La représentation du monde selon le Catalogus Gloriæ Mundi de Barthélémy De Chasseneuz
p. 33-44
Texte intégral
1« Rien de ce qui concerne la majesté divine, les chœurs des anges, les ordres des bienheureux, les hommes…, rien de ce qui concerne toute chose ne sera laissé dans l’obscurité ou oublié, mais sera agréablement expliqué ». Le programme de la page de garde du Catalogus gloriæ mundi est en effet tenu au long de 630 pages in-folio1 qui brossent un tableau presque exhaustif du monde, tel que se le représente un juriste de la première moitié du xvième siècle. Barthélémy de Chasseneuz (1480-1541) est surtout connu pour ses commentaires de la coutume de Bourgogne et ses consultations, moins pour son Catalogus, dont il explique avoir pris l’idée – ou tout au moins la forme – à saint Posidius, évêque de Calama, selon qui « le monde consiste dans le Ciel, la terre, les natures terrestres et célestes ; c’est pourquoi, dans mon livre j’ai aussi traité des choses célestes, de leurs louanges et de leur excellence ; et comme il comprend tout, je l’ai intitulé Catalogus gloriæ mundi, tant terrestre que céleste, par lesquelles le monde doit être loué »2. Christian Dugas de La Boissonny qualifiait cet ouvrage d’à première vue « particulièrement étrange, voire déconcertant » et le jugeait comme formant une œuvre ni majeure ni mineure, mais originale et donnant « une synthèse sur les hiérarchies et l’ordre de préséance des êtres et des choses et de leurs dignités respectives »3. Ce livre, publié deux fois du vivant de son auteur, sera réimprimé quinze fois jusqu’à la fin du xviième siècle, tant en France qu’à l’étranger, ce qui témoigne de l’intérêt qu’il a suscité.
2Traiter des ordres, des hiérarchies, n’était pas un thème neuf. Depuis fort longtemps, juristes et théologiens, à partir d’un fonds antique très riche, s’intéressaient à l’organisation tant concrète qu’abstraite de l’Univers, mais l’intérêt de l’ouvrage de Chasseneuz, humaniste de culture encyclopédique et élève de Jason de Mayno, est de synthétiser l’approche juridique – ici à la charnière du moyen âge et de la Renaissance – et théologique. Il a vraisemblablement profité de la sérénité de son très long séjour à Autun, de 1507 à 1531, pour lire énormément et amasser des notes pour le Catalogus, ses fonctions ultimes, conseiller en titre – il n’y a pas siégé – au parlement de Paris et surtout, à partir de 1533, président du parlement de Provence4, ayant dû lui laisser moins de liberté. Christian Dugas de La Boissonny, qui a accompli la rude tâche d’identifier les auteurs cités par Chasseneuz dans le Catalogus et d’en relever les occurrences, a dénombré environ sept cent quatre-vingt noms.
3Le Catalogus est une vaste synthèse d’éléments dispersés et quelque peu disparates, traités selon une méthode qui est généralement appliquée de manière systématique : des définitions ouvrent les Considerations ou Conclusiones, justifiées par des autorités littéraires, religieuses ou juridiques. L’histoire est ensuite mise à contribution, particulièrement celle de l’Antiquité, puis l’auteur procède à des distinctions en série et à des comparaisons, parfois hasardeuses, souvent intéressantes. Il applique finalement très fréquemment le résultat de ses analyses à la France ou aux réalités de son temps. L’ouvrage n’est donc pas une pure construction intellectuelle, mais tend à faire entrer le monde réel dans un cadre conceptuel global en classant les mérites, les gloires et les louanges de tous les éléments de la Création et en insistant plus particulièrement sur l’honneur auquel chacun a droit. Chasseneuz estime en effet, se référant à saint Thomas d’Aquin, que l’honneur témoigne de l’excellence de quelqu’un et que tous les hommes souhaitent être honorés devant Dieu ou leurs semblables. Dans ce dernier cas, si l’honneur ne peut résulter que de signes extérieurs, il s’agit pourtant d’un bien préférable à tous autres qui témoigne, selon Aristote et Lucas de Penna, de l’excellence qui est en l’homme et surtout de la vertu5.
4Pour présenter la gloire du monde, Chasseneuz a pris le parti de diviser son ouvrage en douze parties, parce que le chiffre douze lui paraît le meilleur et le plus honorable la première partie est générale, présentant la matière, la deuxième vante les mérites des hommes « et principalement des femmes », la troisième de l’ordre des corps célestes et des lieux des esprits infernaux, la quatrième des ecclésiastiques, la cinquième des princes séculiers, la sixième des officiers des princes, la septième de la justice et des juridictions, la huitième des nobles, la neuvième des militaires, la dixième des sciences, la onzième du peuple et des artisans, la dernière rassemble tout ce qui n’a pu être traité précédemment en une centurie – centenaria – de cent considerationes.
5Ce souci de globalité, qui s’inscrit dans une longue tradition philosophique et théologique6, n’avait guère jusqu’alors rencontré d’écho chez les juristes français et Chasseneuz est le premier à entreprendre une tentative d’ordonnancement de cette ampleur. S’il mentionne peu le pseudo
6Aréopagite7, à qui il a pourtant beaucoup emprunté, il se réfère très souvent à saint Augustin et aux théologiens, sans oublier une doctrine juridique omniprésente, d’abord pour rappeler l’importance fondamentale de la notion d’ordre – si liée à la méthode8 – une disposition première attribuant à chacun sa place, dans laquelle consiste le bien et qui incite chacun à conformer à son rang ses actes, ses paroles et ses habitudes ; toute chose et tout être sont d’autant plus parfaits qu’ils sont « ordinaires », conformes à l’ordre9. Le monde se trouve donc entièrement distribué afin que chacun reçoive la place qui lui est assignée, pour que les humbles montrent de la révérence aux puissants et ces derniers de l’affection aux inférieurs, et pour que la concorde s’ensuive10. Exhaustif ou voulant l’être, systématique assurément, Chasseneuz tente de cataloguer, dans l’ordre naturellement, les gloires du monde en les abordant par divers biais, ce qui n’est pas sans entraîner répétitions ou contradictions, le tout dans un style assez pesant. De cet ouvrage très riche, seule une présentation superficielle et arbitraire peut être donnée ici : on distinguera les hiérarchies spirituelles et politiques (I) des hiérarchies sociales et fonctionnelles (II).
I. HIÉRARCHIES SPIRITUELLES ET POLITIQUES
7Toute l’œuvre de Chasseneuz est animée par un christianisme qui n’est visiblement pas de forme et s’il indique, au début de la XIIème partie, que pour être cohérent il conviendrait de louer d’abord la dignité divine, il déplore de ne pouvoir le faire du fait de la transcendance de cette dignité. C’est donc à l’homme qu’il consacre les premières marques d’honneur, créature disposant non seulement de l’être, de la vie, de sens, mais aussi d’intelligence et de libre arbitre, ce qui l’apparente aux anges et aux démons. Mais, de toutes les créatures, l’homme lui paraît la plus honorable et la plus digne, plus même que les anges, car la nature humaine est la plus proche qui soit de la nature divine, en raison bien sûr de l’Incarnation et du pouvoir consécrateur donné aux seuls hommes. Par homme, il faut entendre l’homo de la Genèse, car Chasseneuz étend à la femme, cette « aide semblable à l’homme », ce qu’il dit de l’homme en général11 Ceci étant, le rapport étroit unissant la créature au Créateur incite d’abord à s’intéresser à la manière dont Chasseneuz représente les hiérarchies spirituelles, d’autant que celles-ci sont le modèle de tous les autres ordres.
Hiérarchies spirituelles
8Dans ces questions, les théologiens sont sans surprise très abondamment sollicités et il est fréquent que Chasseneuz, après avoir émis une opinion dont l’orthodoxie lui paraît peut-être fragile, écrive quelques mots de cet ordre : « je dis ceci parce que je cherche, mais je ne l’affirme pas et m’en remets aux maîtres théologiens »12. Sa présentation des hiérarchies spirituelles, célestes tout au moins, est largement inspirée de celle du pseudo-Denys et de la vulgate qu’il a inspirée, sans pour autant en revêtir la nature mystique trois hiérarchies de trois ordres, correspondant dans leurs catégories aux trois hiérarchies dyonisiennes. Toutefois, Chasseneuz aspire à la globalité et, après avoir établi l’ordonnancement symétrique de l’Église triomphante et de la société des hommes, pose en principe que « toutes les créatures tendent vers un chef », qu’il existe dans toutes les espèces un élément suprême, pour les poissons le dauphin, pour les oiseaux l’aigle, dans les éléments le feu, chez les hommes l’empereur… L’Église militante est elle-même divisée en trois hiérarchies, dont la première comprend le pape, qui en forme le premier ordre, suivi des cardinaux et patriarches, puis des archevêques et évêques, chaque fonction ecclésiastique étant ensuite classée dans un ordre dégressif de dignité ou d’honneur13 qu’il serait fastidieux de détailler. Il n’en répète pas moins en divers passages du Catalogus la prééminence honorifique de l’Église et de ses membres, notamment des prêtres dont l’ordre l’emporte sur celui des rois et empereurs, sur celui de toutes les hiérarchies angéliques, sur la Vierge même, tout en regrettant les travers du temps qui avilissent leur office14.
9D’emblée, Chasseneuz tente aussi d’assurer la correspondance avec les hiérarchies séculières15. Ainsi, le premier ordre de la deuxième hiérarchie ecclésiastique, formé des prélats inférieurs aux évêques mais ne dépendant que du pape, comme les abbés exempts, sont comparables aux comtes qui ne relèvent pas de l’autorité d’un duc, mais de celle d’un prince ne reconnaissant pas de supérieur. C’est aussi d’une manière beaucoup plus approfondie que, par exemple, Guillaume Benoît16, que le juriste bourguignon s’intéresse à saint Michel et aux anges protecteurs de la France et de ses rois17.
10La recherche de l’ordonnancement complet du monde le fait ensuite s’intéresser aux démons, car Chasseneuz décèle – en dépit de l’opinion de Giovanni de San Gimignano pour qui « il n’y a aucun ordre en enfer » – une correspondance absolue des ordres démoniaques aux ordres angéliques. Chaque ordre, céleste ou terrestre, a ainsi son tentateur attitré, qui est lui-même un chef d’ordre. De Lucifer-Zébulon à Mammon en passant par Belphégor « qu’on appelle aussi Priape », neuf chefs et ordres de démons peuvent être recensés18. Ainsi Belzébuth, princeps muscarum, tente par l’envie et règne sur les mauvais juges, les clercs sans dévotion, et tous les inférieurs ne remplissant pas leur office viriliter.
Hiérarchies politiques
11Si les marques de l’honneur sont diverses, comme boire dans de la vaisselle d’or ou se vêtir de pourpre, elles impliquent aussi le fait de porter des insignes et des armes proportionnés à la dignité19. On sait que l’héraldique a connu son essor à partir des années 1350, qu’elle s’est appliquée en particulier à la mise en valeur des armes de France20 et que c’est vers 1355 qu’un juriste – Bartole – va pour la première fois y consacrer un traité (De insignis et armis), il est vrai assez bref. La guerre de Cent ans a été l’occasion d’exalter les lis de France et les contemporains de Chasseneuz, Guillaume Benoît, Jean Ferrault ou Charles de Grassaille consacrent d’assez longs développements à cette question. Chasseneuz s’en distingue par son souci de présenter l’héraldique en général – son ouvrage comporte la reproduction de nombreuses armoiries commentées – et d’indiquer avec précision quel en est le régime juridique. Par exemple, les armes de France, de cælo missa, dont l’usurpation est constitutive du crime de lèse-majesté et justifie que le roi combatte ceux qui les usurpent, ne comprennent cependant pas les individualisations emblématiques comme le porc-épic de Louis XII ou la salamandre de François Ier21. Plus largement, l’intérêt de l’auteur du Catalogus pour les signes visibles de dignité s’inscrit toujours dans le souci d’ordonner et justifie l’attention particulière prêtée aux extériorisations de toute sorte. La méthode du juriste est palpable jusque dans l’examen des pompes funèbres : ainsi, à propos de l’habitude, qu’il décrit comme récente en Bourgogne, qu’ont prise les justiciers de tendre de draps noirs peints à leurs armes l’intérieur et l’extérieur des églises. S’interrogeant sur la validité de cette pratique, il constate que la coutume est muette, qu’il convient alors de recourir au jus commune, qui s’en préoccupe fort peu, ce qui implique d’interroger les coutumes voisines, dont certaines l’autorisent22.
12Pour ce qui est des hiérarchies concrètes, Chasseneuz développe une vision très sombre, augustinienne, de l’origine du pouvoir, usurpé à l’exemple de Lucifer par des rois de la race des malfaiteurs, souvent frappés mala morte. Les princes de son temps, bien que provisum etiam est a Deodominium23, ne lui paraissent guère meilleurs, mais ces questions, comme les autres, relèvent de la Providence qui se détermine ordinatissimis motibus. Le gouvernement des hommes s’effectue par le biais de ses dispensatores, les rois et les princes24, dont l’honneur et la gloire sont les seules récompenses. Il n’en existe pas moins une hiérarchie des princes temporels : l’empereur est le premier et supérieur à tous25, à l’exception des rois de France et d’Espagne, parce que ce dernier, régnant sur sept royaumes, devrait disposer de sept couronnes alors que l’empereur n’en a que trois. La défense du roi de France comme souverain26 est de grande qualité, insistant sur la justice, la plus grande des vertus cardinales qui est le propre des rois et plus encore du roi de France. Sans esprit polémique27, ne cherchant pas à établir la supériorité du roi de France sur l’empereur, Chasseneuz reprend en l’enrichissant l’argumentaire relatif à la souveraineté et à l’indépendance françaises28. Il relève d’abord que la suprématie impériale est défendue par des Italiens, rappelle la position de Martinus, suivie par Bartole et Balde et a visiblement du regret à écrire que ces derniers peuvent être dits « errans notorie et in terminis juris » sur ce point ; il explique aussi que Jason de Mayno craignait d’écrire la vérité du fait de l’empereur et qu’une fois stipendié par le roi de France il avait continué à se taire en raison de son amitié première.
13Il entend aussi établir l’indépendance du roi sur le plan des droits divin, humain et civil. Pour ce qui est du premier, Chasseneuz recourt à l’Ancien testament qui ne fait pas mention de l’empire qui n’est apparu que lorsque le peuple romain a transféré sa potestas. Dieu, qui a tout créé, était maître de tout ; s’Il a donné la terre aux hommes, Il leur a promis des royaumes, notamment à Israël et donc la dignité royale – l’argument n’est pas neuf – a été introduite avant l’impériale. Une même observation peut être faite à partir du Nouveau testament qui ne traite que des rois et des royaumes, sans compter que le Christ, par sa venue, a détruit toutes les monarchies. Après avoir récapitulé toutes les royautés ayant existé du temps de Rome, dont il déduit qu’à cette époque « illa monarchia non fuit universalis », il s’attarde plus précisément sur l’état politique de Rome et de la Gaule au moment de sa conquête et précise que si Jules César a été qualifié de premier empereur, c’était sans doute en tant que conquérant. Pour ce qui est du droit humain sive naturali, il y a encore moins de raisons de soutenir la prééminence impériale, car ce droit indique que tout était commun à toutes les créatures et que les propriétés et les royaumes n’ont procédé que de l’occupation29. Finalement, le droit civil ne s’est pas non plus appliqué à tous les peuples.
14Quant aux deux seuls fondements des prétentions impériales, à savoir le transfert du pouvoir par le peuple romain et la juste conquête, il lui semble facile d’en démontrer la fausseté. Le peuple romain n’a pu transférer des droits qu’il n’avait pas, en particulier sur d’autres peuples, d’abord du fait du manque de représentativité de ceux qui ont transféré la potestas – parce que l’intégralité de la juridiction était dans le peuple et non aux mains des électeurs –, ensuite parce que l’empire a été transféré par les Grecs à Charlemagne avant de rester aux mains des « Français » jusqu’en 910. Il précise d’ailleurs que lors de ce transfert, seule la potestas a pu être donnée, l’empire – double sens d’imperium – n’existant pas mais seulement des consuls, rois et dictateurs ; quant à la conquête de César, il est patent qu’elle est restée inachevée en Auvergne, Bretagne et plusieurs villes de la Loire.
15De très nombreux arguments établissent l’antériorité des rois, qui peuvent tous se dire empereurs, mais le roi de France a une place à part : égal à l’empereur, il est supérieur, du fait de l’histoire, aux autres rois. Ce classement des pouvoirs ne recouvre pas celui des nations : c’est ici l’Italie qui reçoit la première place à raison de la présence de la papauté30. Quant aux modes de gouvernement, abordés dans la dernière partie, ils sont traités rapidement et sans originalité.
II. HIÉRARCHIES SOCIALES ET FONCTIONNELLES
16Très loin de ce qu’écrira Loyseau, Chasseneuz ne traite guère des « trois ordres ». S’il les mentionne, c’est parce qu’il essaie de classer les dignités inférieures à celle du roi et qu’il s’appuie sur deux documents : le protocole observé lors du couronnement et celui suivi lors des États de Tours. Il ne prête en réalité d’attention qu’aux ordres, et ici particulièrement à la noblesse et au tiers.
Hiérarchies sociales
17Intercalée entre les officiers de justice et les militaires, la noblesse n’est guère appréciée de Chasseneuz. D’abord parce qu’il a du mal à la définir31. Soit est noble auprès de Dieu celui à qui Il a imparti Sa grâce, mais dans le monde, il s’agit de celui que le prince a fait tel ; soit – et l’argument est ici repris au cardinal Zabarella – la noblesse est une qualité ou une dignité provenant du sang de parents de haute origine et transmise par la chair aux enfants légitimes, mais cette définition s’apparente surtout à une description ; soit enfin, et c’est Bartole qui est ici mis à contribution, on peut distinguer toute sorte de noblesse, théologique ou surnaturelle, naturelle, politique… La synthèse qu’opère Chasseneuz à partir des définitions existantes, une noblesse de famille ou de vertus, réunissant en un même homme l’excellence et l’éminence, provenant du mélange des sangs de la parenté et illustrée par les mœurs et les vertus, ne le satisfait pas davantage. La noblesse, écrit-il, n’est pas une chose qu’il faut louer, dans la mesure où tout est bien, mal ou indifférent : le mal n’emporte aucune vertu, ce qui est indifférent n’a pas d’intérêt, et ce qui découle du bien – écho aristotélicien – n’est pas la noblesse mais la félicité. La noblesse est au fond dans la nature et dans ce cas chacun naît noble, mais si on pense que celle-ci découle des faits et gestes, il s’agit d’une erreur : on devient bon ou mauvais, savant ou industrieux, mais pas noble. Chasseneuz estime pourtant les qualités que l’on dit être nobles, mais précise que la noblesse sociale n’est pas un motif d’animo intumescendum, ni une raison pour se vanter sottement et vainement de son origine. Il insiste beaucoup sur l’égalité naturelle, sur le fait que l’homme – cliché de la devotio moderna – est à la fois fait à l’image de Dieu et de poussière « et donc tous les insignes de noblesse sont… poussière et terre… Lorsque nous parviendrons aux derniers jours, entraînés par la mort, la mère commune de tous, la terre, nous réclamera et, que nous soyons, selon ce siècle, nobles ou non-nobles, elle ne fera aucune différence ». Ce sont en tout cas des noblesses spirituelles bien plus que mondaines qui méritent d’être honorées, Dieu ne faisant pas acception de personnes32. Même en des pages plus descriptives relatives aux modes d’anoblissement, l’auteur du Catalogus ne manque pas de relever certaines contradictions, comme par exemple l’obligation faite aux nobles de vivre noblement et le fait qu’en France de nombreux membres du second ordre vivent comme des paysans ou le fait que des personnes exerçant des professions très viles puissent être anoblies par l’acquisition d’un fief noble.
18Pour ce qui est en revanche des plébéiens, artisans et ouvriers, le ton change33. La République de Platon ouvre la série des références et sert souvent de guide : l’État ne saurait compter que des sages, le travail est le lot commun et l’éducation capitale pour les jeunes. Le classement des louanges ou honneurs au sein du tiers-état place en premier les defensores civitatum, les maires, puis les decuriones ou francs-bourgeois, les magistrats municipaux et finalement une infinité de hiérarchies34. « Il faut ainsi préférer » dans les cités – figure de style omniprésente traduisant l’introduction de prééminences abondamment justifiées – les gens mariés à ceux qui ne le sont pas, les propriétaires à ceux qui ne les sont pas, ceux qui ont des fils, ceux qui viennent d’une grande ville, ceux dont la filiation est légitime, les pères aux fils, les vieux aux jeunes, les lettrés, les vertueux, ceux qui sont originaires de la cité, ceux dont les parents étaient honnêtes, les riches, les honnêtes, les utiles, les beaux…35
Hiérarchies fonctionnelles
19Chasseneuz classe les diverses fonctions – correspondance harmonique avec les autres – en trois hiérarchies de trois ordres en tentant de faire coïncider offices ecclésiastiques et laïcs36. Dans la première hiérarchie, trois ordres ecclésiastiques : certains ministres sont comme des assesseurs, tels les patriarches ; d’autres comme des conseillers, tels les cardinaux ; d’autres comme des serviteurs tels les cubicularii et servientes. Dans l’ordre temporel correspondant, les pairs de France forment le premier degré, les ducs et princes le second, les chambriers et autres officiers royaux le troisième ; dans l’ordre juridictionnel se succèdent le chancelier et le connétable, les conseillers du Grand conseil et les maîtres des requêtes, les présidents et conseillers des parlements, mais ceux-ci peuvent aussi faire partie de la deuxième hiérarchie…
20Les fonctions qui intéressent Chasseneuz sont presque exclusivement les offices royaux et la matière est abordée de façon plutôt compliquée du fait du souci, fort répandu on le sait à partir du xivème siècle, de faire correspondre les institutions françaises avec les catégories romaines. Ainsi, la VIIe partie rappelle qu’il existe cinq sortes de dignités ou magistratures : superillustres, illustres, spectabiles, clarissimi, infimi. On passera ici sur les discussion fort longues portant sur le fait de savoir si, par exemple, le connétable est assimilable à un capitaine (et donc aux spectabiles) ou au magister militum, ce qui ferait de lui un membre des illustres ; sur la très longue, elle aussi, comparaison des mérites respectifs des offices, selon qu’ils sont, dans l’ordre, des offices d’administration, vacants ou honoraires, chacun devant être classé en tenant compte de la dignité qui y est attachée, du fait que leurs titulaires sont présents ou absents, qu’ils les exercent à Paris ou en province…37 Chasseneuz, habituellement prompt à classer les mérites, éprouve en revanche quelque difficulté à départager le connétable et le chancelier. Le premier a sa préférence – Dieu n’a-t-il pas donné à saint Michel le pouvoir de combattre ? – mais c’est pourtant en faveur du second qu’il se prononce, conformément à l’opinion de Lucas de Penna qui l’assimilait au préfet du prétoire, « qui représente la révérence du prince et est son vicaire »38. Le choix, traditionnel, ne pouvait guère être différent, Chasseneuz s’inscrivant dans l’argumentaire bien rodé relatif au roi justicier, oint pour cela lors de son sacre. Il existe même en France un hierarchicus status justitiae se traduisant dans l’institution des parlements et autres cours de justice, par la soumission du roi, contrairement au pape et à l’empereur, aux décisions de ses tribunaux39. La justice l’emporte donc en excellence parmi les quatre sortes de fonctions qui englobent tous les offices : ceux exercés dans l’entourage du roi, ceux relatifs aux finances, à la justice, à l’armée40.
21Après le chancelier viennent les préfets du prétoire « des autres lieux » qui ne sont autres que les présidents des parlements de province. Celui de Paris, premier établi, « même si l’auteur de son institution n’est pas rapporté par l’histoire » a prééminence sur les autres et les conseillers parisiens sont évidemment préférables à ceux de province. Suivent les lieutenants du roi ou baillis et sénéchaux (praesides provinciarum) puis les maîtres des requêtes de l’Hôtel. Quant aux officiers de finances, leur statut peut leur donner prééminence sur les conseillers des parlements, notamment pour ce qui concerne les Généraux des finances et les présidents de la Chambre des comptes, mais cette supériorité cesse lors de la réunion des cours supérieures car la supériorité du parlement devient alors globale : le greffier du parlement, parce qu’il appartient à la première cour du royaume, doit recevoir plus d’honneur que les Généraux des finances « et de ceci on peut déduire que les seigneurs des comptes, s’ils voulaient se mettre sur un pied d’égalité avec la cour de parlement, seraient dans l’erreur car ils entreprendraient ce qui a entraîné la perte de Lucifer, car ils voudraient se faire semblables au Très-Haut, ce qui répugne à la nature »41.
22Les militaires, venant ensuite, sont couverts de louanges. Tous les ordres sont examinés, celui de Saint-Jean-de-Jérusalem, les Templiers, les Teutoniques… puis l’armée ordinaire sous l’autorité du connétable, l’amiral, les maréchaux de France, les capitaines… Les qualités propres aux militaires sont énumérées avec enthousiasme : gloire, honneur, complexion et dureté des membres, beauté, audace, largeur de la poitrine et longueur des membres, sobriété, pauvreté, obéissance, science militaire, vigilance, patience dans l’adversité, courage, dévotion, fidélité, persévérance, charité mutuelle, sagesse, cicatrices et blessures qui figurent celles du Christ et chasteté si évidente que Chasseneuz l’explique par une savante étymologie42 ! Les agriculteurs et artisans43 lui apparaissent aussi très nécessaires à la cité, les premiers en grande partie du fait de justifications littéraires relatives au travail, aux soldats robustes et plus largement à l’utilité générale. Quant aux artisans, ils font naturellement l’objet d’un classement hiérarchique : les tisserands viennent en premier, puisque lors de l’expulsion d’Adam et Ève de l’Eden, Dieu leur donna des vêtements tissés… puis viennent les orfèvres et autres métiers du métal, à commencer par ceux qui extraient le minerai et ceux qui lui donnent forme, les libraires, imprimeurs et chalcographes… Les tisserands sont ensuite classés par ordre de louange : teinturiers, tapissiers, couturiers… puis suivent les marchands, hôteliers, médecins, barbiers, chasseurs, pêcheurs, artistes de théâtre…
23Au delà de l’énumération parfois éreintante et qui peut prêter à sourire, ce qui importe à Chasseneuz est bien de donner à pratiquement chacun une place honorable et si possible une place plus honorable que celles que peuvent avoir les autres. Mais les créatures célestes et infernales, les hommes et les animaux ne sont pas les seuls objets du recensement glorifiant ou honorifique du Catalogus. La XIIe partie compare les mérites respectifs des planètes et des éléments, des cieux, des religions, des fleuves et des vents, des eaux, des arbres, des sacrements, des dons du Saint-Esprit, des différentes sortes de droits, des nombres, des temps, des mois, des jours et des heures, des sens, le toucher l’emportant… des modes de gouvernement, des îles, villes, fleurs, métaux, huiles, vins – les meilleurs viennent bien sûr de Bourgogne et il est vrai qu’au moyen âge nul ne l’eût contredit –, fromages…44 le tout appuyé sur des autorités littéraires et juridiques. Ce catalogue, en dépit de son acharnement démonstratif, est une somme intéressante sur les prémisses de la société d’ordres et sur les représentations mentales d’un juriste d’importance. Pourtant Loyseau, près d’un siècle plus tard, en fera très peu de cas : s’il se réfère parfois à « Chassanée »45 et Tiraqueau, il leur préfère les docteurs de droit romain et d’autres humanistes, Budé, Du Haillan et Pasquier et, surtout, une approche plus positive de la notion d’ordre46.
Notes de bas de page
1 Nous n’avons pu consulter l’édition que Ch. Dugas de La Boissonny, Barthélémy de Chasseneuz (1480-1541), Grenoble, 1977, présente comme étant la meilleure (Turin, 1617) ; les citations du Catalogus renvoient ici à celle de Genève, Pierre Choüet, 1649, 630 p. in-f° et Index.
2 XIIe partie, p. 464.
3 Ch. Dugas de La Boissonny, op. cit., p. 166 et s. Cf. aussi P. Arabeyre, Aspects du « rationalisme culturel » dans le domaine du droit au début du xviéme siècle : les grands juristes français selon Barthélémy de Chasseneuz, Annales de Bourgogne, 74, 2002, p. 161-188.
4 Ibid., p. 39 et s.
5 Ie partie, p. 1-2 « honor est testimonium excellentiæ, quæ est in homine, sed maxime secundum virtutem, ideo secundum virtutem et dignitatem dantur honores, nec indignis debent dari… »
6 Cf. par exemple, A. N. Woznicki, Being and order. The metaphysics of Thomas Aquinas in historical perspective, Peter Lang, New York, 1990 ; pour une rapide mise en perspective chez les juristes médiévaux, H. G. Walter, Die Legitimität der Herrschaftsordnung bei Bartolus von Sassoferrato und Baldus de Ubaldis, Rechts- und Sozialphilosophie des Mittelalters, dir. E. Mock et G. Wieland, Peter Lang, Francfort/Main, 1990, partic. p. 124 et s.
7 La hiérarchie céleste, éd. et trad. R. Roques, Paris, 1970 (Sources chrétiennes, n° 58 bis). Cf. aussi R. Roques, L’Univers dyonisien : structure hiérarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris, 1983.
8 Voir par exemple les contributions réunies dans Method and order in Renaissance philosophy of Nature, dir. D. Di Liscia, E. Kessler, Ch. Methuen, Ashgate, Aldesrhot, 1997.
9 Ie partie, p. 79 « In omnibus enim actibus et virtutibus est ordo et utitur secundum ordinem, secundum Arist. 3. Ethic. Et ideo, sunt plura ordinata in unum, oportet esse aliquod universale regimen, supra particularia regimina, et ad hoc est facta prælatio inter ministros… Convenit ordinem æqualiter ab omnibus custodiri, nec debet turbari ordo officiorum… Et ordo est etiam uniuscujusque rei figura substantiæ, ut inquit Baldum… »
10 Ibid. « Quod ut cognoscatur, qui honor, quæ laus, quæ gloria dignitatem habentibus sint deferendæ, et quomodo inter illos sit servandus ordo et quomodo unusquisque agnoscere debet ordinem suum et quod dignum sit eo ordine, quem suscipit, intelligere et ita actus suos sermonem, incessum, habitum, moderare. Ideo videndum est, quid sit ordo. Unde ait August. de civitate Dei, li. 29, ordo est primarum disparium rerum, sua cuique loca tribuens dispositio, et dicitur ab ordino ; et ordino ab ore dicitur, quod idem est quod dispono, quasi ore pronuntio, quis cuique locus esse debeat. A quo ordo, dispositio gradus et ordinarium, in quo ordo servatur et maxime ordo in dignitatibus est servandus l. fin. C. de primicer. et secundic. et toto tit. ut dignit. ordo servetur. C. lib. 12 et bonum consistit in ordine secundum August. in lib. de natura boni et ordo dat rei perfectionem, 7 q. 1 c. nihil. Nullius quippe universitatis administratio gerere, neque subsistere posset, nisi eam magnus ordo differentiæ servaret, in cap. ad hoc 89 dist. ubi habetur quod Ecclesiæ militantis et triumphantis duplex est ordo, et sicut in ecclesia triumphanti sunt novem ordines designati per novem lapides, de pœnit. distinct cap. principium, ita in ecclesia militanti… Et ideo quanto aliquid ordinarium est, tanto id melius, et perfectius l. 2, § 1, ff. ad Velleia… Et proprie ordo dicitur, cum diversarum rerum vel personarum, unaquæque proprium locum tenet Arch. in cap. decernimus in prin. 10 quæst 1, graduum enim et ordinum distributio unitatem in ecclesiam conservat… Ratio autem ordinis observandi inter personas, ponitur in c. fin. in prin. 89 dist., ubi dicitur. Ad hoc, dispensationis provisio, gradus diversos et ordines constituit esse distinctos, ut dum reverentiam minores potioribus exhiberent, et potiores minoribus dilectionem impederent, vera concordia fieret et ex diversitate contentio et recte officiorum gereretur administratio singulorum. Neque enim universitas alia poterat ratione subsistere, nisi hujusmodi eam magnus ordo differentiæ servaret et ibi glosa allegat Apostolum dicentem Dum mundus iste durabit, homines præsunt hominibus, dæmones dæmonibus, angeli angelis. Cum enim Deus erit omnia in omnibus, cesssabit omnis prælatio, non tamen ordo vel majoritas. Aliquis enim major erit alio, quoniam in domo patris mei multæ mansiones sunt c. in domo de pænit. distinct. 4. »
11 IIe partie, p. 81 et s. Les louanges ici adressées aux femmes sont substantiellement nuancées par ailleurs.
12 Par exemple XIIe partie, p. 459, à propos de la Vierge « et haec dico solum pro quadam investigatione, non tamen istud assero, sed me remitto ad dominos theologos. »
13 IIIe partie, p. 121 et s. et 131 et s.
14 IVe partie, p. 166 « Sed, heu, quid dicendum de nobilibus et burgensibus, qui de presbyteris faciunt suos receptores, suos pincernas, et coquos et stabularios, quorum manus sacratæ sanctum sanctorum corpus dominicum quotidie contrectant, cujus expleto officio ad ista applicantur vilissima ? » ; parce que le pouvoir des prêtres est sans pareil sur la terre et « excedit omnes alias potestates », y compris celle des anges qui sont incapables de faire que le ciel vienne sur la terre à la vitesse des rayons du soleil, il écrit encore, p. 168 : « O Sacerdotes, prærogativam enim ordinis vestri prætulit Deus omnibus regibus et imperatoribus terræ, prætulit ordinem vestrum omnibus ordinibus mundi, imo, ut altius loquar, prætulit vos Deus omnibus ordinibus angelorum, omnibus angelicæ hierarchiæ. Sicut enim non angelos, sed sinum Abrahæ apprehendit, ad faciendam redemptionem, sic non angelis, sed hominibus, solisque sacerdotibus commisit Dominici corporis et sanguinis consecrationem. »
15 IIIe partie, p. 121 et s. et IVe partie, p. 165 et s.
16 Repetitio… in capitulo Raynutius de testamentis, Lyon, 1575, Vis Adjectae impuberis, f° 218 v° et 219 et, pour l’histoire de la monarchie française et de ses armoiries, Vis Duas habens filias, f° 16 v° et s.
17 IIIe partie, p. 136, à propos des archanges « Sed quia etiam habenti dignitatem, datur alius angelus de majori ordine, secundum dignitatem illius, cui datur […] Singulis enim regnis et præsidentibus seu principatibus supremis, præsunt angeli de superiori ordine inferioris hierarchiæ, ad custodiam solum illorum. Et isti sunt principaliter custodes regum et regnorum. Et ideo aliquando accipiuntur pro regibus et regnis quibus præsunt, eo quia rationabiliter procurant bonum gentium sibi commissarum ex earum meritis. Nam quilibet angelus offert Deo merita suæ gentis, cui præest, propter quod videntur tales angeli sibi invicem quandoque contrariari et resistere, quoties duo regna, quibus præsunt, diversi angeli sunt in contradictione. et hoc est quod dicitur Danielis 10, ubi Danieli dicit Gabriel princeps, id est angelus regni Persarum resistit mihi viginti et uno diebus. Et permanent illi angeli in tali resistentia, non quod inter ipsos sit contrarietas voluntatum simpliciter, sed quia futura ignorant, donec sciant determinationem divinæ voluntatis de futura istius, vel alterius gentis subjectione… Et hujus regni, et regis Franciæ custodia et protectio, attribuitur Michæli archangelo, qui olim fuit princeps synagogæ. Sed nunc constitutus est a Deo in principem Ecclesiæ, cujus super cæteros sæculi principes brachium dextrum et præpotens fuit, usque nunc, et ad hunc regem Franciscum, hujus nominis primum… »
18 IIIe partie, p. 130.
19 Ière partie, p. 11 et s. ceux qui « majoribus insignibus utuntur, majoribus honoribus praefulgent et in digniori loco collocati debent. »
20 C. Beaune, Naissance de la nation France, Paris, 1985, p. 334 et s.
21 Ibid., p. 30 et s. ; p. 30 « Modo verum est, quod princeps ex naturali consuetudine defert arma dignitatis, scilicet principatus ; ergo alteri concedere non potest immutando dictam consuetudinem. Maxime rex Franciæ non potest alteri concedere portum suorum armorum, quæ habet non solum ex consuetudine, sed ex divina revelatione, seu transmissione, ut dictum est. Divinitus enim regi Clodoveo fuerunt lilia de cælo missa, quibus ipse et qui secuti sunt reges Franciæ pro armis seu insignibus ab illo tempore usi sunt loco trium bufonum, et utuntur in perpetuum. Insuper arma ad honorem dignitatis noscuntur deputata, ut in hoc dignoscatur a cæteris omnibus. Et soli principi ordinata sunt, quia solus cæteros omnes antecellit. Rex enim super omnia præcellit… Cum igitur non habeat princeps parem, nec patiatur consortem, arma sua quæ sunt signa superexcellentiæ alteri concedere non debet ; sed nec pari, quod aliquis alius deferat, iuxta illud apostoli Gloriam meam alteri non dabo ; maxime quia facere præjudicium reipublicæ et subjectis, qui armis, propter signatum honorem, debent. Et facit, nam sicut videmus, quod non licet privatis deferre vestes loberas, auratas, sue sericas, aut purpureas, l. 1. 2. & 3, C. de vestibus oloberis lib. 11. Et hoc, ut dicunt ibi hoc doctores, ne privati parificent se principibus, ita quod alia facientes, incidunt in crimen lesæ majestatis, d. l. 3… »
22 Ibid., p. 39.
23 Ve partie, p. 198 « Unde paucos videmus sanctos reges et hoc ex eo quia, ut dictum est, faciliter delinquunt propter eorum ambitionem dominandi, quam habent, ut fiant non solum reges et principes, sed ut fiant majores. »
24 Ibid. p. 200 « Tertia ratio, quia omne dominium, quodcunque sit, a Deo sumitur ex parte finis. Divina enim providentia omnia in debitum finem deducit, in quantum movet unamquamque creaturam in suum finem distinctum, sicut sagittarius sagittam ad determinatum finem, qua ratione dicit Augustinus 3. de Trinitate, quod Deus quibusdam ordinatissimis motibus, primo spiritualibus, deinde coporalibus, super cuncta descendit, et utitur omnibus ad incommutabile arbitrium sententiæ suæ, sicut ad finem congruum. Si ergo alias creaturas debito et ordinato fine concludit, multo magis creaturam rationabilem, ut hominem, quod apparet, quando ipsum gubernat, dispensat per suos dispensatores, ut sunt reges et principes. Hinc est quod cum dixisset apostolus ad Rom. 14, Non est potestas nisi a Deo, subdit quæ autem a Deo ordinata sunt, itaque, qui potestati resistit, ordinationi Dei resistit. Quia ad hoc Deus de eis huic mundo providit, ut unusquisque statum suum prosequatur in debitum finem… Propterea, quanto quælibet natura nobilem finem apta est consequi, tanto habet magis moventia disposita ad conservationem finis, sicut manifeste in corruptibilibus patet. Sicut etiam in corporibus cœlestibus et spiritibus angelicis, qui sine agente contrario ad suum finem, puta corpus cœleste ad dominum sui motus. Angelus autem ad divinorum cognitionem et suum ministerium adimplendum… »
25 Ibid., p. 228 « Imperator inter omnes principes seculares mundi videtur esse primus, cujus magna est authoritas et præeminentia, cum sit vicarius Dei in temporalibus Bal. in l. 1 C. de jure aureo annulo et pontifex appellatur… Sanctissimus etiam dicitur et nobilissimus in l. quaeris ff. de natalib. restit. et nil ei honorificentius, quam si dicatur filius Ecclesie c. convenientior, ad fin. 23 q. 8 et christianissimus appellatur Epistola, inter claras C. de summa trin. Et supremus omnium dicitur l. pen. et ibi Bal. C. de bonis quae lib. Sed non regis Franciæ… nec regis Hispaniæ… Dominus enim est [imperator] et superior omnium provinciarum… et omnium rerum… »
26 Pour l’analyse du pouvoir royal Ch. Dugas de La Boissonny, op. cit., p. 182 et s.
27 Cela se voit à la façon dont il analyse la Decisio 239 de Guy Pape qu’il rapporte ici d’après Gaguin : si le roi et l’empereur marchaient côte à côte, l’empereur se tenait à droite, qui était la place d’honneur. Cela ne gêne pas Chasseneuz parce que l’empereur ne prétendait pas à l’égalité mais à la supériorité sur le roi, alors que le roi ne se prétendait pas supérieur mais égal : il n’y a donc pour lui rien d’étonnant à ce que le roi ait laissé l’empereur marcher à droite, dans la mesure où l’un ne précédait pas l’autre. Ve partie, p. 241.
28 Ve partie, p. 229-255.
29 Ibid., p. 232 « Et sic constat, quod jure illo naturali, seu jure gentium, solum erant reges, cum non dicat imperium, nec tunc erant imperatores, cum dicit text. I Reg. 8 c. Hoc erit jus regis, qui imperaturus est vobis, notando verbum, imperaturus. Ex quo quilibet rex potest hoc respectu dici imperator. »
30 XIIe partie, p. 507.
31 VIIIe partie, p. 303 et s.
32 Ibid., p. 317 « Nobiles ex sapientia, virtutibus ac bonis moribus præhonorantur, cum præferendi sunt his, qui ex genere et divitiis, seu loco aut privilegio nobilitatis decorantur. Ita tenet Lucas de Penna in l. mulieres, in 4 col. in pr. Cod. de dig. li., quod sic probat in 2 col. Cum hae tres species nobilitatis ex sapientia, scientia et virtute sint in anima, spirituales, cœlestes pariter et ex Deo, sunt in omnibus præferendæ his quæ sunt terrestres et ex homine, et sine dubio digniores […] Christus quidem non multos secundum carnem nobiles elegit, sed ignobiles et pauperes, quia non est personarum acceptio apud Deum ». Cette noblesse des vertus est préférable à toute autre « quia nobilitas virutum ex propria virtute acquiritur, et virtuosis actibus et moribus animi, ex quo nobilior judicandus est pro eo, qui proavorum nobilitate subnititur. »
33 XIe partie, p. 404 et s.
34 Ibid., p. 413 et s.
35 Pour la hiérarchie des sciences et des savants, Ch. Dugas de La Boissonny, op. cit., p. 202 et s.
36 IVe partie, p. 165.
37 VIe partie, p. 260 et s.
38 VIIe partie, p. 276.
39 Ve partie, p. 202 et s.
40 VIe partie, p. 260.
41 VIIe partie, p. 273 et s. ; p. 284 « curia parlamentalis Franciæ est prima et principalis omnium curiarum et sic, si per modum curiæ congregatæ et convocatæ incedat, et in actu in quo tota curia repræsentatur, præcedet omnes alias curias. Et licet generales Franciæ aut præsidentes in camera computorum videantur esse majoris dignitatis quam consiliarii, de per se, cum sint primi et præsidentes in eorum curia. Non tamen in congregatione prædictarum curiarum debent præcedere consiliarios curiæ parlementi, imo nec grapharios ejusdem curiæ, ex quo tota curia tenet primum locum honoris, omnes curialistæ seu ministeriali illam sequuntur et sic præcedunt etiam ipsos præsidentes computorum qui sunt de secunda curia et sic de secundo loco honoris […] Et hoc ergo infertur quod domini computorum, si vellent incidere æqualiter cum curia parlamentali errarent cum vellent attendare id quod nocuit Lucifero, quia vellent fieri similes Altissimo, quod naturæ repugnat. »
42 IXème partie, p. 341 « inter stationes militum dicuntur castra, a castrando, quasi castrata vel casta, quod ibi castrati debet libido et caste ibi vivebant milites antiqui… »
43 XIème partie, p. 434 et s.
44 Chasseneuz était – on a bien conscience de l’importance de cette note – grand amateur de fromages de Brie, car (XIIe partie, p. 604) « nec etiam in his est magna viscositas, quia non filant, sed funduntur fere sicut butyrum ».
45 Les Œuvres de maistre Charles Loyseau, Lyon, 1701, Traité des ordres et simples dignitez. Chasseneuz est par exemple cité au chap. V, p. 32 (« Chassanée sur sa coustume » à propos des bâtards ; mais pas le Catalogus) et au chap. VI, p. 33, où après avoir traité des « simples gentis-hommes », Loyseau écrit que « les derniers propos du précédent chapitre me font souvenir d’une plaisante question que proposent Chassanée et Tiraqueau, si le commun dire de nos Gentils hommes des champs se peut soustenir, qu’ils sont aussi gentilshommes que le roy. Tous deux le réprouvent, tant par les passages de Cicéron et Aristote… que surtout parce qu’il y a plusieurs degrez en l’ordre de noblesse. » Cf. B. Basdevant, Aux origines de l’État moderne. Charles Loyseau 1564-1627 théoricien de la puissance publique, Paris, 1977.
46 Par exemple, ibid., chapitre III, Du Clergé, p. 15 « Les trois États de France sont grandement différents de ceux des Romains. Car en premier lieu nous n’avons pas d’ordre sénatoire, étant très vrai ce que dit Budée sur la loy dernière, D. de senat. que nos parlemens ne ressemblent guères au Sénat romain, qui n’estoit pas un corps d’officiers, mais un ordre, dont ordinairement on prenoit les magistrats, soit de la guerre, ou de la justice, ou des finances. Au lieu qu’en France les officiers de la gendarmerie doivent être pris de l’ordre de la noblesse, ceux de la justice sont pris indifféremment des trois États, fors que les ecclésiastiques ne peuvent tenir les offices criminels et ceux des finances sont pris du Tiers-État, par ce que le clergé et la noblesse les dédaignent la plupart. »
Auteur
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
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