Chapitre II. Vers un redéploiement de la responsabilité civile dans sa fonction punitive
p. 683-745
Texte intégral
11893. On ne saurait solliciter à outrance la responsabilité pénale pour tenter de compenser l’étiolement de la responsabilité civile dans sa fonction de régulation des comportements. Semblable réflexe pourrait conduire aux pires excès. Toutefois, parce qu’il n’en reste pas moins nécessaire d’obliger celui qui aura commis une faute « à rendre des comptes »1, une alternative doit être trouvée. Or, précisément, le droit civil a ce privilège incommensurable sur le droit pénal de ne pas être tenu par le principe de la légalité des délits et des peines2. Dès lors sous son empire, il devient plus aisé de retenir la responsabilité d’une personne sans forçage des textes. La résurgence de la fonction punitive de la responsabilité civile3 apparaît d’autant plus justifiée, que cette dernière aura été contrainte de renoncer à son rôle indemnitaire au profit de remèdes collectifs4 en présence de risques majeurs telles les marées noires.
21894. La faute, outil de régulation des comportements, fondement privilégié de la responsabilité, aura été condamnée au repli précisément pour renforcer la fonction indemnitaire de la responsabilité. L’assurance se sera associée à ce mouvement et aura fourni à la responsabilité les moyens de ses ambitions. Ainsi dégagée de la notion de faute, la fonction normative de la responsabilité aurait pu sembler menacée. D’aucuns de considérer qu’avec le déclin de la faute, la fonction de régulation des comportements se serait simplement transformée. Ainsi, être responsable ne serait plus seulement faire preuve de prudence et de diligence. Il s’agirait encore de s’organiser en vue de réparer les dommages que l’on est susceptible de créer. En d’autres termes, être responsable pourrait n’avoir d’autres significations que de prendre la précaution de s’assurer5. Or retenir pareille conception de la responsabilité apparaît d’emblée réducteur.
31895. Aussi, devient-il plus que jamais nécessaire de se demander comment pratiquement, on peut espérer favoriser la résurgence de la fonction punitive de la responsabilité civile étant entendu que celle-ci ne peut se concevoir sans une véritable restauration du sens du mot. Si à l’égard de la victime, les fonds renforcent la fonction indemnitaire, on pourrait envisager selon un certain parallélisme que dans leur rapport avec l’auteur du dommage, ils restaurent la fonction punitive de la responsabilité en se retournant contre les différents intervenants fautifs du transport maritime. En d’autres termes, il s’agirait de confier aux fonds la tâche de mettre en œuvre la fonction punitive de la responsabilité (Section 1).
41896. Reste que l’assurance elle-même pourrait s’associer à cette résurgence de la fonction punitive de la responsabilité (Section 2). En effet, cette institution a incontestablement un rôle à jouer dans la revalorisation de la responsabilité individuelle. Et nul doute que l’on peut compter sur la volonté de ces professionnels, financièrement intéressés à la gestion du risque, pour se prémunir contre tous les risques de dérive6 que n’a pas manqué de générer la responsabilité objective. En mettant sur pied un système de sanction ad hoc, il s’agit de décourager toute forme de comportements dommageables dans un souci bien compris d’une meilleure gestion de la mutualité. Ainsi, plus que jamais, la prévention des risques pourrait devenir le nouveau credo des assureurs maritimes, la punition des mauvais mutualistes leur nouvelle croisade.
SECTION 1. LA MISE EN ŒUVRE PAR LES FONDS DE LA FONCTION PUNITIVE DE LA RESPONSABILITÉ
51897. S’il est un grief que l’on adresse souvent aux fonds d’indemnisation, c’est celui de banaliser le risque7, en diluant de la façon la plus optimale qui soit la charge de réparation. Réduite à une technique de gestion a posteriori des risques et de répartition des charges, la fonction indemnitaire des fonds d’indemnisation ne se conçoit que pour peu qu’on veuille bien occulter toute démarche tendant à établir des responsabilités. Cette socialisation des risques consomme le « déclin de la responsabilité individuelle », et pourrait à terme sonner son glas en présence de dommages majeurs.
61898. Nul doute qu’en préconisant de confier au seul SUPER-FIPOL la charge d’assumer l’indemnisation intégrale des dommages selon les modalités que nous avons indiquées, l’on pourrait nous reprocher d’accentuer ce qui apparaît comme une tare. Reste qu’une analyse plus approfondie du mécanisme du fonds invite à plus de circonspection. Ainsi que le souligne le Pr P. JOurdain, la responsabilité conserve un rôle au stade des recours que sont amenés à exercer ces organismes8.
71899. On ne saurait en effet confondre indemnisation automatique et prise en charge définitive du coût des dommages. Une fois la victime indemnisée, la question de la charge définitive de la dette doit être posée. Par l’entremise de l’action récursoire, les fonds se voient offrir non seulement la possibilité d’utiliser les règles de la responsabilité civile mais encore de rétablir celle-ci dans sa fonction punitive.
81900. Les pollutions maritimes majeures sont assurément accidentelles. Parce qu’elles ne tiennent pas toutefois de la fatalité, chacune des fautes caractérisées, aussi minime soit-elle, qui a concouru à leur réalisation doit être sanctionnée. Il y va de la prévention des comportements négligents. On saisit dès lors tout l’enjeu qui s’attache à l’exercice de l’action récursoire par les fonds. Celle-ci doit être considérée comme un vecteur de responsabilisation des acteurs du transport maritime, « fauteurs d’eaux troubles » selon l’excellente formule du Pr A. Vialard9 (sous-section 1). Si le propriétaire de navire, pour l’heure tenu pour objectivement responsable en vertu de la Convention CLC, est appelé à rejoindre le cercle des responsables, il apparaît nécessaire de concevoir le concernant un « système de responsabilisation » ad hoc (sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. L’ACTION RÉCURSOIRE : UN VECTEUR DE RESPONSABILISATION DES ACTEURS DU TRANSPORT MARITIME
91901. En étant subrogés dans les droits des victimes, les Fonds vont entreprendre de « rejeter sur l’individu auteur du dommage, l’indemnisation que la collectivité des payeurs aura d’abord prise à sa charge »10. Il s’agit en quelque sorte de mettre en œuvre une « pédagogie de la responsabilité »11, à travers une indemnisation mise à la charge de l’auteur. La technique de la subrogation des Fonds, parce qu’elle constitue le support de l’action récursoire exercée par les Fonds (§1) mérite à elle seule que nous nous y arrêtions. Vecteur incontestable de la responsabilisation des acteurs du transport maritime, l’action récursoire gagnerait à être systématiquement exercée par les fonds (§2).
§ 1. La subrogation des Fonds dans les droits des victimes, support de l’action récursoire
101902. Le dispositif conventionnel CLC/FIPOL associe bon nombre de techniques juridiques offertes par le droit de réparation, et plus généralement par le droit civil. La technique de la subrogation est de celle-là. Avant même d’envisager son application par les fonds d’indemnisation (B), il apparaît indispensable d’expliquer de façon critique en quoi elle consiste (A).
A. Explication critique de la technique subrogatoire
111903. Quand bien même la responsabilité au sens traditionnel où on l’entend, c’est-à-dire fondée sur la faute, ne serait pas un préalable nécessaire à la mise en œuvre du droit à réparation par les Fonds d’indemnisation, elle peut retrouver son empire dans une phase ultérieure12 au moyen d’une action récursoire. En effet, une fois la victime indemnisée, la question de la charge définitive de la dette se pose très concrètement. Le Fonds ayant accompli la mission qui lui était confiée, loin de rester le débiteur définitif de la dette indemnitaire, devrait tenter de transférer le poids de l’indemnisation sur son débiteur naturel, c’est-à-dire sur le responsable13.
121904. La technique juridique qui sous-tend l’action récursoire est celle de la subrogation. Ce mécanisme juridique, incontesté et souple, séduit le législateur. La subrogation, selon le Pr J. Mestre, consiste à substituer une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre était titulaire à la suite d’un paiement effectué par la première à la seconde14. Ce qui signifie, en présence des Fonds, que ces derniers, ayant indemnisé la personne lésée, vont prendre sa place dans ses rapports avec le responsable. En d’autres termes, ledit responsable acquiert la qualité de débiteur à l’égard du Fonds. En droit français, la subrogation est prévue à l’article 1251 alinéa 3 du Code civil, étant précisé que celle-ci est de plein droit au profit de celui qui, étant tenu pour d’autres au paiement de la dette, l’a acquittée. Ainsi que le souligne M. Ph. Casson15, les conditions d’intervention du Fonds à titre subrogatoire sont variées.
131905. Le paiement effectué par les Fonds libère les responsables vis-à-vis des victimes. En d’autres termes, ces dernières sont empêchées d’exercer une quelconque action contre un éventuel responsable, du moins lorsqu’elles ont obtenu une indemnisation intégrale de leur dommage. L’exercice de toute action subrogatoire est assujetti aux conditions de mise en œuvre de toute subrogation et, en premier lieu, au paiement effectué par le subrogé au profit du subrogeant. On notera encore que, si le sujet passif du recours subrogatoire est au premier titre le responsable du dommage, il paraîtra plus expédient, ainsi que le souligne encore M. Ph. Casson, de rechercher la responsabilité de ceux qui assument la charge de la dette sans avoir concouru personnellement à la survenance du préjudice. Autrement dit, il sera toujours possible au Fonds de rechercher la responsabilité des garants du responsable, au premier chef desquels pourrait se trouver toute personne responsable du fait d’autrui16.
141906. Il est intéressant de souligner que lorsque certains Fonds et notamment le fonds de garantie contre les accidents et de chasse, acquièrent un droit de subrogation contre un assureur qui se serait vu retirer son droit d’agrément, lesdits fonds sont admis à exercer une action récursoire contre la liquidation de la société d’assurance et non plus comme avant contre l’assuré responsable de l’accident. Par ailleurs, lorsque cet organisme transige avec la victime, la transaction est opposable au responsable sauf pour celui-ci à en contester les termes devant le juge. Bien sûr, cette constatation ne peut remettre en cause le montant des indemnités allouées à la victime par le fonds17. Reste à déterminer si les Fonds sont admis à exercer des actions récursoires fondées sur le droit commun des articles 1382 et suivants du Code civil, dans la mesure où les sommes réclamées ne pourraient pas l’être par la voie subrogatoire. A priori si aucune règle ne vient prohiber18 tous les recours autres que ceux expressément prévus par la loi, cela ne devrait pas être impossible19. Ces précisions opérées, il apparaît désormais possible d’envisager l’application de la technique subrogatoire par les « Fonds-marchandises » d’indemnisation.
B. Application de la technique subrogatoire par les « fonds-marchandises » d’indemnisation
151907. Avant de se pencher plus avant sur la pratique de l’action récursoire, quelques remarques préliminaires s’imposent. Il convient, en premier lieu, de préciser que les victimes d’un dommage de pollution ne sont pas obligées d’épuiser toutes les voies de recours contre les potentiels responsables avant de pouvoir déposer une demande d’indemnisation auprès du FIPOL20. On peut, en effet, craindre que l’incertitude se prolonge quant au point de savoir si l’indemnisation pourra être obtenue sur le fondement de la seule Convention CLC. La procédure d’instruction peut s’étaler sur plusieurs années. Ainsi, avant de savoir si le propriétaire pourra faire valoir un cas d’exonération ou s’il pourra financièrement faire face à ses obligations, ou si enfin, il pourra se prévaloir du droit de limiter sa responsabilité, il peut être nécessaire de patienter pendant de longues années. Aussi, il apparaît indispensable de prévoir une indemnisation des victimes bien avant que le partage définitif de la charge de réparation soit arrêté. Seul le FIPOL peut se permettre, eu égard au mode de fonctionnement que nous avons exposé, de supporter de tels délais. Du reste, même aujourd’hui, le FIPOL n’hésite pas à prendre les devants, quitte à exercer par la suite des actions récursoires. Cette possibilité apparaît du reste très clairement dans les conventions.
161908. Au regard de l’actuel dispositif conventionnel, la seule partie contre qui les victimes puissent en premier lieu diriger leur action est le propriétaire du navire duquel la substance dangereuse ou polluante s’est échappée. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où elles n’obtiendraient pas de lui une juste compensation qu’elles pourraient agir contre le Fonds. Le Fonds acquiert, par conséquent, par voie de subrogation, l’ensemble des droits dont la personne indemnisée aurait pu disposer s’il n’était pas intervenu. Il s’agit principalement, des droits de la victime à l’égard du propriétaire et de son garant. Subrogé dans les droits des victimes, le Fonds peut d’abord agir contre le propriétaire ou plus exactement contre son P&I Club, lequel pourra se prévaloir de la clause « paid to be paid » pour lui opposer une fin de non recevoir21. Mais, il lui est aussi loisible d’agir contre toutes autres parties22. Les pollutions ne sont pas l’ » apanage » du seul propriétaire de navire. Un navire abordeur peut être tenu responsable d’une pollution, à l’instar d’un chantier naval, ou même peut être à l’avenir en présence de Substances Nocives et Potentiellement dangereuses un chargeur qui omettrait de fournir des informations concernant la nature précise de la cargaison23.
171909. La charge que fait peser l’action récursoire sur ces pollueurs ne correspond plus à la prise en charge d’un risque. Elle est fondée sur la preuve d’une faute. C’est à cette même exigence que sera subordonnée l’action récursoire de l’armateur. L’octroi d’une action récursoire au profit des Fonds se justifie d’autant plus que cette structure pourrait conduire à une totale irresponsabilité des opérateurs du transport maritime assurés de voir pris en charge leur dette de réparation à l’égard des victimes. Sa seule présence traduit une volonté indéniable de responsabilisation. Toutefois, on peut penser qu’une responsabilisation accrue des intervenants du transport maritime pourrait être attendue du caractère systématique de l’action récursoire, alors qu’elle n’est pour l’heure que facultative.
§ 2. De l’opportunité de rendre systématique l’exercice de l’action récursoire par les Fonds
181910. Vecteur incontestable de responsabilisation des acteurs du transport maritime, l’action récursoire gagnerait à être systématiquement exercée par les fonds. Ce n’est en effet qu’à cette condition que ses potentialités répressives pourraient se trouver renforcées (A), mais encore que les responsabilités individuelles pourraient renaître à la vie après avoir été condamnées au déclin (B).
A. Vers un renforcement des potentialités répressives de l’action récursoire
191911. Si les actions récursoires ont indubitablement des potentialités répressives (1), c’est du caractère certain donc systématique de leur exercice que l’on pourrait espérer un renforcement de ces potentialités (2).
1. Les potentialités répressives des actions récursoires exercées par les Fonds
201912. Le risque de voir renforcer l’idée d’irresponsabilité des acteurs du transport maritime par la création d’un fonds international a été clairement dénoncé par la doctrine en général, maritimiste en particulier24. Ainsi Despax d’adresser une mise en garde au législateur. Si l’on prend la décision de créer un Fonds, encore faut-il veiller à ce que cette initiative n’ait pas pour conséquence fâcheuse d’atténuer la vigilance des responsables éventuels. La parade à cette fin semble tout indiquée : « l’institution responsable du Fonds doit conserver un droit de recours contre les pollueurs de telle façon que la menace de recours entretienne chez eux une incitation permanente à la prévention des dommages »25. C’est en ce sens que l’on peut dire que les actions récursoires manifestent le retour des règles de responsabilité civile, car grâce à elles, il est permis de désigner un responsable et plus encore de le sanctionner26.
211913. Dès lors, c’est pour répondre à ce souci légitime de moralisation que les Conventions maritimes portant création de fonds prévoient que les fonds acquièrent par subrogation au titre de toute somme versée par eux en réparation de dommages tous les droits dévolus à la personne indemnisée et qu’elle aurait pu faire valoir contre toute personne à l’origine de son dommage. La pertinence d’une telle disposition ne saurait être contestée. Viendrait-elle à manquer, les responsables de premier degré pourraient n’avoir aucun scrupule, puisqu’un Fonds viendrait en toute hypothèse indemniser les victimes27.
221914. On ne saurait, en effet, confondre indemnisation et prise en charge définitive du coût de la réparation. Si le Droit de la réparation met entre parenthèses les questions de responsabilité pour se concentrer sur celles des indemnisations, le droit de la responsabilité stricto sensu s’intéresse avant tout au fond du droit. Cette présentation synthétique de la situation ne saurait toutefois refléter parfaitement la réalité, puisqu’il existe entre ces deux disciplines des « passerelles ».
231915. Aussi, peut-on parfaitement concevoir que celui qui a été déclaré automatiquement responsable en application du droit de la réparation, veuille rétablir la « réalité des faits » en s’appuyant sur le droit de la responsabilité. L’action récursoire est une disposition utile à cette fin, bien que demeurant de l’avis du Pr J. de Malafosse28 souvent occulte. En dotant celui qui a exécuté une obligation qui incombait à un autre d’une action propre à obtenir la condamnation de ce dernier à ce qui a été exécuté29, on réintroduit l’aiguillon de la faute dans un cadre qui l’avait, a priori, exclu. Une fois la victime indemnisée, on peut de nouveau s’intéresser au véritable auteur des dommages et exiger de lui, en dernier ressort, réparation. Le droit maritime des pollutions ne fait pas exception à cette règle.
241916. Ainsi, s’il fallait utiliser une métaphore pour expliquer l’action des fonds d’indemnisation, nul doute que celle de la « pompe aspirante et refoulante » serait tentante. Le Fonds n’est-il pas avant tout un dispositif qui, après avoir collecté des sommes, se charge de les redistribuer. Cette image serait, toutefois, bien trop réductrice, et devrait être utilement complétée par une seconde : celle d’un « gendarme ». Traditionnellement, en effet, on attend du Fonds qu’il améliore l’indemnisation des dommages de pollution, tout en ménageant les intérêts des pollueurs potentiels. Car, ces derniers, sous couvert du paiement d’une redevance, d’aucuns diraient de l’achat d’ « un droit à polluer », se libèrent de la crainte d’une lourde condamnation. Dans un même mouvement, la menace dissuasive de devoir bourse délier s’estompe, les efforts accomplis en faveur de la prévention se relâchent30. C’est précisément ce phénomène endémique que le fonds peut aussi combattre, du moins s’il prend la peine d’exercer une action récursoire contre le véritable fautif31.
251917. Or, si cette seconde fonction du fonds apparaît plus confidentielle que la première, nombre d’auteurs32 voient en elle un moyen de rééquilibrage essentiel au sein des mécanismes de réparation collective. Il s’agit là, selon M. Thiem33, d’un trait caractéristique de l’institution. Le Pr M. Rémond Gouilloud34 de considérer l’action récursoire comme un corollaire indispensable de la réparation collective. De l’avis du Pr M. Prieur35, on devrait toujours permettre au Fonds d’agir contre les pollueurs fautifs. L’intérêt du procédé est patent. Il réintroduit au sein d’un système d’indemnisation collective, une responsabilité pour faute. La seule menace d’une action en responsabilité, fondée sur la responsabilité personnelle, devrait tout naturellement inciter à plus de vigilance et de prudence, quand l’effet préventif du principe pollueur-payeur semble définitivement paralysé36. Aussi l’objectif recherché, à savoir la répression des comportements anti-sociaux, devrait commander que son exercice, aujourd’hui encore discrétionnaire37, soit rendu obligatoire afin de renforcer les potentialités répressives de l’action récursoire.
2. Du caractère systématique des actions récursoires comme moyen de renforcement de leur potentialité répressive
261918. Les fonds exercent-il systématiquement les actions récursoires contre les responsables fautifs ? Pour reprendre notre métaphore, on pourrait dire que si la panoplie idéale du « gendarme » est assurément à disposition des Fonds d’indemnisation, il n’est toutefois pas certain qu’elle soit revêtue par lui. Or, il y a là un motif d’insatisfaction. Car, ainsi que le constate le Pr M. Remond-Gouilloud, « pour peu que l’organisme gestionnaire soit décidé à agir, il devient alors une arme redoutable contre les fauteurs de pollution. L’efficacité de la répression est aussi importante que sa sévérité : pour les auteurs potentiels de dommages, convaincus de se voir poursuivis, le Fonds représente alors une force dissuasive déterminante »38.
271919. En effet, nul doute que, brandie de façon épisodique, la menace n’impressionne plus39. Il semble que le Superfund, équivalent américain du Fonds SNPD soit convaincu de la chose. Cet organisme entend, en effet, user de son droit à réparation de façon quasi-systématique, et tout particulièrement lorsque la gravité des fautes commises par le responsable le commande. On ne saurait pour l’heure relever un tel réflexe au sein des organisations internationales placées sous l’égide de l’OMI. Au contraire, l’idée selon laquelle l’action récursoire serait sous-exploitée paraît avoir récemment émergée40, et, avec elle, une recommandation : celle d’engager systématiquement un recours contre ceux qui, à un titre ou à un autre, ont contribué à l’accident de pollution.
281920. Jusqu’à présent, ainsi que le souligne un groupe de travail ad hoc, si l’Assemblée du Fonds a décidé qu’il convenait d’engager une action récursoire chaque fois que des motifs juridiques permettaient de le faire, force est de constater que les perspectives d’obtenir satisfaction au plan financier ont souvent dissuadé d’engager de telles actions41. Or, précisément, il conviendrait de rendre obligatoire l’exercice de ce droit de recours par les fonds, indépendamment des chances de succès d’une telle action. En effet, il ne s’agit pas tant de recouvrer des sommes, les victimes ayant déjà été indemnisées à première demande, mais davantage de sanctionner de façon certaine des acteurs du transport ayant commis une faute caractérisée42.
291921. De simplement judicieux, ce principe d’un recours obligatoire du fonds pourrait devenir impérieux43. En effet, la réforme que nous avons suggérée dans le cadre strict de la réparation conduit à une dilution optimale de la charge de la réparation. Dès lors cette proposition apparaît largement contradictoire eu égard au grief de déresponsabilisation que nous avons formulé à l’encontre du Fonds.
301922. Aussi ce premier volet dédié à la réparation, et dans lequel toute idée de responsabilité est évincée au profit des mécanismes de collectivisation, en appelle un second visant précisément à la réintroduire. Si celui-ci n’existait pas, les victimes animées d’un irrésistible besoin d’identifier l’auteur de leur dommage pourraient contester le bien-fondé du Super-FIPOL pour revendiquer le droit d’agir personnellement devant les tribunaux civils ou pénaux.
311923. Concrètement, il s’agirait pour le Fonds, selon le Pr A. Vialard44, de mettre systématiquement en cause les acteurs de la pollution ayant concouru à la catastrophe, aussi minime qu’ait pu être leur contribution. Le FIPOL, financé par les taxes perçues sur les importateurs et ayant indemnisé les victimes à première demande disposerait d’un droit de recours contre les coauteurs de la pollution. On soulignera que ce recours obligatoire ne peut se concevoir que lorsque le Fonds indemnise à titre principal. Dans cette hypothèse encore, l’action récursoire exercée par les Fonds pourrait permettre un renforcement de l’individualisation de responsabilités devenues collectives. Après le déclin des responsabilités individuelles, le temps serait donc venu pour elles de renaître.
B. Vers la renaissance des responsabilités individuelles
321924. Après avoir mis en évidence les enjeux de l’individualisation des responsabilités (1), il conviendra de dresser une liste nécessairement non exhaustive des sujets de droit susceptibles de faire l’objet d’un recours individuel en contribution (2).
1. Les enjeux de l’individualisation des responsabilités
331925. « L’extension de la responsabilité civile, qui a tant frappé les juristes, n’est qu’apparente : la responsabilité collective déforme la responsabilité civile sur laquelle elle a d’abord pris partiellement appui pour apparaître à la vie juridique et celle-ci ainsi recouverte apparaît méconnaissable »45. Les recours en contribution des fonds doivent s’analyser comme autant de coups d’arrêt portés à la « collectivisation de la responsabilité »46, comme autant de tentatives de promotion de l’individualisation des responsabilités. Le recours en contribution des Fonds permet de sanctionner une conduite blâmable après indemnisation des victimes. Celles-ci seront dispensées d’engager une action devant un tribunal avec tous les aléas que cela pourrait comporter47.
341926. Libérés des contingences liées à l’indemnisation des victimes, les juges devraient se trouver placés dans des conditions plus sereines pour se prononcer sur les questions de responsabilités. Ainsi ne seront-ils pas tentés, quitte à égratigner au passage la stricte orthodoxie juridique, de voir des poussières de fautes. Seules les parties ayant réellement commis une faute pourront voir leur responsabilité engagée. Ce qui signifie a contrario que, dans la négative, elles ne pourront être poursuivies.
351927. Nul ne s’étonnera dès lors, que la faute, et plus encore sa gravité, puisse constituer un élément utile à la tarification de la peine. En réalité, ainsi que le souligne le Pr G. Viney, pour que la fonction sanction natrice et préventive de la responsabilité soit préservée grâce aux recours subrogatoires, il faudrait que leur exercice soit subordonné non seulement à la preuve d’une faute véritable, mais que leur ampleur soit mesurée à la gravité de cette faute et non pas à celle des dommages et surtout que les assurances soient interdites48. En effet, si l’on peut comprendre que dans une logique d’indemnisation, la victime ne puisse obtenir une indemnisation plus importante en raison de la gravité de la faute commise par l’auteur du dommage, il faut aussi admettre que lorsque le fonds d’indemnisation se retourne contre le responsable, la logique n’est plus indemnitaire mais punitive.
361928. Aussi, à s’en tenir à cette philosophie, l’auteur d’une faute légère doit être passible d’une sanction de même acabit. L’ampleur des dommages enregistrés ne devrait pas servir à déterminer l’enveloppe de la condamnation. Si, par malchance, les pertes enregistrées étaient lourdes, l’auteur des dommages ne pourrait être condamné à supporter l’intégralité des charges afférentes à la réparation. Cette solution semble équitable. Elle préserve, aussi, le responsable d’une ruine certaine eu égard à la lourdeur des obligations qu’il aurait pu assumer.
371929. Quel sort faudrait-il maintenant réserver à celui qui, bien qu’ayant commis une faute lourde, n’a occasionné que des dommages de faible ampleur ? Peut-on adopter un raisonnement similaire ? Selon le Pr G. Martin49, il serait difficile, dans cette dernière hypothèse d’infliger à l’auteur de la faute une peine d’un montant plus lourd que les dommages enregistrés. Pour justifier cette solution, il avance l’idée d’un risque d’enrichissement sans cause de l’organisme gestionnaire du Fonds. S’agit-il là d’un obstacle dirimant ? Nous ne le pensons pas. Comment, en effet, pourrait-on concevoir de retenir une proportionnalité entre la faute et le dommage dans une hypothèse et l’écarter dans l’autre ? Ce serait, en effet, courir le risque que l’auteur d’une faute légère, soit, en définitive, condamné à une peine plus lourde que l’auteur d’une faute grave. Or, s’agissant plus précisément du risque d’enrichissement sans cause, l’obstacle semble pouvoir être surmonté. Qu’une personne privée exerçant une activité lucrative puisse s’enrichir aux dépens d’autrui peut certes paraître immoral. En revanche, qu’un Fonds d’indemnisation dont le rôle principal est de collecter des fonds et de les réaffecter en vue d’indemniser les victimes ou de financer des mesures de prévention, puisse percevoir de telles sommes ne devrait pas indisposer. Le Fonds en effet n’a pas vocation à s’enrichir puisqu’il ne conserve pas ces sommes. Aussi, rien ne semble s’opposer à ce qu’en présence d’une faute grave n’ayant causé qu’un faible dommage, l’auteur soit condamné au versement d’une somme supérieure à celle déboursée par le Fonds.
381930. C’est cette solution assurément pragmatique que le CERCLA Act a fait valoir aux États-Unis en présence d’une pollution résultant d’un rejet de substances toxiques dans l’environnement. Le Superfund peut, en effet, exercer une action récursoire à l’encontre de l’auteur de la pollution, étant entendu que la responsabilité de ce dernier sera proportionnelle au degré de la faute commise par lui50. On observera qu’aux États-Unis51, la sanction la plus commune prononcée par le juge saisi d’une action récursoire prend la forme d’une condamnation à des dommages et intérêts qualifiés de punitifs. L’objectif principal de ces derniers est de « prononcer contre l’auteur du dommage, une peine ayant valeur de punition et de dissuasion qui vient s’ajouter aux dommages et intérêts proprement compensatoires »52.
391931. Assurément, l’idée selon laquelle il conviendrait de moraliser le droit français de la réparation tend à progresser53. Toutefois, aux États-Unis où elle est apparue, cette technique tend à être de plus en plus contestée. Ainsi l’État de Louisiane a-t-il décidé d’éliminer les dommages punitifs en matière environnementale54. On notera également que dans certains États américains, les assureurs maritimes acceptent de prendre en charge la couverture de ce type de pénalités55.
401932. Toutefois les risques de dérives générés par les dommages et intérêts punitifs56 pourraient, en l’espèce, être écartés. Car ces derniers n’existent en définitive que dans les rapports entre victimes et auteurs du dommage. Dès lors qu’il s’agit d’une action récursoire engagée par un Fonds dans une logique qui n’a plus rien d’indemnitaire, les principes régissant le droit à réparation sont saufs57. Les dommages et intérêts punitifs ne sont donc admissibles que pour autant qu’ils sont alloués à un fonds d’indemnisation58, et à la condition également qu’ils ne soient pas couverts par une assurance. Les enjeux de l’individualisation des responsabilités cernés, encore convient-il d’envisager les sujets de droit susceptibles de faire l’objet d’un recours individuel en contribution.
2. Les sujets de droit susceptibles de faire l’objet d’un recours individuel en contribution
411933. La démarche consistant à vouloir recenser les sujets de droit susceptibles de faire l’objet d’un recours individuel en contribution59 peut apparaître au premier abord comme révélatrice d’un manque d’organisation, car trop linéaire. Toutefois, à bien y réfléchir, elle se révèle incontournable. Une autre critique pourrait être formulée à son encontre : le manque d’exhaustivité. Cette critique peut aisément être combattue. Lorsque les scenarii en matière de catastrophes maritimes environnementales d’origine maritime sont aussi variés, l’exhaustivité ne saurait avoir droit de cité. Dès lors, il convient d’être nécessairement sélectif pour arrêter dans le cadre de cette recherche « la liste des pollueurs susceptibles d’être mis en cause »60 ; étant précisé que, pour certains d’entre eux, nous avons déjà eu l’occasion de préciser les types de fautes susceptibles d’être retenues à leur encontre.
421934. Moins qu’une répétition de certains développements, il s’agit à ce stade de faire preuve d’esprit de synthèse. Cet exercice devrait être grandement facilité par le recensement préétabli par le Pr Antoine Vialard61. Nous en reprendrons la forme, en l’occurrence celle d’une liste, pour une meilleure clarté de l’exposé en envisageant successivement l’assureur de responsabilité (a), l’État du pavillon (b), l’État riverain (c), les sociétés de classification (d), les utilisateurs du navire (e).
a) L’assureur de responsabilité
431935. Si nous avons choisi d’isoler l’opérateur du navire eu égard à sa quasi systématique contribution à l’accident source de pollution, le sort de son assureur mérite ici d’être évoqué. Etant donné la connaissance approfondie qu’il a des navires et de leurs propriétaires, il pourrait être approprié que les P&I Clubs couvrent le risque lorsque le naufrage d’un navire trouve son origine dans un « défaut caractérisé de structure »62. En effet, en acceptant le plus souvent sciemment d’assurer des bâtiments sous-normes63, il apparaît anormal qu’ils puissent totalement se dédouaner.
441936. De cette sévérité accrue pourrait être attendue une meilleure diligence. Cette question a fait l’objet d’un traitement attentif de la part de la Commission d’enquête sur « l’application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et de l’évaluation de leur efficacité »64. Nous partageons l’analyse et les solutions proposées par cette commission. Aussi nous paraît-il judicieux de reprendre certains extraits de ce rapport.
451937. En effet, ainsi que cela a été souligné, « la pratique des sociétés d’assurances et tout particulièrement des P&I Clubs semble très différente selon le contexte juridique dans lequel elles interviennent. Autant lorsqu’elles assurent des armateurs relevant de la Convention CLC, elles semblent assez peu rigoureuses dans l’évaluation du risque présenté par le navire, autant elles adoptent une attitude beaucoup plus exigeante lorsqu’elles fournissent des garanties dans le cadre de la législation américaine de l’OPA ».
461938. En effet, il convient de signaler que les mutuelles armatoriales délivrent des couvertures qui peuvent aller, dans le cas par exemple des demandes de garanties financières faites aux États-Unis par l’État de Californie, jusqu’à un milliard de dollars. Il faut cependant savoir que le plus élevé des certificats demandés dans le cadre de l’OPA de 1990, le certificat dit COFR (pour certificates of financial responsability) imposé par la réglementation fédérale, n’atteint aujourd’hui que 400 millions de dollars. Par conséquent, la garantie du P&I qui accorde ses garanties au navire le plus exposé vis-à-vis des risques américains est aujourd’hui de 400 millions de dollars.
471939. Les responsabilités et les garanties sont donc limitées, y compris lorsqu’elles sont fournies par les P&I Clubs, mais les sociétés d’assurances ou les sociétés financières apportant leur garantie financière sont incitées à adopter vis-à-vis de leur client une grande rigueur, car elles peuvent être contrôlées par une autorité fédérale faisant partie de l’administration des Coast guards : le National Pollution Funds Center (NPFC), chargé de contrôler la solvabilité de l’armateur et tout particulièrement le sérieux de son assureur ou de son garant.
481940. Dans le cadre de la réforme de la Convention CLC, il serait donc souhaitable d’étudier la possibilité de renforcer le contrôle sur les sociétés d’assurances, mission qui pourrait être dévolue dans les États membres de l’Union européenne à l’Agence Européenne de la Sécurité Maritime (ci-après désignée par son acronyme AESM), mais suivant des formes à préciser. En effet, à brève échéance, la délégation à l’AESM du pouvoir de contrôle des certificats d’assurance serait impossible, car l’article 7 de la Convention prévoit un dispositif de reconnaissance réciproque des certificats d’assurance délivrés par les États contractants. Aussi pour contrebalancer cet effet négatif, il semble nécessaire que tous les prestataires d’assurances courent le risque de devoir rembourser les dommages causés par une faute inexcusable du propriétaire65.
491941. Pour atteindre cet objectif, il est proposé de modifier le paragraphe 8 de l’article VII de la Convention sur la responsabilité civile pour qu’il se lise comme suit : « Toute demande en réparation de dommages dûs à la pollution peut être formée directement contre l’assureur ou la personne dont émane la garantie financière couvrant la responsabilité du propriétaire pour les dommages par pollution. Dans un tel cas, le défendeur peut, même lorsque le propriétaire n’est pas en droit de limiter sa responsabilité conformément à l’article V, paragraphe 2, se prévaloir des limites de responsabilité prévues à l’article V, paragraphe 1, à moins que le sinistre n’ait été dû à un défaut de structure caractérisé du navire assuré ».
b) L’État du pavillon
501942. Nous avons déjà abordé cette question de la responsabilité de l’État du pavillon en soulignant notamment la prépondérance du rôle qu’il pourrait avoir dans la prévention des sinistres66. Chargée de délivrer les certificats nécessaires à l’exploitation commerciale du navire, cette « entité » doit contrôler l’état du navire quitte à se faire substituer dans cette tâche par une société de classification de son choix. Aussi, toutes les fois que preuve aura été faite que l’accident de pollution trouve son origine dans la structure défectueuse du navire, le Super-FIPOL, émanation d’une organisation internationale, devrait être admis à exercer un recours en contribution67 devant une juridiction spéciale sans que puisse lui être opposé le sacro-saint principe d’immunité. Ne pourrait-on pas confier cette mission au Tribunal international de la Mer ? La question mérite à notre sens d’être posée.
c) L’État riverain
511943. La responsabilité des États riverains pourrait aussi être recherchée dans le cadre des recours en contribution. Leur grave incapacité à gérer les situations de crise, largement avérée dans le cadre du Prestige, suffit à elle seule à motiver l’exercice de cette action par le SUPER-FIPOL. Là encore, le principe d’immunité devrait être déclaré inopposable.
d) Les sociétés de classification
521944. Les experts en sécurité maritime que constituent les sociétés en classification ne sauraient décemment échapper à tout recours en contribution. Ces professionnels sont, en effet, les seuls à pouvoir véritablement vérifier la structure des navires auxquels ils font délivrer les certificats officiels des navires68.
e) Les utilisateurs du navire
531945. A la différence des parties précédemment évoquées, la responsabilité de l’utilisateur du navire, ou affréteur pour simplifier, est, pour l’heure, non pas engagée pour faute simple mais pour faute inexcusable69. Or, précisément la suppression de la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire de navire pourrait conduire à supprimer le principe d’immunité, lequel réside en l’espèce à ne pouvoir engager leur responsabilité qu’en cas de faute inexcusable. En d’autres termes il s’agirait de revenir les concernant à la formulation du même article dans sa version de 1969, c’est-à-dire considérer que leur responsabilité peut être engagée en cas de faute ou négligence avérée. Ainsi que cela a été souligné, « cette protection des acteurs autres que le seul propriétaire enregistré est pernicieuse car elle encourage les comportements irresponsables »70, tout en favorisant l’opacité de l’industrie maritime.
541946. La découverte d’une seule faute simple de l’affréteur devrait, à notre sens, désormais justifier l’engagement de sa responsabilité, et ce de façon illimitée. On peut penser que le Super-FIPOL pourrait exercer un recours en contribution à l’encontre de l’utilisateur du navire, le plus souvent propriétaire de la cargaison, dans les mêmes hypothèses où il était loisible au propriétaire de navire d’engager la responsabilité de l’affréteur71. Cette possibilité est expressément prévue par la Convention. Ainsi on peut penser que certaines fautes, qui auraient motivé l’engagement de la responsabilité du chargeur sur un fondement contractuel à l’égard du propriétaire de navire, puissent être relevées par le FIPOL. Nous pensons ici, notamment dans le cadre du transport spécifique de marchandises dangereuses, à une faute d’arrimage.
551947. En effet, dans les formes les plus courantes de charte-partie, il est prévu que le chargement et l’arrimage des marchandises sont des opérations réalisées par l’affréteur et ses stevedores, sous le contrôle du capitaine. Ce qui signifie qu’un emballage ou un arrimage défaillants des marchandises sont de nature à engager la responsabilité du chargeur ou de l’affréteur72.
561948. Reste, et ce point devrait être abondamment commenté à l’occasion du contentieux qui a fait suite au naufrage de l’Erika, la faute consistant à utiliser un navire sous-norme. Quand bien même il n’existerait pas de précédent en droit français, on peut légitimement penser que le juge appréciera la conduite de l’affréteur à l’aune du comportement qu’aurait dû avoir un bon professionnel. Le fait d’affréter un navire certes doté de certificats de navigation, mais réputé dans le milieu pétrolier pour être en mauvais état – ce qu’atteste la base de données SIRE73 alimentée par les inspecteurs des compagnies pétrolières – pourrait être considéré comme fautif, quand plusieurs autres professionnels auraient clairement indiqué qu’ils renonçaient à utiliser un tel navire. Le fait qu’une cargaison soit attendue par un client ne saurait justifier une prise de risque aussi importante. Les pressions commerciales ne sont pas de nature à excuser un professionnel manifestement imprudent.
571949. Les compagnies pétrolières, comme tout professionnel, ont secrété des règles de bonne conduite censées s’imposer à tous les membres de la filière. Le vetting, c’est-à-dire la procédure de contrôle des navires instaurée à l’initiative des pétroliers par leurs propres inspecteurs, mérite une attention particulière. Le navire qui a passé avec succès l’inspection se voit délivrer un agrément. Toutefois, ce dernier, et c’est du reste très logique, a une validité temporaire. Ce qui signifie que passé un certain délai, l’agrément est caduc et qu’il doit faire l’objet d’un renouvellement. S’il ne l’est pas, il y a alors manifestement un manquement à une règle énoncée dans un code de conduite privé. Bien que de source privée, il n’est pas exclu que cette règle soit prise en compte par le juge. Ainsi toute transgression à son endroit paraît pouvoir être qualifiée de faute civile74. Dès lors cela pourrait signifier que le juge pourrait considérer qu’un affrètement réalisé en limite de validité d’autorisation même interne puisse recevoir la qualification de faute civile.
581950. Il n’en reste pas moins que hormis les circonstances particulières de cette affaire, c’est-à-dire l’accumulation d’éléments à charge contre TOTAL, on se doit de reconnaître à l’instar du Pr Antoine Vialard, l’étroitesse de la faute civile de l’affréteur. Car, ainsi qu’il le souligne « quels que soient les systèmes prudentiels développés, Vetting, Equasis, aucun contrôle à flot d’un navire en cours d’opérations commerciales le plus souvent ne pourra permettre de déceler les insuffisances de sa structure qu’elles soient liées à un vieillissement naturel des matériaux, ou à un défaut plus ou moins apparent d’entretien ». C’est ce que paraissent avoir confirmé les experts désignés par le Tribunal de commerce en concluant que Total, à la différence du gestionnaire technique du navire Panship, la société de classification Rina, « ne pouvait être en mesure de déceler l’état de corrosion des structures de l’Erika, tel qu’apparu après le sinistre »75. Le constat que le standard du bon professionnel aurait été bafoué nous paraît plus adapté pour engager la responsabilité du groupe pétrolier. En tout état de cause, les développements précédents nous confortent dans l’idée de mettre à contribution de façon plus large les compagnies pétrolières, par le biais du fonds, étant entendu que ces dernières ne sauraient toutes avoir une solvabilité identique à celle de TOTAL ? Si une responsabilisation des acteurs du transport maritime doit être attendue de la généralisation de l’action récursoire par le SUPER-FIPOL à l’encontre des « fauteurs d’eaux troubles »76, il en est un parmi ceux-là pour lequel il convient d’élaborer un mode particulier de responsabilisation, il s’agit de l’opérateur du navire.
SOUS-SECTION 2. DE LA NÉCESSITÉ DE CONCEVOIR UN SYSTÈME DE RESPONSABILISATION AD HOC POUR LE PROPRIÉTAIRE DU NAVIRE
591951. Nous nous sommes appliquée à critiquer le système mis en place par la Convention CLC. Nous avons mis en évidence que tant la responsabilité que la garantie du propriétaire du navire qu’il proposait, pouvaient être qualifiées de fictives ; le Pr A. Vialard dénonçant quant à lui une « irresponsabilité organisée » et une « réparation limitée »77. En suggérant la création d’un Super-FIPOL à qui nous proposons de confier la tâche d’assurer la complète réparation des victimes, nous avons, de fait, évincé le système CLC, et du même coup ce qui faisait sa singularité à savoir le mécanisme de la canalisation dont par ailleurs le Pr A. Vialard aura démontré, qu’elle était « percée », « détournée » et « bouchée »78.
601952. Pourtant, et là n’a jamais été notre intention, il serait illusoire de vouloir faire échapper l’armateur à toute responsabilité en présence d’une catastrophe environnementale majeure d’origine maritime. Quel qu’ait pu être le rôle de la cargaison et de son propriétaire79 dans la survenance de la catastrophe, l’apparence désigne à l’attention du public, si ce n’est automatiquement du moins prioritairement, le transporteur80. Dès lors, il importe maintenant de décider en quels termes, et plus précisément sur quel fondement, la responsabilité de l’opérateur du navire doit être recherchée ; étant précisé, la logique du système que nous préconisons l’exige, qu’elle sera mise en œuvre dans le cadre de l’exercice d’un recours en contribution du SUPER-FIPOL et donc nécessairement subordonnée à la découverte d’une faute.
611953. Le propriétaire enregistré du navire, mais aussi s’il s’agit d’une autre personne, le véritable opérateur du navire, celui qui a en charge son entretien et qui décide de son utilisation, ne peuvent manquer d’être mis en cause, « compte tenu de l’organisation actuelle de la filière maritime »81. En d’autres termes, la proposition de réforme que nous avons suggérée appelle en premier lieu un nécessaire renouvellement du fondement de la responsabilité de l’opérateur du navire (§1) ; l’objectif étant à n’en pas douter d’inciter cet acteur du transport maritime à adopter un comportement plus respectueux des impératifs de sécurité. Mais parce que cela serait un voeu pieux que de croire qu’un seul dispositif de responsabilité puisse suffire par sa seule force de conviction à modifier des pratiques professionnelles bien ancrées, il importe en second lieu de s’assurer de l’effectivité de la sanction en cas de comportements délibérément dangereux. S’agissant de l’opérateur du navire, nul doute que c’est de l’assouplissement des conditions de déchéance du droit de limitation de responsabilité qu’elle pourrait être espérée (§2).
§1. Du nécessaire renouvellement du fondement juridique de la responsabilité de l’opérateur du navire
621954. Le renoncement à la faute comme condition de la responsabilité n’apparaît plus comme une panacée en matière de droit des pollutions maritimes. Cette initiative a fait naître des dérives ; le caractère automatique de la responsabilité objective a incité celui appelé à la supporter à organiser son irresponsabilité. Ainsi plutôt que d’éliminer la faute comme condition de la responsabilité est-il peut-être plus judicieux de fonder la responsabilité de l’opérateur du navire sur une présomption de faute difficilement réfragable82. En d’autres termes, il s’agit de définir la faute de façon très large de sorte que la preuve de son absence soit très difficile à rapporter. Dès lors, la présomption de faute pourrait constituer un mécanisme particulièrement intéressant pour recadrer la responsabilité dans sa fonction de régulation des comportements (A). Sa contribution au renouvellement du fondement juridique de la responsabilité de l’opérateur du navire apparaît d’autant plus naturelle que ce mécanisme est de ceux que le droit maritime entend favoriser (B).
A. De l’intérêt de la présomption de faute en terme de régulation des comportements
631955. Avant même que l’intérêt de la présomption de faute soit démontré en direction de l’opérateur du navire (2), il convient de l’envisager en droit commun de la responsabilité civile83 (1).
1. De l’intérêt de la présomption de faute en droit commun
641956. Parce que l’utilisation de la responsabilité pour faute apparaît à bien des égards comme plus exigeante pour la victime que ne l’est la responsabilité pour risque84, il est possible, ainsi que le note le Pr C. Larroumet « d’en rétrécir le domaine »85. En d’autres termes, il s’agit de choisir, au sein des différents types de régime de responsabilité pour faute, celui qui est, d’une part le plus abordable pour l’entité chargée de la mettre en œuvre, d’autre part le plus sévère ou le moins avantageux pour le responsable. La clé essentielle dans la résolution de cette équation est, à n’en pas douter, la preuve de la faute. Or, la façon la plus directe pour simplifier cette recherche consiste assurément à « systématiser la présomption de faute »86.
651957. Car, ainsi que cela a été justement souligné, « la présomption de faute, bien loin d’effacer la notion de faute la valorise »87. En effet, la responsabilité se trouve par principe engagée alors même que la faute n’aurait pas encore été prouvée, mais du seul fait qu’elle est vraisemblable. Le régime de la présomption de faute opère donc un véritable renversement de la charge de la preuve, sans pour autant obliger à un résultat. En effet, « le débiteur est admis à prouver l’absence de faute par tous moyens »88. Ainsi que note Cornu, « la présomption de faute est une vérité qui laisse place à la preuve contraire »89.
661958. Autrement dit, la faute ne surgit plus de la démonstration du demandeur mais de l’impuissance du défendeur à dissiper la présomption, c’est-à-dire de son incapacité à empêcher le dommage. De fait, la réalité de la faute se trouverait confirmée sans même que les victimes n’aient à établir pour cela un quelconque lien de causalité. L’exigence d’une telle preuve reviendrait à prouver indirectement la faute elle-même. Car, comment établir un lien de causalité entre le dommage et une faute si celle-ci n’est pas établie ?
671959. La technique paraît donc particulièrement intéressante à un double point de vue. Non seulement, elle supprime la charge probatoire, parfois délicate pour celui qui doit mettre en œuvre la responsabilité sur le fondement de la faute, mais encore elle incite l’opérateur à s’interroger constamment sur la légitimité de son comportement. A-t-il bien pesé les risques avant d’agir ? Aurait-il pu éviter le dommage ou le minimiser s’il avait adopté un autre comportement ? La technique de la présomption de faute est donc doublement intéressante, en termes de politique de prévention mais aussi d’un strict point de vue juridique parce qu’elle présente l’intérêt non négligeable d’opérer un renversement de la charge de la preuve. De sorte que l’intérêt de cette insertion ne devrait être démenti dans le cadre d’un nouveau régime de responsabilité de l’opérateur du navire.
2. De l’intérêt de la présomption de faute en matière de responsabilité armatoriale pour pollution
681960. La présomption de faute, « induction probatoire d’un dommage défini à une faute inconnue » dispense en matière maritime le demandeur de faire la preuve que le dommage est dû à la faute du transporteur souligne Rodiere90. On ne s’étonnera pas dès lors de constater que le Comité Maritime International ait pu dans le cadre des travaux préparatoires à la Convention CLC étudier la possibilité de retenir la responsabilité du propriétaire sur le fondement d’une présomption de faute. La variante A du « modèle Comité Maritime International » instituait une responsabilité à base de faute, avec le renversement de la charge de la preuve dans le souci bien compris de ménager la tâche des victimes, car c’est au propriétaire qu’il incombait de démontrer qu’il n’avait pas commis de faute91. En d’autres termes, cela signifiait que le propriétaire du navire était responsable de toute pollution causée par une fuite ou rejet d’hydrocarbures provenant de son navire, sauf s’il était parvenu à prouver que la pollution n’était due en aucune manière à une faute de sa part, ou de la part de ses préposés, ou ni même à une faute dans l’exploitation, la navigation ou l’administration du navire commise par une personne, que celle-ci soit ou non son préposé ou son mandataire92.
691961. L’intérêt d’un tel dispositif par rapport à un système classique de responsabilité pour faute, avait-on admis, aurait été non seulement dans la charge de la preuve, aussi dans le contenu de la faute sachant qu’une faute du préposé du propriétaire dans la navigation du navire aurait été à même de rendre le propriétaire responsable. En outre, ce système présentait l’intérêt de stigmatiser les mauvais armateurs. Déclarés dûment responsables de leurs actes, les propriétaires de navires auraient été davantage sensibilisés aux impératifs de « sécurité de la navigation »93. Cela d’autant que leur responsabilité aurait été calquée non pas tant sur la jauge comme dans le cadre d’une responsabilité objective, mais plus sur l’importance de la faute commise.
701962. Toutefois ce modèle avait finalement été abandonné car on le soupçonnait de pouvoir dans certaines hypothèses fragiliser le droit à réparation des victimes. Plus précisément ces hypothèses auraient été celles où le propriétaire de navire serait parvenu à établir qu’il n’avait commis aucune faute, les victimes perdant alors tout espoir d’être indemnisées de leur dommage de pollution par le propriétaire du navire pollueur. Or précisément, l’équité rendait intolérable un tel scénario ; la responsabilité objective du propriétaire n’en restait pas moins exempte de toute critique car il était déjà admis que le propriétaire n’était pas le créateur de risque de pollution. Si ce système devait finalement être conservé, c’était précisément au prix d’un ajustement : la prise en charge financière des propriétaires de navires par le FIPOL, laquelle a par la suite été supprimée au prix d’une possibilité moindre de faire sauter le verrou de la limitation de responsabilité.
711963. En dépit de ces ajustements négociés dans les cénacles feutrés des milieux maritimes, le constat est sans appel : « pour l’heure l’armateur voit s’éloigner le risque de devoir participer sérieusement, en d’autres termes au-delà de la limitation de la responsabilité couverte par l’assurance, aux conséquences de la pollution »94.
721964. Les propositions que nous avons formulées invitent à reconsidérer la valeur de cette présomption de faute à l’endroit de l’opérateur du navire, puisque la situation des victimes cesse d’être mise en péril du fait de la création du SUPER-FIPOL amené à les indemniser à première demande. Mais là n’est pas la seule justification de cette proposition. L’introduction d’une présomption de faute aurait l’avantage de replacer la responsabilité de l’opérateur du navire dans un cadre qu’elle n’aurait pas dû quitter, à savoir un cadre strictement maritime. Car, et il s’agit maintenant d’en convaincre, l’introduction d’une présomption de faute se trouve parfaitement justifiée dans un cadre maritimiste.
B. De la justification maritime de la présomption de faute
731965. Le législateur maritime apparaît dorénavant convaincu de l’intérêt d’un régime de responsabilité fondé sur une présomption de faute. Ainsi dans les règles dites de Hambourg95, adoptées sous l’égide de l’OCDE, il choisit de faire peser sur le transporteur maritime une présomption de faute. Cette Convention de 1978 d’inspiration anglaise prévoit aux termes de son article 5-1 que le transporteur, responsable a priori, a la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité s’il parvient à établir que « lui-même, ses préposés, ses mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l’événement et ses conséquences ». En d’autres termes, ce que l’on requiert désormais du transporteur maritime, c’est qu’il apporte la preuve positive de sa diligence raisonnable. « Ni plus ni moins. Ni plus : les cas exceptés dont l’établissement commandait jusqu’ici sa libération disparaissent ; ni moins, car si les circonstances ne permettent pas d’établir sa diligence, il reste tenu ».96
741966. En d’autres termes, cela signifie que, si ainsi que cela lui est suggéré par ce régime de responsabilité « le transporteur prend les mesures nécessaires pour éviter l’événement qui a provoqué le dommage, il n’y aura pas de dommage. Dès lors, si un dommage venait à se réaliser, cela devrait nécessairement signifier qu’une mesure dont on peut a posteriori considérer qu’elle aurait été nécessaire, n’a pas été prise »97. L’idée selon laquelle ce régime de responsabilité serait d’une sévérité moindre pour le propriétaire du navire a été avancée98. Si le grief, parce que cela en est un, peut se comprendre, il n’en est pas pour autant nécessairement systématiquement fondé99.
751967. Tout dépend, en effet, du point de savoir comment les tribunaux interprèteront la notion de mesures raisonnables, propres à dégager la responsabilité du transporteur. Dès lors, ainsi que l’a souligné le Pr A. Vialard, il n’est pas exclu que « ce régime assez révolutionnaire se traduise pratiquement par l’alourdissement des responsabilités encourues par les transporteurs maritimes »100. L’introduction d’un tel régime de responsabilité aurait pour intérêt majeur de rétablir la « spécificité maritime »101, fortement ébranlée par la prise en compte des problèmes environnementaux d’origine maritime102, sans renier pour autant la dimension nécessairement environnementale des pollutions maritimes majeures. On notera encore que cette idée de présomption de faute, fondée sur le non-respect de l’obligation de due diligence, est, selon le Pr P. Bonassies, une « règle classique du droit américain »103. Elle a été appliquée à l’occasion de l’examen du principe de limitation de responsabilité, où il a été admis qu’il appartenait à l’armateur de prouver qu’il était libre de « participation et connaissance »104 quant à la faute cause du sinistre. Car nous ne l’oublions pas, l’enjeu majeur de la démonstration de l’absence de faute réside pour l’armateur dans la possibilité de préserver la prérogative qui est la sienne de limiter sa responsabilité. Or, précisément, le risque d’introduire une responsabilité indulgente, d’aucuns diront au rabais, aura d’autant moins de prise que les conditions de la déchéance de la limitation de la responsabilité seront assouplies.
§ 2. Du nécessaire assouplissement des conditions de la déchéance du droit de limitation de responsabilité
761968. Le principe d’un recours systématique en contribution du FIPOL contre l’opérateur du navire étant admis105, encore convient-il de se prononcer sur une question controversée : celui-ci peut-il conserver le bénéfice de la limitation de responsabilité ? Bien que l’intitulé de ce paragraphe ne laissât que peu de place au doute quant à son maintien, encore convient-il de justifier cette proposition tout en précisant les conditions de son acceptation (A). Pourtant, on le pressent déjà, l’enjeu véritable n’est pas tant celui du maintien du principe de limitation de la responsabilité que celui des conditions dans lesquelles sa déchéance pourra être prononcée ; or nul doute que dans une optique de responsabilisation du propriétaire il s’agira d’optimiser la fonction punitive de la déchéance (B).
A. De la justification et des conditions du maintien du principe de limitation
771969. L’opérateur de navire peut-il bénéficier d’une limitation de responsabilité, ou plus exactement de réparation ? La décision de maintenir le principe de limitation dans le cadre de la responsabilité armatoriale pour pollution a été abondamment critiquée. Sa suppression a souvent été évoquée dans le cadre d’une perspective du maintien de l’actuel dispositif conventionnel CLC/ FIPOL. Or, précisément, la réforme que nous suggérons, et qui consiste dans un premier temps à confier au FIPOL la tâche d’indemniser intégralement les victimes, pour dans un second temps répartir la charge définitive de la réparation entre tous ceux qui ont contribué à l’accident de pollution, impose de reconsidérer cette question. Puisqu’il n’est plus opposé aux victimes environnementales, mais à un Fonds international d’indemnisation appelé à répartir à titre définitif la charge de l’indemnisation en fonction de la responsabilité de chacun, le principe de limitation retrouve une certaine légitimité car intervenant cette fois dans un strict cadre maritime106. On ne s’étonnera pas de constater que ce principe de limitation de responsabilité, ou plus exactement de réparation, soit maintenu dans le cadre des règles de Hambourg107. Si le FIPOL n’est pas un partenaire contractuel du transporteur, force est d’admettre qu’il n’a pas non plus la qualité de victime environnementale.
781970. Pourtant, dans le cadre d’une réflexion dédiée à la possibilité de concevoir un système de responsabilisation ad hoc pour le propriétaire du navire, laquelle passe nécessairement par une mise en cause plus aisée de sa responsabilité, il peut être assurément tentant de préconiser l’instauration d’une responsabilité illimitée garantie par une assurance obligatoire. Au premier abord, on peut penser qu’on tient là un moyen infaillible de responsabilisation. Reste que ces propositions, pour idéales qu’elles soient, ont toutes les chances de rester à l’état de chimère si les P&I Clubs décidaient d’opposer leur veto ; et il y a de grandes chances pour qu’ils le fassent. Or, chacun sait qu’en dehors de l’assurance, il ne saurait y avoir de salut en d’autres termes de solvabilité. Aussi, le principe de limitation, à l’échelon international du moins, pourrait apparaître intouchable. Cela admis, et c’est du reste faire preuve de compréhension à l’égard des contingences techniques de fonctionnement des mutuelles armatoriales, on ne saurait en rester là.
791971. Dans la mesure où les assureurs de responsabilité des armateurs prétendent être en mesure de fournir une garantie à hauteur de un million de dollars en matière de pollution, on concevrait mal qu’ils s’obstinent à refuser que soit revu à la hausse le plafond de responsabilité des armateurs. Nul doute qu’une telle mesure pourrait définitivement les dissuader d’offrir une garantie à des navires sous-normes. Cette sous-évaluation permanente de la capacité à couvrir un risque ne pourra pas manquer de se traduire très concrètement par un rehaussement substantiel des plafonds de responsabilité prévus pour le propriétaire de navire108. C’est une concession que ne pourront pas manquer de faire les mutuelles armatoriales, sous peine de se voir un jour imposer un régime aussi radical que celui adopté par certains États américains. Reste que, si le principe devait être maintenu, dans le cadre d’un système de responsabilité destiné en priorité à responsabiliser l’opérateur du navire, il s’agirait d’optimiser la fonction punitive de la déchéance.
B. De l’optimisation de la fonction punitive de la déchéance
801972. Si la déchéance du droit de limiter sa réparation prononcée à l’encontre de l’opérateur de navire a naturellement une fonction punitive (1), ses potentialités répressives pourraient se trouver d’autant renforcées que les tribunaux retiendront une conception souple des fautes, causes de déchéance (2).
1. La fonction punitive naturelle de la déchéance
811973. Tandis que naissait le concept de limitation globale en matière maritime, apparaissait l’idée selon laquelle semblable prérogative devait disparaître en présence d’une faute du propriétaire du navire109. « La limitation de responsabilité de l’armateur, même si elle se justifie tant par les risques particuliers de la navigation maritime que par le caractère d’intérêt général de cette navigation ne peut être conçue comme constituant pour les armateurs un droit incontrôlé »110. Plus qu’un droit, il faut y voir un privilège auquel l’armateur ne peut prétendre que s’il consent à prendre toutes les mesures imposées par la réglementation, ou plus généralement s’il se comporte de façon prudente. Ainsi conçue, la limitation de responsabilité permettrait de faire la part entre le bon professionnel qui assumerait consciencieusement un risque d’entreprise et le mauvais qui ne ferait pas preuve d’une diligence minimale exigible111. Quand l’un profiterait de ce mécanisme, l’autre, condamné à réparer le dommage dans son intégralité, s’en trouverait privé.
821974. Or, accorder à certains ce qu’on refuse à d’autres dans pareil contexte ne serait pas privilégier les premiers, mais plutôt sanctionner les seconds. La menace d’une déchéance du droit de limitation serait donc de nature à moraliser les activités liées au transport maritime. Encore convient-il, pour mieux s’en convaincre, de vérifier l’effectivité de la sanction en présence d’un phénomène de pollution. En d’autres termes, il s’agit de se demander si le rôle prophylactique de la responsabilité consistant à décourager l’accomplissement d’actes anti-sociaux est véritablement rempli.
831975. Cela revient à s’assurer que la déchéance du droit de limiter sa responsabilité, par la menace de sanction qu’elle laisse planer, est de nature à exercer une influence sur le comportement du propriétaire de navire. Pour répondre à une telle question, il n’est pas inutile de se demander ce que recherchent les juridictions lorsqu’elles privent le propriétaire de ce droit auquel la communauté maritime internationale est par ailleurs extrêmement attachée.
841976. Pour le Pr P. Bonassies, cela ne fait aucun doute. En relevant une faute de nature à entraîner la déchéance du droit à limitation de l’armateur, le Tribunal de commerce112 « n’a pas eu seulement l’intention d’accorder une réparation à la victime de cette faute ; il a aussi voulu donner un avertissement solennel aux armateurs qui seraient tentés de ne pas respecter les obligations quant à la sécurité du navire »113. Le Pr M. Rémond-Gouilloud semble partager cette opinion. La perte du bénéfice du plafond de responsabilité a vocation, selon lui, à inciter l’armateur à entretenir son navire avec diligence114. Cette analyse bien que pertinente, ne pourrait-elle pas toutefois être remise en cause ?
851977. Le simple fait de priver le propriétaire de son droit à limitation constitue, certes, une entorse au principe qui veut, qu’en matière maritime, la responsabilité, ou plus exactement la réparation, soit limitée. Mais ne doit-on pas, avant tout, voir dans cette disposition, l’assurance pour la victime d’obtenir réparation de l’intégralité de son préjudice ? Il s’agirait, alors, d’une mesure essentiellement inspirée par des considérations indemnitaires. Une telle conclusion ne semble pas convaincre. La déchéance du droit de bénéficier de la limitation s’insère, par hypothèse, dans un système d’indemnisation conçu pour ne procurer qu’une réparation limitée. Il apparaît donc évident que cette déchéance ne peut avoir pour finalité première de déroger à ce qui a été choisi pour règle. Si elle débouche sur une réparation intégrale, c’est simplement parce que celle-ci, dans le cas où elle dépasse le plafond fixé, génère un alourdissement des sommes mises à la charge du responsable et peut donc jouer un rôle de pénalisation à son égard.
861978. La déchéance du droit à limitation fait donc office d’instrument de moralisation. Elle s’analyse, s’agissant du responsable, comme une peine privée, et secondairement, à l’égard de la victime de l’acte dommageable, comme une mesure favorable puisque la somme d’argent infligée à titre de pénalité lui échoit systématiquement. Il ressort donc de cette analyse que la condamnation à réparer l’entier dommage n’est utilisée qu’aux fins de traiter plus sévèrement le responsable dont le comportement fautif appelle une sanction. La fonction préventive de la responsabilité paraît par conséquent trouver, ici, un point d’ancrage favorable. Le Pr M. Rémond-Gouilloud d’y voir une excellente disposition, puisqu’il est « sain, qu’un armateur, inquiet de se sentir menacé d’une responsabilité illimitée, soit incité à se montrer plus diligent, dans l’entretien de son navire »115. Si, à l’issue de ces développements, les potentialités moralisatrices attendues de la déchéance du droit à limitation semblent démontrées, reste à apprécier les « circonstances » dans lesquelles elles pourront s’exercer. Or précisément c’est de l’assouplissement des conditions de la déchéance que pourrait être attendu un renforcement des potentialités répressives de la déchéance.
2. Le renforcement des potentialités répressives par une appréciation souple des fautes, causes de déchéance
871979. Désormais convaincue que la déchéance du droit à limitation a, sur celui qui en est frappé, l’effet d’une sanction, il s’agit d’envisager les hypothèses particulières dans lesquelles la sanction pourra être appelée à s’exercer. Au terme des conventions CLC et SNPD, les victimes d’une pollution doivent, pour espérer priver l’armateur de son droit à limitation, établir que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement.
881980. L’on perçoit aisément, à la lecture des Conventions, que la faute susceptible d’entraîner la déchéance du droit à limitation doit revêtir une double dimension : elle doit, selon une constante, être personnelle à l’armateur (a) et inexcusable (b). Or la substitution de la faute dite inexcusable à la faute simple dans le cadre de la Convention CLC de 1992 aurait pu faire craindre à un affaiblissement de la responsabilité civile dans sa fonction de peine privée. Ce risque paraît toutefois négligeable compte tenu de l’appréciation souple que retiennent les tribunaux de ces fautes.
a) L’appréciation souple de la notion de faute personnelle de l’armateur
891981. La notion de faute personnelle semble parler d’elle-même. Toutefois, sa simplicité n’est qu’apparente et cela mérite dès lors que l’on s’interroge, tant sur la personne susceptible de commettre une telle faute (1°) que sur son contenu (2°).
α. L’auteur de la faute personnelle
901982. Imputée au capitaine ou à l’équipage, la faute, même grossière, reste, sans incidence, sur le droit à limitation. A contrario, imputée personnellement à l’armateur, elle le contraint à une réparation illimitée. S’il était relativement aisé, au moment de la rédaction du Code de commerce, d’identifier la faute personnelle de l’armateur personne physique, cette tâche s’avère plus délicate aujourd’hui, en raison des conditions d’exploitation du navire.
911983. Moins qu’un obstacle pour l’application du droit, la notion de faute personnelle requiert de lui, un effort d’adaptation en présence de sociétés dont la faute est nécessairement désincarnée. Aussi, il importe de préciser, avec le plus grand soin, ce que l’on doit entendre par « fait ou omission personnels du propriétaire du navire » s’agissant d’entreprises organisées le plus souvent sous forme de personnes morales116. La question peut être formulée ainsi : qui dispose, dans la société, de responsabilités telles que son comportement se confondant avec celui de sa société, sa faute puisse être tenue pour faute personnelle de la société ? Car, il faut bien l’admettre, exiger stricto sensu du propriétaire qu’il commette personnellement une faute, serait condamner, ipso facto, la déchéance du droit à limitation au statut de pure virtualité117.
921984. L’« actual fault or privity », équivalent de notre faute personnelle, est conçue à dessein, de façon large. Ainsi, la jurisprudence anglaise n’hésite pas à considérer que commettent une faute personnelle « les directeurs qui se contentent d’envoyer des circulaires relatives à la sécurité, sans insister auprès des équipages sur la nécessité de les observer »118. Cette même volonté d’interprétation extensive de la notion se retrouve également dans la jurisprudence américaine. La notion d’organe représentant la société d’armement peut, si la mission qu’elle est amenée à remplir le justifie, inclure des employés subalternes119. Plus sûrement, pour emporter déchéance de laclimitation de responsabilité, la faute doit avoir été commise par un alter ego120 de la société, c’est-à-dire par une personne qui s’est investie dans l’exploitation du navire. Dans une organisation dirigée par un « conglomérat de directeurs », la déchéance du droit à limitation sera prononcée dès qu’une des personnes situées au sommet de la hiérarchie121 aura commis une faute. Il existe donc une intention délibérée de restreindre le cercle de ceux dont le comportement fautif, pourra entraîner la déchéance du droit à limitation. Ainsi, dans l’affaire du Charlotte122, la Cour, constatant que le navire était la propriété d’une société, mais exploité par deux associés, a considéré que la faute personnelle de l’un ou l’autre pouvait emporter déchéance du droit de limitation. Dans l’affaire du Marion123, il a été jugé que les propriétaires d’un navire pouvaient voir leur droit à limitation affecté en raison du comportement défectueux d’un shipmanager indépendant auquel ils avaient confié l’exploitation du navire.
931985. C’est, en définitive, à la Cour d’appel de Rennes qu’appartient le mérite d’avoir dégagé une définition synthétique de la notion de « faute personnelle » à l’occasion de l’affaire du navire Kirsten Skou124. Aux termes de cet arrêt, « doit être considérée comme faute personnelle de la société, celle commise soit par ses dirigeants, soit celle de toute personne à qui a été confiée une tâche assimilable à celle dévolue à ses dirigeants ». Il appert plus généralement de la jurisprudence que la faute personnelle devra avoir eu un rôle causal déterminant dans la production du dommage, quand bien même il ne serait pas nécessaire qu’elle en fut la cause exclusive125. L’examen de la jurisprudence permet-il de dégager quelques lignes directrices s’agissant du contenu de la faute dite personnelle ?
β. Le contenu de la faute personnelle : la prépondérance du devoir de contrôle
941986. S’il fallait se prononcer sur le contenu de la faute personnelle susceptible d’emporter déchéance du droit de limitation, il faudrait manifestement avoir recours à la notion de « devoir de contrôle »126. L’armateur propriétaire a, en effet, un devoir personnel de contrôle sur la navigabilité de son navire. Il lui incombe en priorité d’équiper convenablement son navire afin de lui permettre d’affronter les traversées en toute sécurité. Le Pr M.Rémond-Gouilloud de remarquer que toute défaillance touchant à la navigabilité lui étant personnelle127, il est naturel qu’elle le prive de sa limitation. Aussi, si l’examen du statut de l’auteur de la faute peut parfois sembler secondaire, la seule absence d’un système de contrôle des actes d’un agent subalterne est déterminante. Cela se comprend aisément. Dans bien des hypothèses, un tel dispositif aurait précisément permis au mieux d’éviter ladite faute, au pire d’en pallier les conséquences. Aussi, la faute personnelle de l’armement pourra être retenue toutes les fois que ses dirigeants n’auront pas exercé des contrôles suffisamment diligents sur les activités des employés128.
951987. Cette lecture de la notion de faute personnelle est corroborée par l’examen de la jurisprudence anglaise, d’où émane une volonté manifeste des juges d’accroître le rôle joué par la direction en matière de sécurité des navires129. De la recherche systématique d’une défaillance, à ce niveau, est attendue une certaine responsabilisation des acteurs. Aussi, on ne s’étonnera pas que les opérations de navigation, bien que placées sous la gouverne du capitaine, puissent engager la responsabilité personnelle des propriétaires, faute pour eux d’avoir mis en place un système permettant de contrôler l’activité de leur préposé. On peut ajouter que l’inobservation des règlements de sécurité par le capitaine traduit bien souvent l’exécution d’un ordre donné par le propriétaire. Pour qui en douterait encore, il suffit d’illustrer ces propos par les espèces les plus topiques de la jurisprudence.
961988. En droit anglais, dans l’affaire du Marion130, on a reproché à l’armateur de n’avoir pas institué un système adéquat et hiérarchisé de contrôle. Un tel dispositif aurait permis tant de porter à la connaissance des dirigeants de la société les erreurs du commandant du navire, que d’inclure un contrôle systématique du comportement des commandants de la société. C’est un motif similaire qu’a retenu la Chambre des Lords dans l’affaire du Lady Gwendolen131. Constatant que l’acte de naviguer à grande vitesse dans le brouillard était un danger devant être connu du propriétaire de navire, il lui incombait de contrôler les activités des capitaines132. Faute pour lui d’avoir mis en place ce type de contrôle, il s’exposait tout naturellement à la déchéance de son droit à limitation
971989. Dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, la faute personnelle du propriétaire du navire réside non seulement dans le fait d’avoir accepté l’installation sur le navire commandé par lui, d’un appareil à gouverner d’un nouveau modèle imparfaitement au point133, mais encore dans le fait de ne pas avoir suffisamment formé le capitaine et l’équipage à l’utilisation de ce matériel. En droit français, la Cour d’appel de Rennes dans l’affaire de Navipesa Dos, a rejeté la demande en limitation de l’armateur en observant que « constitue un fait direct et fautif du propriétaire l’existence d’un vice propre du navire qu’un examen attentif eut permis de déceler »134. La connaissance qui est exigée des cadres dirigeants n’est donc pas limitée à ce qu’ils connaissent effectivement. Elle englobe également tous les moyens de la connaissance du risque encouru et peut, par conséquent, consister dans l’obligation de faire inspecter ou superviser le navire135.
981990. Force est de constater que les obstacles à l’admission du caractère personnel de la faute du propriétaire sont quasi-inexistants en jurisprudence. Les probabilités de déchéance de la prérogative de limitation sont accrues d’autant par cette appréciation souple de la notion de faute personnelle. Le caractère de peine privée de ce mécanisme semble donc s’affirmer. Encore convient-il, d’examiner la seconde qualité de la faute faisant échec au principe de limitation. Or, là encore, il apparaît que l’appréciation souple qui est faite par les tribunaux de la faute inexcusable de l’armateur pourrait favoriser la fonction punitive de la déchéance.
b) L’appréciation souple de la faute inexcusable de l’armateur par les tribunaux
991991. Après avoir montré pourquoi la substitution de la faute inexcusable à la faute simple dans le protocole de 1992 à la Convention CLC de 1969, pouvait laisser craindre un affaiblissement de la peine privée (1°), nous montrerons que l’appréciation salvatrice qu’en auront fait les tribunaux aura suffi à écarter ce risque (2°).
α. La substitution de la faute inexcusable à la faute simple : un affaiblissement programmé de la peine privée ?
1001992. Sous l’empire de la Convention CLC de 1969, une faute simple suffisait à emporter la déchéance du droit pour le propriétaire de navire de limiter sa responsabilité. Depuis l’adoption du protocole de 1992 à cette Convention, les fautes susceptibles d’entraîner la déchéance du droit à limitation dans les conventions pétrolières sont, en réalité, de deux ordres. Si l’hypothèse de la faute intentionnelle, décrite comme un « cas où l’inexécution a été commise volontairement, avec la pleine conscience du dommage qui peut en résulter »136 est l’une d’entre elles, elle n’appellera que peu de commentaires de notre part, cette hypothèse faisant plus figure de cas d’école137. La faute inexcusable, à l’opposé, apparaît quant à elle désormais comme la principale cause de déchéance du droit de limitation En droit du travail français où elle est apparue, cette catégorie de faute a été définie comme « une faute d’une exceptionnelle gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative »138. Le droit maritime international, par le biais de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 considère que l’on se trouve en présence d’une faute inexcusable « s’il est prouvé que le dommage résulte du fait ou d’une omission d’une personne commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement ».
1011993. La notion de faute inexcusable appartient à cette catégorie de faute que le droit baptise faute qualifiée. Si les rédacteurs du Code civil ont, incontestablement, voulu créer un principe général de responsabilité civile fondée sur la faute139, c’est-à-dire prise en elle-même, indépendamment de sa gravité, le législateur n’a pas, pour autant, entendu consacrer un concept monolithique de la notion. En effet, bien que la logique paraisse exiger que toute faute puisse engager la responsabilité de son auteur, ce dernier a souhaité réserver cette faculté à certaines d’entre elles, parce qu’anormalement graves. D’elles, il a aussi souhaité faire dépendre l’étendue de l’obligation de réparation mise à la charge de son auteur. Le législateur maritime n’avait pas cru bon d’utiliser cette possibilité jusqu’à une époque récente s’agissant de la pollution maritime quoiqu’il l’ait utilisé dans d’autres sphères du droit maritime. S’agissait-il d’un oubli ou plus sûrement d’un choix délibéré ?
1021994. Dans un milieu aussi fragile que le milieu marin, la simple faute peut conduire à des dommages d’ampleur catastrophique. Sans doute la réglementation maritime est-elle un de ces domaines où le législateur peut espérer conduire une politique en faveur de l’industrie ou de l’environnement. Tout comme il y a matière à discussion s’agissant de la nature, de l’étendue des normes de construction, ou d’exploitation des navires, la question de l’étendue de la responsabilité peut faire débat. Or, celle-ci paraît largement pouvoir être conditionnée par la nature de la faute pouvant entraîner déchéance du droit à limitation.
1031995. En retenant la faute simple comme cause de déchéance de la limitation, le droit maritime des pollutions se présentait d’emblée comme un droit protecteur des victimes, et particulièrement répressif à l’endroit des pollueurs. Une certaine doctrine140 avait toutefois émis quelques craintes quant à la neutralité de la faute. Son caractère trop ordinaire, son absence de contenu moral pouvaient avoir des effets néfastes ; les P&I clubs, quant à eux, reprochaient à la faute simple son caractère flou141, faisant valoir que de simples qualificatifs auraient utilement permis de préciser les fautes que le droit entendait particulièrement sanctionner. Sont-ce là de solides arguments pour abandonner la faute simple au profit de la faute inexcusable ? On peut légitimement en douter.
1041996. Subordonner la déchéance du droit à limiter du propriétaire à l’exigence d’une faute qualifiée c’est assurément, en théorie du moins, rendre plus difficile l’exercice par la responsabilité de sa fonction punitive. Dans la mesure où la faute inexcusable est sensiblement plus grave que la faute simple, la responsabilité de l’armateur est, à l’évidence, affaiblie. On peut, en effet, craindre, qu’une faute réputée plus lourde, donc statistiquement plus rare, ne fragilise la déchéance du droit à limitation dont nous avons par ailleurs démontré le rôle pivot en matière de moralisation des comportements. C’est ce constat que ne manque pas de faire Du Pontavice, considérant que « cette manipulation juridique n’a eu d’autres objectifs que de rendre plus difficilement cassable la limite de réparation par les victimes »142 ; les armateurs étant pour leur part encouragés à croire qu’ils pourront dorénavant bénéficier d’une protection renforcée143, pour avoir en échange consenti à un relèvement des plafonds de responsabilité144. Or, précisément, les récentes catastrophes n’auront que par trop démontré combien ces plafonds de responsabilité pouvaient être des leurres eu égard à l’ampleur des dommages constatés. Reste que cette inquiétude s’agissant d’un éventuel risque de « limitation incassable »145 devrait être écartée par une appréciation salvatrice de la notion de faute inexcusable par les tribunaux et qui plus est bénéficiera aux victimes de pollution.
β. L’appréciation salvatrice de la notion de faute inexcusable par les tribunaux
1051997. Le juge français, saisi d’un contentieux relatif à un phénomène de pollution, à défaut de consignes particulières du législateur international, se servira de son expérience nationale146 pour apprécier l’existence de cette faute. Il vérifiera, en particulier, que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis. Toutefois sa décision finale devrait en dernier lieu être davantage conditionnée par l’appréciation qu’il choisira de faire de cette notion.
i) Eléments constitutifs de la faute inexcusable
1061998. La notion de probabilité, élément constitutif de la faute inexcusable, peut laisser sceptique. Comment doit-on l’interpréter ? « Considérer un dommage comme probable », suggère TUNC que nous suivons, c’est le considérer comme ayant plus de chance de se réaliser que de ne pas se réaliser »147.
1071999. Que doit-on entendre par l’adverbe témérairement ? Agir témérairement, c’est agir avec une hardiesse inconsidérée, imprudente148. Alors que l’auteur du dommage aurait pu renoncer, que rien ne le contraignait à agir ainsi, si ce n’est l’esprit de lucre, il s’obstine, rendant de plus en plus probable, la réalisation du dommage. En d’autres termes, cela signifie que s’il avait la possibilité d’adopter une autre conduite réglementaire, plus raisonnable il aurait pu éviter le dommage149. Le professeur Y. Tassel souligne que l’« on n’est pas exempt de toute critique, c’est-à-dire de toute faute au seul motif que l’on a agi en conformité avec la loi ». Dès lors la référence essentielle n’est pas tant la loi mais la nécessité d’éviter le dommage. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Hambourg150 dans l’instance en exequatur du jugement français illustre parfaitement cela. Cette juridiction allemande a en effet considéré que « l’application de dispositions réglementaires en matière de sécurité ne peut avoir pour effet de porter préjudice à des principes essentiels en matière de responsabilité et le juge peut retenir la faute du débiteur alors même qu’il prouverait avoir respecté les dispositions réglementaires sur la sécurité ». Elle a ainsi pu juger que « prendre un risque consistant à ne pas prendre en considération un autre risque peut être une faute grave »151. En d’autres termes, cela signifie que si le risque pouvait être éventuellement couru, encore fallait-il, avant de le prendre, consentir à peser les dommages éventuels. L’exigence d’une obligation générale de prudence offre donc une marge d’appréciation de la faute. En tout état de cause, la témérité ne saurait a priori exister que si l’on a eu conscience du danger.
1082000. La conscience du danger reste, à n’en pas douter, l’élément caractéristique de la faute inexcusable. Le propriétaire du navire doit avoir eu conscience que, de son acte ou de son omission, il résulterait probablement un dommage de pollution. Dès lors, on est fondé à se demander s’il n’est pas attendu du juge qu’il sonde les consciences. La conscience du danger, sans traduire l’idée d’intention, en est toutefois relativement proche. Si l’on est conscient du danger que l’on fait courir à autrui, c’est donc que l’on accepte l’éventualité du préjudice. Encore faudrait-il pour s’en assurer apprécier cet élément in concreto, c’est-à-dire en scrutant la psychologie particulière de l’auteur du dommage. Or, à cette méthode contraignante, les juges ont nettement préféré l’appréciation in abstracto152.
ii) Le choix d’une appréciaton in abstracto de la faute inexcusable
1092001. L’examen des éléments constitutifs de la faute inexcusable a fait ressortir l’idée selon laquelle la faute inexcusable serait teintée d’un fort soubassement psychologique. Or précisément on aurait pu craindre de ce fait que les juges, au vu des cas d’espèce, hésitent à la retenir pour prononcer la déchéance du droit à limitation. Reste que cela était sans compter sur le pouvoir de censeur des tribunaux à l’égard de ces clauses limitatives de responsabilité. En effet, ainsi que le constate le Pr G. Viney, « les montants des plafonds de réparation sont parfois devenus si ridicules et leur application [...] source d’injustices si criantes que les juges nationaux ont cherché par tous les moyens à les écarter en interprétant de façon extensive la notion de faute inexcusable du transporteur »153. Ce même sentiment paraît partagé par le Pr P. Bonassies qui souligne que « c’est certainement la modestie de la limitation qui conduit les tribunaux à adopter une conception très ouverte de la notion de faute inexcusable »154. Dès lors, force est de constater que loin de se laisser enfermer dans la conception étroite du législateur privilégiant une appréciation in concreto de la faute inexcusable, les juges ont retenu une conception in abstracto de cette faute reléguant de fait la limitation de responsabilité au statut de « droit exceptionnel accordé à l’armateur »155. Ce qui signifie très concrètement que plutôt que de rechercher si l’auteur du dommage a eu conscience du danger, les juges se posent la question de savoir s’il aurait dû en avoir conscience. Quelques illustrations jurisprudentielles suffiront à illustrer cette évolution de l’appréciation de la notion de faute inexcusable vers toujours plus de souplesse156.
1102002. L’échouage du Kini Karsten157 sur une plage du Cotentin, a permis au Tribunal de grande instance de Caen de préciser la notion de faute inexcusable à l’occasion d’un jugement non publié en date du 3 septembre 1990. Dans cette espèce, l’officier en second chargé du quart s’était endormi à la passerelle tandis qu’il assurait seul la veille, en parfaite contradiction à la législation allemande sur les effectifs. Après avoir rappelé que la faute était celle commise par les organes de direction de l’armement, le tribunal n’a pas hésité à considérer que ces derniers devaient être tenus pour responsables de l’échouage, quand bien même ils n’avaient pas eu pleinement conscience que leur négligence ou imprudence pouvaient entraîner un dommage. En effet, s’ils avaient agi en bons professionnels, ils auraient dû avoir conscience du danger.
1112003. C’est pour cette même appréciation in abstracto, de la faute inexcusable qu’opte le tribunal de commerce de Bordeaux, dans l’affaire de l’Heidberg158. Ce navire, par mer calme et beau temps, avait heurté un appontement pétrolier. Après enquête, il avait été établi que l’accident trouvait son origine dans le nombre insuffisant d’officiers nécessaires pour assurer la direction du navire. Le capitaine avait, en effet, été dans l’obligation d’abandonner son poste pour surveiller la fermeture des ballasts, laissant à la passerelle un marin incompétent et un pilote inattentif. La formulation du refus opposé à l’armateur qui revendiquait le droit de limiter sa responsabilité, particulièrement expressive, mérite ici d’être reprise tant elle prend l’allure d’une leçon de morale à l’égard du « mauvais professionnel ». Le tribunal n’hésite pas à rappeler que la Convention de 1976 « ne peut s’analyser comme établissant un droit inconditionnel conférant à l’armement maritime la possibilité d’user de la faculté de limiter sa responsabilité pour tous faits ou dommages pouvant lui être imputés ; Bien au contraire, ce texte consacre « en fait un privilège auquel peut seul prétendre l’armateur [...] se conduisant en professionnel de haute conscience et compétence. En conséquence, doit en être exclu l’armateur qui interprète les dispositions légales dans un but strictement lucratif, en réalisant des économies, sur l’entretien ou la composition de l’équipage, tant dans le domaine des effectifs que de la compétence, ou un profit lui permettant d’affronter avec succès ses concurrents, tout en dégageant un bénéfice supplémentaire ». Cette référence récurrente au comportement qu’aurait normalement eu un bon professionnel est révélatrice de la conception objective de la faute inexcusable. Aussi, contre toute attente de la doctrine maritimiste, la substitution à la faute simple d’une faute qualifiée ne devrait ni entamer la valeur préventive de ce droit, ni se traduire par une quasi-infranchissabilité de la limitation de responsabilité. La jurisprudence à venir ne devrait pas enrayer cette tendance. On peut penser, au vu des cas d’espèce les plus topiques en la matière, que, dès lors qu’une question de sécurité sera en cause, peu de fautes seront jugées inexcusables159. De là, à penser à l’instar du Pr A. Vialard que le droit à limitation sera désormais réservé à l’« armateur irréprochable »160, ou impeccable161, il n’y a qu’un pas.
1122004. Il s’agit là à l’évidence d’une évolution de la jurisprudence que l’armateur aurait tort de sous-estimer. En effet ainsi que souligne le Pr P. Bonassies « au moment où chacun a conscience de l’impérieuse nécessité de mieux assurer la sécurité de la navigation maritime, notamment en portant autant attention à la compétence des équipages qu’au bon fonctionnement des navires, il est bon que les tribunaux apportent leur pièce à l’édifice commun, en sanctionnant les armateurs qui lancent sur les mers des navires armés avec des équipages disparates, et trop souvent d’une compétence limitée à l’excès »162. Et nul doûte que la récente adoption du Code ISM pourrait renforcer cette « connotation sécuritaire » et non plus seulement « indemnitaire » de la déchéance.
1132005. Ne peut-on pas, en effet, penser que le non-respect par l’armateur d’une ou plusieurs normes du Code ISM suffise aux yeux des juges à caractériser une faute inexcusable ? Si l’armement du navire, lequel s’entend de l’obligation pour l’armateur de mettre son navire en état de navigabilité et de le doter d’un équipage compétent et suffisant en nombre, peut être considéré comme une obligation traditionnelle à son égard, force est d’admettre que la jurisprudence tend à lui imposer une nouvelle obligation dite de sécurité maritime. Celle-ci est conçue de façon large. La sécurité maritime comprend non seulement celle du navire lui-même, mais aussi plus largement toutes les consignes données à l’équipage et au capitaine pour assurer ladite sécurité. Ce respect de la sécurité est assurément un élément important de l’attribution du bénéfice de la limitation. En d’autres termes, cela pourrait signifier que si l’armateur ne parvenait pas à prouver qu’il a respecté les obligations fondamentales de son métier, le juge pourrait conclure qu’il a eu conscience que sa conduite n’était pas irréprochable et que dès lors un dommage pouvait en résulter. Le dommage étant de l’ordre du prévisible, on pourrait d’autant plus facilement lui tenir grief de ne pas l’avoir évité163. Pour nombre d’auteurs164, à l’instar du Pr P. Bonassies, les obligations imposées par le Code ISM aux armateurs ne manqueront pas d’être invoquées lorsqu’il s’agira de se prononcer sur l’existence d’une faute inexcusable ; cela d’autant que le droit français en retient une conception objective165. En effet, souligne-t-il « en imposant aux armateurs l’obligation d’établir des consignes pour les principales opérations à bord concernant la sécurité du navire, le Code les oblige en effet à se projeter dans le futur. S’ils ne le font pas, il pourra leur être reproché d’avoir agi témérairement à l’égard des situations dommageables dont ils auraient dû avoir conscience166.
1142006. On ne s’étonnera pas de constater que les juges aient déjà saisi l’opportunité que leur offrait le Code ISM de pouvoir aisément faire sauter le verrou de la limitation. En effet dans deux espèces, en l’occurrence celle du Johanna Hendrika167 et du Multitank Arcadia168, l’existence d’une faute inexcusable de l’armateur a pu être déduite d’un manquement aux obligations résultant des obligations du Code ISM. Il n’est du reste pas exclu que dans le cadre de l’affaire de l’Erika les juges usent à bon droit de cette facilité si tant est que cela soit nécessaire. Selon le réquisitoire du parquet, l’armateur propriétaire du pétrolier Erika aurait systématiquement sous-dimensionné le financement consacré à l’entretien, en parfaite connaissance de l’état de corrosion169.
1152007. Cette interprétation large de la notion de faute inexcusable profite aux victimes d’accidents maritimes et cela est heureux. Toutefois, ne contient-elle pas aussi en son sein un risque de dérive170 dont l’émergence de la « notion d’apparence de faute inexcusable »171 constituerait le paroxysme ? Il n’est, en effet, pas sain que les juges se satisfassent d’une simple apparence de faute inexcusable pour prononcer la déchéance du droit à limitation172. Nul doute, ainsi qu’a pu le constater le Pr A. Vialard, que cette jurisprudence pour le moins atypique révèle de façon criante des insuffisances de la limitation contemporaine de responsabilité des propriétaires et exploitants de navires. Cette remarque peut être étendue pensons-nous aux propriétaires de navires transporteurs de substances polluantes et dangereuses ; un excès en appelant sans doute un autre. Faudra-t-il alors, comme le suggère le Pr A.Vialard, pour espérer maintenir le principe de limitation de responsabilité si chère à la tradition maritime revoir non seulement à la hausse les plafonds, mais encore permettre que la déchéance puisse être obtenue sur la preuve d’une faute moins caractérisée que la faute inexcusable ?173 Cette possibilité n’est pas à exclure. Ainsi on pourrait imaginer qu’en cas de « faute ou de négligence avérée »174, les propriétaires du navire ou d’autres parties comme les gestionnaires du navire, les sociétés de classification, les affréteurs ou propriétaires de cargaison soient tenus de façon illimitée. C’est en ce sens que la Commission européenne à plaider dans le cadre de sa communication Erika II puis du Paquet Erika III. En dépit de l’interprétation souple de la faute inexcusable par la jurisprudence, ce critère moins exigeant permettrait de déplafonner selon elle, plus aisément, la responsabilité175. Un lien plus étroit entre la responsabilité et le comportement du propriétaire du navire voire des autres opérateurs serait alors encore plus clairement consacré. Les risques inhérents à l’activité des professions maritimes s’en trouveraient mieux pris en considération, et l’objectif de responsabilisation d’autant mieux atteint3. Toujours aussi déterminée à jouer un rôle d’aiguillon, la Commission se déclare prête à proposer la mise en place d’un nouvel instrument communautaire dans le cadre du mécanisme CLC-FIPOL.
1162008. Si la « législation relative à la sécurité du navire (prévention en amont du dommage) est de nature à influencer toujours plus l’action en responsabilité (réparation en aval du dommage) en cas d’inobservations desdits textes de plus en plus nombreux et contraignants pour le transporteur »176, on peut toutefois hésiter à mettre à la charge de l’entrepreneur « une obligation de sécurité maritime de résultat »177. Reste que si l’on confiait au fonds la tâche d’indemniser à première demande les victimes, puis ensuite d’exercer contre les responsables des recours en contribution fondés sur une appréciation rigoureuse de la faute et du lien de causalité, l’on pourrait à nouveau offrir une place à l’erreur sans pour autant nécessairement pénaliser les victimes178.
1172009. L’idée de peine privée tend à progresser en droit de la responsabilité179. La proposition que nous formulons tendant à la généralisation de l’action récursoire des mécanismes collectifs d’indemnisation contre les « fauteurs d’eaux troubles » s’inscrit parfaitement dans ce courant. Reste que l’assurance, notoirement décriée pour entraîner la déresponsabilisation de l’assuré, paraît désormais disposée à s’associer à ce mouvement de résurgence de la fonction punitive.
SECTION 2. L’ASSOCIATION DE L’ASSURANCE À LA RÉSURGENCE DE LA FONCTION PUNITIVE DE LA RESPONSABILITÉ
1182010. « Sans doute l’assurance de responsabilité peut développer chez les assurés une insouciance regrettable, diminuer leur vigilance et leur prudence. Mais ces inconvénients ne suffisent pas à condamner l’institution »180. L’assurance, technique de dilution du coût de la réparation sur l’ensemble d’une collectivité est une institution sans le concours de laquelle la responsabilité ne pourrait espérer remplir une quelconque fonction indemnitaire et par voie incidente punitive. Alors même que les mutuelles armatoriales auraient une tendance naturelle à sous-estimer leurs capacités, ces dernières ne sauraient être toutefois sans limites. La crise181 traversée par l’assurance maritime de responsabilité dans la décennie 1980-1990 ne le révèle que trop. Plus encore, elle conforte les assureurs dans leur volonté de s’engager plus activement dans une démarche de prévention des sinistres. Si la protection des victimes s’est traduite par le développement de la responsabilité objective dans un souci de faciliter l’indemnisation, c’est manifestement en faisant l’économie de la faute. Or, « l’assurance refuse dorénavant d’accompagner les développements anarchiques de la responsabilité civile dès lors qu’ils paraissent économiquement irréalistes, ou qu’ils compromettent l’indispensable sécurité propre à l’opération d’assurance »182. Ce souci se justifie d’autant que le mécanisme de l’assurance conduit à transférer sur l’assureur le fardeau de la responsabilité.
1192011. Empêcher, autant que faire se peut, la survenance des événements catastrophiques, telle doit être la nouvelle mission de l’assurance. Starck avait déjà mis en avant cette nécessité, en soulignant que « le point névralgique de l’assurance était la sauvegarde de l’effet préventif de la responsabilité civile »183. Ainsi comprise, la fonction de « l’assureur maritime » ne peut manquer de s’étendre au contrôle des agissements des assurés »184. Il y va d’une meilleure gestion des risques environnementaux d’origine maritime185. Si cette préoccupation n’a jamais été véritablement absente de la pratique de l’assurance maritime, les politiques de prévention mises en place par les assureurs maritimes paraissent davantage, pour l’heure, réactives que « proactives »186. Tel est le constat qui a été dressé à l’occasion de l’Erika.
1202012. Aussi, est-il nécessaire de rechercher comment la prévention pourrait être mieux prise en compte. Cette démarche préventive de l’assureur, si elle trouve un point d’orgue en amont, c’est-à-dire au stade de l’admission du navire dans un P&I Club, doit être poursuivie en aval. Si l’assurance est, en principe, organisée de telle sorte qu’elle reste neutre à l’égard des risques, les sociétés d’assurances, par leurs modalités de fonctionnement, ont une action très directe sur les risques187 ; soit elles en limitent l’extension par le jeu de règles appropriées, soit au contraire elles en favorisent l’expression188. Ainsi, l’assureur peut déterminer, lui-même, le montant optimal de précaution en faisant varier la prime d’assurance en fonction de la conduite de l’assuré. On ne saurait s’étonner de cela. Il se trouve placé aux premières loges pour collecter l’information sur les causes des accidents, le montant des dommages et les caractéristiques de chacun des assurés. Le juge, dont on attend qu’il recherche les responsabilités, n’a pas pour fonction première d’inciter à la prudence mais de se prononcer sur les responsabilités.
1212013. Si l’assurance semble donc s’affirmer comme un moyen supplémentaire de responsabilisation des acteurs maritimes189, encore faut-il cerner son mode opératoire190. Deux approches nécessairement complémentaires nous semblent concevables pour traiter cette question. En premier lieu, il paraît indispensable de replacer la question de la sanction de l’assuré par l’assureur dans un cadre général aux fins de mieux mesurer les enjeux qui s’attachent à la sanction assurantielle (Sous-section 1). En second lieu, il convient d’affiner cette première approche, en envisageant les techniques de sanctions particulières auxquelles a recours l’assureur (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. LES ENJEUX DE LA SANCTION ASSURANTIELLE
1222014. « S’il est de l’intérêt de la société tout entière que les risques ne se réalisent pas, que les dommages soient évités, il n’en est pas moins vrai que les entreprises d’assurances sont directement intéressées à ce problème et que la prévention ne peut être absente de leur organisation rationnelle »191. Reprocher à l’assurance de provoquer la dilution de la responsabilité ne tient pas compte du fait qu’il est difficile de rendre responsable quelqu’un qui a une fâcheuse tendance à oublier le sens de ses responsabilités.
1232015. Toutefois, force est d’admettre que le droit des assurances a su compléter à sa façon l’œuvre de nature préventive élaborée par le droit de la responsabilité civile délictuelle. En introduisant dans le contrat d’assurance une obligation générale de prévention, l’assureur maritime fixe très clairement le cadre de la peine privée (§1) ; en introduisant le principe d’une sanction en direction de l’assuré négligent, il la matérialise (§2).
§ 1. Les obligations de nature préventive imposées à l’assuré, cadre de la peine privée
1242016. L’assureur est un intermédiaire qui offre un service essentiel : permettre aux entrepreneurs de prendre des risques qu’ils n’auraient jamais pris en son absence. Cette opportunité offerte à l’assuré permet de craindre le pire. On peut, en effet, redouter que se sachant de fait protégé contre un risque financier, l’assuré revoit à la baisse le montant optimal de précaution. Dès lors force est d’admettre que les P &I Clubs ou mutuelles armatoriales ont une position stratégique pour inciter les armateurs à améliorer la qualité de la flotte. Et nul doute que l’effort de prévention qu’elles pourront susciter de la part des armateurs s’il est profitable aux littoraux du fait d’une réduction des marées noires, leur bénéficiera tout autant puisque les sinistres qu’elles auront à prendre en charge seront diminués d’autant.
1252017. La prévention, en matière d’assurance, ainsi que le note fort justement le Pr Besson192, consiste à éviter les sinistres plutôt que d’avoir à les régler. L’assureur a donc un intérêt bien compris à organiser une « police des comportements ». Pratiquement, celle-ci prend la forme d’obligations mises à la charge de l’assuré ; ce dernier n’ayant pas en principe son mot à dire193, dans un contrat qualifié de contrat d’adhésion194. Ainsi, l’assureur peut tout à fait imposer dans le cadre de dispositions contractuelles des exigences plus contraignantes que celles du droit maritime195.
1262018. Outre le paiement régulier de ses primes, l’assuré-armateur « bon père de famille » doit respecter deux types d’obligations particulières. Si l’une d’elles, l’obligation de prévention (A) traduit le comportement général que doit avoir tout contractant, l’autre, l’obligation de déclaration (B) est plus révélatrice de la singularité de l’opération d’assurance.
A. L’obligation de prévention : une obligation de comportement s’imposant à tout « armateur-bon père de famille »
1272019. Notre objectif ici, est de montrer pourquoi l’obligation de prévention inspirée par un devoir général de ne pas nuire à la mutualité (1) peut masquer finalement un engagement contractuel fortement contraignant pour celui qui l’accepte (2), alors même que cette obligation ne serait que de moyen (3).
1. L’obligation de prévention : un devoir général de ne pas nuire à la mutualité
1282020. La prévention est une question rémanente en droit de la responsabilité. Si elle déborde largement le domaine de l’assurance, elle reste une préoccupation majeure dans ce secteur. Peu analysée par la doctrine196, l’obligation de prévention n’en est pas moins omniprésente dans les législations relatives aux assurances maritimes. Même si les règles de la plupart des P& I Clubs incorporent les dispositions de l’English Marine Insurance Act197, qu’il nous soit ici permis d’évoquer sommairement l’intégration de cette notion dans le droit maritime français des assurances. En stipulant que l’assuré doit apporter tous les soins raisonnables à tout ce qui est relatif au navire et à la marchandise, l’article 172-19 alinéa 2 du Code des assurances pose clairement les assises de l’obligation de prévention.
1292021. S’il fallait retenir une définition synthétique, on pourrait dire d’elle, qu’elle consiste pour l’armateur-assuré à faire tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour éviter la survenance du risque pour lequel il a souscrit un contrat d’assurance. L’objectif de ce dernier contrat étant précisément de juguler le hasard198, n’existe-t-il pas quelque contradiction à vouloir imposer une obligation de prévention ? Une chose est certaine, le contrat d’assurance sera toujours un contrat aléatoire. Si le sinistre ne se produit pas, l’assureur sera dispensé de toute prestation pécuniaire bien qu’ayant encaissé une cotisation ; si le sinistre se réalise, il devra verser une somme disproportionnée par rapport à la somme encaissée. Aussi, même en ne bénéficiant pas systématiquement de la prestation, l’assuré est conscient qu’en cas de réalisation du risque, seul le patrimoine de l’assureur sera affecté. Ne faut-il pas craindre alors quelques nonchalances de l’assuré dans la préservation de ses intérêts ?
1302022. L’existence d’une mutualité, en l’occurrence celle des P&I Clubs s’agissant de la couverture du risque-pollution, pourrait-elle changer la donne ? Dans ce type de structure, les adhérents jouent les uns vis-à-vis des autres à la fois le rôle d’assuré et d’assureur, puisque la somme due aux sinistrés a vocation à être répartie entre tous. Il devrait donc exister, en toute logique, un terrain favorable à l’ancrage de l’obligation de prévention puisque, ainsi que le note fort justement le Rapport Donaldson199, chaque adhérent a un intérêt direct à la minimisation du risque. Ces structures associatives font donc figure de sites idéaux pour l’implantation d’une politique préventive de type horizontal. Plus performantes que la réglementation d’origine étatique, elles peuvent toutefois s’appuyer sur elles pour faire de l’obligation de prévention un engagement contractuel exigeant.
2. L’obligation de prévention : un engagement contractuel contraignant
1312023. La protection des victimes est parfois considérée comme un objectif d’utilité sociale supérieur au maintien de la liberté contractuelle. Dans une telle hypothèse, l’un des contractants, en l’occurrence l’assuré, adhère à un contrat préétabli sans avoir eu la possibilité de négocier son contenu. Cela signifie, a contrario, que son cocontractant, à savoir ici l’assureur, peut subordonner la conclusion définitive du contrat, et plus largement son maintien, au respect de certaines conditions ou règles. Nul doute que la certification ISM du navire-transporteur, en ce qu’elle doit permettre à l’assureur de parfaire son opinion sur le risque lié à l’opérateur de transport de marchandises en lui apportant des éléments sur la qualité de la gestion du transport sera un élément déterminant dans l’appréciation de la diligence de l’armateur. Le défaut de certification permet à l’assureur d’invoquer la nullité du contrat200. S’agissant d’une activité de transport maritime de produits dangereux ou polluants, l’assureur maritime s’attachera à introduire, en sus, des clauses relatives au respect de la réglementation propre à ces marchandises.
1322024. Cet engagement dans une politique de prévention de type sécuritaire poursuit un objectif : la baisse notable de la sinistralité en vue de la préservation d’intérêts financiers. Pour rationaliser leur démarche, les assureurs doivent obligatoirement s’appuyer sur des normes juridiques suffisamment objectives pour pouvoir être imposées de manière égale et transparente. On ne s’étonnera pas, par conséquent, que leurs exigences en la matière, soient calquées sur les règles internationales préexistantes. En effet, cette réglementation est séduisante pour les assureurs. Précise, objective, elle ne se contente pas d’établir des principes de vigilance mais définit des méthodes capables de prévenir la plupart des sinistres.
1332025. Le corpus normatif élaboré au sein de l’OMI présente l’avantage de fixer un certain niveau de sécurité globale. Il incarne à lui seul une gamme de devoirs contractuels. Si les Conventions internationales ou codes constituent un minimum au dessous duquel on ne saurait descendre, rien n’interdit aux assureurs de se montrer plus exigeants. En toute hypothèse, l’armateur diligent n’a d’autre alternative que de se plier aux exigences fixées par son assureur, s’il souhaite conserver sa garantie. En subordonnant l’assurabilité à un équipement de sécurité, l’assureur mène donc en direction des armateurs une politique incitative en matière de prévention des sinistres maritimes201. Cette logique de gestion préventive, assise sur une politique de sélection rigoureuse des candidats, contribue à accroître le nombre des exclus de l’assurance202.
1342026. Au-delà de l’adhésion, au-delà de la survenance d’un sinistre, l’assuré s’engage à rester diligent. Il devra, en particulier, prendre les mesures conservatoires qui s’imposent pour empêcher la dégradation de la situation. D’ordre principalement matériel, ces mesures dites de « prévention secondaire » consisteront à déclencher les opérations susceptibles de limiter physiquement le dommage. Il pourra notamment s’agir de la conclusion d’un contrat de remorquage ou d’assistance, de récupération de cargaisons réputées dangereuses. Si certaines de ces opérations dépendent essentiellement des préposés nautiques de l’assuré dont la faute est normalement couverte, l’armateur et ses services à terre doivent toujours donner des instructions précises afin que le personnel embarqué agisse à bon escient. En tout état de cause, les démarches entreprises par l’armateur pour prévenir ou minimiser la pollution font l’objet d’une couverture particulière203. Les polices prévoient toujours que les dépenses raisonnablement exposées en vue de préserver le navire ou les facultés d’en limiter les conséquences dommageables seront remboursées par l’assureur204. Il en est ainsi des indemnités d’assistance et de la contribution aux avaries communes.
1352027. Les mesures conservatoires peuvent également être d’ordre juridique. Après la réalisation du sinistre, l’assuré devra effectuer tous les actes juridiques nécessaires à la conservation des droits de l’assureur. Ces démarches permettront ultérieurement à l’assureur d’être légalement subrogé dans les droits de l’assuré205 et d’agir contre les tiers fautifs pour recouvrer tout ou partie de l’indemnité versée à l’assuré. Si l’obligation de prévention peut être perçue comme une contrainte supplémentaire, elle n’est toutefois que de moyens.
3. L’obligation de prévention : une obligation de moyen
1362028. Tout manquement à une obligation de prévention de la part de l’assuré doit être analysé comme une faute ou une négligence susceptible d’engager sa responsabilité. Quelle est la nature de cette obligation ? Il semblerait qu’elle doive répondre à la définition d’obligation de moyen. Le caractère nécessairement relatif de l’efficacité des mesures de prévention semble donc admis. Ce que l’on exige de l’armateur, ce sont des moyens raisonnables, et non nécessairement infaillibles. Certes, des dépenses supplémentaires en vue d’augmenter le niveau de la sécurité maritime sont toujours possibles. Il n’en reste pas moins que se rapprocher d’un idéal, à savoir le risque zéro, supposerait un investissement beaucoup trop lourd pour qu’on puisse l’imposer à l’assuré. Le niveau de diligence sécuritaire requis reste donc un niveau moyen déterminable par référence au bon armateur. A défaut de précisions prétoriennes sur ce que doit être un bon armateur, le laconisme de la jurisprudence commande-t-il alors de se retourner vers les usages de la profession ? La démarche, bien que logique, semble toutefois, hasardeuse. En effet, si la sécurité maritime tend à se dégrader, c’est précisément parce que les usages des acteurs maritimes se dégradent. Or, il est à craindre que, dans un environnement ultra-concurrentiel, les pratiques les plus contestables contribuent à « niveler par le bas » les normes de sécurité. Aussi, dans un tel contexte, toute référence au corpus normatif des règles de sécurité devient une valeur-refuge pour l’élaboration d’un standard comportemental à l’attention de l’assuré. Si l’obligation de prévention trouve un fondement naturel dans l’obligation qui est mise à la charge de l’assuré de contracter de bonne foi206, l’obligation de déclaration, tout en s’inscrivant dans cette logique, contient en sus une obligation de renseignement renforcée.
B. L’obligation de déclaration : une obligation de renseignement renforcée
1372029. Après avoir défini l’obligation de déclaration en droit des assurances (1), il s’agira de montrer pourquoi elle peut être considérée comme une obligation de renseignement renforcée à la charge de l’armateur (2).
1. La définition de l’obligation de déclaration en droit des assurances
1382030. La déclaration des risques est une obligation fondamentale de tout assuré. D’une façon générale, elle permet à l’assureur de se forger une opinion sur le risque à garantir. En classant ledit risque dans une catégorie, l’assureur évalue non seulement le coût de la garantie207, mais décide s’il consent ou non à le garantir. Parmi les éléments qui influent sur sa décision finale, ceux en rapport avec la prévention sont déterminants. Même s’il n’existe pas, en matière maritime, un niveau unique de prévention, il n’en demeure pas moins que l’assuré, par sa déclaration, s’engage à maintenir un certain niveau de sécurité durant toute la durée du contrat. S’il lui était, en effet, loisible de dégrader ultérieurement les conditions de sécurité sans subir de majorations de cotisations, l’assureur risquerait d’être lésé. Les polices des P&I Clubs ne manquent pas de rappeler l’exigence particulière de bonne foi prévue par le Marine Insurance Act208, lors de toute relation contractuelle.
1392031. Si l’assuré fait une déclaration sciemment inexacte, la sanction est radicale puisque l’assureur peut, à tout moment, se dégager de toutes les obligations dont il aurait pu être tenu en vertu du contrat209. L’armateur ne saurait se prévaloir, pour sa défense, d’une demande de renseignements maladroite ou incomplète de l’assureur pour laisser dans l’ombre des informations en rapport avec la sécurité. Il est tenu, en effet, de révéler toute circonstance matérielle qu’il juge utile ou pourrait connaître210. Le dol par réticence s’assimile à une faute de l’assuré, celle de n’avoir pas mis son cocontractant en mesure de défendre loyalement ses intérêts. Si sévérité il y a en apparence, elle doit être relativisée. En effet, à la différence du profane, l’armateur est un professionnel capable en cette qualité d’identifier d’éventuelles défaillances techniques et d’y remédier. Dès lors, l’obligation de renseignements mise à sa charge en qualité de contractant doit être considérée comme une obligation renforcée.
2. Une obligation de renseignement renforcée
1402032. L’assuré, à travers la déclaration, prend l’engagement de répondre précisément aux demandes de renseignements que lui adresse l’assureur à l’occasion des négociations préliminaires à la souscription de la police. Cette étape est particulièrement décisive pour les P&I Clubs puisqu’elle doit leur permettre de sélectionner leurs futurs adhérents.
1412033. Eu égard à leur structure mutualiste, il est, en effet, « psychologiquement difficile »211 pour un club de prononcer à l’égard de l’un de ses membres, réputé loyal, une sanction aussi lourde que l’exclusion. L’obligation de déclaration s’inscrit donc dans une démarche préventive très affirmée. Elle ne saurait donc être que ponctuelle. On attend de l’armateur qu’il déclare toute modification de sa situation susceptible de masquer une aggravation du risque. Cela concerne notamment le changement de pavillon212. L’appartenance à un pavillon traditionnel d’une grande nation maritime peut parfois, à elle seule, présenter un gage de sécurité quant à la qualité du navire. Arborer un pavillon de qualité a un coût tel, que nombre d’armateurs n’hésitent plus à l’abandonner au profit de pavillons dits de complaisance ou de libre immatriculation. Aussi, la connaissance d’un tel transfert est primordiale pour l’assureur maritime. Une opération de ce type pourrait être le signe avant-coureur d’un prochain laisser-aller dans l’observance des règles de sécurité. Une aggravation des risques couverts initialement est donc à craindre. Aussi, le choix d’un pavillon moins sûr se traduit en règle générale par un rehaussement des cotisations.
1422034. Dans le même ordre d’idée, l’assureur peut exiger que soit porté à sa connaissance tout changement de société de classification. D’une façon plus générale, l’attention de l’assureur doit être attirée sur toutes les circonstances préjudiciables à la sécurité de nature à justifier une suspension ou un retrait de la cote prononcée. Une telle obligation d’information doit permettre de détecter une manœuvre grossière mais non exceptionnelle, qui consisterait à changer de société de classification lorsque la société initiale ne se montre pas assez conciliante dans la délivrance d’une cote qu’elle jugerait indue213. L’assureur peut également exiger de l’armateur un libre accès au dossier de classification des navires alors même que ce document reste traditionnellement confidentiel entre l’armateur et sa société de classification.
1432035. L’obligation de renseignement peut parfois prendre la forme d’un engagement plus solennel, plus précisément d’une garantie implicite ou d’une « warranty » pour reprendre la terminologie anglo-saxonne. Selon l’analyse britannique énoncée dans le Marine Insurance Act, une warranty est un engagement de l’assuré à faire ou à ne pas faire quelque chose. Certaines garanties sont considérées comme implicites214, c’est-à-dire qu’elles font automatiquement partie des engagements de l’assuré, en l’absence de stipulations expresses.
1442036. Au terme de la première garantie implicite, l’assuré s’engage à maintenir son navire dans un bon état de navigabilité, c’est-à-dire qu’il doit être raisonnablement mis en état pour résister à tous les périls ordinaires de la mer durant l’expédition assurée215. La notion de navigabilité, telle que conçue par le Marine Insurance Act, ne saurait se limiter à l’état matériel du navire. Elle comprend également son armement en hommes. Enfin, l’armateur garantit à l’assureur que l’expédition maritime sera menée dans le respect du droit en général216, des bonnes moeurs et de l’ordre public. Toute transgression de ces règles expose l’assuré négligent à des sanctions, lesquelles matérialisent la fonction punitive susceptible d’être remplie par les assu rances maritimes.
§2. La sanction de l’assuré négligent, matérialisation de la peine privée
1452037. Les obligations de nature préventive mises à la charge des armateurs risqueraient d’être réduites à l’état de voeux pieux si elles n’étaient pas assorties de sanctions suffisamment dissuasives. La recherche d’une meilleure réceptivité de l’obligation de prévention passe par la menace. On pourrait penser que ces sanctions prononcées contre l’assuré, auteur d’une faute de prévention, ne poursuivent qu’un but unique, protéger l’assureur contre une mise à contribution excessive au titre de l’indemnisation. Or, une telle analyse serait erronée puisque, nous le constaterons, l’assureur, en cas de faute caractérisée, aura toujours la possibilité de limiter sa couverture. L’explication doit, par conséquent, être recherchée ailleurs.
1462038. S’agissant plus particulièrement d’un participant à une mutualité, il faut garder présent à l’esprit qu’à la différence d’un assuré classique, celui-ci aura en sus l’obligation morale de ne pas desservir les intérêts des autres mutualistes217. Aussi, peut-on raisonnablement penser que cette sanction vise non seulement à assurer la protection des règles d’organisation de la mutualité, mais aussi, et surtout, à réprimer le comportement fautif du mauvais mutualiste. Après avoir cerné les fautes susceptibles d’être sanctionnées et surtout les modalités pratiques de la sanction (A), nous envisagerons la possible répercussion de ce qu’il faut considérer comme une peine privée sur la victime, en l’occurrence d’une pollution (B).
A. Les fautes de l’assuré et leur sanction
1472039. En toute logique, les fautes au titre desquelles l’assuré pourra s’exposer à une sanction résideront pour l’essentiel dans un manquement aux obligations de prévention précédemment identifiées218. En effet, l’industrie de l’assurance ne saurait cautionner des pratiques comportementales dangereuses. Conçues pour protéger l’assuré contre les mauvais coups du sort, l’assurance ne doit pas être considérée par lui comme une forme de dispense à l’égard des mesures de prévention les plus élémentaires219.
1482040. Il existe, manifestement, un consensus sur la nature des fautes punissables. Droit anglais appliqué majoritairement par les P&I Clubs et droit français s’accordent pour réprimer tant les déclarations fausses ou inexactes220, les fautes de navigabilité, que les atteintes à l’ordre public. En revanche, les textes britanniques sur l’assurance maritime, à la différence des textes français, ne connaissent pas, au titre de sanction intermédiaire, la réduction proportionnelle de l’indemnité en cas de fausses déclarations ou de fautes de prévention simple221.
1492041. De toutes les sanctions, la plus sévère pour l’assuré ne se présente pas contractuellement sous la forme d’une sanction au sens strict de l’obligation de prévention, mais plutôt comme une exclusion222 de la couverture de certains risques. Il en est ainsi en présence de faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré223. Ces clauses d’exclusion224 contribuent dans une certaine mesure à la prévention et à la moralisation du risque. En commettant cette faute qualifiée, l’armateur perd simultanément son droit à limitation et sa couverture d’assurance de responsabilité. De façon tout à fait logique, cette faute possédant le double caractère d’« évitabilité » et de culpabilité doit être a priori déclarée inassurable. Aussi, tous les dommages résultant de l’inobservation des textes légaux ou réglementaires, puisqu’ils trouvent leur origine dans une faute inexcusable, ne pourront être pris en charge par l’assurance de responsabilité de l’armateur.
1502042. Cette absence de couverture contraint donc l’assuré, privé de garantie, à prendre personnellement en charge ce risque225. S’il appartient à l’assurance d’éviter qu’une entreprise, à la suite d’un sinistre important, soit contrainte de cesser son activité, elle n’a pas, par contre, à encourager certains professionnels à négliger délibérément leurs engagements226.
1512043. Dans une telle configuration, l’assurance ne saurait ruiner la fonction normative de la responsabilité puisque précisément la dette de responsabilité de l’auteur du dommage ne saurait être prise en charge par l’assureur. Il ne saurait donc y avoir meilleure association de l’assurance à la fonction punitive de la responsabilité, car ne nous leurrons pas, la fonction normative repose davantage sur l’incitation financière résultant des charges que devra supporter l’éventuel responsable que sur la réprobation morale. Toutefois, ne doit-on pas craindre, en la matière, que cette sanction emportant exclusion de la garantie en cas de faute inexcusable, ait des répercussions néfastes sur le sort des victimes de dommages liés au transport maritime de substances dangereuses ou polluantes ?
B. Les fautes de l’assuré et la suppression du risque de pénalisation de la victime
1522044. En présence d’assurance de choses, l’armateur fautif est sanctionné personnellement dans son patrimoine. En présence d’une assurance de responsabilité, il en va, en revanche, autrement. En théorie, une responsabilité accrue satisfait la morale. L’auteur d’une faute inexcusable est contraint à la réparation intégrale des dommages qu’il a occasionnés. Toutefois, en pratique, l’essentiel pour que la responsabilité remplisse pleinement sa fonction d’indemnisation est que le responsable soit solvable. Or, précisément, en voulant sanctionner l’assuré-auteur de la faute inexcusable, ne risque-t-on pas simultanément de pénaliser la victime ? Cette crainte est d’autant plus fondée que les « armateurs inexcusables ou téméraires » sont souvent de ceux qui n’hésitent pas à aménager leur irresponsabilité en organisant au besoin leur insolvabilité. Le seul recours fiable dont puissent alors bénéficier les tiers victimes est celui exercé contre l’assureur de responsabilité.
1532045. La possibilité pour l’assureur de se dégager de sa garantie pour cause de faute inexcusable de son assuré paraît dès lors fort malvenue en pareilles circonstances. Le Pr G.Viney de redouter un « moyen de pression intolérable »227 au profit de l’assureur. Plus la faute est inexcusable, plus la victime devrait être protégée. Cela se justifie d’autant plus en présence d’un assureur qui aura fait preuve de légèreté, en offrant une garantie à un assuré notoirement irresponsable. Bien que devant être relativisé, ce risque de pénalisation (1) pourrait, et nous utilisons à dessein le conditionnel, être écarté si l’on admettait l’assurabilité de la faute inexcusable (2). L’opportunité de cette proposition228 paraît pouvoir ici se vérifier plus que jamais. La mettre définitivement en évidence suppose toutefois pour le commentateur d’osciller entre droit positif et droit prospectif.
1. Un risque de pénalisation qui doit être relativisé
1542046. Pourquoi doit-on relativiser le risque de pénalisation de la victime ? A la vérité, il semblerait que dans certains esprits, il y ait une confusion entre le droit pour le propriétaire de limiter sa responsabilité à l’égard des tiers, et le droit pour l’assureur en responsabilité du propriétaire de restreindre sa prestation de couverture du risque à l’égard du propriétaire de navire229. Dans le même ordre d’idée, on pense souvent que si le propriétaire de navire perd son droit de limiter sa responsabilité, il perdra simultanément sa couverture d’assurance. Or, ceci n’est pas tout à fait exact. En effet, dans l’hypothèse où le propriétaire de navire ne serait pas en mesure de faire valoir une limitation de responsabilité, l’assuré-propriétaire sera remboursé intégralement des indemnités qu’il aurait dû régler dans la limite des capitaux assurés230. Ce n’est donc qu’au-delà de ce plafond que son assureur ne sera plus tenu.
1552047. Il faut toutefois garder présent à l’esprit, que sauf stipulation contraire de la police, l’assureur restera garant des dommages immédiatement causés par un péril assuré, même s’il s’avère que ce dommage ne serait pas survenu sans une faute ou une négligence du capitaine ou de l’équipage231. Ce qui signifie que la faute intentionnelle de l’assuré n’est pas couverte mais que, sauf stipulation contraire, celle du capitaine ou de l’équipage l’est et cela quelle que soit sa gravité. Il n’en demeure pas moins que ce risque de pénalisation, et c’est là l’essence même de notre proposition de réforme, ne doit pas non plus être supporté par le fonds chargé d’assurer la réparation à première demande. Il y a là aussi, pensons-nous, un risque de pénalisation qui pourrait être éradiqué si l’on admettait l’assurabilité de la faute inexcusable.
2. Vers l’éradication du risque de pénalisation : l’assurabilité de la faute inexcusable ?
1562048. Bien entendu, il s’agit ici de prendre quelque liberté avec le droit positif pour se livrer à une analyse prospective et préciser le sens de nos propositions de réforme. Pourquoi d’abord parler de prospection ? Si les P &I clubs demeurent libres d’incorporer dans leurs polices des clauses particulières, il en est certaines qui, à l’heure actuelle, ne peuvent l’être. Nous l’avons déjà dit, nombre de P&I Clubs de tradition de Common Law ont incorporé les dispositions de l’English Marine Insurance Act de 1906232. Ce qui signifie que même en l’absence de référence expresse, ils s’engagent à respecter ces dispositions. Les contrats passés entre les clubs et leurs membres sont considérés comme des contrats d’assurances maritimes et, comme tels, sont soumis à ce régime233. Or, précisément, le droit britannique234 s’oppose à ce que les dommages résultant d’une faute inexcusable de l’assuré puissent être indemnisés par l’assureur.
1572049. Nous avons, toutefois, l’audace de penser avec le Pr A. Vialard235 que le caractère inassurable de la faute intentionnelle et surtout inexcusable, n’est pas une fatalité236, spécialement dans le domaine des assurances de responsabilité237. On comprend, certes, que l’assuré ne puisse réclamer à l’assureur la réparation des dommages qu’il s’est volontairement ou témérairement infligé pour des raisons d’ordre public. L’inassurabilité de la faute ne tient pas en effet seulement à des considérations morales, elle tient aussi à la suppression du caractère aléatoire du risque en l’absence duquel le contrat d’assurance ne saurait exister238.
1582050. On admet, en revanche, beaucoup moins bien qu’il en soit ainsi quand des tiers sont victimes en quelque sorte de pareilles fautes. Comment, en effet, admettre que l’assureur souvent seul solvable, puisse retirer sa couverture dans un moment où le besoin de secours et de garantie se fait plus pressant que jamais ? On le sait l’exclusion de la garantie, ce qui est précisément l’hypothèse en présence de la faute inexcusable à la différence de la déchéance, est pour l’heure opposable aux victimes239.
1592051. L’argument tenant au caractère non aléatoire d’un tel événement ne pourrait-il pas être levé ? A priori, l’aléa qui compte est celui qui existe au moment de la souscription de l’assurance, bien plus que celui qui peut subsister au moment où le sinistre se produit. De ce point de vue, la faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré pourrait être assimilée à un événement de mer, imprévisible au moment de la souscription de la police.
1602052. Or, nous avons montré que l’apparence peut être trompeuse. Ce qui pourrait être présenté, au premier abord, comme aléatoire, est, en définitive, bien souvent prévisible, à l’instar d’un défaut de structure flagrant du navire. Parce qu’ils n’hésitent pas à diligenter des enquêtes pour connaître l’état du navire qu’ils sont susceptibles d’assurer, les assureurs en cas de complicité en quelque sorte avec l’armateur peu diligent pourraient être condamnés à couvrir cette faute inexcusable.
1612053. Il n’est pas déraisonnable de penser que les résistances qui subsistent quant à l’assurabilité de la faute inexcusable en matière maritime240 puissent disparaître un jour, comme elles ont pu le faire dans d’autres branches du droit241. Pareille évolution pourrait participer d’une tendance actuelle qui consiste à réduire le champ de la définition de la faute non assurable242. Elle s’inscrit dans le souci d’une protection accrue des victimes. Toutefois, eu égard à la proposition de réforme que nous suggérons, à savoir l’indemnisation par le seul FIPOL, cette disposition pourrait bénéficier à lui seul. Une telle mesure aurait pour principal intérêt de sanctionner très concrètement l’assureur insuffisamment diligent. S’il s’agit là d’un enjeu détourné, d’un effet induit de la sanction assurantielle, nul doute que l’introduction de semblables dispositions devrait toujours plus convaincre l’assureur d’utiliser au mieux d’autres techniques de sanction assurantielle en direction des armateurs indélicats.
SOUS-SECTION 2. LES AUTRES TECHNIQUES DE SANCTION ASSURANTIELLE
1622054. Il est du devoir de l’assureur de maintenir ou de mettre en œuvre des politiques de prévention ne dépendant pas des aléas conjoncturels. Il est de son intérêt, lorsque l’armateur peut faire la démonstration d’une démarche qualitative en indiquant les mesures concrètes et innovantes qu’il a mises en œuvre243, de soutenir une telle initiative244. A l’inverse, si l’assuré fait preuve de désinvolture, l’assureur n’hésitera pas à le sanctionner. Si la tarification peut être utilisée à des fins punitives (§1), force est d’admettre que cette technique de pénalisation assurantielle, sans être totalement inopérante, est appelée à jouer à la marge dans le cadre d’une structure mutualiste, à la différence d’autres (§2) qui frappent plus directement certains participants à la mutualité.
§ 1. La tarification, une technique de sanction purement assurantielle
1632055. Bien qu’essentiellement financière, la technique de tarification peut contribuer à rationaliser les comportements. Cette faculté est expressément soulignée par les deux rapports parlementaires rédigés à l’occasion du naufrage de l’Erika245. S’il n’existe pas à proprement parler de système de tarification au sein des mutuelles armatoriales, elles utilisent toutefois des mécanismes qui s’en rapprochent. En raison précisément du caractère mutualiste des P&I Clubs, ces sanctions sont principalement de type collectif (A). La question se pose, toutefois, de savoir si on est en droit d’espérer une pénalisation de type individuel (B), celle-ci devant de toute évidence constituer un meilleur atout en termes de responsabilisation.
A. Une pénalisation certaine de la mutualité : la prépondérance de la sanction collective
1642056. Parmi les techniques de sanction à la disposition de l’assureur, la « tarification » fait bonne figure246. Cette technique permet de diversifier le montant des primes en tenant compte non seulement des fautes antérieurement commises par l’assuré247, mais aussi de son allégeance aux réglementations sécuritaires248. S’il s’agit, dans un premier temps, de traduire par des moyens financiers la sanction, celle-ci peut, dans un stade ultime, prendre la forme d’un refus de prise en charge, en cas de comportements particulièrement négligents. L’aggravation du risque doit trouver une traduction financière. Il s’agit d’une saine politique de prévention des dommages249. Toute clause qui a pour but de moduler les primes en fonction des antécédents du souscripteur et du nombre de sinistres dont l’assuré s’est rendu responsable repose, en définitive, sur un système de personnalisation des primes250. Est-ce à dire que les P&I ont la possibilité de faire pression sur leurs adhérents par son entremise ?
1652057. Il faut d’abord observer qu’à la différence des assureurs classiques, les P&I Clubs n’encaissent pas des primes, mais procèdent à des appels de cotisations. Il n’existe donc pas de tarification au sens premier du terme, mais une succession de contributions diverses et échelonnées, nécessaires à l’activité du club. À défaut de prendre définitivement le risque à sa charge, le club se contente d’assurer sa répartition entre les différents adhérents. C’est d’ailleurs pourquoi les P&I Clubs ne se présentent pas comme des assureurs mais uniquement comme des garants chargés de rembourser leurs membres après que ceux-ci aient eux mêmes acquitté leur dette de responsabilité.
1662058. L’engagement de chacun des mutualistes ne saurait se limiter au simple versement d’une cotisation, puisque du fait de son adhésion à une mutualité, il devient co-assureur de tous les autres membres du club251. En qualité d’assureur, il sait que l’étendue de la prime sera fonction des normes de management, de maintenance, adoptées tant par lui que par les autres mutualistes. Parce que l’entrée dans un club d’un armateur peu respectueux de la sécurité maritime est un facteur d’aggravation du risque financier supporté par la mutualité, son admission est subordonnée à une procédure d’agrément. Ce n’est, en effet, que si le navire est jugé de standard raisonnable qu’une couverture lui sera accordée. Il est donc patent que les P&I Clubs, par leur position, sont en mesure d’adresser des signaux très clairs à l’attention des armateurs252 en vue de la promotion des normes de sécurité.
1672059. Toutefois, si un club peut toujours refuser une adhésion, l’armateur indélicat a les plus grandes chances, s’il ne renonce pas purement à s’assurer, d’être accueilli par un autre club. Certaines mutuelles d’armateurs non adhérentes au Groupe international des P&I Clubs se sont spécialisées dans la couverture des armateurs jugés indésirables par lui253. On pourrait alors douter de la capacité des structures mutualistes à garantir une responsabilisation de l’ensemble de la Communauté armatoriale ? Une sanction de type individuel peut-elle toutefois s’exercer au sein de ces structures ?
B. Une possible pénalisation du mutualiste : l’impact de la sanction individuelle
1682060. Bien que les P&I soient des mutuelles, elles n’en représentent pas moins un segment du marché de l’assurance. Ce qui signifie qu’elles ont tendance à adopter ses règles pour évaluer les risques qu’elles couvrent. Les cotisations sont négociées par les managers et membres des clubs en fonction des sommes versées aux armateurs victimes de sinistres254. Il n’existe pas de véritable concurrence sur le plan tarifaire entre les différentes associations. Rares sont les membres qui prennent la décision de quitter leur club en raison de cotisations excessives255. Il n’empêche que ces associations à but non lucratif se doivent, pour des raisons de viabilité évidentes, d’introduire des sanctions individuelles, comme des pénalités financières.
1692061. Les cotisations dans un P&I club ne sont pas aussi simples que celles qu’on rencontre dans les assurances classiques. Elles prennent l’allure d’un « mille-feuilles ». Si certaines catégories de couches, précisément en raison du caractère mutualiste des clubs, paraissent définitivement imperméables à l’idée de tarification individuelle, d’autres en revanche semblent plus réceptives à cette idée. Pour mettre cela en évidence, il nous semble indispensable, bien que quelque peu fastidieux, de décomposer le processus de tarification. Si les bases de cotisation laissent entrevoir une possibilité de sanction individuelle (1), les appels à cotisation semblent plus correspondre à une logique de pénalisation de la mutualité (2).
1. Les bases de la cotisation
1702062. Elles sont fixées selon deux éléments : le tonnage inscrit (a) et le taux de base de contribution (b).
a) Le tonnage inscrit
1712063. Les membres inscrivent leur navire pour un tonnage égal à sa jauge brute enregistrée s’ils désirent couvrir l’intégralité de leur risque, ou seulement une partie s’ils souhaitent une couverture partielle. Ce critère de la jauge brute n’est pas sans pertinence puisqu’il sert aussi à déterminer la responsabilité de l’exploitant dans les conventions internationales.
b) Le taux de base de contribution
1722064. Il convient de faire en sorte que l’assuré conserve, au sein de l’agrégat de mutualistes, le sentiment de sa responsabilité pour parer à tout risque de laisser-aller. L’individualisation du « risque-navire » est possible au travers du taux de base de contribution. Ce taux, appliqué par le club, tient compte de toutes les données pertinentes et particulièrement du degré du risque attribué pour la couverture envisagée. Il est révisable en cas de changement de circonstances. Exprimé en unités monétaires de tonneaux de jauge brute, il ne permet pas de déterminer à l’avance le montant définitif de la cotisation. L’obligation de contribution de l’armateur a, en effet, vocation à s’étaler dans le temps au gré des appels de cotisations.
1732065. Parmi les critères à l’effet de déterminer le taux de base figure le type de navire. Le risque et, par conséquent le coût de protection varient souvent selon la spécialisation du navire. A taille égale, un chimiquier est nécessairement plus dangereux qu’un simple cargo. Les antécédents du navire sont également pris en compte. Quand un navire a déjà été exploité, les souscripteurs du club tiennent compte du dossier historique, sorte de compilation des statistiques des dépenses de protection engagées durant la période connue. Les gérants du club ont, de plus, tout loisir pour consulter le Casualty Return du Lloyd’s Register. Ce document récapitule les événements de mer importants survenus durant l’année ainsi que les registres de classification. Les gérants sont particulièrement réceptifs aux renseignements relatifs à la qualité technique et opérationnelle du navire, comme la cote du navire, et plus encore son management. Il est en effet essentiel dans le cadre d’un management collectif du risque de réintroduire une individualisation de second rang sous la forme d’une différenciation des primes, de façon à ce que chacun soit pour partie amené à supporter ses propres dommages. Il n’en reste pas moins que tous sont potentiellement concernés par des appels à cotisation.
2. Les appels à cotisation
1742066. Avant ou pendant l’exercice en cours, le club procède à un appel de cotisation d’avance selon un certain pourcentage déterminé par les gérants. Le membre doit alors s’acquitter d’une somme égale à un tonnage inscrit multiplié par un taux de base multiplié lui-même par un pourcentage. Des cotisations supplémentaires peuvent, toutefois, être nécessaires. Sauf exception justifiée, l’appel supplémentaire est fixé selon un pourcentage appliqué de la même façon que pour l’appel d’avance. C’est par le biais de cette cotisation supplémentaire que le membre peut être amené à subir les mauvais résultats de l’ensemble de la flotte couverte par son club. Son montant, d’abord indéterminé, varie au gré des sinistres256.
1752067. Enfin, le club peut lever des cotisations exceptionnelles257 pour faire face à un sinistre qui dépasserait le plafond des réassurances, si un événement catastrophique survenu à un navire du club ou du pool le justifie. Ce système permet aux membres du pool de fournir, contrairement aux sociétés d’assurances classiques, une couverture très élevée pour les dommages de pollution pétrolière. Si cela est très appréciable pour les armateurs pétroliers qui risquent, à tout moment, d’être condamnés à verser de très grosses indemnités en cas de pollution, ce peut-être à l’inverse très dangereux pour les autres armateurs. Ces derniers, risquent en effet de payer pour des catastrophes qui leur sont largement étrangères. Aussi les membres peuvent choisir de stipuler qu’ils ne contribueront pas aux catastrophes. Dans une telle hypothèse, leur propre couverture sera limitée au montant qui est toujours recouvrable au titre des contrats de réassurance. Les membres seront ainsi couverts au-delà des plafonds de réassurance.
1762068. Ces développements consacrés à l’utilisation de la tarification comme possible sanction de l’assuré appellent toutefois quelques remarques finales. Il convient d’abord d’admettre que la différenciation des primes ne peut être considérée comme une mesure qui, à elle seule, suffira à éliminer l’exploitation des navires de ce type, car les primes auront beau varier, elles resteront liées au montant de limitation qui, lui, ne correspond en rien à la valeur des dommages. Enfin, pour qu’elles puissent avoir un effet dissuasif sur les propriétaires, les primes devront être à terme équivalentes au risque258. Il n’en demeure pas moins que cette première technique de pénalisation peut se combiner à d’autres.
§ 2. Les autres techniques utilisées par l’assureur
1772069. Hormis la tarification, deux autres types de techniques paraissent pouvoir renforcer la fonction punitive de l’assurance. Il s’agit, d’une part, du recours de l’assureur contre son assuré (A), d’autre part de la suspension de garantie ou de la résiliation du contrat (B).
A. Les potentialités répressives du recours de l’assureur contre son assuré fautif
1782070. La faute tant critiquée pour son inadaptation dans le cadre de l’indemnisation des victimes pourrait retrouver sa place dans les rapports de l’assureur avec l’auteur du dommage. Nous avons montré que lorsque le propriétaire du navire était privé de son droit de limiter sa responsabilité, son assureur était dispensé de fournir une assurance au delà du plafond d’indemnisation259. Nous avons suggéré, qu’étant donné la connaissance approfondie qu’ils ont des navires et de leurs propriétaires, il serait souhaitable que les P&I Clubs soient tenus de couvrir le risque pour les hypothèses où l’assureur aurait en toute connaissance consenti à délivrer un certificat d’assurance à un navire manifestement sous-norme260. Cette disposition, nous l’avons souligné, est fondée sur l’idée qu’il convient de rendre conjointement et solidairement responsables l’armateur et son assureur dans un souci d’une meilleure responsabilisation de ce dernier.
1792071. Cela étant dit, aux fins de conserver la fonction répressive de l’assurance, l’assureur devrait rester libre de se retourner contre l’armateur en exerçant une action récursoire261. Les hypothèses de recours de l’assureur de responsabilité contre son assuré sont limitées dans les systèmes d’assurance de responsabilité. « Elles résultent en principe des exceptions inopposables à la victime. Ces exceptions relèvent d’un certain nombre de dispositions qui obligent l’assureur à indemniser la victime, alors même qu’il n’est pas tenu à garantie envers son assuré. L’inopposabilité de ces exceptions à la victime illustre le décalage qui peut exister en assurance de responsabilité, entre la garantie contractuelle accordée à l’assuré et la garantie offerte aux victimes »262. Le souci de protection des victimes motive cette solution.
1802072. L’aménagement d’une action récursoire, cette fois au profit de l’assureur, aurait le mérite de faire d’une pierre deux coups : d’une part sanctionner l’assureur peu diligent, d’autre part faire supporter le poids final de la réparation à l’assuré ; étant entendu que l’assureur sera appelé à supporter les aléas liés à l’insolvabilité de l’armateur. L’intérêt d’une telle disposition n’a pas manqué d’être souligné dans le cadre d’une monographie de l’OCDE consacrée à l’assurance de pollution, laquelle préconise que les polices d’assurance prévoient expressément l’exercice d’un tel recours263.
1812073. A cette fin, une clause de style pourrait être introduite. Celle-ci pourrait être rédigée de la façon suivante : « en cas de faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré, l’assureur sollicité par le fonds par le biais d’une action peut à son tour exercer une action récursoire contre l’assuré ». Ainsi que l’a souligné Madame S. Carval dans sa thèse, semblable disposition aurait l’avantage indéniable de privilégier l’intervention active de l’assureur au détriment des solutions qui lui permettent de participer à la moralisation des comportements de façon purement passive, c’est-à-dire en refusant sa garantie264. S’il s’agit là d’une sanction que l’on pourrait qualifier d’intermédiaire, d’autres paraissent autrement plus radicales en terme de répression : il s’agit de la suspension de la garantie ou de la résiliation du contrat.
B. Les potentialités répressives de la suspension de garantie ou de la résiliation de contrat
1822074. Parce qu’il n’est pas de tradition, dans les cénacles très feutrés des mutuelles armatoriales, d’étaler sur la place publique les litiges qui les opposent à leurs mutualistes265, les développements qui vont suivre seront, faute d’informations disponibles suffisantes, nécessairement succincts. Cela ne saurait, toutefois, remettre en cause leur intérêt ou leur légitimité dans le cadre de cette réflexion. Seront successivement envisagées les potentialités répressives de la suspension de garantie (1), puis de celles de la résiliation du contrat (2).
1. Les potentialités répressives de la suspension de garantie
1832075. La suspension de la garantie apparaît comme un moyen de sanction particulièrement efficace contre l’assureur négligent266. Outre l’hypothèse, somme toute classique de suspension pour défaut de paiement des primes267, on peut penser que l’assureur puisse avoir recours à cette technique pour contraindre l’assuré mutualiste à mettre son navire aux normes.
1842076. En effet, lorsque les normes de sécurité baissent et que les navires sont armés avec du personnel moins qualifié, des problèmes apparaissent et les assureurs voient bientôt le nombre de dossiers d’indemnisation s’accumuler. Cette accumulation de sinistres déclenche un signal d’alarme au sein des clubs P&I. Nous l’avons vu, les mutuelles armatoriales n’hésitent plus à recruter des inspecteurs aux fins d’organiser des programmes de visites tout au long de l’exploitation du navire. Or précisément, lorsqu’un navire est trouvé en défaut, l’assureur peut adresser à l’armateur un préavis pour remédier aux défauts, faute de quoi son assurance sera suspendue268. De deux choses l’une à l’arrivée du terme de ce préavis : soit du fait du paiement des primes ou de l’accomplissement des travaux sollicités, la garantie peut être remise en vigueur ; soit à défaut, le contrat peut être résilié.
2. La résiliation de contrat
1852077. La résiliation du contrat d’assurance apparaît de loin comme la sanction la plus grave que l’assureur puisse infliger à l’assuré. La résiliation, mode d’extinction du contrat, ne joue que pour l’avenir et laisse intacts les effets passés de l’exécution des obligations. Parmi les causes de résiliation dont peut se prévaloir l’assuré, deux appellent une mention particulière.
1862078. Le défaut de paiement des cotisations est une première cause de résiliation automatique du contrat d’assurance. L’assuré cesse d’être couvert269. L’assureur peut se retrancher derrière la règle paid to be paid. La résiliation du contrat peut aussi être motivée par une aggravation du risque270. Il s’agit là d’une cause de résiliation particulièrement symptomatique des potentialités répressives mais aussi préventives de l’assurance. Nous l’avons vu les rules des P&I subordonnent la couverture du risque au respect par le propriétaire de certaines exigences en terme de sécurité ou de classification du navire. Dans l’hypothèse où les propriétaires de navires cesseraient de satisfaire à ces exigences, les directeurs des clubs peuvent, de façon discrétionnaire, décider de résilier le contrat. Ainsi certains armateurs ont-ils été exclus des clubs P&I.
1872079. Face à une telle sanction, une alternative se présente à eux, soit se mettre à niveau, soit se marginaliser en naviguant sans assurance. Ainsi que cela a été souligné cette carence devrait justifier à elle seule que les grands groupes pétroliers renoncent à faire appel à de tels armateurs271. De ce fait, on pourrait penser que cette sanction de l’assuré puisse rejaillir sur la sécurité maritime. Toutefois, certains auteurs272, et nous ne pouvons qu’abonder en leur sens, ont tenté de relativiser cet impact. Si l’exclusion d’un armateur d’un club réduit certainement le risque financier de ce club, l’incidence d’une telle initiative sur la sécurité maritime et la protection de l’environnement est plus incertaine273. En effet l’assuré, exclu d’un club et souhaitant poursuivre son activité, peut tenter d’obtenir une garantie auprès d’un assureur acceptant de couvrir les navires sous-normes. Il s’agit là d’une limite évidente à la potentialité répressive de l’assurance...
CONCLUSION DU CHAPITRE II
1882080. Si la fonction punitive de la responsabilité est traditionnellement associée à la responsabilité pénale, le principe de la légalité des délits et des peines, quoi qu’on en dise, constitue une entrave à sa pleine et entière expression. Or, à l’heure où l’obligation de sécurité est devenue un enjeu majeur de société, il importe, au pire, de s’attacher à sanctionner toute personne qui manquerait à cette obligation fondamentale pour les acteurs du transport maritime, au mieux à les inciter à la respecter par la menace d’une sanction. La responsabilité civile a été depuis longtemps perçue comme pouvant exercer une double fonction de garantie et de peine privée274. Toutefois cette dernière fonction était restée à l’état embryonnaire eu égard au développement exponentiel de sa fonction indemnitaire. Or précisément si la responsabilité est appelée en présence de risques majeurs à être reléguée dans cette fonction par des mécanismes indemnitaires, elle ne pourra manquer de se développer dans cette irréductible fonction punitive. Elle en a la capacité.
1892081. Nous nous sommes attachée à identifier quels était les moyens à sa disposition pour le faire. Eu égard à la proposition de réforme que nous formulons à savoir confier aux Fonds la tâche d’engager la responsabilité des différents acteurs du transport maritime, c’est tout naturellement à eux qu’ils incomberaient de mettre en œuvre cette fonction punitive de la responsabilité. Nul doute que l’action des Fonds pour peu qu’elle soit exercée systématiquement contre l’acteur fautif puisse faire office de vecteur de responsabilisation de la Communauté maritime dans son ensemble. Elle conduit à la renaissance des responsabilités individuelles. À l’égard du propriétaire de navire jusqu’alors protégé par une responsabilité objective, le redéploiement de la fonction punitive de la responsabilité pourrait passer par un renouvellement du fondement juridique de sa responsabilité, l’introduction d’une présomption de faute aurait des vertus moralisatrices. Si l’on peut envisager de conserver le principe de limitation c’est aux conditions expresses que le plafond de responsabilité soit considérablement revu à la hausse mais encore que la déchéance de ce privilège soit rendue plus aisée. L’appréciation in abstracto de la faute inexcusable, la possibilité de considérer tout manquement aux obligations énoncées dans le Code ISM comme une faute inexcusable, devrait grandement faciliter cette tâche.
1902082. L’assurance, longtemps décriée pour son effet néfaste sur les comportements des acteurs du transport maritime, pourrait, elle aussi, être associée à cette résurgence de la fonction de la responsabilité. En mettant à la charge de l’assuré des obligations toujours plus nombreuses, tant de prévention, que de déclaration, elle s’offre la possibilité de sanctionner plus. Elle a pour ce faire développé ses propres techniques. Si la tarification en milieu mutualiste ne peut jouer qu’à la marge comme outil de pénalisation, d’autres techniques comme celle du recours de l’assureur contre son assuré, ou encore celle de la suspension ou de l’exclusion de la garantie pourraient se révéler plus efficaces. Il ne saurait toutefois être question « d’abandonner l’organisation et l’application d’un système de sanction au bon vouloir des assureurs »275.
Notes de bas de page
1 CADIET (L.), Sur les faits et les méfaits de la réparation, précit., p. 510
2 V. en ce sens VINEY (G.) in Préface à l’ouvrage de S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, Bibliothèque de droit privé, LGDJ, Tome 250, 1995.
3 STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile, considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, précit., Cet auteur a mis en évidence la double fonction de la responsabilité civile. Madame S. CARVAL, dans le cadre de sa thèse, s’est appliquée dans un vibrant plaidoyer à mettre en évidence les potentialités punitives de la responsabilité civile, en montrant notamment comment des droits étrangers l’avaient consacrée. Cet auteur a entendu défendre l’idée que rien ne s’opposait à ce que cette fonction de la responsabilité soit à l’avenir mieux représentée dans le droit français. CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, th. précit.,
4 REMOND-GOUILLOUD (M.), Entre bêtises et précaution, Esprit, novembre 1997, p. 118, spéc. p. 122.
5 EWALD (F.), L’ État providence, Grasset, 1986, p. 391
6 MARTIN (G. J.), Risques naturels, logique assurantielle et solidarité, RJE 3/1995 p. 411, spéc. p. 418.
7 V. nos développements Partie I, Titre 2, chap.2 section 1, para § 1
8 JOURDAIN (P.) Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 15.
9 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., spéc. p. 446. Cette formule, au-delà du jeu de mot, est opportune d’un strict point de vue juridique, car le concept de fauteur suggère le caractère fautif de l’acte. Est, en effet, fauteur celui qui a favorisé, ici le trouble, en l’occurrence le dommage de pollution.
10 Nous reprenons ici la formulation retenue par le Professeur G. VINEY, Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 53 et suiv.
11 D’HAUTEVILLE (A.), L’esprit de la Loi du 6 juillet 1990 relative aux victimes d’infractions, Rev. science crim., 1991 p. 149, spéc. p. 151.
12 VINEY (G.), De la responsabilité personnelle à la répartition des risques, APD, 1977, Tome 22, p. 5
13 CASSON (Ph.), Les fonds de garantie, Droit des Affaires, LGDJ, préface G. Viney, 1999
14 La subrogation personnelle, Thèse Aix 1976, Paris, LGDJ, 1979, n° 4, V. aussi SAVAUX (E.), V° Subrogation personnelle, Rép. Dalloz, Dr. Civ..
15 CASSON (Ph.), Les fonds de garantie, précit., n° 225.
16 V. en ce sens, Ass. Plén. 29 mars 1991, D. 1991, p. 234, note LARROUMET (Ch.), JCP 1991, II 21673, concl. DONTENVILLE, note GHESTIN (J.)
17 V. VINEY (G.), Traité de droit civil sous la direction de J. GHESTIN, Les obligations, la responsabilité : effets, Paris, LGDJ, 1988, n° 296 p. 400.
18 Cette action est expressément prohibée notamment par les articles 29 alinéa 1er et 33 alinéa 1er de la loi du 5 juillet 1985.
19 V sur ce point les observations de CASSON (Ph.), Les fonds de garantie, précit., n° 234.
20 V. de LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, law and practice, op. cit. p. 155.
21 à titre d’exemple V. les affaires du Rio Orinoco (1990), FIPOL, Rapport annuel de 1995, p. 37, et du Braer (1993) FIPOL, Rapport annuel de 1996 p. 61.
22 Ainsi dans l’affaire du Tanio, le FIPOL, mais aussi l’État, subrogés dans les droits des victimes avaient assigné non seulement le propriétaire (une société financière de crédit-bail), le chantier qui peu de temps avant le naufrage avait réparé le navire, la société de classification qui avait surveillé les travaux, l’exploitant du navire, le gérant du navire. V. FONTAINE (E.), Les sinistres de l’Amoco-Cadiz et du Tanio, comparaison de deux expériences. op. cit p. 284.
23 Cf. [Draft] IMO guide for interested parties on the workings of the Hazardous and Noxious Substances Convention 1996 ( HNSC), p. 24
24 V. en ce sens CHAUVEAU (P.), La pollution des mers par les hydrocarbures, précit., spéc. p. 195.
25 DESPAX (M.), Droit de l’environnement, 1980, Litec, p. 800.
26 V. en ce sens TUNC (A.), Responsabilité civile et dissuasion des comportements antisociaux, in Recueil d’études en hommage à Marc Ancel, Paris, 1975, p. 407 ; VINEY (G.), Traité de Droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, Introduction au droit de la responsabilité, 2ème éd. Paris LGDJ, 1995, n° 39 s., p. 63 et s.
27 V. en ce sens WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages précit, spéc. p. 126.
28 DE MALAFOSSE (J.), Le droit à la nature, Monchrestien, 1973.
29 Définition de l’action récursoire extraite du Lexique des termes juridiques sous la direction de GUINCHARD (S.) et VINCENT (J.), Dalloz, 2000.
30 V. les craintes exprimées à ce sujet par CHAUVEAU (P.), in La pollution des mers par les hydrocarbures, précit., spéc. p. 191 et 195.
31 CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, précit., et VINEY (G.) Le déclin de la responsabilité individuelle, LGDJ 1965. p. 188 et s. ; V. THIEM (J.) Fonds d’indemnisation des dommages causés à l’environnement in L’indemnisation des dommages dus à la pollution, OCDE 1981, p. 149 et s. ; V. aussi RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation in Droit de l’environnement, développements récents, précit.,
32 V. entre autres VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, op. cit.
33 V THIEM (J.), Fonds d’indemnisation des dommages causés à l’environnement, in Indemnisation des dommages dus à la pollution OCDE 1981 p. 148.
34 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation, précit.,
35 PRIEUR (M.), Droit de l’environnement, précit., p. 737.
36 V. à ce sujet DESPAX (M.), Droit de l’environnement, op. cit, p. 135
37 En choisissant une formulation aussi neutre que le fonds peut être subrogé au droit des personnes indemnisées, les Conventions CLC et SNPD ne confèrent aucune force obligatoire à cette disposition. La peine privée est réduite au rang de pure faculté.
38 REMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation, op. cit.p 316
39 Seule la certitude de l’exercice de l’action récursoire peut générer une incitation permanente à la prudence. V. en ce sens V. CAMPROUX-DUFFRENE (M.-P.), Réflexion sur l’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques, Gaz. Pal du 22 février 1997, p. 337. Cet auteur souligne le caractère facultatif de l’action subrogatoire du FIPOL.
40 FIPOL 92FUND/WGR. 3/ 22/ 2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France., p. 5.
41 L’affaire du Tanio fournit un exemple d’action récursoire du FIPOL. Cette action n’a toutefois pas abouti, car elle a été interrompue par la signature d’un accord. En 1983, le FIPOL a intenté auprès du TGI de Brest une action en justice contre sept personnes afin de recouvrer les montants qu’il avait versés aux demandeurs : à savoir le chantier naval dans lequel le navire avait été réparé en 1979, le propriétaire au nom duquel il était immatriculé au moment du sinistre, l’affréteur du Tanio, au moment du sinistre, la société qui avait sous- affrété le Tanio qui était responsable de sa gestion au moment du sinistre, la société de classification qui avait surveillé les réparations faites au Tanio en 1979, et le club P &I qui était l’assureur de la responsabilité civile de certains des défendeurs. V. en ce sens JACOBSSON (M.), La répartition des dommages de pollution maritime et le rôle du FIPOL, DMF 1989, p. 619, spéc p. 634. Ce procès, donc cette recherche en responsabilité, fut toutefois interrompu par la décision de l’ensemble des défendeurs de verser aux victimes une indemnisation importante. V. sur ce point. FONTAINE (E.), Les sinistres de l’Amoco- Cadiz et du Tanio. Comparaison de deux expériences, Intervention au colloque du CMI à Gênes (21-25 septembre 1992) publiée au DMF 1993, p. 278.
42 FIPOL 92FUND/WGR. 3/ 22/ 2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France., p. 5.
43 V. en ce sens MEKKI (M. ), Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation des dommages corporels, LPA 2005, n° 8, p. 3, n° 47. Cet auteur note que si les fonds son autorisés à se retourner contre les responsables, ils ne le font pas systématiquement, V. aussi en ce sens VINEY (G.) Le déclin de la responsabilité individuelle. précit., n° 195-196. L’auteur évoque la possibilité de rendre obligatoire l’exercice d’une action récursoire par les fonds toutes les fois qu’une faute pourra être établie à l’encontre de l’auteur solvable du dommage.
44 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op. cit., spéc. p. 445.
45 HUBERT (F.), Socialisation des risques et responsabilité individuelle, Th. Paris 1947, p. 4 n° 5, voir aussi p. 417 et p. 418 n° 322
46 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 13.
47 CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, précit., p. 103
48 VINEY (G.), Traité de droit civil, introduction à la responsabilité civile, précit., n° 32.
49 MARTIN (G. J), L’indemnisation des dommages écologiques, in L’indemnisation des dommages de pollution OCDE 1981, op. cit., p. 149.
50 V. not BARR (L.M.), CERCLA Made Simple : An Analysis of the Cases Under the Comprehensive Environmental Response, Compensation and Liability Act of 1980, The Business Lawyer, 1990, Vol. 45, p. 923.
51 V. FURMAN (A.-M.),Punitive damages and their insurability under US maritime Law, The International Journal of Shipping law, 1998, p. 4. Chacun des États dispose d’une totale liberté d’appréciation. Si certains considèrent que la couverture par l’assurance des dommages et intérêts punitifs doit être proscrite, parce qu’elle a pour effet de diluer l’effet préventif sur les « bad actors », d’autres la tolèrent au motif qu’une augmentation des primes ou la menace d’une résiliation du contrat produisent à elles seules un effet préventif.
52 CHISS (C.) et LE GALL-CRISSIN (C.), Les dommages et intérêts punitifs en matière d’assurance aéronautique, Resp. civ. et assur., mai 2005, p. 7, spéc. p. 7
53 V. en ce sens le Colloque organisé par le CEDAG (Centre de Droit des Affaires et de Gestion), Faculté de droit de Paris V. sous la direction scientifique du Professeur Martine BEHAR-TOUCHAIS, Faut-il moraliser le droit français de la réparation, (A propos des dommages et intérêts punitifs et de l’obligation de minimiser son propre dommage), 21 mars 2002, Actes publiés in LPA, 2002, n° 232. ; V. aussi WERRO (F.), La tentation des dommages-intérêts punitifs en droit suisse des médias, in Etudes à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, précit.p 745.
54 V. en ce sens ACKERMAN (Ph.), Some don’t like it hot : Louisiana eliminates punitive damages for environmental torts, TLR [vol. 72 :327, 1997]
55 Sur cette question V. FURMAN (A. M), Punitive damages and their insurability under US maritime Law. The International Journal of Shipping Law, 1998, p. 4.
56 Sur cette question V. notamment CHISS (C.) et LE GALL-CRISSIN (C.) Les dommages et intérêts punitifs en matière d’assurance aéronautique, précit., spéc p. 10. Les auteurs de cet article évoquent un contexte juridique particulièrement menaçant.
57 en ce sens MEKKI (M.), Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation des dommages corporels, précit., note 154.
58 LE TOURNEAU (Ph), V° Responsabilité ( en général), Rép. civ. Dalloz, septembre 2001, p. 28
59 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., p. 449.
60 Nous reprenons ici l’expression consacrée par le Professeur A. VIALARD, Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, spéc. p. 445.
61 Ibid., p. 446 et suiv.
62 FIPOL 92FUND/WGR. 3/ 22/ 2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France, p. 5.
63 V. en ce sens les déclarations de B. THOUILLIN, De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit., p. 371.,
64 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit., p. 372.
65 FIPOL 92FUND/WGR. 3/22/2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France., p. 5.
66 V. nos développements supra. n° 423
67 V. en ce sens VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op. cit p. 446
68 V. en ce sens nos développements supra.n° 1340 On notera que dans le cadre de l’affaire de l’Erika, l’administrateur du FIPOL a décidé que le fonds de 1992 devait intenter une action récursoire, à titre conservatoire contre le Bureau Veritas qui avait inspecté le navire avant le transfert de classe à RINA. FIPOL, rapport annuel de 2004, p. 78.
69 Sur cette notion V. nos développements infra. n° 1991
70 Erika : indemniser et prévenir, rapport précité, p. 367
71 V. CLC art. V. 5, Art. 9 SNPD. Ni la Convention CLC, ni la Convention SNPD ne confèrent expressément au propriétaire, qui aurait pris en charge la réparation des dommages, le droit de recouvrer ces sommes en exerçant une action récursoire contre l’affréteur. Toutefois, force est d’admettre qu’en ne portant pas « atteinte aux droits de recours du propriétaire contre tout tiers, y compris, mais sans que cette liste soit limitative, le chargeur, réceptionnaire de la substance qui a causé le dommage, ou les personnes mentionnées », elles l’autorisent de facto. D’autres dispositions relatives à la limitation de responsabilité corroborent cela. Pour le cas où, avant la distribution du fonds de limitation, le propriétaire aurait versé une indemnité pour dommage à la suite de l’événement, il est subrogé à concurrence du montant qu’il a payé, aux droits que la personne indemnisée aurait pu faire valoir contre le fonds.
72 Dans les imprimés les plus répandus d’affrètement à temps, et dans de nombreux imprimés d’affrètement au voyage, le chargement et l’arrimage de la cargaison sont effectués par l’affréteur ou ses stevedores sous le contrôle du Capitaine. A moins que le contrat ne le prévoit expressément, le capitaine n’est pas tenu responsable d’un mauvais arrimage excepté si cela se traduit par l’innavigabilité du navire ou s’il est intervenu pour diriger les opérations d’arrimage : Canadian transport Co. v. Court Line [ 1940 ] AC 934.
73 Ship Inspection Report Exchanges Base de données regroupant les conclusions des rapports d’inspection des navires.
74 V. sur ce point MORET-BAILLY (J.), Règles déontologiques et fautes civiles, D., 2002, n° 37, 2820.
75 V. sur ce point, Le Marin du 28 mai 2004. Cette conclusion étant opposée à celle des experts commis par le juge en charge de l’enquête pénale, le parquet a demandé la réouverture de l’enquête terminée fin mars 2004, Le Marin, 25 juin 2004.
76 Cette nécessité semble avoir été perçue par le FIPOL. En effet le Comité exécutif a décidé d’autoriser l’Administrateur à intenter des actions conservatoires contre les parties ci-après : Tevere Shipping Co Ltd (propriétaire immatriculé de l’Erika, Steamship Mutual (assureur P&I de l’Erika), Panship Managemet and Services Srl (exploitant de l’Erika), Selmont international Inc (armateur-affréteur de l’Erika, TotalFinaElf SA (société de holding), Total Raffinage Distribution SA (chargeur), Total international Ltd (vendeur de la cargaison) Total Transport Corporation (affréteur au voyage de l’Erika), RINA Spa/Registro Italiano Navale (société de classification). On ajoutera que le Comité n’a pas exclu la possibilité d’engager d’autres actions récursoires au vu des conclusions des enquêtes sur la cause du sinistre. Cf. FIPOL, Rapport annuel de 2004, p. 78.
77 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., p. 439
78 ibid, p. 438
79 Et l’on pressent déjà que cette question pourrait être au centre des débats à l’occasion de l’affaire de l’Erika eu égard à la solvabilité autrement plus solide de la compagnie pétrolière que celle de l’armateur.
80 REMOND-GOUILLOUD (M.), Le risque-catastrophe, JMM du 12 janvier 1990, p. 79.
81 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?
82 V. en ce sens COUSY (H.), Evolution des droits comparés européens de la responsabilité, Risques, n° 10, avril-juin 1992, p. 41, spéc. p. 46.
83 Sur cette question, nous renvoyons à la thèse de BRUN (Ph.), Les présomptions dans le droit de la responsabilité civile. Thèse Grenoble, II, dactyl., 1993.
84 V. nos développements Partie 1, Titre 1, Chapitre 1
85 LARROUMET (C.), Réflexions sur la responsabilité civile. Evolution et problèmes actuels, Collection de droit comparé de Mac Gill, 1983, spéc. p. 52.
86 ibid
87 SCHAEGIS (C.), Progrès scientifique et responsabilité administrative, CNRS Editions, 1998, spéc. p. 59
88 JOURDAIN (P.), Droit à réparation, responsabilité fondée sur la faute, notion de faute : contenu commun à toutes les fautes, Juris-classeur, Responsabilité civile, Fasc. 120-1, art. 1382-1386, 1995, p. 21
89 CORNU (J.) Des présomptions de faute en matière de responsabilité civile, thèse Montpellier 1929, p. 15.
90 RODIERE (R.), Traité de droit maritime, Affrètements et Transports, op. cit. n° 613
91 Le projet de convention sur la responsabilité civile adopté par la réunion de Tokyo de 1969 se combinait avec une responsabilité fondée sur une présomption de faute [CMI, Documentation, 1970. I, p. 51.]
92 D.O., 1969, LEG/ CONF/ 4 septembre 1969, p. 476, cité par WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précité, spéc. p. 71.
93 ODIER (F.), Evolution de la notion de responsabilité en droit maritime, Revue de l’Académie de Marine, Année académique 1997-1998, n° 3, (Avril-juin 1998) p. 37.
94 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit., p. 361..
95 V. le numéro spécial consacré aux règles de Hambourg par la Revue de droit français commercial, maritime et fiscal, 1992. Le texte de la Convention est reproduit dans ledit numéro, p. 156. La Convention des Nations Unies sur le transport maritime des marchandises par mer, dites Règles de Hambourg est entrée en vigueur le 1 er novembre 1992.
96 REMOND- GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 592.
97 V. en ce sens, SCAPEL (C.), Les réformes adoptées par les règles de Hambourg à la responsabilité du transporteur maritime, Rev. Scapel, n° spécial 1992, op. cit,p 116.
98 V. en ce sens, SCAPEL (C.), ibid., p. 111 spéc. p. 118. Il est vrai que la formule retenue par l’article 5.1 de la Convention de Hambourg laquelle évoque les « mesures qui pourraient être raisonnablement exigées » pourrait apparaître moins stricte que celle de la Convention aérienne de Varsovie qui évoque les « mesures nécessaires ». V. REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, op.cit n° 592
99 V. REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, op.cit n° 593
100 VIALARD (A.), Droit maritime, précit, n° 430.
101 ODIER (F.), Evolution de la notion de responsabilité en droit maritime, précit., p. 37
102 V. en ce sens les réflexions de Monsieur M. MORIN, Le droit maritime : diversité ou fragmentation ? précit.,
103 V. en ce sens, États-Unis d’Amérique, la décision Amoco-Cadiz, DMF 1984 p. 688, spéc. p. 697
104 Les termes anglo-saxons sont « privity and knowledge ».
105 On notera que dans le cadre de l’affaire de l’Erika le Comité exécutif du FIPOL a décidé d’autoriser l’Administrateur à contester le droit du propriétaire de limiter sa responsabilité en vertu de la Convention CLC de 1992 sur la responsabilité civile et d’intenter des actions récursoires, FIPOL rapport annuel de 2004, p.. 77.
106 BONASSIES (P.), Rapport de Synthèse, Actes de la IXème journée Ripert, in La limitation de responsabilité du propriétaire du navire, DMF n° 632, n° spécial décembre 2002. p. 1083, spéc. p. 1088
107 BONNAUD (J.), Les réformes apportées par les règles de Hambourg aux exonérations de responsabilités et limitations de réparation du transporteur maritime, Rev. Scapel, n° spécial 1992,op. cit, p. 124, spéc. 131.
108 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, spéc. p. 447.
109 Sur cette correlation V. GRIME (R.), The Loss of the right to limit in Limitation of shipowner’s liability, The new Law Institute of Maritime Law, 1986, spéc. p. 102.
110 BONASSIES (P.), La Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité et le Protocole de 1996, Annales de l’IMTM, 1996, p. 45, spéc. p. 54.
111 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le contrat de transport, coll. « Connaissance du Droit », Dalloz 1993, p.59.
112 En l’occurrence celui de Bordeaux T. Com. 23 septembre 1993, DMF 1993. 706 notes VIALARD (A.) et. CLEMENS-JONES (T.) V. aussi BONASSIES (P.) DMF 1994 p. 23.
113 BONASSIES (P.), Le droit maritime classique et la prévention des risques maritimes, IMTM, 1997 p.25, spéc. p. 36.
114 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Pollution des mers, Jurisclasseur Responsabilité civile, fasc. 430-1, n° 15.
115 CA Rennes 30 mars 1988, Navire Le Kirsten- Skou., Obs. RÉMOND- GOUILLOUD (M.), DMF, 1989 p. 24.
116 Il faut, en effet, se rendre à l’évidence, une compagnie maritime n’est que très rarement enregistrée au nom d’une personne physique.
117 Sur ce point V. WU (C.), La pollution du fait du transport des hydrocarbures, responsabilité et indemnisation des dommages, op. cit., n° 735
118 V. BONASSIES (P.) Les nouveaux textes sur la limitation de responsabilité de l’armateur. Evolution ou mutation ?, IMTM,1985 p. 143, spéc., p. 157
119 V. BONASSIES (P.) Les nouveaux textes sur la limitation de responsabilité de l’armateur. Evolution ou mutation ?, précit., spéc., p. 157. Le Professeur P. BONASSIES cite pour illustrer son propos un arrêt américain du 18 avril 1974 où les juges ont considéré que constituait une faute personnelle de l’administration une faute commise par un simple officier marinier de la Coast Guard. Celui-ci avait commis l’erreur d’envoyer une vedette de son service auprès d’un chaland pétrolier en difficulté. Le heurt de cette vedette avec un ponton avait été à l’origine de l’embrassement d’une nappe de gaz de pétrole qui avait causé l’explosion du chaland, CA fédérale de San Francisco, DMF, 1979 p. 432.
120 DE LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, law and practise, op. cit. p. 104.
121 V. The Lady Gwendolen, L.L.Rep. [1965] p. 294
122 V. The Charlotte [1921] 9 L.L Rep. 341, p. 342 Hill, J
123 The Marion JMLC, 1984, p. 363
124 CA Rennes 30 mars 1988, navire Kirsten-Skou, DMF, 1989, p. 24, obs. RÉMOND-GOUILLOUD (M.)
125 Sur ce point V. SIMON (P.), La réparation des dommages causés par les hydrocarbures, précit., p. 252
126 V. BONASSIES (P.) Les nouveaux textes sur la limitation de responsabilité de l’armateur. Evolution ou mutation ? précit., p. 143.
127 CA Rennes 30 mars 1988, navire Kirsten- Skou, DMF 1989, p. 24, obs. RÉMOND-GOUILLOUD (M.)
128 V. Sur ce point WU (C.), La pollution du fait du transport des hydrocarbures, responsabilité et indemnisation des dommages, op. cit. n° 728.
129 Les défaillances répétées et régulières de certains appareils du navire ou les défauts d’étanchéité de sa coque pourront révéler une faute personnelle du propriétaire, laquelle consistera à avoir fait naviguer un navire en mauvais état de navigabilité.
130 Affaire du Marion, LLR, 1984, vol. 1, p. 1
131 Affaire du Gwendolen, LLR, 1965, vol. 1, p. 335.
132 V. sur cette affaire HAMSOM (J.), Actual fault and personal negligence, Cambridge Law Journal, 1965, p. 195- 200
133 Tribunal fédéral de Chicago, 13 avril 1984 DMF 1975, 411
134 Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation par un arrêt en date du 3 novembre 1974, V. DMF 1975. 411
135 V. BONASSIES (P.), États-Unis d’Amérique, jurisprudence 1974-1978, DMF, 1979 p. 430, spéc. p. 434.
136 V. sur ce point VINEY (G.), Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle et faute inexcusable et faute lourde, D., 1975 p. 263.
137 V. sur ce point LITTLE (G.), The Hazardous and Noxious Substances Convention, LMCLQ [1998] p. 554
138 Cass. Ch. réunies, 15 juillet 1941, JCP G.1941, II, 1705, note MIHURA. Cette définition de la faute inexcusable a été introduite à l’occasion de la réforme du droit des accidents du travail dans la loi du 9 avril 1998, afin d’atténuer la rigueur du système de réparation forfaitaire.
139 VINEY (G.), Droit civil, les obligations, responsabilité, conditions, L.G.D.J 1981, n° 613 et s.
140 V. not. VINEY (G.), Droit civil, les obligations, responsabilité, conditions, op. cit.
141 Les clubs n’hésitent pas à déclarer que le critère de la faute personnelle représente l’une des insuffisances les plus flagrantes de la CLC 69. D.O LEG/CONF.6/47 cité par C. Wu, La pollution du fait du transport des hydrocarbures, responsabilité et indemnisation des dommages, op. cit, n° 719
142 DU PONTAVICE (E), Les rayons et les ombres des protocoles, ERM, 1987, p. 117.
143 V. sur ce point LITTLE (G.) and HAMILTON (J.), Compensation for oil spills : the Sea Empress and recent developments under the Merchant Shipping Act 1995, LMCLQ [1997] p. 394, spéc. p. 391.
144 Le rapport Donaldson Safer Ships, cleaner seas affirmait qu’avec la Convention de 1992, il était peut être venu le temps, où les seuils relatifs à la déchéance du droit à limitation ne pourraient peut être pas constituer une protection raisonnable pour l’armateur. Il semblerait que les récents événements démontrent avec vigueur le contraire. cité par GAUCI (G.), Oil pollution at sea, civil liability and compensation for damage, op.cit p. 169.
145 Nous reprenons ici l’expression consacrée par le Professeur A. VIALARD, in L’évolution de la notion de faute inexcusable et la limitaton, DMF, 2002, p. 579, spéc. p. 580
146 BONASSIES (P.), Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures, Revue de Droit commercial, maritime, aérien et des transports, 2000, pp 140-145.
147 TUNC (A.), RT.D.civ. 1961, p. 316. Le Professeur P. BONASSIES op.cit, de se livrer à quelques pronostics. Les magistrats pour prononcer la déchéance du droit à limitation, exigeront-ils une probabilité de 66 %, 50 % voire une simple possibilité ?
148 Selon la Définition du Dictionnaire Petit Robert.
149 V. en ce sens TASSEL (Y.), Le dommage élément de la faute, DMF, 2001, p. 771, spéc. p. 776.
150 V. Cour d’appel de Hambourg, 15 sept. 1994, in AUCHTER (G.), Droit maritime étranger, République fédérale d’Allemagne, DMF 1995, p. 670
151 ibid. p. 670.
152 V. VINEY (G.) op.cit n° 615.
153 VINEY (G.), Rapport de synthèse, in Journées panaméennes, La responsabilité, aspects nouveaux, 15-18 mars 1999, Travaux de l’Association Henri Capitant, t. 50, LGDJ, 2003, p. 1, spéc. p. 12.
154 BONASSIES (P.) Rapport de synthèse, in Actes du colloque, La limitation de responsabilité du propriétaire de navire, DMF 2002, p. 1083, spéc. 1088.
155 CORBIER (I.), La faute inexcusable de l’armateur ou du droit de l’armateur à limiter sa responsabilité, DMF 2002, p. 407, spéc. p. 409.
156 V. en ce sens VIALARD (A.), L’évolution de la notion de faute inexcusable et la limitation, DMF, 2002, p. 579.
157 TGI Caen, 3 septembre 1990, jugement non publié.
158 V. sur ce point BONASSIES (P.), Le droit maritime et la prévention des risques maritimes, IMTM 1997 p. 25, spéc. p. 39
159 V. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 317.
160 VIALARD (A.), L’affaire Heidberg : gros temps sur la Convention de Londres de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, DMF 1993, p. 709.
161 VIALARD (A.), Obs. sous CA de Bordeaux (2ème ch.) 31 mai 2005, Navire Heidberg, DMF, 2005, p. 839 Le Professeur A. VIALARD note que « la Cour de Bordeaux fait un pas de plus : même parfaitement règlementaire, un équipage peut, au regard des impératifs de la sécurité maritime être jugé insuffisant car selon le régime du travail imposé ;et selon le degré de cohésion d’un équipage plus ou moins disparate, ce qui bien que conforme aux impératifs de sécurité maritime dans le cadre d’une navigation pépère devient insuffisant lorsque les conditions de navigation se compliquent.
162 BONASSIES (P.), La Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité et le Protocole de 1996, Annales de l’IMTM, 1996, p. 45, spéc. p. 54
163 CORBIER (I.), La faute inexcusable de l’armateur ou du droit de l’armateur à limiter sa responsabilité, précit., p. 414..
164 SOMERS (E.), Effects of ISM on the limitation of liability : the end or a new beginning ? DET, 1999, n° 1, p. 37. VLASTO (T.),The impact of ISM on limitation of liability, BIMCO BULLETIN, 1998-p. 28. SHAW (R.), The ISM Code and limitation of liability, The international Journal of Shipping Law, 1998, pp 169-172 TASSEL (Y.), Le dommage élément de la faute, précit., spéc. p. 786. Cet auteur se déclare incertain quant à l’incidence que pourrait avoir le Code ISM. Selon lui, deux interprétations seraient concevables, le Code pourrait soit servir d’écran pour restreindre la possibilité de casser la limitation de responsabilité, soit au contraire, il pourrait servir comme point d’appui pour élever encore plus haut le standard de sécurité.
165 BONASSIES (P.), Préface, in SERIAUX ( A), La faute du transporteur, 2ème éd, 1998.
166 BONASSIES (P.) Rapport de synthèse, précit., p. 1086.
167 CA Caen, 2 octobre 2001, navire Johanna Hendrika, DMF, 2001, p. 981 obs. BONASSIES (P.).
168 CA Aix, 10 octobre 2001, navire Multitank Arcadia, DMF, 2002, p. 981 obs. BONASSIES (P.).
169 Le Télégramme du 6 octobre 2005
170 V. en ce sens Cass com, 14 mai 2002, Navire Ethnos. A l’occasion de cet arrêt, la haute juridiction rappelle que l’on ne saurait retenir l’existence d’une faute inexcusable en présence de fautes vénielles, lesquelles doivent conformément à la tradition maritime ouvrir un droit à limitation au transporteur maritime. En l’espèce un transporteur maritime avait chargé irrégulièrement en pontée une marchandise particulièrement sensible à la mouille. Or pendant le voyage, la marchandise avait été détériorée au cours d’une tempête.
171 VIALARD (A.), L’apparence de faute inexcusable comme cause de déchéance provisoire du droit à limitation de responsabilité (à propos de CA Montpellier, 7 décembre 1999), DMF 2000, p. 608.
172 V. en ce sens Cass. com. 3 avril 2002, Navire Stella Prima (Confirmation de CA Montpellier, 7 déc. 1999), DMF 2002 p. 460
173 VIALARD (A.), L’évolution de la notion de faute inexcusable et la limitation, DMF 2002, p. 579.
174 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., p367.
175 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navire COM (2005), 593.
176 PIERRONNET (F.-X.) Responsabilité civile et passagers, précit., p. 355
177 CORBIER (I) La faute inexcusable de l’armateur ou du droit de l’armateur à limiter sa responsabilité,précit., p. 413.
178 MEKKI (M.), Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation, précit., p. spéc. p. 5.
179 C’est précisément la thèse défendue par Madame S. CARVAL La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, thèse précit.,
180 PICARD (M.) et BESSON (A.), Les assurances terrestres, traité, Tome I, Le contrat d’asurance, LGDJ, 5ème éd., 1982, n° 352.
181 Les dommages générés par Exxon ont été estimés entre 20 et 100 millions de dommages et intérêts auxquels il convient d’ajouter les frais de nettoyage (115 millions de $)
182 CHAUMET (F.), DELPOUX (Cl.), RADISSON (L.), et VINCENT (F.), Les assurances de responsabilités de l’entreprise, Lamy assurances, J. KULLMANN, dir. 2004, n° 1620.
183 STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité dans sa double fonction de peine privée et de garantie, thèse précit.,
184 La contribution de l’assurance à l’amélioration de la sécurité n’a pas manqué d’être soulignée par les parlementaires à l’occasion des rapports présentés au Sénat op. cit pp 76-77. et l’Assemblée nationale pp 148-149.
185 VALLAT (F.), Un vrai partenariat assureur/armateurs pour le futur : rêve ou réalité ? JMM du 8. 10. 93 p. 2414.
186 GUSTIN (P.), Après l’Erika, l’urgence, op. cit. Tome II Auditions volume 1. p. 455
187 PAGES (J.-P.) Comment contribuer au renforcement de la sécurité maritime ? Le rôle des assureurs maritimes, Euroforum, Paris 22 et 23 juin 2000.
188 PICARD (M.) et BESSON (A.), Le contrat d’assurance, tome premier, 5e éd. par A. Besson LGDJ 1982, p. 827.
189 LASCOUMES (P.), Du risque-dommage au risque symptôme : techniques assurantielles et prévention des pollutions, Annales des Mines, juillet-août, 1992, p.138.
190 On notera que les rapports rédigés par les deux assemblées restent relativement évasifs sur la question.
191 PICARD (M.) et BESSON (A.), Le contrat d’assurance, op. cit. p. 27
192 V. PICARD (M.) et BESSON (A.), Le contrat d’assurance, op. cit. p. 27.
193 Cette remarque doit être relativisée en présence des P& I Clubs puisque chacun des armateurs à travers les managers a la possibilité d’exprimer son opinion.
194 V. LAMBERT-FAIVRE (Y.), Droit des assurances, 8e édition 1992, Précis Dalloz n° 214
195 V. De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport précit., p. 370.
196 Dans son traité général de Droit maritime, RODIÈRE n’y consacre qu’un paragraphe fort succinct intitulé « obligation générale de prévoyance » dans une section IV consacrée aux obligations complémentaires de l’assuré in Assurances maritimes, livre II, titre I, chapitre V.
197 V. sur ce point, De LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, law and practice, op. cit., p. 709.
198 Sur cette question V. not., L’assurance- pollution, Monographies sur l’environnement, n° 42, OCDE / GD (92) 18. Ce rapport souligne que l’assurance de responsabilité réduit considérablement le risque financier d’un accident pour l’entreprise, surtout lorsqu’elle est associée à une assurance dommage pour les pertes directes subies par l’entreprise elle-même. On doit par conséquent craindre que la souscription de telles assurances puisse avoir pour effet de réduire les efforts de prévention des accidents dans l’entreprise assurée.
199 V. sur ce point DONALDSON, Safer ship, cleaner seas : report of Lord Donaldson’s inquiry into the prevention of pollution from merchant shipping, London HMSO, 1994, p. 273
200 Sur cette question V. DMF 1994, p. 511, V. aussi LEVY ( H) The ISM Code : the effects on P&I Cover, BIMCO BULLETIN, VOLUME 95 ; n° 1, 2000, p. 60
201 GAUCI (G.), Oil pollution at sea, Civil liability and Compensation for damage, op. cit. p. 205
202 Monsieur J.P PAGÈS indiquait que sur 1500 flottes étudiées par an, 80 % des risques étaient refusés par les assureurs français. in Comment contribuer au renforcement de la sécurité maritime ? Le rôle des assureurs. Maritima Euroforum, 22 et 23 juin 2000.
203 V. sur ce point DE LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, law and practice op. cit p. 702.
204 V. en ce sens les déclarations de M. X. CONTI « Nos polices comportent des clauses qui obligent l’assuré lorsqu’un événement survient à prendre toute mesure conservatoire en vue de préserver le navire de cet événement garanti ou d’en limiter les conséquences. C’est une obligation qui pèse sur l’assuré, étant entendu qu’en contrepartie, la charge d’indemniser les efforts consentis par l’assuré ayant rempli cette obligation pèse sur l’assureur », in De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices. Rapport précit., p. 374.
205 Art. L. 172-29 C. ass.
206 au sens de l’article 1134 du Code civil français
207 Droit des assurances, Précis Dalloz n° 312.
208 Section 17 Marine Insurance Act.
209 Section 18-1 : Subject to the provisions of this section, the insured must disclose to the insurer, before the contract is concluded every material circumstance which is known to the assured and the assured is deemed to know every circumstance which, in the ordinary course of business, ought to be known by him. If the insured fails to make such disclosure, the insurer may avoid the contract.
210 Section 18 Marine Insurance Act.
211 V. sur ce point BONGAERTS (J.-C.) and DE BIÈVRE (A.) Insurance for civil marine oil pollution damages, The Geneva Papers on risk and Insurance, 12 ( n° 43, April 1987) p. 145, spéc. p. 153.
212 Une telle obligation est aussi prévue par l’article 8.3° de la police-corps ainsi que par l’article 10-3° de la police RPNM.
213 V. sur ce point l’affaire de l’Erika. Ne pouvant obtenir la complaisance souhaitée, bon nombre d’armateurs décident de quitter leur société de classification pour faire classer leur navire auprès d’une société de classification plus laxiste.
214 Le Marine Insurance Act emploie le terme d’ « implied warranties ».
215 Marine Insurance Act section 41
216 La terminologie anglaise emploie le terme de « warranty of legality » que l’on pourrait traduire par garantie de légalité. Cette notion est, en définitive, voisine de celle de bonne foi prévu à l’article 1134 du Code civil.
217 NABET (P.), La peine privée en droit des assurances, Travaux et mémoires de la Faculté de Droit et de Science politique d’Aix-Marseille. Institut des Assurances. PUAM, 1986, spéc. p. 59
218 La terminologie anglo-saxonne parle alors de « breach of warranty ». La seule constatation de cet élément décharge l’assureur de toutes ses obligations à l’égard de l’assuré.
219 DÉPRIMOZ (J.), Le régime juridique des assurances contre les risques d’atteinte à l’environnement, J.- Cl.. Envir., fasc. 210.
220 Il faut noter que ce type de sanction n’est pas subordonné à la réalisation du sinistre.
221 Répond à la définition de faute de prévention simple, la faute commise par l’assuré qui n’aura pas pris toutes les mesures raisonnables sans pour autant se rendre coupable d’une faute intentionnelle ou inexcusable. La sanction de la faute simple est prévue par l’ensemble des polices françaises (article 14 de la police corps, article 14 de la police RPNM, article 18 de la police facultés)
222 V. sur ce point GENTILLE (F.), Risque et assurance, Esprit, Janvier 1965 spéc., p. 27
223 Il s’agit d’une clause classique en droit des assurances maritimes. On la retrouve dans les principales polices : article 3-1°de la police corps, article 7. 2° de la police RPNM, article 7. 2 ° des polices facultés. C’est de plus un principe d’ordre public posé par l’article L. 172-13 § 2 du Code des assurances.
224 BIGOT (J.), Les limites du risque assurable, RGAT, 1978, p. 169.
225 Un exemple particulièrement révélateur d’une faute inexcusable serait un sabordage dont l’unique objet serait de percevoir la prime d’assurance pour la coque. C’est donc en premier lieu, l’assureur coque qui sera sur le devant de la scène en cas de contestation notamment lorsqu’on soupçonne une perte suspecte. En arrière plan, cependant un P&I pourrait être affecté par cet événement, si la perte du navire conduit à l’engagement d’une action en responsabilité contre le propriétaire de navire. Cette hypothèse qui, au premier abord, semble d’école, aurait pourtant pu être mise en évidence par l’affaire du Salem (Shell international petroleum and Co. Ltd. v. Gibbs [1983] Lloyd’s rep. p. 242 citée par DE LA RUE (C.) & ANDERSON (C.B.) Shipping and the environment, précit., p. 712. Ce navire sombra au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest en Janvier 1980. Le contentieux qui suivit cette affaire ne relevait pas spécifiquement des P&I. Toutefois, les faits de cette espèce sont de nature à mettre en évidence une hypothèse dans laquelle les P&I Clubs auraient pu opposer une fin de non- recevoir.
226 BIGOT (J.), Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable, précit., p. 169.
227 VINEY (G.) Traité de droit civil- Introduction à la responsabilité civile, précit., n° 64, p. 105
228 V. nos développements consacrés à l’action récursoire contre l’assureur en section 1.
229 Sur ce point V. SEWARD (R.C), The insurance viewpoint, in Limitation of shipowner’s liability -The New Law Sweet & Maxwell, précit., spéc. p. 179.
230 Sur ce point V. RODIÈRE (R.), Droit maritime : assurances et ventes maritimes, Dalloz, 1983, n° 649.
231 Section 55-2 : the insurer is not liable for any loss attribuable to the willful misconduct of the insured, but unless the policy otherwise provides, he is liable for any loss proximately caused by a peril insured against, even though the loss would have not happened but for the misconduct or negligence of the master or crew.
232 et plus particulièrement Marine Insurance Act, 1906, s, 55 (2) ( a).
233 sur ce point V. The Eurysthenes [1976] 2 Lloyds Law Rep. 171.
234 V. HAZELWOOD (S. J.), P&I Clubs law and practice, spéc., L.L.P., 1994, 2 nd ed, spéc. Chapter 9, p. 213,.
235 VIALARD (A.), Droit maritime, précit.,. n° 147.
236 Le Professeur Y. LAMBERT-FAIVRE semble partager ce point de vue. Selon cet auteur, la faute inexcusable peut être assurable à la seule condition d’être mentionnée expressément dans une police et moyennant une surprime in Réflexion sur la nature juridique des assurances de responsabilité, Mélanges offerts à J. Vincent 1981 p. 193, spéc. p. 194.
237 V. aussi les développements consacrés à cette question par NICOLAS (P.-Y.), la faute inexcusable est-elle inassurable ?, DMF 1983 p. 253.
238 Article 1964 du Code civil.
239 V. en ce sens RUSSO (C.), De l’assurance de responsabilité à l’assurance directe, contribution à l’étude d’une mutation de la couverture des risques, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2001 ; Préf. G. Martin, p. 250.
240 Il faut noter que la loi française sur les assurances maritimes ne se départit pas sur ce point du Marine Insurance Act puisque le Code des assurances dispose que « l’assureur ne répond pas des fautes intentionnelles ou inexcusables de l’assuré ».
241 Ainsi, en matière d’accidents du travail, il est désormais possible de s’assurer contre une faute inexcusable. La loi du 6 décembre 1976 avait interdit l’assurance de la faute inexcusable de l’employeur. La loi du 27 janvier 1987 (L. n° 87-39, 27 janv. 1987, JO du 28 janv.) a supprimé cette inassurabilité.
242 GROUTEL (H.), La Cour de cassation et le report sur l’assurance de certains risques de l’entreprise, Mél. J.Dérruppé, LGDJ, 1993, p. 152.
243 V. DE CHALUS (V.), L’assureur, sécurité et assurance maritime, La Revue maritime, n° 455, Mars 2000, p. 36
244 Le Monde du 19. 07. 2001 par la voix de B. HOPQUIN se faisait l’écho de cette possibilité dans un article intitulé « Un nouveau système pour pomper les cargaisons des bateaux naufragés » Un inventeur vient de mettre au point un dispositif permettant aux pétroliers de pomper aisément leur cargaison au fond de l’océan. Ce système a été déposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle. Des compagnies d’assurances maritimes envisagent de favoriser l’utilisation de cet équipement par les armateurs, en échange de ristournes et de primes. Leur calcul est simple. Selon Bertin technologie, qui a évalué la faisabilité de ce concept, la mise en place de ce dispositif coûterait de l’ordre de 2 millions de francs (300 000 euros) soit moins de deux pour cent comparé de la valeur d’un navire, chiffre qui doit être comparé aux milliards de francs (300 millions d’euros) dépensés par Total Fina pour la marée noire de l’Erika ; Le premier pétrolier équipé du système Valtamed (JLMD) a été mis à l’eau au chantier Daewoo, JMM du 1 er octobre 2004, p. 10. Ce système pré-installé sur les navires doit permettre la récupération du fioul contenu dans les cuves en cas de naufrage. Il peut ainsi contribuer à réduire de manière importante les pollutions maritimes occasionnées lors d’un simple accident. Il est principalement destiné aux pétroliers et aux chimiquiers. Plus d’une centaine de navires devraient être équipés au cours des deux prochaines années. Selon son concepteur, ce système bénéficierait de l’agrément des Groupama Transport, UK P&I Club ; V. aussi DABI (J.-L.), Une invention au service de l’environnement : la récupération rapide du fioul sur pétrolier immergé, La Revue Maritime, n° 468, p. 114.
245 Après l’Erika, l’urgence. Tome I - Rapport p. 158. Erika : indemniser et prévenir précit., spéc. p. 77.
246 Le secteur des assurances maritimes a récemment rappelé son intention d’utiliser la tarification comme outil de dissuasion, V. en ce sens FIPOL 92FUND/WGR. 3/ 22/ 2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France, p. 5.
247 V. VINEY (G.), Traité de Droit civil, Introduction à la responsabilité civile, précit., n° 64 et s.
248 V. LOPUSKI (J.), Liability for damage in maritime shipping under the aspect of risk allocation, Polish Yearbook of international Law- Vol. X -1980 p. 176 spéc. p.189
249 Cette idée est loin d’être récente. Monsieur DENAVE l’exprimait déjà dans sa thèse en 1935 (Lyon) citée par B. STARCK.
250 Le système de bonus-malus qui tient compte des antécédents des conducteurs dans le calcul de leur prime automobile est une exception franco-luxembourgeoise, elle pourra le demeurer. Ainsi en a décidé le 7 septembre 2004 la cour européenne dans un arrêt remarqué. Ledit système n’est pas contraire au principe de libre concurrence, car les entreprises d’assurance restent libres de fixer la hauteur de leur prime de base. Il n’ existe donc aucune fixation directe des tarifs par l’État.
251 A savoir les frais généraux du club et notamment la rémunération des managers, les frais et débours afférents aux activités de protection juridique et d’indemnisation du club, les primes de réassurance et de recours de réassurance mutuelle incombant au club dans le cadre de l’accord pool, les indemnités versées pour faire face à tout sinistre dépassant le plafond des réassurances, enfin la constitution de réserves de fonds jugées nécessaires par les gérants du club, et la constitution de réserves de fonds destinées à mettre la trésorerie à l’abri des aléas de la conjoncture financière.
252 V. Safer Ships, cleaner seas. Report of Lord Donaldson’s inquiry into the prevention of pollution from merchant shipping, précit., spéc., p. 274
253 Il faut noter que le montant des cotisations devant être acquittées n’est pas rendu public. Toutefois, il semblerait qu’au sein des clubs, la concurrence s’exerce plus sur la qualité des prestations que sur le niveau des cotisations.
254 BONGAERTS (J.-C.) and DE BIÈVRE (A.) Insurance for civil liability for Marine Oil Pollution Damages, The Geneva Papers on risk and Insurance, 1987, n° 43, p. 145
255 En moyenne seulement 10 % des mutualistes prennent une telle décision selon BONGAERTS (J-.C.) and DE BIÈVRE (A.), précit.,. spéc. p. 153
256 Dans les périodes normales, ces cotisations supplémentaires se situent autour de 20 % de la cotisation d’avance, mais elles peuvent se rapprocher de 100 % en présence de très mauvais résultats.
257 Catastrophes calls dans la terminologie anglaise.
258 FIPOL 92, FUND/WGR. 3/ 22/ 2, 11 mai 2004. troisième groupe de travail intersessions, point 2 de l’ordre du jour. Examen du régime international d’indemnisation, amendements aux Conventions sur la responsabilité civile et portant création du fonds, document de discussion, soumis par l’Espagne et la France, p. 5..
259 Ibid., p. 4.
260 Ibid., p. 5.
261 sur cette question nous renvoyons à l’étude de Monsieur TANTIN (J-F.) Le droit d’action de l’assureur subrogé pièges et parades, DMF, 2002, p. 803. On notera seulement ici qu’il existe deux types de subrogation. En droit français, l’assureur, lorsqu’il indemnise la victime d’un dommage doit a priori pouvoir bénéficier de la subrogation légale prévue par l’article L. 121-12 du Code des Assurances ou par l’article L. 172-29 du Code des Assurances maritimes. Pour bénéficier de cette subrogation légale, deux conditions sont requises : la première est que l’assureur ait effectivement payé l’indemnité d’assurance, la seconde est que ce paiement ait été fait en exécution de l’obligation contractuelle de garantie. Dès que ces conditions sont réunies, la subrogation légale joue de plein droit. L’assureur lorsqu’il veut réclamer au responsable du dommage le règlement d’une somme qu’il n’était pas contractuellement tenu de régler à son assuré ou à la victime, doit passer par la technique de la subrogation conventionnelle prévue par l’ article 1250-1 du Code civil.
262 RUSSO (C.), De l’assurance de responsabilité à l’assurance directe, contribution à l’étude d’une mutation de la couverture des risques, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2001 ; Préf. G. Martin, spéc. p. 250
263 L’assurance pollution, Monographies sur l’environnement, n° 42, OCDE / GD ( 92) 18.
264 CARVAL (S.) La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, précit., n° 272-p. 311.
265 V. en ce sens BONGAERTS (J.C.) and DE BIÈVRE (A.), Insurance for civil liability for Marine Oil Pollution Damages, précit., p. 157. Ces auteurs soulignent que les comportements défectueux des membres ne sont jamais évoqués sur la place publique. Les règles des clubs privilégient le règlement des différends par voie d’arbitrage, c’est-à-dire par le biais de conciliations internes, à l’amiable devant un Conseil de direction représentant les membres du club, c’est-à-dire les armateurs garantis. Peu de clubs vont jusqu’à porter des allégations de navires sous- normes à l’encontre de leurs adhérents.
266 LAMBERT-FAIVRE (Y.), Droit des assurances, précit., spéc. n° 477 et s.
267 Sur cette question V. not. FONTAINE (M.), La suspension de la garantie de l’assurance pour défaut de paiement des primes, Revue critique de jurisprudence belge, 1982, p. 302.
268 VALOIS (Ph.), Le transport du pétrole par mer, précit., p. 128
269 V sur ce point DE LA RUE (C.) & ANDERSON (C.B), Shipping and the environment, précit., p. 719.
270 Sur cette notion, v. Lamy assurance n° 280 et s.
271 VALOIS (Ph.), Le transport du pétrole par mer, précit., p. 128
272 Sur cette idée V. BENNETT (P.), Mutual risk : P&I insurance clubs and maritime safety and environmental performance, Marine Policy 2001, p. 13, spéc. p. 19.
273 Ibid.
274 V. en ce sens STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile dans sa double fonction de garantie et de peine privée, précit.,
275 VINEY (G.) Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité civile, n° 64 p ; 106.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La responsabilité civile à l’épreuve des pollutions majeures résultant du transport maritime
Tome I et II
Karine Le Couviour
2007
L’unification du droit maritime
Contribution à la construction d’un ordre juridique maritime
Massimiliano Rimaboschi
2006
Le droit maritime dans tous ses états
Hommage méditerranéen à Pierre Bonassies, Philippe Delebecque et Christian Scapel
Mustapha El Khayat (dir.)
2016