Introduction au titre I
p. 457-458
Texte intégral
11209. Quand bien même nous proposerions de confier l’entière réparation des dommages au Super-FIPOL, autrement dit de procéder à une dilution optimale du risque de pollution lié au transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes, « il nous paraît important, à l’instar du Pr Ch. Rade de marquer notre attachement à la permanence d’un droit commun de la responsabilité civile dont le rôle est d’apporter aux victimes une réponse qui permette également de stigmatiser les comportements dommageables de leurs auteurs »1.
21210. Or sans doute, n’est-il pas meilleur vecteur à cette fin que celui de la faute. En effet, ainsi que le souligne le Pr J. Hauser2 « en disposant que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer, l’article 1382 du code civil exprime ce qu’il est convenu d’appeler le principe de responsabilité personnelle »3. Parce qu’il considère la règle du point de vue du débiteur, le Code civil amène le juge à porter un jugement sur le « fait quelconque de l’homme qui cause un dommage » et à le qualifier le cas échéant de « faute » au sens où l’entend l’article 1382 du Code civil, ou de négligence ou d’imprudence, pour reprendre les propres termes de l’article 1383 du Code civil. La mise en œuvre du principe de responsabilité personnelle implique nécessairement qu’un jugement de valeur soit porté sur le comportement litigieux.
31211. En d’autres termes, cela pourrait signifier qu’en présence de dommages résultant de transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes, la « gestion socialisée des risques » n’est pas nécessairement exclusive d’une « gestion individuelle de la faute »4. Cette gestion individuelle de la faute ne peut s’envisager que pour autant qu’on s’attache à revaloriser la responsabilité aquilienne afin de mieux identifier les comportements à risque (Chapitre I).
41212. Mais parce que les fautes loin de se neutraliser ont tendance à s’auto-alimenter, identifier ces comportements à risque ne suffit plus. Dès lors qu’il s’agit de faire face au traitement des accidents collectifs et aux catastrophes, de nouvelles pratiques juridiques et judiciaires ne peuvent manquer d’émerger. Car le droit ne peut rester indifférent face à la menace que ces comportements à risques font planer sur la valeur sociale que constitue la sécurité, il est sommé de se positionner. L’impératif de sécurité doit à tout moment conditionner les comportements de ceux qui à un titre ou à un autre sont garants de cette sécurité. Il faut donc s’attacher à prévenir des comportements à risque, cela d’autant qu’en matière maritime, la sécurité ne peut exister que si elle est imposée. Ce qui pourrait signifier que la restauration de la responsabilité aquilienne5 ne pourra pas s’envisager sans une réactivation de la fonction normative de la responsabilité dont on a dit qu’elle était devenue « crépusculaire »6 (Chapitre II).
Notes de bas de page
1 RADE (Ch.), Plaidoyer en faveur d’une réforme de la responsabilité civile, D., 2003, p. 2247, spéc., p. 2253.
2 HAUSER (J.), in Préface à la thèse de Ch. RADE, Droit du travail et responsabilité civile, L.G. D. J., 1997 p. 348.
3 RADE (C.), Le principe de responsabilité personnelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LPA, 1995, n° 108, p. 4.
4 On notera à l’instar de L. ENGEL que pour l’heure, le droit de la responsabilité a évolué d’une « gestion individuelle de la faute à une gestion socialisée des risques », in Vers une nouvelle approche de la responsabilité : le droit français face à la dérive américaine, Esprit, juin 1993, p. 16.
5 Responsabilité aquilienne, du nom de la loi romaine Aquilia qui généralisa le principe selon lequel toute faute légère, suffisait à engager la responsabilité de son auteur, V. en ce sens MOULY (C.), Responsabilité objective ou responsabilité pour faute ?, LPA, 1992, n° 79, p. 7-8.
6 MAZEAUD (D.), La notion de clause pénale, Préf. F. CHABAS, L.G.D.J. Tome 223. p. 1.
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