Chapitre I. Revaloriser la responsabilité aquilienne pour mieux identifier les « comportements maritimes à risque »
p. 459-555
Texte intégral
11213. Quand bien même l’isolement d’un fautif serait présenté comme l’un des principaux obstacles auxquels se heurterait la responsabilité civile1, on ne saurait pour autant renoncer à l’identifier2. Il ne s’agit plus tant de trouver un payeur, puisque la victime aura déjà été indemnisée à première demande par le FIPOL mais davantage un responsable. Cette démarche se présente comme une nécessité pour qui veut, à l’instar de nos sociétés contemporaines « basculer d’une éthique de la fatalité à une éthique de la responsabilité3.
21214. Ainsi la catastrophe écologique d’origine maritime moins que le produit d’une certaine fatalité, révèlerait certains déficits notoires de comportement dans la chaîne du transport maritime. Il ne s’agirait pas d’un accident au sens d’un « événement fortuit et imprévisible »4. C’est le principal enseignement qui ressort d’un examen attentif post-accidentel de la situation pré-accidentelle. C’est le constat que ne manquent pas de faire les commissions d’enquête nommées après chaque catastrophe pétrolière. La principale explication à cela tient au fait que la situation pré-accidentelle était manifestement « grosse » de l’accident. Comme l’enfant qui va naître, l’accident attendait pour se produire5. L’imminence de sa survenance était repérable. Il existait des signes qui ne trompaient pas dans la situation pré-accidentelle.
31215. Cette possibilité de reconstituer, pas à pas, le scénario qui a conduit à la catastrophe nous éloigne donc sensiblement de l’époque de la révolution industrielle caractérisée par l’essor rapide du machinisme. Si cette période a motivé l’évolution du droit de la responsabilité dans un sens plus favorable à l’indemnisation au point de conduire à renoncer à toute tentative de responsabilisation, elle pourrait être aujourd’hui révolue. En effet, il convient désormais de souligner la contradiction troublante entre la progression des systèmes de responsabilité pour risque ou sans faute et la possibilité offerte par les systèmes d’investigation contemporains d’isoler le ou les « maillons(s) » défaillants au sein de la chaîne, en l’occurrence, pour nous celle du transport maritime.
41216. S’il est vrai que face à des risques d’ampleur catastrophique comme les marées noires, la responsabilité sera toujours plus amenée à tirer sa révérence pour laisser place à des remèdes collectifs plus à même qu’elle, de jouer ce rôle indemnitaire, cela ne saurait pourtant signifier qu’elle est vouée à s’éteindre à petit feu ; loin s’en faut. Au contraire, elle pourrait même connaître une seconde jeunesse dans un domaine où elle ne subit encore que peu de concurrence : la régulation des comportements. Encore lui faut-il pour cela retrouver sa « première dame de compagnie », quelque peu délaissée il est vrai : la faute. Il y a, dans ce mouvement de réhabilitation, quelque chose de très logique. « Avec une tendance, on va le plus loin possible, puis avec ce qu’on a gagné au cours de l’évolution, on revient chercher celle qu’on a laissée en arrière »6.
51217. Or, l’évolution du droit de la responsabilité civile a conduit pour les besoins de l’indemnisation à occulter le fondement originel de la responsabilité à savoir la faute, laquelle a pourtant souvent été présentée comme une « grande et laborieuse conquête de notre civilisation »7. Aussi certains auteurs n’ont-ils pas hésité à présenter la crise de la responsabilité comme le résultat d’« une perte d’influence de la faute comme principe structurant du droit de la responsabilité civile »8.
61218. Assez curieusement, le droit international public de l’environnement, à quelques exceptions près9, n’a pas enregistré une percée de la responsabilité objective de l’État fondée sur le risque ou sur le dommage10. « Les tentatives en ce sens ont jusqu’à présent, abouti à une impasse et, paradoxalement, il en est résulté à la fois une dilution et une extension du domaine de la responsabilité de droit commun pour fait internationalement illicite, autrement dit pour faute »11. Ainsi qu’a pu l’écrire un auteur, la responsabilité administrative, et par extension pensons-nous, celle de droit international public, peut être considérée comme un « régime juridique particulier de responsabilité civile applicable aux personnes publiques »12. Dès lors il nous semble possible d’envisager dans le cadre de cette étude la question de la responsabilité des États au titre d’une pollution pétrolière, puisque ces derniers peuvent être considérés comme des acteurs à part entière de la chaîne du transport maritime.
71219. Pour convaincre de la nécessité de revaloriser la responsabilité aquilienne aux fins d’identifier au mieux les comportements à risque, il convient de partir d’un constat : la généralisation des fonds a conduit à la dilution du risque la plus optimale qui soit. Dans une telle configuration, la résurgence de la responsabilité individuelle, indissociable de la notion de faute13, apparaît inéluctable (section 1). Il s’agira de persuader de cela en nous appuyant sur des développements que d’aucuns pourraient au premier abord juger trop théoriques. Reste qu’ils contribueront à alimenter de façon très directe notre réflexion car s’il est un domaine juridique où la résurgence de la faute paraît particulièrement nécessaire c’est bien dans celui des pollutions maritimes. L’identification de chacune des fautes des intervenants à la chaîne du transport maritime est une étape nécessaire dans la « repersonnalisation » de la responsabilité pour pollution en droit maritime (section 2).
SECTION 1. DE LA RÉSURGENCE INÉLUCTABLE DE LA RESPONSABILITÉ INDIVIDUELLE
81220. Si la révolution industrielle a incité à ne prendre en considération que le seul risque social au détriment de l’imputation individuelle des comportements dommageables,14 on se ravise aujourd’hui. « Dire le droit n’a, en effet, de sens que si chacun est reconnu dans son rôle »15. Ainsi on ne saurait tenter d’expliquer la catastrophe en faisant valoir que c’est de la faute à pas de chance. La fiabilité des machines s’est accrue au point de rendre la part du hasard marginale dans la survenance des accidents. Il n’est plus rare aujourd’hui que les experts démontrent qu’un certain nombre de fautes ont concouru à la réalisation de la catastrophe. Si le rôle de la faute a été contesté, elle reste le pivot de la responsabilité16. Le principe d’une responsabilité personnelle pour faute, quant à lui, continue à dominer notre système juridique tout entier17. La meilleure explication de cela tient au fait que la faute apparaît non seulement comme le fondement naturel de la responsabilité (§ 1), mais encore qu’elle est la seule à pouvoir prétendre réguler les comportements (§ 2).
§ 1. La faute, fondement naturel de la responsabilité
91221. « La faute reste l’impératif catégorique de la responsabilité civile »18 Cette idée selon laquelle la faute serait co-substantielle à l’idée de responsabilité est formidablement bien ancrée dans la pensée juridique française. Esmein considère que « parler de responsabilité sans faute, de faute sans acte illicite [...], c’est comme parler d’un homme sans tête, d’une automobile sans moteur, d’un syllogisme sans prémisses ».19 Savatier n’hésite pas, pour sa part, à déclarer que le fondement de la faute reste le principe général du droit de la responsabilité civile20. Cette position, loin d’être l’apanage des juristes, est soutenue par l’opinion commune, laquelle ne concevrait pas, ainsi que le constatent A. Tunc et G. Viney, une responsabilité sans faute21.
101222. Si la référence à la faute dans le champ de la Responsabilité Civile demeure « inexpugnable » selon la formule du philosophe P. Ricoeur,22 il n’est toutefois pas exclu que la notion soit appelée à évoluer pour répondre au mieux aux aspirations nouvelles de la responsabilité civile. Ainsi à la conception classique de la faute (A) pourrait succéder une conception renouvelée mieux adaptée à la nouvelle priorité de régulation des comportements (B).
A. La conception classique de la faute
111223. Il est quelque peu téméraire de vouloir définir la faute dans une acception classique dans un espace aussi réduit23. Face à un tel monument, la diversité des perspectives d’analyse qui s’offrent à de quoi égarer. Dès lors, le salut ne peut être trouvé que dans le choix de certaines d’entre elles. Les rédacteurs du Code civil eux-mêmes ne se sont pas risqués à en proposer une définition ; la doctrine admettant quant à elle que la définition de la faute est l’un des problèmes les plus délicats de la responsabilité civile,24 au pire qu’elle est impossible.
121224. Face à ce qui peut apparaître comme une démission, une référence à l’étymologie apparaît presque comme une solution de repli. La faute vient du latin falita et fallere qui signifient respectivement faillir et tromper ou échapper25. A l’idée de faute, s’attache donc de façon irrépressible l’idée de réprobation sociale. La faute prend racine dans le terreau de la morale26. « Le recours à la faute permet toujours de condamner une personne qui manque aux règles générales de civilité »27. Reste qu’il ne s’agit là que d’une ébauche bien mince de définition. Aussi, quand bien même la tâche apparaîtrait redoutable, il convient d’essayer de définir la faute (1) pour mieux cerner le rôle qu’elle est appelée à jouer au sein du vaste ensemble que constitue la responsabilité civile (2).
1. Essai de définition de la faute
131225. La faute est traditionnellement définie comme un « fait illicite imputable à son auteur ».28 Bien que ramassée, cette définition de la faute présente l’avantage de réunir ses deux éléments constitutifs, l’un dit objectif : l’illicéité (a), l’autre subjectif, l’imputabilité (b).
a) L’illicéité, élément objectif de la faute
141226. L’illicéité est traditionnellement considérée comme une « atteinte à un droit »29 ou encore à un « domaine juridique garanti »30. Elle peut aussi être conçue comme « le manquement à une obligation ou à un devoir préexistant31 »selon Planiol, ou encore comme l’inexécution d’un devoir que l’on pouvait connaître et observer selon Savatier32.
151227. Lorsque ledit devoir ou ladite obligation ne sont pas définis par le législateur, l’illicéité peut se manifester par un acte volontaire ou une simple imprudence, traduisant une transgression d’un devoir général de ne pas nuire à autrui. L’opportunité de la notion d’illicéité a été discutée ; d’aucuns la considérant comme inutile car relevant de la « tautologie33 » ou de la « logomachie »34 car ne précisant pas dans quel cas il y a faute. Il faut bien admettre que définir avec précision toutes les obligations ou les devoirs dont la violation constituerait un acte illicite relève de la mission impossible.
b) L’imputabilité, élément subjectif de la faute
161228. L’imputabilité confère à la faute sa dimension morale35. La faute ne saurait exister sans la possibilité d’imputer un acte à son auteur, en d’autres termes sans que « celui-ci ait eu la possibilité d’agir en pleine conscience de l’acte qu’il a accompli ; il doit en avoir compris la nature et la portée »36. L’idée d’imputabilité ne se conçoit que in concreto. Dès lors, il s’agit de se demander si un agent déterminé avait la possibilité, dans une situation donnée, de « prévoir et d’observer un devoir » 37.
171229. Des deux éléments constitutifs de la faute, l’imputabilité est, sans conteste, celui qui a fait l’objet des critiques les plus virulentes, puisque son existence même a été remise en cause par les partisans d’une conception strictement objective de la faute. Amputée de son élément subjectif, la faute a perdu sa coloration morale, autant dire son identité38 pour la seule satisfaction d’un objectif indemnitaire. Ainsi pour offrir à la victime une juste compensation, on a cru bon, au prix d’une expérimentation des plus hasardeuses, de relever la faute d’un très jeune enfant pourtant dépourvu de tout discernement39. Une telle décision conduit à s’interroger sur le rôle dévolu à la faute au sein de la responsabilité civile.
2. Le rôle dévolu à la faute dans la responsabilité
181230. Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, la présence d’une faute justifie une sanction réparatrice40. La référence à la faute apparaît donc comme indissociable de l’obligation faite à son auteur de réparer sous une forme ou sous une autre, les conséquences dommageables de ses actes. Ce principe énoncé par l’article 1382 du code civil est présenté comme « l’une de ses plus grandes règles d’équité qui pourraient à elle seule résumer le Droit tout entier41 ».
191231. L’aura attaché au code civil dont on vient de célébrer le bicentenaire ne saurait toutefois suffire à faire oublier que le rôle dévolu à la faute dans le droit de la responsabilité a considérablement varié. Considérée à certaines époques comme le fondement unique de la responsabilité, la faute a, à d’autres été totalement étrangère à l’engagement de la responsabilité. A l’origine, constate le Pr P. Jourdain « lorsque la responsabilité était très objective et essentiellement collective, la faute n’avait presque aucun rôle à jouer ». Ce qui signifie a contrario que lorsqu’elle est devenue individuelle, la responsabilité a offert à la faute une place primordiale. Il n’en reste pas moins vrai que l’idée qu’il puisse exister un principe général de réparation de dommages fondé sur la faute mettra du temps à s’imposer42.
201232. Dans le droit romain, on ne trouve rien de tel. Le législateur ne procédait que par cas d’espèce en énumérant une série de délits spéciaux et de contrats dont les obligations étaient bien déterminées. Ainsi, même lorsque la faute apparaissait comme une condition nécessaire pour engager la responsabilité et notamment dans la lex aquilia, sa présence n’emportait pas nécessairement réparation de tous les dommages causés. Le principe général de responsabilité civile pour faute ne sera consacré que par l’Ancien droit43 et la faute sera pendant longtemps reconnue comme le seul fait générateur de la responsabilité. Ce qui signifiera non seulement que toute faute dommageable fait naître une responsabilité, mais encore que seule l’existence d’une faute est susceptible de mettre une obligation de réparer à la charge de celui qui l’a commise. Par la suite, le rôle de la faute comme fondement de la responsabilité civile a connu un déclin amorcé à la fin du xix siècle, dont le point d’orgue a été la consécration d’une conception objective de la faute pour les seuls besoins de la réparation, et ce au prix d’une ostensible dénaturation.
211233. Or précisément, le simple constat que la faute puisse ressurgir en tapinois dans sa conception classique ou subjective,44 au sein même des régimes de responsabilité dits sans faute, ou même qu’elle ne soit pas évincée par les mécanismes de réparation collective, est lourd de sens. En d’autres termes, cela pourrait signifier que la conception traditionnelle que l’on retient de la faute est appelée à se renouveler pour mieux tenir compte des nouveaux objectifs assignés à la responsabilité.
B. Vers une conception renouvelée de la faute
221234. En matière de responsabilité, on oppose souvent le risque à la faute. La responsabilité pour risque vise essentiellement à faciliter l’indemnisation des victimes, quand la responsabilité pour faute pouvait être perçue comme une atteinte à leur droit. La relégation de la responsabilité dans sa fonction d’indemnisation a pour conséquence directe l’abandon de la responsabilité pour risque au profit de mécanismes collectifs d’indemnisation. Est-ce à dire pour autant que la notion de risque n’ait plus de rôle à jouer ? Rien n’est moins sûr. Amputée de sa fonction indemnitaire, la responsabilité civile est appelée à se recentrer sur l’examen des comportements des auteurs de faits générateurs de dommages45, autrement dit sur leurs fautes ; celles-ci se définissant avant tout comme la violation de normes de comportement.
231235. La notion de faute ne saurait être exclusive de celle de risque. Ainsi, « le fait de n’avoir pas pris toutes les précautions de nature à éviter les dommages46 » peut être constitutif d’une faute. En d’autres termes, le fait d’avoir favorisé une situation de risque peut être considéré comme fautif. Les notions de faute et de risque sont donc appelées à s’interpénétrer (1) à un point tel qu’il est possible de se demander si la notion de risque ne pourrait pas régénérer celle de faute (2) dans un souci de mieux répondre aux aspirations nouvelles de régulation des comportements de la responsabilité civile.
1. L’interpénétration des notions de faute et de risque
241236. Pour mettre en évidence cette interpénétration des notions de faute et de risque, il convient non seulement de montrer que la notion de risque a sa place dans la responsabilité aquilienne47 (a), mais encore que la responsabilité pour risque n’a jamais totalement évincé la notion de faute (b).
a) La place du risque dans la responsabilité aquilienne
251237. La disparition programmée de la responsabilité pour risque, loin de signifier la fin de toute considération pour la notion de risque, oblige à se souvenir que celle-ci a toujours eu droit de cité dans la responsabilité aquilienne.
261238. Ce qui est souvent reproché à l’auteur d’un dommage, c’est de n’avoir pas su agir à bon escient en présence d’un risque. En d’autres termes, cela pourrait aussi signifier que celui qui, par son activité crée une situation de risque, doit s’employer à la neutraliser en adoptant des mesures de sécurité appropriées. S’il ne le fait pas, on pourra retenir une faute à son encontre. De sorte que le simple exercice d’une activité peut être considéré comme fautif, du moins de façon rétrospective, c’est-à-dire quand le dommage se sera effectivement produit. Certes, retenir une telle conception de la faute impose de modifier l’optique traditionnelle de la responsabilité dans la mesure où ce n’est pas tant l’acte dommageable qui est visé en tant que tel, mais la création du risque à laquelle s’ajoute l’omission des mesures nécessaires pour conjurer le danger48.
271239. Le principe selon lequel le droit de la responsabilité n’accepte de sanctionner que l’inexécution ou la violation d’un devoir que l’agent pouvait connaître et observer demeure toutefois, intangible. Il n’y a là rien d’étonnant, car ainsi que le constate Jhering49, « ce n’est pas tant le dommage qui oblige à réparer, c’est la faute ». Si le risque paraît avoir sa place dans la responsabilité pour faute, la faute pourrait aussi avoir la sienne dans la responsabilité pour risque.
b) La place de la faute dans la responsabilité pour risque
281240. La responsabilité pour risque laisse subsister une part de subjectivité. Le risque n’a pu se réaliser que parce que l’auteur du dommage n’a pas été en mesure de l’éviter en prenant les mesures de sécurité nécessaires à cet effet. Pareille omission doit s’analyser comme une faute que l’on peut reprocher à son auteur. Ainsi, c’est dans la corrélation entre risque et profit que pourrait apparaître, en filigrane, le critère subjectif de la responsabilité pour risque.
291241. La responsabilité dite pour risque, pourrait aussi être, en définitive, fondée sur la violation présumée d’un devoir de diligence objectivé au point de faire disparaître toute référence aux éléments subjectifs de la faute50, sans toutefois la faire disparaître. Dès lors, si l’on poursuit ce raisonnement, cela signifierait qu’on soumettrait à une responsabilité pour risque des comportements qui pourraient relever d’une responsabilité pour faute51. Du reste, force est de constater que « les responsabilités objectives resteraient partiellement inspirées par la faute, dans la mesure où leur pierre de touche resterait l’anormalité52 ». Ainsi, alors même que « la vraie responsabilité serait assise sur la faute subjective53 », pour les besoins de la réparation on renoncerait à ce qu’elle soit rapportée pour ne pas entraver les chances d’indemnisation des victimes.
301242. Les concepts de risque et de faute sont donc appelés à s’interpénétrer. Dans une responsabilité désormais exclusivement fondée sur la faute, ne pourrait-on pas imaginer que le concept de risque puisse régénérer celui de faute pour mieux servir les nouveaux objectifs de la responsabilité, à savoir la régulation des comportements.
2. Vers une régénération du concept de faute par le risque : notion de risque fautif
311243. « Qui saurait nier que l’idée de faute constitue une base trop frêle pour soutenir l’édifice de la responsabilité et l’idée de risque, une base caduque »54. A travers cette interrogation, Starck paraît suggérer la possibilité d’une fertilisation croisée entre ces deux notions. L’intérêt d’un tel rapprochement serait de consacrer une notion hybride, le risque fautif55. Ce nouveau concept pourrait se révéler particulièrement utile dans le cadre d’un régime de responsabilité entièrement dédié à la régulation des comportements. Il pourrait concerner aussi bien des hypothèses d’action que d’abstention.
321244. Cette notion de risque fautif rassemblerait deux éléments : Le « risque de faute » d’abord56 ; ce dernier pourrait s’analyser comme un risque jugé » anormal ou excessif au regard de la sécurité. Il pourrait consister en une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence. La « faute de risque » ensuite ; celle-ci pourrait prendre la forme d’une décision ou d’une action pouvant s’analyser comme un risque délibéré pour la sécurité immédiate d’autrui. Ce risque serait si flagrant que l’existence de la faute pourrait être déduite de la seule constatation du dommage. En d’autres termes, la faute de risque pourrait être constituée du seul fait que l’on puisse rattacher un préjudice à un comportement lui-même considéré comme fautif du seul fait qu’il était risqué.
331245. L’intérêt majeur de la notion de « risque fautif » serait donc de réunir les notions de faute et de risque au sein d’un concept unique. A travers cette nouvelle notion, l’occasion serait offerte de sanctionner « ce qui auparavant était réparé sans qu’il fut besoin de porter un jugement de valeur57 ». Ce qui serait sanctionné à travers la notion de risque fautif ce ne serait pas tant la connaissance des effets préjudiciables que comporte le risque s’il se réalise, mais le fait de n’avoir pu prévoir ses conséquences. Si le retour de la subjectivité apparaît patent, l’appréciation de la faute à l’origine de la création du risque repose sur une double subjectivité. Il s’agit en effet d’apprécier non seulement ce en quoi consiste la faute, mais encore ce en quoi peut consister le risque.
341246. Les deux notions ne se comprennent que l’une par rapport à l’autre ; les juges ne peuvent manquer de les apprécier ensemble. Cela peut se comprendre aisément. Parce que la décision de négliger le risque est, à elle seule fautive, on ne peut envisager d’apprécier la faute qu’en cernant le risque qui en est à l’origine. Pour ce faire, il convient donc de se poser un certain nombre de questions, comme celle de la nature du risque auquel il s’agissait de faire face. Ledit risque était-il connaissable, évaluable, raisonnable ? En outre, parce que le risque n’est appréciable que par rapport à la faute, il convient nécessairement de s’interroger sur les possibilités dont jouissait le décideur pour connaître les facteurs de risques. Pouvait-il empêcher le dommage de se réaliser ? Pouvait-il refuser la prise de risque ? L’appréciation du risque se fait donc nécessairement a posteriori. C’est après la survenance des dommages, en fonction de l’évaluation qui pouvait être faite des risques, selon qu’il existait ou non l’intention quasi-délibérée de les provoquer que la faute pourra être appréciée.
351247. Force est donc d’admettre que cette notion répond à une véritable demande, celle d’une sécurité accrue pour laquelle aucune réponse satisfaisante n’avait été encore véritablement formulée sur le plan juridique. Or précisément, ce retour de la subjectivité que consacre la notion de risque fautif, ne se comprend que si l’on veut bien se souvenir que la faute est un élément indispensable dans une perspective de régulation des comportements ; seul rôle qui lui soit encore permis d’exercer lorsqu’elle est reléguée à sa fonction d’indemnisation par les fonds.
§ 2. La faute, un outil irremplaçable de régulation des comportements
361248. Selon l’analyse économique du droit, ce qui caractériserait la responsabilité pour faute, autrement appelée règle de négligence, c’est sa « capacité à susciter un standard légal de comportement58 ». Ainsi elle « imposerait des choix, proposerait des fins, dicterait des attitudes59. ». « Tout système qui éliminerait tout débat sur le comportement respectif des parties est intenable »60 « Le maintien du principe de responsabilité civile s’impose [...] parce que ce principe donne une règle de conduite et qu’il serait dangereux de tolérer des fautes61 ». Condamnée sur le plan indemnitaire par des techniques douées d’une efficacité supérieure, la responsabilité individuelle, et, plus encore la faute dont elle est indissociable, reste un outil irremplaçable de régulation des comportements62 du fait de sa dimension tant préventive (A) que répressive (B)63.
A. La « dimension préventive » de la faute
371249. La dimension préventive de la responsabilité ne trouverait réellement à s’exprimer que lorsque cette dernière serait fondée sur la faute. En d’autres termes, départie de sa dimension subjective, la responsabilité se trouverait privée de toute capacité de prévention64. L’introduction d’une responsabilité pour faute stimule le souci de prévention. Cela pourrait s’expliquer par la nature même de la faute. Tandis que l’agent n’a que peu de prise sur le risque dans son acception classique, il conserve une certaine maîtrise sur les fautes. En adoptant un comportement précautionneux, il peut espérer les éviter.
381250. En ce sens, la responsabilité pour faute a un rôle normatif à jouer, c’est-à-dire qu’elle incite l’agent à s’abstenir de tout comportement socialement nuisible65, voire si celui-ci s’est déjà mal comporté, elle le dissuade de renouveler cette attitude fautive. « L’homme responsable, l’homo juridicus aiguise sa vigilance car il a la mémoire du droit. Avant d’agir, il s’interroge en conscience sur les conséquences pour le corps social de ses actes. L’anticipation de l’effet éventuel du droit agit sur sa conscience et le maintient dans un état de plus grande attention, voire dans une vive tension de l’esprit »66 favorable à l’évitement de certaines fautes.
391251. De cela, un enseignement très concret doit être tiré. Le système de responsabilité pour faute, loin de sanctionner les dommages inévitables, n’entend s’intéresser qu’« aux cas où le responsable aurait pu faire mieux »67. Ce faisant, le système de responsabilité apparaît comme porteur d’un encouragement à mieux faire. Il peut aussi être vu comme un puissant incitateur à ne pas faire mal. Ainsi si une entreprise ou une personne a la possibilité de réaliser un gain malhonnête, la responsabilité pour faute peut l’en dissuader en la menaçant d’avoir à restituer les gains illicites. A l’exact opposé, un système de responsabilité qui proclame que la constatation ou l’appréciation de la faute de l’auteur du dommage est inutile ou indifférente, est un dispositif qui a tendance à compromettre irrémédiablement la fonction préventive du droit.
401252. Cette dimension préventive de la faute est si prégnante, qu’elle transpire de certaines définitions du responsable. Ainsi le Pr Y. FLOUR propose de définir le responsable comme « celui qui aurait eu la possibilité de prévenir ce dommage avec une vigilance plus grande, celui dont on peut vraisemblablement présumer la faute »68. Si la faute a indiscutablement une dimension préventive, cette dernière se double d’une fonction répressive qu’il s’agit maintenant de mettre en évidence.
B. La dimension répressive de la faute.
411253. C’est parce qu’elle postule le maintien de la faute, que la responsabilité individuelle peut demeurer efficace69. La dimension répressive de la faute ne peut être comprise sans référence à l’idée d’imputation. En effet, la responsabilité pour faute implique de maintenir l’idée d’imputabilité. Imputer, c’est mettre sur le compte de quelqu’un, une action blâmable, une faute.
421254. L’appel au jugement que suggère la faute, incarne le plaidoyer le plus vibrant en faveur du maintien de l’idée d’imputabilité, périodiquement soumise aux assauts de la solidarité et du risque70. La dimension répressive de la faute ne peut s’envisager sans un retour franc au noyau dur de l’imputation71. Le jugement d’imputation conduit à celui « de rétribution en tant qu’obligation de subir la peine »72. En dépit du mouvement naturel qui oriente le jugement d’imputation vers celui de rétribution, le mouvement inverse, c’est-à-dire celui qui fait remonter de la rétribution à l’attribution d’une action fautive est, tout aussi décisif.
431255. Il n’en reste pas moins que l’expression de la faute, dans sa dimension répressive, peut être contrariée. Il s’agit en premier lieu, des hypothèses où la faute ne pourra être détectée, faute de moyen suffisant. Il s’agit en second lieu, des hypothèses de fautes lucratives. Dans cette dernière hypothèse l’auteur du dommage peut préférer être condamné à verser des dommages et intérêts, plutôt que de modifier son comportement eu égard aux économies substantielles réalisées. Si le droit français accepte déjà indirectement de prendre en compte les fautes lucratives en considérant le bénéfice réalisé par le fautif, on peut penser qu’il gagnerait à les prendre directement en compte à l’instar du droit américain73 de façon à optimiser la dimension répressive de cette faute.
441256. Si la progression des mécanismes collectifs d’indemnisation a entraîné le déclin de la responsabilité individuelle, le fait que chacun puisse être désormais reconnu dans son rôle, l’indemnisation pour les premiers, la régulation des comportements pour la seconde, devrait permettre de restaurer un équilibre ; la faute, fondement naturel de la responsabilité, effacée pour les besoins de l’indemnisation, étant appelée à reprendre du service pour les besoins de la régulation. Pratiquement cette résurgence de la responsabilité individuelle pourrait conduire en notre matière, à repersonnaliser la responsabilité pour pollution maritime.
SECTION 2. VERS UNE « REPERSONNALISATION » DE LA RESPONSABILITÉ POUR POLLUTION MARITIME
451257. « La tendance à l’élimination progressive de l’idée de faute et par là, la disparition du sens de la responsabilité individuelle a pour corollaire le développement d’une plus grande négligence »74. Ce phénomène est particulièrement sensible en matière de transport maritime. Le simple fait de savoir qu’ils ne pourront être tenus individuellement responsables75 encourage certains acteurs du transport maritime à de plus en plus de laxisme sécuritaire ; ce qui peut avoir pour conséquence directe d’accroître la probabilité de survenance des catastrophes environnementales de source maritime.
461258. Le Doyen Carbonnier, loin de se satisfaire d’une pareille évolution, paraît proposer une parade. Il s’agirait de reconnaître à chaque individu « un droit subjectif à la pureté naturelle de son cadre de vie »76. Dès lors, « toute pollution parce que constitutive d’une violation de ce droit devrait être considérée comme une faute »77. Or pour l’heure, le système conventionnel tend davantage à assimiler la pollution à un risque. Une seule personne, qui plus est désignée, est appelée à supporter ce risque. « Le risque de responsabilité lié à la pollution, n’engage que le propriétaire du navire » ainsi que le souligne le Pr A. Vialard78.
471259. Si l’on conçoit que la cascade de contrats emboîtés les uns dans les autres, si caractéristique de la chaîne du transport maritime, est de nature à rendre plus difficile l’appréhension des véritables responsabilités79, faut-il aller jusqu’à les considérer comme quasi-impersonnelles ? Le doute est permis. Chacun des acteurs du transport maritime est susceptible à son niveau de faire preuve de laxisme sécuritaire et de faciliter ainsi la survenance de la catastrophe. Dès lors ne pourrait-on pas déjà considérer que la responsabilité telle qu’elle est aujourd’hui arrêtée par la Convention CLC est la conséquence d’une mauvaise approche de la sécurité ? En effet, en optant pour une telle concentration de la responsabilité, tout laisse à penser que la sécurité serait du ressort exclusif du propriétaire du navire. Nul doute qu’ainsi conçu, le régime international de responsabilité et d’indemnisation soit quelque peu démuni pour améliorer la sécurité maritime80. Car ainsi que le suggère C. Huglo, qui aspire à des « règles sérieuses de sécurité »doit d’abord songer à appliquer des « règles logiques de responsabilité »81.
481260. Celles-ci ne peuvent se concevoir en dehors de l’idée d’un retour sur l’auteur du fait générateur. Pareille manœuvre doit être vue comme une « nécessaire et constructive réaction à la focalisation sur la victime »82. Toutefois, force est d’admettre que l’application scrupuleuse des normes de sécurité peut être rendue plus délicate du fait de la présence d’une multitude d’intervenants dans la chaîne du transport. Il n’en reste pas moins vrai que même dans cette configuration linéaire, « la responsabilité civile doit demeurer la responsabilité individuelle d’une personnalité juridique »83 ; et cela alors même que la segmentation de la chaîne du transport maritime aurait naturellement tendance à diluer les responsabilités.
491261. L’entreprise d’identification des responsables qui sous-tend cette démarche ne devrait pas être découragée pour autant. Elle seule paraît capable d’apporter une explication satisfaisante au phénomène accidentel Certes, il nous faut reconnaître que la causalité linéaire établie à partir d’un acte isolable ne suffit plus. Il faut faire appel à l’idée de « cristallisation »84 plusieurs actions et abstentions sont susceptibles de se combiner pour conduire à la catastrophe. Néanmoins, les procès qui ont suivi les grandes catastrophes pétrolières ont permis de vérifier qu’il était toujours possible, de remonter aux véritables responsables, pourvu qu’on s’en donnât les moyens85.
501262. C’est donc dans une très logique campagne de repersonnalisation de la responsabilité pour pollution maritime que l’on pourrait s’engager. L’occasion serait par là-même offerte de renouer avec la tradition maritime qui entend « ne connaître que des obligations de diligence et de prudence et ne sanctionner que leur inobservation sans que nul n’ait à assumer les coups du sort ; la responsabilité ne se trouvant engagée que par suite d’une faute dûment établie86.
511263. Cette possibilité pour le juge de remonter la chaîne des responsabilités pour débusquer méthodiquement les fautes de chacun des acteurs de la chaîne du transport maritime devrait le conduire à envisager en premier lieu la responsabilité du propriétaire du navire87 (sous section 1), mais encore, s’éloignant quelque peu de l’épicentre que constitue le navire pollueur, sans toutefois s’en séparer, celle des auxiliaires de sécurité (sous-section 2), et enfin celle des États dont on ne concevrait pas qu’ils puissent encore passer à travers les « mailles du filet sécuritaire » (sous-section 3).
SOUS-SECTION 1. LA PART PRÉPONDÉRANTE DE L’OPÉRATEUR DU NAVIRE
521264. Avec la répétition récente des accidents de pollution impliquant des navires vétustes,88 la responsabilité des ayants-droit de la cargaison déversée à la mer s’est posée de façon inédite. En l’absence d’obligation juridique stricto sensu dans le dispositif conventionnel, l’affréteur Total paraît s’être senti naturellement obligé89. Est-ce à dire, pour autant, qu’il ne soit tenu d’aucune obligation au sens juridique du terme ? Loin s’en faut. Alors même qu’il acquitterait à l’instar des autres réceptionnaires une contribution au FIPOL, sa responsabilité individuelle pourra être engagée toutes les fois qu’il aura commis une « faute avérée et causale »90 ; celle-ci devant en outre être inexcusable. Cette hypothèse pourrait, en pratique, recouvrir deux situations bien distinctes. Celle d’abord où il a la qualité d’utilisateur de navire91, une faute de négligence pouvant lui être reprochée quant à son choix d’affrètement Celle ensuite où il a la qualité de chargeur de marchandises dangereuses, un manquement à une ou plusieurs obligations de type réglementaire prévues pour ce type de transport, étant en toute hypothèse constitutif d’une faute civile. Aussi, quand bien même elle serait étroite, la voie de la faute civile92 devrait permettre de mettre à la charge de l’ayant droit de la marchandise une strate supplémentaire de responsabilité civile.
531265. Il n’en demeure pas moins vrai, en dépit de ce que les récentes catastrophes pétrolières peuvent laisser penser93 que de tous les intervenants successifs de la chaîne du transport maritime, l’opérateur du navire est celui à qui il convient d’attribuer la plus grande part de responsabilité dans la réalisation matérielle de l’accident de pollution. Pourtant, assez paradoxalement, les conventions pétrolières actuelles l’ignorent en tant que tel, préférant retenir la responsabilité du « propriétaire de navires ».
541266. Or, cette seule qualité de propriétaire pourrait désormais apparaître par trop restrictive, car tenant insuffisamment compte de l’actuelle réalité économique, et notamment du mode d’acquisition et d’exploitation des navires. Nul ne saurait nier, en effet, que la figure juridique du propriétaire du navire a subi de profondes mutations94. Ainsi que l’a souligné Madame F. Odier95, sa fonction a considérablement perdu de son unité et se trouve désormais éclatée entre l’apport des financiers, le management des techniciens ou le marketing des commerciaux. Si le propriétaire du navire est la personne physique ou morale de droit privé ou public disposant de l’ensemble des droits patrimoniaux sur le navire, il n’est pas nécessairement celui qui exploite et contrôle sa gestion nautique. Le véritable propriétaire du navire est bien souvent un groupe financier96, totalement incompétent dans l’exploitation des navires.
551267. Dès lors face à cette inadaptation manifeste de la figure du propriétaire du navire, et dans un souci de rationalisation du processus décisionnel entourant l’exploitation du navire, la mise en cause de l’opérateur du navire au titre de la responsabilité apparaît comme indispensable97. Ainsi posée, la problématique de la responsabilité de l’opérateur du navire paraît pouvoir s’organiser autour de deux pôles, conçus comme autant de risques qu’il s’agit de maîtriser. Alors même que le « risque-navire »(§2) aurait été particulièrement mis en exergue par les récentes catastrophes écologiques d’origine maritime, cela ne saurait toutefois suffire à occulter, qu’un navire sous-norme est toujours « un navire sous norme sociale »98. Dès lors, parce que le facteur humain figure selon les statistiques parmi les causes prépondérantes des pollutions maritimes majeures, le « risque- homme » apparaît comme une source à part entière de responsabilité pour l’opérateur de navire (§1).
§1. Le « risque-homme »99 comme source de responsabilité personnelle de l’armateur
561268. Un dicton affirme qu’« un bon équipage peut sauver un mauvais navire comme un mauvais équipage peut couler un bon navire »100. C’est dire combien la communauté maritime reconnaît la part prépondérante de l’élément humain dans les accidents de mer. Ainsi l’erreur humaine serait, de loin, la cause la plus fréquente des sinistres101. Elle serait à l’origine de plus de trois accidents sur cinq102. La quasi-totalité des abordages entre deux navires serait à mettre à son compte.
571269. L’erreur humaine est souvent présentée comme une fatalité. Car « si les machines sont calculées pour résister à l’usure, les hommes le sont-ils bien pour la routine ? Les procédures de sécurité impliquent une répétition sans fin de gestes sans résultat sensible, le tout sur un rythme lent, sur fond de solitude, entre des terminaux pétroliers déserts, à l’écart du monde. De manière générale, l’erreur consistant à avoir négligé une procédure de sécurité, c’est-à-dire une manœuvre fastidieuse dénuée d’effets tangibles est presque statistiquement inévitable. Respectée une fois, ne risque t-elle pas d’être mise à mal la millième ? »103
581270. Aussi convient-il d’éviter toute forme d’amalgame, en d’autres termes de bien dissocier entre vétille et comportement inexcusable. « L’oubli minuscule, la distraction passagère, ne causent l’accident que s’ils sont accompagnés d’une série de coïncidences malheureuses à l’enchaînement inévitable : ils se fondent dans le risque technologique et ne sauraient être prévenus et, traités comme une faute ordinaire. La faute grave, en revanche, celle qui n’a pu être incluse dans les prévisions de l’ingénieur, est souvent la cause essentielle du dommage »104. Il n’en reste pas moins que dans chacune de ces hypothèses, le dommage s’étant produit, il convient de le réparer105.
591271. Le droit de la responsabilité commande de reconnaître deux réalités bien distinctes sous ce que nous avons choisi de regrouper sous le vocable quelque peu générique de « risque-homme ». Si la faute du préposé est incontestablement une source de responsabilité pour son commettant (A), on ne doit pas exclure l’hypothèse d’une faute personnelle de l’employeur à l’égard de son salarié (B).
A. La faute du préposé comme source de responsabilité pour le commettant
601272. Si le transporteur maritime ne saurait être tenu pour responsable des fautes commises par ses préposés dans la navigation et l’administration du navire à l’égard de ses partenaires contractuels106, il doit en répondre devant les tiers dans les termes du droit commun. L’article 3 de la loi du 3 janvier 1969 sur l’armement introduit dans le droit maritime les dispositions de l’article 1384 alinéa 5 relatif à la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés. La Convention CLC107 consacre ce principe de couverture par le commettant des faits de son préposé en énonçant dans son paragraphe 4 de l’article III qu’« aucune demande en réparation ne peut être introduite contre les préposés ou mandataires du propriétaire ou les membres de l’équipage ».
611273. Que la responsabilité du commettant du fait de son préposé soit une responsabilité de plein droit, on ne saurait le nier. Toutefois, et rejoignant en cela notre analyse précédente, il convient de se souvenir que même lorsqu’elle est fondée sur le risque, la responsabilité n’évince pas complètement la faute108. En effet, on a souvent avancé l’idée que la responsabilité du commettant du fait de son préposé ne gît pas en sa personne, mais davantage dans la faute de son préposé109, pourvu que celle-ci soit en rapport avec ses fonctions.
621274. Après avoir mis en exergue l’existence d’une faute du préposé maritime pris au sens large (1), il conviendra d’envisager la position d’un préposé singulier, le capitaine (2).
1. L’existence d’une faute du préposé maritime
631275. L’éviction de la faute est normalement de principe dans les régimes de responsabilité objective. Mais quoique le régime de responsabilité des commettants du fait de leurs préposés puisse être considéré comme un régime de responsabilité objective, on peut douter que la faute ait été totalement évincée. Ainsi serait-il plus exact d’évoquer l’idée d’un régime hybride de responsabilité en ce qu’il paraît emporter coexistence des notions de risque et de faute. De cela le Pr J.-L. Baudoin paraît rendre compte en soulignant que le commettant assume « le risque économique de l’activité fautive du préposé »110 à l’égard d’autrui.
641276. Certes, on ne saurait nier jusqu’à l’évidence même, la responsabilité du commettant du fait de son préposé est une responsabilité de plein droit. Il pèse sur les commettants une présomption de responsabilité. Ces responsables pour autrui n’ont pas la possibilité de prouver qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait dommageable111 pour espérer s’exonérer. L’idée selon laquelle cette responsabilité pourrait trouver son fondement dans la faute du commettant est aujourd’hui discutée112. « La faute du commettant n’est aucunement nécessaire à la mise en œuvre de sa responsabilité »113. La responsabilité du fait d’autrui paraît même entraîner une dissociation accrue entre le fait générateur et la réparation, depuis l’abandon complet du rôle de la faute du civilement responsable par l’arrêt Bertrand du 19 février 1997. Deux théories paraissent justifier cette responsabilité du commettant du fait de son préposé : celle du risque d’abord, le préposé doit être vu comme prolongeant l’activité du commettant, « ses agissements apparaissent aux yeux des tiers, comme ceux du commettant » ; celle du risque-profit ensuite, variante de la première : la responsabilité du commettant doit être vue comme une possible contrepartie du profit qu’il retire de l’activité de son préposé.
651277. Plus que la faute du commettant, c’est celle du préposé qu’il faudrait retenir ici114. Toutefois la rigueur juridique pourrait inciter à ne pas franchir ce pas. Ainsi, les Prs G. Viney et P. Jourdain115, à l’instar de la jurisprudence majoritaire, préfèrent évoquer le fait du responsable primaire, c’est-à-dire de l’auteur matériel du dommage plutôt que sa faute. Ils n’en reconnaissent pas moins que « beaucoup d’auteurs affirment qu’il est nécessaire d’établir une faute du préposé, et que nombre d’arrêts paraissent conserver cette exigence »116, même si elle n’est pas expressément formulée par l’article 1384 al. 5 du Code civil.
661278. En droit maritime, l’armateur est responsable de l’activité dommageable de ses préposés maritimes117. Le seul fait que le préposé ait causé un dommage, emporte automatiquement la responsabilité du commettant, sans qu’il y ait besoin de prouver la faute de celui-ci. Le commettant est donc garant envers la victime de la réparation d’un dommage qu’il n’a pas causé. Mais qu’entend-on par le terme de préposé ? Si l’on se réfère à l’article I du décret du 7 août 1967, le marin, donc le préposé maritime est « toute personne engagée par un armateur ou embarquée pour son propre compte, en vue d’occuper à bord d’un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l’entretien et à l’exploitation du navire ». L’article 3 de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes dispose que « l’armateur répond de ses préposés terrestres et maritimes », et non pas tant le propriétaire du navire.
671279. L’attribution de la qualité de commettant à l’armateur et non au propriétaire soulève un certain nombre de questions en présence d’un affrètement. L’article 2 de la loi de 1969 dispose « qu’en cas d’affrètement coque-nue, l’affréteur devient l’armateur du navire, si le contrat d’affrètement le prévoit et a été régulièrement publié ». Cette possibilité ne semble exister que pour un affrètement coque-nue puisque ledit affrètement transfère l’ensemble des pouvoirs d’exploitation du navire à l’affréteur à l’égard des tiers, et par conséquent la qualité de commettant. On notera que l’affrètement au voyage n’est pas concerné par la publication puisqu’il ne transfère aucun pouvoir à l’affréteur.
681280. Un problème se pose pour l’affrètement à temps. On peut imaginer que ce contrat soit publié afin d’opposer aux tiers les dispositions particulières attribuant au fréteur la gestion nautique, et à l’affréteur la gestion commerciale en cas d’affrètement de longue durée. Pour que l’opposabilité soit totale, il faut que la conséquence de la distinction sur l’attribution de la qualité de commettant soit expressément prévue ; le capitaine est donc obligé d’obéir, dans les limites de la charte-partie, aux instructions que lui donne l’affréteur pour « tout ce qui concerne la gestion commerciale du navire »118. Le tiers qui a subi un dommage devra normalement agir contre celui qui, au moment de la réalisation du dommage, avait le droit de donner des ordres au capitaine, donc précisément en cas de déversement d’hydrocarbures, contre le seul fréteur à temps car la pollution ne découle pas de la gestion commerciale du navire.
691281. Pour engager la responsabilité du commettant, le fait119 ou la faute du préposé doit nécessairement être en rapport avec ses fonctions120. On notera que quand bien même l’article 1384 alinéa 5 ne mentionnerait pas l’exigence d’une faute commise par le préposé, la majorité des arrêts et des auteurs en ont fait une condition de la responsabilité du commettant depuis un arrêt de la Chambre des requêtes de 1866121. Le Pr Ch. Rade va jusqu’à considérer que « le fait du préposé doit, pour engager la responsabilité du commettant entrer dans les prévisions des articles 1382 et 1383 »122. La Cour de cassation elle-même, paraissant abandonner l’idée d’une participation causale, semble encourager la « résurgence de la faute dans la responsabilité du fait d’autrui »123. Le Pr C. Rade considère qu’il n’y a pas là matière à s’inquiéter, à la « double condition toutefois que ce renouveau ne se traduise ni par une rupture dans l’unité des régimes ni par l’immunité reconnue aux auteurs agissant sous l’autorité du garant ». Il n’en reste pas moins vrai que ces choix de politique jurisprudentielle sont au cœur du débat concernant l’avenir de la responsabilité civile en général et de la responsabilité du fait d’autrui en particulier124.
701282. Comment la Cour de cassation conciliera-t-elle cette nouvelle jurisprudence avec la jurisprudence Costedoat transposable en matière maritime125 ? Dans cet arrêt, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a posé le principe suivant : « le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par le commettant n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers »126. La même formation a toutefois précisé dans un arrêt ultérieur que « le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l’ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci »127. Une telle solution doit être approuvée. Hormis certaines hypothèses, on ne saurait en effet rendre personnellement et intégralement responsable le préposé de tous les dommages causés dans le cadre de ses fonctions, car cela reviendrait à lui faire supporter indirectement les conséquences d’éventuels défauts d’organisation de l’entreprise qui ne lui sont pas imputables. La Cour de cassation restreint donc sensiblement le champ de la responsabilité civile effective du préposé.
711283. La nouvelle jurisprudence paraît s’articuler autour de deux axes : d’une part, un fait du préposé, en relation avec ses fonctions, n’entraîne, par principe que la responsabilité civile effective du commettant ; d’autre part une faute d’une gravité particulière, c’est-à-dire dépassant la moyenne des fautes qui peuvent être commises par un préposé ordinairement intelligent, et à laquelle le commettant ne devrait pas s’attendre, est une faute personnelle du préposé pouvant engager sa responsabilité ainsi que celle du commettant. Il faut cependant réserver la démonstration d’un abus de fonction qui établirait que le commettant n’a en rien participé au dommage subi par la victime. La faute personnelle du préposé doit donc s’entendre de malhonnêteté, c’est-à-dire de l’intention chez le préposé de servir un intérêt autre que celui de l’entreprise, en particulier son intérêt personnel. Il s’agit alors d’examiner le « comportement subjectif du préposé »128.
721284. En matière maritime, on peut penser que la faute personnelle129 du préposé prendra la forme de la faute intentionnelle ou inexcusable du paragraphe 4 de l’article III de la Convention CLC. Autrement dit, il faudra un « fait ou une omission personnels du préposé de l’opérateur maritime, commis avec l’intention de provoquer le dommage, ou commis témérairement et avec la conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement » pour que la responsabilité personnelle du préposé maritime puisse être engagée. En effet, la Convention CLC s’analysant comme un traité international, l’article 55 de la Constitution veut que la règle qu’il édicte, l’emporte sur toute règle de droit interne, qu’elle soit d’origine législative ou jurisprudentielle. Cette solution est-elle transposable au préposé singulier qu’est le capitaine ? Répondre à une pareille question commande de s’interroger sur la position du capitaine au regard de la responsabilité des commettants maritimes.
2. La position du capitaine au regard de la responsabilité des commettants
731285. « Le capitaine tel qu’il est appréhendé à travers tous les textes dont nous disposons en droit français, est un personnage dont l’autorité sur le navire et la société du bord constitue une situation unique, une personne dont les compétences n’ont pas d’équivalent en droit terrestre »130. A la fonction de capitaine ont toujours été associés des pouvoirs impliquant des responsabilités extrêmement larges. Ne peut être capitaine que celui qui a reçu une formation particulière exigée par certaines conventions internationales comme la Convention STCW.
741286. Le capitaine assure la conduite du navire. A cette fin, il doit prendre toute mesure nécessaire à la sécurité de l’entreprise maritime, qu’elle concerne le navire lui-même, la société du bord ou la cargaison. L’article 6 de la loi du 3 janvier 1969 donne au capitaine la compétence pour pourvoir aux besoins de l’expédition et du navire hors des lieux où l’armateur a son principal établissement ou sa succursale. Le capitaine, s’il constate des défectuosités sur le navire, doit en avertir l’armateur. Il doit également veiller à ce que tous les documents exigés de l’administration au sens large, à l’occasion de la visite du navire, se trouvent à bord. A l’égard de la cargaison, l’article 5 de la loi du 3 janvier 1969 énonce que toute faute dans l’exercice de ses fonctions, on peut notamment songer à une faute d’arrimage, est susceptible d’engager sa responsabilité.
751287. Plus largement, les articles 3 et 5 de la loi du 3 janvier 1969 énoncent que « le capitaine répond de toutes les fautes commises dans l’exercice de ses fonctions » et non pas l’armateur à la différence de ce qui pourrait exister pour n’importe quel préposé terrestre. Le Code disciplinaire et pénal de la Marine marchande commande même au capitaine de ne pas laisser usurper son commandement131, fût-ce au profit de son armateur. Ainsi s’agissant de la sécurité, force est d’admettre que reposent sur le capitaine des obligations que nul autre ne saurait assumer à sa place. Face à une situation de risque, il est seul à pouvoir apprécier la conduite qu’il convient de tenir. Si un tiers est appelé à intervenir, notamment pour charger la marchandise, le capitaine ne saurait pour autant être déchargé de toute responsabilité pour le cas où un dommage surviendrait de ce fait, car le bon accomplissement de cette opération participe à part entière de la sécurité du navire132.
761288. Le capitaine, directeur de l’expédition maritime, chef de la société du bord est aussi le mandataire ou le représentant légal de l’armateur. Cette qualité de mandataire pourrait faire hésiter quant au statut qu’il convient de reconnaître au capitaine à l’égard de l’armateur. Il est, en effet, de l’essence du mandat de laisser le mandataire jouir d’une certaine autonomie133. Cependant on observera que cette qualité n’est pas en soi incompatible avec un lien de préposition, car le mandat comprend intrinsèquement un ordre donné au mandataire tenu de l’exécuter fidèlement. Aussi, plus encore que sa qualité de mandataire, c’est l’autonomie dont il jouit de fait dans l’exercice de ses fonctions qui pourrait dissuader de reconnaître au capitaine la qualité de préposé. L’indépendance n’est-elle pas, par principe incompatible avec le lien de préposition134 ?
771289. Chauveau, très sensible à cette originalité de la fonction du capitaine, considérait que la notion de représentant rendait compte au mieux de son statut ; le capitaine devant être considéré comme le représentant d’intérêts135. Le professeur R. Garron quant à lui proposait de retenir une solution médiane. « Le capitaine ne serait pas le promoteur de l’activité de transports maritimes qu’il exercerait pour le compte de l’armateur, mais il ne serait que le réalisateur de cette activité »136. Lyon-Caen et Renaud quant à eux, refusant de trancher, pensaient qu’il fallait admettre que le capitaine devait être considéré comme une figure double, c’est-à-dire à la fois « préposé et mandataire »137. Cette idée selon laquelle le capitaine pourrait cumuler à la fois les qualités de mandataire et de préposé peut être défendue. Cela d’autant que la loi montre que les fonctions du capitaine se rapprochent davantage des fonctions d’un préposé que de celle d’un mandataire puisque pour des engagements particuliers sortant du cadre précis normal, un mandat exprès doit être donné par l’armateur138.
781290. Le Pr P. Bonassies paraît quant à lui défendre une position plus tranchée, considérant qu’il ne fait aucun doute que le capitaine est juridiquement un préposé. « Cette qualification même si elle a été critiquée, lui a été donnée par l’arrêt Lamoricière »139. Malgré les pouvoirs de direction dont il dispose, précise la Cour de cassation, le capitaine reste le préposé de l’armateur. Cette qualité de préposé est, du reste, confirmée par l’article 3 de la loi du 3 janvier 1969, lequel évoque les préposés maritimes en termes généraux, sans réserver un sort particulier au capitaine140. Cette qualité de préposé du capitaine paraît devoir être corroborée par les différentes modifications du rôle du capitaine au cours des vingt dernières années. Les structures des compagnies armatoriales ont profondément muté. Les établissements et les représentations de l’armateur dans les ports se sont considérablement multipliés. Avec le développement des télécommunications, notamment par satellite, l’armateur peut désormais entrer en contact rapidement et en tout point du globe avec le capitaine. Ce dernier n’est plus tout à fait seul à bord. En conséquence, l’évolution se fait vers un renforcement du lien de subordination. Le capitaine serait presque devenu un préposé ordinaire.
791291. Mais cette faculté qu’il a désormais de rendre des comptes à la terre est à double tranchant. Libéré du poids de certaines responsabilités, il pourrait être tenu d’en assumer de nouvelles, notamment en matière de protection de l’environnement marin. Ainsi, le Code ISM141 pourrait avoir quelque peu ralenti les effets de la fonctionnarisation du capitaine en lui accordant un pouvoir accru dans la gestion du navire142.
801292. Il n’en reste pas moins ainsi que le constate le Pr P. Bonassies143, que le capitaine, comme n’importe quel préposé, devrait bénéficier de la jurisprudence Costedoat du 25 février 2000 aux termes de laquelle, rappelons- le, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a posé le principe que « le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par le commettant n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers ». Le principe de l’immunité du capitaine pour le dommage causé par une faute professionnelle paraît donc être acquis, car il convient d’adopter une conception extensive de la notion d’actes accomplis par un capitaine dans les limites de sa mission. Quels pourraient être ces actes ? Il importerait peu que « le capitaine ait ou non suivi les directives ou instructions de l’armateur, seul le fait qu’il ait agi dans le cadre de sa mission compterait »144. Or cette mission est vaste. Elle va de la conduite du navire, aux soins apportés aux marchandises en passant par la protection de l’environnement145. Cette jurisprudence devrait permettre au capitaine de bénéficier d’une immunité chaque fois que par sa faute le capitaine aura causé un dommage en ne respectant pas parfaitement les exigences de sa mission.
811293. Toutefois, cette immunité civile pourrait rencontrer un obstacle en présence d’une faute inexcusable au sens de la Convention CLC, c’est-à-dire d’un dommage résultant d’un fait ou d’une omission personnels du capitaine, commis avec ou dans l’intention de provoquer le dommage, ou commis témérairement et avec la conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement. En effet, ce texte maintient le principe d’une responsabilité personnelle du capitaine d’un pétrolier pour le cas où une pollution serait due à une faute intentionnelle ou inexcusable de sa part146.
821294. Il subsisterait donc là, selon la jolie formule du Pr P. Bonassies, un îlot de responsabilité dans l’océan de leur immunité civile. Toutefois, si l’on se fie aux propos rassurants de cet auteur, le risque pour le capitane de voir sa responsabilité mise en cause après un sinistre affectant un pétrolier, apparaît peu probable. Gageons que s’il venait à se réaliser, le capitaine, a priori non assuré, trouverait une garantie dans le cadre de la couverture de responsabilité proposée à l’armement. Il y va de la sérénité du capitaine. Il pourrait aussi en aller de la préservation de l’environnement. En effet la crainte de voir retenir sa responsabilité ne doit pas dissuader le capitaine d’agir pour mettre tout en œuvre pour éviter voire minimiser la pollution147, dût-il pour cela requérir le concours d’un assistant. Il est précisément des moments où la réussite passe par l’absence totale de contrariété en mer comme à terre d’ailleurs, n’en déplaise aux financiers...
831295. L’affaire du Torrey Canyon148 rend parfaitement compte de la nécessité de laisser au capitaine fut-il préposé une certaine marge d’autonomie dans l’exercice de ses fonctions. Pour éviter un retard dont son armateur aurait pu lui faire grief, le capitaine aura décidé de couper au plus court, en empruntant au besoin une route semée de récifs. La Commission d’enquête du gouvernement du Libéria sur le Torrey Canyon dans son rapport publié le 2 mai 1967 à Monrovia conclura que l’accident est dû à une succession de négligences caractérisées totalement imputables au capitaine. Cinq fautes motiveront le retrait de sa licence. Outre le choix d’une route périlleuse149 pour le navire, le capitaine se verra reprocher de n’avoir pas changé de cap quand cela aurait été nécessaire, d’avoir abusé dans une zone dangereuse et à fort trafic maritime du pilotage automatique, d’avoir négligé le contrôle du fonctionnement de ce système de pilotage, de n’avoir pas réduit sa vitesse lorsqu’il s’était rendu compte de son erreur d’appréciation dans le choix de la route150.
841296. A la décharge du capitaine, une seule observation suffira. Au moment de l’accident, il n’avait pas quitté le bord depuis 366 jours151. Cela dit assez combien lorsque les pressions commerciales et la fatigue menacent, la moindre formation, le moindre entraînement sont réduits à l’état de chimères. « La mer peut être cruelle »152, les vagues peuvent être scélérates, mais les hommes ont du répondant. Dès lors la négligence du préposé ne peut manquer de s’apprécier à l’aune des fautes personnelles susceptibles d’être commises par l’employeur.
B. La faute personnelle de l’employeur
851297. Notre objectif ici, dans une démarche didactique, est d’identifier les principaux risques pris par l’armateur es qualité d’employeur. Si l’armateur n’assume dans les faits que de façon très lointaine sa fonction de recrutement, préférant la déléguer à une société de shipmanagement plus aguerrie à cette tâche, il ne saurait à aucun moment arguer de cette pratique pour espérer se libérer de toute responsabilité. Que les risques trouvent leur siège dans la personne du salarié comme l’incompétence professionnelle (1), ou qu’ils soient directement conditionnés par la personne de l’employeur comme la mauvaise gestion de l’activité du personnel (2), ils demeurent pour l’armateur des faits personnels, sources de responsabilité.
1. L’incompétence professionnelle du personnel maritime
861298. En l’absence de définition légale, la notion d’incompétence professionnelle du personnel maritime appelle un effort particulier de définition (a). Après s’être accordé sur le sens qu’il convient de lui donner, il faudra s’interroger sur les possibilités laissées à l’armateur de faire la preuve de sa « due diligence » et espérer ainsi se dégager de toute responsabilité (b).
a) Essai de définition de l’incompétence professionnelle
871299. Cette notion juridique contrairement à celles qui sont directement précisées par la loi, ne peut être définie qu’indirectement, c’est-à-dire par renvoi à l’expérience commune ou technique153. On le sait, en droit du travail, l’inaptitude professionnelle154 d’un salarié permet à son employeur de prendre congé155 de lui, avant même qu’une quelconque faute de sa part ait pu être relevée156. Toutefois, dans ses rapports avec les tiers, l’employeur maritime, pas plus que celui de droit commun, ne saurait exciper de cette faculté pour se dégager de toute responsabilité envers eux. Lorsque la faute du salarié maritime traduit une incompétence caractérisée, elle doit pouvoir être personnellement imputée à l’armateur157. Lorsqu’elle est excessivement grave, la faute du préposé témoigne d’une insuffisante vigilance du commettant dans le choix de son personnel. Dès lors ainsi que le souligne le Pr Ch. Rade, on peut imaginer qu’une victime puisse « rapporter l’existence d’une faute personnelle du commettant dans le choix d’un préposé en relation avec le dommage pour engager sa responsabilité dans le cadre de l’article 1383 du Code civil »158.
881300. D’une façon générale, est reconnu incompétent le salarié qui n’accomplit pas sa tâche de façon convenable, faute pour lui de disposer des qualités requises. Aussi l’incompétence ne saurait se confondre avec la simple négligence. Alors même qu’on décèlerait chez les magistrats une volonté d’assimiler la compétence à la capacité professionnelle159, il semblerait que ce dernier concept soit plus large. Un exemple suffira à en prendre conscience. Un officier de marine généralement compétent peut, sous l’effet de l’alcool, de la fatigue, ou de la maladie être placé dans l’incapacité temporaire d’exercer ses fonctions. Les mauvaises habitudes prises par le marin incitent parfois à retenir son incompétence. Ainsi, l’officier qui deviendrait de plus en plus paresseux dans l’observance des techniques de navigation, pourrait être déclaré incompétent en raison de la récurrence de son mauvais comportement. Dans un même ordre d’idée, on admettra que l’alcoolisme notoire du capitaine suffise à le rendre incompétent quelque puisse être sa qualification160.
891301. L’incompétence doit s’apprécier en début de voyage. Ainsi, elle ne saurait être retenue si la fatigue extrême rencontrée par un marin n’apparaît qu’en cours de voyage. En revanche, elle le sera si un officier de pont avait pour habitude de dépasser son temps de quart au risque de ne pas prendre son temps de repos réglementaire. Pareille question ne saurait se poser quand l’incompétence d’un marin tient à son incapacité à communiquer avec les autres membres de l’équipage. L’absence de langue commune au sein d’un même navire peut rendre plus difficile son exploitation161. En définitive, l’incompétence ou son contraire, la compétence dont on s’accorde à reconnaître qu’elle consiste pour un équipage à être capable non seulement d’accomplir les tâches banales mais aussi d’affronter les dangers courants auxquels le navire est exposé162, ne sera examinée qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire. Face à la responsabilité qu’il pourra personnellement encourir de ce fait, l’armateur sera invité par le juge à faire la preuve de sa « due diligence ».
b) La preuve de la « due diligence » par l’armateur
901302. La « culpa in eligendo », appelle une sanction grave. Si, à l’instar de la simple négligence du préposé, elle oblige l’armateur à réparer les dommages, elle le prive aussi du bénéfice de la limitation de responsabilité. Parce que la responsabilité ne saurait être, ici, de plein droit, l’armateur pour échapper à la sanction promise va s’employer à démontrer qu’il a fait preuve de toute la diligence requise lors du recrutement initial. A cette fin, certains documents comme les brevets, et autres certificats pourraient revêtir une importance particulière.
911303. Quelle force probatoire doit-on leur reconnaître ? Le fait de les avoir exigés, suffit-il à exonérer l’employeur de toute responsabilité ? La position de la jurisprudence, en la matière, est, on ne peut plus, tranchée. L’employeur ne saurait s’en tenir à la seule présentation de certificats. De lui, on exige qu’il prenne le soin d’auditionner le salarié163. Le juge Hewson à l’occasion de l’affaire du Makedonia164 a eu l’occasion de déclarer que les références écrites concernant le candidat à l’embauche étaient moins importantes que les rapports d’activités établis par ses précédents employeurs.
921304. Ce que d’aucuns ont baptisé la « sécurité paperassière », ne représente pas une garantie suffisante, sur le plan juridique, pour espérer se libérer de sa responsabilité. Aussi peut-on imaginer qu’un armateur engage sa responsabilité en raison de l’incompétence de son capitaine, alors même que celle-ci n’aurait été révélée qu’à l’occasion d’un naufrage. Ainsi le Tribunal de commerce de Paris constatant que le capitaine avait montré au cours des événements « un manque de connaissance de la mer et du navire a conclu à un recrutement fautif ; un entrepreneur n’engageant pas pour diriger un navire n’importe quel titulaire d’un diplôme apprécié »165. On l’aura compris, le fait pour un employeur maritime d’exiger de son futur salarié la production d’un brevet dans la limite des prescriptions administratives166 ne saurait être interprété comme un blanc-seing. Même accomplie avec diligence, cette seule formalité ne suffit pas à le libérer de son obligation de répondre personnellement des agissements de son personnel. Souvent détectable dès le recrutement initial, l’insuffisance professionnelle peut donc apparaître en différé. Incompétent, le personnel maritime peut également être mal géré par l’employeur.
2. La mauvaise gestion du personnel maritime
931305. Manque de formation continue ou de communication d’informations particulières (a), absence de surveillance du personnel (b), maltraitance du personnel (c) sont autant de révélateurs d’une mauvaise gestion de l’activité du personnel dont l’armateur a été personnellement tenu responsable.
a) Le manque de formation ou de communication d’informations particulières
941306. « C’est sans doute l’une des questions les plus importantes, pour une société que celle de la formation »167. Si la formation initiale permet d’acquérir une qualification professionnelle, la formation continue s’avère indispensable. Dans un contexte de mutation scientifique, technologique et culturelle, continue et accélérée, la formation ne saurait être acquise « une fois pour toute ». L’exploitation d’un chimiquier ou d’un pétrolier ne peut s’envisager que pour autant que des hommes ont été formés pour les faire fonctionner, en assurer la maintenance, mais encore également pour en parer les éventuelles défaillances168.
951307. Il n’en demeure pas moins que certains armateurs, dans un souci de réduire à l’excès les rémunérations, pourraient être tentés de recruter des équipages sans aucune formation et des officiers peu ou non qualifiés. S’il s’agit là de scenari extrêmes, les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner tout manquement caractérisé en matière de formation. Le plus souvent, l’occasion leur sera offerte de sanctionner l’absence de formation particulière en présence d’un nouvel outil, qu’il s’agisse du navire lui-même ou de ses équipements.
961308. Ainsi, le juge Mac Garr verra-t-il une faute dans le fait pour Amoco de ne pas avoir suffisamment formé le capitaine et l’équipage à l’utilisation et à la réparation d’un nouveau gouvernail169. Dans l’affaire de la Standard Oil Co of New York v. The Clan Line Steamers Ltd170, le navire sera considéré comme innavigable, faute pour l’armateur d’avoir formé le capitaine aux dangers particuliers présentés par la conception du navire. Dans l’affaire du Lady Gwendolen, une Cour d’appel retiendra la faute personnelle de l’armateur pour n’avoir pas attiré expressément l’attention de ses capitaines sur la nécessité d’utiliser un nouveau radar avec une extrême prudence en cas de brume171. Outre d’avoir mal formé son personnel, l’employeur maritime peut également se voir reprocher par les juges de ne pas l’avoir bien surveillé.
b) L’absence de surveillance du personnel
971309. La vigilance de l’armateur quant à la probité professionnelle de son personnel ne saurait cesser avec le recrutement initial, elle se prolonge dans le temps. De l’armateur, on n’attend pas uniquement qu’il forme correctement l’équipage, ni même qu’il lui remette les instructions les plus détaillées avant que ne débute le voyage. Un professionnel diligent doit être en mesure d’établir qu’il n’a jamais cessé de surveiller les activités du capitaine et de l’équipage. La surveillance peut s’entendre de « l’action de veiller sur une personne dans l’intérêt de celle-ci, ou de surveiller une personne pour la sauvegarde d’autres intérêts »172. Selon une jurisprudence constante la surveillance que l’on peut attendre d’un employeur doit être, permanente, suffisante, attentive et efficace173. L’action de surveillance peut se traduire par une injonction de ne pas faire, autrement dit par une interdiction. Ainsi définie, la surveillance participe indubitablement d’une action préventive visant à empêcher l’apparition de dommages. Elle apparaît en filigrane derrière l’obligation de prudence et de diligence de l’article 1383 du Code civil.
981310. Rechercher à quelles conditions, l’obligation de surveillance peut être considérée comme remplie en matière maritime, relèverait de l’utopie. Sans doute peut-on sans prendre trop de risques avancer l’idée que l’obligation de surveillance ne saurait aller jusqu’à prévoir tout ce qui est humainement envisageable, c’est-à-dire jusqu’aux réflexes dommageables de la personne surveillée. Quelques arrêts rendus à propos de la déchéance du droit de limitation suffiront à rendre compte de la façon dont les tribunaux apprécient le sérieux de l’encadrement du personnel maritime.
991311. Certaines pratiques, comme le fait pour l’équipage de prendre progressivement l’habitude de fumer dans certains secteurs sensibles du navire au mépris de la sécurité la plus élémentaire, devraient suffire à révéler un défaut de surveillance des activités des hommes du bord. Mais il a aussi été considéré dans l’affaire du Lady Gwendolen174, que le fait pour le propriétaire de n’avoir pas pris soin d’élaborer un système de contrôle ad hoc pour surveiller les activités de son capitaine suffisait à démontrer un manquement à l’obligation de surveillance qui pesait sur lui. En l’espèce, il était également reproché à l’employeur de n’avoir pas averti son salarié du caractère dangereux de la navigation à grande vitesse dans le brouillard. Le plus souvent, pareilles pratiques, plus que combattues par l’armement sont encouragées par lui175. Ces formes de pression psychologique participent de la maltraitance du personnel.
c) La maltraitance du personnel
1001312. La pénibilité du travail en mer est une réalité que nul n’oserait contester. Condamné à vivre à bord, l’équipage est, sans cesse, exposé aux bruits et vibrations176. S’il ne peut être déclaré maître des conditions d’exploitation face aux éléments, il ne saurait l’être davantage face à ses employeurs. Es qualité, l’armateur exerce une influence directe sur les conditions de travail à bord. Cette emprise peut être appréciée à l’aune des dépenses ou plus sûrement des économies réalisées au détriment de l’équipage. Dans la comptabilité de l’armateur, salaires, protection sociale, frais liés à la formation sont parfois pressentis comme autant de postes sur lesquels il convient de réaliser de substantielles économies. Une diminution drastique des coûts salariaux couplée avec une limitation des dépenses d’entretien procure un avantage concurrentiel déterminant. Cette combinaison malsaine se révèle souvent gagnante pour l’armateur. S’affranchir du respect des règles sociales minimales édictées par l’OIT177 serait encore moins risqué que de négliger la réglementation technique des navires. Deux procédés aux fins de réduire la masse salariale178, seraient particulièrement appréciés des armateurs ; le premier consiste à introduire des changements techniques pour augmenter la productivité individuelle du travail, le second repose sur une automatisation toujours plus poussée aux fins de réduire la taille des équipages179.
1011313. Cette course effrénée à la productivité était dénoncée dès 1994 par les navigants. Sur bon nombre de navires, les effectifs ne correspondaient déjà pas à la charge de travail à accomplir, et plus encore ils étaient insuffisants pour faire face aux situations d’urgence susceptibles de se présenter180. Parce que les conditions de vie à bord, en tant qu’elles rejaillissent sur l’organisation du travail et l’état sanitaire de l’équipage ne sont bien souvent pas sans lien avec la survenance des sinistres maritimes en général, des marées noires en particulier, toute forme de maltraitance à l’égard des hommes devrait se traduire par la responsabilité civile de celui qui en est à l’origine, à savoir l’armateur. On rappellera pour mémoire que la capitaine du Torrey Canyon n’avait pas quitté le bord depuis 366 jours181.
1021314. Les hypothèses de dépassement du temps de travail182 constituent l’une des formes les plus fréquentes de violation de la législation du travail. La fatigue, dans la mesure où elle altère sensiblement le jugement d’un individu compétent et bien formé accroît le risque de pollution183. Aussi, l’un des objectifs de la législation américaine à travers l’Oil pollution Act a-t-il été d’agir sur ce facteur de risque. Bien qu’aucune action n’ait été pour l’heure engagée sur ce fondement depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, il existe dans le contentieux pré-OPA, une espèce susceptible de rendre compte de la façon dont la responsabilité du propriétaire pourrait être engagée sur ce fondement.
1031315. Dans l’affaire du Sause Bros. Ocean Towing184, un remorqueur rentra en collision avec une barge. Une pollution par combustible de soute s’en suivit. Le Tribunal de l’Oregon185 constata qu’il y avait eu une violation manifeste de la réglementation américaine sur le temps de travail. Le fait pour le capitaine d’avoir dépassé de douze heures le temps réglementaire de travail devait être considéré comme un fait générateur de responsabilité délictuelle dont devait répondre l’armateur. Il existait, en l’espèce, un lien étroit de causalité entre la violation de cette réglementation et le dommage de pollution. Pour conclure ces développements consacrés à la maltraitance de l’équipage, il est permis de se demander si l’insouciance dont font preuve les affréteurs à l’égard des « conditions humaines » d’exploitation des navires ne gagnerait pas à être civilement sanctionnée aux fins de mieux les sensibiliser à ces questions186. Si le facteur humain demeure une cause essentielle des accidents de pollution, il ressort également des statistiques que nombre d’erreurs humaines n’auraient pas eu des conséquences aussi graves si les navires impliqués dans les accidents de pollution avaient été mieux entretenus187. Le « risque navire », les événements récents ne le rappellent que trop, demeure aux côtés du risque homme une source incontournable de responsabilité individuelle de l’armateur.
§ 2. Le « risque-navire » comme source de responsabilité individuelle pour l’armateur
1041316. Il faut détecter l’importance de ce qui paraît insignifiant sur le moment. La petite fissure peut être le signe annonciateur d’un phénomène catastrophique. S’il fallait établir une hiérarchie entre les fautes susceptibles d’être commises par le propriétaire de navire, la plus grave d’entre elles consisterait à laisser naviguer un bâtiment dont l’inaptitude à « tenir la mer »188 ne pourrait être raisonnablement ignorée. Nombre de graves sinistres par pollution sont dus à l’état de non-navigabilité189 du navire citerne en cause. La règle selon laquelle le navire doit être présenté en bon état de navigabilité est, en effet, un impératif de sécurité en matière de transports maritimes. Toute forme de transgression à son endroit doit s’analyser comme un manquement grave à la sécurité. Aussi le concept de navigabilité justifie-t-il à lui seul, un effort de définition (A). La preuve de la faute contre la navigabilité, parce qu’elle conditionne le succès de l’action en responsabilité sur ce fondement, mérite, elle aussi, une attention particulière (B).
A. Le concept de navigabilité
1051317. Si elle se présente comme une qualité objective du navire (1), la navigabilité peut aussi être considérée comme le produit des diligences suffisantes du transporteur maritime190 (2).
1. La navigabilité : une qualité objective du navire
1061318. Alors même que le droit maritime place la navigabilité au cœur de ses préoccupations, le législateur assez curieusement n’a pas jugé utile d’en donner une définition. Tout au plus, exige-t-il du transporteur qu’il mette « son navire en état de navigabilité, compte tenu du voyage qu’il doit effectuer et des marchandises qu’il doit transporter »191. Sans doute, le concept de navigabilité est-il plus technique que juridique. Plus que de droit, il s’agit d’une question de fait192 sur laquelle la jurisprudence n’a cependant pas manqué de se prononcer. Ainsi au fil des espèces, des définitions ont pu se dégager. Celle de Ripert présente l’avantage d’en faire une synthèse. A ce titre, elle constitue un excellent tremplin pour tenter de cerner la notion. Pour être navigable, le navire doit avoir une coque suffisamment étanche et solide pour naviguer dans les mers où il doit (ou peut) se rendre193 ; il doit être muni des moyens de propulsion nécessaires, compte tenu de son importance et des navigations qu’il doit ou peut entreprendre, ainsi que des agrès et apparaux convenables. Participent également de la navigabilité l’approvisionnement en soutes convenables194, la stabilité et l’arrimage des cargaisons. A ce propos, il faut noter que tout dépassement des lignes de charge est constitutif d’une atteinte à la navigabilité du navire195. Enfin, le navire doit bénéficier des services d’un équipage compétent et suffisant en nombre196. Si l’innavigabilité d’un navire ne suffit à lui conférer la qualité de navire sous-norme, force est d’admettre que les deux vont bien souvent de paire. Mais la navigabilité ne saurait se réduire à une somme de qualités du navire, elle traduit également la somme des diligences de l’armateur.
2. La navigabilité : le produit des diligences de l’armateur
1071319. L’innavigabilité constitue pour l’armateur un manquement grave à une obligation fondamentale. Le fait de créer ou de maintenir « un état de choses dangereuses » sans prendre toutes les mesures propres à empêcher qu’un dommage ne se produise197 est constitutif d’une faute. Plus encore, le comportement de l’armateur doit être considéré comme grave parce qu’il prend sciemment des risques dont il sait pertinemment qu’il ne pourra prévenir ou neutraliser les effets dommageables198 s’ils venaient à se réaliser. Le simple fait de poursuivre son activité dans de telles circonstances devient alors fautif de façon rétrospective, c’est-à-dire avec la réalisation des dommages.
1081320. Il faut, toutefois, préciser que l’obligation de navigabilité est susceptible d’occuper une place variable selon le type de contrat passé. Si dans le contrat d’affrètement l’obligation de navigabilité constitue l’obligation principale du fréteur, dans celui de transport elle ne représente qu’un moyen pour le transporteur d’assurer ce qui est la fin du contrat à savoir l’obligation de déplacer la marchandise. Toutefois dans un cas comme dans l’autre, c’est la diligence de l’armateur qui est appréciée. Si en matière contractuelle, cette défaillance est appréciée à l’aune de la notion de diligence raisonnable, rien n’interdit de penser qu’elle puisse l’être pareillement en matière délictuelle199. La diligence que l’on assimilera ici à des soins attentifs fait appel à des standards comme celui de « bon armateur de famille »200. Elle est appréciée à l’aune des usages de la profession. L’opérateur maritime doit donc être moyennement bon201. De lui, on attend une diligence ordinaire. Là, où le droit commun impose plus volontiers une obligation de résultat, le droit maritime se satisfait d’une obligation de moyen ou de due diligence. Aussi, on ne saurait exiger de l’armateur qu’il fournisse un navire exempt de défectuosités ou même qu’il garantisse les instruments contre toute espèce de panne prévisible. Si au premier abord, cette simple obligation de moyen mise à la charge de l’armateur peut paraître peu contraignante eu égard à l’obligation de résultat imposée par le droit civil, il n’en est rien en définitive. Car, s’il est permis, au transporteur de s’exonérer pour l’innavigabilité de son navire, c’est à la condition expresse qu’il atteste de sa diligence. La discussion ne peut donc manquer de se déplacer sur le terrain de la preuve de l’innavigabilité.
B. La preuve de l’innavigabilité
1091321. Classée au rang des questions de fait, l’innavigabilité devrait pouvoir être révélée par la seule constatation de l’incapacité du navire à rendre le service auquel il était destiné202. Toutefois, le transporteur pourra être tenté de démontrer qu’il a fait montre d’une diligence irréprochable. Certains documents comme les certificats de navigabilité pourraient être particulièrement utiles à cette fin. Encore convient-il de s’interroger sur leur valeur probatoire (1). Ne serait-il pas, en outre, judicieux d’introduire dans certaines hypothèses des présomptions d’innavigabilité (2) ?
1. La valeur probatoire des certificats de navigabilité
1101322. Les certificats de navigabilité sont des attestations délivrées par les sociétés de classification. Suffisent-ils à dégager les transporteurs maritimes de toute responsabilité à l’égard des tiers en cas d’innavigabilité avérée du navire ? Autrement dit, en délégant la surveillance technique du navire, les armateurs sont-ils susceptibles de s’exonérer de toute responsabilité si le navire s’avérait innavigable ?
1111323. Si les armateurs ont tenté de faire valoir cette thèse, ils n’ont pas été suivis par les tribunaux. Certes, la délivrance d’un certificat de navigabilité par une société de classification tend à accréditer l’idée que le transporteur a fait montre de diligence. Toutefois la preuve de navigabilité qui en résulte n’est pas irréfragable. Parce qu’il n’existe qu’une simple présomption de navigabilité, la preuve contraire pourra toujours être apportée.
1121324. Il reste possible, à l’instar de ce que font les juges anglais, d’introduire une sorte de hiérarchie dans la valeur probante des certificats ; ainsi l’attestation délivrée pour un navire neuf, sortant du chantier naval, paraît plus digne de confiance que celle émise à l’occasion de la surveillance normale d’un navire au cours de son exploitation203. Il n’en demeure pas moins que dans la première hypothèse comme dans la seconde, les tiers conservent la possibilité de prouver par tout moyen que le navire n’était pas en état de navigabilité. Ainsi, il apparaît clairement qu’en produisant un certificat attestant qu’ils ont rempli avec soin leur obligation de surveillance et d’entretien, les armateurs ne sauraient pour autant s’exonérer définitivement de leur responsabilité.
1131325. L’innavigabilité doit s’analyser en une faute personnelle du propriétaire en droit français. L’expert agit pour le compte de l’armateur, mais jamais à sa place. En d’autres termes, il ne saurait procéder lui-même aux réparations du navire qu’il a été chargé de contrôler. Libre de faire appel à des techniciens pour le seconder dans son obligation de due diligence, le transporteur maritime demeure responsable de la façon dont ils ont exécuté leur mandat204. Si la présence d’un certificat est impuissante à créer une présomption irréfragable de navigabilité, certains tribunaux205 ont admis que son absence, voire sa péremption crée une présomption d’innavigabilité. Ne serait-il pas opportun, dès lors, d’introduire des présomptions d’innavigabilité ?
2. De l’opportunité d’introduire des présomptions d’innavigabilité
1141326. Après avoir montré pourquoi l’introduction de présomptions d’innavigabilité se justifie (a), il conviendra d’en fixer le cadre (b).
a) Justifications de la proposition
i) Les arguments de nature juridique : l’allègement de la charge probatoire
1151327. Lorsqu’on estime qu’il est injuste d’exiger de la victime qu’elle rapporte la preuve d’un fait qui, même évident, peut s’avérer difficile à établir, l’introduction d’un système de présomptions peut s’avérer opportun. L’innavigabilité appartient à cette catégorie de faits pour lesquels pareille initiative paraît se justifier. Lorsqu’un navire en mauvais état de navigabilité est à l’origine de dommages de pollution, il est certainement plus probable que la cause de l’événement dommageable se trouve dans l’état du navire que dans un événement d’ordre naturel. Il n’en reste pas moins que pour voir prospérer son action en responsabilité sur le fondement de l’article 1382, la victime devra concrètement établir que l’événement dommageable trouve son origine par exemple dans un défaut d’entretien du navire. Cette démarche est actuellement un passage obligé pour toutes les victimes qui tentent d’établir une faute inexcusable à l’encontre du propriétaire, pour ainsi faire céder le verrou de la limitation de responsabilité. Or, précisément, parce qu’elles ont une incidence sur la charge probatoire les présomptions pourraient être d’un grand secours206 dans cette dernière hypothèse.
1161328. Si l’on a déjà évoqué l’idée de présomption à propos de la responsabilité du propriétaire au sein de la Convention CLC, il s’agissait d’une présomption de responsabilité autrement dit d’une responsabilité objective. La présomption dont il s’agit ici de proposer l’introduction est d’une autre nature. Il s’agit d’une présomption de faute. Rodiere la définit comme l’induction probatoire d’un dommage défini, en l’occurrence un dommage de pollution, à une faute inconnue207. Son intérêt premier est de dispenser le demandeur de faire la preuve que le dommage est dû à la faute du transporteur ou des agents dont il répond208. L’intérêt premier de la présomption de faute serait d’opérer un renversement de la charge de la preuve. L’armateur devrait apporter la preuve qu’il a mis tout en œuvre pour s’assurer de la navigabilité de son navire. S’il se trouvait dans l’impossibilité de le faire, il faudrait considérer qu’il n’a pas satisfait à son obligation. Si l’allègement de la charge probatoire est un argument de type juridique, il existe aussi des arguments de nature factuelle.
ii) Les arguments de nature factuelle : les facteurs aggravants de l’innavigabilité
1171329. Si l’on souhaite introduire des présomptions, c’est-à-dire des procédés de raisonnement qui partant d’un fait connu en déduisent un autre qui semble probable209, encore convient-il de s’accorder sur la nature de ce premier fait. Seule l’analyse des expériences passées peut permettre de l’identifier.
1181330. Dans l’affaire de l’Amoco-Cadiz, le juge montre que la compagnie AIOC accordait tous ses soins aux navires qu’elle exploitait directement, tandis qu’elle réservait sa négligence à ceux qu’elle affrétait à temps210. Cette première observation appelle un commentaire s’agissant de la navigabilité. Il semblerait que lorsque le navire est la propriété de celui qui l’exploite, il est, en général, entretenu de façon satisfaisante. A l’opposé, exclusivement destiné à l’affrètement, il ne peut espérer bénéficier de soins aussi attentifs. La raison à cela est simple : participant plus d’une opération financière, toute négligence le concernant s’analyse comme autant d’économies.
1191331. Mais de l’avis des intervenants du secteur211, la qualité des navires est elle-même amenée à varier selon le mode d’affrètement choisi. Les navires proposés à l’affrètement au voyage seraient d’une qualité moindre, parce que les relations contractuelles qui unissent le fréteur à l’affréteur sont de courte durée. A l’inverse, les navires proposés à l’affrètement à temps, seraient mieux entretenus, parce qu’en concluant ce type de contrat les partenaires contractuels s’engagent sur la durée. L’affaire de l’Erika ne corrobore que trop cette analyse.
1201332. Dans son rapport provisoire, le BEA-mer indique que le navire a été reconnu par Total comme affrètable au voyage, mais non à temps, mode d’affrètement pour lequel les critères de la Compagnie sont plus rigoureux212. Cela démontre, s’il en était encore besoin, que les exigences en terme de qualité sont appelées à varier selon le mode d’affrètement choisi parce que de lui dépend la stabilité des relations contractuelles. Cette pratique n’est toutefois pas l’apanage d’un groupe pétrolier ni même d’un secteur. La Commission européenne213 note, en effet, que l’abandon des contrats à long terme au profit d’affrètement à court terme illustre une tendance lourde du marché du transport maritime. Ainsi, outre les pétroliers, les porte-conteneurs sont le plus souvent affrétés par plusieurs chargeurs au voyage. Nombre de compagnies, pour faciliter la disponibilité des navires et répondre plus rapidement aux demandes, n’ont pas hésité à conclure des alliances. Cette pratique se retrouve également dans le transport des produits dangereux où des associations sont formées par les armateurs en vue d’exploiter leur navire dans le cadre d’un pool214.
1211333. Il convient, toutefois, de noter que certains secteurs échappent à cette tendance. Ainsi, la quasi-totalité des navires affrétés par les chargeurs de gaz naturel liquéfié leur appartiennent en propre ou font l’objet d’un affrètement à temps, c’est-à-dire de longue durée. Il en va de même pour le transport de matières nucléaires recyclées215. On notera sans trop de surprise que ces secteurs enregistrent les meilleures performances en termes de sécurité. Encore, convient-il maintenant de fixer ce que pourrait être le cadre d’une présomption fondée sur le défaut d’entretien en matière d’innavigabilité.
b) Le possible cadre de la présomption
1221334. L’introduction d’un système de présomption devrait dispenser la victime de rapporter l’existence d’un défaut d’entretien, mais aussi d’un lien de causalité entre ce premier élément et le dommage. En présumant le défaut d’entretien, les hypothèses où les propriétaires devraient pouvoir s’exonérer de toute responsabilité devraient être plus rares.
1231335. L’état de vétusté appelle à lui seul quelques remarques. Parmi les causes susceptibles d’entraîner le naufrage d’un navire, la vétusté représente peut être la seule qui bien qu’en rapport avec l’état du navire, ne soit pas systématiquement assimilable à un défaut d’entretien ou à un vice de construction216. En effet, ce n’est pas la vétusté qui, en tant que telle, constitue un défaut d’entretien mais le fait pour le propriétaire de n’avoir pas remédié aux effets du temps sur son navire. Or, précisément, entretenir un navire consiste aussi à le protéger contre les dégradations entraînées par son vieillissement. Bien que relevant d’un domaine parfaitement étranger au nôtre, la décision rendue par la Cour de Nancy217, même ancienne, n’en est pas moins digne d’intérêt. Statuant à propos de la réparation d’un accident causé par une machine à vapeur vieille de 18 ans, elle souligne que « ce long usage a permis aux experts d’affirmer, lors de l’explosion, qu’elle était atteinte de vétusté » [...]. La juridiction de conclure sans hésitation que le vice provenant de la vétusté de la machine qu’un industriel plus vigilant aurait dû remplacer doit être assimilé au défaut d’entretien. Le fait que le dommage soit né de la conjonction d’un événement extérieur au bâtiment, comme une avarie climatique, ne présentant pas les caractères de la force majeure, ne change rien au problème.
1241336. Le lien de causalité doit lui aussi être présumé. Dite présomption secondaire parce qu’elle ne se rapporte pas au fait générateur de responsabilité, cette présomption revêt une importance considérable dans le schéma de la preuve. Elle dispense le demandeur d’une preuve le plus souvent impossible218. C’est une raison de simple logique qui porte à inclure l’existence du lien de causalité dans l’objet de la présomption préconisée. L’introduction d’un système présomptif emporte également un certain nombre de conséquences en termes de renversement de la charge de la preuve, nous l’avons dit. Ces effets sont perceptibles tant sur les victimes que les propriétaires. Pour les demandeurs, le jeu de la présomption facilite grandement la preuve de l’origine du vice. L’instauration d’une présomption de défaut d’entretien représente un allègement du fardeau probatoire, mais ne signifie pas la disparition de toute obligation de preuve. Les victimes devront établir que le navire a matériellement contribué à la réalisation de leur dommage. Cette preuve ne devrait pas être difficile à rapporter. L’introduction d’une présomption n’entraînerait pas un durcissement systématique de la situation des propriétaires. Car alors même que leur responsabilité serait présumée, ils conserveraient la possibilité de s’exonérer.
1251337. En effet, la présomption d’innavigabilité étant une présomption simple, elle pourrait être détruite par l’administration de la preuve contraire. Dès lors que la preuve de l’absence de défaut d’entretien devrait être considérée comme exonératoire de la responsabilité encourue par le propriétaire, l’exception de force majeure retrouverait son rôle traditionnel. Cependant la démonstration d’un cas de force majeure ne saurait suffire à justifier l’exonération totale du propriétaire, car elle est impuissante à éliminer toute suspicion de défaut d’entretien.
1261338. On retrouverait là un schéma comparable à celui de l’article 21 de la loi du 18 juin 1966. A l’égard de ses partenaires contractuels, le transporteur peut se libérer en établissant qu’il a mis le navire en bon état de navigabilité, l’a armé, équipé et approvisionné convenablement. Or, cette exigence à l’égard de l’opérateur du navire est à la mesure de la part prépondérante qu’il est susceptible d’avoir dans la réalisation d’une catastrophe écologique d’origine maritime. Il n’en demeure pas moins, et il s’agira de le démontrer, que les auxiliaires de sécurité maritime sont tout aussi susceptibles d’endosser une responsabilité à ce titre. Toutefois, sous cette appellation quelque peu générique d’auxiliaires de la sécurité maritime, il conviendra de mettre en évidence la part de responsabilité nécessairement inégale des différents auxiliaires de la sécurité dans la réalisation de la catastrophe.
SOUS-SECTION 2. LA PART DE RESPONSABILITÉ NÉCESSAIREMENT INÉGALE DES AUXILIAIRES DE SÉCURITÉ MARITIME
1271339. Les auxiliaires de sécurité maritime, au rang desquels nous classerons les sociétés de classification et d’assistance, sans pouvoir être considérés comme responsables directs de la catastrophe, ne sauraient toutefois être regardés comme lui étant totalement étrangers. En effet, de par leur fonction, ils disposent d’une réelle capacité pour, au mieux, prévenir la catastrophe, au pire limiter son étendue. Dès lors, toute la difficulté consiste pour le juriste à opter pour le régime juridique susceptible de rendre compte au plus juste de cette réalité. Or, la possibilité pour les sociétés de classification de mener une action structurelle en faveur de la sécurité maritime devrait conduire à rechercher une responsabilité mieux calibrée (§ 1). A l’exact opposé, la participation circonstancielle de l’assistant à la sécurité maritime milite pour une responsabilité nécessairement pondérée (§ 2).
§ 1. Vers une responsabilité mieux calibrée des sociétés de classification : de la nécessaire prise en compte de leur action structurelle en faveur de la sécurité maritime
1281340. Chacun s’accorde aujourd’hui pour reconnaître le rôle prépondérant joué par les sociétés de classification en matière de sécurité maritime219. Cette situation ne se comprend qu’à travers l’extrême variété de leurs activités. Ces experts de la sécurité maritime élaborent des normes techniques220. Ils assument aussi des fonctions de contrôleurs et d’inspecteurs de navires.
1291341. Structure de droit privé, les sociétés de classification paraissent s’attaquer à un mythe, celui qui voudrait que la sécurité maritime soit l’affaire exclusive des États. Toutefois, alors même que l’encadrement par voie législative ou réglementaire des activités humaines serait une attribution essentielle de la puissance publique, les questions sécuritaires ne sauraient être son domaine réservé. Les sociétés de classification, nées dans le contexte libéral du xix ème siècle, en sont la preuve. Pour calculer au plus juste leurs primes, les assureurs maritimes ont crée des agences de renseignements spécialisées dans la recherche d’information de première main sur la qualité et la sécurité des navires.
1301342. Bien qu’instituées à l’origine par les assureurs, ces agences ne vont pas tarder à devenir indépendantes. Après avoir convaincu les opérateurs privés du transport maritime de la qualité de leurs prestations, elles vont progressivement gagner la confiance des États au point que ceux-ci ne vont plus hésiter à leur confier des missions de service public. Or pour être devenues des acteurs incontournables du système international de sécurité maritime, les sociétés de classification vont voir leur responsabilité toujours plus recherchée. Après avoir été plébiscités pour leurs compétences, ces experts maritimes vont être accusés de tous les maux. Les catastrophes écologiques d’origine maritime rendent parfaitement compte de cette irrésistible ascension du « risque-contentieux »221 ? Les Conventions pétrolières seraient elles-mêmes soupçonnées d’encourager ce risque de dérive222.
1311343. Compte- tenu précisément de la nature et de l’étendue de leurs attributions (A) on ne concevrait pas que les sociétés de classification puissent n’avoir pas contribué même indirectement à l’accident de pollution, en cas de défaillance avérée de la structure du navire pollueur. Cependant les conditions dans lesquelles leur responsabilité223 pourrait être mise en jeu par les victimes de pollution prêtent à discussion (B).
A. Une responsabilité justifiée par la nature et l’étendue de leurs attributions
1321344. La nature et plus encore l’étendue des attributions confiées aux sociétés de classification justifient à elles seules que leur responsabilité puisse être, toujours plus, recherchée. Pour convaincre du rôle majeur joué par ces experts de la sécurité maritime, sans doute faut-il commencer par se souvenir qu’ils ont à la fois la qualité de prestataire privé, à ce titre ils délivrent des certificats de classification (1), et celle d’autorité investie d’une délégation de pouvoir de la part des États (2).
1. Les missions privées : la délivrance de certificats de classification
1331345. La crédibilité des sociétés de classification, dans cette mission, est sérieusement mise à mal par le fait que ceux-là même qui sollicitent d’elles des certificats nécessaires à leurs activités, doivent à cet effet les rémunérer. Dans de telles circonstances, plane le spectre d’une exigence moindre dans le respect des normes de sécurité. Ne pas perdre un client, en attirer d’autres, sont autant de considérations susceptibles d’inciter une société de classification à faire montre de plus de souplesse.
1341346. Placées en relations d’affaires où la confidentialité reste de mise, il y a toutes les chances pour qu’elles s’interdisent de rendre publiques certaines informations alarmantes dont elles auraient pu avoir connaissance après l’inspection de certains navires224. Alors même que quelques propositions ont été faites en vue de remédier à cette anomalie, aucune n’aura abouti. Ainsi on évoquera pêle-mêle la possibilité de confier à l’OMI, voire à l’État du pavillon, le soin de rémunérer les sociétés de classification ou encore de revenir aux origines c’est-à-dire de convaincre les assureurs beaucoup plus regardants de réinvestir une spécialité qu’ils avaient abandonnée. S’il y a là pensons-nous un moyen radical d’enrayer la progression du contentieux, ce dernier, abondant, contribue à préciser la valeur juridique des certificats de classification (a), mais encore l’intensité des obligations mises à la charge des sociétés de classification (b).
a) La valeur juridique des certificats de classification
1351347. A l’égard de l’armateur, la classification peut apparaître comme la notation de la qualité technique du navire. Elle comprend le développement de standards techniques indépendants et la vérification de la conformité du navire à ces standards225. Les prestations que s’engagent à fournir les sociétés de classification sont précisément énumérées dans chaque règlement arrêté au sein de chaque société de classification. Aussi, fort logiquement, les sociétés de classification sont-elles susceptibles d’engager leur responsabilité à l’égard de l’armateur, s’il est établi que le navire n’est pas conforme au règlement. En revanche, elles seront exonérées, si, bien qu’ayant informé l’armateur de la défectuosité de son navire, ce dernier n’aura rien fait pour y remédier et qu’un dommage sera de ce fait survenu.
1361348. Lorsqu’il est saisi d’un litige opposant un armateur à sa société de classification au sujet de la nature des prestations promises, le juge doit s’en tenir à une interprétation stricte des stipulations contractuelles. L’examen du contentieux qui a suivi le naufrage de l’Amoco Cadiz rend compte de cela. Dans cette espèce, l’American Bureau of Shipping aux fins de se libérer de toute obligation judiciaire envers les victimes directes avait conclu avec elles une transaction226. Aux fins de recouvrer des sommes qu’il estimait avoir indûment versées227, l’expert maritime avait engagé une action contre la société Amoco. La compagnie pétrolière pour recouvrer les sommes qu’elle avait été condamnée à verser à ces mêmes victimes228 au terme du jugement avait pris l’initiative de contre-attaquer. Pour ce faire, elle se prévalait d’une inexécution par la société de classification de ses obligations contractuelles. Plus précisément, elle entendait démontrer que la société de classification avait commis une faute en approuvant et en certifiant conforme à ses règlements la conception et la construction de l’Amoco Cadiz, en exécution du contrat conclu avec le chantier espagnol Astilleros Espagnoles SA229.
1371349. Le Tribunal reconnut au terme de son jugement que certaines pièces utilisées pour la construction du navire étaient inadéquates230. Il décida, toutefois, d’exonérer la société de classification de toute responsabilité. En effet, au regard des stipulations contractuelles, il apparaissait que l’expert n’avait jamais entendu assumer une quelconque responsabilité au titre de l’innavigabilité ou même au titre d’une quelconque négligence de l’armateur. Dès lors, en dépit d’un doute sur la qualité des prestations de l’expert maritime, le simple fait que l’armateur se soit montré négligent, suffisait à justifier que seule sa responsabilité soit retenue.
1381350. Si la responsabilité des organismes de contrôle peut être engagée en cas de violation d’une disposition inscrite dans leur règlement, ou d’une clause contractuelle, elle ne saurait l’être sur le seul fondement de l’absence de navigabilité. Car précisément, la classification ne confère aucune garantie en termes de navigabilité du navire. Le certificat délivré selon les règlements des sociétés a pour seul but de formaliser l’adéquation de certaines parties du navire avec les règlements. Ainsi une Cour d’appel américaine a-t-elle pu considérer que l’armateur ne pouvait se prévaloir du certificat comme d’une garantie de solidité du navire. Pour fonder sa décision, elle a noté qu’il existait une disproportion entre les honoraires demandés par la société et les réparations qu’on lui réclamait231. Ce différentiel, attestait de ce que la société de classification n’avait jamais entendu garantir la navigabilité du navire232, selon cette juridiction. Cette dernière croit bon de préciser que « l’émission d’un certificat nécessaire pour l’exploitation du navire n’est pas, pour le client-armateur, l’assurance qu’il a satisfait à son obligation de mettre le navire en état de navigabilité, laquelle ne peut faire l’objet d’aucune délégation ». En d’autres termes, ce n’est pas parce que ce dernier est contraint de recourir à une société de classification pour répondre à ses obligations qu’il ne peut espérer s’exonérer de toute responsabilité.
1391351. On notera que cet argument avait déjà prévalu dans l’arrêt Great American insurance Co v. Bureau Veritas233. Les juges avaient pris soin de préciser que le certificat ne servait que de document officiel et qu’en aucun cas, il ne valait preuve de la navigabilité du navire. Admettre le contraire aurait conduit à ériger les sociétés de classification en assureurs absolus des armateurs.
1401352. L’apport de la décision de la Cour d’appel est donc considérable. L’armateur reste le seul responsable de la navigabilité du navire quand bien même il ne disposerait pas de la capacité technique de déceler les défauts du navire. Ce qui signifie a contrario que la société de classification alors même qu’elle aurait des compétences exclusives, ne saurait pour autant engager sa responsabilité à l’égard des tiers pour n’en avoir pas usé de façon satisfaisante234. Ce principe a prévalu à l’occasion du contentieux relatif à l’Amoco-Cadiz. Les juges ont, en effet, considéré que la cause de la perte du navire résidait dans son état dangereux, lequel devait être imputé au seul armateur, et non à une éventuelle faute commise par la société de classification ABS.
1411353. A la différence des juridictions américaines dont nous venons de constater la clémence à l’égard des sociétés de classification, les tribunaux français n’hésitent pas à retenir leur responsabilité en cas de faute lourde. Ces hypothèses sont essentiellement celles où il existe une inadéquation manifeste entre l’état du navire et la classe qui lui a été attribuée ou encore celle où une classe a été maintenue en dépit de la détérioration manifeste de l’état du navire235.
1421354. Essentiellement définies par leur objet, les prestations des sociétés de classification peuvent également l’être par leur étendue. S’agissant des sociétés de classification, force est de constater que leur intervention se limite à des prestations matérielles. Tenues de détecter à l’occasion d’une inspection les défauts du navire, elles doivent en informer les armateurs tout en les conseillant sur les différentes réparations à effectuer pour y remédier et rendre ainsi le navire navigable236. Elles n’ont aucun contrôle direct sur le navire puisqu’elles doivent se contenter de rapporter aux propriétaires ce que les différentes inspections leur ont révélé, libres à eux par la suite d’entreprendre les travaux.
1431355. Ce souci pour les sociétés de classification de délimiter leurs obligations trouve encore à s’exprimer au moyen de leurs règlements. Ces documents s’attachent en effet à circonscrire avec une particulière minutie le domaine d’application des différentes prestations237. Très concrètement, cela peut signifier que si un élément dont le contrôle n’a pas été stipulé venait à causer un dommage, ledit dommage ne saurait en aucun cas être imputé à la société de classification.
1441356. Les règlements de classification contiennent également de nombreuses obligations à la charge de l’armateur. Parmi elles, figure l’obligation de signaler toute défectuosité dont il pourrait avoir connaissance où celle d’effectuer un paiement pour tout renouvellement de la classe du navire238. Tous manquements à ces obligations sont autant de motifs d’exonération dont peut espérer se prévaloir la société de classification pour s’exonérer de sa responsabilité. Si les obligations de classification sont circonscrites quant à leur contenu, nul doute que la définition que l’on retient de leur intensité est tout autant susceptible de conditionner la mise en jeu de la responsabilité des sociétés de classification.
b) La définition de l’intensité des obligations de classification
1451357. L’intensité que l’on requiert des obligations de classification conditionne très directement la mise en jeu de la responsabilité des sociétés de classification. Cette donnée apparaît bien évidemment dans les différents règlements de classification au même titre que les prestations fournies. Ainsi peut-on lire dans celui du Lloyds register of shipping, que ni lui, ni aucun de ses cadres ou employés, en fournissant des services, informations ou conseils, ne s’engagent à garantir l’exactitude des informations ou services fournis239. Le Bureau Véritas240 précise, quant à lui, qu’à travers les informations qu’il délivre, il s’efforce de refléter au mieux l’état du navire compte tenu des techniques qui sont à sa disposition.
1461358. Face à des informations dont nul ne s’engage à garantir l’exactitude, nous sommes nécessairement en présence de simples obligations de moyen ou de diligence. En d’autres termes, au travers de telles obligations le prestataire ne s’engage qu’à employer les moyens les plus appropriés pour accomplir sa tâche sans garantir un quelconque résultat241. Il convient toutefois d’observer que si le résultat recherché est la classification du navire, en d’autres termes la conformité du navire à certaines normes, celui-ci ne pourra être atteint qu’avec la participation active de l’armateur. En effet, seul ce dernier est en mesure d’agir sur l’état du navire, à la différence de la société de classification qui, elle ne s’engage qu’à procéder à des visites du navire par des inspecteurs diligents.
1471359. Cette nécessité d’une coopération de l’armateur prend toute sa consistance à travers l’obligation qui lui est faite d’informer la société de classification de la mise en cale sèche du navire. C’est, en effet, en de telles occasions qu’il est envisageable de procéder à une visite dite spéciale, c’est-à-dire approfondie du navire. La jurisprudence relative aux contrats de conseil ne manque pas, du reste, d’apprécier l’obligation du débiteur à l’aune de son devoir de collaboration avec son créancier. Il y a donc là une forme d’aléa qui suffit à justifier la qualification d’obligation de moyen242. Cependant dans certaines hypothèses, très particulières il est vrai, la doctrine a pu considérer que la jurisprudence avait entendu mettre à la charge des sociétés de classification une obligation de résultat. Celle-ci paraît toutefois circonscrite car n’intéressant que l’obligation d’effectuer des visites et celle de retirer la classe des navires en cas de non-conformité aux prescriptions de règlement. C’est un arrêt de la Cour d’appel de Versailles en date du 21 mars 1996243 qui conduit le Pr Ph. Le Tourneau à une telle conclusion. Si la responsabilité du Bureau Veritas a été retenue par les juges, c’est précisément parce que son inspecteur aurait dû automatiquement retirer la classe à un navire si défectueux qu’il avait dû être remorqué. En l’absence manifeste d’aléa, l’obligation est de résultat, laquelle doit toutefois être considérée comme allégée en l’espèce car seule une faute peut être présumée et non pas la responsabilité. Le maintien en état du navire appartient donc au seul armateur en qualité de gardien de la chose. On observera que d’autres « contrôleurs techniques », en l’occurrence ceux du bâtiment244, « chargés de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages » supportent une présomption de responsabilité en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil. Dès lors, seule la preuve d’une cause étrangère paraît susceptible de les exonérer de toute responsabilité.
1481360. Il va de soi que la transposition d’un tel régime de responsabilité aux sociétés de classification s’apparenterait à un couperet, car en cas de perte totale du navire et en l’absence de renflouage, leur responsabilité pourrait être engagée alors même que la preuve de leur incurie n’aurait pu être apportée. On comprend dès lors que ce régime de responsabilité plutôt clément trouve sa justification dans la volonté de ne pas ériger la société de classification en garant de la navigabilité du navire, laquelle doit a priori demeurer du seul ressort de l’armateur. Pourtant, il est impératif de garder présent à l’esprit que toute forme de négligence dont ferait preuve la société de classification lors de l’exécution de ses prestations génère un risque que l’armateur n’est pas en mesure d’identifier, faute de compétence technique ad hoc. Est-ce alors à dire que l’expert est partie prenante dans la navigabilité du navire quand bien même sa prestation ne serait qu’immatérielle ? Dans l’affirmative, comment convient-il d’apprécier les clauses élisives de responsabilité contenues dans les contrats et règlements ?
1491361. En insérant de telles clauses, les sociétés de classification souhaitent s’exonérer de toute responsabilité en cas de négligence de leur part. Elles n’entendent pas en particulier garantir les informations figurant dans les certificats qu’elles délivrent. De telles clauses d’exonération sont-elles valables ? Au premier abord, le principe de la liberté contractuelle confère une totale liberté aux parties pour fixer comme bon leur semble le contenu de leurs engagements. Toutefois d’une manière constante, la jurisprudence considère que les fautes lourdes assimilables au dol, auxquelles il convient d’ajouter les fautes inexcusables, ne sauraient valablement figurer dans ces clauses245.
1501362. Hormis ces hypothèses, c’est-à-dire a fortiori en présence de fautes légères, lesdites clauses seront réputées valides246. Aussi, on ne s’étonnera pas de ce que le Juge Mac Gaar ait pu déclarer exécutoire la clause selon laquelle l’American Bureau of shipping n’entendait assumer aucune responsabilité au titre d’une potentielle innavigabilité du navire Amoco Cadiz qu’il contrôlait247.
1511363. Néanmoins une telle solution, fut-elle juridiquement bien établie, ne peut manquer de susciter des commentaires. A l’instar de Bonnnecase248, on peut en effet observer qu’exerçant une profession, on pourrait s’attendre à ce que la société de classification soit amenée en cas de défaillance à en supporter les conséquences néfastes en exposant sa responsabilité. Savatier insinue pour sa part que les clauses limitatives de responsabilité pourraient d’emblée remettre en question la pertinence de consulter un expert, ce dernier renonçant ipso facto à se « mouiller » quant à ses aptitudes professionnelles249. Ce désengagement apparaît d’autant plus dérangeant que ledit professionnel se trouve en matière de contrôle des navires, dans une situation quasi-monopolistique, car consulté non seulement par les opérateurs privés mais encore par les États qui lui délèguent une mission de service public.
2. Les missions dites statutaires ou déléguées par les États
1521364. Seul l’État du pavillon est a priori compétent pour vérifier la structure des navires auxquels il consent à délivrer des certificats officiels de navigabilité. Cette compétence particulière lui est attribuée dans le cadre de sa mission de maintien de la sécurité maritime. Plus largement il s’agit pour lui de veiller au respect des Conventions internationales auxquelles il a adhéré. Toutefois, les États du pavillon se considérant comme insuffisamment dotés de moyens de contrôle ad hoc ont la possibilité de déléguer cette tâche aux experts maritimes que sont les sociétés de classification250. Lorsqu’elles assument des fonctions publiques, les sociétés de classification concentrent leurs efforts sur la protection de l’intérêt général. Plus précisément, elles s’attachent tout particulièrement à prévenir les risques maritimes et notamment écologiques251.
1531365. Les délégations des États portent essentiellement sur les obligations contenues dans deux types de convention, celles relatives à la sécurité en général252, celles intéressant la prévention de la pollution en particulier253. Lesdites délégations sont consenties par l’État délégataire aux sociétés de classification par le biais d’un agrément. Autant dire que les conditions dans lesquelles ce dernier est délivré sont d’autant plus souples que l’État est un pavillon de complaisance. Si une certaine tolérance pouvait naturellement trouver à s’exprimer dans le cadre des missions privées de la société de classification, car laissées à la libre appréciation des opérateurs privés, on aurait pu s’attendre à plus de rigidité en présence d’une autorité étatique. Obligés de s’en remettre faute de compétence suffisante à des experts, les États auraient dû en toute hypothèse faire montre d’une particulière vigilance dans le choix de l’expert. S’agissant d’une obligation déléguée, ils étaient susceptibles d’engager leur responsabilité en cas de mauvaise exécution de la délégation.
1541366. Toutefois, cet espoir a souvent été déçu. Les organismes agréés par les États n’ont pas donné pleine et entière satisfaction. Aussi la directive européenne 2001/105/254 CE, inscrite dans le paquet Erika I, a-t-elle entrepris de renforcer et d’harmoniser le régime communautaire relatif aux organismes agréés, tout en simplifiant les obligations imposées aux États membres en matière de surveillance et de notification. La Commission doit désormais agréer et surveiller les sociétés de classification. Elle peut éventuellement suspendre de leurs fonctions les organismes jugés insuffisamment compétents255. Les États membres restent toutefois compétents pour désigner les organismes agréés auxquels ils choisissent de confier la visite de leur flotte.
1551367. Cette mise en place d’un contrôle direct de la Commission européenne sur les organismes agréés vise à terme à dissuader les États de procéder à des habilitations complaisantes, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’organismes nationaux. Enfin en cas de transfert de classe d’un organisme agréé vers un autre, la nouvelle directive prévoit l’obligation pour l’organisme cédant d’informer le cessionnaire de tous les retards pris dans l’exécution des visites256. Une telle disposition doit, à terme, permettre d’éliminer le class hopping. Cette pratique consiste pour un armateur peu scrupuleux à changer de société de classification peu de temps avant la visite spéciale de son navire pour éviter d’avoir à assumer des réparations coûteuses257.
156Reste que la nature et l’étendue des attributions des sociétés de classification justifient que leur responsabilité soit recherchée en cas de négligence caractérisée, les conditions dans lesquelles cette responsabilité est susceptible d’être mise en œuvre à l’occasion d’une pollution résultant du transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes prêtent indéniablement à discussion. En application de cette directive la nouvelle société ne pourra délivrer des certificats au navire qu’en application de la société d’origine. La Commission peut désormais procéder à des retraits définitifs ou temporaires d’agrément. Le Comité pour la sécurité maritime et la prévention de pollution par les navires (COSS)258 est tout particulièrement chargé de cette fonction d’assistance et d’enquête. Toutefois, parce que le lien financier existant entre ces sociétés privées et leurs clients armateurs continuait de susciter des interrogations en termes d’impartialité, le paquet Erika III s’efforce de séparer plus nettement les activités de certification et de classification259. A cette fin, la création d’une structure de contrôle et de certification des systèmes de qualité des organismes agrées, indépendante et financièrement autonome est suggérée. On soulignera que ce système serait complémentaire de celui exercé par la Commission qui ne contrôlerait que le respect des critères d’agrément et des obligations fixées par la Directive et en sanctionnerait les éventuelles défaillances. Cette sanction pourrait aller du retrait de l’agrément jusqu’à une pénalité sous forme d’astreintes. Enfin si actuellement pour les sociétés de moindre envergure un système d’agrément n’excédant pas trois ans renouvelables et uniquement valable dans l’état-membre en ayant fait la demande est applicable, le Paquet Erika III préconise d’abandonner ce critère de taille pour lui préférer celui de performance260.
B. Une responsabilité discutable quant à ses conditions de mise en jeu par les victimes de pollution
1571368. Alors même que la majorité des actions en responsabilité intentées contre les sociétés de classification le serait pour des défaillances constatées à l’occasion de l’exécution de leurs prestations privées (1), on ne saurait écarter l’hypothèse d’une défaillance dans le cadre de leur mission statutaire, autrement dit publique (2). Se trouvant dès lors doublement exposées, on aurait pu s’attendre à ce que les sociétés de classification fassent montre, là encore, d’une particulière vigilance. Les récentes catastrophes paraissent toutefois témoigner du contraire. Est-ce alors à dire que ces experts pourraient être dans les faits sous-exposés au titre de la responsabilité ?261 S’il en était ainsi, force serait d’admettre que cette situation pourrait bientôt être révolue face à une volonté toujours plus grande des victimes de mettre en jeu leur responsabilité.
1. La mise en jeu de la responsabilité au titre des prestations privées
1581369. On observera, à titre liminaire que les victimes de pollution ne sont pas de celles, qui en nombre du moins, recherchent le plus fréquemment à engager la responsabilité des sociétés de classification sur un fondement délictuel. L’examen du contentieux révèle en effet que cette démarche est d’abord celle des acquéreurs de navires, voire des assureurs des intérêts de la cargaison. Toutefois, force est d’admettre qu’il peut être tentant pour une victime de pollution de rechercher la responsabilité d’une société de classification. Les affaires récentes de l’Erika et du Prestige ne sauraient le démentir262. Dans chacune de ces espèces, des actions ont été intentées en vue d’établir la responsabilité respective de chacune des sociétés de classification chargées d’inspecter le navire.
1591370. Il faut dire, et ceci justifie sans doute en partie cela, que les sociétés de classification ne sont pas de celles que la Convention CLC 92 a entendu protéger. Leur responsabilité est, en effet, susceptible d’être engagée en présence d’une faute simple sans qu’elles puissent se prévaloir d’une quelconque limitation de responsabilité. Qui plus est, à la différence des propriétaires de navires qui n’hésitent pas à dissimuler leur identité sous des voiles plus ou moins opaques, les sociétés de classification se présentent comme des structures « ayant pignon sur rue » un peu partout dans le monde, du fait de leur constitution en réseau. La présence d’une assurance de responsabilité civile garantissant leur solvabilité, ne peut que finir par compléter l’attrait qu’il peut y avoir pour les victimes de pollution de les assigner devant les tribunaux.
1601371. On ne saurait dès lors s’étonner qu’à l’occasion des récentes catastrophes maritimes des actions aient été engagées aux fins d’établir leur responsabilité. Ainsi dans l’affaire de l’Erika, il est reproché au RINA de n’avoir pas rempli ses obligations d’inspection et de contrôle. Or précisément, en autorisant le navire à prendre la mer tout en sachant que des réparations s’imposaient d’urgence, cette société de classification a délibérément pris le risque de voir se produire des dommages. Dans l’affaire du Prestige, les plaignants soutiennent également que la société ABS a fait preuve de négligence dans l’inspection du Prestige, ce qui l’a conduite à accorder la classification au navire alors même qu’elle aurait dû la refuser. Le navire était, en effet, fatigué, déformé et présentait des matériaux défectueux.
1611372. Cette question de la responsabilité des sociétés de classification ne peut manquer d’être évoquée au travers du prisme de la responsabilité des experts techniques263. En qualité d’expert, la société de classification devrait se voir toujours plus à l’avenir opposer sa négligence, car précisément elle est de celle qui aurait dû être en mesure de savoir264. Toutefois, on peut penser que selon le degré d’incertitude, ainsi que cela a été justement remarqué, le curseur soit amené à toujours plus glisser vers une obligation de moyen. En d’autres termes, pour engager la responsabilité de l’expert, il conviendra nécessairement d’établir une faute de sa part265.
1621373. Il n’en demeure pas moins que même connaissant le risque, l’expert n’est pas en mesure de le réduire ou de l’éliminer266. Seul l’armateur peut, en effet, décider de procéder effectivement aux réparations jugées indispensables par l’expert. Si la conquête de la sécurité s’est appuyée sur les sciences et techniques en d’autres termes sur le savoir, le pouvoir c’est-à-dire la possibilité d’agir, pourrait constituer le support de nouvelles accusations. En d’autres termes, il s’agit de se demander quels sont les pouvoirs dont dispose l’expert et dont on pourrait lui reprocher de n’avoir pas fait usage. En tout état de cause, ceux-ci ne sauraient être assimilés aux pouvoirs décisionnels du dirigeant. Alors même que l’expert pourrait prétendre, à l’égard des tiers, s’abriter derrière la forme juridique du contrat le reliant à son commanditaire pour espérer se libérer de ses responsabilités, ne conviendrait-il pas de mettre à sa charge un devoir d’alerte en cas de non-respect flagrant des recommandations faites à l’armateur ? Le simple fait qu’une telle obligation puisse être mise à sa charge devrait sensiblement limiter la marge de manœuvre de son débiteur dès lors incité à ne pas ménager ses efforts pour dénoncer des carences intolérables267.
1631374. Toutefois, en l’absence de dispositions législatives expresses à ce sujet pour l’heure, on peut se demander si ce devoir d’alerte n’est pas déjà implicitement consacré. Les obligations de réserves qui éventuellement figureraient dans le contrat ne doivent-elles pas être réputées non écrites lorsque les intérêts supérieurs de la population268 à vivre dans un environnement sain paraissent gravement menacés ? Certes, il convient de se souvenir que le législateur n’a pas entendu rendre responsable de la navigabilité l’armateur seul. Dès lors l’engagement systématique de la responsabilité des sociétés de classification ne pourrait-il pas à terme faire craindre un transfert systématique de la charge de la responsabilité au titre de l’absence de navigabilité ?
1641375. Du reste, on ne concevrait pas de libérer trop facilement ces experts de la sécurité maritime. Si l’on a recours à eux, c’est précisément parce qu’ils possèdent des compétences spécifiques. On est donc en droit d’exiger d’eux un certain nombre de compétences. Cela ne saurait toutefois aller jusqu’à mettre à leur charge une obligation de résultat.
1651376. Ne conviendrait-il pas alors, pour espérer retrouver un semblant d’équilibre, d’étendre aux sociétés de classification le droit de se prévaloir d’une limitation de responsabilité269, en qualité d’acteur à part entière du transport maritime ? Plus qu’une remise en cause des principes du droit maritime270, il s’agirait d’étendre un de ses principes, en l’occurrence celui de limitation, aux sociétés de classification271. Mais une telle faveur devrait avoir une contrepartie. Celle-ci pourrait consister à introduire le principe d’une responsabilité solidaire entre la société de classification et l’armateur en cas de collusion avérée272. Cela pourrait viser l’hypothèse où une cote manifestement surévaluée aura été donnée au navire, ou celle où l’état déplorable du navire moins que la conséquence d’un événement récemment subi sera le résultat d’une dégradation lente témoignant d’un manque d’entretien évident du navire.
1661377. Si s’agissant d’une action en responsabilité engagée par un tiers, celle-ci l’est nécessairement sur une base délictuelle, en droit français sur le fondement de l’article 1382 ou 1383 du Code civil, pourrait-on envisager que les tiers puissent faire état d’une faute contractuelle pour établir une responsabilité nécessairement délictuelle ? Sur un plan strictement juridique, l’effet relatif des conventions s’y oppose catégoriquement. C’est ce que rappelle avec vigueur le Pr Ph. Delebecque, dans sa note, sous l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles du 21mars 1996 à propos de l’affaire de l’Elodie. « Depuis l’abandon de la théorie des groupes de contrats, il n’est pas dans la logique du principe strictement entendu de l’effet relatif des conventions d’autoriser un tiers à se prévaloir des règles contractuelles pour établir à son avantage une faute, la faute qu’il peut invoquer ne devrait s’apprécier qu’indépendamment de toute référence au contrat »273.
1671378. La jurisprudence anglaise du Nicholas H274 n’a-t-elle pas eu l’occasion de préciser que les sociétés de classification n’étaient redevables d’aucun devoir de précaution à l’égard des tiers. Reste que sans aller jusqu’à assimiler la faute délictuelle à la faute contractuelle, il n’est pas exclu que cette dernière puisse aussi être qualifiée de faute de négligence. Le Pr P. Bonassies275 note à propos de l’affaire précitée qu’« une fois la faute constatée, le juge français à l’inverse du juge anglais ne peut pas faire un tri parmi les victimes d’une faute. Il ne peut pas se demander si l’on est ou non tenu d’une obligation de soin envers telle ou telle personne. La liberté du juge ne peut jouer que dans l’appréciation de la faute ». Ainsi que le souligne Maître L. Grellet « la jurisprudence française276 reconnaît depuis longtemps qu’un manquement à une obligation contractuelle engage la responsabilité quasi délictuelle de son auteur envers les tiers277.
1681379. S’agissant du lien de causalité, des réticences pourraient toutefois trouver à s’exprimer. Elles ne paraissent, toutefois, pas insurmontables. Nous en voulons pour preuve l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles dans l’affaire du Wellborn278 qui, considérant que l’armateur a commis des fautes, conclut que ces dernières n’exonèrent pas la société de classification des siennes. En effet, poursuit-il, il est patent que sans la faute de cette société, laquelle a consisté à délivrer un certificat de navigabilité dans la plus haute classe de sa nomenclature, le navire n’aurait jamais pu prendre la mer, et un sinistre n’en serait jamais survenu. Quid maintenant de la possibilité pour les victimes de pollution d’exposer la responsabilité des sociétés de classification au titre de leurs missions statutaires ?
2. La mise en jeu de la responsabilité au titre des missions statutaires
1691380. Les missions déléguées par l’administration de l’État du pavillon aux sociétés de classification sont des missions de service public. Dans le système anglo-américain, la responsabilité des organes publics est appréciée par les juridictions ordinaires. En France, le Conseil d’état est compétent pour connaître de la responsabilité de ces sociétés de droit privé exerçant un service public avec des prérogatives de puissance publique lorsque les prestations qu’elles fournissent lui ont été déléguées par l’État. L’état français reconnaît à différentes sociétés de classification la capacité de contrôler et d’émettre des certificats en son nom279.
1701381. Lorsqu’une société de classification agit dans le cadre d’une délégation des États-Unis, la mise en jeu de la responsabilité de l’organisme agréé est indirecte. Selon la procédure de l’agrément particulier entre le Lloyd’s register of shipping et l’administration du Coast guard, le demandeur doit d’abord rechercher la responsabilité de l’autorité publique. Si la responsabilité de cette dernière est reconnue, l’administration pourra, après avoir dédommagé la victime, exercer une action récursoire contre la société de classification fautive280.
1711382. En droit français, le régime de la responsabilité pour faute s’applique aux prestations de contrôle de l’État. Les tribunaux administratifs, après avoir longtemps exigé une faute lourde281, se satisfont aujourd’hui d’une faute simple282 pour retenir la responsabilité de l’administration en matière de prestation de contrôle technique des navires. Ainsi suivant en cela les conclusions du Commissaire du gouvernement, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 4 novembre 1999, a retenu la responsabilité de la puissance publique pour faute simple à l’occasion d’une activité de contrôle de navire. En l’espèce, l’État, alors même il n’avait eu qu’un rôle de surveillance sur les activités de constructeur de navires, a été déclaré coupable de n’avoir pas empêché les faits dommageables commis par les acteurs principaux. Sa responsabilité a été toutefois limitée à 20 % du préjudice subi par les ayants droit des victimes du naufrage283.
1721383. L’évolution de la jurisprudence administrative va donc dans le sens d’un assouplissement des conditions de mise en jeu de la puissance publique au titre du contrôle des navires. On notera, toutefois, que même lorsqu’elle engage sa responsabilité au titre d’une mauvaise exécution de son activité de contrôle, l’administration conserve la possibilité d’exercer une action récursoire contre l’organisme privé. La justification à cela tient au fait que la société de classification dispose d’une personnalité juridique propre. Dès lors toutes les fautes qu’elle commet dans l’exercice de sa mission de service public sont uniquement susceptibles d’engager sa responsabilité personnelle, la responsabilité de l’État ne pouvant l’être qu’à titre subsidiaire et notamment en cas d’insolvabilité.
1731384. Pareille solution est parfaitement conforme à l’état du droit français, lequel ne concevrait pas que le juge administratif puisse condamner une personne publique en présence d’un dommage commis par une personne privée. Dès lors les possibilités d’engager la responsabilité de la personne publique paraissent nécessairement circonscrites aux hypothèses où elle aurait commis personnellement une faute soit en choisissant d’habiliter une société de classification soit en ne la contrôlant pas.
1741385. En toute hypothèse, la mise en jeu de sa responsabilité sera subordonnée à la démonstration d’une faute284. Celle-ci pourra conduire le juge à préalablement déterminer les obligations de l’administration. Une telle démarche n’aura pas lieu d’être en présence de prescriptions légales ou réglementaires puisqu’alors le simple fait qu’elles n’aient pas été respectées pourra suffire à établir une faute de la société de classification. Quid si le requérant en présence d’un contrôle effectué par une société de classification choisissait d’agir directement contre l’administration ?
1751386. La nouvelle directive 2001/105/CE instaure pour la première fois un régime spécifique de responsabilité pour les sociétés de classification pour le cas où des carences auraient été constatées dans l’exécution de leur mission statutaire. Ce régime de responsabilité reposant sur une responsabilité financière limitée est inspiré du système américain de responsabilité. Avant de pouvoir engager la responsabilité de la société de classification au titre d’une mission statutaire, l’administration doit avoir été déclarée responsable d’un incident de manière ferme et définitive par une Cour ou un Tribunal.
1761387. La nouvelle directive, quand bien même elle ne retiendrait qu’une responsabilité limitée285 à la charge des sociétés de classification, reconnaît le rôle prépondérant des sociétés de classification dans la préservation de la sécurité maritime. On regrettera toutefois que cette responsabilité ne fût qu’indirecte car subordonnée à la démonstration préalable de la responsabilité de l’administration de tutelle. S’agissant de l’introduction d’une limitation de responsabilité, laquelle n’est évidemment pas faite pour déplaire aux organismes agréés, elle s’inscrit à contre-courant de l’évolution actuelle de la responsabilité administrative française. En cas de négligence simple, la responsabilité ne saurait être engagée au-delà de 2 millions d’euros. Ce qui signifie que si le montant des dommages enregistrés venait à dépasser ce montant, l’État, ou plus exactement les contribuables, pourraient être tenus de prendre à leur charge des dommages imputables à un organisme privé. Certes cette hypothèse reste subordonnée à la possibilité d’engager la responsabilité de la société de classification, en d’autres termes à celle d’établir un lien de causalité entre la faute d’expertise et le dommage dont il est demandé réparation.
1771388. En tout état de cause, si la prise en compte de l’action structurelle des sociétés de classification en faveur de la sécurité maritime pourrait conduire à mieux calibrer leur responsabilité, celle plutôt pondérée de l’assistant pourrait d’ores et déjà apparaître comme le reflet de sa participation circonstancielle à la sécurité maritime.
§ 2. La responsabilité pondérée de l’assistant, reflet de sa participation circonstancielle à la sécurité maritime
1781389. A l’évidence, l’assistant, que l’on peut définir comme l’opérateur maritime chargé de tout acte ou activité pour assister un navire ou tout autre bien en danger »286, n’est pas de ceux, dont la victime d’une pollution marine majeure, va immédiatement songer à engager la responsabilité. La raison principale à cela tient au fait que pour l’heure, la Convention CLC l’incite davantage du fait de la canalisation à s’adresser au propriétaire de navire et à son garant. Toutefois, force est d’admettre qu’en cas d’insuffisance du dispositif CLC/ FIPOL, elle ne saurait hésiter à franchir le pas, pour précisément chercher du renfort du côté d’autres intervenants du transport maritime ; nul doute que l’assistant fait partie de ceux-là287. La Convention CLC, nous l’avons vu, ne retenant que la responsabilité objective du propriétaire, celle de l’assistant doit nécessairement être recherchée non seulement sur le fondement de la responsabilité pour faute, mais encore dans le droit national applicable.
1791390. Hormis les tiers, et l’hypothèse paraît du reste devoir être la plus fréquente, on peut imaginer que le propriétaire du navire assisté soit amené à rechercher la responsabilité de l’assistant. Cela pourrait en pratique viser deux hypothèses. L’intervention de l’assistant pourrait avoir endommagé le navire assisté. L’action serait alors engagée sur un fondement contractuel car l’assistant conclut le plus souvent une convention d’assistance288. En cas d’atteinte à l’environnement, on pourrait imaginer que le propriétaire seul mis à contribution par les tiers, exerce une action récursoire contre lui en cas de négligence grave.
1801391. Toutefois, force est d’admettre que si l’on ne saurait exclure la responsabilité de l’assistant à l’occasion d’une pollution marine, son intervention parfois providentielle289 impose la pondération. En effet, quand bien même sa participation à la sécurité maritime ne serait que circonstancielle, elle n’en reste pas moins prépondérante à son maintien (A). En ce sens pour la rendre optimum, le risque de responsabilité doit nécessairement être modéré (B).
A. Une participation circonstancielle mais prépondérante à la sécurité environnementale290
1811392. Les rédacteurs de la Convention de Londres sur l’assistance en sont pleinement conscients : « les opérations d’assistance lorsqu’elles sont entreprises en temps utile peuvent avoir une contribution majeure en faveur de la préservation de la sécurité des navires, des autres biens, et de la préservation de l’environnement »291. Alors même que le principe d’une contribution conséquente à la sécurité environnementale serait admis, encore convient-il de lui donner sa pleine et entière dimension. Or précisément, celle-ci pourrait trouver à s’exprimer non seulement dans le choix de l’intensité de l’obligation mise à la charge de l’assistant, une « obligation de moyen » élargie à la protection de l’environnement (1), mais encore dans la possibilité de recevoir une indemnité spéciale pour tout effort en ce sens (2).
1. Une « obligation de moyen » élargie à la protection de l’environnement
1821393. La Convention internationale de 1989 sur l’Assistance énonce à l’alinéa 1er de son article 8 les obligations de l’assistant envers le propriétaire du navire ou des autres biens en danger. Celui-ci doit effectuer les opérations d’assistance avec le soin voulu292. Il doit particulièrement s’attacher à prévenir et à limiter les dommages à l’environnement293.
1831394. De la lecture de la disposition précitée, il ressort que le législateur n’a entendu mettre à la charge de l’assistant qu’une obligation de moyen. Ce que l’on exige avant tout de l’assistant, c’est qu’il accomplisse sa tâche avec le « soin voulu ». L’expression est répétée à dessein. Le choix d’une telle intensité s’agissant des obligations mises à la charge de l’assistant est motivé par le souci de prendre en compte le caractère risqué de l’opération d’assistance. Il convient, en effet, de se souvenir à ce stade du développement, que le danger couru par le navire assisté constitue le critère d’application de la Convention294. Dès lors ce que l’on exige de l’assistant, ce n’est pas tant que son intervention soit nécessairement suivie de succès, mais bien qu’il s’efforce de tout mettre en œuvre pour qu’il en soit ainsi. Exiger de lui un résultat serait, en définitive, une véritable gabegie parce que cela le conduirait à l’attentisme dans des hypothèses où les chances de succès, sans être totalement inexistantes, paraîtraient bien minces. Dès lors, on peut considérer que « la Convention impose une obligation implicite quant à la finalité de l’acte entrepris et une obligation expresse quant aux modalités d’exécution de cet acte »295.
1841395. Le Pr P. Bonassies observe qu’« un juriste français peut s’étonner de voir ainsi affirmées dans une convention internationale des choses évidentes pour lui, telle que l’obligation pour l’assistant d’agir avec le soin voulu »296. En droit français, une telle obligation est déjà en effet, inscrite dans les textes fondamentaux que sont les articles 1134, 1135 ou 1382 du Code civil. L’auteur précité approuve toutefois l’initiative, considérant que « tous les systèmes juridiques n’ont pas la vision ample du droit français ». Dès lors, « même si ce n’est pas indispensable, il est bon que les obligations de l’assistant soient rappelées avec précision par la Convention de 1989 »297.
1851396. Le législateur international, en retenant pareille obligation à la charge de l’assistant, loin d’innover, se contente de transposer un principe déjà considéré comme équitable par les praticiens et consacré comme tel par une insertion dans les contrats d’assistance antérieurs à la Convention de 1989 sur l’Assistance. Ainsi selon le contrat d’assistance publié par le Comité du Lloyd’s298, l’assistant prend l’engagement de faire « les plus grands efforts pour sauver le navire et l’amener en lieu sûr ou tout autre place acceptée par le commandant ». Ainsi encore selon le contrat Jacques Villeneau du 5 avril 1962, l’assistant accepte de faire de son mieux pour l’assistance dudit navire et de sa cargaison. Il s’engage à consacrer tous ses efforts à cette opération, à fournir toute la force mécanique ou autre, et la main d’œuvre nécessaire à cet effet, afin de mettre le navire et sa cargaison en sécurité dans le port ou tout autre lieu dont il pourrait être convenu ultérieurement par les parties »299.
1861397. En mettant à sa charge une obligation de moyen, le législateur permet donc à l’assistant de s’arrêter à tout moment dans l’exécution de sa prestation, pour peu, toutefois, qu’il n’abandonne pas le navire et les biens assistés dans une situation plus périlleuse que celle constatable avant le début de son intervention. On soulignera, et c’est là du reste que réside le principal apport de la Convention de 1989, que cette obligation de soin, loin de se limiter au seul navire et à sa cargaison, s’étend désormais à l’environnement300. Il s’agit, là encore, d’une reprise puisque aux termes du contrat d’assistance de la Lloyd, dans sa version de 1980, l’assistant acceptait déjà de faire de son mieux pour prévenir le déversement de pétrole en provenance du navire. Toutefois cette obligation de prévenir ou de limiter les dommages à l’environnement paraît devoir être limitée dans le temps. Elle doit, en théorie, prendre fin dès la disparition du péril auquel les biens sont confrontés ou à défaut dès la perte définitive du navire. Le législateur ne saurait véritablement inciter l’assistant à s’investir en faveur de l’environnement sans qu’une contrepartie ne lui soit accordée. Celle-ci prend la forme d’une indemnité spéciale.
2. Une obligation de protection de l’environnement encouragée par le versement d’une indemnité spéciale301
1871398. Nul doute que parmi les éléments susceptibles de déterminer l’assistant à s’engager figurent les conditions de sa rémunération. Or, le mécanisme classique n’était pas, à l’évidence, de nature à l’inciter à s’investir dans la lutte contre la pollution, précisément du fait du mode de rémunération de l’assistant. En effet, « l’indemnité d’assistance consiste en un pourcentage de la valeur des choses sauvées »302. Elle est donc appelée à varier selon les risques pris, les efforts déployés, et les frais exposés par l’assistant303. En d’autres termes, cela signifie qu’aucune rémunération n’est due si le secours prêté est resté sans résultat utile304. Cette règle draconienne synthétisée par la célèbre formule anglaise du « no cure, no pay » traduit le caractère foncièrement aléatoire du contrat pour l’assistant. Sa rémunération tiendrait presque de la loterie puisqu’elle peut aller du tout au rien. Cependant lorsqu’elle existe, elle est souvent conséquente.
1881399. On s’expliquera dans de telles conditions que l’assistant rémunéré par l’armateur assisté ait choisi jusqu’à une époque récente de concentrer ses efforts sur le navire, au risque parfois d’aggraver la pollution. En effet, s’il était amené à agir en faveur de la protection de l’environnement, c’était souvent bien malgré lui, ou plus précisément à la seule condition que son initiative lui permette également « d’éviter la perte d’une valeur sur laquelle sa prime serait calculée »305 ; étant entendu que le risque de voir exposée sa responsabilité au titre de dommages de pollution pouvait d’emblée le conduire à l’inaction.
1891400. Aux lendemains des grandes marées noires des années soixante-dix, les assureurs de responsabilité du navire, attentifs aux difficultés mises en évidence par la pratique, ont pris l’initiative d’offrir une couverture spéciale à l’assistant pour les hypothèses où, bien qu’ayant tenté d’éviter la pollution, il ne serait pas parvenu à sauver le navire306. C’est en définitive cet « usage professionnel » que consacre le législateur de 1989307, en prévoyant que celui qui intervient sur un navire menaçant de causer des dommages à l’environnement se voit garantir une indemnité spéciale308. Désormais, grâce à « ce filet de sécurité financier »309 ainsi que le souligne le Pr A Vialard, « non seulement les efforts faits par l’assistant pour la préservation de l’environnement sont pris en compte pour le calcul de sa rémunération en cas de résultat utile, mais, alors même que l’assistance ne serait couronnée d’aucun succès, navire perdu et l’environnement pollué, l’assistant pourra prétendre à une indemnité spéciale pour se rembourser des dépenses exposées pour tenter de préserver l’environnement ». Assuré d’être indemnisé, voire rémunéré, en application d’une nouvelle règle, que d’aucuns ont rebaptisé « no cure little pay »310, l’assistant ne devrait plus hésiter à exposer les frais nécessaires à la protection de l’environnement.
1901401. Tout assistant qui « a effectué des opérations d’assistance à l’égard d’un navire qui par lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l’environnement peut prétendre à une indemnisation ». Par dommage à l’environnement il faut entendre « un préjudice matériel important à la santé de l’homme, à la faune ou à la flore marine ou aux ressources de la mer dans les eaux côtières ou intérieures ou dans des zones adjacentes, causé par la pollution, contamination, incendie, explosion ou de graves événements similaires ».
1911402. Parce que l’effort attendu de l’assistant dépend très directement de l’indemnisation qu’il est en droit d’obtenir, il convient ici de dire quelques mots sur le mode de calcul de sa rémunération. En premier lieu, et on ne peut plus logiquement, les dépenses engagées par l’assistant déterminent le montant de l’indemnité due au titre de l’article 14. Pour le cas où l’intervention de l’assistant aurait permis de prévenir ou de limiter les dommages à l’environnement, cette somme pourra dans un premier temps être majorée de 30 % au maximum, ledit pourcentage étant laissé à la libre appréciation du tribunal. Dans un second temps, et à la seule condition que le tribunal le juge équitable, cette majoration pourra être augmentée à 100 % des dépenses considérées. Cette latitude laissée aux juges quant à l’appréciation de la majoration de la rémunération dont peut profiter l’assistant, contraste avec l’encadrement des dépenses pouvant être prises en considération par le juge. Ces dépenses sont d’abord constituées par des « débours raisonnablement engagés par l’assistant »311, auxquels vient s’ajouter une « somme équitable pour le personnel et le matériel raisonnablement et effectivement utilisés ».
1921403. L’affaire du pétrolier Nagasaki Spirit312 illustre avec une particulière acuité la difficulté que peut recouvrir la notion de somme équitable et combien la définition que l’on en retient est de nature à emporter l’adhésion ou la critique de la doctrine. Le premier arbitre appelé à se prononcer sur le montant de l’indemnité spéciale, considérant que celui-ci devait inclure une marge de profit, évalua les débours de l’assistant à plus de 7 600 000 dollars. Saisi par l’armateur, un arbitre d’appel remit en cause le principe d’un quelconque bénéfice pour ne retenir que les dépenses nettes. L’analyse de l’expert d’appel fut confirmée par les juridictions britanniques saisies de l’affaire tant en première instance, que devant la Cour d’appel, et pour finir devant la Chambre des Lords.
1931404. Pareille analyse a fait couler beaucoup d’encre. Le Pr P. Bonassies dont nous partageons l’opinion, a observé que la notion d’équité313 à laquelle se réfère la Convention commandait de ne pas « s’arrêter à un seul calcul comptable ». En effet, ladite notion suggère qu’à l’instar de toute opération commerciale, celle d’assistance permette à celui qui s’y livre de dégager une marge d’exploitation normale. Du reste, seule cette interprétation parait susceptible de refléter l’esprit du texte ; ce dernier vise à encourager, par des mesures incitatives, toutes les personnes susceptibles d’entreprendre des opérations d’assistance. C’est en ce sens que l’on peut considérer, nous semble-t-il, que la décision du premier arbitre est plus fidèle à l’esprit du texte de la Convention. Cette dernière approche semble avoir été entérinée par les praticiens britanniques. Loin de souscrire à l’interprétation retenue par la Chambre des Lords, les P&I Clubs ont pris l’initiative de la rectifier unilatéralement en adoptant la « Special Compensation P&I Clubs Clause » plus connue sous sa forme abrégée de Scopic clause.
1941405. L’intérêt de cette disposition, outre qu’elle a vocation à se substituer au mode de calcul prévu à l’article 14 dont l’interprétation n’a pas convaincu, est de fixer à l’avance les éléments de la rémunération de l’assistant314. Cette méthode d’évaluation, si l’on en croit ses applications multiples, paraît, d’emblée, avoir séduit malgré sa relative complexité315. En tout état de cause, ainsi qu’a pu le souligner un spécialiste anglo-saxon316, si l’on prend la peine de comparer les milliards de dollars dépensés dans le nettoyage des plages, ou les sommes réclamées au titre de l’indemnisation avec le montant de l’indemnité spéciale, ce dernier a toutes les chances d’apparaître dérisoire comparé aux sommes qu’il aura permis d’économiser317. L’analyse de l’indemnité spéciale a permis de mettre en exergue son caractère nécessairement incitatif pour l’assistant. Il y aurait, là, le signe d’une volonté d’« écologisation »318 du droit de l’assistance. Une telle disposition est, sans conteste, de nature à inciter l’assistant à agir. Toutefois, il pourrait être encore plus encouragé à le faire par la volonté du législateur de modérer le risque de responsabilité à son endroit. L’optimalisation de la sécurité environnementale est à ce prix.
B. Une volonté de modération du risque de responsabilité pour une optimisation de la sécurité environnementale
1951406. Cette volonté du législateur international de modérer le risque de responsabilité susceptible d’être encouru par l’assistant, et d’optimiser la sécurité environnementale, paraît pouvoir se signaler, non seulement, à travers l’extension de la prérogative de limitation de responsabilité à l’assistant (1) mais davantage encore par le choix d’une responsabilité limitée aux seules hypothèses de conduites gravement fautives (2).
1. L’extension de la prérogative de limitation de responsabilité à l’assistant
1961407. Si la Convention de Londres du 28 avril 1989 comparée à celles qui l’ont précédée319 se singularise par la volonté expresse de prendre en considération la protection de l’environnement, d’autres dispositions pourraient avoir ouvert avant elle une voie en ce sens. La décision du législateur international d’étendre le bénéfice de l’extension de la limitation paraît de celles-là. Ainsi que le souligne à juste titre le Pr A. Vialard, « la perspective d’un gain mirifique, en cas de réussite de l’assistance ne doit pas masquer que l’assistance est une opération risquée et qu’elle peut être à l’origine de dommages importants »320, notamment à l’environnement. L’assistant vient à commettre une faute et la question de sa responsabilité devra immanquablement être envisagée. Elle le sera d’autant que l’assistant est précisément appelé à intervenir dans des situations périlleuses où il convient d’agir vite.
1971408. C’est à l’occasion de la célèbre affaire du Tojo Maru321 que la Chambre des Lords a été invitée en 1971 à se prononcer sur la question sensible de la limitation de responsabilité. En l’espèce, des plongeurs préposés d’une compagnie d’assistance, en tentant de colmater une brèche dans la coque du navire, avaient provoqué une explosion qui avait dégénéré en incendie. Si l’assistant devait être fort logiquement tenu responsable des dommages subis par le navire, on lui dénia, toutefois, la possibilité de se prévaloir de la limitation de responsabilité des propriétaires et exploitants de navires, au motif que les plongeurs au moment de leur intervention n’étaient pas à bord du navire. Ils ne pouvaient donc pas être considérés comme participant à sa conduite ou à sa gestion. La solution, quoique juridiquement justifiée, pêchait par son iniquité flagrante. A terme, on pouvait même craindre que les assistants ne prennent plus le risque d’intervenir, préférant tout bonnement renoncer face à un risque de responsabilité manifestement surdimensionné.
1981409. Se souvenant qu’« il ne faut pas mépriser l’homme si on veut obtenir des autres [et de soi] de grands efforts »322, le législateur se devait de réagir. Il le fit au moyen de la Convention de Londres du 19 décembre 1976, laquelle prévoit expressément la possibilité pour l’assistant de limiter sa responsabilité. Ce droit est consacré par l’article 1 (1) de la Convention. Il convient d’observer que l’assistant est défini de façon extrêmement large. Celui-ci s’entend de « toute personne fournissant des services en relation directe avec les opérations d’assistance ou de sauvetage »323. En retenant une conception élargie de l’assistant, lequel n’est plus exclusivement considéré comme intervenant à bord d’un navire il fallait impérativement prévoir un indice de substitution pour le calcul de ladite limitation. La jauge du navire assistant ne pouvant dans une telle configuration servir de référence, le principe d’un tonnage de référence fut admis. S’il n’intervient pas à partir d’un navire324 l’assistant est admis à limiter sa responsabilité à hauteur d’une limite fictive de 1500 tonneaux de jauge.
1991410. Dès lors, alors même que l’assistant serait susceptible d’être, en théorie, exposé à des demandes d’indemnisation importantes, le législateur en étendant à son profit la prérogative de limitation de responsabilité lui confère une protection non négligeable325, l’encourageant, ce faisant, à intervenir en faveur de l’environnement. C’est pareille incitation à agir qui paraît émerger du régime de responsabilité ad hoc. En effet, sans aller jusqu’à conférer une pleine et entière immunité à l’assistant, ce dernier limite sa responsabilité aux seules hypothèses de conduite gravement fautive.
2. La limitation de la responsabilité de l’assistant aux seules hypothèses de conduite gravement fautives
2001411. La Convention de 1989 sur l’assistance ne consacre qu’un seul et unique article à la responsabilité de l’assistant. S’agissant d’une activité à risque, on aurait pu s’attendre à un dispositif plus conséquent326. Peut-être faut-il déjà y voir un signe ? Un dispositif lourd serait de nature à dissuader jusqu’aux meilleures volontés de s’exprimer, et serait donc nécessairement contre-productif. Il n’en reste pas moins qu’après l’affaire du Tojo Maru, il n’est plus possible de douter de la possibilité pour l’assistant d’être tenu responsable à l’égard de l’assisté327. L’article 18 de la Convention de Londres de 1989 entérine ce principe en énonçant qu’« un assistant peut être privé de la totalité ou d’une partie du paiement dû en vertu de la convention dans la mesure où les opérations d’assistance ont été rendues nécessaires ou plus difficiles par sa faute ou sa négligence ou s’il s’est rendu coupable de fraude ou de malhonnêteté ».
2011412. La mise en œuvre de la responsabilité de l’assistant se caractérise donc par la possibilité de supprimer ou de réduire l’indemnité qui lui est due lorsque son intervention a eu un effet contre-productif. Cela vise essentiellement l’hypothèse où les conditions d’intervention auront été rendues plus difficiles en raison d’une attitude négligente328 ou malhonnête, voire même d’une faute de l’assistant. Par conséquent, force est d’admettre, à l’instar de certains commentateurs, qu’à défaut de stipulation contractuelle expresse entre les parties, le droit commun devrait trouver à s’appliquer. La responsabilité de l’assistant pourrait donc être engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383, voire 1384329 du Code civil, s’agissant du droit français. L’unique article consacré à la responsabilité dans la Convention ne fournit aucune indication quant à la possibilité pour les tiers, et notamment les victimes de pollution330 d’engager la responsabilité de l’assistant.
2021413. Dès lors on peut penser que la réponse doit nécessairement être recherchée dans la Convention CLC. Dans sa version originelle celle de 1969, l’assistant ne bénéficiait pas des effets protecteurs de la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire de navire331. Sa responsabilité pouvait donc être engagée en présence d’une faute simple. Etant donné la rigueur d’une telle solution, le législateur a entrepris d’étendre la protection conférée aux préposés et mandataires de l’armateur, à l’assistant332. En d’autres termes, cela signifie que les tiers ne peuvent engager sa responsabilité qu’après avoir fait la démonstration d’une faute d’une gravité particulière, c’est-à-dire intentionnelle ou inexcusable. Cette faute qualifiée le prive de toute possibilité d’invoquer le bénéfice de la limitation, à l’instar du propriétaire.
2031414. Dans les faits, un assistant incompétent ou indélicat pourrait causer des dommages à l’environnement de plusieurs façons. Le Pr P. Wetterstein333 évoque un certain nombre d’hypothèses. Le navire assistant peut aborder le navire assisté lors de son remorquage vers un lieu sûr. L’intervention des sauveteurs peut provoquer une explosion suite à des fuites de gaz ou de produits chimiques.
2041415. Outre la gravité de la faute, le juge devra, avant de retenir la responsabilité de l’assistant, s’assurer que sa faute a effectivement été à l’origine de la pollution. En d’autres termes, il s’agira pour lui de vérifier qu’il existe un lien de causalité entre la faute de l’assistant et le dommage de pollution. Or précisément, c’est l’absence de ce dernier qui paraît avoir déterminé la décision du juge Mac Garr de ne pas retenir la responsabilité de l’assistant Bugsier dans l’affaire de l’Amoco-Cadiz334.
2051416. « S’attachant à la recherche des causes du sinistre, le juge Mc Garr observe d’abord que pendant toute la durée de leur intervention, le capitaine du Pacific et son équipage auraient fait de leur mieux pour tenter de sauver l’Amoco Cadiz , aucun d’entre eux, ni aucun autre agent de Bugsier n’ayant commis de négligence grave, ni ne s’étant rendu coupable d’une faute inexcusable335 (willful misconduct) conduisant à l’échouement du pétrolier ou à la pollution qui en avait résulté. Certes d’autres manœuvres que celles qui furent effectuées, et notamment un remorquage du navire par la poupe dès l’origine auraient dû être tentées avec probablement plus de chance de succès. Mais la solution adoptée au départ par le Capitaine du Pacific était raisonnable. Etant donné que ni lui, ni personne d’autre n’avait jamais entrepris de remorquer un super-pétrolier en pleine tempête, l’erreur d’appréciation qu’il avait pu commettre ne constituait pas une faute »336. Une telle analyse juridique s’inscrit parfaitement dans la philosophie de la loi de l’assistance. Toujours, il s’agit de veiller à encourager l’initiative de l’assistant337. Aussi l’indulgence ou clémence des juges doit être, à notre sens, pleinement approuvée. Aux termes de ces développements, preuve paraît avoir été faite de la part nécessairement inégale de la responsabilité des auxiliaires de sécurité maritime. Celle des États, quant à elle, pourrait être considérée comme non négociable.
SOUS-SECTION 3. LA PART DE RESPONSABILITÉ « NON NÉGOCIABLE » DES ÉTATS
2061417. Quoique l’orientation civiliste que nous avons entendu donner à ce travail pourrait au premier abord nous en dissuader, la problématique dans laquelle nous avons choisi d’insérer ce chapitre, à savoir celle d’une remontée méthodique de la chaîne du transport maritime de façon à en isoler les maillons défectueux, commande que nous traitions cette question de la responsabilité des États. Ne pourrait-on pas, en effet, concevoir qu’un État engageât sa responsabilité à l’instar de n’importe quel opérateur privé lorsqu’il se sera montré défaillant. L’idée ne manque pas d’être évoquée aux lendemains des catastrophes338 ?
2071418. Le dispositif conventionnel CLC/FIPOL est un mécanisme de droit international de droit privé pur. Sa seule présence dit combien les États parties aux négociations internationales, ayant présidé à son adoption ont entendu renvoyer la résolution de ce contentieux dans la sphère privée. Cela ne saurait, toutefois, suffire à faire oublier qu’en matière de sécurité maritime, « la responsabilité des autorités publiques est au moins aussi importante que celles des opérateurs privés »339.
2081419. En effet, ainsi que le pose en principe la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, dite aussi Convention de Montego Bay340, les États doivent être considérés comme les garants de la protection et de la préservation du milieu marin. Ils ont le devoir de faire respecter par les opérateurs privés relevant de leur juridiction, l’ensemble de la réglementation internationale relative à la sécurité maritime au sens large341.
2091420. Plus généralement, c’est sur la base de l’article 21 de la Déclaration de Stockholm342 que s’est engagée une réflexion sur le rôle des États en matière de préservation de l’environnement. L’article 235 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer tente d’en retraduire l’esprit en rappelant qu’il incombe aux États de veiller à l’accomplissement des obligations mises à leur charge de préserver l’environnement ; à défaut de quoi ils pourraient être tenus responsables conformément au droit international.
2101421. Les obligations des États sont donc, principalement, de type sécuritaire. Si nous admettons aisément que pour avoir permis la navigation d’un navire usé et fatigué, les États ne puissent être considérés comme des pollueurs stricto sensu, nous ne concevrions pas, que ce faisant, ils n’endossent aucune responsabilité. Nous sommes là en présence d’une carence sécuritaire caractérisée susceptible de conditionner très directement l’activité des opérateurs du transport maritime. La part de responsabilité d’un État343devrait donc être non négociable344, en présence de manquements fautifs caractérisés à la sécurité (§1). Reste que l’insolente absence de mise en cause des États distributeurs de pavillons de complaisance devrait conduire à s’interroger sur les possibles conditions d’une mise en œuvre effective de leur responsabilité (§2).
§ 1. L’existence de manquements fautifs caractérisés des États en matière de sécurité
2111422. Dédié à la régulation des espaces, le Droit de la mer s’attache tout particulièrement à veiller au bon déroulement des activités maritimes. Parce que nombre d’entre elles ne se conçoivent pas sans l’intervention de navires, les États sont particulièrement chargés de les contrôler. L’État du pavillon, parce qu’il exerce directement sa juridiction sur le navire345, est placé aux premières loges pour effectuer ces contrôles, toutefois, parce qu’il n’a pas convaincu de son sérieux, en la matière, les États côtiers paraissent toujours plus investis dans cette mission de contrôles des navires. Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de cette superposition de contrôles, la succession des récentes catastrophes maritimes conduit à dresser un constat de négligence caractérisée tant à l’adresse des États du pavillon (A) que des États côtiers (B).
A. La négligence caractérisée des États du pavillon
2121423. La question de la négligence des États du pavillon est indissociable du phénomène de complaisance. Présenté comme la principale manifestation de la gangrène que constitue l’insécurité maritime (2), le phénomène de la complaisance doit d’abord être vu comme l’aménagement par l’État d’un cadre propice à la négligence (1).
1. Le phénomène de la complaisance ou l’aménagement d’un cadre propice à la négligence
2131424. Tout comme les États qui ne sont pas réputés comme tels, l’État soupçonné d’abriter un pavillon de complaisance346, en accordant à un armateur le droit de battre son pavillon, place simultanément le navire sous sa protection et sous sa dépendance. Dès lors, ainsi que le souligne le Pr P. Bonassies, la loi du Pavillon emporte un « dédoublement fonctionnel, exprimant à la fois la souveraineté de l’État du pavillon et la mission confiée à celui-ci par la Communauté des nations »347. A ce titre, on attend notamment de l’État du pavillon qu’il veille à ce que le navire qu’il a accepté de placer sous sa coupe ne soit pas à l’origine d’atteinte au milieu marin.
2141425. Il n’en reste pas moins qu’en sa qualité, l’État du pavillon dispose d’une totale discrétion pour fixer les conditions auxquelles il entend subordonner l’octroi de son pavillon. Dès lors, fort logiquement, tous les navires remplissant les conditions fixées par lui ont, naturellement, vocation à battre ledit pavillon, et à en revendiquer la nationalité348. En échange, le navire doit consentir à se plier aux exigences de l’État qui en vertu d’un acte de souveraineté, lui a octroyé sa nationalité349. Ces exigences sont variées. Elles emportent tant acceptation des compétences dudit État en matière de juridiction et de police, que reconnaissance de son pouvoir de contrôle dans les domaines administratif, technique et social. Expression, par excellence, du domaine réservé de l’État350, les conditions d’octroi du pavillon peuvent être plus ou moins exigeantes. Ainsi, quand l’État maltais se contente d’un navire appartenant, soit à un citoyen maltais, soit à une compagnie maltaise, ou affrété par elle, l’État français exige que la propriété soit pour moitié au moins française, et qu’une part significative de l’équipage soit française351.
2151426. Cette amplitude caractérisée ne paraît, toutefois, pas devoir être sans borne. Ainsi que le rappelle l’article 31 alinéa 3 de la Convention des Nations- Unies sur le Droit de la Mer, le lien de rattachement unissant le pavillon à son navire ne saurait être purement formel352, il doit être « substantiel ». Le caractère vaporeux d’un tel critère contribue, toutefois, à expliquer cette forte amplitude. Dès lors la Convention du 7 février 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires élaborée sous l’égide des Nations-Unies, parce qu’elle tente d’apporter une définition de la notion de lien substantiel, doit être vue comme une volonté non négligeable de préciser ce critère353. L’authenticité du lien unissant le navire à son pavillon est subordonnée à la réunion de deux séries d’éléments. Les premiers, d’ordre administratif, résident dans l’existence d’une administration maritime nationale compétente, ainsi que dans un affermissement du rôle de l’État du pavillon dans la gestion des sociétés propriétaires de navires. Les seconds, d’ordre économique, intéressent les conditions relatives à la propriété du navire et à la nationalité de l’équipage.
2161427. Or ces critères sont de ceux que les États dits de complaisance ne parviennent pas à réunir, précisément parce que les pavillons de complaisance s’analysent comme des pavillons maritimes accordés par un État à un navire de commerce appartenant à des étrangers, ou contrôlé par des étrangers, dans des conditions très libérales qui excluent en pratique tout lien effectif entre l’État du pavillon et le navire. La complaisance se décèle donc essentiellement au travers de l’examen de la propriété. Un navire qui bat un pavillon de complaisance est d’abord un navire qui arbore le pavillon d’un État différent de celui de son propriétaire. Plusieurs raisons motivent cela, et notamment l’assurance d’une immatriculation rapide et à moindre frais354, le peu ou pas d’impôt, la liberté totale d’employer une main d’œuvre peu revendicative.
2171428. Selon l’OCDE, s’inspirant du rapport remis par la Commission Rochdale355, les pavillons de complaisance paraissent pouvoir être identifiés au moyen de six critères. Ils sont arborés par des non-résidents. L’accès au registre d’immatriculation est facile. L’imposition est peu élevée. Le pays d’immatriculation est économiquement faible. Le pavillon de complaisance prévoit la possibilité d’employer un équipage de non-ressortissants. L’État ne dispose pas de moyens suffisants pour exercer son contrôle sur les navires et faire respecter les exigences internationales.
2181429. La Fédération internationale des ouvriers du transport, l’ITF356 a officiellement recensé 28 États de complaisance357 dont deux, Chypre et Malte ont récemment fait leur entrée dans l’Union européenne358. La quasi-totalité des grands États maritimes n’interdisent pas à leurs armateurs d’utiliser ou de posséder via des filiales des navires sous pavillon de complaisance, sans parler de la possibilité d’enregistrer leur navire sous des « pavillons bis »359.
2191430. Il n’en reste pas moins, assez paradoxalement, qu’en l’état actuel des choses, le pavillon de complaisance n’a jamais fait l’objet d’une quelconque condamnation, au sens juridique du terme. Cela est paradoxal, quand on sait que les pratiques qu’il tolère sont juridiquement condamnables, car souvent constitutives de manquements caractérisés aux Conventions internationales signées par ces États. Au-delà de l’aménagement d’un cadre propice à la négligence, le phénomène de la complaisance doit être vu comme un catalyseur du développement de la gangrène que constitue l’insécurité maritime.
2. Le phénomène de la complaisance ou un catalyseur de l’insécurité maritime
2201431. L’État du pavillon apparaît comme un maillon essentiel de la sécurité maritime. Le pouvoir de contrôle et de surveillance qu’il exerce sur ses navires a pu être considéré comme répondant à l’« exigence d’une impérieuse nécessité si l’on veut sauver la mer et ses richesses de la destruction qui la menace »360. Ce rôle prépondérant n’a pas échappé aux rédacteurs de la Convention de Montego Bay. S’agissant d’abord du contrôle des normes de sécurité, l’administration de l’État du pavillon se porte garante de l’exécution complète des visites d’inspection ainsi que de l’efficacité de celles-ci. Elle doit également assumer la pleine et entière responsabilité des certificats qu’elle délivre361. Elle doit aussi en vertu de la convention internationale sur la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973 décerner aux navires un certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures362. Ce certificat, attestant de la conformité du navire aux exigences de la réglementation pendant une durée limitée, fait foi, aux yeux de la communauté maritime internationale, du sérieux des contrôles effectués par l’administration de l’État du pavillon363. Sa seule présence suffit à justifier que les autres États ne procèdent qu’à un simple contrôle sur papier, en d’autres termes à une simple vérification de la conformité dudit certificat.
2211432. En tout état de cause, pareille disposition s’entend du souci bien compris de mettre à la charge de l’État du pavillon un devoir particulier au titre de la lutte contre la pollution marine par les navires. Des États du pavillon, on est notamment en droit d’attendre un effort particulier en faveur de la prévention des accidents. Ils doivent s’engager à respecter les réglementations édictées tant par l’Organisation Maritime Internationale364 que par l’Organisation Internationale du Travail.
2221433. La complaisance maritime, parce qu’elle conduit à considérer davantage le pavillon comme un instrument économique qu’un attribut de souveraineté, met sérieusement à mal toute tentative de construction d’une logique sécuritaire. Partisan au mieux d’un contrôle allégé en matière de sécurité et de respect de l’environnement, au pire d’une absence totale de contrôle, les États de complaisance, quand bien même ils réuniraient une flotte de plus en plus conséquente, n’entendent pas satisfaire aux obligations qui leur incombent en qualité d’État du pavillon. Le souhaiteraient-ils, ils ne le pourraient pas, faute de moyens de contrôle suffisants. Du reste, ils n’y sont guère incités par un quelconque dispositif ad hoc. Or en l’absence de tout contrôle, les normes en matière de sécurité maritime ont toutes les chances de rester lettre morte365.
2231434. Force est donc d’admettre qu’il existe un décalage éhonté entre l’importance du rôle que pourraient être appelés à jouer les États de complaisance dans l’absolu et leur réelle motivation à s’investir dans ce qui devrait apparaître comme un quasi-sacerdoce sécuritaire. Deux événements de mer récents paraissent parfaitement rendre compte de cette réalité. Peut-on, en effet, voir dans la similitude de pavillon entre l’Erika et le Ievoli Sun, que l’expression d’une simple et fâcheuse coïncidence ? Qu’il nous soit permis d’en douter alors même que les États qui s’abriteraient derrière des pavillons de complaisance s’emploieraient à démontrer le contraire à chaque nouvelle catastrophe.
2241435. Est-ce à dire que le phénomène des pavillons de complaisance pourrait prospérer grâce à la bienveillante complicité des autres États maritimes366 et, depuis peu, quoiqu’elle s’en défende avec la bénédiction de l’Union européenne. On notera toutefois que la Commission souhaite harmoniser les conditions de fonctionnement des registres nationaux, qu’ils soient de première ou de seconde immatriculation. L’immatriculation sous registres communautaires sera subordonnée à une visite préalable complète au cours de laquelle l’ensemble des règles de sécurité sera vérifiée. À terme, les navires battant d’un pavillon européen pourraient bénéficier d’une présomption de qualité et, par conséquent, d’un allègement des contrôles effectués au titre de l’État du port. Cette dernière accueille désormais en son sein deux États notoirement réputés pour être des « espaces hors la loi du transport maritime »367. Convient-il alors de fonder meilleur espoir dans l’intervention d’une autre catégorie d’États, côtiers cette fois. Là encore, les récentes catastrophes, plus qu’à louer leur diligence, conduisent à dénoncer leur négligence.
B. La négligence caractérisée des États côtiers
2251436. Face au danger que constituent les navires immatriculés sous pavillon de complaisance, le droit international a progressivement remis en cause l’exclusivité de la compétence des États du pavillon. Le laxisme sécuritaire notoire de ces derniers imposait de procéder à une nouvelle répartition des pouvoirs au profit des États côtiers. Ce rééquilibrage, dont rend compte la Convention des Nations-Unies sur le Droit de la Mer, a essentiellement profité aux États du port, aussi appelés « côtiers de second rang »368. A la différence des États du pavillon, les États côtiers étaient pressentis comme pouvant jouer un rôle de « filet de sécurité », en théorie du moins (1). Dans la pratique, ils ont été démentis dans leur rôle de garant de la sécurité par les catastrophes à répétition (2).
1. Des États pressentis dans un rôle de « filet de sécurité »369
2261437. Sous la qualification d’État côtier, le droit international entend regrouper deux entités370, chacune d’entre elles se voyant investie d’une mission particulière au titre de la sauvegarde de la sécurité maritime. Parce que l’État du port a une vocation naturelle à accueillir les navires371, il est logiquement investi d’une mission de contrôle des navires qui font escale dans ses ports, paraissant ainsi pouvoir se substituer aux États du pavillon défaillants (a). Parce qu’il est exposé en permanence aux agressions venues de la mer, l’État côtier revendique en toute légitimité toujours plus de droit au titre de la protection de l’environnement (b).
2271438. A l’adresse des États côtiers, l’accusation de négligence, si elle apparaît moins spontanée, n’en paraît pas moins fondée au regard de la possibilité qu’ont ces États d’intervenir pour éviter le pire. Dès lors la simple survenance d’une pollution peut parfois amener à conclure, qu’eux aussi, à leur niveau, ont fait preuve d’une négligence caractérisée.
a) La possible substitution de l’État du port372 aux États du pavillon en matière de contrôle373 ?
2281439. Consacrée par l’article 218 de la Convention de Montego Bay de 1982, la notion d’État du port n’acquiert une réelle consistance qu’avec la signature du Memorandum d’entente de Paris374 (ci-après désigné par son acronyme MOU : Memorandun of Understanding). C’est, en effet, par le biais de cet accord administratif concerté que la Communauté internationale s’attache à organiser la procédure de contrôle des navires. A la différence des Conventions adoptées sous l’égide des organisations internationales, le MOU n’édicte pas des normes de sécurité mais s’attache à en renforcer l’application. Toutefois, la Communauté, constatant un certain nombre de dysfonctionnements, a pris l’initiative d’intégrer ledit Memorandum au droit communautaire dérivé aux fins de lui conférer une efficacité renforcée375. Cette initiative n’est pas, non plus, étrangère au souci d’homogénéiser les inspections des navires aux fins d’éviter tout détournement de trafic et toute distorsion de concurrence entre les ports376 ; les armateurs choisissant de faire escale dans les ports les moins regardants.
2291440. « Contrairement à l’État côtier avide de pouvoirs susceptibles d’entraver la liberté de navigation, et à l’État du pavillon peu enclin à poursuivre ses propres navires, l’État du port est rapidement apparu comme étant le plus impartial pour assurer le respect des instruments internationaux de sécurité »377.
2301441. Si la reconnaissance de l’autorité de l’État du port s’explique par le souci de rationaliser le conflit entre l’État côtier stricto sensu et l’État du pavillon378, elle est aussi révélatrice de la « déliquescence du pavillon »379. Idéalement un navire non repéré par l’État du pavillon devrait l’être par l’État du port qui l’accueille. Le contrôle par l’État du port peut se définir comme le droit pour cet État d’exercer son pouvoir de police en matière de navigabilité380 sur tout navire entrant en vue de faire respecter les prescriptions des Conventions maritimes internationales. Son action est prépondérante dans la mesure où elle participe très directement à la sauvegarde du milieu marin381 placé hors de toute juridiction nationale.
2311442. L’attention des inspecteurs du port se porte particulièrement sur l’état et l’entretien des navires, sur les dispositifs de prévention de la pollution accidentelle, sur les normes d’exploitation, sur le contrôle de l’application du Code ISM382 ou encore sur la qualification des gens de mer et des effectifs. S’il estime que le navire fait peser sur le milieu marin un danger excessif, l’État du port peut l’empêcher d’appareiller jusqu’à ce que les réparations qu’il considère indispensables aient été réalisées383. Le propriétaire ou l’exploitant du navire doit rembourser les frais engendrés par les inspections liées à l’immobilisation du navire384.
2321443. Les sanctions éventuellement prononcées, flexibles car laissées à la discrétion des inspecteurs, sont de nature administrative. Elles sont prononcées non pas par une quelconque autorité judiciaire, mais par les autorités maritimes nationales elles-mêmes. Les autorités de sanction doivent cependant informer avec diligence l’État du pavillon, par l’intermédiaire de son consul, ou en son absence, par l’intermédiaire de son représentant diplomatique le plus proche, ainsi que les organisations internationales compétentes (OMI ou OIT) et les États voisins susceptibles d’être intéressés par ce type d’information.
2331444. Les infractions relevées seront, par la suite, intégrées dans une banque informatique de données, SIRENAC, créée spécifiquement par le Mémorandum385. Toutes les autorités signataires du Mémorandum y sont connectées par des terminaux. Elles peuvent aussi communiquer entre elles. Les résultats d’inspection permettent d’élaborer « l’indice SIRENAC ». Les navires sont classés sur une échelle de 130 niveaux représentatifs des degrés de risques constitués par chaque navire. Au-delà du niveau 50, le navire est considéré comme réellement dangereux. Depuis juillet 1995, le SIRENAC élabore une liste trimestrielle dite liste noire, recensant les navires récidivistes386. Les navires ayant été retenus deux fois au cours des derniers 24 mois sont concernés par cette publication. Cette dernière vise à dissuader l’exploitation de tels navires. La catastrophe de l’Erika a motivé l’adoption d’une nouvelle directive en date du 19 décembre 2001387. Cette dernière prévoit désormais la possibilité d’interdire l’accès aux ports de la Communauté à certains navires388. Il n’en demeure pas moins vrai que si un port refuse d’accueillir un navire parce qu’il ne présente pas les normes minimales, un autre port, par définition concurrent se fera une joie de le recevoir389. Ce dispositif de contrôle particulièrement dense ne sera pas parvenu à faire obstacle aux catastrophes environnementales à répétition. Dès lors, l’idée selon laquelle l’État du port puisse se substituer à l’État du pavillon, en matière de contrôle, paraît battue en brèche. Convient-il alors de fonder meilleur espoir dans la revendication ô combien légitime d’un droit d’auto- protection de l’État côtier ?
b) La revendication légitime par l’État côtier d’un droit d’autoprotection390
2341445. C’est la Convention de Bruxelles sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures391 qui a pour la première fois énoncé le droit pour un État côtier de « prendre des mesures appropriées »392 pour assurer sa protection à l’égard du navire naviguant en haute mer, lorsqu’il y a « danger grave et imminent »393.
2351446. Parce que les conditions d’intervention de l’État côtier dans ce cadre étaient jugées trop draconiennes394, le législateur international, dans le cadre de la Convention Montego Bay, tout en rappelant le droit de passage inoffensif reconnu aux navires transportant des substances dangereuses, va entendre le souhait exprimé par l’État côtier de voir ses compétences élargies. Cela se manifeste notamment par le choix d’une acception moins large de la notion de passage inoffensif. Cesse d’être considéré comme inoffensif le passage d’un navire étranger, lorsqu’il s’accompagne d’une pollution délibérée et grave. Cela s’exprime encore par la possibilité laissée à l’État côtier d’adopter en conformité avec le droit international, des lois et règlements relatifs au passage inoffensif dans sa mer territoriale et intéressant tout particulièrement « la sécurité de la navigation » ou « la préservation de l’environnement, la prévention, la réduction, et la maîtrise de la pollution »395. Ce droit d’autoprotection est pleinement consacré par la possibilité offerte à l’État côtier de « prendre dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour empêcher tout passage qui ne serait pas inoffensif »396.
2361447. Le droit d’intervention de l’État côtier est en droit français indissociable de l’article 16 de la loi du 16 juillet 1976. Cet article reconnaît à l’État un droit d’intervention étendu en cas d’avarie ou d’accident de mer impliquant des navires transportant des Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses ou des hydrocarbures. L’armateur ou le propriétaire sont mis en demeure par l’État de prendre toutes les formes de mesures nécessaires pour mettre fin au danger397. Pareille initiative vise non seulement à renseigner efficacement le propriétaire ou l’armateur sur la situation de son navire, mais encore à le contraindre à agir. Si en théorie, l’armateur demeure libre de choisir la compagnie d’assistance avec laquelle il entend contracter, en pratique sa marge de manœuvre est souvent rognée par les autorités qui dans un souci d’efficacité peuvent lui enjoindre d’accepter les services des navires les plus proches398. Alors même que les autorités françaises auraient pu s’appuyer sur ce texte pour légitimer leur intervention dans le cadre de la catastrophe de l’Amoco-Cadiz, elles y ont renoncé considérant que le régime de l’assistance était trop imprécis.
2371448. Or, parce que l’expérience a souvent démontré que les atermoiements pouvaient être fatals, il devenait indispensable de préciser le régime de l’assistance. C’est l’article 9 de la Convention de Londres sur l’assistance du 28 avril 1989 qui officialise ce droit d’auto- protection de l’État côtier. Ce dernier peut désormais, non seulement « protéger son littoral ou les intérêts connexes contre la pollution ou une menace de pollution résultant d’un accident de mer, ou d’actes liés à de tels accidents » mais encore « donner des instructions concernant les opérations d’assistance ».
2381449. Fort de son droit d’intervention consolidé et élargi à l’assistance, l’État côtier est appelé à agir à la fois sur le risque de pollution et sur le navire en danger. Traditionnellement considéré comme un contrat de droit privé, le contrat d’assistance paraît se publiciser du fait de l’immixtion de l’État côtier. A l’instar des personnes privées, l’État peut prétendre à une indemnité spéciale au titre de l’« assistance écologique »399 lorsqu’il exerce son droit d’autoprotection.
2391450. Parce que les États côtiers étaient pressentis comme pouvant jouer un rôle de filet de sécurité face à des États du pavillon défaillants, le législateur international n’a pas hésité à leur accorder les droits qu’ils revendiquaient au titre de la protection de l’environnement. Toutefois, sans remettre en cause le bien-fondé d’une telle décision, force est de constater que les États côtiers ont souvent été démentis par les catastrophes dans leur rôle de garant de la sécurité.
2. Des États démentis par les catastrophes dans leur rôle de garant de la sécurité
2401451. L’insuffisance des contrôles par les États du port, que l’on a aussi appelé le syndrome des ports de complaisance (a), la mauvaise gestion de crise par les États côtiers victimes d’événements de mer qui se déroulent à quelques encablures de leur côte (b) sont autant de manquements caractérisés à leur obligation de sécurité révélés à l’occasion des catastrophes.
a) L’insuffisance des contrôles ou le syndrome des ports de complaisance
2411452. La complaisance est une maladie, sinon honteuse, du moins contagieuse. Elle ne toucherait plus seulement les États du pavillon mais serait en passe de gangrener les États du port400. Il se trouverait désormais des ports de complaisance. Qui mieux que l’Erika peut attester de cette triste réalité ? Cette « vielle dame indigne » a accepté de se soumettre avec bonne grâce à tous les contrôles qu’on a voulu lui faire subir. Trois ans avant de rendre l’âme au large des côtes bretonnes, elle avait été inspectée à sept reprises au titre de l’État du port, en avril 1996 en Italie, en juillet 1996 en Pologne, en août 1996 au Portugal, en janvier 1997 à la Nouvelle Orléans, en décembre 1997 à Rotterdam, en mai 1998 en Norvège, enfin le 12 décembre 1999 en Russie. Cette litanie de dates et de lieux dit combien le pétrolier maudit était sous surveillance. Elle révèle aussi, en apparence du moins, l’efficacité des prescriptions du Mémorandum et le zèle des inspecteurs. Dans le strict cadre du Mémorandum de Paris, le pétrolier aura été inspecté trois fois en l’espace de 5 mois, quand bien même le Mémorandum recommanderait aux États d’inspecter les navires n’ayant pas déjà fait l’objet d’une inspection401.
2421453. Dans de telles circonstances, la question du sérieux du contrôle doit être posée tant en termes qualitatif que quantitatif. Les inspections effectuées dans le cadre du Mémorandum de Paris doivent normalement porter sur des navires à risque402. Les contrôles doivent porter sur au moins 25 % des navires entrés dans les ports de l’État durant l’année écoulée403. La Directive de 1995 retient une définition large de la notion d’inspection. Celle-ci s’entend de « la visite effectuée à bord d’un navire afin de contrôler tant la validité des certificats permanents et autres documents mais encore l’état du navire, de son équipement et son équipage ». L’inspection peut également être « détaillée », c’est-à-dire approfondie. Cette dernière est diligentée en présence d’un rapport ou d’une notification d’une autre autorité signataire, ou même d’un rapport ou d’une plainte d’un capitaine, d’un membre d’équipage, ou plus généralement de toute personne ou organisation ayant un intérêt légitime au maintien de la sécurité au cours de l’exploitation du navire.
2431454. La question du contrôle par l’État du port est mâtinée de considérations financières. En premier lieu, chaque État demeure libre d’apprécier les moyens qu’il entend investir au titre de la mission de contrôle qui lui est confiée, et cela notamment, s’agissant des ressources humaines. En tout état de cause, un nombre d’inspecteurs réduit laisse planer un doute sur l’effectivité des contrôles404. En second lieu, la fréquence des contrôles est lourde d’incidence en termes de concurrence. « Lorsqu’un État est réputé comme laissant entrer et sortir les navires alors qu’il pourrait probablement agir avec plus de rigueur, ou moins de complaisance, s’il en avait la volonté »405, nul doute qu’il a toutes les chances de convaincre les armateurs de faire escale dans ses ports. On s’expliquera, dans de telles circonstances, que quand bien même chacun des États parties s’accorderait sur le principe d’un contrôle, chacun attende patiemment que l’un d’eux montre l’exemple, au risque de s’auto-pénaliser406.
2441455. Il n’en demeure pas moins vrai que certaines contrevérités doivent être combattues. En premier lieu, l’amplitude affichée du contrôle que laisse deviner la définition de l’inspection doit être relativisée. Les contrôles se limitent souvent à l’examen des documents du navire et à son état général apparent. Lorsque le navire est en opération commerciale, les inspecteurs de l’État du port ne peuvent pas procéder à l’examen des structures, citernes, ballasts407. Seuls les contrôles en cale sèche par les sociétés de classification permettent de déceler des défaillances structurelles408. En second lieu, quand bien même la fixation d’un niveau de contrôle participerait d’un effort louable de jauger les performances des États, en termes de contrôle, les arrangements consentis pour atteindre les objectifs fixés ne révèlent que par trop la précarité de la méthode. Ainsi peut-on penser que pour réaliser les performances requises en termes de chiffres, certains États du port ne s’emploient qu’à contrôler les navires les moins douteux ou à ne pratiquer que des « contrôles papier », c’est-à-dire bâclés pour faire grimper les chiffres409.
2451456. La Cour européenne de justice paraît ne plus hésiter à sanctionner les États qui ne respecteraient pas ce quota annuel d’inspection. Ainsi la France a-t-elle été condamnée le 22 juin 2004 pour ses mauvaises performances sur une période antérieure à 2002410. On soulignera, toutefois, que cette première condamnation n’avait qu’une valeur morale. Ce n’est, en effet, que si un État persévère dans sa volonté de ne pas se conformer aux exigences prescrites, que la Commission peut introduire un nouveau recours devant la Cour, laquelle peut alors décider d’infliger une amende sous forme d’astreinte411.
2461457. On s’expliquera dès lors l’enjeu que revêt la possibilité d’obtenir des résultats présentables, au besoin en recourant à une méthode de calcul peu conventionnelle, susceptible de « gonfler les pourcentages »412. Le Paquet Erika III413 entreprend de consolider la directive 95/21 sur le contrôle par l’Etat du port pour faire un texte unique et le rendre applicable aux nouveaux Etats Membres de l’Union européenne parties à des Memoranda voisins de la Méditerranée et de la Mer noire. Plus fondamentalement, il s’agit de renforcer les contrôles tout en soulageant les exploitants des navires de qualité de contrôles excessifs, attentatoires à la compétitivité. La détection des déficiences, notamment par les pilotes doit être étendue aux navires en transit au large des côtes européennes. Le bannissement pourrait alors être étendu à tous les navires en se basant sur les immobilisations intervenues dans tous les Etats-membres et non seulement dans les ports du MOU de Paris. En tout état de cause, l’Agence Européenne de la Sécurité Maritime devrait s’attacher à surveiller toujours plus la qualité des administrations maritimes nationales et lutter ainsi contre la prolifération des certificats frauduleux ou contrefaits. La détention de ces derniers sera plus sévèrement sanctionnée. La Commission entend par ailleurs publier une liste noire des compagnies maritimes défaillantes. Dans une moindre mesure, l’État côtier pourrait être démenti dans son rôle de garant de la sécurité pour sa mauvaise gestion de crise.
b) La mauvaise gestion de crise par les États côtiers, source de réflexion
2471458. Bien qu’elle participe d’une situation plus exceptionnelle de manquements caractérisés des États à leurs obligations de sécurité, l’hypothèse d’une mauvaise gestion de crise par un État riverain gagne à être évoquée en raison de sa brûlante actualité414. Ainsi dans l’affaire du Prestige, un certain consensus semble se dessiner pour admettre que les autorités espagnoles auraient dû tenter de faire entrer le navire dans un port ou une crique abritée, malgré les difficultés techniques que pouvait présenter cette manœuvre. A défaut d’avoir pu être évitée, la pollution aurait été mieux gérée. En lieu et place, les autorités espagnoles ont entrepris d’éloigner le navire des côtes, d’abord vers le nord-est, puis vers le sud, et enfin vers le sud-est. Ces changements de caps successifs s’expliquent par les interventions des autorités françaises et portugaises qui ne souhaitaient pas que l’Espagne conduise le navire sinistré à proximité de leurs côtes Elles espéraient, ce faisant, protéger leur littoral respectif415. Cette corrida maritime où les picadors officiaient à coup de télex aura eu raison de la bête, la condamnant à une mort certaine.
2481459. Dès lors, bon nombre d’experts416 n’ont pas hésité à dénoncer publiquement cette décision, considérant qu’il s’agissait d’une erreur pour ne pas dire une faute caractérisée. D’autres ont été jusqu’à affirmer que « la décision des autorités espagnoles de ne pas autoriser le capitaine à gagner un port refuge »417 avait été la cause de la catastrophe ; les appels aux autorités compétentes étant restés vains et la coordination entre les services responsables totalement inexistante418. Cela suffit à expliquer comment le navire ait pu être condamné à errer pendant six jours419 avant de « succomber ». L’État français dont le littoral a été une nouvelle fois sévèrement touché paraît avoir renoncé à établir la responsabilité de l’État espagnol, préférant conclure avec ce dernier les accords de Malaga dont la légalité paraît douteuse420. Un « irréductible petit village » gascon la Teste de Buch421, paraît, lui, déterminé à se lancer à l’assaut de la forteresse espagnole422.
2491460. Or, ne pas engager la responsabilité d’un État qui aurait refusé d’accueillir un navire en danger ne présentant qu’un risque limité de pollution, c’est lui accorder ipso facto une immunité judiciaire. Le cas le plus scandaleux, en la matière, est sans doute celui du Castor. Ce navire aura dû attendre six semaines pour être accueilli, sans dommage, dans un port, après avoir été refusé par cinq États méditerranéens. On ne saurait renoncer à engager la responsabilité d’un État dans de telles circonstances, car celui-ci par son refus a nécessairement contribué à la catastrophe423. Certes, la décision d’accueillir un navire en avarie peut être lourde de conséquences si celui-ci venait à déverser sa cargaison dans un port. Aussi, conviendrait-il ainsi que cela a été très judicieusement suggéré, d’apporter une garantie au port-refuge, quant à la réparation de son dommage éventuel424. Reste que l’essentiel demeure d’améliorer la gestion du trafic maritime au moyen notamment d’un suivi précis des navires en transit le long des côtes quelle que soit leur destination finale. C’est déjà dans cette perspective de détection des situations à risque que la communauté européenne une directive imposant des conditions minimales pour les navires à destination des ports communautaires ou en sortant et transportant des marchandises dangereuses ou polluantes425. Dans un souci d’une maîtrise accrue du trafic maritime, la Communauté a abrogé la directive initiale426 pour obliger les Etats-membres à établir des plans nationaux d’accueil pour les navires en détresse. SafeSeaNet, nouveau système de gestion du trafic maritime doit permettre le développement d’une base de données et d’un réseau télématique dont l’intérêt est d’intégrer en temps réels les informations fournies par les transpondeurs de bord. Parce que les errements fatidiques du Prestige ont mis en exergue la nécessité de renforcer les dispositions relatives aux lieux de refuge, le Paquet Erika III exige une identification claire des autorités nationales responsables de la désignation des lieux de refuge et un inventaire précis des lieux de refuges potentiels427. Tous les éléments nécessaires à une prise de décision doivent être communiqués, y compris aux Etats voisins aux compagnies d’assistance et de remorquage impliquées dans ces opérations. Enfin le Paquet Erika III suggère la mise en place d’un cadre commun afin de garantir l’efficacité, l’objectivité et la transparence des enquêtes techniques maritimes après accidents428. Un système d’information et d’analyse totalement indépendamment des enquêtes judiciaires destinées elles à établir les responsabilités civiles et pénales devrait être mis en place avec le soutien de l’Agence Européenne de la Sécurité Maritime.
2501461. Si plusieurs catégories d’États paraissent pouvoir engager leur responsabilité au titre d’un manquement fautif429, l’absence de mise en cause des pavillons de complaisance apparaît de loin comme la plus insolente. On est dès lors fondé à s’interroger sur les conditions d’une mise en cause effective de leur responsabilité.
§ 2. Vers une mise en cause de la responsabilité des pavillons de complaisance
2511462. Le Pr J.-P. Queneudec n’hésite pas à l’affirmer : « le vrai progrès consisterait en cas de catastrophe impliquant un pavillon de libre immatriculation, à pouvoir mettre en jeu légalement la responsabilité de l’État qui accepte d’immatriculer des navires inférieurs aux normes et n’exerce sur eux aucun contrôle »430. Est-ce à dire que cette possibilité n’existe pas pour l’heure ? L’état du droit, en la matière, révèle un contraste saisissant permettant d’en douter. La possibilité de mettre en cause la responsabilité de l’État apparaît largement théorique (A). Cette situation apparaît de moins en moins acceptable, sauf bien sûr à considérer que la Communauté maritime internationale, dans son entier, consente à entretenir la lèpre maritime que constituent les pavillons de complaisance, ce dont nous doutons. Dès lors, la question de l’effectivité de la mise en cause de la responsabilité des « États-distributeurs de pavillons de complaisance » ne peut manquer de se poser (B). Toutefois que l’on ne s’y trompe pas, les obstacles plus que juridiques sont ici politiques.
A. Une possibilité de mise en cause, pour l’heure, largement théorique
2521463. Si l’arsenal juridique disponible permet, en théorie du moins, à un État de mettre en cause la responsabilité d’un autre (1), l’immunité de juridiction dont il bénéficie suffit à ruiner tout espoir de pouvoir le faire (2).
1. L’existence d’un arsenal juridique
2531464. Pour être des États, ils n’en sont pour autant au dessus des lois, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de leurs obligations. Dès lors on ne s’étonnera pas de constater que l’arsenal juridique susceptible d’asseoir la mise en cause de la responsabilité de l’« État complaisant » existe d’ores et déjà431.
2541465. La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités432 se charge de rappeler à l’adresse des États, qu’ils doivent exécuter les traités de bonne foi433. En d’autres termes, les États-parties s’engagent à ne rien faire qui puisse compromettre l’exécution des obligations ou des règles inscrites dans le traité. En cas de violation substantielle du traité, un État lésé peut prendre l’initiative de suspendre l’exécution de certaines de ses obligations et dans certains cas mettre fin à ses engagements434. Toutefois, ce qui pourrait apparaître comme l’exercice légitime d’une forme de rétorsion, doit être relativisé dans le cas de traités multilatéraux de caractère législatif comme les Conventions MARPOL et SOLAS. On ne saurait en effet concevoir qu’un État, fort du constat d’une violation par un autre de ses obligations sécuritaires, s’arroge unilatéralement le droit de se dispenser d’exécuter les siennes.
2551466. Aussi, on s’expliquera que la Convention de Montego Bay ait prévu des dispositions relatives au règlement des différends. Les États peuvent notamment recourir à la conciliation435. Certaines conventions, comme la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, prévoient expressément la possibilité pour les États, en cas de persistance d’un désaccord, de faire appel au Tribunal international de la Mer, à la Cour internationale de justice ou à un tribunal arbitral436.
2561467. Le Droit communautaire paraît, lui aussi, offrir à l’État lésé la possibilité de mettre en cause la responsabilité d’un autre État-membre. Les articles 169 à 171 du Traité de Rome prévoient, en effet, un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes, pour le cas où un État membre aurait manqué à l’une des obligations qui lui incombaient en vertu de cet instrument437. C’est à la Commission qu’il incombe de constater ce manquement. Après avoir mis l’État incriminé en mesure de présenter ses observations, elle est chargée d’émettre un avis motivé. Si l’État défaillant ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé, la Commission peut alors saisir la Cour de justice438. Avec l’élargissement de l’Union européenne à Chypre et Malte, États notoirement connus pour appartenir à la caste des pavillons de complaisance, cette possibilité pourrait trouver un regain d’intérêt.
2571468. Mais là encore, force est d’admettre que l’emploi du conditionnel est de rigueur. La variété des voies de droit offertes pour dénoncer l’incurie de certains États, dénote avec l’absence de volonté des États de les utiliser. Il y a là assurément un paradoxe quant à l’instar du professeur A. Vialard439, on prend la peine de se souvenir qu’immédiatement après l’opérateur-pollueur, devraient se trouver placés en ligne de mire les États du pavillon. La largesse des pouvoirs qui leur sont reconnus en termes de délivrance de certificats nécessaires à l’exploitation commerciale, la possibilité qui leur est offerte de contrôler l’état du navire tout au long de son exploitation, militent en ce sens. On s’expliquera alors la proposition de la Commission européenne dans le cadre du Paquet Erika III tendant à incorporer au droit communautaire le Code de l’OMI relatif à la responsabilité des Etats du pavillon440, complété d’un mécanisme d’audit des Etats du pavillon ainsi que d’une procédure de certification des administrations maritimes. Facultatives à l’échelon international, ces procédures pourraient devenir obligatoires dans le cadre communautaire. Reste que l’immunité souveraine dont bénéficie l’État ès qualité, fût-il de complaisance, hypothèque sensiblement les chances de pouvoir pratiquement mettre en cause sa responsabilité.
2. Une immunité susceptible d’hypothéquer la mise en cause de la responsabilité de l’État complaisant
2581469. L’idéal pour un juge en présence d’un État n’ayant pas respecté ses engagements internationaux serait de le traduire devant une juridiction nationale. En choisissant de mettre en examen l’Autorité Maritime de Malte ainsi que son directeur exécutif, qu’elle soupçonne d’avoir complaisamment immatriculé l’Erika, le juge d’instruction chargé de l’enquête sur le naufrage du pétrolier maltais paraît ne pas vouloir en décider autrement. Cela était cependant sans compter sur la réactivité de l’Autorité Maritime de Malte, qui s’estimant couverte par l’immunité juridictionnelle accordée aux États, a entrepris de contester la validité des poursuites dont elle faisait l’objet au titre d’une mise en danger de la vie d’autrui et d’une complicité de pollution. La première Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris devait abonder en son sens en annulant les actes de poursuites diligentés contre elle et son directeur exécutif441, empêchant ainsi le magistrat de les renvoyer devant un tribunal correctionnel.
2591470. L’arrêt rendu est, somme toute, de facture classique au regard du droit positif. Parce qu’il bénéficie d’une immunité de juridiction, l’État auquel il convient d’assimiler non seulement « ses représentants », mais aussi les organes de gouvernement, mais encore les « subdivisions politiques de l’État et les autres entités qui sont habilitées à exercer les prérogatives de la puissance publique »442, ne peut voir sa responsabilité mise en cause devant les juridictions d’un autre État. Il s’agit là de reconnaître non seulement « l’absence de toute hiérarchie entre les États443, mais encore de protéger leur indépendance fonctionnelle »444. Toutefois, l’immunité de l’État ne peut être invoquée qu’à l’égard des actes de puissance publique445 et non pour ceux de gestion privée446. Or, précisément, hormis le point de savoir si l’Autorité maritime maltaise était une émanation de l’État de Malte447, l’autre question majeure qui se posait, était celle de savoir si la délivrance du pavillon relevait davantage d’une logique commerciale que d’une activité régalienne. L’arrêt de la Cour d’appel est très clair sur ce point. Quand bien même l’Autorité Maritime de Malte serait susceptible d’effectuer des actes de commerce, « l’attribution d’un pavillon, comme l’immatriculation subséquente d’un navire, ainsi que la délivrance ou le maintien des autorisations de naviguer doivent être considérés comme des actes administratifs de puissance publique tant en droit interne qu’en droit international ». Bien que réalisant essentiellement une synthèse du droit positif, l’arrêt de la Cour d’appel n’en ouvre pas moins des pistes de réflexion pour une mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance.
B. Vers une mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance ?
2601471. S’agissant d’une épineuse question qui dépasse largement nos compétences, le lecteur ne saurait trouver ici une solution miracle, prête à l’emploi. Les développements qui vont suivre n’ont d’autres objectifs que de poser quelques jalons susceptibles de présenter la problématique dans laquelle pourrait s’insérer une réflexion sur la mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance. Avant même de s’interroger sur les voies de droit utilisables à cette fin (2), il convient de s’attacher à mettre en exergue la légitimité juridique d’une telle démarche (1).
1. La légitimité juridique de la mise en cause de la responsabilité des États de complaisance
2611472. Dans l’absolu, on peut hésiter à mettre en cause la responsabilité des États du port au titre d’un contrôle insuffisant des navires faisant escale dans leurs installations, cette défaillance n’étant pas la cause directe du naufrage ; les susceptibilités paraissent s’évanouir s’agissant de l’État du pavillon considéré comme le garant de la sécurité du navire arborant son pavillon. L’article 235 de la Convention de Montego Bay met à la charge des États une obligation de réparer. Est-ce à dire qu’un État complaisant pourrait être tenu de réparer les dommages causés par un navire sous-norme qu’il aurait entendu placer sous sa souveraineté ? Il y a tout lieu de le penser. Ainsi que le note avec justesse le Pr A. Vialard448 les États seraient malvenus à ne revendiquer que la seule qualité de victime pour refuser celle de responsable449.
2621473. La responsabilité internationale des États doit aussi s’entendre de l’obligation faite à l’État auteur d’une violation, de réparer les conséquences dommageables subies par un autre État. En ce sens, l’obligation de réparation peut être assimilée à une obligation civile de restituer450. La responsabilité curative est, en effet, conçue comme le noyau du système international de responsabilité. Or la responsabilité de l’État telle qu’elle est conçue dans la partie XII de la Convention de Montego Bay ne paraît pas différente de cette conception. Pratiquement, en présence d’un acte illicite, il suffirait de démontrer que le préjudice subi par la population sinistrée est lié par un rapport de cause à effet à la carence de l’État dans ses obligations de contrôle et de surveillance.
2631474. Toutefois, en réduisant le traitement d’une violation par un État de ses obligations sécuritaires à la seule restitution, on ne peut espérer solutionner dans le meilleur des cas qu’un seul problème, celui de la situation matérielle de la victime. Or s’agissant des pavillons de complaisance, et quand bien même il s’agirait d’un progrès notoire, on peut craindre que cette conception indemnitaire de la responsabilité soit insuffisante pour stigmatiser leur responsabilité sur la scène internationale. La responsabilité internationale des États doit pouvoir se décliner, selon le droit anglo-saxon, tant en termes de liability que de responsability451. Si le premier terme exprime le devoir de compensation, le second véhicule l’idée selon laquelle l’État dont le comportement défaillant a été relevé, doit pouvoir être en mesure d’apporter à l’État lésé une garantie de non-répétition du fait incriminé452. En d’autres termes, il s’agirait d’obtenir des États de complaisance qu’ils s’emploient par tout moyen à respecter leur obligation primaire à savoir n’accorder le droit de battre leur pavillon qu’aux seuls navires de qualité. On s’expliquera alors la définition du pavillon de complaisance retenue par Lord comme « un registre dans lequel l’État n’a pas la capacité de superviser la sécurité de ses navires ou ne le fait pas de manière effective »453. L’objectif ou plutôt les objectifs étant identifiés, encore convient-il de s’employer à déterminer les voies de droit susceptibles de conduire à une mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance
2. Les voies de droit susceptibles de conduire à une mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance
2641475. On ne concevrait pas de débuter ces développements sans rappeler la honteuse « conspiration de non-invocation »454 dans laquelle baigne la Communauté maritime internationale dans son ensemble à l’égard des pavillons de complaisance455. Il existe un contraste saisissant entre la capacité à dénoncer les pavillons de complaisance et la volonté d’agir en vue de les démanteler. Au moment de la catastrophe du Torrey Canyon en 1967, l’octroi d’un pavillon de complaisance avait été simultanément qualifié de « véritable piraterie » et de « défi au code maritime et aux règles du monde civilisé »456. Assez curieusement ces propos restent d’actualité quand bien même les « pirates » auraient laissé place « aux voyous des mers ».
2651476. En présence d’une catastrophe écologique, le droit international prévoit la réparation du préjudice immédiat, celui qui est subi directement par l’État, mais aussi celui du préjudice médiat subi par les ressortissants de cet État. Selon une constante du droit de la responsabilité, ce préjudice doit être direct, c’est-à-dire qu’il doit nécessairement découler de l’acte illicite. Il suffit de démontrer que les préjudices subis par la population sinistrée sont reliés par un rapport de cause à effet à une carence de l’État dans l’exercice de ses obligations de contrôle et de surveillance pour que son préjudice soit réputé direct.
2661477. Parce que la responsabilité internationale des États relève du contentieux inter- étatique, les victimes privées doivent nécessairement avoir recours à l’institution de la protection diplomatique. Par l’entremise de cette institution, l’État peut endosser la réclamation de ses nationaux. Toutefois, il ne prétend pas obtenir réparation pour les dommages subis par les victimes privées, mais pour l’atteinte portée à son droit juridiquement protégé de faire respecter les garanties offertes par le droit international à ses ressortissants dans les relations avec d’autres États.
2671478. Dans le cas d’une pollution majeure résultant du transport maritime, l’État paraît lésé à un double titre. Son territoire est souillé, son droit de voir ses ressortissants jouir des richesses de la mer en toute sécurité est atteint. Toutefois, les deux préjudices médiat et immédiat se confondent. Dès lors, un État lésé pourrait a priori demander réparation de son préjudice à un État de complaisance qui aurait eu un rôle déterminant dans la réalisation de celui-ci. Encore faudrait-il pour cela qu’il en fasse la demande. Ces hypothèses sont, somme toute, rarissimes. On notera l ‘initiative du gouvernement indonésien de solliciter les autorités japonaises aux fins d’obtenir réparation des dommages causés par l’échouement du pétrolier japonais Showa Maru, le 6 janvier 1975, dans le détroit de Malacca457.
2681479. Bien optimiste serait à notre sens, celui qui tablerait sur une généralisation ou même une répétition d’un paiement ex gratia comparable à celui consenti à des pêcheurs japonais par le gouvernement du Libéria en 1974 pour des dommages consécutifs à l’échouement du pétrolier Juliana458. On notera en outre, que cette indemnisation directe, librement consentie, ne saurait être assimilée sur le plan juridique à une reconnaissance de responsabilité.
2691480. La sanction la plus sévère que l’on puisse imaginer de prononcer à l’encontre d’États du pavillon ne respectant pas leurs obligations serait l’annulation de la reconnaissance de leur autorité. Les navires sous-norme seraient dès lors contraints aux risques et périls de leur propriétaire de se faire immatriculer sous le pavillon d’autres États plus dignes de confiance. Cette solution ô combien radicale évoquée à demi mot dans le Rapport Donaldson459, pourrait être, toutefois, difficile à mettre en œuvre.
2701481. Sans tenter de procéder à un recensement exhaustif des solutions envisageables, il semblerait que la réflexion puisse s’orienter dans deux directions. En premier lieu, il y aurait semble-t-il une façon radicale d’éradiquer le phénomène de la complaisance. Il s’agirait d’appliquer rigoureusement l’article 91 de la Convention des Nations- Unies sur le droit de la mer. Cet article stipule qu’il doit exister un « lien substantiel »460 entre le propriétaire d’un navire et la nationalité de son pavillon. En d’autres termes, on ne saurait tolérer qu’un navire puisse arborer un pavillon différent de celui de la nationalité de son propriétaire461.
2711482. Toutefois à la lecture de l’arrêt Saïga462 rendu par le Tribunal international de la mer463, il est permis de se demander s’il ne convient pas de s’engager plus radicalement sur la voie d’une réforme de la Convention sur le Droit de la Mer464. Dans l’espèce précitée, le Tribunal international de la mer a été confronté à la question du lien effectif d’un État avec un navire auquel il avait accordé son pavillon. La Guinée constatant que ce navire était passé en très peu de temps du pavillon maltais au pavillon de Saint-Vincent, contestait l’effectivité du lien. En choisissant de ne pas interpréter la condition posée à l’article 91 de la Convention des Nations-Unies sur le Droit de la Mer comme une condition constitutive de la nationalité du navire, alors que cette argumentation était juridiquement concevable, le Tribunal n’a pas saisi l’opportunité qui lui était offerte de pouvoir conférer un contenu à la notion de lien substantiel465. Ce faisant, il a anéanti tout espoir pour un État tiers d’exciper de l’inopposabilité d’une nationalité dépourvue de tout lien substantiel466.
2721483. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 14 juin 2004 à propos de l’affaire de l’Erika467 paraît suggérer une autre piste. C’est à notre sens la plus réaliste de toutes. Il s’agirait de soutenir qu’en présence d’un navire sous pavillon de libre immatriculation, l’acte d’immatriculation aurait une nature hybride. En effet, si l’immatriculation est assurément un acte de puissance publique, elle est également pour ne pas dire principalement un acte de commerce car il s’agit ni plus ni moins pour un État de « monnayer » son pavillon468.
2731484. Cette possibilité de démembrer l’acte d’immatriculation est lourde de conséquences. Si on le considère comme un acte de puissance publique, l’État soupçonné de complaisance peut invoquer l’immunité ; en revanche si on l’assimile à un acte de commerce, l’État perd toute protection et encourt le risque, au même titre qu’une personne privée, de voir engager sa responsabilité. Or précisément, dans le cas d’espèce que constitue l’affaire de l’Erika ainsi que le souligne M. P. Blin469 « l’immatriculation sous le pavillon de Malte intervient vingt-deux ans après la construction du navire. Si elle consiste pour une part dans un acte de puissance publique exercé par l’Autorité du pavillon de Malte, elle semble procéder, en priorité, d’une opportunité commerciale, à la fois de la part de l’armateur, à la recherche de conditions économiques d’exploitation du navire, et de l’Autorité Maritime de Malte qui au travers de l’immatriculation poursuit une activité lucrative de perception de droit d’enregistrement ». Si une perche a été tendue par l’Agence Judiciaire du Trésor en direction de la Chambre d’instruction pour tenter de la convaincre de cette logique commerciale, elle n’aura toutefois pas été saisie en l’absence d’éléments probants suffisants470. L’adhésion à l’Union européenne pourrait-elle alors représenter une autre source de financement plus respectable471 ?
2741485. Dans la négative, faudra-il se résoudre à attendre une autre catastrophe pour retenter l’expérience ? Nous ne le pensons pas. En l’état actuel du droit, toute tentative en ce sens paraît d’emblée vouée à l’échec. Pour qui n’en serait pas convaincu, il suffira de se reporter à l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 23 novembre 2004. Dans un attendu de principe particulièrement expressif, la juridiction suprême rappelle que « la coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d’un État étranger s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’État ainsi qu’à leur agent en raison d’actes, qui comme en l’espèce-délivrance au pétrolier Erika et à la société Panship, gestionnaire du navire, des certificats du pavillon de Malte- relèvent de la souveraineté de l’État concerné »472.
2751486. Aussi, face à ce qui apparaît bien comme une impasse, la seule issue réside dans une modification de la Convention de Montego Bay, désormais inadaptée aux réalités économiques de la mondialisation473. Dans l’attente d’une initiative en ce sens, il reste permis de convaincre du bien-fondé d’une telle démarche. A l’instar de Monsieur Ph. Boisson, nous pensons que l’exception d’immunité qui empêcherait toute action judiciaire à l’égard d’un État est « particulièrement choquante dans le domaine de la sécurité maritime où l’État du pavillon ne devrait pas avoir la possibilité de s’abriter derrière son immunité souveraine lorsque ses défaillances empiètent sur le droit des autres »474. Cette immunité est d’autant plus choquante lorsqu’il existe un « lien direct de causalité entre la catastrophe et l’absence de contrôle effectif par l’État du pavillon » note le Pr J.-P. Queneudec475. Or, ce lien pourrait bien souvent être rapporté.
2761487. Il n’en reste pas moins ainsi que le note A. Kiss476 que si, au premier abord la responsabilité de l’État s’analyse essentiellement comme une responsabilité d’inspiration civiliste, c’est-à-dire pour l’heure essentiellement tournée vers la réparation des dommages subis, elle doit aussi s’entendre de la violation d’une norme régissant son comportement. Il s’agit alors de mettre l’accent sur l’instauration d’un ordre public mondial, en d’autres termes de se focaliser sur le caractère publiciste de la responsabilité. Dans cette seconde acception, il importe peu de savoir si l’acte ou l’omission violant un traité a causé ou non un dommage477. Le préjudice existe du seul fait que la législation internationale a été violée sans qu’il soit nécessaire d’en examiner les conséquences478. L’intérêt de reconnaître « un préjudice juridique »479 résiderait alors dans la possibilité d’offrir un droit d’action à tous les États fondamentalement concernés par le devenir de la collectivité, alors que ce droit est pour l’heure réservé au seul État matériellement ou moralement lésé480. Ce faisant, ce sont les intérêts de la Communauté internationale, dans son entier481, que l’on pourrait espérer protéger notamment contre les États distributeurs de pavillons de complaisance. Il n’en resterait pas moins que cette possibilité resterait subordonnée à l’établissement d’un lien de causalité entre le dommage causé et l’omission de contrôle. Si la tâche parait ardue482, elle ne semble, toutefois, pas impossible.
2771488. Les voies de droit susceptibles de conduire à une mise en cause effective de la responsabilité des États de complaisance existent donc, nous en avons recensées quelques unes que nous avons agrémentées de quelques propositions doctrinales. La volonté de les emprunter est définitivement placée sous le sceau du politique. Le joug est si fort qu’il n’est pas irréaliste de se demander si la lutte contre les pavillons de complaisance n’est pas de ce seul ressort.
2781489. Est-ce alors à dire que l’acceptation de l’acquis communautaire par les États de Malte et de Chypre pourrait sonner le glas des pavillons de complaisance, en Europe, au moins ? A l’instar de certains commentateurs, nous pensons que la réponse à une telle question appelle la nuance. Ainsi que cela a été souligné, « les contraintes de la concurrence internationale et le déclin du transport maritime en Europe ont conduit bon nombre d’États européens à adopter une forme de libre immatriculation avec les pavillons bis et les registres internationaux »483. Enfin, il convient aussi de se souvenir que « la Grèce, une des premières flottes mondiales demeure la plus représentative des flottes européennes sous complaisance »484…
CONCLUSION DU CHAPITRE I
2791490. « Même lorsque les fautes apparaissent à la lumière, un nombre surprenant d’entre elles n’entraîne aucune responsabilité »485 constatait Tunc. Parce que « la tendance à l’élimination progressive de l’idée de faute et par la-même la disparition du sens de la responsabilité individuelle »486, a eu pour corollaire, le développement d’une plus grande négligence, il importe de la restaurer.
2801491. Une telle initiative pourrait plus largement participer d’une volonté de remettre en ordre la responsabilité civile. Mais que l’on ne s’y trompe pas la « restauration de la faute n’ira pas sans une restauration du sens véritable du mot »487 Les catastrophes écologiques d’origine maritime, loin d’être l’expression d’une certaine fatalité qui s’accommoderait d’une causalité linéaire établie à partir d’un acte isolable résultent, nous l’avons montré, de la cristallisation de plusieurs actions ou abstentions. Chacun des maillons de la chaîne représenté par un acteur du transport maritime, paraît, à son niveau avoir fait montre de faiblesse et avoir ainsi contribué à la catastrophe. Nombre de dommages graves résultent d’une conjonction d’actes qui auraient pu rester anodins pris isolément.
2811492. La théorie du risque tend, précisément, à entretenir le principe de virtualité de la faute, laquelle doit s’analyser comme une conséquence de l’emprise du collectif dans le droit de la responsabilité civile extra-contractuelle488. Elle apparaît désormais nettement contre-productive, car précisément elle tend à rendre insignifiante la part de responsabilité des acteurs autres que ceux désignés. Dès lors, la recherche méticuleuse et parfois laborieuse des fautes de chacun des acteurs de la chaîne du transport maritime, fussent-elles infimes, doit être entreprise. Les États eux-mêmes ne devraient plus pouvoir rester en dehors de cette logique. Il y va de la prévention des accidents et plus largement de la préservation de la sécurité environnementale. Car précisément, s’attacher à recenser chacune des fautes susceptibles d’avoir conduit à la catastrophe témoigne déjà d’une démarche, d’une volonté de compréhension du phénomène accidentel et donc nécessairement de sa prévention.
2821493. Toutefois, cette première initiative en suggère une seconde, susceptible de conférer à l’ensemble sa cohérence. En effet, si une meilleure identification des comportements maritimes à risques ne peut se concevoir sans une nécessaire revalorisation de la responsabilité aquilienne, autrement dit une résurgence de la faute, leur prévention pourrait conduire à réactiver sa fonction normative. En d’autres termes, cela pourrait signifier que tout en s’attachant à identifier à titre individuel les comportements maritimes à risque, il conviendrait dans un effort de conceptualisation de cerner des principes de conduite pouvant mener à terme à leur prévention.
Notes de bas de page
1 V. en ce sens REMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation (collectivisation du risque), précit, p. 305.
2 CAILLOIS (R.), Circonstancielles, Gallimard, citation extraite du Dictionnaire des citations, Larousse, par R. CARLIER, 2001.
3 KERVERN (G.-Y.), L’éthique cyndinique, op.cit., p. 61, Le terme « cyndiniques » vient du grec danger « Kindunos ».
4 Nous reprenons ici la définition donnée par le dictionnaire le Nouveau petit Robert.
5 KERVERN (G.-Y.), L’éthique cyndinique, Risques n° 18, avril-juin 1994, p. 61, spéc. p. 64.
6 BERGSON (H.), Les deux sources de la morale et de la religion, PUF.
7 RAYNAUD (P.), préface à la thèse de DORSNER-DOLIVET (A.), Contribution à la restauration de la faute, condition des responsabilités civile et pénale dans l’homicide et les blessures par imprudence : à propos de la chirurgie, L.G.D.J., 1986.
8 RADE (C.), Réflexion sur le fondement de la responsabilité civile, 2- Les voies de la réforme : la promotion du droit à la sûreté, D. 1998, p. 323.
9 Cf. nos développements sur le droit nucléaire, n° 145.
10 Cela est plutôt surprenant, selon les professeurs P. DAILLET et A. PELLET. Ces derniers notent que « le droit international de l’environnement remet profondément en cause les règles traditionnelles de la responsabilité internationale » in Droit international public, LGDJ, 2002, n° 734.
11 DAILLET (P.) et PELLET (A.), ibid.
12 GUETTIER (C.), La responsabilité en droit administratif, in Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004-2005, n° 112.
13 LE TOURNEAU (Ph.), La verdeur de la faute dans la responsabilité civile, R.T.D. civ. 1988, p. 505.
14 PIERRE (Ph.), Rapport introductif, in Actes du colloque La responsabilité pour faute organisé par le Centre de droit de la responsabilité de l’Université du Maine, CRDUM et le Centre de recherche en droit privé de Tours. (CRDP), Resp.civ. et assur., juin 2003, p. 35, spéc. p. 35.
15 RICOEUR (P.), Le concept de responsabilité, Essai d’une analyse sémantique, Esprit, nov. 1994, p. 65, spéc. p. 79.
16 RADE (C.), V. Faute, précit., p. 706.
17 RADE (C.), Réflexions sur les fondements de la responsabilité civile, 1. L’impasse, D., 1999, p. 313.
18 BAUDOUIN (J.-L.), La responsabilité civile délictuelle, Ed. Yvon Biais inc., 3ème éd., 1990, p. 53.
19 ESMEIN (P.), Le fondement de la responsabilité contractuelle, R.T.D. civ., 1933, 627.
20 SAVATIER (R.), Traité de la responsabilité civile en droit français, LGDJ, Paris 2ème éd., 1951, n° 280.
21 TUNC (A.) et VINEY (G.), L’évolution du droit français de la responsabilité civile, Journées de la société de la législation comparée, 1992, p. 123. spéc. p. 124.
22 RICOEUR (P.), Le concept de responsabilité, Essai d’une analyse sémantique, précit., p. 77.
23 La notion à elle seule pourrait motiver la rédaction d’une thèse., V. not. RABUT (A.), La notion de faute en droit privé, thèse, Paris, 1946, LGDJ, 1948. Dans l’appendice de son ouvrage, l’auteur a recensé un certain nombre de définitions de la faute.
24 MAZEAUD (H. et L.), Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. I, 6ème éd. 1965, par TUNC (A.), Montchrestien, n° 380.
25 V. GAZZANIGA (J.-L.), Note sur l’histoire de la faute, Droits, 5, 1987, p. 17.
26 RADE (C.), V. Faute, in Dictionnaire de la culture juridique, sous la direction de D. ALLAND et S. RIALS, PUF, 2003, p. 706. spéc. p. 707.
27 RADE (C.), V. Faute, ibid. spéc. p. 707.
28 V. en ce sens les définitions de MAZEAUD (H. et L) Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, par TUNC ( A.), précit., n° 388, et de G. VINEY, La responsabilité : conditions, n° 444.
29 V. en ce sens DEMOGUE (R.), Traité des obligations en général, A. Rousseau, t. III, n° 225 ; dans le même sens V. LALOU, Traité pratique de la responsabilité civile, qui évoque un « acte fait sans droit contre le droit d’autrui », cité par A. RABUT dans l’appendice précit.
30 V. en ce sens DARBELLAY (J.), Théorie générale de l’illicéité, Fribourg, 1955.
31 V. en ce sens RIPERT et BOULANGER, Traité de droit civil, t. 2, n ° 899, p. 332
32 Traité de la responsabilité civile, 2ème éd., t. I, n° 4.
33 MAZEAUD (H. et L.) Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, par TUNC (A.), précit., n° 380.
34 MALAURIE (Ph.) et AYNES (L.) et STOFFEL-MUNCK (Ph.), Droit civil-Les obligations, Defrénois, 2003, n° 52.
35 10 Sur ce point V. not. ESMEIN (P.), La faute et sa place dans la responsabilité civile, R.T.D. Civ., 1949, p. 141. L’auteur témoigne de ce fort attachement de la faute à la morale en soulignant que « dans son acception chargée du sens le plus lourd, la faute éveille des sentiments qui pour un Français sont depuis des siècles liés au mot pêché », spéc. p. 481. Sur cet attachement de la faute à la morale V. aussi DORSNER-DOLIVET (A.), Contribution à la restauration de la faute, condition des responsabilités civile et pénale dans l’homicide et les blessures par imprudence : à propos de la chirurgie, Préf. P. Raynaud, LGDJ, 1986, spéc. n° 460 et s.
36 V. en ce sens JOURDAIN (P.), Droit à réparation, responsabilité fondée sur la faute, Notion de faute : contenu commun à toutes les fautes, précit., spéc. p. 7.
37 V. en ce sens la définition de SAVATIER, cité par P. JOURDAIN, Droit à réparation, responsabilité fondée sur la faute. Notion de faute : contenu commun à toutes les fautes, précit., p. 7. « La faute est l’inexécution d’un devoir que l’agent pouvait prévoir et observer ».
38 RADE (C.), V. Faute, précit., spéc. p. 707., sur la notion de faute objective nous renvoyons à MAZEAUD (H.), La faute objective et la responsabilité sans faute, D., 1985, Chron. p. 13.
39 V. not. Cass. ass. plén., 9 mai 1984, D., 1984, jur. p. 525, Concl. CABANNES (J.), note CHABAS (F.).
40 V. en ce sens, DORSNER-DOLIVET (A.), Contribution à la restauration de la faute, condition des responsabilités civile et pénale dans l’homicide et les blessures par imprudence : à propos de la chirurgie, précit., n° 461.
41 MAZEAUD (H. et L.), Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. I, 6ème éd. 1965, par A. TUNC, Montchrestien, p. 16.
42 V. en ce sens JOURDAIN (P.) Droit à réparation, responsabilité fondée sur la faute, Notion de faute : contenu commun à toutes les fautes, précit., spéc. p. 4.
43 En droit français, c’est sans doute DOMAT qui le premier affirmera nettement que le dommage causé par une faute doit être réparé. V. Les lois civiles dans leur ordre naturel, L. III, T. V.
44 Selon le Professeur LAMBERT-FAIVRE (Y.), « La faute ne saurait être objective : elle est subjective où elle n’est pas » in L’éthique de la responsabilité, RTD civ. (1), 1998 p. 6.
45 RICOEUR (P.) Le concept de responsabilité, Essai d’une analyse sémantique, précit, p. 78.
46 DELPOUX (Cl.), Assurance et responsabilité : un couple en crise, Risques, n° 10, 1992, pp. 7985, spéc. p. 82.
47 WIDMER (P.), Fonction et évolution de la responsabilité pour risque, RDS, 1977, p. 417.
48 WIDMER (P.), ibid, p. 421.
49 Cité par WIDMER (P.), ibid, p. 433.
50 WIDMER ( P.), ibid., p. 432.
51 WIDMER (P.), ibid., p. 433.
52 ARHAB (F.), Les nouveaux territoires de la faute, Resp. civ. et assur., 2003/6, 43, spéc. p. 32.
53 LE TOURNEAU (Ph.), Des métamorphoses contemporaines et subreptices de la faute subjective, in Les métamorphoses de la responsabilité, 6èmes journées René Savatier, PUF, 1998, p. 19.
54 STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, précit., spéc. p. 497.
55 Cette appellation a été suggérée par de MAILLARD (J. et C.), La responsabilité juridique, Dominos, Flammarion, 1999, p. 51.
56 Sur cette notion V. de MAILLARD (J. et C.), ibid., p. 51.
57 De MAILLARD (J. et C.), ibid., p. 51.
58 KIRAT (T.), Economie du droit, La Découverte, 1999, p. 89. Pour une illustration de cette idée, nous renvoyons à nos développements relatifs à la fonction normative de la responsabilité n° 1494.
59 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004-2005, n° 22.
60 FLOUR (Y.), Faute et responsabilité civile : déclin ou renaissance ?, Droits - 5, 1987, p. 29.
61 RIPERT (G.), Le régime démocratique et droit civil moderne, 2ème éd. 1948, p. 378.
62 On notera que les prémices d’une telle réorientation ont été très tôt décelées par le Professeur G. VINEY, V. not. Responsabilité personnelle et répartition des risques, APD, 1977, tome 22, p. 5.
63 Sur cette idée V. VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 461.
64 V. en ce sens MILLET (F.), La notion de risque et ses fonctions en droit privé, précit., p. 511.
65 V. en ce sens VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, précit., p. 39.
66 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004-2005, n° 26.
67 COUSY (H.), Evolution comparée des droits européens de la responsabilité, Risques, n° 10 -avril-juin 1992, p. 48.
68 FLOUR (Y.), Faute et responsabilité civile : déclin ou renaissance ?, Droits - 5, 1987, p. 29, spéc. p. 38.
69 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 245.
70 RICOEUR (P.), Le concept de responsabilité Essai d’une analyse sémantique, Esprit, nov. 1994, pp. 65-85.
71 Ibid., spéc. p. 79.
72 Ibid., spéc. p. 67.
73 V. FASQUELLE (D.), L’existence des fautes lucratives en droit français, LPA du 20 nov. 2002, p. 27 ; V. aussi SAVATIER (R.), Personnalité et dépersonnalisation de la responsabilité civile, in Mélanges de droit d’histoire et d’économie offerts à Marcel LABORDE-LACOSTE par ses collègues, ses élèves et ses amis, Bordeaux éd. BIERE.
74 SAVATIER (R.), Vers la socialisation de la responsabilité et des risques individuels, D., 1931, chro., p. 9.
75 Hypothèse mise à part de la faute inexcusable.
76 CARBONNIER (J.), Les biens, PUF 1978, n° 59 p. 206.
77 Ibid.
78 VIALARD (A.), Droit maritime, op.cit., n° 82.
79 LE GRAND (J.-F.), Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, Rapport précit., p. 79.
80 4De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit., p. 346.
81 HUGLO (C.), A propos de l’insécurité maritime..., La lettre du Juris-Classeur de l’Environnement, décembre 2000, p. 1.
82 DELPOUX (Cl.), Assurance et responsabilité : un couple en crise, Risques n° 10, 1992, pp. 7985, spéc. p. 82.
83 LAMBERT-FAIVRE (Y.), L’éthique de la responsabilité, RTD civ. (1) 1998, pp. 1-22.
84 Ce concept est emprunté à la philosophie. Il a été forgé par Hannah ARENDT pour réfléchir aux enchaînements multiples qui ont conduit au génocide nazi, en terme de causalité et de responsabilité.
85 V. en ce sens GRELLET (L.), Faut-il réformer les systèmes d’investigation ?, DMF, 2001, pp. 291-307, V. spéc. p. 303. L’auteur insiste sur le fait qu’il importe de dissocier la recherche des causes de celle des responsabilités. « La recherche des responsabilités n’est pas et ne doit pas être du domaine de l’expertise judiciaire ». V. aussi CADIET (L.), L’expertise dans les sinistres maritimes, Rapport final, VIIIème Journée Ripert, DMF, 2001, 710-307.
86 REMOND-GOUILLOUD (M.), Evénements de mer et responsabilité, ADMA, 1998, pp 187193, spéc. p. 192.
87 La responsabilité de l’affréteur fera l’objet de développements particuliers dans le cadre du chapitre suivant.
88 Nous songeons ici essentiellement à l’Erika et au Prestige, et à un degré moindre au Ievoli sun.
89 V. en ce sens TASSEL (Y.), Propriétaires et affréteurs de navires : droits et devoirs, ADMA, 2002, p. 141.
90 V. en ce sens VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op. cit. p. 446.
91 V. en ce sens VIALARD (A.), ibid., op. cit. p. 447.
92 S’agissant d’un transport de marchandises dangereuses, on peut notamment songer à un manquement à une obligation de soin renforcée à l’égard de la marchandise. Il peut s’agir d’une faute d’emballage, ou de marquage, ou même encore à un manquement à une obligation légale d’information renforcée en droit maritime.
93 au premier chef desquels l’Erika.
94 Pour une analyse approfondie de ces phénomènes de mutations, V. CORBIER (I.), La notion juridique d’armateur, précit., et nos développements supra n° 152.
95 ODIER (F.), Evolution de la notion de responsabilité en droit maritime, précit., p. 38.
96 On citera parmi les modalités de financement utilisées : le recours au financement quirataire comme en Allemagne où la propriété du navire est divisée en différentes parts ; le recours à un financement par une banque qui en échange d’une inscription hypothécaire finance l’acquisition ou encore le recours à une location- vente entre un chantier et un armateur.
97 V. en ce sens VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op. cit., p. 446.
98 P. CHAUMETTE cité dans l’introduction de l’avis sur les conditions de travail et d’emploi des marins de la marine marchande présenté par Mme C. BATTUT, rapporteur au nom de la section du travail, in Avis sur les causes et les conséquences du naufrage du pétrolier Erika adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 29 mars 2000.
99 CLÉMENT (J.R.), La prise en compte du facteur humain par la gestion de la sécurité et de la prévention de la pollution, IMTM, 1991, pp. 91-100.
100 Dicton rapporté par VALOIS (Ph.), Le transport du pétrole par mer, CELSE, éditeur du transport et de la logistique, 1999.
101 REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit et prévention, Risques, n° 4, janv. 1991, p. 109-114, spéc. p. 113.
102 V. en ce sens LABESCAT (J.) Mer cruelle, in Compte-rendu des rencontres scientifiques internationales, 20ans après l’Amoco- Cadiz-Brest - 15-17 octobre 1998 p. 474.
103 REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit et prévention, Risques n° 4, janv. 1991, p. 109-114, spéc. p. 113.
104 Ibid.
105 V. en ce sens, CARBONNIER (J.), Droit civil, 4 - les obligations, précit., n° 85.
106 Cette hypothèse est celle de la « faute nautique ». Cette notion paraît diviser la doctrine. Pour certains auteurs, elle serait moribonde ; V. en ce sens MOLFESSIS (N.), Requiem pour la faute nautique, Etudes de droit maritime à l’aube du xxième siècle, Mélanges offerts au Professeur Pierre Bonassies, préc., p. 207 et s. pour d’autres elle serait insupportable ; V. en ce sens SCAPEL (C.), L’insupportable faute nautique, Dirrito maritimo, 1993, p. 322, pour d’autres enfin elle devrait être préservée, V. en ce sens CORBIER (I.), La faute nautique, une notion à préserver, Liber amicorum Roger Rolland, Larcier, 2003, p. 85 et s.
107 On retrouve une disposition comparable dans la Convention SNPD, cf. Art. 7 al 5. a.
108 CALAIS-AULOY (M.-Th.), Ne peut-on pas se passer de faute en matière de responsabilité ? La causalité humaine, LPA 1991, n° 137, p. 11.
109 CONTE (Ph.) et MAISTRE DU CHAMBON (P.), La responsabilité civile délictuelle, coll. Le droit en plus. PUG, 1991, spéc. p. 68.
110 BAUDOIN (J.), La responsabilité civile, op. cit., n° 605.
111 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7492.
112 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7495.
113 V. en ce sens les observations du Professeur J.-L. BAUDOIN à propos de l’article 1463 du Code civil de Québec, pendant de notre article 1384 alinéa 5. in La responsabilité civile, op. cit., n° 605.
114 ROMANI (A.-M.), La faute et la responsabilité objective du fait d’autrui, LPA 2002, n° 150, p. 4 ; RADE (Ch.), La résurgence de la faute dans la responsabilité civile d’autrui, Resp.civ ; et assur., Juillet-Août 2004, p. 6.
115 Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, précit., n° 807.
116 Les auteurs précités ont recensé un certain nombre d’arrêts, V. not., Civ.,2ème 15 mars 1956, JCP, 1956. II. 9297, note EISMEIN (P.), Civ. 2ème, 11 mai 1956, D. 1957, p. 121, note RODIERE (R.).-Civ. 1ère, 13 nov. 1968, Bull. civ., I, n° 276.- Civ. 2ème 21 oct. 1966, Bull. civ., II, n° 862- Civ. 2ème, 8 oct. 1969, Bull.civ. II, n° 269., Civ. 1ère, 9 juin 1993, Bull. civ., I, n° 209, p. 146.
117 BANNES (F.), La responsabilité civile pour dommages pétroliers en Droit comparé français et américain, Aix-Marseille, 1995, spéc. p. 25.
118 Art. 22 du décret du 31/ 12/ 1966.
119 Certaines décisions à la suite de l’arrêt Costedoat évoquent le seul fait du préposé engageant la responsabilité du commettant, V. not. Cass. 2ème civ., 24 oct. 2002, Resp.civ. et assur. 2003, n° 3.
120 LE TOURNEAU (Ph.) et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, précit., n° 7519.
121 Cass. req. 19 fév. 1866, S., 1866, 1, 214. V. plus récemment CA Aix-en-Provence, 4 janvier 2000, Gaz. Pal. 2000, 2, somm. 1722 affirmant qu’il convient de rechercher en l’espèce si le préposé de l’association a commis une faute à l’origine du dommage, contra VINEY (G.) et JOURDAIN (P.), Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, 2ème éd., n° 808.
122 CA Paris, 9 déc. 2002, Resp.civ.et assur. 2003, n° 91, note RADE (Ch.).
123 RADE (C.), La résurgence de la faute dans la responsabilité du fait d’autrui. RCA, 2004, juillet-août 2004, p. 6. La deuxième chambre civile dans deux arrêts du 8 avril et 13 mai 2004 a subordonné la condamnation du commettant et du responsable du fait d’autrui à la preuve d’une faute commise par l’auteur du fait dommageable. V. aussi ROMANI (A.-M.) La faute et la responsabilité objective du fait d’autrui, LPA 2002, n° 150, p. 4.
124 RADE (Ch.), ibid., p. 8.
125 Pour des suggestions V. les observations du Professeur C. RADE, précit., p. 8 . La Cour de cassation pourrait se trouver devant une option. Elle pourrait choisir de subordonner l’action contre le commettant à la preuve d’une faute commise par le préposé tout en interdisant à la victime d’agir contre ce dernier. Elle pourrait aussi mettre en échec la solution issue de la jurisprudence Costedoat et autoriser la victime à agir directement contre l’auteur du fait dommageable qui a commis une faute.
126 Cass. ass. plén. 25 février 2000, CostedoatD. 2000, 673, note BRUN (Ph.) ; JCP. G. 2000, II. 10295, concl. KESSOUS, note BILLIAU ; Gaz. Pal. 2000, 2, 1462, note RINALDI.
127 Cass. ass. plén., 14 déc. 2001, Cousin, D. 2002, 1230, note JULIEN (J.), D. 2002, som. 1317, obs. MAZEAUD (D.).
128 BILLAU (M.), note sous C. cass., Ass. plén., 25 fév. 2000, J.C.P. 2000, II, 10295, p. 750.
129 Nous n’approfondirons pas ici cette question. Sur cette notion V. VINEY (G.) La responsabilité personnelle du préposé, in Etudes à la mémoire de Christian LAPOYADE-DESCHAMPS, précit., p. 83. L’auteur note que deux types d’orientation peuvent être retenus pour apprécier la faute personnelle du préposé : celle qui consiste à apprécier le lien effectif de la faute avec la mission confiée au préposé et celle qui s’attache à la gravité de la faute, un certain seuil de culpabilité étant jugé incompatible avec l’irresponsabilité personnelle.
130 ODIER (F.), Responsabilité du capitaine, ADMA, 1993, pp. 293-298.
131 Art. 49.
132 GARRON (R.), La responsabilité personnelle du capitaine du navire, Préf. P. BONASSIES, Librairies techniques, 1966, cité par ODIER (F.), Responsabilité du capitaine, ADMA, 1993, pp. 293-298, spéc. p. 296.
133 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7518.
134 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7576.
135 Cité par ODIER (F.) op.cit., p. 295.
136 GARRON (R.), La responsabilité personnelle du capitaine du navire, préf. P. BONASSIES, Librairies techniques, 1966.
137 Cité par ODIER (F.), précit., p. 294.
138 Art. 7 de la loi de 1969.
139 D. 1951.717.
140 BONASSIES (P.), Aspects nouveaux de la responsabilité du capitaine, D.M.F, 2002, pp. 3-13, spéc. p. 8.
141 International Safety Management code
142 REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, préf. P. Bonassies, PUAM, 2003, p. 235.
143 D. 2000. 673, JCP. II. 10295.
144 Ibid.
145 Aspects nouveaux de la responsabilité du capitaine, D.M.F, 2002, spéc., p. 10.
146 Au terme du § 4 de l’article III de la Convention CLC.
147 REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, précit., p. 234. Dans son rapport sur l’accident du Braer, Lord Donaldson a regretté le fait que le capitaine ne soit plus le seul décideur, ce qui est particulièrement dangereux dans une situation de crise. Un temps précieux peut être gaspillé dans la recherche de l’autorité ayant compétence pour agir. Il est, en outre, souhaitable que la liberté de manœuvre du commandant ne soit pas altérée par des injonctions de l’armateur en terme de route. Or, dans les faits, la protection des intérêts financiers considérables qui se trouve provisoirement confiée au capitaine encourage ce type d’initiatives.
148 REMOND-GOUILLLOUD (M.), Droit et prévention, Risques, n° 4, janvier 1991, p. 109, spéc., p. 113
149 Slalom entre les récifs de Seven rocks et le Cap Saint-Martin.
150 Chronique des faits internationaux, RGDIP 1967, 2, p. 1093.
151 REMOND-GOUILLLOUD (M.), Droit et prévention, Risques, n° 4, janvier 1991, p. 109, spéc. p. 113.
152 LABESCAT (J.), Mer cruelle, précit.
153 V. RIALS (S.) évoquant la théorie développée par M. Stassnopoulos in Le juge administratif français et la technique du standard, LGDJ 1980, spéc. n° 184.
154 sur la notion d’inaptitude professionnelle, cf. PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), Droit du travail, Dalloz, 21ème éd., 2002, spéc. p. 358. 1.
155 Art. L. 122-4 et s., R. 122 et s. ; D. 122-1 et s.
156 Soc. 21 fév. 1980 : B, V, n° 174 cité par JAVILLIER (J.-C.), Droit du travail, LGDJ, 7ème éd. 1999 n° 250. Le Code du travail voit dans l’incompétence professionnelle un motif de licenciement réel et sérieux.
157 Pour un exemple de responsabilité de l’armateur pour le recrutement d’un capitaine incompétent, V. C. A Montpellier (3ème Ch.corr.) 4 novembre 2004, Navire (Pilotine) Brescou, DMF, 2005, 713 obs. CORBIER (I.).
158 V. RADE (Ch.), Droit du travail et responsabilité civile, préf. J. HAUSER, L.G. D. J., 1997, spéc. n° 218.V. notamment la jurisprudence citée par cet auteur, Cass. civ. 2ème, 10 janvier 1968, Bull. civ. II, n° 8.
159 Le Tribunal de commerce de Paris a ainsi pu condamner le propriétaire d’un navire parce qu’il avait choisi un capitaine incompétent. Le capitaine bien que titulaire du diplôme requis avait montré au cours des événements un manque de connaissance de la mer et du navire. Cela suffisait à démontrer que le recrutement avait été fautif ; un armateur, un industriel, ou un entrepreneur n’engageant pas pour diriger un navire n’importe quel titulaire d’un diplôme apprécié, Trib. com. de Paris, 23 avril 1975, Sea Star, DMF 1975, p. 620.
160 Ainsi, dans l’affaire de l’Exxon Valdez, le jury américain a considéré que le groupe pétrolier avait agi avec témérité en recrutant un capitaine notoirement alcoolique.
161 Le Rapport de Lord Donaldson souligne expressément ce type de risque. cf. § 8. 42.
162 WHITE (R.), The human factor in Unseaworthiness Claim (1995) LMCLQ, p. 221, spéc. p. 223
163 The Makedonia, (1962) 1 Llyod’sRep. p. 316.
164 Ibid.
165 Trib. com. de Paris, 23 avril 1975, Sea Star, DMF 1975, p. 620. V. aussi à propos de l’affaire de l’Heideberg à propos de laquelle la Cour de Hambourg souligne que le juge peut fort bien retenir la faute d’un débiteur (en l’occurrence celle de l’armateur) alors même qu’il prouverait avoir respecté les dispositions réglementaires sur la sécurité. AUCHTER (G.), Droit maritime étranger. République fédérale d’Allemagne, Jurisprudence récente, DMF 1995, p. 778.
166 DOR et SIESSE, De la responsabilité personnelle de l’armateur, Rev. Dor, 1934, p. 27.
167 V. en ce sens JAVILLIER (J.-C.), Droit du travail, précit., n° 141.
168 Cf. l’affaire du Don José rapportée in American Maritime Cases, 1973, 2241. Dans cette espèce, le juge a refusé au propriétaire la possibilité de limiter sa responsabilité, dans la mesure où l’équipage n’était pas entraîné à lutter contre l’incendie, pouvant survenir à bord de ce genre de navire. Ce défaut d’entraînement ayant causé la perte du navire et des marchandises.
169 BONASSIES (P.), États-Unis d’Amérique, la décision « Amoco Cadiz », DMF 1984 p. 688, spéc. p. 695.
170 16 Asp M.L.C. 273 ; (1924) A.C. 100.
171 Court of appeal, 2 avril 1965, Llyod’s List Law Reports 1965.1. 335.
172 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, V. surveillance, précit.
173 MARTINEAU-BOURGNINAUD (V.), L’obligation contractuelle de surveillance, LPA du 3 mai 2001 p. 4.
174 The Lady Gwendolen, Llyod’s List Law Reports 1973, V.1, p. 335.
175 LOISEAU (J.), Président de l’Association française des Capitaines de navires soulignait devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale que les « opérateurs mettaient en permanence la pression sur les capitaines de navire. Deux heures de retard à une escale pouvaient bouleverser le programme ». in Après l’Erika l’urgence, p. 75.
176 V. STEVENSON (D. B.), Tanker Crew fatigue : Some New Solutions to an Old Problem, JMLC, 1996, p. 453.
177 BONASSIES (P.) Le droit positif en 2004, DMF 2005, Hors-série n° 3, p. 8. Un décret du 8 novembre 2004 ratifie et publie la Convention de l’OIT n° 180 du 22 octobre 1996 sur la durée du travail et l’effectif des navires (JORF 18 novembre 2004.19428). S’agissant de la durée du travail, ce texte fixe la norme du travail pour les gens de mer à huit heures par jour, le nombre maximal d’heures de travail ne devant pas dépasser 14 heures par période de 24 heures et 72 heures par période de 7 jours. Il prévoit toutefois la possibilité pour le capitaine d’exiger sans limite les heures nécessaires à la sécurité immédiate du navire, ou en vue de porter secours à d’autres navires ou personnes en détresse en mer, aucune mention n’étant faite de la protection de l’environnement. S’agissant des effectifs, le texte demeure bien vague, énonçant seulement que tout navire doit avoir à bord un équipage suffisant en nombre et en qualité pour garantir la sécurité « conformément au document spécifiant les effectifs minima de sécurité ».
178 Selon l’avis sur les conditions de travail et d’emploi des marins de la Marine marchande, présentés les 28 et 29 mars par Mme C. BATTUT au nom de la section du travail du Conseil économique et social.
179 Si les officiers ou si les membres de l’équipage peuvent être considérés comme compétents à titre individuel, ils doivent être en nombre suffisant pour exploiter le navire V. en ce sens l’affaire Burnar Alger Ltd v. Player & Co (1928) 31, Llp Rep p. 281.
180 Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, précit., p. 35.
181 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit et prévention, précit., spéc. p. 113.
182 TRACY (R. D), Shipowners liability arising from violations of statutory work hour limits, TMLJ. 1998, vol. 22 p. 635.
183 Ibid.
184 769 F. Supp. 1147 (D. Or. 1991).
185 V. In re Sausse Bros, 769 F. Supp. pp 1153-1154 - V. aussi C. Davis, Shipowners Beware, PAC. MAR., Oct. 1997 p. 38.
186 AFCAN informations, n° 24, décembre 1993.
187 V. en ce sens LABESCAT (J.), Mer cruelle, in Compte-rendu des rencontres scientifiques internationales, 20 ans après l’Amoco Cadiz- Brest, 15-17 octobre 1998 p. 474.
188 LUREAU (P.), L’innavigabilité n’est pas un risque, DMF 1975 p. 259, spéc. p. 264.
189 Ainsi en est-il du Nakhodka, de l’Erika, le Pontoon 300, le Zeinab, l’Al Jaziah I.
190 Nous reprenons ici la définition du Doyen R. RODIÈRE in Le bon état de navigabilité du navire affrété, DMF 1965 p. 387, spéc. p. 391.
191 Art. 21 a.) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966.
192 COLINVAUX (R.), Carriage by sea, vol. 1, Carver’s, London, 1982, 105-124.
193 V. Req. 9 avril 1833, S, 1833, I, 648. Hors d’état de naviguer, c’est-à-dire de résister sans danger aux coups de vent et aux accidents inévitables en toute navigation.
194 Ainsi l’insuffisance du charbon a pu être tenue comme entraînant l’innavigabilité du bâtiment V. not. sur ce point AUDOUIN (E.), De la responsabilité de l’armateur pour innavigabilité du navire au départ, Dor, 7, 1.
195 V. HODGE (S.), What is a seaworthy vessel ? in The carriage of bulk oil and chemicals at sea, 1994, edited by Kenneth Rauson ICHEME p. 51.
196 Cette question fera l’objet d’un développement particulier.
197 WIDMER (P.), Fonction et évolution de la responsabilité pour risque, R.D.S. 1977 pp. 417-439.
198 ibid. spéc. p. 420.
199 V. en ce sens BONASSIES (P.), La responsabilité pour pollution en droit maritime, précit., En matière de responsabilité extra-contractuelle, toute faute de l’armateur contre la navigabilité, même la faute la plus légère, était sanctionnée par une responsabilité échappant à toute limitation. En matière de responsabilité contractuelle, il ne pouvait bénéficier des exemptions de responsabilité dès lors qu’il avait commis une faute contre la navigabilité. C’est cette responsabilité fondamentale fondée sur la faute qui disparaîtra demain en cas de pollution, au profit d’un système de responsabilité quasi-automatique du propriétaire de navire. La chose vaudra non seulement pour la pollution pour hydrocarbures, mais aussi pour l’ensemble des pollutions maritimes, du fait de l’extension prévue aux autres substances du régime de la Convention de 1969.
200 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, op. cit., n° 581.
201 V. HODGE (S.), What is a seaworthy vessel ? Précit. p. 51.
202 Sentence arbitrale, DMF 1974, p. 31.
203 AUCHTER (G.), La navigabilité du navire en matière de transports maritimes, Thèse 1969 Strasbourg, p. 514-515.
204 On notera que la solution transcende le traditionnel clivage délictuel/contractuel. Cette diligence s’apprécie toujours chez le transporteur lui-même. Il n’existe, en effet, pas de responsabilité contractuelle du fait d’autrui.
205 Ch. des requêtes, 2 août 1932 ; Dor. 27, 240, C.A de Rennes 18. 02. 74, DMF 1974, 335.
206 Comme l’indique la place des articles 1349 et suiv. dans le Code civil, le principe de la présomption appartient au droit de la preuve. Le Code civil consacre 5 articles à la question des présomptions. La place de ces articles dans le code laisse perplexe, car ils forment l’une des sections du chapitre VI, lui-même relatif à la preuve des obligations et du paiement. Or le mécanisme de la présomption dépasse largement le cadre précis des contrats.
207 RODIÈRE (R.), Traité général de droit maritime, Affrètements et transports Tome II, les contrats de transport de marchandises, Dalloz, 1968, n° 613.
208 Art. 1797 c. civ.
209 Sur cette notion prévue à l’article 1349 du Code civil, on consultera avec profit les thèses de DECOTTIGNIES (M.), Les présomptions de fait en droit privé, Thèse LGDJ, 1950, n° 9. et BRUN (Ph.), Les présomptions dans le droit de la responsabilité civile, Thèse Grenoble, II, dactyl. 1993.
210 V. DU PONTAVICE (E.), Affaire droit de l’environnement versus Droit maritime ou la décision rendue le 18 avril 1984 concernant l’Amoco Cadiz. ADMA 1985, V, pp 9-60. La procédure américaine de discovery avait permis de révéler l’existence d’un document interne qui établissait qu’au plus haut niveau au sein de Standard Oil, la décision avait été prise de reporter certaines mesures d’entretien du gouvernail tant que le navire serait en affrètement auprès de la Shell. FONTAINE (E.), Les sinistres de l’Amoco-Cadiz et du Tanio, comparaison de deux expériences, précit., p. 281.
211 Après l’Erika, l’urgence. Tome I, Rapport, op. cit., p. 68.
212 On notera que cette compagnie recourt à l’affrètement à voyage pour 60 % des navires qu’elle utilise.
213 Dans sa communication du 21 mars 2000, faisant suite au naufrage de l’Erika.
214 V. Audition devant la Commission de TUAL (D.) Directeur du transport maritime chez Ato Fina qui soulignait que les chargeurs n’avaient aucune garantie que leur produit voyage sur un navire qu’ils auraient au préalable choisi et cela en raison d’une possible modification dans la desserte.
215 V. not. les navires dédiés à cet usage appartenant à la société Pacific nuclear transport limited, qui est une filiale commune à la COGEMA et à certains de ses partenaires japonais et anglais in Après l’Erika, l’urgence, Tome I, Rapport, op. cit., p. 68.
216 DEPADT-SEBAG (V.), La justification du maintien de l’article 1386 du code civil, Paris II. LGDJ Tome 344, 2000, spéc. n° 373.
217 Nancy, 21 mars 1986, DP, 1896. II. 518.
218 BRUN (Ph.), Les présomptions dans le droit de la responsabilité, th. précit., p. 308.
219 V. not. en ce sens. BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op.cit., spéc. n° 245 et s.
220 Les sociétés de classification sont à l’origine des normes de sécurité. Bien avant l’intervention des États et des organisations internationales, ces sociétés avaient élaboré des règles techniques concernant la solidité des structures et la fiabilité des machines et des équipements des machines qu’elles classaient. Les premiers règlements datent du xixème siècle. Aujourd’hui la panoplie s’est considérablement étoffée. Aux normes impératives dont l’application conditionne l’attribution de la classe, sont venues s’ajouter des dispositions moins contraignantes, des notes d’informations et des notes techniques qui anticipent sur les futures exigences de la classification. V. BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op.cit., n° 424.
221 BOISSON (Ph.), ibid., op.cit., n° 278. V. encore du même auteur, Le rôle des sociétés de classification dans le transport maritime, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, op. cit. V. spéc. p. 74. M. BOISSON note que « si demain les sociétés de classification sont tenues de répondre de chaque initiative prise par leurs experts, il y a fort à penser que les juristes prendront le pas sur les techniciens pour mettre en place des systèmes de défense qui pourraient changer la nature de la classification ».
222 V. en ce sens de LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environnement : Law and practice, op. cit., p. 98.
223 L’ouvrage de référence en matière de responsabilité des sociétés de classification est celui de FERRER (M.), La responsabilité des sociétés de classification, préf. C. SCAPEL, PUAM, 2001.
224 Il semblerait toutefois, que quelques efforts en ce sens aient été consentis par l’Association Internationale des Sociétés de Classification. Ainsi depuis 1996, il existe une base de données relatives à l’application du Code ISM, Sur cette structure professionnelle qui ambitionne de réglementer l’activité des sociétés de classification, cf. BOISSON (Ph.) Politiques et droit de la sécurité maritime, op.cit., n° 260.Un discrédit a été jeté sur l’IACS qui ne prétend regrouper que les sociétés de classification les plus sérieuses à l’occasion des récentes catastrophes maritimes. Les sociétés qui y ont été impliquées étaient en effet membres de cette association. V. aussi l’étude très complète du Professeur Juan L. PULLDO BEGINES, The EU Law on classification Societies scope and liability issues, JMLC 2005 vol. 36 n° 4 p. 487.
225 Définition, Part. 1, chap. 1, sect. 1, art. B 101, Rules for classification of ships, DNV cité par FERRER (M.), La responsabilité des sociétés de classification op. cit., n° 335.
226 En avril 1982, ABS s’engageait à verser dans les 18 mois à suivre 10 millions de francs. Cette proposition de transaction fut accueillie comme une véritable aubaine. Toutefois, le montant de la transaction devait être par la suite retranché des sommes allouées par décision de justice. V. sur ce point ARZEL (A.), Le procès de l’AMOCO CADIZ, Ecrits, actualité, Editions Ouest-France, 2004, p. 70.
227 de RAULIN (A.), L’épopée judiciaire de l’Amoco Cadiz, JDI, 1, 1993, p. 41.
228 V. Amoco Cadiz, USDC, NDI, 18 avril 1984, AMC, 1984, p. 2123. Le naufrage du navire étant dû selon les experts à la défaillance du système de roue de direction, la juridiction américaine choisit de retenir la responsabilité de l’AIOC pour les dommages causés par la marée noire, car celui-ci n’avait pas satisfait à l’obligation qui était la sienne de mettre et de conserver le navire en bon état de navigabilité.
229 La conformité de la conception et de la construction du navire avec les règlements de l’ABS était stipulée dans le contrat entre l’armateur et le chantier de construction.
230 Décision du 11 nov. 1984.
231 Respectivement, 85 000 dollars, et 64 millions de dollars.
232 On notera que la présence d’une assurance professionnelle pourrait affaiblir pareil argument.
233 V. USDC, SDNY, 22 févr. 1972, Tradeways II, AMC, 1972,p. 1455, et les observations de P. BONASSIES, DMF, 1974, p. 686.
234 V. en ce sens CANE (P.F.), The liability of classification societies, LMCLQ, 1994, p. 363, spéc. p. 366.
235 Pour un exemple topique de faute lourde, v. not. Cour d’appel de Versailles, 9 décembre 2004, navire Wellborn, obs. DELEBECQUE (Ph.), DMF, 2005, p. 321, V. aussi les arrêts cités par NAJJAR (H. R), Sociétés de classification, Responsabilité envers les tiers, B.T.L, n° 2916 du 19 novembre 2003, p. 773.
236 V. en ce sens Great insurance Co v. Bureau Veritas USDC, SDNY, 22 févr. 1972, Tradeways II, AMC, 1972, p. 1455.
237 V. en ce sens GORDON (J.D), The liability of marine surveyors and ship classification societies, J.M.L.C, 1988, p. 305. Cet auteur considère que la délimitation minutieuse des prestations des sociétés de classification constitue leur plus forte protection.
238 On ne concevrait pas, en effet, que l’expert fût inquiété dans cette hypothèse, faute pour lui d’avoir pu procéder à un nouvel examen qui aurait pu lui permettre de détecter d’éventuelles failles, V. en ce sens, Rennes, 18 fév., Navire Scravick, D.M.F., 1974, 355 cité par FERRER (M.), La responsabilité des sociétés de classification, op. cit. note 673.
239 Art. 9. 1, conditions générales, Rules and Regulations for classification of ships, 1998.
240 Art. 4 du règlement pour la classification des navires.
241 V. TERRE (F.), SIMLER (Ph.) et LEQUETTE (Y.), Les obligations, précit., n° 552.
242 V. sur ce point, DELAPORTE (J.), Sociétés de classification, J.-Cl. Transport n° 3, fasc. 1080, n° 11.
243 Versailles, 21 mars 1996, D., 1996, p. 547, note LE TOURNEAU (Ph.), V. aussi D.M.F., 1996, p. 725, note DELEBECQUE (Ph.).
244 Sur cette question du contrôle technique, nous renvoyons à l’étude de Messieurs ROULET et PEISSE, Gaz. Pal., 1979, Doc., 25.
245 V. en ce sens Req., 15 mai 1923, Armor, D.P, 1925, I, p. 15 ; S. 1924, I, p. 81, obs. ROUSSEAU (H.).
246 On notera toutefois la présence d’un jugement dissident. Par une décision de 1963, le Tribunal de commerce de Strasbourg a pris l’initiative d’annuler une clause de limitation de responsabilité du Lloyds Register of Shipping. En l’espèce, l’acquéreur d’un navire déclaré inapte à la navigation souhaitait établir la responsabilité de la société de classification. La juridiction consulaire accéda à sa demande considérant que la clause d’exonération devrait être réputée non écrite, quelle que soit la gravité de la faute que l’on pouvait reprocher aux agents de ladite société. V. en ce sens T. com. Strasbourg, 6 fév. 1963, S/ S Dorabella, Rev. trim. dr. com., 1963, p. 390, obs. de JUGLART (Ph.).
247 Sur cette question de la responsabilité de la société de classification ABS dans le cadre de l’affaire de l’Amoco-Cadiz V. du PONTAVICE (E.), L’apport du procès de l’Amoco- Cadiz, précit, p. 280 ; NDENDE (M.), L’affaire de l’Amoco- Cadiz...quatorze ans de bataille juridique, ERM, 1992, pp. 227-218., spéc. p. 234
248 BONNNECASE (J.), Traité de droit commercial maritime, Recueil Sirey, 1932, n° 440
249 SAVATIER (R.), Les contrats de conseil professionnels en droit privé, D., 1973, chron., p. 140, n° 10, spéc. n° 39
250 Ainsi selon certaines estimations, les sociétés membres de l’IACS posséderaient chacune une centaine de délégations.
251 V. not. HONKA (H.), The classification system and its problems with special references to the liability of classification societies, T.M.L. R., 1994 p. 619.
252 Il faut ici essentiellement songer à la Convention SOLAS.
253 Il s’agit essentiellement de la Convention MARPOL, Convention internationale sur la prévention de la pollution des navires de 1973 modifiée par le Protocole de 1978 ratifiée par la France le 25 septembre 1981, J.O.R.F du 2 octobre 1981.
254 Directive 20014/105 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001 JOCE L. 19 du 22 janvier 2002 entrée en vigueur le 22.01.2002.
255 On notera que ces organismes ne peuvent pas être placés sous le contrôle des propriétaires ou des constructeurs de navires ni d’autres personnes exerçant des activités commerciales dans le domaine de la fabrication, de l’équipement, de la réparation ou de l’exploitation des navires. Or un représentant de la société RINA révélait que cette société à but non lucratif appartenait à une fondation constituée des administrations italiennes, des armateurs et des assureurs. V. sur ce point le quotidien régional Ouest-France du 4-5 novembre 2000.
256 un paragraphe 5 ajouté à l’article 13.
257 On notera que cette disposition est directement inspirée de l’accord sur le transfert de classe Tougher Transfer of Class Agreement dit TOCA qui est une règle interne de fonctionnement instituée par l’Association Internationale des sociétés de classification. Sur ce point V. OZCAYIR (O.), Port state control report, Classification societies and Post Erika measures, [2001] 2/ 3 Int.ML. pp 83-85. Ainsi si le RINA (société de classification italienne) a procédé à une visite préalable de l ‘Erika alors que le pétrolier maltais était encore classé par le Bureau Véritas, force est de constater que les enseignements du rapport alarmiste de l’inspecteur n’ont pas été tiré, Cf. le rapport de synthèse n° 3 Erika rédigé par le Commandant CLOUET (Ph.)., publié par le mensuel Nouvel Ouest de novembre 2001, p. 52. L’inspecteur auteur du rapport paraît par la suite avoir été remercié par le RINA.
258 Règlement 2099/2002 du Parlement européen et du conseil du 5 novembre 2002 portant création du Comité pour la Sécurité maritime et de la prévention de la pollution par les navires, JOCE L.324 du 29 novembre 2002.
259 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil établissant des règles et des normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes COM (2005), 587 final.
260 BELLAYER-ROILLE (A.), Une responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité maritime européenne, in Planète océane, l’essentiel de la Mer, Choiseul, 2006, p. 162, spéc. p. 176 et s.
261 En ce sens cf. HAN (L.) and YU (P.), New developments regarding the liability of classification societies, 2006, 12, JIML, 243. Ces auteurs analysant la dernière jurisprudence, observent que les tribunaux ne sont pas prêts à retenir la responsabilité civile des sociétés de classification, parce qu’ils craignent quexposés à un risque trop important, ces experts de la sécurité refusent parfois d’assumer leur rôle.
262 V. not. en ce sens le rapport annuel du FIPOL 2003, spéc. pp. 93 et 113. Dans l’affaire de l’Erika, des actions ont été engagées devant divers tribunaux français contre la société de classification RINA pour que celle-ci soit tenue conjointement et solidairement responsable de tout dommage non couvert par la Convention de 1992 sur la responsabilité civile. Dans l’affaire du Prestige, l’État espagnol et les autorités régionales du Pays basque ont engagé une action contre l’American Bureau of Shipping.
263 V. MARTIN (G.J), Expertise et responsabilité juridique, in Prévenir les risques : de quoi les experts sont-ils responsables ?, dirigé par G. DECROP et J.-P. GALLAND, Editions de l’Aube, 1998, pp. 155-173, spéc. p. 161.
264 Pour des commentaires critiques sur la capacité de l’expert à pouvoir tout détecter V. BERNARD (A.) Le système mondial de sécurité maritime et les sociétés de classification : le cas du Prestige in La revue maritime, n° 464, p. 220. Cet auteur insiste d’abord sur le fait qu’une meilleure détection des anomalies pourrait peut -être être permise par un renforcement des visites. Toutefois, il estime que pour un contrôle à 100 %, il faudrait consacrer 50 000 heures pour effectuer les mesures par ultrasons de toutes les tôles extérieures, 20 000 heures pour rechercher les fissures des soudures principales et 100 000 heures par magnétoscopie. Dès lors, il faut se contenter de simples sondages notamment sur les points particulièrement sensibles. Reste que l’on peut se demander si dans les principales catastrophes enregistrées la défectuosité du navire n’était pas flagrante, c’est-à-dire quasiment détectable à l’« oeil nu ».
265 MARTIN (G.J.), Expertise et responsabilité juridique, in Prévenir les risques : de quoi les experts sont-ils responsables ?, précit., p. 162.
266 EILMANN (E.), BOUTON (J.), Responsabilité et proximité au savoir, in Prévenir les risques : de quoi les experts sont-ils responsables ?, précit., pp. 174-187, spéc. p. 175.
267 On notera que pour l’avoir fait l’inspecteur du RINA paraît avoir été remercié. Ce qui est proprement scandaleux si ses accusations sont fondées. Le Commandant Ph. CLOUET, expert maritime et industriel auprès de la Cour d’appel de Rennes, désigné par le juge d’instruction D. de TALANCE pour déterminer les causes du naufrage notait dans son rapport que « la visite préalable du RINA avant transfert, appelé encore Condition Survey est faite par M. PISCHEDA en février 1998, alors que le navire est encore classé Bureau Veritas. Elle est très défavorable au navire. Elle fait état de très fortes corrosions observées sur le pont principal avec des réductions d’épaisseurs de tôle de 19 % à 40 %, et même 68 %, de très fortes corrosions de tuyauteries et de cloisons [...], d’un état très dégradé du ballast bâbord avec absence de peinture, forte présence de fissures et fêlures des membrures et raidisseurs verticaux .On notera que ces différents relevés et observations sont incompatibles avec le bon état de navigabilité correspondant à la côte100 A 1 que donnait le Bureau Véritas au navire à cette époque . Cet inspecteur diligent ne reviendra plus sur ce navire et quittera le RINA. Les constations de pertes d’épaisseur de tôle ne seront pas retrouvées six mois plus tard par le RINA lors des contrôles prévus dans le cadre de la visite spéciale dans les mêmes zones. L’expert conclut en estimant que le navire avant événement et avant appareillage de Dunkerque n’était pas dans le bon état de navigabilité qu’indiquait ses certificats de classification. V. CLOUET (Ph.), Rapport de synthèse n° 3/ERIKA, Evénement du 12 décembre 1999/ Naufrage, publié par Nouvel Ouest, novembre 2001, n° 77, p. 50-64., spéc. p. 51.
268 DECROP (G.), Conclusion, in Prévenir les risques : de quoi les experts sont-ils responsables ? précit., p. 189-200, spéc. p. 192.
269 Les sociétés de classification ne bénéficient pas pour l’heure des protections légales offertes par les conventions internationales aux armateurs, V. BOISSON (Ph.), Le rôle des sociétés de classification dans le transport maritime, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, op. cit. pp. 65-74, spéc. p. 74.
270 BOISSON (Ph.), Responsabilité des sociétés de classification : faut-il remettre en cause les principes du droit maritime ?, DMF, 1995, pp. 110-130.
271 NAJJAR (H.-R.), Sociétés de classification, responsabilités envers les tiers, op. cit., spéc. p. 775.
272 V. en ce sens, BRANS (EDWARD H.P) The 1999 Erika Oil spill in France. Can the cargo-owner be held liable for the damage cause ? International law FORUM du droit international 2:67-70, 2000.
273 Commentée au D.M.F, 1996, p. 721.
274 En l’occurrence les tiers étaient les chargeurs du navire inspecté. Lord STEYN pour justifier sa décision indique qu’il n’apparaît pas qu’un degré suffisant de connexité existe entre la société de classification et les chargeurs pour imposer une obligation de soin de la société de classification en faveur de ces derniers sur cet arrêt V. les observations du Professeur P. BONASSIES, Droit maritime étranger, Chambre des Lords, 6 juillet 1995, Navire Nicholas H, D.M.F., 1995, p. 750. Dans cette affaire, la Chambre des Lords a considéré qu’une société de classification n’avait pas de devoir vis-à-vis des chargeurs du navire inspecté. Sur l’approche américaine de la responsabilité des Sociétés de classification à l’égard des tiers V. MILLER (M. A.), Liability of classification Societies from the perspective of United States Law, T. M. L. J [Vol. 22, 1997], pp75-115, V. spéc. p. 98 et s.
275 V. les observations du Professeur P. BONASSIES, D.M.F., 1995, p. 750.
276 V. not. Cass.civ. 5 oct. 1955, JCP I. 9002. Cass. Ch. mixte 26 mars 1971, JCP II. 16762 ; Cass. 1ère ch. civ. 13 oct. 1992, Bul. civ. n° 316 p. 207 ; Cass.ch. com. 4 mai 1993, Bul. civ.n° 173, p. 162.
277 GRELLET (L.), Fondement et limites de la responsabilité des sociétés de classification : rigueur de l’analyse outre Rhin, D.M.F, 1998, p. 451, spéc. p. 458.
278 V. Cour d’appel de Versailles, 9 décembre 2004, navire Wellborn, obs. DELEBECQUE (Ph.), précit., spéc. p. 317, v. aussi Le droit positif en 2005, DMF 2006 hors-série p. 19, n° 20.
279 Bureau Veritas, Lloyds register shipping, Det Norske Veritas, Germanisher Lloyd et American Bureau of Shipping, V. FERRER (M.), précit., n° 761. Les dispositions européennes interdisent le caractère purement monopolistique, c’est pourquoi le Bureau Veritas n’est pas le seul compétent.
280 On notera que cette procédure n’a jamais été mise en œuvre, l’administration américaine n’ayant jamais été condamnée à ce titre.
281 V. en ce sens, NAJJAR (R H.), Sociétés de classification, Responsabilité envers les tiers, précit, p. 773. V. aussi en ce sens MOREAU (J.), Droit administratif, PUF droit fondamental, n° 298. Contrairement au droit civil, où la mise en jeu de la responsabilité repose sur une faute simple, la responsabilité administrative n’est pas seulement engagée par la preuve d’un comportement simplement fautif. La jurisprudence administrative a exigé et exige toujours dans certains domaines, la démonstration d’une faute lourde c’est-à-dire d’une erreur grave, un écart de conduite important par rapport à la norme. Jusque dans les années 1960, le droit administratif de la responsabilité connaissait trois niveaux de faute, la faute simple, la faute lourde et la faute manifeste. La faute lourde était exigée en présence d’activités administratives de contrôle et de certification, et de ce fait il était difficile d’engager la responsabilité de l’État.
282 V. en ce sens C.E. sect., 13 mars 1998, M. Améon et autres, C.J.E.G., 1998, p. 197, concl. TOUVET, AJDA, 1998, p. 418, D., 1998, p. 535, note LEBRETON (Ph.), DMF 1998, p. 790, obs. Chaumette (P.). Cet arrêt a renoncé à exiger la faute lourde de l’État, il se satisfait désormais d’une faute simple.
283 V. aussi CAA Nantes, 3ème ch., 4 nov. 1999, req. n° 97NT00921 ; Min. équip., log., transp. et tour. c/ Mme Crochemore et a. [Juris- data n° 109 103]. Les conclusions de M. J.-F. MILLET, Commissaire du gouvernement ont été publiées au JCP, 2001, II, 10 4466, p. 261.
284 V. CHAPUS (R.), Droit administratif général, Domat Droit public, Montchrestien, t. I, 14ème éd., 2000, n° 1249.
285 Pour les dommages corporels ou décès résultant d’un acte ou d’une omission par négligence ou imprudence à 4 millions d’euros, pour les dommages matériels résultant d’un acte ou d’une omission par négligence ou imprudence à 2 millions d’euros.
286 Nous reprenons ici la définition de l’assistance telle qu’elle est donnée par l’article premier de la Convention sur l’Assistance de 1989. Le texte de cette convention a été publié par le D.M.F, 2003, p. 227
287 De LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment : Law and practice, op. cit., p. 601.
288 Le jargon maritime préfère ce terme à celui de contrat. On soulignera toutefois que la Convention sur l’assistance de 1989 a vocation à s’appliquer en l’absence de toute convention d’assistance. Il en va ainsi lorsque l’équipage du navire assisté a abandonné celui-ci, ou encore lorsque les difficultés de la situation ont empêché assistant et assisté de conclure un contrat. V. en ce sens BONASSIES (P.), La Convention internationale de 1989 sur l’assistance, précit., p. 239.
289 Dans l’actualité récente, nous songeons ici à l’intervention de l’Abeille-Flandres à l’occasion de l’affaire de l’Erika.
290 V. en ce sens BRIENT (I.), Les perspectives environnementales dans le cadre de la Convention de Londres du 28 avril 1999 sur l’assistance, Thèse, Université de Bretagne Occidentale, 1996.
291 V. en ce sens le préambule de ladite constitution.
292 Art. 8. 1. a.
293 Art. 8. 1.b.
294 Ainsi que le note le Professeur BONASSIES (P.), le principe demeure par conséquent celui de la non-application du régime légal ou contractuel de l’assistance aux opérations concernant un navire qui ne court aucun danger comme par exemple un navire qui se serait échoué en toute sécurité sur un banc de sable. V. BONASSIES (P.), La Convention internationale de 1989 sur l’assistance, précit., spéc. p. 240. Sur la difficulté d’apprécier l’existence ou l’absence de ce danger V. ROSAEG (E.), Misapprehension of peril in salvage, SIMPLY, 2004, n° 321, pp. 141.
295 REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, Préface P. BONASSIES, Bibliothèque du Centre de Droit Maritime et des transports, PUAM, 2003, spéc. p. 185, V. aussi en ce sens GASKELL (N.), The 1989 salvage Convention. T. M. L. J, vol. 16, 1990, p. 42.
296 BONASSIES (P.), La Convention internationale de 1989 sur l’assistance, D.M.F, 2003, p. 239-259, spéc. p. 246.
297 BONASSIES (P.), ibid.
298 LLOYD’s form du 13.10.26.
299 Cité par REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, op. cit. spéc. p. 187.
300 V. art. 8. 1.b sus énoncé.
301 Pour de plus amples développements sur cette question de l’indemnité spéciale nous renvoyons à REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, p. 339 et s.
302 REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 363.
303 On notera que la pratique scandinave privilégie une évaluation forfaitaire calculée en fonction du temps passé.
304 Art. 12 de la Convention internationale de 1989 sur l’assistance.
305 REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, n° 366
306 V. en sens VILLENEAU (J.), Le contrat français d’assistance maritime, D.M.F., 1990, p. 236 et GASKELL (N.), The 1989 salvage convention and the Llyod’s open form, TM.LJ, vol. 16, 1991, p. 3. La Llyod’s Open Form, à savoir le contrat d’assistance type le plus employé consacrait dès 1980 une clause au terme de laquelle l’assistant qui portait secours à un pétrolier avait droit à un safety net, lequel était égal au montant des dépenses engagées par l’assistant éventuellement augmenté d’un bonus (increment) lequel pouvait aller jusqu’à 15 % des dites dépenses.
307 Le Professeur P. BONASSIES, op. cit. p. 252 observe à ce propos que pour nombre de conventions internationales, le législateur s’est inspiré des praticiens. Il cite en exemple le FIPOL, lequel a été directement inspiré par le fonds CRISTAL.
308 Art. 14 de la Convention internationale sur l’assistance de 1989.
309 Nous reprenons ici l’expression du Professeur VIALARD (A.), Droit maritime, op. cit., n° 97.
310 Selon l’expression du Professeur REMOND-GOUILLOUD (M.), Traité de droit maritime, op. cit., n° 366.
311 Art. 14. Par débours, il convient selon la professeur BONASSIES (P.) d’entendre les frais de combustible ou autres avitaillements utilisés dans les opérations, mais aussi des frais d’acquisition du matériel nécessaire à l’assistance, barrages anti-pollution, pompe supplémentaire pour récupérer les hydrocarbures rejetés par le navire.
312 Chambre des Lords, 6 février 1997, Lloyd’s Rep., 1997, p. 323. Cette affaire a été abondamment commentée. On citera notamment les observations de BONASSIES (P.), D.M.F, 1997, p. 691, et celles de GILLIGAN (A.), Nagasaki Spirit : A recent decision affecting marine salvage and environmental concerns, T. M. L. J, 1998, vol. 22, p. 619-624. A la suite d’un incendie dans le détroit de Malacca, ce pétrolier avait fait l’objet d’opération d’assistance d’une difficulté et d’une durée exceptionnelles. Un premier arbitre, évaluant les biens sauvés à 15 millions de dollars, accorda à l’assistant, sur la base des critères de l’article 13 de la Convention de 1989, une indemnité de 9 500 000 dollars.
313 En anglais « fair rate ».
314 V. en ce sens BONASSIES (P.), « Ainsi le salaire des personnels employés par l’assistant est fixé, selon leur rang et qualité, à tant par jour, le coût de base du remorqueur utilisé étant calculé selon sa puissance, comme est calculé à l’avance le coût des équipements supplémentaires. Une fois le montant de ses dépenses ainsi évaluées, l’assistant aura droit a un bonus complémentaire de 25 %. »
315 Sur cette clause V. REBORA (J.-F.), La special compensation protection & indemnity club clause (SCOPIC), D.M.F, 2003, p. 260.
316 Nous reportons le lecteur à l’un des ouvrages de référence en matière d’assistance BRICE (G.), Maritime law of salvage, 3 rd éd. London, Sweet & Maxwell, 1999.
317 BRICE (G.), Salvorial negligence in English and american law, 22, TMLJ, n° 2, Summer, 1998, p. 572. spéc. p. 77.
318 V. en ce sens REDGWELL (C.), The greening of salvage Law, Marine Policy, March, 1990, p. 42 et s.
319 Nous songeons ici en particulier à la Convention qu’elle vient remplacer à savoir la Convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière d’assistance et de sauvetage maritime du 23 septembre 1910.
320 VIALARD (A.), Droit maritime, op. cit, n° 98
321 Chambre des Lords, 16 mai 1971, LLR, 1971, part. 8, p. 341.
322 De TOCQUEVILLE (A.), Correspondance, à G. de Beaumont, 22 avril 1838, citation extraite du Dictionnaire des citations, R. CARLIER (dir.), Larousse, 2001.
323 Convention de Londres de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, art. 1.3. L’article 2 paragraphe 2 énonce les créances soumises à limitation. Celles-ci comprennent « les créances pour avoir renfloué, détruit ou rendu inoffensif un navire coulé, naufragé échoué ou abandonné y compris tout qui s’y trouve et s’est trouvé à bord, les créances pour avoir enlevé, détruit ou rendu inoffensif la cargaison du navire, les créances produites pour une autre personne que la personne responsable pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire un dommage pour lequel la personne responsable peut limiter sa responsabilité conformément à la présente convention et pour les dommages ultérieurement causés à ces mesures ».
324 On peut imaginer que l’assistant intervienne à partir d’un hélicoptère, ou de structures comme des grues, voire des pontons. V. en ce sens WETTERSTEIN (P.), Salvage and the environment, Environmental Liability, 1999, 5, spéc. p. 253.
325 WETTERSTEIN (P.), ibid., p. 253.
326 De l’avis du Professeur E. SELVIG, la question de la responsabilité de l’assistant aurait mérité qu’on lui réservât une attention toute particulière, l’assistant pouvant être amené à intervenir au nom d’un état. V. en ce sens REBORA (J.-F.), L’assistance maritime, op. cit., p. 208.
327 On notera que le contrat type Villeneau conservait à la charge de l’assisté, les conséquences de la négligence de l’assistant.
328 Sur l’approche américaine du concept de négligence dans l’assistance, V. BRICE (G.), Salvorial negligence in English and american law, 22 T. M.L. J, n° 2, Summer, 1998, p. 572.
329 Toutefois, on pourrait imaginer selon Madame F. ODIER une action fondée sur l’article 1384 al. 1 dans l’hypothèse où l’équipage aurait abandonné le navire. Dans cette hypothèse, qui fait figure de cas d’école, l’assistant deviendrait gardien du navire assisté et pourrait être reconnu responsable en l’absence de toute faute. ODIER (F.), La responsabilité de l’assistant, ADMA, 1975 p. 301, spéc. p. 303.
330 Responsabilité lors de l’assistance aux pétroliers, intervention VILLENEAU (J.), Colloque sur la responsabilité en matière d’assistance aux pétroliers, Marseille 24 et 25 octobre 1975, Compte rendu au D.M.F, 1976, p. 8.
331 CLC 69, art. III al. 4.
332 CLC 92. art. III al. 5. On notera que la Convention SNPD reprend cette disposition dans son article 7. 5.
333 Salvage and the environment, précit., spéc., p. 252.
334 The Amoco-Cadiz [1984], 2, Lyod’s Law. Rep. 304 at 336.
335 Pour de plus amples développements sur cette notion et une analyse critique V. nos développements infra.
336 BONASSIES (P.), États-Unis d’Amérique, la décision Amoco Cadiz, DMF, 1984 p. 688 spéc. p. 689.
337 V. en ce sens GAUCI (G.), Oil pollution at sea, op. cit. p. 191.
338 Erika : indemniser et prévenir, Rap.précité souligne un paragraphe consacré à la Convention CLC de 1992 que « un recours contre un État dont les contrôles réalisés directement ou par délégation se seraient révélés défaillants devrait être également juridiquement possible » spéc. p. 65, V. Aussi RINGBOM (H.) (éd.), Competing norms in the law of marine environmental Protection- Focus on ship safety and prevention, Kluwer Law International, 1997, p. 291.
339 V. en ce sens, ODIER (F.), Après le Prestige, La revue Maritime, n° 464, p. 260, spéc. p. 263.
340 Cette convention, adoptée le 10 décembre 1982, est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Elle « peut être considérée comme l’expression principale du droit de la mer. Elle lie désormais un nombre important d’États, dont la plupart des grandes puissances maritimes à l’exception notable des États-Unis ». V. en ce sens QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, L.G.D.J, 2002, 7ème édition, spéc. n° 666.
341 Art. 192 de la Convention des Nations- Unies sur le Droit de la Mer.
342 « La conférence des Nations unies sur l’environnement qui s’est tenue à Stockholm du 5 au 16 juin 1972 est considérée au plan juridique comme le véritable point de départ d’une appréhension globale de l’environnement tant au plan normatif que doctrinal ». V. en ce sens QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), précit., n° 290
343 notamment en matière de navigabilité des navires. Pour une étude d’ensemble de cette question V. BOISSON (Ph.), Navigabilité du navire et responsabilité des États, R. ROLLAND, LIBER AMICORUM, Larcier, Bruxelles, 2003, p. 57.
344 V. en ce sens VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, spéc. p. 446.
345 Art. 94 de la Convention des Nations -Unis sur le droit de la Mer
346 pour une analyse juridique de ce phénomène nous renvoyons à ROUX (J.-M.), Les pavillons de complaisance, LGDJ, 1961, V. aussi du PONTAVICE (E.), Les pavillons de complaisance, DMF, 1977, p. 503 et s.
347 BONASSIES (P.), La loi du pavillon et les conflits de droit maritime, RCDAI, 1969-III, tome 128, p. 625.
348 Un navire a nécessairement un et un seul pavillon. S’il n’en possède aucun, il devient un navire pirate. V. sur ce point, RODIERE (R.) et DU PONTAVICE (E.), Droit maritime, Précis Dalloz, 12ème éd., 1997, p. 54.
349 Sur cette question de la nationalité cf.. KAMTO (M.), La nationalité des navires en droit international, in La Mer et son droit, Mélanges offerts à L. LUCCHINI et J.-P.QUENEUDEC, Pédone, 2003, p. 343, v. aussi LABORDE (J.-P.) De la nationalité du navire et surtout de ce qu’elle peut nous apprendre de la nationalité tout court, DMF 2005, p. 803.
350 Cette réalité émerge particulièrement de l’article 91 al. 1 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cet article énonce en effet que l’État du pavillon fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon.
351 sur cette question de l’octroi du pavillon français appelé francisation, nous renvoyons aux développements du Professeur VIALARD (A.) Droit maritime, op. cit. n° 304 et s.
352 L’idée étant que le droit d’arborer le pavillon ne saurait se limiter à l’accomplissement de formalités administratives d’enregistrement.
353 V. sur ce point, MONTAZ (D.), La Convention des Nations-Unies sur les conditions d’immatriculation des navires, AFDI, 1986, pp. 715-735
354 Ainsi pour enregistrer un navire au Panama, un simple formulaire envoyé par fax, avec informations sur le navire et les armateurs et un chèque libellé au nom de l’avocat suffisent. Le droit d’enregistrement initial s’élève à 6 500 dollars pour un navire. S’ajoute la licence radio (525 dollars), les « papiers du navire (260 dollars) et quelques autres vétilles comme une taxe consulaire, l’inspection annuelle, un prélèvement couvrant les enquêtes en cas d’accidents et la participation de hauts fonctionnaires panaméens aux conférences internationales. Sources : Le Monde économique du 25 mars 2003.
355 Du nom du rapporteur de la Commission d’enquête britannique sur le commerce maritime, Committee of Inquiry into Shipping Report ; Chairman Lord Rochdale, London HMSO, May 1970.
356 International Transport Worker’s Fédération
357 Antigua et Barbuda, Antilles néerlandaises, Bahamas, Barbade, Belize, Bermudes, Birmanie, Bolivie, Cambodge, Chypre, Comores, Gibraltar, Guinée équatoriale, Honduras, Iles Caïmans, Iles Marshall, Jamaïques, Liban, Libéria, Malte, Maurice, Panama, Registre maritime international allemand, Sao-Tomé-et- Principe, Saint Vincent et les Grenadines, Sri Lanka, Tonga et Vanuatu. Sources : Le Monde économique du 25 mars 2003. On notera que le Prestige battait pavillon panaméen en 2001, et bahamien en 2002.
358 Sur cette question, V. not. FABREGOULE (C.), L’élargissement de l’Union européenne et la sécurité maritime : à propos de la complaisance maritime de Chypre et de Malte, A. D. M., 2002, pp 313-331, Les futurs entrants n’étaient manifestement pas prêts 4 mois avant le 1 er mai 2004, date de leur entrée dans l’Union européenne. Madame L. de PALACIO, vice présidente de la Commission européenne en charge des Transports rappelait alors à leur adresse que le délai dont ils disposaient pour mettre leur flotte marchande en conformité avec la législation communautaire était bref, compte tenu qu’aucune période de transition n’était prévue. V. en ce sens, JPMB, La Commission de sécurité maritime du Parlement européen reçoit L. de PALACIO et le secrétaire général de l’OMI, JMM du 30 janvier 2004, pp. 6-7 ; Pour plus de précision sur les enjeux de cette adhésion, nous renvoyons à CHRISTODOULOU-VAROTSI (I.), L’évolution du droit maritime chypriote en vue de l’adhésion à l’Union européenne, DMF, 2004, p. 378
359 Sur cette question nous renvoyons au Rapport précit., De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, spéc. p. 260. A l’instar de nombreux pays européens, la France a mis en place en 1987 un pavillon bis le pavillon des Kerguelen, (dit également registre des Terres Australes et Antarctiques françaises (T.A.A.F) pour lequel les contraintes fiscales et sociales avaient été assouplies. Cependant l’instauration de ce dispositif qui visait à disposer d’un registre compétitif et attractif, n’a pas obtenu les résultats escomptés. Dès lors l’idée de créer un nouveau registre, le Registre International Français (RIF) a fini par s’imposer. Considéré par ses détracteurs comme le signe d’une toujours plus grande « descente aux enfers de la Marine marchande française », il est perçu comme par ses défenseurs comme un possible instrument de relance du pavillon français. En faveur de cette dernière thèse, on fait valoir que plusieurs États européens, la Norvège, le Danemark ou encore l’Italie ont réussi à redresser leur pavillon, en mettant en place des seconds registres. Ces derniers sont susceptibles de procurer des avantages fiscaux et une plus grande souplesse dans l’emploi des marins étrangers : des navires qui avaient quitté le pavillon de ces États en raison de contraintes fiscales et sociales jugées trop lourdes sont ainsi revenus sous leur pavillon d’origine. V. sur ce point la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français, JORF 103 du 4 mai 2005, p. 7696 commentée par CHAUMETTE (P.) Le registre international français des navires (RIF), le particularisme régénéré ?, DMF, 2005, p. 467.
360 BONASSIES (P.), La loi du pavillon et les conflits de droit maritime, RCADI, T. 128, 169, vol. III, p. 507 s. spéc. p. 611.
361 V. en ce sens l’article 194 al. 3. de la Convention de Montego-Bay.
362 Cette procédure est prévue à l’annexe I de la Convention MARPOL. Elle prévoit des visites de trois sortes, une première visite avant de délivrer le certificat de conformité aux règles internationales relatives aux structures du navire, au système de gestion de la sécurité en vertu du Code ISM, des visites périodiques pour suivre l’évolution du navire, enfin des visites inopinées.
363 V. not art. 5. § 1 de la Convention MARPOL « Les autres États acceptent ces certificats comme preuve de l’état du navire et leur reconnaissent la même force qu’à ceux qu’ils délivrent » (art. 217 al. 3 de la Convention des Nations -Unies sur le droit de la mer).
364 Art. 194 al. 3 de la Convention de Montego Bay en matière de conception, de construction et d’exploitation des navires.
365 BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op. cit. p. 457
366 En 1998, 46 % des navires, 62 % du tonnage des 35 plus importants États marins naviguaient sous pavillon de complaisance.
367 CARROUE (L.), Ces espaces hors-la-loi du transport maritime, Le Monde diplomatique, février 2000, p. 24.
368 DUPUY (R.- J.) et VIGNES (D.), Traité du nouveau droit de la mer, Economica, Collection droit international, 1987, spéc. p. 1023.
369 Nous reprenons ici l’expression consacrée par M. BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op. cit., spéc. p. 549.
370 La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer confond les deux termes. L’article 220 qui traite des pouvoir de l’État côtier parle ensuite de l’État du port dans son alinéa 1.
371 On notera que les navires arborant un pavillon de complaisance font peu ou pas du tout escale dans les ports des États du pavillon. Quand bien même, ils le souhaiteraient, ils ne le pourraient pas, car lesdits États ne possèdent en général pas une capacité portuaire suffisante.
372 Pour un approfondissement de cette question du contrôle des navires par l’État du port, nous renvoyons à l’étude très complète de OYA OZCAYIR (Z.), Port State Control, LLP, 2001.
373 TASSEL (Y.), Le contrôle des navires par l’État du port, régime et conséquences commerciales (Droit français et droit anglais), ADMO, 1999, tome XVII, p. 337
374 Ledit memorandum a été signé le 26 février 1982. On notera qu’il a fait des émules. D’autres accords régionaux ont été conclus par la suite, celui de Vina del mar signé en 1992 pour l’Amérique Latine, celui de Tokyo en 1993 pour l’Asie-Pacifique, celui des Caraïbes en 1995, celui de Malte pour la Méditerranée signé en juillet 1996.
375 NDENDE (M.) et VENDE (B.), La transposition par les États de la directive portant communautarisation du Mémorandum de Paris, DMF, 2000, p. 308.
376 V. sur ce point BELLAYER-ROILLE (A.), Le transport maritime et les politiques de sécurité de l’union européenne, Editions Apogée, 2000, spéc. p. 232.
377 Ibid, spéc. p. 228.
378 Il semble exister dans la doctrine un consensus sur ce point. V. not. VIGNES (D.), Le navire et les utilisations pacifiques de la mer, in. La juridiction de l’État du port et le navire en droit international, Colloque de Toulon de la SFDI, 30 mai-1 er juin 1991, Pédone, p. 132.
379 V. En ce sens CHAUMETTE ( P.), Le contrôle des navires par l’État du port ou la déliquescence du pavillon, in La norme, la ville, la mer, Mélanges Prats, Paris, MSH, 2000, p. 279.
380 BOISSON (Ph.), Le pouvoir de police en matière de navigabilité : état du port et état du pavillon, E.R.M., 1998, pp 79-92.
381 V. sur ce point FALL (A.), Le contrôle par l’État du port en matière de sécurité de la navigation et de protection de l’environnement, DMF, 2000, pp. 96-105.
382 On notera que l’entrée en vigueur de ce code le 1 er juillet 1998 s’est traduite par une modification de la directive 95/ 21 du Conseil du 19 juin 1995 concernant l’application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États-membres, des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention et aux conditions de vie et de travail à bord des navires (contrôle par l’État du port), JOCE L 157/ 1 du 7 juillet 1995. La nouvelle Directive 98/25 du Conseil 27 avril 1998, [JOCE L 133 du 17 mai 1998, p. 19-20] prévoit une procédure de banissement supplémentaire pour les navires qui seraient dépourvus de certificat ISM.
383 Pratiquement, cela peut passer non seulement par l’immobilisation, mais encore par l’interdiction formelle faite au navire de poursuivre son activité en raison des anomalies constatées (section 3, point 3. 7. 1 du MOU de Paris). On notera que le principe de l’immobilisation du navire en infraction se trouve dans l’article 219 de la Convention de Montego Bay lequel prévoit la faculté d’empêcher le navire d’appareiller.
384 Ces remboursements sont notamment destinés à couvrir le déficit d’exploitation portuaire. L’immobilisation ne doit a priori être levée qu’après le paiement intégral de ces frais. On notera qu’en cas de litiges, les États signataires se doivent de garantir une voie de recours interne au profit des armateurs qui auraient subi une immobilisation ou un retard indu. Celle-ci pourrait prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir en droit administratif français, sur cette question V. BELLAYER-ROILLE (A.), Le transport maritime et les politiques de sécurité de l’union européenne, op. cit. p. 238.
385 Système d’information relatif aux navires contrôlés. Cette banque de données est gérée par le Centre administratif des affaires maritimes de Saint-Malo.
386 Cette liste est désormais sur Internet.
387 Directive n° 2001/1036/CE adoptée le 19 décembre 2001, publiée au JOCE du 22 janvier 2002.
388 Sur cette possibilité V. ROCHE (C.), Renforcement de la sécurité maritime en Europe, RJE 3/ 2002., spéc. p. 379. On notera qu’en application de son droit d’amendement, le Parlement européen avait proposé d’interdire l’accès aux ports de la Communauté à tous les navires-quels que soient leurs antécédents-au seul motif qu’ils battaient le pavillon d’un État inscrit sur la liste noire. Le Conseil a estimé cette mesure disproportionnée. C. ROCHE considère qu’« une telle mesure aurait certainement été contraire à l’article 227 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer » au terme duquel « les États ne soumettent les navires d’aucun autre état à aucune discrimination de droit ou de fait ».
389 V. sur ce point REMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., p. 19.
390 V. sur cette question PRAT (J.-L.), La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer : détermination et évolution des compétences des États côtiers vis-à-vis de la pollution par les navires, Rencontres scientifiques internationales, 20 ans après l’Amoco Cadiz, Brest, 15-17 octobre 1998, V. Aussi NDENDE (M.), L’évolution du régime de l’assistance : l’assistance imposée, vers un droit d’auto-protection de l’État côtier, Rencontres scientifiques internationales, 20 ans après l’Amoco Cadiz, Brest, 15-17 octobre 1998.
391 Cette convention a été adoptée le 29 novembre 1969. Elle fait suite au désastre du Torrey Canyon (1967). Les autorités britanniques, fortes du principe de la liberté en haute mer avaient hésité à intervenir sur un navire en perdition qui menaçait ses côtes.
392 Art. 5
393 Art. 1
394 L’État côtier devait notamment consulter l’État du Pavillon, mais encore notifier les mesures envisagées aux personnes qui pouvaient présenter des intérêts susceptibles d’être compromis.
395 Art. 21-a et f.
396 Art. 25 de la Convention de Montego Bay.
397 Art. 16.al. 1 er de la loi du 17 juillet 1976.
398 Cette possibilité est clairement exprimée par l’article 16. « Dans le cas où cette mise en demeure reste sans effet ou n’a pas produit les effets attendus dans les délais impartis, ou d’office en cas d’urgence, l’État peut faire exécuter les mesures nécessaires aux frais, risques et périls de l’armateur, du propriétaire ou de l’exploitant ».
399 On notera que ce droit lui est reconnu par l’article 14 lequel énonce dans son alinéa 2 « si l’assistance a effectué des opérations d’assistance à l’égard d’un navire qui, par lui même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages et n’a pas pu obtenir. une rémunération, il a droit de la part du propriétaire du navire à une indemnité spéciale équivalente à ses dépenses et susceptible d’être augmentée ».
400 sur cette question V. not LE MORVAN (D.) et PRAT (J.-L.), Heurs et malheurs du Système de contrôle des navires par l’État du port, ERM, n° 5, pp. 158-159.
401 On observera qu’aux États-Unis, l’Erika figurait sur une liste noire recensant les pétroliers les moins biens notés. Le « guide for the selection of tankers », publié à New York note chaque année les 350 plus gros pétroliers du monde. L’Erika était placé à la tête des pétroliers les moins bien notés. V. http://www.France-ouest.com./naufrage-Erika/bref12-01.htm.
402 Le risque présenté par un navire est matérialisé au moyen d’un coefficient de ciblage plus connu dans le milieu maritime sous son appellation anglaise de target factor. Cet indice de fiabilité apparaît dans le système d’informations relatif aux navires contrôlés (SIRENAC). Il s’agit d’une valeur numérique. Ainsi le chimiquier Ievoli Sun qui a sombré au large des côtes normandes en 2000, s’était vu attribué un target factor de 32. Comment est-on parvenu à ce chiffre ? Si un navire appartient à l’une de ces trois catégories de navires, à passagers, chimiquiers ou tankers, il est taxé de 5 points. Cinq points de pénalité sont donnés par détention dans un port, le Ievoli Sun avait été retenu trois fois depuis trois ans (soit 15 points), un classement est effectué en fonction de la ratification par les États de la Convention de l’Organisation Maritime Internationale, soit dans ce cas un point. Onze défectuosités ont été relevées lors de la dernière visite du navire, le 26 octobre 2000 aux Pays- Bas ; à raison d’un point pour chacune, soit 11 points. Il s’agissait d’un certificat radio non valide ; d’engins de sauvetage et de système de lutte contre l’incendie non satisfaisant ; de dispositions générales sur la sécurité du navire et des hommes ; de la maintenance, et du système d’évacuation à terre des résidus. Dix de ces points avaient été réglés avant l’appareillage de ce qui se révéla être le dernier voyage. Restait un délai de 14 jours pour se conformer à une prescription sur la prévention des accidents du travail à bord. On arrive ainsi à un total de 32 points. Un spécialiste du Centre administratif des Affaires maritimes de Saint-Malo soulignait qu’« une très belle peinture pouvait cacher des tas de choses, alors qu’un navire ancien suintant la rouille pouvait bien s’avérer en bon état », sur cette question V. LEBAILLY (G.), Ces points qu’on attribue aux navires, O.F., 1er nov. 2000.
403 Art. 5 de la directive de 1995 modifiée. (section 1, point 1. 3 du MOU de Paris)
404 Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au moment de la catastrophe de l’Erika, la France forte de ses 5000 km de côtes disposait de 54 inspecteurs dûment habilités pour procéder à l’inspection au titre de l’État du port, la Grande-Bretagne 250, et l’Espagne, 200. Sur les efforts consentis par l’État français pour rattraper son retard, nous renvoyons au rapport précit., De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport précit., spéc. p. 105.
405 MORIN (M.), A propos du naufrage de l’Erika : les limites du Mémorandum de Paris, JMM, 14 janvier 2000, p. 58.
406 La Commission entend lutter contre le forum shopping portuaire. L’objectif à terme est que 100 % des navires présentant un profil de risque élevé et faisant escale dans l’ensemble des ports de l’Union soient inspectés. Les anomalies détectées dans un port précédent feraient l’objet d’une vérification dans le port suivant. V. BELLAYER-ROILLE (A.), Une responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité, in Planète océane, l’essentiel de la Mer, Choiseul, 2006, p. 151, spéc. p. 166.
407 Ces propos ont été tenus par le chef d’un centre régional de la sécurité lors de son audition devant la Commission sur l’application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants de l’évaluation de leur efficacité. in rapportprécit., De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, p. 115.
408 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport précit., spéc. p. 116.
409 2. En ce sens V. MATHIOT (C.), Sécurité maritime, Une note alarme sur la baisse du nombre de contrôles en 2004, Paris traîne face aux poubelles de la mer, Journal Libération du 11 juin 2004
410 Contrôle des navires : Bruxelles condamne la France pour ses insuffisances passées, JMM du 25 juin 2004, p. 5. V. aussi Les manquements de la France à ses obligations communautaires de contrôle des navires dans les ports français, CJCE, 22 juin 2004, Commission européenne c/ République française, aff. n° C-439/02, Commentaire DELIANCOURT (S.), Droit de l’environnement, n° 121, septembre 2004, p. 155-157
411 TALLEC (M.), Contrôle des navires : la France condamnée, Le Marin, 25 juin 2004.
412 V. En ce sens MATHIOT (C.), Sécurité maritime, Une note alarme sur la baisse du nombre de contrôles en 2004, Paris traîne face aux poubelles de la mer, Journal Libération du 11 juin 2004.
413 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l’Etat du port, COM (2005), 587 final.
414 On notera à titre d’exemple, que les autorités portuaires ont été mises en cause à l’occasion de l’affaire du Sea Empress, V. en ce sens le rapport annuel 2003 du FIPOL, p. 60.
415 V. en ce sens, De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport précit., p. 32.
416 V. en ce sens, De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, rapport précit., P. 34 « De nombreux experts jugent que l’éloignement du navire a constitué une erreur : un groupe de 422 scientifiques espagnols a dénoncé la gestion de crise par les autorités espagnoles, en particulier s’agissant de l’éloignement du navire, dans la revue Science parue en janvier 2003 »
417 Sur la notion de port-refuge qui dépasse largement le cadre de cette étude nous renvoyons à l’abondante littérature suscitée précisément par l’affaire du Prestige, REZENTHEL (R.), Le port refuge : de la bouée de sauvetage à la bombe, Droit de l’environnement, n° 97-avril 2002, p. 9498 ; REZENTHEL (R.), L’accès aux ports des navires en détresse, DMF, 2000, p. 276 ; JAMBON (L.), Les lieux de refuge, DMF, 2003, p. 167 ; VAN HOOYDONK (E.), Les lieux de refuge pour les navires en détresse, DMF, 2004, p. 808-815. SHAW (R.), Place of refuge : international law in making ?, J.I.M.L, 2003, pp. 159-180 ; OYA ÔZÇAYR (Z.), Ports of refuge, JIML, 2003, pp. 486-495,.V. également TIMAGNIS (G.), Reception facilities for ships in distress, CMI Yearbook 2003 Vancouver, pp. 470-478. Cet auteur suggère que des installations d’accueil pour navires en détresse sous la forme de bassins fixes ou flottants soient aménagés à des endroits stratégiques de la côte.
NEUMEISTER (M.), Port state control : la France de nouveau sous-norme ?, JMM du 18 juin 2004, pp 4-5
418 Ces propos ont été tenus par M. F. LOUZAN LAGO, Capitaine espagnol de la Marine marchande et professeur de sciences navales devant la commission de sécurité maritime du Parlement. Ladite commission attendait les déclarations du Commandant de l’Erika qui retenu en Espagne, n’a pas été autorisé à se présenter devant elle. V. sur ce point, JPMB, La Commission de sécurité maritime du Parlement européen reçoit L. de PALACIO et le secrétaire général de l’OMI, JMM du 30 janvier 2004, pp. 6-7. V. aussi en ce sens VIALARD (A.), qui évoque « la responsabilité de l’Etat riverain, lorsque comme le cas avéré du Prestige, le naufrage et la marée noire consécutive sont à l’évidence, liés au refus de cet état de recevoir le navire en difficulté dans un port ou un abri côtier de refuge, et les décisions ineptes qui s’en sont suivies. VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op.cit. p. 447.
419 On ne peut manquer de souligner ici l’incapacité des autorités à tirer les enseignements des catastrophes passées. Ainsi l’Aelian Sky interdit d’accès dans tous les ports britanniques finit par sombrer en Manche. Les fûts toxiques qu’il contenait vinrent s’échouer sur les plages du Royaume-Uni. Le pétrolier Kharg V. en feu et abandonné par une partie de son équipage s’était vu refuser l’entrée dans les eaux territoriales marocaines et espagnoles.
420 En vertu de la déclaration de Malaga, les États français et espagnols se sont arrogés le droit de dérouter au delà de leur zone économique exclusive les navires à simple coque de plus de 15 ans d’âge transportant des produits pétroliers susceptibles de causer un risque à l’environnement. Une telle décision n’a pu être prise qu’en violation de l’article 58 de la Convention de 1982 qui garantit à tous les navires non dangereux transitant dans cette zone l’exercice d’une liberté fondamentale, la liberté de la navigation. Pour un examen critique de ces accords, V. LEHARDY (M.), Naufrage du Prestige et accord sur le contrôle de la navigation dans la zone économique exclusive, R.G.D.I.P, 2003, n° 1, pp. 132-136 ; V. aussi VAN DER MENSBRUGGHE (Y.), De l’Erika au Prestige : la réaction de la Communauté européenne en matière de sécurité maritime et de protection de l’environnement marin, A.D.M, 2002, p. 333, spéc. p. 336 et s.
421 Commune de la Gironde
422 L’objectif de la manœuvre selon M. J.- F. ACOT-MIRANDE est clair « l’enveloppe du FIPOL est dérisoire. Dès lors, autant diversifier les sources d’indemnisation en intervenant dans le cadre de l’instruction pénale déclenchée en Espagne » Il s’agit de rechercher la responsabilité des autorités espagnoles. La plainte désigne le capitaine du Prestige, les représentants du propriétaire et de l’armateur, le capitaine maritime du port de La Corogne et l’attaché du gouvernement espagnol en Galice et plus encore le directeur général de la Marine marchande espagnole qui aurait donné l’ordre d’éloigner le Prestige alors qu’il n’était qu’à 70 kilomètres des côtes.
423 V. BUHLER (J.-C.), Les marées noires : prévention et réparation, DMF, 2003, pp. 471-475, spéc. p. 475.
424 V. en ce sens les propositions de HETHERINGTON (S.), Civil liability and monetary incentives for accepting ships in distress, CMI Yearbook 2003 Vancouver, p. 457. ROSAEG (E.) et RINGBOM (H.), Compensation with regard to places of refuge, final report Scandinavian Institute of Maritim Law, october 2004.
425 Directive 93/75 du Conseil du 13 septembre relative aux conditions minimales exigées pour les navires à destination des ports maritimes de la Communauté ou en sortant et transportant des marchandises dangereuses ou polluantes, JOCE L. 247/19 du 5 octobre 1993, modifiée par la directive 98/74 de la Commission du 1 er octobre 1998, JOCE L. 276/7 du 13 octobre 1998. On attend notamment du navire qu’il informe dès le moment où il quitte son port de chargement l’état côtier. Ce dernier est en droit d’exiger toute information utile à la prévention des dommages. Obligation est faite au capitaine de notifier immédiatement à l’Etat côtier les détails de l’accident susceptibles de faire courir un risque au littoral de cet état. L’Etat côtier informé d’un incident en mer peut alors restreindre les mouvements du navire ou lui imposer un itinéraire déterminé.
426 Directive 2002/59 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information abrogeant la Directive 93/75 du Conseil, JOCE L. 208/10 du 5 août 2002.
427 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, COM (2005), 589 final
428 Proposition de directive du parlement européen les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes COM/2005/589 final du 23/11/2005.
429 On notera que la responsabilité de l’État peut être engagée pour toute faute simple commise dans des opérations de contrôle technique d’un navire, quand bien même il n’aurait qu’un rôle de surveillance sur les activités des constructeurs de navires. En l’espèce ces derniers ont dans la conception et la réalisation du navire en cause, commis des erreurs ayant concouru à titre principal à la survenance de son naufrage. La responsabilité de l’État a été limitée à 20 % du préjudice subi par les familles des victimes du naufrage, V. CAA Nantes, 3ème ch., 4 nov. 1999, req. n° 97NT00921 ; Min. équip. log., transp. et tour. c/ Mme Crochemore et a [Juris-Data n° 109103]avec les conclusions de M. J.-F. MILLET, Commissaire du gouvernement, J.C.P., 2001, JP. 10 466, p. 261-265. En, l’espèce, les familles des pêcheur du Snekkar Artic, chalutier perdu en mer corps et âme avaient cherché à établir la responsabilité de l’État Français. On pouvait lire dans les conclusions du Commissaire que la responsabilité de l’État dans ses fonctions de tutelle, de surveillance et de contrôle ne pouvait être que partiellement engagée, car l’État était « simplement coupable de n’avoir pas empêché les faits dommageables commis par les acteurs principaux ».
430 Propos tenus par le Professeur J.-P. QUENEUDEC, recueillis par Monsieur B. BAUDET et parus in Le Monde économique du 25 mars 2003 sous le titre, Le droit maritime n’est plus adapté aux réalités économiques de la mondialisation
431 V. ce point BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op. cit., n° 474
432 Sur cette convention V. REUTER (P.), Introduction au droit des traités, PUF Paris, 1985 pp 160-162
433 V. article 26 de la Convention de Vienne.
434 V. art. 60 de la Convention de Vienne
435 Art. 284 de la Convention de Montego Bay.
436 Art. 287 de la Convention de Montego Bay.
437 GOLDMAN (B.) et LYON-CAEN (A.), Droit européen commercial, Dalloz, Paris 1983, 1-52
438 article 169 du Traité de Rome
439 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, op.cit,. p. 446
440 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des Etats du pavillon du 23/11/2005 COM (2005), 586 final
441 V. Cour d’appel de Paris (1re Ch. inst.), 14 juin 2004, Navire Erika, obs. BLIN (P.), DMF, 2004, p. 849.
442 Le principe a été proposé par l’article 5 du projet d’articles de la Commission de Droit international de 1991. V. sur ce point QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, précit., n° 290.
443 ibid., n° 289 V. aussi en ce sens, SINGH (N.), Maritime flag and State responsability, International Law in honour of Judge Manfred Lachs, London Graham and Trotman/ Maritinus, Nyhoff ; 1984, 657-669
444 THIERRY, COMBACAU, SUR, VALLÉE, Droit international public, Montchrétien, Paris 1975, cité pr Ph. BOISSON, n° 725.
445 jure imperii
446 jure gestionis
447 Sur cette question, nous renvoyons à l’analyse de BLIN (P.), note sous Cour d’appel de Paris (1 ère Ch. inst.), 14 juin 2004, Navire Erika, DMF, 2004, p. 849, spéc. p. 858.
448 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., spéc. p. 446.
449 Il est intéressant de noter que dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, les défendeurs avaient introduit des demandes reconventionnelles notamment contre les autorités françaises qu’ils accusaient d’avoir fait preuve de négligence dans la prévention et la limitation des dégâts. Pour faire obstacle à celle-ci les autorités françaises avaient invoqué une exception d’incompétence, fondée sur son immunité de puissance souveraine, en l’occurrence une immunité de juridiction. Mais les juges américains avaient rejeté cette exception, en rappelant à juste raison, qu’en présentant une demande en justice devant une juridiction étrangère, l’État français de ce fait renonçait automatiquement à son immunité de juridiction., V. sur ce point, NDENDE (M.), L’affaire de l’Amoco- Cadiz...quatorze ans de bataille juridique, ERM, 1992, pp. 227-218.
450 COTTEREAU (G.), Système juridique et notion de responsabilité, in SFDI, La responsabilité dans le système international, Colloque du Mans, Paris, Pédone, 1991, p. 3.
451 Sur cette distinction, nous renvoyons à LEBEN (Ch), Vers un droit international des catastrophes, in LEBEN (Ch.) et CARON (D). (dir.), Les aspects internationaux des catastrophes naturelles et industrielles, Académie de droit international de la Haye, Martinus Nijhoff, 2001, pp. 90-91
452 art. 30 du rapport de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
453 Safer ships, cleaner seas, Report of Lord Donaldson’s inquiry into the prevention of pollution from merchant shipping, 61-63, Paragraphe 6. 22, 6. 25.
454 ROBERT (S.), L’ERIKA : responsabilité pour un désastre écologique, avant-propos B. STERN, préface A. KISS, CEDIN Paris I, Perspectives internationales N° 24, Editions Pédone, 2003.
455 DUPUY (P.-M.), A propos des mésaventures de la responsabilité des États dans ses rapports avec la protection internationale de l’environnement, in Prieur M. et Lambrechts C. (éds), Les hommes et l’environnement : quels droits pour le vingt-et-unième siècle ?, en hommage à Alexandre Kiss, Frison-Roche, 1998, pp 269-296, spéc. p. 271.
456 Ainsi s’exprimait le Ministre de l’Intérieur de l’époque dont les propos ont été rapportés dans le Journal le Monde du 15 avril 1967, cité par QUENEUDEC (J.-P.), Les incidences de l’affaire du Torrey Canyon sur le droit de la mer, AFDI, 1968, p. 701.
457 ROUSSEAU (Ch.), Chronique des faits internationaux, RGDIP, 1975, pp 842-843.
458 Ce cas, tout à fait exceptionnel est rapporté par. ROUSSEAU (Ch.), Chronique des faits internationaux, précit., spéc. p. 842. L’enveloppe allouée atteignait un montant de 200 millions de yens (soit un peu moins de 29 000 euros)
459 Report of Lord DONALDSON, Safer ship, cleaner seas, op. cit., p. XXVI, paragr. 8
460 On évoque aussi l’idée de « lien authentique », en anglais « genuine link ».
461 V. En ce sens les « Réflexions de l’Académie de Marine sur la prévention des catastrophes maritimes », DMF, 2003, pp 451-453.
462 MAHINGA (J.-G.), Les affaires du M/V Saïga devant le Tribunal international du droit de la mer, R.G.D.I.P., 2000, p. 718.
463 Cette juridiction établie par la Convention de Montego Bay de 1982 a « compétence pour reconnaître au contentieux de tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application de la Convention de Montego Bay et de tout autre accord se rapportant au but de cette convention ». Pour de plus amples développements sur cette juridiction, QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.), PELLET (A.), précit., n° 551., V. aussi GAUTIER (Ph.), Le Tribunal international du droit de la mer, Bulletin d’études de la Marine, Spécial colloque Droit de la mer 20 ans après, n° 26- juin 2003, p. 57. site internet du TIDM : http://www.tidm.org
464 Cette possibilité a déjà été évoquée s’agissant de la liberté de navigation par la doctrine. V. en ce sens ODIER (F.), Le droit de la mer doit-il être remis en question par les accidents de la mer ?, A.D.M 2002, pp 303-312. L’Académie de Marine recommande de responsabiliser les États du Pavillon notamment par une action entreprise au sein de la session annuelle de la Conférence des États parties à la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer et/ou dans le cadre de l’OMI, afin qu’ils remplissent effectivement leurs obligations en vertu du droit international. On notera que la Commission insiste sur la nécessité d’imposer une certaine consistance au lien qui unit le navire à un État. V. en ce sens la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le renforcement de la sécurité maritime suite au naufrage de pétrolier Prestige, COM ( 2000) 681, final du 3 décembre 2002. La Commission préconise que soit élaboré au plus vite un code de bonnes pratiques à suivre par les États du pavillon ainsi qu’une procédure obligatoire des États d’immatriculation, tendant à ce que les États du pavillon honorent les obligations que leur imposent les Conventions internationales. La création d’une telle procédure d’audit a été proposée lors de la conférence interministérielle de Tokyo en janvier 2002. V. sur ce point BELLAYER-ROILLE (A.), Réactions juridiques de la CE suite au naufrage du Prestige : étude d’une politique ambitieuse de sécurité maritime, ADMA, 2003, pp 133-184, spéc. p. 177. Cet auteur note que le « Compromis réalisé par la Convention de Montego-Bay paraît s’éroder chaque jour davantage ».
465 MAHINGA (J.-G.), Les affaires du M/V Saïga devant le Tribunal international du droit de la mer, op. cit, p. 723.
466 ibid. p. 724.
467 V. Cour d’appel de Paris (1 ère Ch. inst.) Navire Erika, 14 juin 2004, obs. BLIN (P.), DMF, 2004, pp. 849-682.
468 Au soutien de cette allégation, on peut reprendre l’exemple pertinent choisi par M. P. BLIN op. cit., spéc. p. 860. Cet auteur note en effet qu’au plus fort de la guerre civile, le Libéria avait suspendu localement toute forme de puissance publique. En revanche pendant cette même période, l’autorité d’immatriculation de l’État du Libéria, depuis son bureau établi sur le territoire des États-Unis, continuait d’exercer son activité d’immatriculation de navires. Dans de telles conditions, comment persévérer dans l’affirmation que l’acte d’immatriculation serait uniquement un acte de puissance publique ?
469 Obs sous Cour d’appel de Paris ( 1 ère Ch. inst.) Navire Erika, DMF, 2004, op.cit. p. 860.
470 Doit-on alors considérer que s’ils avaient existé la solution aurait été autre ?
471 On notera que le Conseil de l’Europe a adopté en mars 2000 un règlement sur l’aide de préadhésion pour Chypre et pour Malte. Ce règlement prévoit une aide totale de pré-adhésion de 38 millions d’euros en faveur de Malte, aide à affecter en priorité au renforcement de ses capacités institutionnelles, toutes matières confondues, ainsi qu’à la participation à des programmes communautaires. Malte est par ailleurs éligible au mécanisme de pré-adhésion de la Banque européenne d’investissement et au mécanisme de 6,425 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement en faveur des pays méditerranéens V. en ce sens le rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par Malte sur la voie de l’adhésion, Commission des Communautés européennes, Bruxelles, 13 novembre 2001, SEC (2001), 1751, p. 8 cité par C. FABREGOULE, L’élargissement de l’Union européenne et la sécurité maritime : à propos de la complaisance maritime de Chypre et de Malte, A.D.M. 2002, pp. 313-331, spéc. p. 330
472 Cour de cassation (Ch. crim.), 23 novembre 2004, Navire Erika, DMF, 2005, obs. J.-L. RENARD. p. 302.
473 Le Professeur J.-P QUENEUDEC interrogé sur les chances de succès d’une prochaine mise en cause de la responsabilité des pavillons de complaisance pour leur carence sécuritaire peine à cacher son pessimisme. Si beaucoup de pays du Nord seraient prêts à franchir ce pas, le vrai problème est qu’ils n’ont pas la majorité au sein de l’Organisation Maritime Internationale. Ce sont justement les États qui prônent la libre immatriculation qui en disposent... Le poids et la capacité d’influence d’un État au sein de l’OMI sont liés à l’importance de sa flotte.
474 BOISSON (Ph.)., Politiques et droit de la sécurité maritime, p. 475. V. aussi les arguments développés en ce sens par le Professeur ANCEL, cité par J.-L. RENARD, obs. sous Cour de cassation (Ch. crim.), 23 novembre 2004, Navire Erika, op. cit. spéc. p. 310.
475 Précit.
476 KISS (A Ch.), La réparation pour atteinte à l’environnement, op. cit. pp. 236-237.
477 KISS (A Ch.), La réparation pour atteinte à l’environnement, op. cit. pp. 236-237, V. nos développements sur la possibilité controversée de développer une analyse similaire en matière de responsabilité civile.
478 KISS (A Ch.), La réparation pour atteinte à l’environnement, op. cit, p. 236.
479 sur cette notion V. STERN (B.), Et si on utilisait le concept de préjudice juridique ? Retour d’une notion délaissée à l’occasion de la fin des travaux de la CDI sur la responsabilité des États, AFDI, 2001, p. 3-44.
480 STERN (B.), Et si on utilisait le concept de préjudice juridique ? Retour d’une notion délaissée à l’occasion de la fin des travaux de la CDI sur la responsabilité des États, op.cit. p. 29
481 STERN (B.), La responsabilité dans le système international, op. cit, p. 322
482 V. en ce sens STEFANIUK (D.), La prévention des marées noires et leur indemnisation. Aspects de droit international et européen, JDI, 2004, 4, 2003, pp 1013-1057, spéc. p. 1031.
483 FABREGOULE (C.), L’élargissement de l’Union européenne et la sécurité maritime : à propos de la complaisance maritime de Chypre et de Malte, op. cit, spéc. p. 331.
484 FABREGOULE (C.), L’élargissement de l’Union européenne et la sécurité maritime : à propos de la complaisance maritime de Chypre et de Malte, op. cit, p. 331 Selon le Journal Le Monde (21 novembre 2002) derrière le propriétaire libérien du Prestige se cacherait une famille d’armateurs grecs récidivistes car propriétaire de deux autres pétroliers naufragés l’Agean Captain et l’Agean Sea. Le premier avait sombré en 1979 dans l’Océan Indien, le second en 1992 près du port de la Corogne. Un capitaine grec paraît se défendre de cette mauvaise image véhiculée par la flotte grecque en déclarant que celle placée sous pavillon national est en « excellent état ». Les navires seraient sur la liste blanche des registres internationaux, leur état serait irréprochable. Un autre critique la volonté de la Commission européenne de doter les tankers d’une double coque à partir de 2005. Une telle décision pourrait conduire les armateurs grecs à se débarrasser d’excellents navires à simple coque en les « envoyant à la casse ». Cette décision pourrait frapper le tiers de la flotte hellénique, c’est-à-dire les seuls navires enregistrés sous pavillon grec, étant entendu que les deux autres tiers sont enregistrés sous des pavillons de complaisance. V. sur ce point, l’article de O. GUEZ, Les armateurs grecs refusent de baisser pavillon, La Tribune, 27 mars 2003, p. 30
485 TUNC (A.), La responsabilité civile, op. cit, n° 13
486 SAVATIER (R.), Vers la socialisation de la responsabilité et des risques individuels, D. 1931, chro. p. 9.
487 FLOUR (Y.), Faute et responsabilité civile : déclin ou renaissance ?, Droits - 5, 1987, p. 29
488 SCHNEIDER (A.), Le principe de virtualité de la faute, une conséquence de l’emprise du collectif dans le droit de la responsabilité civile extracontractuelle, JAC, n° 34.
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