de vente étant déjà rompu depuis mai 1991, date à laquelle la résolution de plein droit avait été acquise.
121L’acheteur forme un pourvoi en cassation qui permet de soumettre à la Cour la question de savoir si le défaut de délivrance conforme par le créancier de l’obligation de paiement le prive du bénéfice de la clause résolutoire.
122Au visa de l’article 1184 du Code civil la Cour de cassation247 censure l’arrêt d’appel au motif que « la résolution de la vente pour défaut de conformité tendait à l’anéantissement du contrat au jour de sa conclusion et que la clause résolutoire disparaissait avec lui ».
123Ainsi, les juges accordent une priorité de bon sens à la résolution judiciaire réclamée par l’acquéreur. Ils ne sauraient accorder au vendeur le bénéfice de la résolution contractuelle au motif de l’inexécution par l’acheteur de son obligation de paiement alors que lui-même n’a pas exécuté sa propre obligation de délivrance conforme de l’objet de la convention. Dès lors, et en fonction des circonstances de l’espèce, la demande de résolution contractuelle du créancier est paralysée en considération de son fait fautif de ne pas avoir opéré de délivrance conforme. Cependant, la résolution judiciaire du contrat est prononcée au bénéfice de l’acquéreur qui a su valablement opposer la faute de son créancier contractuel.
124Dans une seconde série d’hypothèses, le juge se prononcera au regard du non respect, par le créancier-demandeur à l’action en résolution, d’un ensemble de devoirs périphériques au contrat. Indépendamment du manquement à ses obligations contractuelles, le créancier peut se voir reprocher de ne pas avoir collaboré à l’exécution des obligations du débiteur. La source de ce reproche provient d’un des nombreux devoirs destinés à faciliter l’exécution du contrat par le débiteur de l’obligation, tels que les devoirs de loyauté et de collaboration.
12563 – Loyauté contractuelle. Lorsque le créancier ne respecte pas son devoir de loyauté dans l’exécution de la convention, la jurisprudence sanctionne son attitude contraire à une sorte de règle de comportement contractuel. Ainsi, dans le cadre d’un contrat de bail dont le locataire ne réglait pas les loyers, le bailleur a cru pouvoir délivrer un commandement de payer à son locataire durant ses congés d’été qu’il a signifié en mairie. Cependant, les juges ont unanimement, et avec raison, estimé que le créancier qui réclamait le bénéfice de la clause résolutoire n’avait pas permis à son locataire défaillant de régulariser ses retards de paiement. Au contraire, ils ont pensé que ce bailleur avait manœuvré pour que l’exécution réclamée ne puisse pas être constatée par le juge, obligeant ce dernier à reconnaître la résolution de plein droit. Fort logiquement, le créancier dont la mauvaise foi est découverte voit son action en justice échouer248.
126Il en est de même, dans le cadre d’un contrat de vente assortie d’une rente viagère, lorsque aucun commandement de payer n’a été délivré pendant une longue période, par le vendeur-crédirentier, et que soudainement, du fait de son décès, sa veuve exige de son débirentier qu’il procède au paiement. Confronté à cette volte-face, la Cour de cassation249 refuse au crédirentier le bénéfice de la clause résolutoire.
127Alors même que la loyauté est respectée, il se peut que le défaut de collaboration entre les contractants soit patent. Le créancier réticent à collaborer pour permettre au débiteur d’accomplir sa prestation se voit alors justement reprocher son comportement lorsqu’il agit en résolution.
12863bis – Esprit de collaboration. L’émergence d’un devoir de coopération250 dans l’exécution des conventions est saluée par une partie de la doctrine. Il s’illustre dans les contrats d’entreprise par le devoir incombant au créancier de l’obligation de délivrance de mettre son débiteur en mesure d’exécuter sa prestation en lui fournissant les informations nécessaires à la bonne exécution du contrat. Le client, quant à lui, doit définir précisément ses besoins. Un arrêt précise le contenu de ce défaut de collaboration. Une entreprise avait acheté à un société d’informatique un ordinateur de bureau d’occasion. Le matériel avait été livré et, après aménagement du local destiné à recevoir ce matériel, un premier essai mécanique avait été effectué. Après cet essai, une monitrice-programmeuse de la société venderesse avait été détachée sur place pour la mise en route du système et la formation du personnel. Le mois suivant, plusieurs pannes électroniques sont survenues auxquelles il a été remédié plus ou moins rapidement par la société venderesse. Cependant, le client mécontent refusa de payer le solde de la machine. La venderesse l’assigna en paiement, ce à quoi le client répondit en défense par la demande de la résolution de la vente aux torts de la venderesse.
129Le Tribunal de commerce a débouté le client de sa demande aux motifs que « la mise en route avait été retardée par le seul fait (du client), [...] et que les différents reproches n’étaient pas fondés ».
130Au moyen de son appel, la société cliente prétendait que les fournitures et prestations qui lui avaient été livrées n’étaient pas conformes à celles qui avaient été prévues car la capacité d’enregistrement de la machine se révélait insuffisante.
131La Cour d’appel251 confirma le jugement entrepris au motif que « c’est l’utilisateur qui doit fixer les objectifs à atteindre et, par conséquent, l’ordre de grandeur des données à traiter ; Que lors de l’examen en commun des programmations [...] il aurait été matériellement possible (à la venderesse) d’augmenter encore cette capacité, si cela lui avait été demandé autrement que par une question posée à la monitrice qui n’avait pour rôle que de mettre en marche l’appareil et d’initier les employés [...] à son fonctionnement [...] ; Qu’en réalité, c’est (à la société cliente) qu’il appartenait de demander des explications, dans l’hypothèse ou (elle) se serait estimée incomplètement renseignée sur les contraintes inhérentes à l’utilisation du matériel de comptabilité informatique qu’(elle) envisageait d’acquérir ; [...] Considérant, dans ces conditions, que l’appelante est mal fondée dans sa demande concernant la résolution de la vente ».
132Ainsi, cette société mécontente de la machine achetée se voit reprocher par les juges son manque de collaboration dans la définition de ses besoins. Cette indolence contractuelle est l’illustration d’un fait du créancier qui va bloquer la possibilité de voir prononcer la résolution aux torts de son cocontractant.
133Dans toutes ces hypothèses de manquement à une obligation essentielle du contrat ou à l’un de ces devoirs nouvellement découverts à la charge des contractants, les juges refusent d’octroyer au créancier peu diligent le bénéfice de la résolution. Cependant, il est des situations dans lesquelles le fait du créancier va pouvoir, au contraire, justifier la disparition du contrat.
b/ La résolution agréée
13463ter – Hypothèses prétoriennes. La résolution peut être prononcée soit aux torts exclusifs de l’un des contractants, soit à leurs torts réciproques. Dans les hypothèses de résolution aux torts exclusifs, le contrôle du juge semble plus aisé que lors du prononcé d’une résolution aux torts partagés. En effet, les circonstances sont assez tranchées pour que la solution du litige soit certaine.
135Un médecin anesthésiste a conclu un contrat d’exercice professionnel avec une clinique, par lequel le praticien est autorisé à exercer son activité au sein de l’établissement qui s’engage, en contrepartie, à mettre à sa disposition le personnel et le matériel nécessaires à son activité. Le médecin doit, quant à lui, effectuer un investissement de 350.000 francs (53.357 €) en terme de matériel qu’il doit mettre à la disposition de la clinique et procéder au remboursement des frais réels afférents à son activité à compter du moment où ces frais dépasseraient l’investissement effectué.
136Trois ans plus tard, la clinique avertit le médecin qu’elle va exiger de lui le remboursement de ses frais réels. Le médecin, tout en déclarant accepter le remboursement de ses frais, réclame l’exclusion de certaines dépenses. La clinique décide alors de supprimer l’affectation des personnels d’assistance opératoire et de réveil lorsque le médecin anesthésiste participera à une opération. Le praticien agit en résolution du contrat. La clinique se retranche derrière l’exception d’inexécution. Les juges du fond font droit à la demande du praticien. La clinique forme un pourvoi en cassation pour tenter de justifier son comportement par le jeu de l’exception d’inexécution, le médecin étant en effet à l’origine de l’inexécution par son refus de procéder au remboursement de certains frais.
137La Cour de cassation252 rejette le pourvoi au motif que « la cour d’appel, à qui il appartenait de vérifier que l’inexécution de ses obligations par la clinique était proportionnée à l’inexécution par (le médecin) de ses propres obligations et qui a constaté que la clinique avait délibérément privé celui-ci, [...] de l’assistance du personnel infirmier, pour le contraindre à participer sur les bases qu’elle entendait lui imposer, a pu juger qu’elle avait ainsi commis une faute grave justifiant la résolution du contrat à ses torts ». En l’espèce, la solution ne prête pas à discussion. Le comportement du médecin ne permettait nullement à la clinique de procéder de la sorte. En le privant du support matériel et humain pour assurer le réveil de ses patients, la clinique prenait le risque d’accroître démesurément la responsabilité contractuelle du médecin et de surcroît, mettait en danger la vie des patients.
138Certes, l’établissement était créancier du remboursement des frais réels engagés pour l’activité de ce praticien. Cependant, la faute commise a justement empêché le jeu de l’exception d’inexécution et a justifié la demande en résolution de la convention à ses torts253.
139Il en est de même lorsque le comportement du créancier confine à la dangerosité. La jurisprudence, à cette occasion, a consacré une faculté de résolution unilatérale au motif que « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls »254. Ainsi, le rôle du juge se concentre sur l’attitude du créancier qui rompt unilatéralement le contrat. Ce contrôle n’intervient qu’a posteriori et le juge n’est plus « l’unique gardien »255 du contrat qui est placé sous la bienveillance des contractants. Si les manquements invoqués par le créancier ne se révèlent pas d’une gravité suffisante pour justifier la résolution, il sera sanctionné. C’est toute l’essence de l’expression « à ses risques et périls ». De là, émane l’importance prépondérante de l’analyse par le juge du comportement du créancier, donc des faits ou des fautes qui pourraient lui être imputés pour pouvoir déterminer les torts imputables à chacun des contractants.
14064 – Appréciation des torts. C’est dans les hypothèses de résolution aux torts réciproques que l’appréciation des comportements est la plus délicate. C’est au début du xxème siècle256 qu’apparaît l’expression en jurisprudence. Peu à peu, les juges du fond, constatant que la rupture du contrat était imputable à chacune des parties, prirent la mauvaise habitude de prononcer la résolution, sans justifier, ni expliquer leur solution. Un coup d’arrêt à cette dérive jurisprudentielle fut marqué par deux décisions de 1986257 et 1987258. La chambre commerciale de la Cour de cassation exigea dès lors, de la part des juges du fond, qu’ils motivent leurs décisions sous peine de censure. Ce qui justifie les décisions de censure des juges du fond, c’est l’absence de recherche relative aux comportements des créanciers réciproques. En jurisprudence, deux positions distinctes coexistent dans cette recherche. Soit l’analyse de ces comportements passe par la référence à la causalité, soit celle-ci procède de la mise en évidence d’un manquement fautif.
14164bis – Causalité ou comportement fautif ? La première formule259 développée en jurisprudence est celle qui consiste à censurer les juges du fond qui ont prononcé une résolution aux torts réciproques sans avoir « recherché la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résiliation du contrat et l’importance respective des préjudices subis ». L’exigence de rechercher l’importance respective des préjudices fait privilégier un raisonnement causaliste dans ces décisions.
142La seconde formule dont la jurisprudence fait usage se réfère à l’exigence de l’analyse des comportements fautifs en présence. Ainsi, en est-il d’une espèce dans laquelle l’exploitant d’un commerce de location de pédalos a commandé des prototypes de flotteurs à une société de construction, puis a passé successivement trois commandes de ces flotteurs. L’exploitant invoque des malfaçons, et se heurte à la demande reconventionnelle du fournisseur en résolution du contrat. Les juges du fond, pour débouter l’exploitant de sa demande en versement de dommages-intérêts pour rupture abusive du dernier contrat d’achat de flotteur par son fournisseur, précisent que « ladite rupture est imputable à chacune des deux parties ». La cassation260 est sévère, et précise « qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, ni la gravité des fautes des parties qui ont entraîné la résolution du contrat et la part de responsabilité incombant à chacune d’elles, ni l’importance du préjudice qu’elles ont respectivement subi de ce fait, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
143De ces solutions aux fondements divers, c’est à la doctrine qu’est revenu le rôle de choisir la motivation adéquate.
14464ter – Choix doctrinal. M. Talion opte pour la prévalence de l’analyse causale. En effet, « ce qui compte c’est le non-accomplissement de la prestation et non pas le comportement des parties. En matière contractuelle, il n’y a que le résultat qui compte [...] c’est pourquoi nous trouvons plus satisfaisantes les formules qui imposent aux juges du fond de rechercher si les manquements respectifs avaient causé à chacune des parties un égal préjudice. Le terme de manquement évite le recours ambigu à la faute et l’accent est mis sur la véritable question, qui est de causalité »261. Pour d’autres, « le recours au critère de la gravité des fautes [...] mérite toutefois d’être préféré [...] au regard de sa qualification plus serrée du préjudice à réparer »262.
145En faveur de l’analyse causale, il est certain que la question se posant de la réparation des préjudices en présence, le mode de répartition du poids de la rupture devra s’effectuer en fonction de l’influence causale des comportements en présence. En outre, dans le climat de réparation qui prédomine, la notion de faute n’a que peu de place puisque c’est de l’essence même des mécanismes de responsabilité civile d’avoir recours au filtre de la causalité.
146A l’encontre de l’analyse causaliste, citons les propos mêmes de l’auteur qui la défend. Au regard de l’interprétation jurisprudentielle de l’article 1184 du Code civil qui exige un manquement grave du débiteur, M. Talion précise que « la résolution dite aux torts réciproques est [...] en principe une résolution aux torts prépondérants du débiteur [...] la part de responsabilité à attribuer au créancier ne peut donc pas dépasser la moitié, faute de quoi l’une des conditions fondamentales pour autoriser le juge à prononcer la résolution fait défaut »263. Cette analyse entre en contradiction avec les principes mêmes de la causalité, qui supposent que le dommage puisse être imputé intégralement à l’un des contractants. Ainsi, s’il est nécessaire de ne pas dépasser un seuil de responsabilité, ceci équivaut à ne pas véritablement mener le raisonnement causaliste à son terme. En outre, cette recherche d’un manquement grave n’intervient qu’à titre d’une condition formelle du prononcé de la résolution et non comme une condition de validité de la demande264.
147Y a-t-il alors un choix à opérer entre l’analyse causaliste et celle de la gravité des fautes ? Il semble que la réponse la plus juste soit à rechercher dans l’analyse des auteurs265 qui préfèrent privilégier une combinaison de la causalité et de la faute. Ainsi, ils précisent qu’ « en définitive, il semble qu’il faille distinguer entre deux questions qui devraient être abordées l’une après l’autre par les tribunaux. La première a trait à l’inexécution du contrat : il s’agit ici de déterminer celui ou ceux des manquements, du débiteur et du créancier, qui ont une gravité suffisante pour justifier sa résolution au regard de l’article 1184 du Code civil. La seconde concerne la détermination des dommages-intérêts : leur éventuelle neutralisation dépendra de l’appréciation du comportement respectif des deux parties et du préjudice subi par chacune d’elles. La résolution peut ainsi être justifiée par la gravité du manquement du seul débiteur, et l’allocation des dommages-intérêts dépendra des torts réciproques des deux contractants ». En effet, si le déclencheur de l’action en résolution du contrat par le créancier se trouve dans l’existence même de la convention, il est surtout dans le manquement à l’une des obligations contractuelles. La question de la causalité semble singulièrement réduite à l’examen du contenu des obligations réciproques. Ainsi, puisqu’il y a nécessairement défaillance de l’un des contractants, il semble bien que l’analyse première s’effectue sur la gravité du manquement incriminé, c’est-à-dire sur l’appréciation d’une faute qui permettra de justifier ou de refuser l’action résolutoire. Dans un second temps, les juges, pour apprécier l’étendue de la réparation octroyée, se penchent alors sur les comportements respectifs, c’est-à-dire sur le problème de la causalité. L’analyse du fait du créancier, lorsqu’il permet la consécration de la résolution, passe donc par un schéma de raisonnement en deux temps qui vérifie d’abord les traits de la faute pour s’attacher ensuite à la causalité.
148Le fait du créancier dans le cadre de la responsabilité contractuelle révèle sa particularité tant dans le cadre de l’exception d’inexécution que dans celui de la résolution. Qu’en est-il en matière délictuelle de la spécificité de la faute de la victime ?
§ 2- Les instants délictuels
14965 – Concomitance et alternance. Ordinairement, la jurisprudence sanctionne l’intervention simultanée des fautes de la victime et de l’agent (A). Cependant, par une réaction rigoriste, les juges sanctionnent également les victimes lorsque leur comportement a consisté en une anticipation ou en une réaction fautive (B).
A/ La concomitance des fautes
15066 – Simultanéité. Fréquemment, faute de la victime et faute de l’agent sont contemporaines : les circonstances présentent l’agent et la victime comme ayant commis simultanément une imprudence. Dans ce type de circonstances, il est impossible de dissocier l’importance respective de ces deux fautes car, commises en même temps, elles n’ont pu avoir d’incidence l’une sur l’autre.
151En pratique, ceci peut apparaître comme une hypothèse d’école266. En effet, une faute ne précède t-elle pas, même d’un bref instant, la commission de l’autre faute ? En ce cas, n’y a-t-il pas une influence de l’une des fautes sur l’autre ? En outre, et quand bien même cette notion de concomitance des fautes apparaît fictive, ou pour le moins peu pragmatique, c’est dans cette hypothèse que la doctrine appréhende ces circonstances en alignant les caractères de la faute de la victime sur celle de l’agent fautif de l’article 1382 du Code civil.
15267 – Analyse doctrinale. Dans ces circonstances confuses les caractères respectifs des fautes en présence sont bien difficiles à distinguer.
153Pour certains267, « la faute de la victime s’apprécie selon les mêmes règles que celle du responsable » car « elle a la même nature intrinsèque de transgression que la faute »268. Pour d’autres, cette assimilation est imputable à un manque de rigueur269 des juges en charge des contentieux. Le constat de Starck synthétise clairement la difficulté d’analyse à laquelle est confrontée la jurisprudence, lorsqu’il précise que « toujours est-il qu’en jurisprudence, s’agissant d’appréhender la culpabilité, il n’est fait aucune distinction : la faute de la victime est appréciée de la même façon que la faute de l’auteur lui-même »270
15468 – Assimilation jurisprudentielle. Une seule décision judiciaire271 précise, en substance, que la faute de la victime doit présenter les caractères généraux de la faute. Cette assimilation trouve sa source dans les circonstances de fait que la jurisprudence doit analyser ; la concomitance des fautes respectives ne faisant que masquer ainsi la nature réelle des fautes en présence.
155C’est ainsi, qu’une enfant mineure âgée de huit ans se voit reprocher sa faute qui a consisté à s’approcher d’une balançoire sur laquelle jouait sa camarade. Blessée par le mouvement de balancier elle agit en réparation et la Cour de cassation272 approuve les juges du fond d’avoir partagé par moitié la responsabilité de l’accident. La motivation de l’arrêt est intéressante et précise que : « l’arrêt retient que l’accident résulte de la concomitance de deux faits, le mouvement ascendant d’une extrémité de la balançoire et la présence de l’enfant (victime) [...] qui s’était approchée, alors que la rapidité des mouvements de la balançoire constituait un véritable danger ; [...] dont résulte l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de la mineure (victime) et la survenance de l’accident, la cour d’appel a exactement déduit que celle-ci avait commis une faute, entraînant un partage de responsabilité ».
156Cette motivation révèle l’impossibilité pour les juges de savoir quel est le mouvement, entre le retour de balancier de l’auteur du dommage et celui de la victime de s’être approchée de la balançoire, qui doit être sanctionné. Ainsi, face à l’impossibilité matérielle de trancher plus précisément le cas d’espèce, les juges du fond, avec l’aval de la Cour de cassation, optent pour le partage de responsabilités. De ce raisonnement affleure la confusion qu’opèrent les arrêts, qui consiste bien souvent en l’analyse d’une faute commune aux parties, faisant d’elles des « covictimes »273.
15769 – Coaction. Selon Starck, « on parle, à tort, de faute commune (car) ; il y a en réalité deux fautes distinctes, chacune ayant contribué séparément à provoquer le dommage »274. Cependant, il peut être objecté que, si effectivement en théorie la production des fautes se doit d’être distinguée, ce sont les conduites conjuguées des agents qui produisent le dommage dans un mécanisme d’interactions réciproques. En réalité, la répartition qui s’opère entre la qualité de victime et d’auteur n’est pas en soi un choix puisque parmi « deux agents en puissance [...] le hasard et le rapport des forces choisissent leur victime »275. Dès lors, la distinction entre faute de la victime et faute de l’auteur n’est plus – ou pas – possible au regard des circonstances pratiques. En conséquence, les fautes, qui en elles-mêmes se distinguent, s’apparentent en tous points à celle de l’auteur d’un dommage au sens de l’article 1382 du Code civil et ont donc une nature identique.
15870 – Nature identique. Ainsi, les fautes sont similaires et la faute de la victime doit être traitée comme toute faute puisqu’elle s’apparente à celle de l’auteur du dommage. C’est cette tendance qui caractérise la pratique judiciaire. Il existe une globalisation des fautes qui se perçoit dans les décisions qui procèdent à un partage des responsabilités. Dans ce type de contentieux, chacune des parties cherche à démontrer son innocence dans la survenance du dommage en prouvant la faute de son adversaire. Une répartition s’opère, la part de l’un diminuant d’autant la part de l’autre, ou se répartissant en parts viriles276. L’analyse déjà délicate de la faute de la victime dans l’hypothèse précédente se complique encore lorsqu’il y a eu initiative ou réaction fautive de la victime.
B/ L’alternance des fautes
15971 – Nature duale. L’originalité de la faute de la victime est d’être une faute à double face. Elle sanctionne une faute envers soi-même, ainsi qu’une faute envers autrui. Une autre particularité de cette faute consiste à se révéler soit par l’initiative ou la réaction fautive de la victime.
16072 – Initiative fautive. L’étude de la jurisprudence permet de mettre en évidence que la majorité des situations révèle l’existence d’une initiative fautive de la victime. Cette initiative peut, à l’extrême, exister sans aucune réaction fautive du gardien de la chose277.
161Le droit n’a alors pas à intervenir lorsque la victime se cause, par sa seule faute, un dommage. S’il existe des contentieux en la matière, la jurisprudence refuse, dans ces hypothèses, toute réparation278.
162Cependant, il en est différemment si la victime peut demander réparation de son dommage à une tierce personne, qui en matière délictuelle se trouve être principalement le gardien de la chose. La victime cherche alors à dénier sa responsabilité en arguant qu’aucun dommage n’a résulté de sa faute. Le gardien, quant à lui, excipera de ce que la faute préalable de la victime résulte d’un défaut de prévision. En effet, lorsqu’il est reproché à la victime une initiative fautive, les juges arguent d’un manque d’anticipation au regard des circonstances.
163En pratique, la faute de la victime peut se matérialiser par une négligence qui fournira un terrain propice à la production d’un dommage279.
164Mais, elle peut aussi consister en un acte qui, non fautif par lui même, le deviendra parce que la faute postérieure du gardien pouvait être prévue. Cette hypothèse peut être illustrée par la faute de celui qui accepte de monter dans un véhicule alors qu’il sait que le conducteur est en état d’ivresse. La victime verra la réparation de son dommage limitée ou exclue, car elle a négligé la faute probable, ou potentielle, que pouvait commettre le conducteur ivre280.
165Parfois même, la jurisprudence refuse toute indemnisation à la victime car son attitude a consisté à enfreindre une disposition pénale. C’est le cas de la victime transportée clandestinement281. Dans cette hypothèse, la faute initiale de la victime a consisté à utiliser un véhicule d’autrui à son insu, mais surtout à accepter, en quelque sorte, l’éventualité ou le risque qu’une faute du conducteur lui cause un dommage. La jurisprudence, parfois sur la base d’une motivation très étrange282, estime que le voyageur clandestin ne peut demander réparation consécutivement à l’accident survenu au cours du transport283. Cependant, il est possible d’arguer contre ce courant jurisprudentiel, que pour que la faute de la victime revête le caractère d’une faute de prévision, il est nécessaire que la faute postérieure ait pu être normalement pressentie. Est-ce le cas d’un passager clandestin ? Pouvait-il prévoir la future faute de son conducteur ? La jurisprudence a répondu par l’affirmative mais la question de la cohérence du raisonnement reste discutable. Il s’avère en effet possible d’expliquer ce type de solution beaucoup plus par référence à l’illicéité de la situation qu’au regard des mécanismes propres à la faute de la victime.
16673 – L’illicéité sanctionnée. C’est par deux arrêts récents que la Cour de cassation montre explicitement son inclinaison quant à la sanction du caractère illicite d’une activité pour révéler le comportement fautif de la victime. Cet élément d’illicéité supplante celui de la faute de la victime dans le raisonnement de la Haute Juridiction.
167Par un premier arrêt284, la Cour de cassation a refusé tout droit à réparation à l’égard des ayants droit de la victime d’un meurtre qui se livrait habituellement à un trafic de caméscopes volés. Pour M. Jourdain285, « la Cour de cassation, qui a toujours marqué sa volonté de contrôler la légitimité de l’intérêt à agir des victimes – et donc la légitimité du préjudice – n’hésite pas, on le sait, à leur refuser toute réparation lorsque le dommage est subi à l’occasion d’activités ou de situations illicites », et de continuer : « Le sentiment qui semble se dégager de l’observation de la jurisprudence est que le refus de réparation résulte d’un lien entre l’illicêité de la situation ou de l’activité de la victime et le dommage ».
168Cette analyse est confortée par un arrêt286 assez similaire. En l’espèce, les juges du fond avaient indemnisé une femme de ménage, au titre d’un accident du travail, en prenant en compte l’intégralité de ses revenus, y compris ceux que lui procurait la partie de son travail non déclaré. La Cour procède à une cassation expéditive au motif qu’« une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites ».
169Dans ces deux espèces, la Cour de cassation aurait pu opter pour l’analyse des fautes respectives des victimes287. D’une manière directe, la jurisprudence utilise ce critère d’illicéité comme un moyen de passer outre l’exigence de qualification nécessaire à la mise en évidence de la faute de la victime, et y supplée par une analyse moraliste288 du comportement incriminé. En outre, par le prisme de l’illicéité la jurisprudence opère « une confusion entre le droit et l’action et entre les conditions de recevabilité et de bien fondé de l’action en réparation. En effet, on affirme parfois que l’indignité de la victime la prive d’intérêt légitime à agir en réparation. Or, la dignité de la victime, ou si l’on préfère la licéité de son préjudice, n’est qu’une condition du bien-fondé de l’action et pas une condition de sa recevabilité »289.
170Ainsi, l’illicéité concentre le faisceau du raisonnement, et suffit à elle seule pour exclure ou minorer290 le droit à indemnisation de ces victimes qui se sont rendues responsables par leurs comportements qui se situent en marge de la loi pénale. Dans certaines hypothèses, les victimes ne sont pas en infraction avec les dispositions légales mais vont se voir sanctionnées lorsque leur faute n’est pourtant que la matérialisation d’une réaction fautive.
17174 – Réaction fautive. En pratique, il est assez rare que la victime s’expose volontairement à un dommage sans qu’un fait préalable ne lui en fournisse l’occasion. Il est alors essentiel de mesurer l’influence de ce fait sur le comportement de la victime pour déterminer l’existence potentielle d’une faute de sa part. Au regard de ce fait, il y a une réaction de la victime. Cette réaction, qui peut parfois être regardée comme fautive, est la conséquence de la faute du gardien de la chose. En quelque sorte, la conduite du gardien, et plus largement celle de l’agent, créent une situation qui rend possible la survenance d’un dommage. Dans cette hypothèse, la jurisprudence a subi l’influence des théories anglo-saxonnes de la « proximate cause » et de la « Last clear chance »291, dans leurs vocations de « techniques de recherche du responsable »292.
172Il est en effet quelques arrêts293 qui ne retiennent que la dernière faute alors qu’une première faute avait été indéniablement commise. L’incidence de ces théories peut également apparaître dans la pratique des tribunaux qui « tout en s’efforçant de mesurer le plus justement possible la répercussion de la première faute sur celle de la victime, ont incontestablement tendance à partager la poire en deux, non pas tellement en fonction de la succession des fautes que proportionnellement à leur gravité respective »294. Il en est ainsi dans le cas d’un cycliste qui ne prête pas attention à une portière laissée imprudemment ouverte295.
173La jurisprudence procède également au partage ou à l’exclusion de la responsabilité du gardien lorsque la victime, sans connaître l’existence de la première faute, pouvait connaître les conséquences qui en résulteraient296. Ce courant jurisprudentiel comporte une part de vérité. En effet, lorsqu’une première faute a créé les conditions de la survenance d’un dommage mais qu’une deuxième personne, capable d’apprécier la situation, a provoqué sa réalisation, elle peut être tenue pour partie responsable de son propre dommage297. Cependant, cette analyse ne vaut que pour mettre en évidence le lien causal entre les fautes et le dommage. Ce qu’omet de faire la jurisprudence, par l’assimilation erronée de la faute de la victime à la faute de l’auteur d’un dommage, c’est d’établir au préalable un lien de causalité entre les fautes de chacun des participants. En effet, toute solution devrait au préalable tenir compte de l’obligation, pour l’auteur de la première faute, de prévoir les conséquences dommageables de ses agissements sur autrui. Dès lors, la faute de la victime prend une coloration très particulière. L’imminence du dommage est telle, que le comportement de la victime s’apparente, dans bien des cas, à un réflexe conditionné qui pourtant est considéré comme fautif(298. Le paradoxe peut encore s’accentuer. Si le dommage est évité, aucune responsabilité n’est engagée alors même qu’une première faute est matérialisée. En revanche, si un préjudice en résulte, la jurisprudence procède à l’analyse de la responsabilité de la victime. Fort heureusement, la jurisprudence ne reproche pas aux victimes leur aptitude à réagir promptement pour tenter d’éviter la survenance du dommage299. L’ensemble de ces éléments constitutifs de la faute de la victime illustre la spécificité de la responsabilité des victimes à qui l’on peut reprocher un comportement fautif.
17475 – Conclusion Chapitre I. Tant en matière contractuelle avec le fait du créancier, qu’en matière délictuelle avec la faute de la victime, il existe des critères distinctifs qui devraient permettre à la jurisprudence de distinguer ces notions et, ainsi, d’accomplir son travail de différenciation entre les régimes de responsabilité civile.
175Le fait du créancier est conçu comme un simple événement modifiant la position du débiteur. Ce fait lorsqu’il devient fautif consiste pour le créancier à réclamer de son débiteur l’exécution de sa prestation alors qu’il a lui même manqué à ses obligations. La faute de la victime consiste, quant à elle, à reprocher à cette dernière un manquement envers soi-même qui va grever le montant des réparations réclamées. Cependant, dans certaines zones d’achoppement, telles que la garantie des vices cachés, l’obligation de sécurité ou l’acceptation des risques, un climat de confusion est entretenu par la jurisprudence dans un souci de pragmatisme. Il est vrai qu’appliquer de manière méthodique un concept clairement identifié nécessiterait de prendre une décision qui ne correspondrait pas à une logique de bonne justice. Ainsi, il existe en apparence une confusion des concepts qui s’avère, en réalité, nécessaire pour accorder aux juges une marge de souplesse.
176En outre, il existe entre ces concepts exonératoires des ressemblances qui conservent cependant des traits particuliers à chaque régime de responsabilité.
177Le fait – ou la faute – du créancier va pouvoir bloquer ou justifier le prononcé de l’exception d’inexécution ou de la résolution de la convention. La faute de la victime intervient soit de manière concomitante, soit de manière alternative dans les circonstances accidentelles. Le trait commun de ces concepts est stigmatisé par leur intervention temporelle. Pour une meilleure compréhension de ces mécanismes, il est nécessaire de procéder à l’analyse pratique de leur fonctionnement.
Notes de bas de page
30 Expression consacrée par C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux 1975, p. 11.
31 Pour l’Aude d’ensemble de l’exigence de distinction des deux ordres de responsabilité civile v. A. Brun, Rapport et domaine des responsabilités contractuelle et délictuelle, Thèse, Lyon, 1931 ; M. Espagnon, La règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle en droit français, Thèse, Paris I, 1980 ; J. Huet, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, Essai de délimitation des deux ordres de responsabilité, Thèse, Paris II, 1978 et N. Martine, L’option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, Thèse, Caen, 1955.
32 C. Robin, La mora creditons, RTD civ. 1998, p. 607, v. spéc. p. 609 et H. Rolland, Lexique juridique, Expressions latines, Carré droit, éd., Litec, 1999, p. 111, V° Mora.
33 C. Robin, La mora creditoris, eod. op., et de préciser que « cette situation temporaire d’expectative cesse dès que le débiteur peut s’exécuter et mettre fin à son obligation contractuelle. Le créancier est invité à permettre au débiteur de se libérer. Les moyens dont il dispose habituellement pour reprocher son inexécution au débiteur sont paralysés même si le débiteur reste tenu de son obligation ».
34 Loi 32, pr. De usuris 22, 1, rédigé par Marcien, cité par C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 214, n° 716, note 678.
35 R. Demogue, Traité des obligations en général, II, Effets des obligations, Tome VI, Paris, éd., A. Rousseau, 1931, n° 231 ; v. également A.-E. Giffard, Droit romain et ancien droit français. Les obligations, 4ème éd., par R. Villers, Dalloz, 1976, p. 347, n° 487.
36 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, ed. LGDJ, 2002, p. 215, n° 717, qui précise que « l’attitude passive peut difficilement en soi constituer une faute de la part du créancier et l’absence de justification constituerait une preuve diabolique si elle était à la charge du débiteur. Il semble plus cohérent d’exiger du créancier qu’il justifie son refus. S’il succombe dans cette tâche, il sera en demeure ».
37 C. Robin, La mora creditoris, Ibid, qui précise que « la situation de mora constitue une question de fait à résoudre au cas par cas par le juge ».
38 C. André, Le fait du créancier contractuel, op. cit., p. 5, n° 10.
39 Le texte essentiel est le paragraphe 276 du BGB qui dispose que « Sauf dispositions contraires, le débiteur est tenu de répondre de son fait intentionnel ou de sa négligence. Agit avec négligence celui qui n’applique pas la diligence requise par la pratique commerciale ».
40 Pour l’étude d’ensemble de cette notion v. infra p. 94, n° 78 et s. Voir également pour l’étude de cette obligation mise en perspective avec le fait du créancier contractuel C. André, Le fait du créancier contractuel, p. 35 note 34, p. 233 à 236, n° 777 à 785.
41 Affaire Staniford c/ Lyall, 1830, 7 Bing 169, citée par S. Reifegerste, Pour une obligation de minimiser le dommage, Préface H. Muir-Watt, PUAM, 2002, p. 35, n° 29 et 30. La première décision qui va asseoir le principe est celle du juge Cockburn, Frost c/ Knight, 1872, 7 Ex., 111 qui précise que « lors de l’évaluation des dommages et intérêts pour inexécution du contrat, un jury, sans doute, tiendra compte de tout ce que le demandeur aura fait, ou avait les moyens de faire et, en tant qu’homme prudent, aurait dû faire pour que sa perte soit diminuée », citée par Ch. André, Le fait du créancier contractuel, eod. op., p. 233, n° 778, note 735.
42 En substance D. Houtcieff, Le principe de cohérence en matière contractuelle, Thèse, PUAM, 2001, p. 728, n° 954. v. également H.-A. Schwarz-Liebermann von Wahlendorf, Éléments d’une introduction à la philosophie du droit, LGDJ, 1976, p. 70, pour qui la cohérence est « une notion fondamentale du droit, elle (est) métajuridique ».
43 Pour l’étude d’ensemble de la théorie de l’Estoppel, v. J. Dargent, Une théorie originale du droit anglais en matière de preuve : la doctrine de l’estoppel, Thèse, Grenoble, 1943 ; H. Muir-Watt, Pour l’accueil de l’estoppel en droit français, Mélanges Y. Loussouarn, éd., Dalloz, 1994, p. 303 ; A. Martin, L’estoppel en droit international public, précédé d’un aperçu de l’estoppel en droit anglais, Préface de M. Virally, éd., Pédone, 1979 et O. Moréteau, L’estoppel et la protection de la confiance légitime, Thèse, Lyon, 1990.
44 V. récemment, Cass. 1ère civ., 6 juillet 2005 : JurisData n° 2005-029326, pour l’application de la règle de l’estoppel à un plaideur qui, ayant participé pendant 9 ans à une procédure arbitrale, est déclaré irrecevable à prétendre que la juridiction saisie « aurait statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ».
45 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 241, n° 801, qui estime que « les effets du waiver et ceux du fait du créancier contractuel sont analogues ».
46 C. André, Le fait du créancier contractuel, op.cit., p. 239, n° 795.
47 Voire infecté !
48 Principes UNIDROIT, adoptés à Rome en 1994 par l’institut international pour l’unification du droit privé.
49 Ce vocable est utilisé aux fins de désigner l’ensemble des textes composant le corps de droit civil français même s’il est à noter qu’originellement cette expression désignait l’ensemble de la compilation de Justinien comprenant le Code, le Digeste, les Institutes et les Novelles, cf. H. Rolland, Lexique juridique, Expressions latines, Carré droit, éd., Litec, 1999, p. 28, V° Corpus juris civilis.
50 L’article 2037 du Code civil issu de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 précise, que : « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution ».
51 Dans le cadre de l’inexécution d’une obligation d’aliments, l’article 207, alinéa 2 du Code civil précise que « Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ».
52 Au titre des dommages et intérêts résultant de l’inexécution d’une obligation contractuelle, l’article 1147 du Code civil condamne le débiteur « s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
53 Dans le domaine de la condition résolutoire et dans l’hypothèse que l’une des parties à la convention ne satisfait pas à son engagement, l’article 1184, alinéa 2 du Code civil permet à « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, [...] de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ».
54 Ces deux articles ont pour domaine le contrat de vente. L’article 1610 du Code civil permet à l’acheteur de demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession de l’objet de la vente en cas de retard imputable au vendeur. L’article 1633 du Code civil permet, quant à lui, de garantir l’acheteur d’un risque d’éviction et oblige le vendeur à procéder au paiement du prix de la vente au jours de l’éviction ce qui inclut l’augmentation du prix par rapport au jour de la vente.
55 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 209, n° 698.
56 D. Talion, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ. 1994, p. 223, v. spéc. p. 229, n° 19. V. dans le même sens, J. Carbonnier, Droit civil, Tome 4, Les obligations, PUF, Thémis droit privé, 22éme éd., 2000, p. 310, n° 163, qui estime que « la situation évoque un peu ce qu’est la faute de la victime dans la responsabilité extracontractuelle ».
57 Pour l’étude d’ensemble de l’exception d’inexécution v. infra, p. 69, n° 57 et s.
58 Pour la confrontation du fait du créancier à la résolution v. infra, p. 76, n° 61 et s.
59 B. Fages, Le comportement du contractant, Préface de J. Mestre, PUAM, 1997, p. 258, n° 483, qui utilise cette formulation à propos de la « matière contractuelle ».
60 Pour le texte de l’article 2037 du Code civil, v. supra p. 38, n° 22, note (47).
61 Le terme de « décharge » est utilisé pour respecter la volonté du législateur qui a opté pour l’emploi de cette notion dans l’article 20.37 du Code civil. Cette étude permettra de démontrer qu’il s’agit non pas d’une décharge de la caution mais de la caducité du contrat de cautionnement, v. infra, p. 270, n° 288 et s.
62 M. Planiol, Études sur la responsabilité civile : Première étude. Du fondement de la responsabilité, Revue critique de législation et de jurisprudence, 1905, p. 277, v. spéc. p. 287. Voir également D. Baroncéa, Essai sur la faute et le fait du créancier, Thèse, Paris, 1929, p. 175, qui précise que « même s’il n’y a pas, au sens étroit du mot, une faute, il y a, en tout cas, un fait du créancier, qui doit libérer le débiteur ».
63 CA Paris, 8 juin 1976 : JCP 1977, II, 18579, obs. M. Boitard et J.-C. Dubarry.
64 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 268, n° 884.
65 D. Talion, Pourquoi parler de faute contractuelle ?, Mélanges Gérard Cornu, 1995, p. 429, v. spéc. p. 438.
66 Talion, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ. 1994, p. 223, v. spéc. p. 231, n° 24.
67 D. Talion, La résolution du contrat aux torts réciproques, Mélanges Charles Freyria, éd., Ester, 1994, p. 231, v. spéc. p. 237, n° 13.
68 F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 564 et 565, n° 584.
69 Article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, relative à la prévention et au règlement des difficultés des entreprises.
70 Article L. 341-1 du Code de la consommation, issu de l’article 102 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions.
71 Pour une espèce dans laquelle la faute du créancier a justifié qu’il soit débouté de sa demande en paiement dirigée contre la caution v. Cass. com., 26 juin 2001 : Gaz. Pal. 2001, pan. jur. p. 12. Une banque, bénéficiaire d’un cautionnement pour toutes les sommes que pourrait devoir une société, après avoir déposé une plainte à la suite de la connaissance qu’elle avait acquise des agissements frauduleux du gérant de la société, avait escompté, quinze jours après, des lettres de change tirées par la société. Cette banque qui n’a pas agi avec prudence, a commis une faute aggravant le passif social d’une créance qui n’aurait pas existé si la banque avait cessé ses relations commerciales en temps utiles. Les juges de la Cour de cassation estiment qu’il existe un lien de causalité entre cette faute et le préjudice de la caution tenue de garantir cette créance, justifiant sa décharge.
72 En ce sens Cass. com., 31 mai 1994 : RJDA 1994, p. 871, n° l 129 ; Cass. com., 5 décembre 1995 : RJDA 1996, p. 336, n° 456 ; Cass. 1ère civ., 16 juillet 1998 : JCP 1999, II, 10000, note B. Fages ; v. également pour la même hypothèse dans la relation créancier-débiteur CA Paris, 22 juin 2001 : D. 2002, jur. p. 843, note C. Coulon. V. récemment Cass. 3ème civ., 28 septembre 2005 : Inédit, Pourvoi n° 04-14.882, Arrêt n° 1022, pour la faute d’un bailleur d’avoir provoqué l’expulsion du preneur durant le délibéré du juge en charge de statuer sur la résiliation du contrat.
73 Cass. 1ère civ., 12 mai 2004 : JurisData n° 2004-023677.
74 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 250, n° 830.
75 Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, p. 489, n° 833.
76 G. Durry, L’irremplaçable responsabilité du fait des choses, Mélanges François Terré, Dalloz, 1999, p. 707, v. spéc. p. 714, qui cite G. Viney dans sa conclusion générale du colloque du Mans en 1996.
77 A. Tunc, La responsabilité civile, Economica, 2ème éd., 1990, p. 97, n° 119.
78 M. Planiol, Études sur la responsabilité civile : Première étude. Du fondement de la responsabilité, Revue critique de législation et de jurisprudence, 1905, p. 277, v. spéc. p. 287.
79 Ph. le Tourneau, La verdeur de la faute dans la responsabilité civile (ou de la relativité de son déclin), RTD civ. 1988, p. 505.
80 H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome II / Premier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 466, n° 453.
81 P. Esmein, La faute et sa place dans la responsabilité civile, RTD civ. 1949, p. 481, n° l.
82 M. Planiol, Études sur la responsabilité civile : Première étude. Du fondement de la responsabilité, op. cit., p. 277, v. spéc. p. 283 qui précise que « Le mot faute est un protée ; il représente une notion à formes multiples, et quiconque 1 emploie passe sans s’en apercevoir d’une catégorie à une autre, en parlant toujours de faute, mais ne parlant plus de la même espèce de faute ».
83 Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, p. 40, n° 53 ; H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome II / Premier volume, Obligations, Théorie générale, op. cit., p. 451, n° 443 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 695, n° 718 ; G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 322, n° 443 ; B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Obligations, 1- Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème éd., 1996, p. 134, n° 267.
84 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 51.
85 F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 694, n° 718.
86 Cass. civ., 27 février 1951, dit arrêt Branly : D. 1951, chron. p. 119, J. Carbonnier. Le principe posé par cet arrêt précise que « la faute prévue par les articles 1382 et 1383 du Code civil peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif ».
87 V. en ce sens Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/rapportcatalaseptembre2005.pdf, v. spéc. Titre III, Des obligations, Sous-titre II - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386, Chapitre 2 - Des conditions de la responsabilité, Section 2. Dispositions propres à la responsabilité extra-contractuelle, § 1- Le fait personnel, p. 155, Art. 1352 al. 2 : « Constitue une faute la violation d’une règle de conduite imposée par une loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de prudence ou de diligence ».
88 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, op. cit., p. 53.
89 Le Code de la route pose des règles qui, au civil, peuvent ne concerner que les victimes d’accident. Pour exemple l’article R. 53-1 al. 2, issu du Décret du 27 décembre 1991 précise que « le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, en circulation, pour les conducteurs et passagers des véhicules automobiles ».
90 L’article 1382 du Code civil précise que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
91 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 58.
92 Cass. 2ème civ., 27 janvier 2000 : Resp. civ. et assur. 2000, com. n° 116, qui précise que la victime qui pilotait un tricycle à moteur « en s’engageant sur l’autoroute dont l’accès lui était interdit, a commis une faute [...] de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation ». La Cour de cassation sanctionne explicitement la victime pour avoir enfreint l’article 14 du Code de la route et implicitement pour avoir manqué à l’obligation de veiller à sa propre sécurité.
93 Cass. 2ème civ., 8 mars 1995 : Bull. civ., II, n° 82. En l’espèce, un aide bénévole est monté, pour nettoyer un tableau, sur une chaise qui s’est effondrée sous son poids. La Cour de cassation, en conformité avec l’appréciation des juges du fond, qui avaient partiellement exonéré de sa responsabilité le gardien de la chose, rejette le pourvoi au motif que « la victime n’avait pas vérifié que cette chaise était en état de supporter un homme de 84 kilogrammes debout » qu’ainsi elle avait commis « une faute en négligeant de veiller à sa propre sécurité ».
94 G. Légier, Droit civil, Les obligations, Droit privé, Mémento Dalloz, 17ème éd., 2001, p. 147 ; Ph. le Tourneau et L. Cadiet ; Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2002/2003, p. 1198, n° 6706 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, p. 42, n° 54 ; H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome Il/Premier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 458, n° 448 ; B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Obligations, 1- Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème éd., 1996, p. 37, n° 56 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 701, n° 729.
95 En substance, N. Dejean de la Bâtie, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, Thèse, Paris, LGDJ, 1965, p. 19, n° 18.
96 M. Haller, Essai sur l’influence du fait et de la faute de la victime sur son droit à réparation, Thèse, Paris 1926, p. 147.
97 Cass. 2ème civ., 16 juillet 1953 : JCP éd. G 1953, II, 7792, note R. Rodière. En l’espèce, les juges du fond avaient retenu, au regard d’un certain nombre de circonstances, la faute d’un homme qui, en entrant dans un café, était tombé dans une trappe dissimulée par une chaise. Cassation de l’arrêt au motif « qu’il ne résulte nullement que la victime ait manqué à l’attention que l’on pût être en droit d’exiger, en pareille circonstance, de tout homme doué d’une prudence ordinaire ».
98 v. infra p. 85 et s., n° 65 et s.
99 F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Précis Dalloz, Collection droit privé, 4ème éd., 1998, p. 209, n° 263.
100 F. Collait Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrais civils et commerciaux, eod. op.
101 Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Contrats spéciaux, Cujas, 12ème éd., 1998/1999, par P.-Y. Gautier, p. 240, n° 380, qui précise que « depuis environ 1950, [...] les tribunaux ont élaboré un important droit prétorien tendant à conférer une sécurité presque absolue au consommateur ».
102 L’article 1721, alinéa 1er du Code civil pose en la matière qu’« il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ».
103 L’article 1891, du Code civil précise que « Lorsque la chose prêtée a des défauts tels, qu’elle puisse causer du préjudice à celui qui s’en sert, le prêteur est responsable, s’il connaissait les défauts et n’en a pas averti l’emprunteur ».
104 L’article 1792, alinéa 1er du Code civil dispose que « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
105 En substance, F. Collait Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, op.cit., p. 210, n° 266 ; v. également dans le même sens Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Contrats spéciaux, eod. op., p. 239, n° 378.
106 F. Collait Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, op. cit., p. 211, n° 268.
107 V. récemment Cass. 3ème civ., 2 mars 2005 : JurisData n° 2005-027284, qui refuse de voir dans des traces noirâtres apparues sur la façade d’un immeuble après un ravalement un vice caché rendant le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.
108 F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Précis Dalloz, Collection droit privé, 4ème éd., 1998, p. 217, n° 274 optent pour la terminologie de vice caché ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Contrats spéciaux, Cujas, 12ème éd., 1998/1999, par P.-Y. Gautier, p. 247, n° 390, préfèrent quant à eux analyser le caractère occulte du vice.
109 Cet article précise que « Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
110 Ces actions étaient connues du Droit romain sous la désignation d’Actio redhibitoria et d’Actio de quanti minoris ; en ce sens H. Rolland, Lexique juridique, Expressions latines, Carré droit, éd., Litec, 1999, p. 4, V° Actio redhibitoria et p. 154, V° Quanti minoris.
111 Cass. 1ère civ., 8 janvier 1991 : JCP éd. N 1991, II, p. 200, obs. L. Leveneur ; v. déjà en ce sens Cass. 3ème civ., 16 novembre 1988 : Bull, civ., III, n° 164 et pour la dernière décision publiée v. Cass. 3ème civ., 26 février 2003 : Bull, civ., III, n° 53 ; contra Cass. 3ème civ., 4 février 2004 : Resp. civ. et assur. 2004, com. n° 146, note H. Groutel, pour une espèce dans laquelle la Cour de cassation considère que la présence d’insectes xylophages doit s’analyser en un vice caché, car leur présence n’était décelable qu’« à condition de pénétrer dans les combles, visite qualifiée par l’expert d’acrobatique » ; Cass. 3ème civ., 25 mai 2004 : JurisData n° 2004-023836, pour une espèce dans laquelle la présence de capricornes est qualifiée de vice caché puisqu’elle a été dissimulée aux acquéreurs. Pour une hypothèse similaire dans le cadre de la vente d’un véhicule automobile d’occasion v. Cass. 1ère civ., 13 mai 1981 : Bull, civ., I, n° 165.
112 Cass. 1ère civ., 26 janvier 1966: Bull, civ., I, n° 66. En l’espèce, un agriculteur avait acheté un tracteur à l’état neuf à un fabricant de matériel agricole. Deux mois plus tard il est retrouvé écrasé sous ce tracteur. Une expertise a révélé que la tige et la barre de direction du véhicule portaient chacune une soudure, dont l’une avait cédé ; que deux jours avant l’accident, un réparateur avait procédé à la rectification à chaud de la biellette de direction tordue par un choc violent. Les ayants droit de la victime ont agi en résolution de la vente sur le fondement des vices cachés. Les juges du fond les ont débouté de leur demande. La Cour de cassation rejette leur pourvoi au motif que « les juges du second degré ont, sans renverser la charge de la preuve, estimé, [...] que rien ne permet [...] d’affirmer que l’accident soit dû à la présence du vice caché de la direction du tracteur ».
113 Cass. 1ère civ., 3 juillet 1985 : Bull, civ., I, n° 210 pour du tanin vendu à un viticulteur et ayant communiqué au vin une odeur désagréable. Les juges du fond accueillent la demande en garantie du revendeur professionnel contre son fournisseur. La Cour de cassation censure au motif que : « Si le vendeur professionnel est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables du vice caché, [...] l’acquéreur, également vendeur professionnel, qui a effectivement décelé ce vice après la livraison ne peut se faire garantir par son propre vendeur des conséquences de la faute qu’il a commise en revendant le produit en connaissance de cause », et de continuer : « Attendu que l’arrêt attaqué, qui a souverainement estimé que l’odeur anormale du tanin était décelable, postérieurement à la livraison, lors de l’ouverture des tonnelets pour la mise en sachets de doses destinées à la vente aux viticulteurs, a ainsi caractérisé la faute commise par (le revendeur professionnel) et ne pouvait condamner (son fournisseur) des conséquences dommageables de cette faute ».
114 Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 : Contrats, concurrence, consommation, 1992, n° 197 obs. L. Leveneur, pour des bulbes de glaïeuls contaminés par un champignon ayant provoqué des dégâts dans les cultures de l’acquéreur. La faute de ce dernier a consisté à ne pas les traiter. L’action rédhibitoire engagée en remboursement du prix et dommages-intérêts voit ceux-ci réduits à proportion de la faute du pépiniériste.
115 Cass. com., 5 février 1985 : Bull, civ., IV, n° 48 pour le produit de revêtement mural toxique qui a été appliqué à l’intérieur d’un magasin par un maçon professionnel qui n’avait pas scrupuleusement observé les recommandations du fabricant. L’appel en garantie est rejeté au regard de ce comportement.
116 F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Précis Dalloz, Collection droit privé, 4ème éd., 1998, p. 218, n° 277.
117 F. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, op.cit., p. 217, n° 275.
118 Expression de A. Bénabent, obs. sous Cass. 1ère civ., 21 mars 2000 : Defrénois, 2000, art. 37242, p. 1176, n° 77. En matière de vice caché, la mise en évidence d’un lien de causalité entre le défaut et le dommage se confond avec la mise en évidence du caractère occulte du vice, v. en ce sens J. Ghestin, obs. sous Cass. com., 15 mars 1976 : JCP 1977, II, 18632.
119 Cass. 1ère civ., 21 mars 1962 : Bull, civ., I, n° 274 ; v. également pour un défaut d’entretien Cass. 1 civ., 23 octobre 1974 : D. S. 1975, jur. p. 424. En l’espèce, l’acheteur d’une bétonnière a été blessé à la suite de l’élévation inopinée du chargeur de la machine. Il n’est pas contesté que cet accident est dû à la présence d’un morceau de métal dans le carter étanche du différentiel, qui, venu se coincer entre les dents de certains engrenages, les a bloqués, entraînant ainsi la mise en action du mécanisme destiné à assurer la remontée du chargeur. Les juges du fond ont accueilli la demande en garantie du vice caché mais ont limité la responsabilité de la société venderesse au motif que « l’expert avait constaté que la bétonnière [...] avec son chargeur et son tambour (étaient) rouilles et de triste allure [...] que ces détériorations étaient dues à la négligence de l’acheteur ». Un pourvoi en cassation est introduit par l’acheteur mécontent qui est rejeté au motif que les juges du fond « ayant ainsi relevé qu’indépendamment du vice dont elle était affectée, cette machine avait subi une dépréciation par le fait de (l’acquéreur), alors qu’il en était encore propriétaire et qu’il poursuivait la résolution de la vente, de ce matériel, contre restitution du prix, les juges d’appel ont pu décider la réduction de celui-ci dans une proportion qu’ils ont souverainement fixée ».
120 Cass. 2ème civ., 26 mars 1985 : Bull, civ., II, n° 79 ; déjà en ce sens Cass. 2ème civ., 5 décembre 1974 : Bull, civ., II, n° 327, pour l’hypothèse d’un accident mortel survenu à un homme qui, brûlant des herbes à l’aide d’un appareil atomiseur dorsal, a vu le feu se communiquer à ses vêtements. Les juges du fond, saisis par les ayants droit de la victime d’une action en réparation de leurs préjudices intentée contre le fabricant de l’appareil, sont approuvés d’avoir retenu la responsabilité du fabricant aux motifs que les brûlures de la victime étaient dues à l’imprégnation de ses vêtements par le carburant devenu inflammable, et qu’une grave défectuosité présentée par le dispositif prévu par le constructeur à la sortie du réservoir était à l’origine de l’imprégnation des vêtements qui prirent feu. Cependant, la cassation est prononcée en ce que la Cour d’appel a fixé dans la proportion où elle l’a fait, les responsabilités respectives du fabricant et de la victime, sans répondre aux conclusions du fabricant qui soutenait que la victime « avait substitue au lance-flamme d’origine un lance-flamme avec embout d’un diamètre plus petit, sur lequel il avait fixé tant bien que mal le tuyau ».
121 J. Huet, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ, 2ème éd., 2001, p. 332, n° l1382.
122 Cass. com., 17 février 1976 : JCP 1976, II, 18482, note Ph. Malinvaud, pour une espèce dans laquelle des dommages ont été subis du fait de la rupture d’un pivot de flèche d’un camion-grue lors des opérations de déchargement d’une presse mécanique. Les juges du fond imposent à l’entrepreneur d’indemniser le propriétaire-victime. Ce dernier engage une action contre le fournisseur du pivot. Sa demande en garantie est écartée dès lors que l’entrepreneur spécialiste de transport de matériel lourd avait utilisé un matériel de fabrication ancienne et avait eu recours, pour se procurer la pièce à un revendeur de pièces de rechange d’occasion tout en négligeant de procéder à des essais préalables en charge, ce qui constituait une faute qui lui était imputable. Pour une critique de cette solution, v. J. Huet, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les principaux contrats spéciaux, op. cit., p. 332, n° l1383 note 774, qui précise que « la décision paraît injustement sévère car la pièce, qui était d’occasion, avait été vendue pour neuve à l’acquéreur ».
123 Cass. 1ère civ., 11 février 1997 : D. 1997, jur. p. 535 note C. Mouloungui ; v. contra CA Paris, 6 novembre 1963 : Gaz. Pal., 1964, l,p.314 ;D. 1964, jur. p. 253 en l’espèce, le défaut de graissage du moteur d’une automobile n’a pas été considéré comme un vice caché car il « était possible au conducteur [...] de se rendre compte par la surveillance des instruments de bord de l’échauffement anormal du moteur » et « qu’il aurait pu, en arrêtant la marche de son véhicule, éviter le coulage des bielles et toutes les conséquences qui s’en sont suivies ».
124 C. Mouloungui, note sous Cass. lère civ., 11 février 1997, D. 1997 jur. p. 535.
125 C. Mouloungui, note sous Cass. 1 civ., 11 février 1997 : op. et loc. cit. ; v. également J. Huet, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ, 2ème éd. 2001, p. 331, n° 11382, qui précise qu’« il est rare qu’une faute de l’acquéreur soit retenue à son encontre, et cela s’explique aisément : car, en présence d’un défaut de la chose dûment établi, la demande en rédhibition ou en réduction du prix pourra difficilement se heurter à un tel argument, et si un dommage est résulté de l’utilisation de la chose, le défaut de celle-ci expliquera généralement à lui seul cette conséquence fâcheuse ».
126 Cass. 1ère civ., 18 mars 1986 : Bull, civ., I, n° 75. En l’espèce, un particulier fait installer par une société de surveillance, un système d’alarme par sirène pour protéger sa villa contre le vol. Des cambrioleurs ont pénétré par effraction dans la villa sans que le système d’alarme ne se déclenche. L’acquéreur agit en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés. La Cour de cassation fait droit à sa demande en déduisant le caractère occulte du vice du changement par la société de surveillance du boîtier d’alarme qui n’avait pas lieu d’être si ledit boîtier était en parfait état de marche ; v. également pour des décisions similaires Cass. Ière civ., 5 novembre 1996 : D. 1997, som. com., p. 348, obs. O. Tournafond, relatif à l’incendie d’un véhicule automobile du fait de la défaillance d’un système électrique et Cass. 1 civ., 15 juillet 1999 : Contrats, concurrence, consommation, décembre 1999, p. 11, n° 175. En l’espèce, le vice caché est présumé du fait de l’incendie d’un camion frigorifique peu ancien et de faible kilométrage.
127 Cass. 3ème civ., 4 juin 1996 : JurisData n° 1996-002289 pour une espèce dans laquelle un bateau a brûlé, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir décidé un partage de responsabilité. La raison de l’exonération partielle du vendeur a été qu’il appartenait aux préposés de l’acquéreur, notamment à son pilote, de prendre toutes les mesures de sécurité utiles lors de l’arrêt du bateau. Or, les juges du fond avaient constaté que ces préposés avaient fermé le bateau à la fin des essais sans avoir actionné le coupe-circuit de batterie. Les juges du fond ont donc pu en déduire l’existence, à la charge de l’acquéreur, d’une faute de négligence de nature à exonérer le vendeur d’une partie de sa responsabilité. Pour un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation qui dans les mêmes circonstances retient une solution inverse, v. Cass. 1ère civ., 28 mars 1995 : Bull, civ., I, n° 149, alors qu’en l’espèce, l’acheteur n’avait pas pris une mesure que semblait recommander la prudence : s’équiper d’un extincteur susceptible de limiter les conséquences d’un incendie éventuel.
128 O. Tournafond, obs. sous Cass. 1ère civ., 5 novembre 1996, D. 1997 som. Com. p. 338 ; v. également dans le même sens C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 88, n° 275 qui précise que « la première Chambre civile de la Cour de cassation semble même disposée à manifester systématiquement son indulgence à l’égard des acheteurs ».
129 J.-L. Halpérin, La naissance de l’obligation de sécurité, Gaz. Pal. 1997, 2, Numéro spécial, La naissance de l’obligation de sécurité, p. 1176, qui précise que « pour l’historien, la naissance de l’obligation de sécurité apparaît plus globalement liée à la révolution des transports caractéristiques du xixème siècle, c’est à dire au transport de masse de voyageurs ».
130 Cour royale de Paris, 20 juin 1836 : D. Dalloz, Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence, Paris, 1858, Tome XXXIX, V° Responsabilité, p. 410, n° 544. La Cour précise que « les entrepreneurs de messageries contractent avec les voyageurs l’engagement de garantir la sûreté de leurs personnes de tous accidents, provenant, soit de la faute des préposés desdits entrepreneurs, soit d’un vice inhérent à leur voiture ».
131 C. Sainctelette, De la responsabilité et de la garantie - Accidents de transport et de travail, éd., Bruylant-Christophe & Comp., Bruxelles, Librairie A. Marescq, Ainé, Paris, 1884, Chapitre IV, p. 87 « Le transport des personnes forme l’objet d’un contrat [...] ; par ce contrat, le voiturier se rend garant de la sûreté du voyageur pendant le voyage et du chef de ce voyage ».
132 Cass. civ., 21 novembre 1911 : S. 1912, 1, p. 73, note Ch. Lyon-Caen ; D. 1913, 1, p. 249, note L. Sarrut.
133 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 330 ; v. également J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, Thèse Lyon, 1962, Préface de R. Nerson, Bibliothèque de Droit privé, Tome 67, LGDJ, Paris 1965, p. 12, n° 20, qui précise que « comme toute découverte, la réalité a précédé l’exposé ».
134 Ph. le Tourneau et M. Leroy, Contrat et obligations. Classification des obligations, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat et l’obligation de sécurité, Editions du Juris-Classeur Civil, 2002, Fasc. 20-1, p. 3, n° 8.
135 J. Béllissent, Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. A propos de l’évolution des ordres de responsabilité civile, Préface de R. Cabrillac, Bibliothèque de droit privé, Tome 354, éd. LGDJ, 2001, p. 54, n° 84, qui précise que « dès lors qu’il est admis que l’obligation générale de prudence et de diligence - ou son pendant, l’obligation de ne pas nuire - existe en matière délictuelle, rien ou presque n’interdit sa transposition à la matière contractuelle ».
136 Sans être exhaustif, pour les premières décisions qui étendent le domaine d’application de l’obligation de sécurité aux exploitants d’établissements hôteliers v. CA Lyon, 24 juin 1920 : D. 1922, 2, p. 40 ; aux exploitants de centres équestres v. CA Lyon, 1er avril et 21 octobre 1922 : D. 1924, 2, p. 51 ; aux exploitants de jeux forains v. Trib. com. Vienne, 26 avril 1927 : D. H. 1927, p. 363 ; aux exploitants d’établissements thermaux v. CA Paris, 25 juin 1935 : D. 1936, 2, p. 14, note H. Lalou ; aux exploitants d’établissements de restauration ou de débits de boissons v. CA Colmar, 15 février 1936 : S. 1937, 2, p. 147 et aux exploitants de remontées mécaniques v. CA Grenoble, 11 mars 1941 : D. C. 1943, p. 143, note H. Desbois.
137 L. Josserand, Le contrat et la loi. L’essor moderne du concept contractuel, Recueil d’études sur les sources du droit en l’honneur de François Gény, Tome II, Librairie Edouard Duchemin, Paris, 1977, p. 333, v. spécialement p. 341 et 342 qui précisent que « Si dans [...] différents domaines, le droit délictuel a conservé intacte sa souveraineté traditionnelle, dans d’autres directions il a dû reculer devant les progrès réalisés par la responsabilité contractuelle, grâce à l’incorporation, dans le contrat, d’autorité et pour ainsi dire de vive force, d’une obligation absolue de sécurité garantissant l’intégrité de la personne ».
138 J. Béllissent, Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. A propos de l’évolution des ordres de responsabilité civile, Préface de R. Cabrillac, Bibliothèque de droit privé, Tome 354, éd. LGDJ, 2001, p. 261, n° 587.
139 R. Demogue, Traité des obligations en général, Paris, éd., Rousseau, 1925, vol. I, Sources des obligations, Tome V, p. 538 et 544, n° 1237 et 1932, vol. II, Effets des obligations, Tome VI, p. 644, n° 599. Certains auteurs ont préféré à cette terminologie celle d’obligation de résultat et d’obligation de pure diligence v. notamment A. Tunc, La distinction des obligations de résultat et des obligations de diligence, JCP 1945,1, 449 ; réédité in Jalons dits et écrits d’André Tunc, éd., Société de législation comparée, 1991, p. 135, v. spécialement p. 137, n° 5 ; v. également H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome II/ Premier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 13, n° 21 et p. 369, n° 377, qui optent pour la terminologie voisine d’obligations déterminées et d’obligations générales de prudence et diligence.
140 P. Esmein, L’obligation et la responsabilité contractuelle, Études offertes à Georges Ripert, Le droit privé français au milieu du xxème siècle, Tome II, LGDJ, Paris, 1950, p. 101, v. spéc. p. 111, v. également M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, Tome VI, Obligations, Première partie par P. Esmein, LGDJ, 2ème éd., 1952, p. 499, n° 378ter ; et Ph. Rémy, obs. sous Cass. lère civ., 10 janvier 1990 : RTD civ. 1990, p. 517, v. spéc. n° 9, p. 519, qui précise que « L’échelle des obligations a plus de deux degrés ! On ne sait s’il est encore temps de se défaire d’une habitude intellectuelle contractée il y a un demi-siècle, et transmise à tous les étudiants de seconde année qui reçoivent cette belle summa divisio comme un adepte du Tao reçoit le yin et le yang. Mais il n’est jamais trop tard pour réfléchir » ; v., enfin, É. Savaux, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1, v. spéc. p. 12, n° 19.
141 En ce sens, J. Béllissent, Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. A propos de l’évolution des ordres de responsabilité civile, Préface de R. Cabrillac, Bibliothèque de droit privé, Tome 354, éd. LGDJ 2001, p. 312, n° 690, v. Contra Y. Lambert-Faivre, Droit du dommage corporel - système d’indemnisation, Précis Dalloz, Collection droit privé, 4ème éd., 2000, p. 493, n° 351, qui précise que « la matrice historique des obligations de sécurité est le domaine contractuel ».
142 Expression de D. R. Martin, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur
http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/rapportcatalaseptembre2005.pdf
Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Exposé des motifs, Diverses espèces d’obligations (art. 1144 à 1151), p. 38.
V. pour la rédaction du nouvel article 1149, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), eod. op., Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Sous-titre I - Du contrat et des obligations conventionnelles en général, articles 1102 à 1326-2), Chapitre III - De l’effet des conventions, Section 3 - De diverses espèces d’obligations (articles 1144 à 1151), p. 89 : Art. 1149 « L’obligation est dite de résultat lorsque le débiteur est tenu, sauf cas de force majeure, de procurer au créancier la satisfaction promise, de telle sorte que, ce cas excepté, sa responsabilité est engagée du seul fait qu’il n’a pas réussi à atteindre le but fixé. L’obligation est dite de moyens lorsque le débiteur est seulement tenu d’apporter les soins et diligences normalement nécessaires pour atteindre un certain but, de telle sorte que sa responsabilité est subordonnée à la preuve qu’il a manqué de prudence ou de diligence ». V. cependant, au sein du groupe de travail sur la responsabilité civile, pour la proposition d’une autre formulation de l’article 1149, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Ibid, v. spéc. Titre III, Des obligations, Sous-titre II - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386, Chapitre 2 - Des conditions de la responsabilité, Section 3. Dispositions propres à la responsabilité contractuelle, p. 160, note 44. Cette rédaction est la suivante :
« L’obligation est de résultat lorsque le débiteur s’engage à atteindre le but défini par le contrat. L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage seulement à fournir les soins et diligences normalement nécessaires à la réalisation de ce but. Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à certains contrats dont les effets à cet égard sont expliqués sous les titres qui les concernent ».
143 Pour un avis unanime de la doctrine en ce qui concerne ce forçage du contrat, qui consiste, selon Ph. Rémy, à faire « entrer prétoriennement dans le contrat une obligation à laquelle l’une des parties au moins n’entendait sans doute pas s’astreindre » in La responsabilité contractuelle : histoire d’un faux concept, RTD civ. 1997, p. 323, v. spéc. p. 337, n° 18. Mécanisme stigmatisé pour la première fois par L. Josserand, note sous Cass. req., 19 août 1929 : D. P. 1930, 1, p. 25, et du même auteur, Le contrat dirigé, D. 1933, chron., p. 89.
144 J. Carbonnier, Droit civil, Tome 4, Les obligations, PUF, Thémis droit privé, 22ème éd., 2000, p 78, n° 29.
145 Pour illustration de l’obligation de sécurité de moyens qui pèse sur la société organisatrice d’un rallye automobile, v. Cass. 1ère civ., 25 janvier 2005 : JurisData n° 2005-026633 ; pour l’organisateur de cours d’alpinisme, v. Cass. 1ère civ., 10 mars 1992 : Bull, civ., I, n° 80 ; de cours de ski, v. Cass. 1ère civ., 9 février 1994 : Bull, civ., I, n° 61 ; d’apprentissage du pilotage de quad, v. Cass. 1ère civ., 30 juin 2004 : JurisData n° 2004-024479 ; sur l’exploitant d’un parc zoologique, v. Cass. 1ère civ., 30 mars 1994 : Bull, civ., I, n° 134 ; JCP 1994, I, 3773, n° 4, obs. G. Viney ; sur l’exploitant d’un parc de loisir, v. Cass. 1 civ., 12 avril 2005 : JurisData n° 2005-028053 ; d’un club d’U.L.M., v. Cass. 1ère civ., 29 novembre 1994 : Bull, civ., I, n° 351 ; d’un club de vol en parapente, v. Cass. 1ère civ., 5 novembre 1996 : JCP 1998, I, 144, n° 2, obs. G. Viney, v. Contra Cass. 1ère civ., 21 octobre 1997 : RTD civ. 1998, p. 116, obs. P. Jourdain ; JCP éd., G 1998, II, 10103, note V. Varet, arrêt qui fait peser sur l’organisateur d’un vol en parapente une obligation de résultat, et pour le dernier état de la jurisprudence qui fait peser sur le moniteur de sport dangereux une obligation de moyens renforcée v. Cass. 1ère civ., 16 octobre 2001 : JCP 2002, II, 10194, note C. Lièvremont ; d’exploration de cavité souterraine, v. Cass. 1ère civ., 17 juin 1997 : RTD civ. 1998, p. 116, obs. P. Jourdain ; d’activités équestres, v. Cass. 1ère civ., 11 mai 1999 : Resp. civ. et assur. 1999, com. n° 274 ; Cass. 1ère civ., 22 juin 2004 : JurisData n° 2004-024325 et n° 2004-024326 ; pour l’exploitant de station thermale ou touristique accueillant des personnes âgées tenu d’une obligation de moyens renforcée, v. CA Aix-en-Provence, 21 novembre 2000 : JurisData n° 2000-131865, solution avalisée par l’arrêt de rejet Cass. 1ère civ., 8 février 2005 : JurisData n° 2005-026879.
146 Pour illustration de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’exploitant d’un manège de balançoire, v. Cass. 1ère civ., 18 février 1986 : RTD civ. 1986, p. 770, obs. J. Huet ; d’un toboggan aquatique, v. Cass. 1ère civ., 28 octobre 1991 : Bull, civ., I, n° 289 ; RTD civ. 1992, p. 397, obs. P. Jourdain ; d’une piste de bob-luge, v. Cass. 1ère civ., 17 mars 1993 : D. 1995, som. p. 66, note J. Mouly ; sur l’établissement de soins qui utilise des produits sanguins sans en vérifier l’innocuité, v. Cass. 2ème civ., 21 avril 2005 : JurisData n° 2005-028163 ; sur la clinique dans laquelle un patient a contracté une infection nosocomiale, v. Cass. 1 civ., 21 juin 2005 : JurisData n° 2005-029039.
147 P. Jourdain, obs. sous Cass. 1ère civ., 4 novembre 1992 : RTD civ. 1993, p. 364, v. spéc. p. 368 ; également du même auteur, Le fondement de l’obligation de sécurité, Gaz. Pal. 1997, 2, Numéro spécial, La naissance de l’obligation de sécurité, p. 1196, v. spéc. p. 1198 ; Y. Lambert-Faivre, Fondement et régime de l’obligation de sécurité, D. 1994, chron. p. 81, v. spéc. p. 84 ; Ph. le Toumeau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 632, n° 2795 ; D. Mazeaud, Le régime de l’obligation de sécurité, Gaz. Pal. 1997, 2, Numéro spécial, La naissance de l’obligation de sécurité, p. 1201, v. spéc. p. 1203, n° 10 ; G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 486, n° 554.
148 C. Bloch, L’obligation contractuelle de sécurité, Préface de R. Bout, PUAM, 2002, passim, p. 166, n° 286 et p. 168, n° 290 ; L. Cadiet, Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation, Mélanges Pierre Drai, Le juge entre deux millénaires, Dalloz, 2000, p. 495, v. spéc. p. 503 à 506 ; J. Carbonnier, Droit civil, Tome 4, Les obligations, op. cit., p. 520, n° 295 ; P. Jourdain, Le fondement de l’obligation de sécurité, op. cit., v. spéc. p 1200 ; Ph. le Toumeau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, op. cit., p. 633, n° 2799 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, p. 469, n° 812 ; G. Viney, La naissance de l’obligation de sécurité, Rapport de synthèse, Gaz. Pal. 1997, 2, Numéro spécial, La naissance de l’obligation de sécurité, p. 1212, v. spéc. p. 1216 ; v. cependant Contra R. Nerac-Croisier, Soliloque sur la responsabilité du transporteur de personnes, D. 1995, chron. p. 35, v. spéc. p. 38 qui se prononce en faveur d’une obligation de résultat atténuée.
149 Cass. 1ère civ., 1er juillet 1969: Bull, civ., I, n° 260; RTD civ. 1970, p. 184, obs. G. Durry ; JCP 1969, II, 16091, concl. Lindon, obs. M. Boitard et A. Rabut.
150 Cass. 1ère civ., 21 juillet 1970 : Bull, civ., I, n° 246 ; D. 1970, jur. p. 767, note R. Abadir.
151 Cass. 1ère civ., 7 mars 1989 : D. 1991, jur. p. 1, note Ph. Malaurie ; Gaz. Pal., 1989, 2, p. 632, note G. Paire ; RTD civ. 1989, p. 548, obs. P. Jourdain. L’attendu de principe précise que « L’obligation de sécurité consistant à conduire le voyageur sain et sauf à destination, résultant de l’art. 1147 C. civ., n’existe à la charge du transporteur que pendant l’exécution du contrat de transport, c’est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en descendre ; [...] qu’en dehors de l’exécution du contrat de transport, la responsabilité du transporteur à l’égard du voyageur est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle ».
152 P. Jourdain, obs. sous Cass. 1ère civ., 7 mars 1989 : RTD civ. 1989, p. 548, v. spéc. p. 549, et par le même auteur, L’obligation de sécurité (A propos de quelques arrêts récents), Gaz. Pal. 1993, 2, doctrine, p. 1171, v. spéc. p. 1172.
153 Pour la propositon d’un critère de délimitation de l’obligation de sécurité v. J. Huet, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, Essai de délimitation des deux ordres de responsabilité, Thèse, Paris II, 1978, p. 335, n° 363, qui précise : « Lorsqu’une partie subit un préjudice à l’occasion de la convention, mais dans des conditions de fait où pourrait se trouver identiquement un tiers, on est en dehors du cadre de cette convention et la responsabilité encourue est de nature délictuelle ».
154 Pour la démonstration du particularisme de chacune de ces notions v. supra, p. 34 et s., n° 14 et s.
155 En ce sens, P. Jourdain, obs. sous Cass. 1ère civ., 7 mars 1989 : RTD civ. 1989, p. 548, v. spéc. p. 550 et J. Béllissent, Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. A propos de l’évolution des ordres de responsabilité civile, Préface de R. Cabrillac, Bibliothèque de droit privé, Tome 354, éd. LGDJ, 2001, p. 195, n° 383.
156 D. Mazeaud, Le régime de l’obligation de sécurité, Gaz. Pal. 1997, 2, Numéro spécial, La naissance de l’obligation de sécurité, p. 1201, v. spéc. p. 1203, n° 12.
157 Cass. com., 7 février 1949 : JCP 1949, II, 4959, obs. R. Rodière ; D. 1949, jur. p. 377, note F. Derrida ; v. également pour un arrêt qui exprime de manière plus explicite cette obligation de moyens Cass. 1ère civ., 8 octobre 1963 : Bull, civ., I, n° 420 ; RTD civ. 1964, p. 305, obs. A. Tunc.
158 Cass. 1ère civ., 8 octobre 1968 : D. 1969, jur. p. 157, note J. Mazeaud ; JCP 1969, II, 15745, obs. W.R. En l’espèce, un usager d’un remonte-pente a été blessé à la tête au cours de la montée et a été retrouvé inanimé. L’exploitant de la remontée mécanique a été reconnu entièrement responsable de l’accident au motif que pèse sur lui « une obligation déterminée de sécurité ».
159 Cass. 1ère civ., 11 mars 1986 : RTD civ. 1986, p. 767, obs. J. Huet. La Cour de cassation déclare fondé l’arrêt qui a débouté de sa demande en réparation une jeune femme qui avait emprunté le télésiège avec un enfant de quatre ans et demi, lequel s’était affolé au moment de sauter à terre sur l’aire d’arrivée, croisa ses skis, ce qui le fit tomber et se casser une jambe. Dans le même sens, v. Cass. 1ère civ., 4 novembre 1992 : Bull, civ., I, n° 277 ; RTD civ. 1993, p. 364, obs. P. Jourdain. Pour une espèce dans laquelle une personne qui avait pris place sur un remonte-pente fut victime, à l’arrivée, d’un accident dans lequel elle eut le doigt d’une main arraché.
160 Cass. 1ère civ., 11 juin 2002 : Bull, civ., I, n° 166. En l’espèce, l’usager d’un télésiège, après avoir relevé le garde-corps conformément aux indications portées sur des panneaux disposés à une trentaine de mètres de l’aire de débarquement, est tombé sur le sol douze mètres avant celle-ci et qu’il a été grièvement blessé. L’exploitant du télésiège est reconnu responsable du dommage car l’accident est survenu au cours du transport, dans la phase préliminaire de débarquement.
161 En ce sens ph le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 452, n° 1935.
162 B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Droit civil. Les obligations, 2- Contrat, Litec, 5ème éd., 1995, p. 453, n° 1091, qui précisent que « cette jurisprudence n’est pas à l’abri de la critique. Les accidents qui surviennent au cours des évolutions des auto-tamponneuses sont dus, en grande partie, à l’activité des clients. Les chocs sont recherchés, ils constituent l’essence, l’agrément ( ?) de ce jeu. Des accidents inhérents à ces chocs ne sauraient être mis à la charge de l’exploitant ».
163 V. en ce sens, Cass. 1ère civ., 2 novembre 1972 : D. 1972, jur. p. 713, note G. C.-M. En l’espèce, un client a eu l’avant-pied droit broyé entre le rail de protection disposé le long du trottoir bordant la piste d’un manège et le pare-choc avant d’une auto-voiturette. Sa responsabilité est entièrement retenue pour n’avoir pas respecter l’interdiction de descendre sur la piste du manège ; CA Paris, 8 avril 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, som. p. 323, pour une hypothèse dans laquelle la responsabilité de la victime est entièrement retenue pour être descendue d’une auto-tamponneuse alors que toutes les autos n’étaient pas immobilisées.
164 Cass. 1ère civ., 18 février 1986 : Bull, civ., I, n° 32 ; RTD civ. 1986, p. 770, obs. J. Huet, pour un arrêt dans le cadre d’un accident mortel subi par une jeune fille tombée d’une balançoire qui précise que « l’exploitant d’un manège de balançoire est, pendant le jeu, tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de ses clients ».
165 CA Pau, 22 octobre 1992 : JCP éd., G 1993, IV, 889. Lorsque le manège est destiné à de très jeunes enfants, l’obligation de sécurité joue également à l’égard de son accompagnateur. La présence d’un adulte pour contracter avec l’exploitant, acheter le ticket et placer l’enfant sur le manège est nécessaire, puisque le règlement et l’organisation du jeu ne prévoient pas que l’exploitant assume lui-même l’installation des enfants et les aide à quitter le manège. La responsabilité de l’exploitant a été, en l’espèce, retenue à l’égard de la mère qui a fait une chute et s’est blessée sur le plateau du manège où elle récupérait sa fille de quatre ans.
166 G. Viney, Le déclin de la responsabilité individuelle, Bibliothèque de droit privé, Tome 53, éd. LGDJ, 1965.
167 Dans le sens je la négation de la responsabilité contractuelle v. Ph. le Toumeau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 198, n° 809 ; L. Leturmy, La responsabilité délictuelle du contractant, RTD civ. 1998, p. 839 ; Ph. Rémy, Critique du système français de responsabilité civile, Droit et cultures, Revue semestrielle d’anthropologie et d’histoire, éd. L’Harmattan, 1996/1, p. 31, et du même auteur, La responsabilité contractuelle : histoire d’un faux concept, RTD civ., 1997, p. 323 ; É. Savaux, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1 ; D. Talion, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ. 1994, p. 223, et du même auteur, Pourquoi parler de faute contractuelle ?, Mélanges Gérard Cornu, 1995, p. 429. Pour la défense de la notion de responsabilité contractuelle v. C. Larroumet, Pour la responsabilité contractuelle, Études offertes à Pierre Catala, Le droit privé français à la fin du xxème siècle, éd. Litec, mai 2001, p. 543 et G. Viney, La responsabilité contractuelle en question, Mélanges Jacques Ghestin, éd. LGDJ, 2001, p. 921.
168 P. Jourdain, obs. sous Cass. 1ère civ., 4 novembre 1992 : RTD civ. 1993, p. 364, v. spéc. p. 366 ; Ph. le Toumeau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 624, n° 2745.
169 C. Bloch, L’obligation contractuelle de sécurité, Préface de R. Bout, PUAM, 2002, p. 107, n° 156 et p. 109, n° 160 ; C. Lièvremont, note sous Cass. 1ère civ., 16 octobre 2001 : JCP 2002, II, 10194, v. spéc. p. 2235, n° 7.
170 P Cabrol, La sécurité des loisirs, Petites affiches, janvier 2001, n° 6, p. 8, v. spéc. p. 13 et 14 ; v. dans le même sens Y. Lambert-Faivre, Fondement et régime de l’obligation de sécurité, D. 1994, chron. p. 81, v. spéc. p. 85.
171 En ce sens, P. Jourdain, L’obligation de sécurité (A propos de quelques arrêts récents), Gaz. Pal. 1993, 2, doctrine, p. 1171, v. spéc. p. 1174.
172 En ce sens, A Sériaux, La faute du transporteur, Thèse Aix, 1982, Économica, 2ème éd., 1998, p. 26, n° 33 ; et pour une illustration jurisprudentielle v. Cass. 1ère civ., 17 février 1987 : JCP éd., G 1988, II, 21082, obs. M. M. En l’espèce, l’usager d’une télébenne a été victime d’une chute. L’exploitant est reconnu responsable mais n’est condamné à réparer qu’un tiers du préjudice de la victime qui avait « prématurément décroché la chaîne de sécurité tandis que les autres passagers de la télébenne se contentaient de préparer leur skis et leurs bâtons ».
173 En ce sens P. Esmein, L’idée d’acceptation des risques en matière de responsabilité civile, RID comp. 1952, p. 683 ; G. Durry, L’adéquation des notions classiques du droit de la responsabilité au fait sportif Les problèmes juridiques du sport : responsabilité et assurance, Economica, 1984, p. 24.
174 Pour un exemple v. Cass. 2ème civ., 16 février, 15 et 20 mars 1956 : D.S. 1956, jur. p. 445, note R. Savatier. La Cour de cassation affirme que « l’acceptation des risques par la victime d’un dommage, ne saurait, en matière extracontractuelle, avoir l’effet d’une convention de non responsabilité ».
175 Ph. le Tourneau et l. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 439, n° 1892.
176 J. Honorat, L’idée d’acceptation des risques dans la responsabilité civile, Bibliothèque de droit privé, Tome 98, éd. LGDJ, 1969, p. 222, n° 177, qui précise que « L’individu qui volontairement et pour son propre profit s’expose au danger créé par l’animal ou la chose ne figure pas parmi ceux que la loi a eu en vue en instituant une responsabilité sans faute ».
177 E Agostini, obs sous Cass 2ème civ., 5 juin, 1985 . jcp 1987, II, 20744.
178 F. Terré, ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 709, n° 738, qui précisent que ce « recul de la culpabilité trouve sa source dans une sorte de permission implicite, qui suffit le plus souvent à l’expliquer et porte même à considérer, non seulement que certaines violences sont justifiées, mais même que certaines maladresses [...] perdent leur caractère critiquable ».
179 G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 517, n° 573-l ; v. également dans le même sens H. Groutel, L’acceptation des risques : dérapage ou décollage ?, Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 16, v. spéc. p. 4 ; Ph. le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 439, n° 1893.
180 Pour une première application en demi-teinte dans le cadre d’un cours de ski de randonnée durant lequel un participant décède des suites d’une chute mortelle, v. CA Paris, 26 février 1982 : D. 1984, som. com., p. 188, obs. J.-P. Marty. Pour un attendu beaucoup plus explicite, v. Cass. 2ème civ., 8 mars 1995 : JCP éd., G 1995, II, 22499, note J. Gardach. En l’espèce, le propriétaire d’un voilier, a fait naufrage lors d’une régate avec ses coéquipiers qui ont tous péri noyés. Les héritiers et ayants droit des victimes agissent en réparation du préjudice subi du fait de leur décès accidentel. Le second moyen développé dans le pourvoi visait à contester le refus par les juges du fond de voir appliquer la théorie de l’acceptation des risques. L’argumentation était osée puisqu’elle précisait que « l’acceptation par les équipiers d’un voilier de course du risque d’une avarie ou d’un naufrage implique inévitablement l’acceptation du risque de noyade, donc de mort ». La Cour de cassation rejette sévèrement le pourvoi, et précise que « si les membres de l’équipage avaient accepté les risques normaux et prévisibles d’une compétition en mer de haut niveau, ils n’avaient pas pour autant accepté le risque de mort qui, dans les circonstances de la cause, constituait un risque anormal ».
181 Cass. 2ème civ., 5 décembre 1990 : Bull, civ., II, n° 258. En l’espèce, au cours d’une séance d’entraînement de boxe française un pratiquant porta un coup de pied au visage de son adversaire, qui, assommé par le coup, tomba et se blessa. Les juges du fond condamnent l’auteur du dommage à réparer le préjudice de la victime. La Cour de cassation censure au motif que « la boxe française est un sport de combat à risque et que la victime s’était blessé en tombant sur le sol, sans caractériser de faute volontaire contraire à la règle du jeu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ; v. également Cass. 2ème civ., 10 juin 2004 : JurisData n° 2004-024136 ; JCP éd., G 2004, II, 10175, note F. Buy, pour le comportement d’un joueur de polo jugé non fautif par l’arbitre mais qui est sanctionné par les juges aux motifs que « le principe posé par les règlements organisant la pratique d’un sport, selon lequel la violation des règles du jeu est laissée à l’appréciation de l’arbitre chargé de veiller à leur application, n’a pas pour effet de priver le juge civil, [...] de sa liberté d’apprécier si le comportement de ce dernier a constitué une infraction aux règles du jeu de nature à engager sa responsabilité » ; Cass. 2ème civ., 21 octobre 2004 : JurisData n° 2004-025278, pour le refus de la Cour de cassation de reconnaître la faute d’un rugbyman qui a évité le placage de l’un de ses adversaires, ce dernier se blessant en retombant lourdement sur le dos ; Cass. 1ère civ., 16 novembre 2004 : JurisData n° 2004-025628, en matière de sport de combat tel le karaté où « l’existence de contact entre les protagonistes [...] (n’est) pas nécessairement fautif » ; Cass. 2ème civ., 13 janvier 2005 : JurisData n° 2005-026446, pour l’absence de faute « caractérisée par une violation des règles du jeu » d’un gardien de but, qui dégageant au pied le ballon est venu heurter la tempe d’un joueur adverse ; v. enfin Cass. 2ème civ., 13 janvier 2005 : JurisData n° 2005-026447, pour l’application de ce même principe pour un heurt entre joueurs de football.
182 TGI Périgueux, 26 mars 2002 : Gaz. Pal. 2002, som. p. 12. En l’espèce, un joueur de football excédé par le manque de fair-play de l’équipe adverse, qui ne respectait pas la règle non écrite selon laquelle on interrompt volontairement le jeu en poussant la balle en touche pour permettre de prendre soin d’un joueur blessé, a voulu stopper la progression vers le but d’un joueur adverse, et l’a taclé sévèrement. Le tribunal sanctionne ce joueur qui « en taclant sévèrement (la victime) a outrepassé les règles du jeu puisque son attitude a justifié que l’arbitre siffle un penalty qui sanctionnait une faute contre le jeu » ; Cass. 2 civ., 23 septembre 2004 : JurisData n° 2004-024903, D. 2005, jur. p. 551, note B. Brignon, pour la blessure d’un karatéka par un coup porté à l’œil qui matérialise, de la part de son adversaire « une faute caractérisée par une violation des règles de ce sport » ; v. également Cass. 2ème civ., 22 septembre 2005 : JurisData n° 2005-029771, pour le dommage subi, lors de l’effondrement de la mêlée, par un rugbyman qui en l’absence d’une « faute caractérisée par une violation des règles du jeu » n’engage pas la responsabilité du club adverse.
183 CA 25 janvier 1980 : Gaz. Pal. 1980, som. p. 281.
184 En ce sens G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 620, n° 643, qui précisent que « la Cour de cassation a [...] marqué sa volonté de limiter étroitement le recours à la notion d’acceptation des risques [...] en la cantonnant aux relations entre concurrents au cours de la compétition elle-même » ; v. pour un arrêt qui refuse d’appliquer la théorie à des cavaliers dont l’un n’est plus compétiteur et l’autre pas encore compétiteur, Cass. 2ème civ., 8 février 2006 : JurisData n° 2006-032138.
185 En ce sens v. CA Paris, 26 mai 1999 : JurisData n° 1999-023818, pour la chute consécutive à l’écart effectué par la monture ; CA Aix-en-Provence, 30 mai 2002 : JurisData n° 2002-l81254, pour la chute provoquée par le galop, proposé et accepté par la victime, v. contra CA Aix-en-Provence, 17 février 1999 : JurisData n° 1999-042131 pour la chute provoquée par l’ordre de prendre le galop adressé à une cavalière débutante ; CA Paris, 28 janvier 2003 : D. 2003, jur. som. com. p. 2539, obs. Ch. Dudognon, pour la chute provoquée par l’abaissement de la tête de la monture qui, avait trébuché et cherchait à s’équilibrer.
186 Pour l’ensemble des développements sur l’obligation de sécurité, v. supra, p. 54, n° 43 et s.
187 Ch. Dudognon, obs. sous CA Paris, 28 janvier 2003 : eod. Loc., v. spéc. p. 2540.
188 Cass. 2ème civ., 15 avril 1999 : JCP éd. G 2000, II, 10317, note D. Antoine. Pour une espèce dans laquelle un cavalier a été victime de la charge d’un taureau au cours d’une promenade dans une manade. L’auteur précise ainsi que « le sport n’a pas l’apanage de l’acceptation des risques ».
189 CA Douai, 16 décembre 1999 : JCP éd. G 2000, II, 10420, note Ch. Girardin. En l’espèce, un adolescent a été victime d’un accident qui l’a rendu tétraplégique au cours d’une partie de ballon improvisée selon les règles mélangées du football et du rugby. Les juges de première instance ont considéré « qu’en participant à ce match [...] sans aucune protection, (la victime) avait accepté les risques inhérents à ce sport et ne pouvait de ce fait rechercher utilement la responsabilité des deux autres joueurs ». Les juges de la Cour d’appel confirment le jugement mais recentrent le débat sur la notion de compétition au motif « qu’en effet cette théorie d’acceptation des risques s’applique indifféremment aux compétitions organiques comme aux compétitions informelles [...] qu’il n’est pas démontré que (les deux autres joueurs) aient, dans leur comportement, dépassé les limites des règlements écrits ou des usages du sport pratiqué, ni qu’ils aient commis une imprudence ou une négligence ».
190 Pour le refus de la Cour de cassation de faire jouer la théorie de l’acceptation des risques dans le cadre d’un jeu improvisé, inspiré du base-bail mais utilisant des balles et des raquettes de tennis au cours duquel une jeune participante avait été blessée à l’œil par une balle relancée en sa direction, v. Cass. 2ème civ., 28 mars 2002 : D. 2002, jur. p. 3237, note D. Zerouki ; v. également dans le même sens Cass. 2ème civ., 4 juillet 2002 : Bull, civ., II, n° 158 ; D. 2003, jur. p. 519, note E. Cordelier, pour une espèce dans laquelle une mineure qui participait à une séance d’entraînement sportif au football dans le cadre d’une formation organisée a été blessée par un tir de ballon effectué par un aide-moniteur sportif alors qu’elle occupait le poste de gardien de but. Les juges du fond déboutèrent les parents de la victime de leur action au motif que « la notion d’acceptation des risques n’est pas réservée à la compétition mais s’applique aussi au cas de participation à une activité ludique ; que la partie de football s’est déroulée selon les règles de ce sport et selon les risques normaux de l’activité considérée ». La Cour de cassation censure au motif que « l’enfant victime participait à une activité pédagogique sous l’autorité et la surveillance d’un moniteur, ce qui excluait l’acceptation des risques ».
191 En ce sens v. E. Agostini, obs. sous Cass. 2ème civ., 5 juin 1985 : JCP 1987, II, 20744 ; C. Bloch, L’obligation contractuelle de sécurité, Préface de R. Bout, PUAM, 2002, p. 112, n° 168-1 ; M. Carius, note sous TGI Versailles, 10 septembre 1999 : JCP éd. G 2000, II, 10329, v. spéc. p. 1082 ; E. Cordelier, note sous Cass. 2ème civ., 4 juillet 2002 : D. 2003, jur. p. 519, passim, p. 521 et 522 ; J. Honorat, L’idée d’acceptation des risques dans la responsabilité civile, Bibliothèque de droit privé, Tome 98, éd. LGDJ, 1969, p. 192, n° 148 ; J.-Y. Lassalle, Les responsabilités civile et pénale des auteurs de violences sportives, JCP éd. G 2000, I, 277, p. 2223, v. spéc. p. 2228, n° 25 et 26.
192 J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. Thèse, Lyon, 1962, p. 147, n° 259.
193 Pour l’étude de ce critère, v. supra, p. 61, n° 51.
194 Pour un attendu très explicite, v. TGI Versailles, 10 septembre 1999 : JCP éd. G 2000, II, 10329, note M. Carius. En l’espèce, au cours d’une compétition de sauts d’obstacles, un cavalier a été blessé par la chute de son cheval, qui avait heurté un obstacle instable. L’organisateur de la compétition se retranche derrière la théorie de l’acceptation des risques pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité. Le tribunal saisi déboute l’organisateur de ses prétentions au motif qu’« en l’espèce la responsabilité [...] est recherchée sur la base d’une faute contractuelle de telle sorte que l’acceptation des risques ne peut trouver à s’appliquer ».
195 Sur ce fondement, la théorie de l’acceptation des risques est connue depuis le droit romain, v. en ce sens J. Macqueron, Histoire des obligations, Le droit romain, Publications du centre d’histoire institutionnelle et économique de l’antiquité classique, Série mémoires et travaux n° l, Aix-en-provence, 2ème éd., 1975, p. 322, qui précise : « Ulpien, [...] refuse d’étendre la loi Aquilia, non pas parce que la victime est un homme libre, mais parce que l’accident s’est produit au cours d’une compétition sportive, dans un combat de boxe ou de pancrace : les lutteurs n’agissent pas injustement (injuria) quand, combattant pour la gloire, ils manifestent leur vigueur ».
196 En ce sens H. Groutel, L’acceptation des risques : dérapage ou décollage ?, Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 16, v. spéc. p. 4 ; J. Honorat, L’idée d’acceptation des risques dans la responsabilité civile, op. cit., passim, v. notamment p. 40 et 41, n° 27 et 28, p. 228, n° 184 ; G. Viney, et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, p. 517, n° 573.
197 J. Déjardin, Le fondement de l’article 1384, alinéa 1er et la théorie du risque créé (A propos d’un jugement du Tribunal civil de la Seine du 2 avril 1949), RTD civ. 1949, p. 491, v. spéc. p. 494.
198 Cass. 1ère civ., 6 janvier 1987 : Bull, civ., I, n° 7.
199 En ce sens H. Groutel, L’acceptation des risques : dérapage ou décollage ?, Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 16, v. spéc. p. 4.
200 J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, Thèse, Lyon, 1962, p. 156, n° 275.
201 Pour l’étude de ces contrats, v. supra, p. 59, n° 49.
202 Cass. 2ème civ., 15 avril 1999 : JCP éd. G 2000, II, 10317, note D. Antoine.
203 En ce sens H. Groutel, L’acceptation des risques : dérapage ou décollage ?, Resp. civ. et assur. 1999, chron. n° 16, v. spéc. p. 5.
204 Pour l’étude de cette notion, v. infra, p. 179, n° 191.
205 H. Rolland, Lexique juridique, Expressions latines, Carré droit, éd., Litec, 1999, p. 50, V° Exception non adimpleti contractus. Indépendamment de sa formulation latine l’exception n’a pas son origine dans les textes de droit romain. Sa création est attribuée aux canonistes qui, au regard des considérations morales, justifiaient dans de telles hypothèses l’application d’adages tels que non servanti fidem non est fides servanta (A celui qui ne respecte pas la foi, foi n’est plus due) ou Fragenti fidem non est fides servanda (A celui qui rompt la foi, la foi n’est plus due), v. en ce sens II. Rolland, op. cit., p. 60, V Fragenti fidem non est fides servanda et p. 126, V° Non servanti fidem non est fides servanta ; v. également dans le même sens F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 615, n° 631.
206 R. Savatier, note sous Cass. soc, 7 juillet 1955 : D. 1957, jur. p. 1.
207 B. Mallet-Bricout, note sous Cass. 3ème civ., 21 janvier 1998 : D. 1999, jur. com., p. 571, v. spéc. p. 576, n° 19.
208 J. Mazeaud, obs. sous Cass. 1ère civ., 23 octobre 1963 : JCP 1964, II, 1385 ; A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Domat droit privé, Montchrestien, 6ème éd., 1997, p. 228, n° 386.
209 Ch. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 17, n° 32 ; H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome Il/Premier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 1169, n° l124 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, Précis Dalloz, Collection Droit privé, 8ème éd., 2002, p. 614, n° 630.
210 Le législateur n’a pas prévu de faire bénéficier le propriétaire bailleur de l’exception. Ceci a la force de la pure logique car le propriétaire aura bien souvent intérêt à demander la résiliation du bail plutôt que le bénéfice de l’exception d’inexécution, v. en ce sens J.-F. Pillebout, Recherches sur l’exception d’inexécution, Préface de P. Raynaud, LGDJ, 1971, p. 76, n° 83.
211 V. cependant J. Rochfeld, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/rapportcatalaseptembre2005.pdf, Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Exposé des motifs, Inexécution des obligations (art. 1157 à 1160-1), p. 42, qui propose « d’établir textuellement l’existence de l’exception d’inexécution ».
V. pour la proposition de rédaction Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Ibid, Titre III, Des obligations, Sous-titre I - Du contrat et des obligations conventionnelles en général, (Articles 1102 à 1326-2), Chapitre III - De l’effet des conventions, Section 5. De l’inexécution des obligations et de la résolution du contrat (Articles 1157 à 1160-1), ), p. 92 : Art. 1157 « Dans un contrat synallagmatique, chaque partie peut refuser d’exécuter son obligation tant que l’autre n’exécute pas la sienne. Lorsque l’inexécution résulte d’une force majeure ou d’une autre cause légitime, le contrat peut être pareillement suspendu si l’inexécution n’est pas irrémédiable. A l’exception d’inexécution, l’autre partie peut répliquer en prouvant en justice que la suspension du contrat n’est pas justifiée ».
212 Ph. Jestaz, L’urgence et les principes classiques du droit civil. Préface de P. Raynaud, Bibliothèque de droit privé, éd., LGDJ, 1968, p. 254, v. dans le même sens J. Roche-Dahan, L’exception d’inexécution, une forme de résolution unilatérale du contrat synallagmatique, D. 1994, chron. p. 255, v. spéc. p. 256, n° 9 et 11, qui précise que « l’exception d’inexécution est bien plus qu’une suspension du contrat : elle [...] constitue un procédé direct d’extinction des obligations ».
213 En ce sens v. C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 27, n° 67 ; J.-F. Pillebout, Recherches sur l’exception d’inexécution, Préface de P. Raynaud, LGDJ, 1971, p. 240, n° 250 ; B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Droit civil, Les obligations, 2- Contrat, Litec, 6ème éd., 1998, p. 686, n° 1966 ; M. Storck, Obligations conventionnelles, Exception d’inexécution ou « exceptio non adimpleti contractus », Domaine et conditions d’application de l’exception d’inexécution, Editions Techniques - Juris-Classeurs Civil, 1994 : Fasc. 49-3, p. 6, n° 30, pour qui l’exception est « une situation d’attente ».
214 L’exception d’inexécution est un moyen de pur droit que la Cour de cassation peut relever d’office, v. pour exemple Cass. com., 8 février 1995 : JCP éd., G 1995, II, 22455, note D. Ammar.
215 C. Malecki, L’exception d’inexécution, Préface J. Ghestin, Bibliothèque de droit privé, Tome 321, éd. LGDJ, 1999, p. 418, n° 474.
216 V. supra, p. 70, n° 57bis, note 176.
217 Cass. soc, 7 juillet 1955 : D. 1957, jur. p. 1, note R. Savatier ; v. dans le même sens Cass. 3ème civ., 21 novembre 1973 : Bull, civ., III, n° 593 ; Cass. 3ème civ., 6 juillet 1982 : Bull, civ., III, n° 168.
218 En ce sens R. Savatier note sous Cass. soc, 7 juillet 1955 : op. cit., v. spéc. p. 2.
219 Cass. 3ème civ., 23 novembre 2004 : Inédit, Arrêt n° 1238, Pourvoi n° Q 03-15.872, pour le constat de l’absence de ces manquements imputables au bailleur qui a pour effet que « l’obligation de la locataire au paiement des loyers n’était pas sérieusement contestable ».
220 Cass 3ème civ, 15 janvier 2003 : Bull, civ., III, n° 5. En l’espèce, un groupement de sociétés a acquis un immeuble. Par acte du même jour ce groupement a consenti à une société un crédit bail immobilier destiné à la réalisation de travaux permettant l’exploitation de cet immeuble en hôtel. Cette dernière a sous-traité différentes tâches. Suite à l’apparition de nombreux désordres l’hôtel a été fermé. La société crédit-preneur agit contre le groupement crédit-bailleur en annulation des clauses de non garantie des vices de construction et invoque l’exception d’inexécution pour demander la suspension des échéances et des dommages-intérêts. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « la Cour d’appel a pu en déduire que l’exception d’inexécution ne pouvait trouver application, la privation de jouissance tenant à des vices cachés dont le crédit-bailleur était exonéré par la convention ».
221 Cass 3ème civ., 15 novembre 1972 . Bull civ. ; III n° 607
222 Cass. 3ème civ., 5 mars 1970 : Bull, civ., III, n° 173. En l’espèce, un propriétaire a vendu à son métayer divers immeubles. Ce vendeur a, par donation-partage, transmis ces mêmes biens à ses héritiers. L’acheteur réclame que la donation lui soit déclarée inopposable. Les héritiers reprochent à la Cour d’appel d’avoir rejeté l’exception d’inexécution. La Cour de cassation rejette leur pourvoi aux motifs que l’acheteur « a rempli à ce jour ses obligations dans toute la mesure où l’attitude des (héritiers) lui a permis de les exécuter ; (que les juges du fond) en déduisent exactement que ceux-ci sont mal fondés à se prévaloir de l’exception d’inexécution ».
223 Cass. 1ère civ., 19 novembre 1996 : JCP éd. G, 1997, II, 22862, note J. Huet. En l’espèce, un client a payé le prix de la totalité d’un ensemble de matériel informatique dont un élément n’a pas été livré par le vendeur. La Cour d’appel énonce que « le vendeur a refusé à bon droit de livrer le dispositif en question en raison du refus de l’acheteur de payer le prix ». La Cour de cassation censure les juges du fond au motif qu’« en se déterminant ainsi, alors qu’elle constatait que le dispositif manquant faisait partie de l’ensemble vendu, dont il était indissociable, tant il était nécessaire pour assumer l’une des fonctions principales du système, à savoir la communication entre les différents sites ; Attendu, que sauf convention particulière, l’obligation, pour l’acheteur, de payer le prix de vente résulte de l’exécution complète, par le vendeur, de son obligation de délivrance, la Cour d’appel a méconnu les textes susvisés ».
224 CA Paris, 18 décembre 1986 : D. 1987, IR. p. 19. L’attendu précise que « le client ne peut prétendre refuser de payer l’ordinateur en soulevant l’exception d’inexécution de livraison du logiciel alors que le contrat prévoyait une livraison différée de ce dernier, subordonnée à un certain nombre de conditions dont le client n’a rempli certaines qu’avec retard, [...] en l’absence de manquement du vendeur à ses obligations, [...] le client doit payer le solde du prix de l’ordinateur livré et utilisé par lui ».
225 Cass. com., 30 janvier 1979 : Bull, civ., IV, n° 41 ; D. 1979, IR. p. 317. Dans cette espèce, une entreprise de traitement informatique utilisait du matériel loué ou vendu, par la société Bull, et dont l’entretien était assuré auprès de cette société. Une clause d’exclusivité prévoyait que le fournisseur consentait à la résiliation de la convention dans le cas ou un même système informatique serait installé dans une entreprise concurrente. En dépit de cette clause, la société Bull a équipé une entreprise concurrente. Néanmoins, l’entreprise cliente a procédé à l’achat d’un nouvel ordinateur. La société Bull a pris l’initiative de la résiliation des contrats de location et d’entretien dont les redevances étaient impayées par sa cliente, et l’a assignée en paiement des sommes dues. Les juges du fond ont fait droit à la demande de la société Bull. Le locataire estimant que deux unités de disques magnétiques étaient défectueuses a invoqué l’exception d’inexécution pour justifier la suspension du paiement des redevances. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif qu’en « relevant que l’ensemble H. 1200 et supports disques, bien que ne permettant pas de brillantes performances, s’était cependant révélé viable pour la (cliente) qui l’a utilisé jusqu’en 1973, la Cour d’appel a fait ressortir que si l’exécution défectueuse de la convention permettait à cette société d’opposer l’exception d’inexécution, les déficiences constatées n’étaient toutefois pas suffisantes pour rendre légitime le refus d’exécution même s’il est intervenu après une longue période de difficultés ».
226 Cass. com., 15 octobre 1996 : RIDA, 1/97, n° l, p. 9.
227 Cass. 1ère civ., 20 juin 1995 : RJDA, 12/95, n° 1361, p. 1046.
228 Cass. 1ère civ., 23 octobre 1963 : D. 1964, jur. p. 33, note P. Voirin.
229 Cass. com., 31 mai 1983 : JCP 1983, IV, p. 249, pour la livraison de fromage dont la qualité non satisfaisante permet à l’acheteur de suspendre le paiement ; Cass. com., 4 juin 1991 : Bull, civ., IV, n° 204 pour la livraison d’un camion-benne dépourvu de benne et de roue de secours.
230 CA Toulouse, 30 octobre 1985 : RTD civ. 1986, p. 591, obs. J. Mestre. En l’espèce, Un philatéliste professionnel avait acheté différents matériels informatiques à la société I.C.L. qui devait en assurer la maintenance. Le client reprocha à la société des retards et des livraisons non conformes aux commandes, tandis que la société reprochait à celui-ci de ne pas régler les échéances afférentes aux différents contrats de vente et d’entretien. Une panne survient sur l’un des appareils mais la société prestataire refuse d’intervenir en raison des échéances impayées. En première instance, le client est débouté mais le Cour d’appel abonde dans son sens. La justification de l’attendu mérite sa reproduction in extenso : « Attendu que l’équipement informatique (du client) par sa spécificité fait incontestablement appel à une technologie avancée qui implique une grande dépendance de l’utilisateur vis-à-vis du constructeur, seul capable d’assurer une maintenance satisfaisante et de réparer les anomalies des systèmes mis en place ; que cette position dominante du constructeur vendeur implique de sa part une grande prudence dans la suspension de ses prestations de maintenance compte tenu des conséquences extrêmes qu’elle peut avoir pour l’utilisateur d’un ensemble ordinateur contenant les données nécessaires à son activité ; [...] qu’il est par ailleurs incontestable que l’évolution de l’activité (du client) vers une informatisation totale implique pour la survie même de l’entreprise un fonctionnement normal des équipements vendus par I.C.L. ; que le refus de la société I. C.L. d’assurer la maintenance met en péril l’entreprise (de son client) ».
231 Cass. 3ème civ., 15 décembre 1993 : D. 1994, jur. p. 462, note M. Storck ; v. également Cass. 3ème civ., 10 novembre 2004 : JurisData n° 2004-025560. Un locataire refuse de payer ses loyers. Les juges du fond estiment que bien que les locaux n’ont pas « été mis à disposition en bon état d’usage [...] l’exception d’inexécution n’est pas opposable (car) le paiement des loyers devait se faire par compensation avec le coût des travaux réalisés par le preneur ». Cassation au motif que pour refuser le bénéfice de l’exception d’inexécution les juges auraient dû rechercher « si une clause expresse insérée au contrat de bail prévoyait l’exécution de travaux par le locataire et les modalités de leur imputation sur le loyer ».
232 B. Gross, et Ph. Bihr, Contrats, Tome I, Ventes civiles et commerciales, baux d’habitation, baux commerciaux, Thémis, PUF, 2002, p. 425, n° 586.
233 En ce sens, M. Storck, note sous Cass. 3ème civ., 15 décembre 1993 : D. 1994, jur. p. 462, v. spéc. p. 464 et 465.
234 J.-F. Pillebout, Recherches sur l’exception d’inexécution, Préface de P. Raynaud, LGDJ, 1971, p. 80, n° 87.
235 D. Tallon, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ. 1994, p. 223, v. spéc. p. 229 et 230, n° 19.
236 B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Droit civil. Les obligations, 2- Contrat, Litec, 6ème éd., 1998, p. 671, n° 1924.
237 R. Cassin, Réflexion sur la résolution judiciaire des contrats pour inexécution, RTD civ. 1945, p. 159, v. spéc. p. 162, n° 2, qui justifie cette originalité au regard des origines de la résolution qui émane tant du droit romain, que du droit canonique, que de l’interprétation de la jurisprudence.
238 La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, est moins saisie en sa qualité de créancier qu’en tant que débiteur de l’obligation qui demande sa libération, v. en ce sens C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 166, n° 554 et G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4ème éd., Paris, 1949, p. 136, n° 77, qui explique que lorsque « le créancier demande la résolution du contrat, ce n’est pas comme créancier, c’est comme débiteur tenu de l’obligation corrélative à la créance et pour ne pas rester tenu, puisqu’il ne peut plus rien obtenir ».
239 V. en ce sens m.-E. Pancrazi-Tian, La protection judiciaire du lien contractuel, Préface de J. Mestre, PUAM, 1996, p. 264, n° 318.
240 Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998 : RTD civ. 1999, p. 394, obs. J. Mestre.
241 Cass. 1ère civ., 28 octobre 2003 : RTD civ. 2004, p. 89, n° 5, obs. J. Mestre et B. Fages. En l’espèce, une société avait mis fin de façon unilatérale et anticipée au contrat qu’elle avait conclu avec une société d’assistance et de conseil. Cette dernière réclame des dommages-intérêts pour rupture fautive. Les juges du fond la déboutent aux motifs que « la rupture à l’initiative de la société (créancière) était justifiée par la non-exécution par la société (débitrice) de ses obligations contractuelles au cours des deux mois précédents ». La Cour de cassation censure au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil, car les juges du fond ont omis de « rechercher si le comportement de la société (débitrice) revêtait une gravité suffisante pour justifier cette rupture ».
242 CA Paris, 8 juin 1976 : JCP 1977, II, 18579, obs. M. Boitard et J.-C. Dubarry.
243 Cass. com, 14 décembre 1993 : RIDA 5/94, n° 484, p. 390. En l’espèce, une SCI a vendu en l’état de futur achèvement à une société immobilière des lots dépendant d’un ensemble immobilier en cours de construction. Une banque est intervenue pour consentir un prêt à l’acquéreur. Ce dernier a assigné la société constructrice en paiement de dommages-intérêts pour retard dans la livraison. La SCI a délivré à l’acquéreur un commandement de payer et a réclamé, au regard de la clause résolutoire insérée dans le contrat, la résolution de la vente. Les juges du fond déboutent la SCI de ses demandes. Pour la Cour de cassation, qui avalise les juges du fond, la cour d’appel « a retenu souverainement que le retard d’achèvement des travaux [...] avait occasionné à (l’acquéreur) un très important préjudice financier résultant à la fois de la perte d’exploitation et du versement à l’organisme prêteur d’intérêts intermédiaires et qu’en l’état de ces conséquences dommageables, imputables à l’exécution fautive de son obligation de livraison [...] (l’acquéreur) était fondé à se refuser au paiement de la dernière fraction du prix restant due, de sorte que la clause résolutoire n’était nullement acquise compte tenu du manquement de la SCI à son obligation contractuelle ».
244 CA Paris, 25 novembre 1991 : D. 1992, IR. p. 59. En substance, les juges du fond précisent qu’une société cinématographique, à l’appui de sa demande en résolution d’un contrat de tournage d’un film, ne saurait reprocher à une actrice de n’avoir pas respecté son obligation de se tenir à la disposition de la production, dès lors que le début du tournage a été reporté de plus d’un an, qu’aucune convocation pour le commencer ne lui a été adressée et qu’aucun scénario définitif ne lui a été transmis. La résolution du contrat est prononcée aux torts exclusifs de cette société.
245 La clause résolutoire, autrement qualifiée de pacte commissoire exprès, est classiquement définie comme la convention aux termes de laquelle le contrat sera résolu de plein droit en cas d’inexécution par l’une des parties d’une de ses obligations, v. en ce sens Ph. le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 292, n° 1236 ; H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome II / remier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 1155, n° 1104 ; C. Paulin, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface J. Devèze, p. 12, n° 8 ; F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 641, n° 662.
246 En ce sens D. Talion, La résolution du contrat aux torts réciproques, Mélanges Charles Freyria, éd., Ester, 1994, p. 231, v. spéc. p. 239, n° 17.
247 Cass. com., 24 novembre 1999: Bull, civ., IV, n° 228.
248 Cass. 3ème civ., 15 décembre 1976 : RTD civ. 1977, p. 340, obs. G. Cornu.
249 Cass. 3ème civ., 8 avril 1987 : JCP éd. G 1988, n, 21037, note Y. Picod, v. contra CA Paris, 11 février 1987 : D. 1987, IR. p. 71.
250 Y. Picod, L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat, JCP éd. G 1988, I, 3318 ; v. également du même auteur note sous CA Paris, 19 juin 1990 : D. 1991, jur. p. 515. L’attendu de principe de cet arrêt est éloquent et précise que « le créancier a le devoir de faciliter à son contractant l’exécution de ses engagements, faute de quoi il y aurait manquement au principe selon lequel les conventions s’exécutent de bonne foi ». Les juges du fond refusent ainsi au créancier, qui a manqué à son devoir de coopération en s’abstenant de délivrer les quittances de loyers qui bloquaient l’octroi à ses locataires d’aides au logement, le bénéfice de la clause résolutoire. Pour une analyse très critique de cet arrêt v. C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 182 à l85, n° 617 à 624.
251 CA Paris, 3 décembre 1976 : JCP 1977, II, 18579, obs. M. Boitard et J.-C. Dubarry.
252 Cass. 1ère civ., 18 juillet 1995 : RTD civ. 1996, p. 395, obs. J. Mestre ; v. dernièrement Cass. 1ère civ., 16 mai 2006, Arrêt n° 822, Pourvoi n° D03-16.253.
253 V. pour l’application de la résolution aux torts exclusifs en matière de contrat d’exclusivité d’enregistrement d’une œuvre musicale, Cass. soc, 21 juin 2004 : JurisData n° 2004-024298 ; en matière de vente de véhicule d’occasion, Cass. 1ère civ., 13 juillet 2004 : JurisData n° 2004-024719 ; en matière de vente d’immeuble sous forme de rente viagère, Cass. 1ère civ., 13 juillet 2004 : JurisData n° 2004-024721 ; pour le prononcé de la résiliation en matière de bail commercial, Cass. 3ème civ., 22 juin 2005 : Inédit, Pourvoi n° P 04-12.540, Arrêt n° 776 FS-D, SCI Selvosa Garage c/ Syndicat des copropriétaires Palais Selvosa et Cass. 3ème civ., 29 juin 2005 : JurisData n° 2005-029177, pour la résiliation d’un bail commercial et la déchéance du droit à indemnité d’éviction du preneur en raison de ses manquements répétés.
254 Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998 : D. 1999, jur. p. 197 note Ch. Jamin ; Defrénois, 1999, n° 6, p. 374, n° 17, note D. Mazeaud. En l’espèce, le comportement professionnel d’un médecin anesthésiste-réanimateur a été jugé dangereux par ses pairs, membres du conseil d’administration de l’établissement où il exerçait, qui ont décidé de mettre fin à ses fonctions.
255 Ch. Jamin, note sous Cass. lère civ., 13 octobre 1998 : D. 1999, jur. p. 197, v. spéc. p. 199, n° 3.
256 En ce sens v. D. Talion, La résolution du contrat aux torts réciproques, Mélanges Charles Freyria, éd., Ester, 1994, p. 231, v. spéc. p. 231, n° l, note 1, qui révèle que la première décision utilisant le vocable de résolution aux torts réciproques serait celle de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation en date du 27 octobre 1909 : S. 1910, 1, p. 457.
257 Cass. com., 11 mars 1986, arrêt Yves Saint-Laurent : Bull, civ., IV, n° 44. L’attendu de principe est éloquent et précise que la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision qui a prononcé la résolution aux torts réciproques des parties « sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations avaient causé à chacune d’elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages-intérêts auxquels elles pouvaient réciproquement prétendre ».
258 Cass. com., 10 février 1987, arrêt Pierre Cardin : Bull, civ., IV, n° 42.
259 Cette formule est présente dans un grand nombre d’arrêts, v. pour illustration Cass. 3ème civ., 22 juin 1982 : Gaz. Pal. 1983, pan. jur. p. 6, note A. P. ; Cass. com., 11 mars 1986 : Defrénois, 1987, art. 33913, p. 401, n° 12, obs. J.-L. Aubert.
260 Cass. com., 2 octobre 1979 : Bull, civ., IV, n° 241 ; Cass. com., 19 mai 1980 : Bull, civ., IV, n° 202 ;Cass. 3ème civ., 21 février 1984 : Bull, civ., III, n° 43 ; v. récemment Cass. 1ère civ., 12 juillet 2005 : Inédit, Pourvoi n° 02-l 8-212, Arrêt n° 1211 F-D, pour le prononcé de la résolution aux torts réciproques de la vente d’un véhicule d’occasion.
261 D. Tallon, La résolution du contrat aux torts réciproques, Mélanges Charles Freyria, éd., Ester, 1994, p. 231, v. spéc. p. 237 et 238, n° 13 et 14.
262 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002, p. 163, n° 543.
263 D. Talion, La résolution du contrat aux torts réciproques, op. cit., v. spéc. p. 242, n° 23 et 24.
264 En substance C. André, Le fait du créancier contractuel, op. cit., p. 168, n° 563.
265 C. Jamin, et M. Billiau, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Les effets du contrat, LGDJ, 3ème éd., 2001, p. 527, n° 459.
266 En substance C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 21.
267 A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Domat droit privé, Montchrestien, 6ème éd., 1997, p. 339, n° 564-l.
268 J. Carbonnier, Droit civil, Tome 4, Les obligations, PUF, Thémis droit privé, 22ème éd., 2000, p. 420, n° 232.
269 H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Tome II / Premier volume, Obligations, Théorie générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, p. 681, n° 593, qui précisent que « du moins la jurisprudence ne se montre-t-elle pas très rigoureuse quand elle recherche si le fait de la victime est fautif ; elle applique les principes généraux de la faute ».
270 B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Obligations, 1- Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème éd., 1996, p. 471, n° 1149.
271 CA Douai, 15 mars 1932 : Recueil Douai 1932, p. 322.
272 Cass. 2ème civ., 19 février 1997 : Resp. civ. et assur. 1997, com. n° 154.
273 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 22.
274 B. Starck, H. Roland, et L. Boyer, Obligations, 1- Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème éd., 1996, p. 470, n° 1146.
275 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, ibidem.
276 Cass. 2ème civ., 1er avril 1999 : Bull. civ. D, n° 62 ; Resp. civ. et assur. 1999, com. n° 205, qui précise, en substance, que lorsqu’aucune faute n’est établie contre les conducteurs de véhicules impliqués dans un accident de la circulation, leur contribution à l’indemnisation des victimes se répartit entre eux par parts viriles.
277 M. Haller, Essai sur l’influence du fait et de la faute de la victime sur son droit à réparation, Thèse, Paris 1926, p. 73, précise que « la faute de la victime peut exister seule ».
278 Pour un exemple Cass. crim., 24 avril 1975 : Gaz. Pal. 1975, 2, jur. p. 537, qui précise, en substance, que s’il est constaté que la mort de la victime qui s’est suicidée n’a pas été la suite nécessaire de la faute de l’auteur de l’accident, il ne peut être admis que l’accident a été l’une des causes du décès. Le suicide est même parfois qualifié de faute inexcusable au regard de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ; pour un exemple, v. Cass. 2ème civ., 19 novembre 1997 : Resp. civ. et assur. 1998, com. n° 87, note H. Groutel.
279 Cass. 2ème civ., 8 juillet 1970 : Bull. civ. II, n° 182, pour un piéton inattentif qui est renversé par une pelle mécanique.
280 Cass. 2ème civ., 11 décembre 1952 : JCP 1953, II, 7549, note R. Rodière, pour le reproche fait à la victime d’un accident de la circulation d’avoir accepté d’être transportée à titre bénévole par un conducteur en état d’ivresse manifeste ; v. également CA Paris, 7 février 1964 : JCP éd. G 1964, II, 13593, obs. P. Esmein. La rigueur de la décision est exemplaire : « Celui qui accepte de prendre place dans une automobile conduite par une personne manifestement sous l’empire de l’alcool commet une imprudence grave qui lui interdit tout recours contre son transporteur, alors surtout que cette faute est à l’origine du dommage invoqué ».
281 L’article 19, al. 1er, de l’Ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, modifiée par la loi du 26 février 1992, punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3.750 € l’étranger qui pénétrerait ou séjournerait clandestinement en France.
282 Cass. 2ème civ., 4 mai 1955 : JCP 1955, n, 8987, note R. Rodière. A propos de voyageurs clandestins qui ont pris place, « sur l’invitation d’un agent de la S. N.C.F. », dans un train qui n’était pas destiné au transport des voyageurs, qui est entré en collision avec un train de marchandise. La Cour de cassation censure l’arrêt, qui « en retenant la responsabilité exclusive de la S. N.C.F. et de ses employés au motif que la faute des victimes, montées sans billets dans un train qui n’était pas affecté au transport des voyageurs, était étrangère à l’accident, dû à une fausse manœuvre et à une erreur d’aiguillage, alors qu’il résulte des énonciations de l’arrêt que le préjudice subi par les (victimes) était en partie la conséquence de leur double faute contractuelle et délictuelle ». L’illustre annotateur remarque que « les voyageurs n’avaient pas de billets [...] on ne comprend pas dans ces conditions qu’il ait pu être fait allusion à une faute contractuelle des victimes [...] en vérité, l’arrêt semble révéler deux fautes à la charge des victimes : celle d’avoir pris un train sans billets et celle d’avoir pris un mauvais train ».
283 Pour une exonération totale de la responsabilité du transporteur, v. Cass. crim., 18 juillet 1929 : S. 1932, 1, p. 159.
284 Cass. 2ème civ., 13 décembre 2001 : RTD civ. 2002, p. 530, obs. P. Jourdain.
285 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 13 décembre 2001 : ibid.
286 Cass. 2ème civ., 24 janvier 2002 : RTD civ. 2002, p. 306, obs. P. Jourdain.
287 P. Jourdain, obs. sous Cass. 2ème civ., 13 décembre 2001 : RTD civ. 2002, p. 530, v. spéc. p. 531, qui précise qu’« en l’espèce, c’est tout aussi bien au titre de l’illégitimité du préjudice que de la faute de la victime que la réparation aurait pu être refusée ».
288 D. Mazeaud, note sous Cass. 2ème civ., 24 janvier 2002 : D. 2002, jur. p. 2559, qui révèle à propos de cet arrêt que « le parfum qu’il dégage est furieusement rétro » et de préciser que « l’examen de cette décision révèle, en effet, que la règle morale n’est pas complètement évincée du régime de l’indemnisation du préjudice, en droit positif ».
289 D. Mazeaud, Responsabilité civile : panorama 2004, par Ph. Delebecque, P. Jourdain et D. Mazeaud, D. 2005, pan. p. 185, v. spéc. p. 189, n° 9.
290 Cass. 1ère civ., 22 juin 2004 : RTD civ. 2004, p. 503, obs. J. Mestres et B. Fages ; Responsabilité civile : panorama 2004, par Ph. Delebecque, P. Jourdain et D. Mazeaud, eod. op., semble réaffirmer par une interprétation a contrario que l’illicéité n’exerce aucune influence sur le principe même de l’action en réparation de la victime mais sur son étendue.
291 M. Haller, Essai sur l’influence du fait et de la faute de la victime sur son droit à réparation, Thèse, Paris 1926, p. 75 qui cite Pollock, The law of Torts, p. 33, définissant ces deux théories. La théorie de la « proximate cause » consiste à ne tenir compte que de la dernière faute commise, parce que l’homme ne répond que des conséquences immédiates de ses actes. La théorie de la « Last clear chance », quant à elle, fait peser la responsabilité sur celui, du demandeur ou du défendeur, qui pouvait, le dernier, éviter la réalisation du dommage.
292 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 36.
293 Pour un exemple v. Cass. 2ème civ., 15 novembre 1972 : D. 1973, IR., p. 4, qui reproche à un piéton de ne pas s’adapter aux conditions de circulation d’une cité moderne et rejette son pourvoi alors qu’il avait heurté une grille essuie-pieds qui faisait saillie sur la chaussée. N’y avait-il pas faute dans la pose de cette grille si elle était saillante ?
294 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, thèse Bordeaux 1975, p. 36.
295 CA Paris, 20 février 1965 : D. 1965, som. p. 102, pour un cycliste qui endosse un tiers de responsabilité pour avoir circulé à une vitesse excessive.
296 Cass. 2ème civ., 19 novembre 1997 : Resp. civ. et assur. 1998, com. n° 87, note H. Groutel. La Cour de cassation exonère totalement de sa responsabilité un chauffeur de camion, fautif d’avoir circulé en feux de croisement et non en feux de route, qui a écrasé la victime qui s’était couchée sur l’axe médian de la route.
297 L’analyse de P. Esmein prend tout son relief. « On ne comprend pas pourquoi une faute antérieure empêcherait de tenir compte d’une faute postérieure, si celle-ci est bien une faute » in, Le diable dans la bouteille, JCP 1954, I, 1163.
298 Cass. 2ème civ., 17 février 1971 : Bull. civ. II, n° 58,« Attendu que (l’auteur du dommage) [...] circulant de nuit sur le cyclomoteur de son père, est entrée en collision avec (la victime) qui traversait la chaussée à pied, de la gauche vers la droite [...] Attendu que le jugement, après avoir relevé que (la victime), qui avait traversé les trois quarts de la chaussée, voyant tout à coup le cyclomoteur et surpris par un coup de klaxon, avait fait un pas en arrière, énonce qu’il s’agissait d’un réflexe naturel puisqu’il pouvait penser que (l’auteur du dommage) pouvait continuer tout droit, et qu’ainsi aucune faute certaine n’était établie contre (la victime). Mais attendu que dans ces circonstances, eu égard au mouvement de recul inopiné de (la victime), le juge du fond n’a pu déduire que (la victime) n’avait commis aucune faute en relation de causalité avec le dommage et de nature à engager, fut-ce pour partie, sa responsabilité » ; Cass. 2ème civ., 18 octobre 1972 : D. 1972, IR. p. 208, qui refuse toute indemnisation à un piéton renversé par une automobile qui « en apercevant un crapaud, a crié et fait un bond de trois mètres sur la chaussée, réactions qui ont été excessives », v. contra Cass. 2ème civ., 24 février 1982 : Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jur. p. 250 note F. Chabas, pour une espèce dans laquelle un piéton qui marchait sur un trottoir très étroit a été surpris par un chien qui s’était précipité, en aboyant, à la grille, et ayant fait un écart sur la gauche, a été heurté par un autobus. La Cour d’appel est approuvée par la Cour de cassation d’avoir décidé que « la réaction instinctive et naturelle de la victime n’avait pas constitué une faute de sa part ».
299 Cass. crim., 31 mai 1960 : RTD civ. 1961, p. 324, obs. A. Tunc, pour un exemple où aucune responsabilité n’a été retenue à rencontre d’un piéton qui, surpris par la brusque arrivée d’un véhicule, a un mouvement de recul ; v. également Cass. lère civ., 11 mars 1997 : JCP éd. G 1997, IV, 981, qui refuse de retenir contre l’adolescent, victime d’une chute en VTT après son passage sur un ponton surplombant un lac, une quelconque faute. Selon l’organisateur de la colonie de vacances déclaré entièrement responsable, sa faute aurait consisté, après avoir été déséquilibré, à plonger en contrebas dans le lac. Pour la Cour de cassation, « le fait pour l’adolescent d’avoir plongé après avoir perdu l’équilibre, qui s’apparente à un réflexe, ne pouvait davantage lui être reproché ».
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