Introduction
p. 19-27
Texte intégral
« Qu’est-ce que la vérité ?
C’est une question difficile.
Je l’ai résolue pour moi-même en disant que c’est ce que nous dit la voix intérieure.
Mais alors me demanderez-vous, comment se fait-il que différentes personnes conçoivent des vérités différentes et contradictoires ?
Puisque l’esprit humain travaille par des moyens innombrables et qu’il n’évolue pas de la même manière pour chacun de nous, il s’ensuit que ce qui peut être vérité pour l’un, peut être erreur pour l’autre »
Mahâtmâ Mohandas Karamchand Gandhi, Lettres à l’Ashram, Traduction et préface de J. Herbert, Paris, éd. Stock, 1938, p. 10.
11 - Champs de l’étude. La responsabilité civile est un ensemble de règles qui obligent l’auteur d’un dommage causé à autrui à réparer ce préjudice en offrant à la victime une compensation1. Quand bien même le principe général qui commande la responsabilité civile voudrait que l’auteur d’un dommage répare le préjudice souffert par la victime, il est un réflexe naturel qui consiste pour celui-ci à vouloir faire supporter tout ou partie de la responsabilité à la victime. C’est au cours du procès en réparation que s’illustre le reproche d’un comportement fautif comme cause d’exonération. Loin de se limiter au droit de la responsabilité civile, ces comportements fautifs irriguent l’ensemble du droit des obligations. Ainsi, leur étude portera-t-elle tant sur les comportements fautifs des créanciers que sur ceux des victimes de dommages.
22 - Terminologie. La victime est celle « qui est sacrifiée aux intérêts, aux passions d’autrui »2. Étymologiquement, le terme « victime » découlerait soit « de vincire, lier, parce qu’on liait la victime ; (soit) de vincere, parce que la victima était sacrifiée au retour de la victoire [...] (soit) de vigere, être fort, parce que la victima était une grosse bête »3.
3Ces acceptions fortement imprégnées d’histoire et de morale ne sont sans doute pas celles qui peuvent cerner le mieux la notion de victime telle que l’entend aujourd’hui le droit des obligations en général et le droit de la responsabilité civile en particulier. De manière pragmatique, doit être considérée comme victime toute personne qui éprouve de manière directe ou indirecte un préjudice corporel, matériel ou moral.
43 - Droit antique. En des temps immémoriaux, l’individu qui causait à autrui un dommage subissait le même sort. Le principe du Talion, qui « autorisait celui à qui l’on avait fait tort, à se venger sur la personne coupable »4, se retrouve dans de très nombreuses lois anciennes5. Pour grégaire que fut le principe, il domina largement les procédés ancestraux de réparation. Ceci aurait pu ne pas être le cas car il semble qu’en des temps encore plus reculés, un principe de réparation des dommages subis ait été élaboré sur la base de peines simplement pécuniaires6. Quelles que furent les raisons de la prévalence de la loi du Talion, il est évident que, déjà à ces époques, l’idée de réparer le mal subi était au cœur de la société.
54 - Époque romaine. C’est avec le droit romain que s’opère le premier progrès en matière de réparation du dommage subi. Cependant, celui-ci ne prévoyait pas de séparation entre les responsabilités civile et pénale. De plus, la responsabilité civile ne permettait pas la réparation de tous les dommages.
6A l’époque de la République, le droit voit apparaître un mécanisme de responsabilité civile lié à la garde et aux faits des choses. En effet, en matière de responsabilité civile délictuelle, la Lex Aquilia7 ouvrait droit à réparation au propriétaire d’un esclave pour les blessures causées à celui-ci par l’exercice de la Damni injuriae actio8 contre le propriétaire de l’objet inanimé, cause du dommage9. Sous l’Empire, les jurisconsultes se préoccupèrent des dommages causés par les choses inanimées10 et obligèrent leurs propriétaires à réparer le préjudice subi par les passants malchanceux11. Dans le domaine contractuel, le droit consacre à l’époque plusieurs critères de responsabilité dont la custodia. Il s’agit d’une responsabilité fondée sur l’idée de garde, imposée à divers débiteurs considérés comme les gardiens de la chose, objet du contrat12.
74bis - Ancien droit. Tout en suivant l’inspiration du droit romain, le Moyen-âge avança encore un peu plus vers l’idée d’une responsabilité civile telle qu’on la connaît aujourd’hui. Son origine prend place dans le droit coutumier. Entre 1312 et 1325, les rédacteurs de la Très ancienne coutume de Bretagne, déclarent que « nul ne nulle ne pout faire dommage à autre que il ne soit tenu à le desdommager »13. Cependant, il faudra attendre le xvième siècle pour que se dégage le droit autonome de la victime d’obtenir réparation « de toutes les pertes et de tous les dommages »14 subis par elle.
8Au siècle suivant, l’approche de la responsabilité du fait des choses se fit plus précise. A cette époque Domat écrivait que « L’ordre qui lie les hommes en société oblige aussi chacun à tenir tout ce qu’il possède en un tel état que personne n’en reçoive ni mal ni dommage »15.
95 - Droit moderne. Les rédacteurs du Code civil héritèrent de cet état du droit. La pierre fondatrice de la responsabilité civile délictuelle est alors posée par l’article 1382 du Code civil. Issue de la pensée de Domat16 et de Grotius17, sa formulation moderne est l’œuvre de la Commission dite de « l’An VIII », présidée par Tronchet qui a rédigé le projet de Code civil18. Dans la pensée des rédacteurs du Code Napoléon, l’article 1384, alinéa 1er n’avait comme fonction que d’annoncer les dispositions particulières de la responsabilité du fait d’autrui ou du fait des choses des articles 1385 et 1386. Dans la dernière décennie du xixème siècle, les éminents penseurs que lurent Saleilles et Josserand soutinrent qu’il fallait donner à l’expression du premier alinéa de l’article 1384 « des choses que l’on a sous sa garde » un sens général, dépassant les seuls animaux et bâtiments prévus aux articles suivants. Ainsi, une personne pourrait être responsable de toutes les choses dont elle avait la garde, et être obligée à réparation du dommage causé.
106 - Œuvre prétorienne. Les codificateurs de 1804 avaient donc posé un corps réduit de dispositions relatives à la responsabilité civile. Il revenait alors à la jurisprudence de préciser l’ensemble des règles permettant de mieux cerner le contenu de ces articles. C’est dans le domaine de la responsabilité du fait des choses que l’édifice prétorien prit toute son ampleur. Par un arrêt de 189619, la Cour de cassation conféra une portée autonome à l’article 1384, al. 1er du Code civil, en posant les bases d’une responsabilité du fait des choses sans faute prouvée. Deux ans plus tard, le législateur faisait écho à cette jurisprudence en instituant un régime de responsabilité sans faute en faveur des ouvriers victimes d’accident du travail20 La Cour de cassation continua à appliquer ce principe, nouvellement découvert, à d’autres accidents causés par des choses et, le domaine des accidents de la circulation automobile permis à cette règle un réel essor. C’est par le fameux arrêt Jand’heur21, que la Cour de cassation consacra donc, selon l’expression de Ripert22, « un risque du fait des choses ».
117 - Cause d’exonération. En la matière, l’un des moyens de défense le plus évident consiste pour le gardien de la chose, cause du dommage, à exciper de la faute de la victime. Quoi de plus simple en effet qu’incriminer une victime qui, pour beaucoup d’esprits, est nécessairement pour quelque chose dans la réalisation du dommage23. Comme le précisait le Doyen Carbonnier « Ce moyen de défense a pris par moment un relief particulier parce qu’il était au cœur de la lutte de races entre automobilistes et piétons »24
12Au début de l’application de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil comme fondement de la responsabilité du fait des choses, l’imprégnation du droit français par la notion de faute conduisit la doctrine à estimer que cette responsabilité objective devait s’effacer devant une faute prouvée de la victime. Cependant, la jurisprudence vint poser d’autres principes.
13En 193425, la Cour de cassation jugea que la faute de la victime ne faisait pas nécessairement disparaître la présomption de responsabilité qui pesait sur le gardien de la chose. Elle ajouta, que ladite faute ne pouvait exonérer entièrement le gardien que si elle pouvait être regardée comme « la cause unique du dommage », caractérisée par son imprévisibilité, son irrésistibilité et son extériorité. Ainsi, la jurisprudence se réservait-elle la possibilité de n’exonérer que partiellement le gardien si la faute de la victime ne revêtait pas les caractères de la force majeure. C’est l’appréciation de ces caractéristiques, donnant lieu à des interprétations plus ou moins exigeantes de la part des juges, qui sera à l’origine des atteintes portées à l’automatisme de la réparation dans le domaine de la responsabilité du fait des choses.
14En effet, renonçant à une analyse rigoureuse des caractères de la force majeure, la jurisprudence se contentait d’un comportement de la victime qui ne pouvait être normalement prévu pour exonérer le gardien de toute responsabilité26.
15Par l’arrêt Desmares27, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation remit en question la ligne de jurisprudence relative à la responsabilité de la victime fautive. Cet arrêt, considéré unanimement par la doctrine comme un arrêt de provocation destiné à inciter le législateur à intervenir en matière d’accidents de la circulation, revenait à la rigueur d’origine de la responsabilité objective. Son attendu de principe précisait explicitement que la faute de la victime n’exonérait complètement le gardien que si elle présentait les caractères de la force majeure. Par cette décision, la jurisprudence condamnait toute possibilité de partage partiel des responsabilités entre gardien et victime.
16Le législateur prit en compte cette réaction de la jurisprudence et adopta la loi du 5 juillet 1985, « tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation ». Par ces nouvelles dispositions, les victimes d’accidents de la circulation se voient particulièrement bien protégées. En effet, le conducteur, gardien du véhicule, ne peut s’exonérer totalement de sa responsabilité que dans le cas exceptionnel au sens de la loi où est rapportée la preuve que la victime a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident28.
17La jurisprudence issue de l’arrêt Desmares, pour le moins excessive, n’avait donc plus lieu d’être. C’est ainsi que par les arrêts Chauvet et Mettetal29 la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation renoua avec sa jurisprudence traditionnelle et décida que la faute de la victime, s’il est prouvé qu’elle a concouru à la réalisation du dommage, ouvre la voie à un partage de responsabilités dans des proportions que les juges du fond apprécient souverainement.
188 - Enjeux du procès. En ces matières, les parties au procès se livrent une lutte cruciale. Le défendeur, pour se libérer de la responsabilité dont la victime veut l’accabler, tentera d’établir que le dommage est, pour partie ou en totalité, imputable au comportement fautif de la victime. L’analyse du régime de la faute de la victime dans le domaine de la responsabilité civile oscille donc successivement entre réprobation, lorsque la victime est en faute, et sympathie, lorsque la victime paraît exempte de tout reproche. L’exonération, qu’elle soit totale ou partielle, est la résultante d’un arbitrage entre le comportement de deux individus. Telle la balance, symbole de justice, les juges se doivent de trouver un équilibre entre l’exigence de l’indemnisation de la victime et la rigueur d’analyse des responsabilités en cause. Ainsi que l’écrivait Josserand « le juge n’est pas créateur ou négateur de responsabilité, mais distributeur [...] du dommage causé »30.
19Le problème majeur n’est pas de savoir si la victime supportera tout ou partie du dommage. En effet, la victime supportera de toute manière ce dommage, qu’elle soit ou non indemnisée, eu égard au préjudice qu’elle a subi, l’absence d’indemnisation ne faisant qu’ajouter au dommage souffert. La question principale est plutôt de savoir si la victime pourra demander réparation de son dommage à une autre personne : le gardien de la chose cause du dommage, l’auteur du dommage ou son cocontractant auteur de l’inexécution ou de la mauvaise exécution. Dès lors, la victime qui réclame cette réparation sera redevable, envers l’auteur, des conséquences de sa participation au dommage. Ainsi, déduire une partie de la responsabilité de l’auteur du dommage implique, par réaction, le report de cette responsabilité sur celui ou celle qui cherchait à le lui faire endosser : la victime.
20Dans ce schéma particulier, la responsabilité de la victime naît de l’exonération totale ou partielle de la responsabilité de l’auteur du dommage. En quelque sorte, la responsabilité de la victime fautive est construite à l’envers de celle du responsable. Le régime juridique de la faute de la victime est ainsi élaboré comme le reflet de l’obligation de réparer le dommage. Il s’agit d’une certaine manière de « l’autre versant de la responsabilité »31. Ce parallélisme des formes entre responsabilité du défendeur et responsabilité de la victime, expose cette dernière à un contraste saisissant lorsqu’il s’agit de la responsabilité du fait des choses. La victime du dommage est le sujet à une responsabilité pour faute dans le cadre normalement protecteur d’une responsabilité sans faute prouvée.
219 - Intérêt de l’étude. En 1975, Lapoyade Deschamps posait cette question : « La responsabilité, remède juridique de la souffrance, peut-elle se retourner contre celui qui souffre ? »32.
22Aujourd’hui, cette question est encore d’actualité. La jurisprudence foisonne de décisions qui utilisent des concepts différents pour qualifier le comportement fautif de la victime dans sa fonction exonératoire. Ce peut être une cause étrangère, la cause unique, la cause exclusive du dommage ou le fait exclusif du créancier. Sur le seul terrain de la responsabilité civile, il existe des milliers de décisions qui utilisent ces notions pour provoquer l’exonération de l’auteur du dommage. Pour la seule Cour de cassation, il est référencé plus de 2200 arrêts33 faisant appel à la notion de faute de la victime.
23Tous les adjectifs qualifiant la faute de la victime peuvent au sens commun revêtir la même signification : le comportement de la victime serait la cause principale ou déterminante du dommage qu’elle a subi. En réalité, le droit prend à contre-pied l’analyse simpliste d’un champ lexical plus complexe qu’il n’y paraît.
24Tout l’intérêt de la recherche entreprise réside dans l’analyse des comportements fautifs de celui ou de celle qui va être réputé victime du dommage ou de l’inexécution et, dans l’étude de leur incidence sur les mécanismes de réparation.
25Notre propos est de mener une étude comparative des comportements fautifs dans le cadre des responsabilités délictuelle et contractuelle et plus largement au sein du droit des obligations. En effet, dans ce domaine, la doctrine ne s’est jamais livrée à la confrontation des comportements fautifs dont l’étude est restée cantonnée à la responsabilité civile. Pour notre part, faute de la victime, fait du créancier, comportements fautifs dans le contrat de cautionnement, faute de l’appauvri, faute du solvens, faute de l’assistant bénévole, faute dans la gestion d’affaires seront passées au tamis de l’analyse.
26Deux thèses anciennes ont abordé la question de l’influence du fait de la victime dans la responsabilité délictuelle. Elles ont été écrites, la première34 à l’époque de la découverte de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil, la seconde35 au seuil de l’évolution considérable qu’a connu la faute de la victime en jurisprudence. Une dernière thèse36, contemporaine, posa le socle théorique de la responsabilité civile de la victime dans l’ordre délictuel. Toutefois, et malgré le travail fondateur effectué en la matière par son auteur, cette dernière thèse se situait à l’époque où la jurisprudence oscillait entre faute et fait37 de la victime, distinction qui a disparu depuis la secousse de l’arrêt Desmares.
27Sur le terrain contractuel, le fait du créancier a donné lieu à des études38 correspondant à des périodes historiques de notre Droit, aujourd’hui révolues, avant de revenir au premier plan par les récents travaux de M. André39.
28S’agissant des quasi-contrats, l’appréciation des comportements fautifs n’a été envisagée qu’à titre subsidiaire, l’essentiel ayant été d’élaborer une théorie d’ensemble des quasi-contrats40.
29L’actualité jurisprudentielle foisonne de contentieux en la matière. Aujourd’hui, à l’heure ou les mécanismes de la responsabilité délictuelle envahissent le domaine de la responsabilité contractuelle, il est de la plus grande importance de comprendre quelles sont les hypothèses qui peuvent voir engager la responsabilité du créancier et de la victime lorsque leurs comportements s’avèrent fautifs. L’enjeu est majeur. C’est la fonction première de la responsabilité civile qui est contestée. En effet, comme le précise Mme Lambert-Faivre, « l’éthique de la responsabilité repose sur la liberté humaine [...] A l’égard de la victime, elle fonde son droit à une juste et intégrale réparation civile de ses préjudices économiques et moraux »41.
309bis - Délimitation de l’étude. Aborder le domaine des comportements fautifs en droit des obligations impose au préalable de délimiter clairement l’étendue du champ de réflexion qui s’offre à nous. Présenter les limites d’une étude implique de procéder méthodiquement à un processus d’élimination, de retranchement des matières et des domaines annexes ou voisins qui ne seront pas envisagés. Ce travail conduit à écarter certains problèmes particuliers, en dépit de l’intérêt qu’ils présentent.
31D’une part, nous n’aborderons pas les problèmes liés aux comportements fautifs dans le cadre de la responsabilité administrative. Le choix de cette exclusion, alors même que son étude aurait pu être complémentaire de notre sujet, repose sur la constatation de la spécificité de cette matière par rapport aux règles particulières qui gouvernent la responsabilité civile.
32D’autre part, nous n’entrerons pas la controverse concernant l’existence ou non d’une responsabilité contractuelle42. Nous ne prendrons pas en compte cette dissension doctrinale43 et retiendrons la traditionnelle dichotomie opposant les domaines délictuel et contractuel de la responsabilité civile, car au risque d’être taxé de simplisme, il nous semble que la division traditionnelle des ordres de responsabilité existe et a toujours existé. Il s’agit, en effet, de domaines de responsabilité civile qui sont aisément différenciables par leur élément créateur. Dans la responsabilité délictuelle, la cause de responsabilité est l’existence d’un fait juridique44 dommageable. Dans le domaine contractuel, le générateur de responsabilité est l’acte juridique mal exécuté ou inexécuté45.
33Enfin, s’agissant des mécanismes du droit des obligations qui illustreront cette étude, le choix a été opéré de se focaliser sur ceux d’entre eux qui peuvent permettre une approche novatrice de la matière telle la résolution, l’exception d’inexécution et la subrogation dans le contrat de cautionnement.
3410 - Plan de la thèse. A cet égard, il apparaît particulièrement intéressant de procéder à l’étude des comportements fautifs, selon une double perspective.
35Si, d’une part, l’ensemble des comportements fautifs relève d’une identité de fonctionnement, le reproche de sa conduite fait à l’individu fautif lors de la survenance du dommage prend essentiellement place dans le cadre de la responsabilité civile.
36D’autre part, ce concept de comportement fautif qui relève du droit de la responsabilité en particulier et du droit des obligations en général se trouve disséminé, en dehors du domaine strict de la responsabilité civile, dans nombre de contrats spéciaux et de quasi-contrats.
37En méditant les paroles du sage, ceci nous conduit à structurer l’étude relative aux comportements fautifs du créancier et de la victime en droit des obligations autour de deux pôles :
38Première partie : Des comportements fautifs dans la responsabilité civile Seconde partie : Des comportements fautifs hors la responsabilité civile
Notes de bas de page
1 G. Viney, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1995, p. 1, n° 1.
2 E. Littré, Dictionnaire de la langue française, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1877, v. spéc. p. 2478, V° Victime, 5°.
3 E. Littré, Dictionnaire de la langue française, op. cit., v. spéc. p. 2478, V° Victime, 8°.
4 J. Macqueron, Histoire des obligations. Le droit romain, Publications du centre d’histoire institutionnelle et économique de l’antiquité classique, Série mémoires et travaux n° 1, Aix-en-provence, 2ème éd., 1975, p. 272.
5 Code d’Hammourapi (xiiième siècle avant J.-C), la Loi des XII Tables (vème siècle avant J.-C), la Bible, cité par J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, Précis Dalloz, Collection droit privé, 1ère éd., 2002, p. 879, n° 607.
6 J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. cit., p. 880, n° 607, précisent que les lois d’Eshnunna, antérieures de plusieurs dizaines d’années au code d’Hammourapi, et le code d’Ur-Nammou, daté du xvième siècle avant J.-C, édictaient exclusivement des compositions légales et des peines pécuniaires.
7 La Loi Aquilia est un plébiscite, voté sur la proposition d’un tribun de la plèbe nommé Aquilius. Elle date du iiième siècle avant J.-C, et est très certainement apparue entre 289 et 286, v. en ce sens J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. cit., p. 888, n° 615 ; v. également pour une datation proche, J. Macqueron, Histoire des obligations, Le droit romain, op. cit., p. 305, qui précise que : « les peines y étaient indiquées en monnaie d’airain (ce qui) permet [...] de la situer à une époque où l’argent ne servait pas encore d’unité monétaire : le denier d’argent existe dès avant 213 (fouilles du temple de Morgentina) ».
8 J. Macqueron, Histoire des obligations. Le droit romain, op. cit., p. 277, « l’injuria c’est tout acte injuste (in-jus = contraire au droit) : le mot est pris dans ce sens dans l’expression damnun injuria datum = dommage causé injustement ».
9 R. -M., Rampelberg, Polycopié de Cours, Histoire du droit des obligations, Licence, Université Paris XI, Faculté Jean Monnet, Sceaux, Extraits des compilations de l’Empereur Justinien, Institutes de Gaius, p. 9, § 210 et 217.
10 V. J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. cit., p. 891, n° 619, qui citent les cas prévus par le Digeste 9, 2, 31, d’un soldat en train de s’exercer au tir à l’arc dont la flèche tue un esclave et du bûcheron qui en coupant une branche l’a fait tomber sur la tête d’un esclave qui en meurt.
11 Digeste de Paul, 9, 2, 31, qui précise les cas d’ouverture de l’actio de effusis et dejectis, action qui était présente dans le premier projet des textes du Code civil relatifs à la responsabilité délictuelle, cité par H. L. et J. Mazeaud, et F. Chabas, Leçons de droit civil, Obligations, Théorie générale, Tome II/Premier volume, Montchrestien, 9èmeéd., p. 558, n° 512.
12 V. en ce sens J. Macqueron, Histoire des obligations, Le droit romain, Précis Dalloz, Collection Droit privé, 1ère édition, 2002, v. spéc. p. 373.
13 En ce sens, J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, eod. op., v. spéc. p. 913, n° 637.
14 F. Terré, Ph. simler, et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Collection droit privé, 8ème éd., 2002, p. 617, n° 652, qui citent M. Boulet-Sautel et A., La responsabilité à travers les âges, Economica, 1989.
15 Cité par J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, Tome 4, PUF, Thémis droit privé, 22ème éd., 2000, p. 468, n° 260.
16 La formule se retrouve dans les écrits de Domat qui précisent que : « Toutes les pertes, tous les dommages qui peuvent arriver par le fait de quelque personne doivent être réparés par celui dont la faute y a donné lieu », cité par J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. cit., p. 915, n° 638.
17 J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. et loc. cit., qui citent la traduction des écrits de Grotius par Barbeyrac en 1729, qui définit le délit comme « [t]oute faute commise, soit en faisant ou en ne faisant pas certaines choses, au préjudice de ce à quoi on était tenu, ou purement et simplement en tant qu’homme, ou à cause d’une certaine qualité particulière dont on est revêtu. Or, quand on a causé du dommage par une faute comme celle-là, on est naturellement tenu de le réparer ».
18 En ce sens, J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, op. et loc. cit., v. spéc. p. 916, n° 638.
19 Cass. civ., 11 juin 1896, Teffaine : D. 1897, 1, p. 433, concl. Sarrut, note Saleilles.
20 La loi du 9 avril 1898 (abrogée par l’Ordonnance du 19 octobre 1945 et intégrée dans l’organisation générale de la Sécurité sociale par la loi du 30 octobre 1946) organisait un système de responsabilité automatique et forfaitaire qui pesait sur l’employeur, et qui pour certains auteurs sembla retirer son intérêt à la jurisprudence, cf., Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, p. 99, n° 187.
21 Cass. ch. réun., 13 février 1930 : D. 1930, 1, p. 57, rapport Le Marc’hadour, concl. Matter, note G. Ripert, dont l’attendu de principe a valeur de droit positif et précise que « La présomption de responsabilité établie par l’article 1384, al. 1, à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ».
22 G. Ripert, note sous Cass. ch. réun., 13 février 1930 : eod. op.
23 Ch. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 5 ; v. également R. Libchaber, obs. sous Cass. 2ème civ., 18 septembre 2003 : Defrénois 2004, n° 13, art. 37983, n° 56, p. 1002, v. spéc. p. 1004 : « Si les tribunaux mettent traditionnellement des limites à la réparation, s’ils refusent d’indemniser certains dommages, c’est parce qu’il arrive que la victime doive avant tout s’en prendre à elle-même de ce qui lui est arrivé. Dès lors, l’équité fondatrice de la matière n’a plus lieu de jouer : il n’y a aucun scandale à laisser la victime dans la situation où elle s’est mise ».
24 J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, Tome 4, PUF, Thémis droit privé, 22ème éd., 2000, p. 475, n° 264.
25 Cass. req., 13 avril 1934 : D. S. 1934, 1, p. 41, concl. Gazeau, note R. Savatier.
26 V. pour exemple, Cass. 2ème civ., 20 mars 1963 : D. 1963, jur. p. 731.
27 Cass. 2ème civ., 21 juillet 1982 : D.1982, jur. p. 449, concl. Charbonnier, note Ch. Larroumet.
28 L’article 3, alinéa 1er de la loi du 5 juillet 1985 est ainsi rédigé : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ».
29 Cass. 2ème civ., 6 avril 1987 : JCP éd., G 1987, H, 20828, obs. F. Chabas ; D. 1988, jur. p. 32, note Ch. Mouly.
30 L. Josserand, La responsabilité envers soi-même, D. H. 1934, chron. p. 73.
31 Expression consacrée par C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975, p. 11.
32 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, op. cit., p. 12.
33 Les 2235 décisions référencées par la base de données JurisData répondent aux critères d’interrogation suivants : Responsabilité civile, Faute de la victime, Années : jusqu’à 2005. V. Annexe I. Pour l’arrêt le plus ancien : Cass. com., 7 janvier 1960 : JurisData n° 1960-097015. Pour l’arrêt le plus récent : Cass. 2ème civ., 21 avril 2005 : JurisData n° 2005-028199.
34 M. Haller, Essai sur l’influence du fait et de la faute de la victime sur son droit à réparation, Thèse, Paris 1926.
35 J. Deschizeaux, De l’influence du fait de la victime sur la responsabilité civile délictuelle, Thèse, Grenoble, 1934.
36 C. Lapoyade Deschamps, La responsabilité de la victime, Thèse, Bordeaux, 1975.
37 V. pour l’étude exclusive du fait non fautif de la victime, B. Bonjean, Le fait personnel non fautif dans le droit de la responsabilité civile, Thèse, Grenoble, 1973.
38 F. Cirier, De la demeure du créancier en droit romain, Thèse, Paris, 1886 ; D. Baroncea, Essai sur la faute et le fait du créancier (cause justificative du débiteur), Thèse, Paris, 1929 ; P. Collomb, Demeure et mise en demeure en droit privé, Thèse, Nice, 1974.
39 C. André, Le fait du créancier contractuel, Préface de G. Viney, Bibliothèque de droit privé, Tome 356, éd., LGDJ, 2002.
40 M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, Préface A. Sériaux, Economica, 1997.
41 Y. Lambert-Faivre, L’éthique de la responsabilité, RTD civ. 1998, p. 1.
42 Dans le sens de la négation de la responsabilité contractuelle v. Ph. le tourneau et L. Cachet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 2000/2001, p. 198, n° 809 ; L. Leturmy, La responsabilité délictuelle du contractant, RTD civ. 1998, p. 839 ; Ph. Rémy, Critique du système français de responsabilité civile, Droit et cultures, Revue semestrielle d’anthropologie et d’histoire, éd. L’Harmattan, 1996/1, p. 31, et du même auteur, La responsabilité contractuelle : histoire d’un faux concept, RTD civ. 1997, p. 323 ; É. Savaux, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1 ; D. Talion, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ. 1994, p. 223, et du même auteur, Pourquoi parler de faute contractuelle ?, Mélanges Gérard Cornu, 1995, p. 429. Pour la défense de la notion de responsabilité contractuelle v. C. Larroumet, Pour la responsabilité contractuelle, Études offertes à Pierre Catala, Le droit privé français à la fin du xxème siècle, éd. Litec, mai 2001, p. 543 et G. Viney, La responsabilité contractuelle en question, Mélanges Jacques Ghestin, éd. LGDJ, 2001, p. 921.
43 V. dernièrement pour la prise de position du groupe de travail sur la réforme du droit des obligations en général et du droit de la responsabilité civile en particulier G. Viney in Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 22 septembre 2005, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport/ rapportcatalaseptembre2005.pdf, Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Sous-titre III - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386), Exposé des motifs, p. 143 et 144 : « Les membres du groupe [...] estiment en effet qu’il est nécessaire de maintenir, au profit du créancier insatisfait, à côté du droit d’exiger l’exécution ou de demander la résolution du contrat, la possibilité d’obtenir réparation des dommages que lui a causés l’inexécution. [...] Par ailleurs, son objectif indemnitaire et le fait qu’elle résulte d une inexécution - c’est-à-dire d’un fait illicite, au sens large - permet de la rattacher au concept de responsabilité, sans pour autant condamner les particularités de son régime qui s’expliquent par le souci de préserver les prévisions des parties et d’éviter la dénaturation du contrat ».
44 R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Objectif Droit, éd., Litec, 2002, p. 179, V° Fait juridique : « Événement indépendant de la volonté, susceptible de produire des effets de droit » ; v. également, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), op. cit., p. 152, Art. 1340 alinéa 1er : « Tout fait illicite ou anormal ayant causé un dommage à autrui oblige celui à qui il est imputable à le réparer ».
45 R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 10, V° Acte juridique : « Manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit » ; v. également, Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Article 2234 à 2281 du Code civil), ibid, v. spéc. Livre Troisième - Titre III, Des obligations, Sous-titre III - De la responsabilité civile (Articles 1340 à 1386), Chapitre 1 : Dispositions préliminaires, p. 152, Art. 1340 alinéa 2 : « Toute inexécution d’une obligation contractuelle ayant causé un dommage au créancier oblige le débiteur à en répondre ».
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