Chapitre II. L’expression du désordre
La casuistique
p. 57-149
Texte intégral
178. À défaut de définitions directes, il faut tenter de dégager, à partir des normes positives et des décisions de justice, ces définitions qui les soutiennent indirectement mais, comme on l’a montré, nécessairement. Selon M. Gridel, le « tableau à présenter est tout en contraste et nuances »135. Il est en effet difficile de déduire, tant de l’ensemble normatif que des décisions de justice, des notions stables et cohérentes.
SECTION I – DÉSORDRE DANS LA LOI ELLE-MÊME
279. « À force de laisser entendre que l’embryon n’aurait pas de statut, le débat sur les origines de la vie gagne, sinon en clarté, du moins en "positivité" juridique »136. Le moins que l’on puisse dire est que cet ensemble positif n’est pas clair car il est impossible de déduire une définition à partir des normes positives. Certaines règles font de l’embryon un être humain et d’autres non. On ne peut donc conclure que pour la loi française l’embryon est un être humain, pas plus qu’on ne peut conclure qu’il n’en est pas un. Il n’est guère possible de commenter la notion d’être humain qui se dégage de la loi, car la loi ne révèle pas de notion stable.
380. Les principales dispositions législatives qui donnent des éléments de définition de l’homme et précisément de l’embryon sont les dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse, issues de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975, relative à l’interruption volontaire de grossesse137 et aujourd’hui situées aux articles L. 2211-1 et suivants du code de la santé publique, et les dispositions issues des lois n° 94-653, relative au respect du corps humain et n° 94-654, relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal du 29 juillet 1994138.
I -Les dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse
481. Jusqu’à la loi de 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse, il est clair que pour le droit l’enfant conçu, quelle que soit la durée de la conception, est un être humain. L’atteinte à sa vie est incriminée par le droit pénal au titre des atteintes à la personne sous la qualification d’avortement, et la seule dérogation est la concurrence entre la vie de la mère et la vie de l’enfant. Seule la vie d’un autre être humain peut justifier l’atteinte à la vie de l’enfant conçu. La loi de 1975 autorise la destruction du fœtus dans certaines conditions et certains délais. Elle n’introduit cependant pas, en soi, de contradiction dans la notion même d’être humain, dans ce qu’il faut entendre par être humain. En revanche elle introduit une ambiguïté, pour l’avenir, sur cette question.
A - La loi de 1975 n’introduit pas de contradiction dans la notion d’être humain
582. La loi affirme dans son article 1er qu’elle « garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » et « qu’il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ». La possibilité de recourir à l’I.V.G. et ce faisant d’attenter à la vie du fœtus est donc présentée comme une exception au principe posé dans l’article 1er. La loi prévoit la suppression du fœtus, mais sa qualité d’être humain n’est pas remise en question. Comme le rappelle le Conseil d’État, dans son rapport de 1999 sur les lois bioéthiques, la loi « a d’abord affirmé le principe de l’assimilation du fœtus à un être humain. Son article 1er dispose ainsi que "la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie". Toutefois, elle s’est placée dans une logique de mise en balance de ce droit avec la prise en compte de la situation de détresse de la mère et des dangers que celle-ci peut courir »139.
683. On peut sans doute se demander si cela ne reviendrait pas au même d’affirmer directement que dans certains cas les embryons ne sont pas des êtres humains plutôt que d’écarter dans ces mêmes cas un principe aussi fondamental que le respect de la vie. Tout en affirmant que les embryons et fœtus concernés sont bien des êtres humains, la loi prévoit de les traiter comme s’ils n’en étaient pas. On peut voir, dans ces "accommodements", « la ruine des principes par des séries d’exceptions »140, et légitimement s’interroger sur « la rupture d’égalité constituée par l’institution de la condition de délai (dixième semaine) fixée pour l’avortement »141. Mais, outre le fait « qu’ici c’est moins des embryons entre eux dont il s’agit que d’un rapport entre un embryon pars viscerum matris et la femme qui le porte »142, la rupture du principe d’égalité est effectivement organisée par la loi, mais entre les êtres humains qui bénéficient du principe du respect dès le commencement de la vie et ceux pour lesquels ce principe est écarté, et non pas entre les embryons qui seraient des êtres humains et ceux qui n’en seraient pas. La loi française persiste à affirmer le droit au respect de la vie dès son commencement, ce qui signifie qu’elle reconnaît l’existence de l’enfant dès sa conception. Le choix fait en faveur de l’I.V.G. est fondé sur une préférence pour les intérêts de la mère sur ceux de l’enfant, mais non sur l’affirmation que l’enfant à naître ne serait pas un être humain.
784. Les dispositions actuelles du code de la santé publique relatives à l’interruption volontaire de grossesse relèvent de la même démarche. L’article L. 2211-1 reprend le principe posé à l’article 16 du Code civil, qui pose le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie et précise qu’il ne peut être porté atteinte à ce principe que dans les cas prévus par le titre dans lequel il se situe, titre relatif à l’interruption volontaire de grossesse. La loi continue de permettre l’interruption volontaire de grossesse mais continue aussi d’affirmer que l’embryon ou le fœtus est un être humain143.
885. La loi ne 1975 n’introduit pas de contradiction dans le concept d’être humain. En revanche, continuant à affirmer la qualité d’être humain de l’embryon et conduisant pratiquement à autoriser sa suppression, elle introduit dans le droit positif une difficulté de cohérence.
B -La loi de 1975 et les réformes suivantes rendent la question ambiguë pour l’avenir
986. Depuis 1975, la question de la nature de l’embryon est faussée, car toute déclaration en faveur de l’embryon est perçue comme une possible remise en cause de cette loi. C’est pourquoi de nombreux textes prennent soin, avant de dire quoi que ce soit au sujet de l’embryon, de préciser que ce qu’ils vont édicter ne peut consister dans une remise en question de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse. Le Parlement européen prend ainsi la précaution d’introduire une résolution sur la fécondation artificielle par cette réserve : « la présente résolution ne traite pas du problème de l’interruption volontaire de grossesse et ne permet donc pas de tirer des conclusions pour ou contre l’avortement »144. Une autre résolution adoptée le même jour précise de même que « le problème de l’avortement doit être distingué des questions traitées dans la présente résolution et que personne ne peut invoquer celle-ci dans le débat sur l’avortement »145.
1087. Est révélatrice de cette difficulté la déclaration interprétative faite par la France, lors de la signature à New York le 26 janvier 1990 de la Convention relative aux droits de l’enfant, et selon laquelle cette Convention ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française sur l’interruption volontaire de grossesse146.
1188. Avant le vote des lois bioéthiques de 1994, l’étude du Conseil d’État rédigée par M. Braibant conseillait au législateur de limiter le champ de son intervention à l’embryon in vitro pour ne pas entrer en concurrence avec la législation sur l’I.V.G. qui concerne les embryons in utero : « Le champ d’application de la loi doit concerner le processus embryonnaire in vitro, et non l’embryon après l’implantation chez la mère. Par ailleurs, il n’y a pas besoin de toucher à la loi du 17 janvier 1975 […] car la distinction proposée permet de dissocier de façon justifiée les deux problèmes […] »147. C’est pourquoi de nombreuses précautions ont été prises pendant les débats qui ont précédé le vote de ces lois. En première lecture un amendement proposa d’ajouter au début de la loi sur le respect du corps humain le principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie (qui deviendra ensuite de sa vie)148. Mme Cacheux se déclara d’accord d’ajouter ce principe, à condition de « dire que ce principe ne doit pas remettre en cause la loi Veil ». Mme Roudy approuva qu’ « il faut que cela soit établi » et M. Toubon de conclure que « c’est dans ce sens que nous l’adoptons ». Malgré cela Mme Roudy précisa qu’ « il est important de préciser dans ce débat, afin que cela paraisse au Journal officiel, que les textes que nous allons voter ne remettent en aucun cas en cause la loi Veil », et ne craignit pas de souligner : « c’est un des points du consensus : nous ne remettons pas en cause la loi Veil telle qu’elle a été votée »149. Une telle insistance révèle l’ambiguïté qui entache la notion d’être humain depuis 1975.
1289. MM. Claeys et Huriet, dans leur rapport sur l’application des lois de 1994, relèvent que cette difficulté n’est pas pour rien dans la confusion qui caractérise les lois de 1994 : « Alors que le Conseil d’État, par deux arrêts du 21 décembre 1990, avait traité l’embryon comme une personne ayant droit à la vie au sens de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, les amendements allant dans le même sens ont été écartés lors des débats de 1994, afin d’éviter qu’une reconnaissance juridique aussi explicite ne conduise à une remise en cause de la loi du 17 janvier 1975 »150.
1390. Il n’est pas rare enfin que les décisions relatives à l’enfant à naître soient interprétées par rapport au débat sur l’interruption volontaire de grossesse. Ainsi, à propos de l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon qui a qualifié d’homicide involontaire l’atteinte involontaire à la vie d’un fœtus, Mme Serverin « ne peut s’empêcher de penser que la préoccupation de protection de la vie n’était pas au premier plan de cet arrêt et que cette affaire a été la tribune d’un autre débat, qui n’avait pas ici sa place, celui de l’interruption volontaire de grossesse »151. L’incohérence du statut de l’embryon est donc en grande partie due à la crainte que toute déclaration sur l’humanité de l’embryon ne vienne remettre en question la loi de 1975. Mais ce sont les lois de 1994 qui introduisent formellement la contradiction.
II -Les lois du 29 juillet 1994
1491. Il s’agit des deux lois du 29 juillet 1994, la loi n° 94-653, relative au respect du corps humain152 et la loi n° 94-654, relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal153. Certaines de leurs dispositions s’expliquent difficilement si l’on admet que l’embryon est un être humain, alors que d’autres semblent le traiter comme tel et apparaissent superflues si l’embryon n’est pas un être humain154. « Quel que soit le statut qu’en son âme et conscience l’on donne à l’embryon, le législateur a présenté un être parfois considéré comme vivant, tout en lui refusant certains droits des humains »155.
1592. Certaines dispositions traitent l’embryon comme un être humain. La loi relative au respect du corps humain introduit dans le livre V du code pénal un titre Ier intitulé : « Des infractions en matière de santé publique », qui comprend quatre sections : « De la protection de l’espèce humaine », « De la protection du corps humain », « De la protection de l’embryon humain » et une section consacrée aux peines particulières encourues. La protection de l’embryon humain ne se fait pas à travers celle du corps humain qui concerne l’obtention et l’utilisation des produits et organes. L’obtention, la conservation et l’utilisation des embryons ne sont pas traitées sur le même plan que celles des produits humains en général. C’est un indice en faveur de la reconnaissance de la qualité d’être humain de l’embryon, car il ne rentre pas dans les dispositions relatives aux organes, produits du corps humain, et même ces produits très particuliers que sont les gamètes ; il fait l’objet de dispositions spécifiques.
1693. D’autre part, les règles très strictes qui encadrent l’obtention et la conservation des embryons en vue du transfert manifestent que l’objet de ces règles n’est pas un simple produit humain mais bien autre chose. Particulièrement l’article L. 2141-8 al. 1er du code de la santé publique interdit « la conception in vitro d’embryons humains à des fins d’étude, de recherche ou d’expérimentation ». Qu’en est-il des embryons n’ayant pas été conçus pour la recherche mais existant néanmoins ? L’article L. 2141-8 al. 2 du même code pose la règle générale selon laquelle « toute expérimentation sur l’embryon est interdite ». L’alinéa 3 prévoit certes qu’« à titre exceptionnel, l’homme et la femme formant le couple peuvent accepter que soient menées des études sur leurs embryons », mais, précise l’alinéa 4, « ces études doivent avoir une finalité médicale et ne peuvent porter atteinte à l’embryon ». On ne comprend vraiment pas pourquoi l’expérimentation est ainsi limitée si l’embryon en question n’est pas un être humain, alors que l’expérimentation est libre sur les produits du corps humain et qu’elle est largement possible, quoique réglementée, sur les animaux. D’autre part, ces dispositions s’insèrent très bien dans le dispositif légal relatif à l’expérimentation sur les êtres humains en général. On peut en effet remarquer que l’expérimentation sur l’embryon est encadrée par des règles plus strictes encore que celles qui concernent les êtres humains en général. Les dispositions protectrices des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales sont d’autant plus strictes que les individus en question sont vulnérables. Ainsi la recherche sans bénéfice direct est interdite sur les incapables156. L’embryon est particulièrement vulnérable, c’est pourquoi les règles qui le concernent sont les plus strictes. Des dispositions relatives à l’expérimentation il serait donc possible de déduire que l’embryon est considéré comme un être humain par le législateur de 1994.
1794. Enfin, on peut relever que le projet de loi parlait de "don d’embryon". M. Mattéi fit remarquer lors de la première lecture à l’Assemblée nationale que « cela revient à considérer également l’embryon comme une chose, car on ne peut jamais donner une personne, on ne peut jamais donner quelqu’un »157. Mme Roudy répondit : « L’embryon n’est pas une personne ! », et Mme Robert : « C’est une personne potentielle », ce qui permit à Mme Roudy de préciser « Même pas ! C’est la différence ! »158. Cela montre que la qualité de personne de l’embryon était loin de faire l’unanimité lors de ces discussions, mais les termes furent néanmoins rectifiés et la loi parle finalement d’accueil de l’embryon. En ce qui concerne les gamètes il est toujours question de don, ce qui manifeste une différence de fond entre le don de gamètes et le don d’embryons159.
1895. En revanche d’autres dispositions des mêmes lois viennent contredire une telle conclusion. Une disposition de la loi en particulier contrecarre la qualification d’être humain de l’embryon : la possibilité de destruction des embryons surnuméraires et même la destruction automatique de ces derniers au bout de cinq ans. En effet la survie des embryons surnuméraires est subordonnée à deux conditions : la persistance d’un projet parental les concernant et une conservation maximum de cinq ans. La destruction automatique est en contradiction avec le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie. A moins que le principe ne concerne pas les embryons in vitro, ainsi que l’a dit le Conseil constitutionnel160, ce qui signifie qu’ils ne sont pas considérés comme des êtres humains. « Ou alors, bien que toujours qualifiés d’êtres humains, ces embryons appartiennent-ils à une catégorie d’êtres humains inférieure, non seulement sans droits, mais sans "respect" en l’espèce ? »161. Cette possibilité de destruction se concilie mal avec les précautions prises pour interdire pratiquement les recherches sur l’embryon162.
1996. La contradiction qui caractérise les lois de 1994 est unanimement relevée : « Peu de personnes s’accordent sur la question fondamentale de l’apparition de la vie […]. Le législateur a opté pour la neutralité en présentant l’embryon comme une potentialité de vie. Malgré cette "franche hésitation", les solutions retenues par la loi du 29 juillet 1994 ont une cohérence parfois bancale »163. Avec le temps l’incohérence n’apparaît que plus manifeste et le Conseil d’État en 1997 ne peut que le constater : « Il ressort de la loi [...] une volonté de protection de l’embryon très proche pour ne pas dire identique à celle qui prévaut dans le droit de la personne. Ce parti serait parfaitement cohérent si [...] le législateur et le Conseil constitutionnel ne s’étaient pas prudemment gardés par ailleurs de conférer ce statut de personne à l’embryon et surtout si l’article 9 [...] de la seconde loi ne prévoyait pas la destruction des embryons surnuméraires dépourvus de projet parental à l’échéance de cinq années […] Les textes actuels peinent donc à trouver une totale cohérence interne »164. C’est ainsi que l’on a pu parler de « malfaçon législative »165. Le rapport d’information préparatoire au projet de loi bioéthique le constate à son tour, le « compromis atteint par le législateur en 1994 traduit, par son ambiguïté, les controverses suscitées à l’époque autour de la question du statut et de la protection adéquate de l’embryon »166.
2097. La révision des lois bioéthiques telle qu’elle s’annonce ne va pas mettre fin à ces incohérences. Le projet de loi bioéthique n’envisageait pas à l’origine de lever l’interdiction du transfert post mortem167. Cette mesure ayant été recommandée par plusieurs instances et préconisée par le rapport préparatoire168, un amendement en ce sens fut introduit en première lecture à l’Assemblée nationale169. Le Sénat supprima cette possibilité en première lecture et revint à l’interdiction du transfert post mortem. La distinction ainsi envisagée, même si elle a été abandonnée, entre l’insémination artificielle et le transfert d’embryon post mortem recèle une affirmation implicite de la qualité d’être humain de l’embryon, qui justifie que la finalité première de l’assistance médicale à la procréation, qui est la naissance d’un enfant dans une famille constituée, cède devant l’intérêt de l’embryon lui-même.
2197 bis. Dans le même sens, on peut relever le projet d’interdire de procéder à de nouvelles tentatives de fécondations in vitro tant que le couple dispose encore d’embryons congelés170, et celui de lever l’exigence de destruction après une conservation de cinq ans pour les embryons faisant toujours l’objet d’un projet parental171. D’autre part, le projet parle de "déplacements d’embryons"172, alors qu’il parle d’"importation de tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux"173 : ce souci de ne pas recourir au vocabulaire spécifique aux biens lorsqu’il est question de l’embryon manifeste qu’on ne considère pas ce dernier comme tel.
2298. En revanche, le projet ouvre la possibilité de procéder à des recherches sur l’embryon. En première lecture, l’Assemblée nationale a posé le principe de l’autorisation de la recherche sur l’embryon, dans certaines conditions174. Le Sénat a inversé le principe, et posé celui de l’interdiction de la recherche sur l’embryon, tout en prévoyant des exceptions175. Cette possibilité de mener des recherche sur l’embryon, qu’elle soit principe ou exception, et même avec l’accord des parents, est incompatible avec l’idée que l’embryon est une personne176. En effet, si le fait d’être une personne ne fait pas obstacle à une certaine expérimentation, il fait obstacle à ce que l’individu devienne objet de recherche, ce qui semble être le cas car le projet prévoit d’autoriser la recherche sur l’embryon sans intérêt pour lui et, surtout, que l’embryon ayant fait l’objet d’une recherche ne peut plus être implanté177. D’autre part, ce projet ne remet pas en cause la destruction systématique des embryons abandonnés au bout de cinq ans178.
2399. La loi elle-même est peu cohérente, mais c’est surtout l’application du droit positif qui aboutit à des contradictions dans les notions d’être humain et de personne humaine.
SECTION II – DÉSORDRE DANS LA DÉFINITION DES BÉNÉFICIAIRES DES TEXTES VISANT L’ÊTRE HUMAIN ET LA PERSONNE HUMAINE
24100. Lorsqu’un texte énonce des droits, il faut déterminer à qui ils bénéficient. Qui est protégé par le texte ? Lorsqu’un texte reconnaît des droits à toute personne ou à tout être humain, les juridictions doivent dire si tel ou tel individu entre dans son champ d’application et donc, indirectement, définir les notions de personne et d’être humain. En particulier, les juges devront déterminer si l’individu à naître, qu’il soit embryon, in vitro, in vivo, ou fœtus, viable, non viable, à terme ou seulement ébauché, entre dans le champ des textes applicables à l’être humain et à la personne.
25101. On ne trouve pas dans les décisions de justice de déclarations comme "l’être humain est…" ou "la personne humaine est…". On trouve éventuellement des remarques à propos d’un individu précis, comme "l’embryon est un être humain", "l’embryon n’est pas un être humain", "le fœtus est ou n’est pas une personne", pour motiver le fait d’inclure ou au contraire d’exclure l’enfant à naître du bénéfice d’un texte. Le plus souvent, les décisions ne contiennent pas de déclaration aussi explicite, mais de l’applicabilité ou non du texte à tel individu on peut déduire si le droit le tient, ou non, pour un être humain ou personne humaine.
26102. La question n’est pas "qui peut invoquer le texte ?", mais "qui le texte protège-t-il ?". La possibilité d’agir personnellement vient dans un deuxième temps. Ce n’est pas parce qu’un individu ne peut agir en justice, n’en ayant pas la capacité, qu’il n’est pas concerné par un texte. Pour le comprendre il suffit de considérer un texte protecteur des animaux. Le bénéficiaire en est bien l’animal179, et les actes commis sur lui en relèvent. En revanche, l’animal n’a aucune capacité à agir en justice. Pour savoir si l’enfant conçu entre dans le champ d’un texte, il ne faut donc pas se demander s’il peut agir sur le fondement de ce texte, mais si les actes commis sur lui en relèvent pour être sanctionnés ou autorisés.
27103. Les textes qui ont amené les juges à préciser si l’individu à naître est un être humain ou une personne humaine sont d’origine internationale ou internes au droit français.
I -Les textes internationaux
28104. Il s’agit principalement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme180, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques181, de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant182 et de celle de Genève relative à l’esclavage183.
A - La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
29105. Les États parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme reconnaissent les droits proclamés par ce texte « à toute personne relevant de leur juridiction » (article 1er). Les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques s’engagent à respecter et à garantir « à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le […] Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » (article 2). L’enfant conçu est-il une personne relevant de leur juridiction, un individu se trouvant sur leur territoire ? Peut-on invoquer au bénéfice de l’enfant conçu les règles posées par ces textes ?
30106. Les dispositions susceptibles d’intéresser l’enfant à naître sont les articles 2 et 3 de la Convention et l’article 6 du Pacte, relatifs au droit à la vie ; ils énoncent respectivement que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi »184, et que le « droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa vie »185. L’article 3 de la Convention déclare pour sa part que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». La question posée aux juges est de savoir si la définition de ces termes de "personne" et "personne humaine" englobe l’enfant à naître : l’enfant à naître est-il protégé par la Convention et par le Pacte ?
31107. Ces textes ne précisent pas, eux-mêmes, si l’individu à naître est concerné par les droits qu’ils énoncent. On peut remarquer que la Convention américaine relative aux droits de l’Homme est, au contraire, très claire sur ce point : elle dit dans son article 2 qu’aux « effets de la présente Convention, tout être humain est une personne » et, en ce qui concerne le droit à la vie, dans son article 3-1 que « toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception »186. La Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne contenant aucune précision de cet ordre, il faut rechercher la réponse à cette question en amont, dans les travaux préparatoires de la Convention et en aval, dans les décisions d’application de ces deux textes.
1) Les travaux préparatoires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
32108. L’examen des travaux préparatoires est décevant, nulle part il n’est fait ne serait-ce qu’allusion à cette question. Les seuls débats relatifs à la définition des bénéficiaires de la Convention portent sur la délimitation territoriale des personnes en relevant. Le Comité d’experts trouve ainsi que les termes « toute personne résidant sur le territoire des États » sont trop restrictifs, parce que la Convention doit bénéficier à toute personne se trouvant sur leur territoire. C’est pourquoi le terme "résidant" est remplacé par celui de "relevant de leur juridiction"187
33109. Les débats relatifs à l’élaboration de l’article 2 ne contiennent aucune évocation de l’enfant conçu : ils portent en exclusivité sur les conditions dans lesquelles la mort peut être infligée de façon légitime, c’est-à-dire les questions relatives par exemple à la peine de mort ou à la légitime défense. Il semble que le texte « toute personne a droit au respect de sa vie » ne soit là que comme introduction pour ce qui est vraiment intéressant aux yeux des auteurs de la Convention, c’est-à-dire les cas dans lesquels la mort peut être infligée. Le débat ne porte que sur les exceptions au droit à la vie. D’ailleurs, le projet de texte élaboré par le Comité d’experts propose deux variantes, A et B. La première, la variante A188, ne contient pas cette disposition positive du droit à la vie. L’article 3 du projet entre directement dans le vif du sujet, à savoir les conditions dans lesquelles l’atteinte à la vie est légitime : « La mort ne pourra être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal en cas de délit justifiable de cette peine ». L’alinéa 2 développe les « cas dans lesquels la mort ne sera pas considérée comme infligée intentionnellement car résulterait d’un recours à la force rendu nécessaire ». Le texte de la variante B contient cette disposition « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne »189, qui sera retenue et combinée avec le texte de la variante A, mais cette différence semble rédactionnelle.
34110. Un élément attire l’attention : le texte, inspiré de la Déclaration universelle des droits de l’homme est, à l’origine, « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Dans le projet de convention adopté par le Comité des ministres190 il devient « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi » : de "tout individu", on passe à "toute personne". Mais il semble que ce ne soit qu’une rectification terminologique pour harmoniser le texte dans son ensemble, le terme "toute personne" étant en général utilisé dans les autres articles. D’ailleurs l’article 10, qui disait que « tout individu a droit à la liberté d’expression », subit la même transformation et devient « toute personne a droit à la liberté d’expression »191, sans que dans l’un et l’autre cas le mot anglais everyone ne soit modifié192. Ni l’une ni l’autre de ces modifications ne fait l’objet du moindre commentaire. Pourtant un débat a bien lieu à propos du texte transmis par le Comité des ministres : la discussion porte sur le droit de recours individuel, les conflits de compétence, la clause coloniale, mais un débat sur le choix du terme de "personne" plutôt que celui d’"individu" n’est même pas sous-jacent. Autant certaines modifications apportées par le Comité des ministres font l’objet de commentaires, parfois violents193, autant cette modification de l’article 2 ne suscite aucune remarque.
35111. Un tel silence peut sembler surprenant. Mais il faut replacer les débats dans le contexte de l’époque. Ce qui inspire la rédaction de la Convention, c’est le souci de protéger les individus contre le totalitarisme. En outre, la situation de l’enfant conçu n’a pas encore connu les bouleversements qui ont suscité l’intérêt à son sujet. Il ne faut pas rechercher dans les travaux préparatoires des éléments sur une question absente de l’esprit des rédacteurs. En revanche, le temps passant, il devient intéressant de se demander si l’individu à naître est concerné par la Convention, et la question est posée explicitement aux organes juridictionnels de la Convention européenne des droits de l’homme, la Commission et la Cour européenne des droits de l’homme.
2) La jurisprudence de la Commission et de la Cour européenne des droits de l’homme
36112. La Commission se prononce la première dès 1961, puis beaucoup plus tard la Cour, en 1992. Force est de constater que ces deux institutions se montrent peu empressées de définir la notion de personne et de dire si l’individu à naître en est une. Dans un premier temps, la Commission déclare irrecevables, pour des raisons procédurales de défaut d’intérêt à agir, les requêtes qui pourraient l’amener à préciser la notion de personne en ce qu’elles posent la question de la compatibilité des législations autorisant l’avortement avec l’article 2 de la Convention (pour les requérants, si l’article 2 concerne le fœtus, alors une loi autorisant l’avortement est contraire à la Convention). En effet, si les particuliers peuvent agir devant la Cour en vertu de l’article 25, ce n’est qu’à condition qu’ils justifient de leur qualité de victime d’une violation de la Convention.
37113. Une première décision du 29 mai 1961194 déclare irrecevable une requête dirigée contre la législation norvégienne autorisant l’interruption volontaire de grossesse dans certaines circonstances. Le requérant dépose sa requête « au nom des parents qui, sans leur consentement ou à leur insu, […] se voient ou se verront privés de leur descendance par un avortement provoqué, et au nom des innocentes victimes d’opérations de cette nature -tous dans l’incapacité ou dans l’impossibilité de défendre leur propre cause ». Le requérant pose on ne peut plus clairement à la Commission la question de la personnalité de l’embryon ; il lui demande de dire « si les droits reconnus à l’homme s’appliquent pleinement à l’embryon humain dès sa conception et, dans la négative, à quels stades de son développement l’être humain commence à jouir partiellement ou pleinement de ces droits ». Mais la Commission ne répond pas à la question posée et déclare la requête irrecevable car le requérant « ne prétend pas être lui-même, en aucune manière, victime de la loi ». Par conséquent, « la Commission n’est pas compétente pour examiner in abstracto si cette loi est conforme aux dispositions de la Convention ». Elle refuse de jouer le rôle d’une sorte de Conseil constitutionnel européen ayant pour mission d’apprécier la conformité des lois internes avec les dispositions de la Convention.
38114. Une autre décision du 10 décembre 1976195 déclare irrecevable une requête du même ordre, dirigée contre la législation autrichienne relative à l’avortement. La Commission, se référant à sa jurisprudence de 1961, répond que « quelques honorables que puissent être les préoccupations du requérant, les arguments qu’il avance ne montrent nullement qu’il peut prétendre être affecté par les dispositions nouvelles autrement que comme n’importe quel autre citoyen autrichien. Ils témoignent plutôt de son intention d’exercer une "actio popularis" contre les dispositions prévoyant l’impunité dans certains cas d’avortement ».
39115. La première requête recevable donne lieu à une décision du 19 mai 1976196, mais la question est envisagée sous l’angle de l’atteinte à la vie privée. Cette requête est dirigée contre un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, déclarant nul l’article 218 du code pénal allemand qui prévoit « que l’avortement, pratiqué par un médecin dans les douze premières semaines de grossesse avec le consentement de la mère, ne [constitue] pas une infraction punissable ». Les requérantes sont cette fois des militantes pro-avortement qui invoquent le fait que, la grossesse et son interruption relevant de la vie privée, la réglementation légale de l’avortement constitue une ingérence dans la vie privée. En raison de la loi, elles se voient en effet contraintes ou à renoncer à des relations sexuelles ou à employer des contraceptifs qui ne leur conviennent pas ou à donner naissance à des enfants non désirés. La Commission, estimant que « la grossesse et l’interruption de la grossesse relèvent de la vie privée et aussi, dans certaines conditions, de la vie familiale […] que la réglementation juridique de l’avortement constitue une ingérence dans la vie privée qui peut ou non se justifier en vertu de l’article 8§2 », déclare la requête recevable et ordonne un examen au fond, mais seulement pour déterminer s’il y a eu ou non violation de la vie privée197. Comme le relèvera la Commission dans une décision ultérieure du 13 mai 1980, « la question de savoir si l’enfant à naître bénéficie des garanties de l’article 2 a été expressément laissée indécise »198.
40116. Cette décision du 13 mai 1980, justement, est la première décision réellement intéressante, car la Commission se prononce au fond sur la violation de l’article 2. Le mari d’une femme enceinte saisit le juge anglais pour faire interdire à sa femme d’avorter. Sa demande est rejetée devant la juridiction interne, aux motifs que « le père d’un fœtus, qu’il soit ou non marié à la mère, n’a pas, de par la loi, le droit d’empêcher la mère de se faire avorter, ni celui d’être consulté ou informé à propos de l’avortement »199. L’avortement, thérapeutique en l’espèce, est pratiqué quelques heures après le prononcé de la décision. Devant la Commission le requérant soutient que « la loi de 1967 sur l’avortement, en vertu de laquelle l’avortement a été pratiqué, est contraire aux articles 2 et/ou 5, 6, 8, 9 de la Convention ».
41117. Sur la recevabilité tout d’abord, la Commission « admet qu’en tant que père potentiel, le requérant était affecté de manière assez étroite par l’IVG de son épouse pour se prétendre "victime" au sens de la Convention ». La seule recevabilité de la requête constitue-t-elle la reconnaissance que le fœtus peut être victime de la violation de la Convention ? En effet, pour qu’il y ait victime indirecte, il faut nécessairement une victime directe. Le père n’est pas victime directe d’une violation du droit à la vie car sa vie à lui n’est pas en cause. Il ne peut être que victime indirecte en ce qu’il souffre de l’atteinte à la vie d’un autre, la victime directe, qui en l’occurrence ne peut être que le fœtus. C’est pourquoi la construction « est audacieuse car admettre l’existence d’une victime indirecte suppose, normalement, l’existence d’une victime directe : doit-on, alors, considérer que le fœtus est destinataire du droit à la vie ? »200.
42118. Sur le fond, la Commission examine les arguments pour et contre l’admission de l’enfant à naître dans les bénéficiaires de la Convention. Elle constate d’une part que, dans la quasi totalité des cas où le terme "toute personne" est employé, « le mot est utilisé de telle manière qu’il ne peut s’appliquer qu’après la naissance. Rien n’indique clairement que le terme pourrait s’appliquer avant la naissance, mais on ne saurait totalement exclure une telle application dans un cas rare, par exemple, pour l’application de l’article 6, paragraphe 1 »201. En effet, le droit à la vie peut faire obstacle à la recevabilité du recours pour demander réparation du fait d’exister202. D’autre part les limitations au droit à la vie « concernent toutes, de par leur nature, des personnes déjà nées et ne sauraient être appliquées au fœtus ». Ainsi, « l’usage généralement fait de l’expression "toute personne" dans la Convention et le contexte dans lequel ce terme est employé à l’article 2 tendent à étayer la thèse qu’il ne s’applique pas à l’enfant à naître ».
43119. Finalement, la Commission estime qu’elle doit examiner si l’article 2 doit être interprété « comme ne concernant pas du tout le fœtus ; comme reconnaissant au fœtus un "droit à la vie" assorti de certaines limitations implicites ; ou comme reconnaissant au fœtus un "droit à la vie" de caractère absolu ». La troisième possibilité, à savoir la reconnaissance au fœtus par la Convention d’un droit à la vie absolu est écartée d’emblée : cela signifierait que le droit à la vie du fœtus est considéré comme plus important que celui de la femme enceinte. Or, à l’époque de la signature de la Convention, presque toutes les parties contractantes reconnaissaient la possibilité d’avorter pour sauver la vie de la mère. En ce qui concerne les deux autres possibilités, la Commission ne tranche pas car, en l’espèce, l’avortement autorisé a été pratiqué pour protéger la vie et la santé de la femme et cette seule certitude, « si droit à la vie du fœtus il y a, il n’est pas absolu », suffit à régler l’affaire qui lui est soumise.
44120. La Commission admet donc le père comme victime indirecte, ce qui sous-entend que le fœtus est la victime directe, même s’il se trouve tout à fait dépourvu de capacité à agir lui-même (le père n’agit pas au nom du fœtus, il agit en son nom propre). Ensuite elle ne précise pas si, effectivement, le droit à la vie concerne le fœtus. Mais elle va donner d’autres éléments dans une affaire comparable en 1992.
45121. Dans la décision du 19 mai 1992203, les faits sont similaires : le compagnon d’une femme ayant subi une interruption volontaire de grossesse se plaint de ce que « ne pas protéger la vie de l’enfant à naître au regard du droit norvégien est contraire à l’article 2 de la Convention ». Sur la recevabilité, la Commission ne fait qu’appliquer sa jurisprudence antérieure pour admettre que le requérant était, « en tant que père potentiel, affecté de manière assez étroite par l’interruption de la grossesse de son amie pour se prétendre "victime", au sens de l’article 25 de la Convention, de la législation incriminée telle qu’elle a été appliquée ».
46122. En ce qui concerne la violation de l’article 2, la Commission se borne à reprendre les éléments de sa jurisprudence, pour en conclure qu’elle n’a pas « à décider du point de savoir si le fœtus peut bénéficier d’une certaine protection au regard de la première phrase de l’article 2 […], mais elle n’exclut pas que dans certaines conditions, cela puisse être le cas ». Constatant ensuite que les législations nationales sont très divergentes en la matière, elle en conclut que « les États contractants doivent jouir d’un certain pouvoir discrétionnaire ». Or, « dans les circonstances propres à l’affaire, la Commission n’estime pas que l’État défendeur ait dépassé le pouvoir discrétionnaire qu’elle estime être le sien dans ce domaine délicat de l’avortement ». La décision est donc assez décevante sur le terrain de l’article 2, puisqu’elle n’apporte aucun élément nouveau pour dire si, oui ou non, le fœtus est considéré comme une personne.
47123. En revanche, elle est très intéressante par ce qu’elle dit au sujet de la violation de l’article 3 (« nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants »), également invoquée par le père du fœtus. « Le requérant se plaint également de ce qu’aucune mesure n’a été prise pour éviter le risque pendant l’avortement de faire souffrir le fœtus âgé de quatorze semaines. Il s’agit, selon lui, d’un traitement inhumain ou d’une torture ». La Commission estime que la requête est sur ce point mal fondée parce que la preuve de la souffrance fœtale n’est pas apportée204, mais non pas parce que le fœtus ne relèverait pas du champ de l’article 3, c’est-à-dire de la Convention : « vu les modalités décrites pour l’avortement en question, la Commission n’estime pas que l’affaire révèle une quelconque apparence de violation de l’article 3 de la Convention ». Si la Commission précise « vu les modalités de l’avortement en question », on peut en déduire qu’au vu d’autres modalités, un avortement pourrait constituer un acte de torture ou un traitement inhumain. C’est donc que l’article 3 concerne l’enfant à naître, mais qu’en l’espèce il n’a pas été violé.
48124. Telle est la situation de la jurisprudence européenne lorsque la Cour, pour la première fois, est saisie d’une affaire posant la question de la personnalité du fœtus. C’est la décision du 29 octobre 1992, dite Open Door205. Dans cette affaire, le gouvernement irlandais est opposé à des associations proposant aux femmes désirant recourir à l’avortement les informations utiles pour se rendre en Angleterre procéder à une interruption volontaire de grossesse. « Selon le gouvernement, la législation irlandaise a pour objectif la protection des droits d’autrui -en l’occurrence l’enfant à naître […] Les requérantes le contestent ; elles estiment notamment illogique de considérer que le mot "autrui" utilisé à l’article 10 § 2 comprend l’enfant à naître ». La Cour est ainsi saisie explicitement de la question de savoir si la définition du mot "personne" contenu à l’article 2 englobe l’enfant à naître. Pourtant, elle évite la question en relevant « d’emblée qu’elle ne se trouve pas appelée, en l’espèce, à déterminer si la Convention garantit un droit à l’avortement ou si le droit à la vie, reconnu par l’article 2, vaut également pour le fœtus ».
49125. Ainsi, la jurisprudence européenne ne délimite pas de façon claire la notion de personne. « Le juge européen s’arrête au milieu du gué et refuse de tirer les conséquences logiques de sa propre jurisprudence relative à la "victime indirecte". Cette position est d’autant plus contradictoire que, par ailleurs, le juge européen paraît disposé à reconnaître le droit à la vie du fœtus : ainsi, quand il admet que ce droit peut, en conformité avec la Convention, fonder une restriction au droit à un procès équitable »206. La définition de la personne donnée par les organes de la Convention européenne des droits de l’homme apparaît donc comme contradictoire et, en tout cas, comme insuffisante et incomplète. Il en est de même dans les jurisprudences internes des pays membres.
3) Les réponses contradictoires des juridictions internes
50126. Devant les juridictions françaises207, l’article 2 de la Convention est très souvent invoqué en même temps que l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, car ces deux dispositions concernent le droit à la vie et les juridictions sont amenées à statuer sur les deux à la fois. Elles se sont prononcées également sur l’article 3 de la Convention.
a) Les dispositions relatives au droit à la vie
51127. C’est pour examiner la compatibilité du droit français relatif à l’I.V.G. avec la Convention et le Pacte que les juridictions ont abordé la question de savoir si l’enfant à naître était une personne au sens de ces deux textes. Relevant la réserve des instances européennes208, les juridictions françaises ont tranché de façon diversifiée.
52128. En 1989, le Tribunal de grande instance de Montpellier est saisi par les parents d’un enfant mongolien, dont la trisomie n’avait pas été détectée in utero en raison d’une erreur d’analyse. Ils demandent réparation du dommage résultant pour eux de « la perte d’une chance de pratiquer une interruption volontaire de grossesse » : les défendeurs à l’action, c’est-à-dire les médecins, prétendent que l’admission d’un tel chef de dommage heurte l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils affirment que si la mère de l’enfant avait pratiqué un avortement, elle aurait violé l’article 2 de la Convention qui énonce que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ». Le tribunal oppose tout d’abord l’irrecevabilité d’un tel argument, car « ce sont les victimes de la violation des droits énoncés par cette Convention qui ont un intérêt légitime à s’en prévaloir ». Les médecins n’étant pas victimes eux-mêmes de la violation de la Convention, ils ne sauraient s’en prévaloir. Malgré l’irrecevabilité, le tribunal répond sur le fond : « il est certain que la convention ne donne pas une définition précise de la personne, ou de la vie, la seule certitude étant qu’elle n’implique pas un droit à la vie absolu pour le fœtus, sauf à être inapplicable par exemple lorsque la vie du fœtus met en danger la vie de la mère (qui elle aussi peut se prévaloir d’un droit à la vie) »209. Le tribunal reprend l’argumentation de la Commission : ce qui est sûr, c’est que le fœtus n’a pas un droit absolu à la vie. Il ne se prononce pas sur le point de savoir s’il a un droit, relatif, ou pas de droit du tout, puisque cette première certitude, « il n’ a pas de droit absolu à la vie », suffit à régler l’affaire qui lui est soumise210.
53129. En 1990, c’est le Conseil d’État qui se prononce sur la compatibilité de la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse avec la Convention et le Pacte. Pour le Conseil d’État, « eu égard aux conditions […] posées par le législateur, les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l’interruption volontaire de grossesse, prises dans leur ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du Pacte international sur les droits civils et politiques »211. Il ne dit pas que ces textes ne sont pas violés parce qu’ils ne concernent pas l’embryon, mais en raison des conditions fixées par la loi pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Si le Conseil d’État se donne la peine de vérifier que la législation française sur l’I.V.G. ne viole pas la Convention et le Pacte, c’est donc qu’il considère que ces textes concernent l’embryon. Comme le fait remarquer M. Vigneau, « l’appréciation de la compatibilité d’une législation avec le droit conventionnel international n’a de sens que s’il existe un terrain de rencontre entre les deux normes, une application des deux au cas considéré »212. Le droit à la vie proclamé par la Convention concerne donc l’embryon, même si ce droit est relatif, ce qui signifie que, pour le Conseil d’État, l’embryon est une personne.
54130. Par la suite, dans le cadre d’affaires d’entrave à l’I.V.G.213, les cours d’appel vont affirmer le contraire de façon quasi unanime. Selon un arrêt de la Cour de Riom en 1995, « le droit à la vie consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le Pacte international sur les droits civils et politiques n’est pas garanti au fœtus ou à l’embryon humain, qui n’a pas la qualité de personne humaine, mais seulement celle de "personne humaine en devenir" »214. La Cour de Versailles, en 1996, dit la même chose : « l’embryon ne saurait, en l’état actuel du droit, être considéré comme une personne humaine titulaire de droits subjectifs propres et exclusifs […et] les articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales impliquent, pour recevoir application, le statut de personne de celui ou celle dont ils visent à assurer la protection »215. Peu après, la Cour de Caen énonce que « les enfants à naître ne relèvent pas de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme », car les dispositions de la loi de 1975 s’insérant dans la législation nationale « comme dérogeant à l’ensemble des textes visant à la protection de la vie humaine, ou de l’évolution naturelle de l’embryon humain […] le fœtus ne saurait être assimilé à la notion de personne »216.
55131. Dans ces trois affaires, des pourvois sont formés, les prévenus invoquant l’incompatibilité de la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse tant avec l’article 2 de la Convention qu’avec l’article 6 du Pacte. Les trois pourvois sont rejetés par la Cour de cassation, mais pour une raison différente de celle retenue par les cours d’appel (qui affirment que ces textes ne concernent pas l’embryon). Pour la Cour de cassation, comme pour le Conseil d’État, ces textes ne sont pas violés car, « eu égard aux conditions […] posées par le législateur, l’ensemble des dispositions […] relatives à l’interruption volontaire de grossesse […] ne sont pas incompatibles avec les stipulations conventionnelles précitées »217. La Convention et le Pacte ne sont pas violés en raison des conditions dans lesquelles la loi a encadré l’interruption volontaire de grossesse. Le droit à la vie concerne donc l’embryon puisque la licéité de l’I.V.G. est appréciée par rapport à ces textes. En l’occurrence, la Cour de cassation estime que l’I.V.G., telle qu’autorisée par la loi dans certaines conditions, est une exception qui ne porte pas atteinte au principe posé par ces textes.
56132. Si l’embryon est concerné par les textes visés c’est donc, normalement, qu’en dehors de l’exception de l’I.V.G., ils le protègent des atteintes à sa vie. Ce n’est cependant pas l’avis de M. Byk : « Cette double reconnaissance veut-elle implicitement laisser entendre qu’en dehors de l’exception rappelée, la protection conventionnelle du droit à la vie s’appliquerait à l’embryon ? Cela nous paraît bien incertain, eu égard à la jurisprudence des organes de la Convention européenne. En effet pour la Commission, reconnaître à un fœtus le droit absolu à la vie serait contraire à l’objet et au but de la Convention. […] Quant à la Cour, sans avoir été directement saisie de la question au regard de l’article 2, elle a pu rappeler "la large marge d’appréciation" dont les États devaient bénéficier à cet égard »218. Mais objectons que, tant pour le Conseil d’État que pour la Cour de cassation, il n’est pas question de droit absolu mais seulement d’un droit relatif à la vie. Et, justement, eu égard à la large marge d’appréciation dont bénéficient les États, en quoi la jurisprudence des organes de la Convention vient-elle interdire de considérer que ces textes protègent l’embryon des atteintes à sa vie autres que l’interruption de grossesse légale ?
57133. Il faut distinguer les étapes du raisonnement. La première question est de savoir si l’embryon relève du champ de la Convention et du Pacte et bénéfice du droit à la vie. En cas de réponse positive il faut, dans un deuxième temps, déterminer le caractère relatif ou absolu de ce droit. C’est ce que font le Conseil d’État et la Cour de cassation219. La Cour d’appel de Versailles220, elle, mélange les deux étapes dans un raisonnement peu rigoureux. Elle met sur le même plan le fait que « ni les textes de droit interne, ni aucun texte de droit international applicable en France, ne conduisent à une définition ou à un statut de l’embryon humain avant la fin de la dixième semaine et ne permettent d’en inférer, pour celui-ci, la reconnaissance d’un droit absolu à naître », et le fait que l’embryon n’est pas, selon elle, une personne. La cour ne distingue pas les étapes du raisonnement : le droit à la vie concerne-t-il l’embryon ? Si oui, est-il relatif ? Tout en déclarant que le droit à la vie ne concerne pas l’embryon, elle précise que ce droit n’est pas absolu.
58134. Ces arrêts sont révélateurs de l’intérêt de préciser la notion d’être humain par rapport à celle de personne humaine. La Cour de Riom, par exemple, se fonde sur une distinction entre personne humaine et personne humaine en devenir pour écarter l’embryon du champ de ces textes : « la loi du 17 janvier 1975 […] qui, en son article 1er, énonce que "la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie", n’a pas donné la qualité de personne humaine au fœtus mais a seulement posé le principe du respect de l’être humain, […] que le même principe est repris par […] l’article 16 du Code civil, […] que l’article L. 162-15 du Code de la santé publique n’est donc pas contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et à celles du Pacte international sur les droits civils et politiques »221. La cour semble reconnaître que l’embryon est un être humain mais non une personne humaine. De même, la Cour de Caen222 reconnaît bien à l’embryon la qualité d’être humain puisqu’elle présente les dispositions de la loi de 1975 comme dérogeant à l’ensemble des textes visant à la protection de la vie humaine. Cependant elle estime que « le fœtus ne saurait être assimilé à la notion de personne ».
59135. La Cour d’appel de Lyon en 1997 dit le contraire223. Pour elle l’embryon, en tant qu’être humain, relève de ces deux conventions qui visent la personne et la personne humaine, textes qui « reconnaissent l’existence, pour toute personne, et notamment l’enfant, d’un droit à la vie protégé par la loi », et l’enfant conçu, encore in utero, est investi de ce droit. La cour se fonde, entre autres, sur ces deux textes pour caractériser l’homicide involontaire sur un fœtus, « s’agissant d’une atteinte ayant provoqué la mort de l’enfant ». Cet arrêt a été vivement critiqué et non moins vivement apprécié, ce qui révèle les positions doctrinales contradictoires sur ce sujet. M. Fauré reproche à la Cour de Lyon de s’être fondée sur ces textes car la Commission européenne a donné du terme de personne « une interprétation en clair obscur »224. Pour cet auteur, « se fonder -sans nuances- sur la Convention EDH pour reconnaître à l’enfant à naître un droit à la vie relève donc d’une opinion bien imprudente ! ». Il critique également l’interprétation faite du pacte international sur les droits civils et politiques : « la comparaison avec la Convention EDH aurait dû, là aussi, conduire les magistrats lyonnais au doute, plus qu’à la certitude ». Effectivement le droit positif, en ce qui concerne les notions d’être humain et de personne humaine, ne conduit qu’au "doute". Est-il admissible qu’une question aussi importante, ayant des conséquences aussi graves pour les individus, ne puisse recevoir que des réponses douteuses ?
60136. Les juridictions internes se sont également prononcées sur l’application de l’article 3 de la Convention.
b) L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme
61137. La Cour de Versailles225 rejette l’exception prise de l’incompatibilité de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse avec l’article 3 de la Convention, car « les articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [...] impliquent, pour recevoir application, le statut de personne de celui ou celle dont ils visent à assurer la protection ». La Cour d’appel de Paris déclare que « les enfants à naître ne relèvent pas […] du champ d’application de l’article 3 de la Convention européenne interdisant la torture et les peines ou traitements inhumains et dégradants »226. La Cour de Caen refuse de faire entrer l’embryon dans le champ de l’article 3 car « les enfants à naître ne relèvent pas de la Convention européenne des droits de l’homme »227.
62138. Les pourvois formés contre ces arrêts invoquent le fait que, comme tout être humain, l’enfant à naître entre dans le champ d’application de la Convention et notamment de son article 3. La Cour de cassation les rejette mais, ici encore, elle ne dit pas pour autant que l’enfant à naître ne relève pas de l’article 3 mais que « l’interruption volontaire de grossesse, telle qu’elle est autorisée par la loi du 17 janvier 1975, ne saurait constituer un acte de torture »228. La Cour de cassation prend la peine d’examiner le fond de la question (y a-t-il torture ?), c’est donc que, pour elle, l’article 3 et par conséquent la Convention concernent le fœtus.
63139. La confusion de la jurisprudence, tant européenne qu’interne, vient de ce que la question de la qualité de personne de l’enfant à naître est toujours abordée via la question de l’avortement. Les juridictions évitent de se prononcer sur la personnalité de l’embryon, car toute décision affirmant cette personnalité pourrait être interprétée comme remettant en cause la licéité de l’interruption volontaire de grossesse, cette dernière n’étant pas prévue dans les exceptions énumérées à l’alinéa 1er de l’article 2 de la Convention. Par conséquent la réponse à la question « l’embryon est-il une personne ou non au regard du Pacte et de la Convention ? » se réduit en pratique à une prise de position pour ou contre l’avortement, ce qui est très réducteur car les atteintes à la vie de l’embryon ne se limitent pas à celle-ci. Il serait intéressant de savoir si la Convention ou le Pacte pourraient être invoqués en faveur de l’embryon dans le cadre d’autres atteintes, délibérées comme la décongélation forcée d’embryons contre la volonté des parents, ou accidentelles en cas de négligence ou de mauvais fonctionnement d’un service hospitalier. Les conséquences des manipulations génétiques ou des expérimentations sur l’embryon humain peuvent être très graves pour lui : de tels agissements pourraient-ils être sanctionnés sur le fondement de la Convention ? Une femme se voyant refuser le transfert d’embryons après le décès de son mari pourrait-elle invoquer l’incompatibilité de la loi française interdisant le transfert post mortem229 avec l’article 2 de la Convention, en ce que la loi la place devant l’alternative « donner ou détruire » ? D’autre part certaines expérimentations menées sur l’embryon pourraient-elles relever de l’article 3 qui interdit les traitements inhumains ?
64140. En résumé, l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques conduit certaines juridictions à englober dans leur champ d’application l’enfant à naître, d’autres à le refuser, révélant que pour les premières l’enfant à naître est une personne humaine, alors que pour les secondes il ne l’est pas. Dans d’autres cas, les plus nombreux, la question reste en suspens, ce qui n’est pas plus satisfaisant. La Convention de New York relative aux droits de l’enfant suscite le même type d’interrogations.
B -La Convention de New York relative aux droits de l’enfant
65141. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant est adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989230. Elle est ratifiée par la France par la loi du 2 juillet 1990231 et entre en vigueur en France le 6 septembre 1990. La ratification par la France s’accompagne de deux déclarations et d’une réserve aux termes de laquelle le « gouvernement de la République déclare que la présente Convention, notamment l’article 6, ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relatives à l’interruption volontaire de grossesse ».
66142. En vertu de l’article 2 de la Convention, les États parties « s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction ». La question posée par ce texte est donc similaire à celle posée par la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : l’enfant à naître est-il un enfant au sens de la Convention ? Peut-on invoquer pour l’enfant à naître le bénéfice des dispositions de la Convention ? Une disposition en particulier est susceptible de le concerner, l’article 6 en vertu duquel les États parties « reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie ».
67143. La définition du champ d’application de la convention relative aux droits de l’enfant n’amène pas les juridictions à définir directement le terme d’être humain mais celui d’enfant. Cependant, il est clair que si le terme enfant et non être humain est utilisé, c’est pour exprimer le critère du jeune âge qui définit les bénéficiaires de la Convention. L’article 1er de la Convention définit d’ailleurs l’enfant, sans référence à la personnalité juridique mais à la qualité d’être humain, comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »232. La Convention ne dit rien qui précise que l’enfant concerné ne soit que l’enfant né. Au contraire, son Préambule reprend les termes de la Déclaration de 1959 selon lesquels « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance »233.
68144. On ne trouve pas de réponse directe dans les décisions de justice. La principale raison en est qu’il y a peu de décisions se référant à la Convention, la Cour de cassation ayant d’abord soutenu que le texte n’était pas d’applicabilité directe et qu’il ne créait d’obligations qu’à la charge des États. Tant la Première Chambre civile234 que la chambre sociale235 se prononcent en ce sens dans une série d’arrêts entre 1993 et 1995. Mais la première chambre civile, dans un arrêt du 25 juillet 1996, écarte l’application de la Convention non plus en raison de son inapplicabilité directe mais parce que la personne qui l’invoque est un enfant naturel adulte et que, selon la Cour, la Convention « concerne l’enfant, défini comme l’être humain n’ayant pas atteint l’âge de la majorité ; qu’elle est donc sans pertinence en la cause »236. Cet arrêt semble donc dire que la Convention pourrait être utilement invoquée devant les juridictions internes au bénéfice d’un enfant mineur237 C’est ce que le Conseil d’État a admis en 1997238, mais l’enfant concerné avait quatre ans, ce qui ne permet pas de dégager de cet arrêt si les enfants à naître entrent ou non dans le champ de la Convention. Depuis, le Conseil d’État a dénié tout effet direct à d’autres articles de la Convention239. Il n’y a donc pas de décision de justice ayant accepté ou refusé de faire entrer l’enfant à naître dans le champ de ce texte.
69145. En revanche la Convention a été invoquée de façon plus générale pour dégager du droit positif dans son ensemble la reconnaissance ou non du droit à la vie de l’enfant conçu. Ainsi, la Cour d’appel de Lyon relève que « lors de la signature à New York le 26 janvier 1990 de la Convention relative aux droits de l’enfant, la France avait formulé une déclaration interprétative selon laquelle cette Convention ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relatives à l’interruption volontaire de grossesse ; que cette réserve démontre a contrario, que ladite Convention était susceptible de concerner le fœtus de moins de dix semaines, délai légal en France de l’interruption volontaire de grossesse »240. En effet, s’il est nécessaire d’écarter explicitement l’application de la Convention dans un cas où il est porté atteinte au fœtus, c’est bien parce que la convention le protège contre les atteintes à sa vie. Sinon, l’on ne voit pas l’utilité d’une telle réserve241. Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation, mais cette dernière ne dit rien à propos de la Convention des droits de l’enfant : l’arrêt est cassé parce qu’il a retenu la qualification d’homicide involontaire sur la personne d’un fœtus.
70146. Et d’ailleurs, la Cour de cassation, à de nombreuses reprises, dans des affaires d’entrave à I.V.G.242, dit qu’en raison de « la déclaration interprétative faite par la France lors de la signature à New York, le 26 janvier 1990, de la Convention relative aux droits de l’enfant et selon laquelle celle-ci ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relative à l’interruption volontaire de grossesse, les demandeurs ne sont pas recevables à présenter une exception prise d’une prétendue incompatibilité des textes fondant la poursuite avec cette convention »243. Dans ces affaires, les demandeurs invoquent le fait que la législation autorisant l’interruption volontaire de grossesse est contraire à la Convention. La Cour ne fait qu’appliquer la réserve faite par la France. Mais si on ne peut pas invoquer la Convention, ce n’est pas parce que la convention est inapplicable aux enfants conçus, c’est en raison de la réserve de la France lors de l’approbation. Et rien dans ces arrêts ne dit que ce texte ne pourrait être invoquée au profit d’enfants non encore nés contre des atteintes autres que celles couvertes par la loi sur l’I.V.G.
71147. La question n’est pas sans intérêt car la Convention pourrait être invoquée, par exemple, pour écarter l’interdiction de transfert post mortem244, au nom du droit de l’enfant d’être élevé, dans la mesure du possible, par ses parents ou, du moins, dans ce cas par sa mère245. De même, on peut se demander si la Convention pourrait faire échec à une ordonnance de reconduite à la frontière du père d’un enfant seulement conçu, en vertu de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, qui exclut du champ d’application des mesures d’expulsion l’étranger qui est le père d’un enfant français résidant en France, à condition qu’il exerce, même partiellement, l’autorité parentale ou qu’il subvienne effectivement aux besoins de l’enfant. Le Conseil d’État a refusé de faire jouer cette règle en faveur du père d’un enfant à naître au motif que, bien qu’ayant reconnu l’enfant par avance, « il n’était pas, à la date de l’arrêté […] ordonnant sa reconduite à la frontière, le père d’un enfant français résidant en France »246. Peut-être la solution s’explique-t-elle, non par le fait que l’enfant à naître ne peut bénéficier de la Convention, mais parce que la paternité, tant que l’enfant n’est pas né, n’est pas juridiquement établie, les effets de la reconnaissance étant suspendus à l’avènement de la naissance. La solution serait-elle différente maintenant que le Conseil d’État accepte que soit utilement invoqué l’article 3-1 de la Convention, qui prévoit que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale »247 ? Cet article, qui est susceptible de concerner n’importe quelle décision dès que l’intérêt d’un enfant est en jeu, pourrait-il jouer lorsque l’enfant n’est pas encore né ? Le commentateur de l’arrêt n’hésite pas à répondre positivement à cette question car, selon lui, la Convention « définissant l’enfant comme "tout être humain" âgé de moins de 18 ans, il ne fait guère de doute que l’enfant simplement conçu entre dans son champ d’application, puisque la qualité d’être humain débute avec le commencement de la vie »248. Cette jurisprudence a d’ailleurs été contournée par le Conseil d’État lui-même en 1998, par le biais de l’atteinte à la vie familiale. Le Conseil a en effet admis que le droit de mener une vie familiale normale peut faire échec à une mesure de reconduite à la frontière, les personnes concernées étant la femme et l’enfant à naître249.
72148. Cependant, le rapport du Conseil d’État sur le statut et la protection de l’enfant semble exclure l’enfant à naître du champ de la Convention. Il relève que la Déclaration de 1959 mentionnait expressément les droits de l’enfant avant sa naissance et que l’actuelle Convention reprend la formulation de la Déclaration de 1959, parce que « les États musulmans, latino-américains et certaines associations ont demandé que la Convention reconnaisse à l’enfant à naître les mêmes droits qu’à l’enfant né »250. De ceci, ne devrait-on pas conclure que ce texte concerne bien les enfants à naître ? Pourtant, le Conseil d’État se borne à affirmer que, si « la Convention prévoit de protéger l’embryon avant et après sa naissance, cette disposition ne figure que dans le Préambule de la Convention, texte qui dans l’ordre juridique international est dépourvu de force obligatoire »251. Ne peut-on pas reprocher au Conseil d’État de n’avoir pas tiré les conséquences de ses propres constatations ? Si le Préambule n’a pas en lui-même de force obligatoire, il peut servir pour interpréter les autres dispositions obligatoires et, particulièrement, pour déterminer le champ de leurs bénéficiaires.
73149. Un rapport a été remis au secrétaire d’État à la famille, aux personnes âgées et aux rapatriés en vue d’introduire dans le droit interne un certain nombre de dispositions pour mettre en œuvre la Convention252. Ce rapport ne contient aucune évocation de cette question de l’enfant à naître.
74150. La jurisprudence qui existe sur le sujet, rare, tend donc à faire entrer l’enfant à naître dans le champ de la Convention. Mais, ici encore, la notion « être humain de moins de 18 ans » est loin d’être claire et précise.
C -La Convention de Genève relative à l’esclavage
75151. La Convention relative à l’esclavage est signée à Genève le 25 septembre 1926, amendée par le Protocole de 1953 et complétée par la Convention du 7 septembre 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage253.
76152. L’article 7 de la Convention de 1956 énonce que l’esclavage, tel qu’il est défini dans la Convention de 1926, « est l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux » et que « l’"esclave" est l’individu qui a ce statut ou cette condition »254 Il n’est pas sans intérêt de se demander si l’individu à naître entre dans le champ de la Convention, car on pourrait faire le parallèle entre les prérogatives des auteurs d’un embryon sur ce dernier et le droit de propriété. En effet, ils ont le pouvoir de mettre fin à sa vie, de le donner et, peut-être bientôt, de l’abandonner à la recherche. Certes, il manque le pouvoir de le vendre pour caractériser un véritable droit de propriété, mais la Convention dit qu’il suffit qu’une personne exerce sur l’individu certains des attributs du droit de propriété pour que l’on puisse parler d’esclavage.
77153. L’enfant à naître fait-il donc partie des bénéficiaires de la Convention ? La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 1996255, approuve explicitement la cour d’appel d’avoir énoncé que les enfants à naître ne relèvent pas du champ d’application de la Convention relative à l’esclavage. Lorsqu’il s’agissait de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Cour de cassation ne reprenait pas les motivations des cours d’appel qui excluaient les enfants à naître du champ de la Convention, elle estimait seulement que la Convention n’était pas violée. Ici la Cour de cassation reprend explicitement l’idée que les enfants à naître ne relèvent pas du champ de la Convention relative à l’esclavage, ce qui signifie qu’ils ne sont pas des individus susceptibles de faire l’objet d’un droit de propriété.
78154. À première vue il semble y avoir là une contradiction dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais la contradiction n’est sans doute qu’apparente car, si la Convention de 1926 puis celle de 1956 définissent l’esclavage comme « l’état ou la condition d’un individu sur lequel […] », ne précisant en rien qu’il s’agit des individus nés, en revanche la convention de 1956 pose dans son préambule que « la liberté est un droit que tout être humain acquiert à la naissance ». On peut donc interpréter cet article comme signifiant que « la Convention elle-même limite sa portée aux êtres humains qui sont nés »256.
79155. N’est-ce pas plutôt que la Convention date d’une époque où les atteintes à la liberté ne pouvaient concerner que des individus nés ? Or, aujourd’hui, des pratiques relevant de l’esclavage peuvent s’exercer sur des individus non nés, particulièrement les embryons in vitro. Cette Convention pourrait-elle être invoquée en cas de confiscation ou de vol d’embryons à un couple ? Ce vol dans le cadre d’un trafic d’embryons devant être remis ou plutôt vendus à des couples demandeurs est une pratique qui, en soi, s’apparente à l’esclavage. Les juridictions accepteraient-elles d’appliquer la Convention dans ce cas ? Tout simplement l’état actuel du droit français n’est-il pas contraire à la Convention, en ce qu’il confère sur l’embryon des prérogatives qui s’apparentent à l’exercice des attributs du droit de propriété ou de certains d’entre eux ? Si l’embryon relevait de la Convention, celle-ci pourrait alors être invoquée pour contester certaines règles du droit français.
80156. Le bilan de cette analyse est que les textes internationaux proclament des droits fondamentaux dont le bénéficiaire est mal identifié. On ne peut que s’étonner, avec M. Renucci, « que des textes appelés à régir l’avenir soient silencieux sur un point aussi important, fût-il embarrassant »257 Malheureusement les textes internes ne sont guère plus précis.
II -Les textes internes
81157. Les textes dont l’application a donné aux juges l’occasion de se prononcer sur la définition de l’être humain et de la personne sont l’article 1er de la loi du 17 janvier 1975258 et l’article 16 du code civil, issu de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994259 et repris par l’article L. 2211-1 du code de la santé publique.
A -L’article 1er de la loi du 17 janvier 1975
82158. L’article 1er de la Loi du 17 janvier 1975 pose le principe selon lequel « la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ». L’enfant à naître bénéficie-t-il de cette disposition ? Si oui, c’est qu’il est tenu pour un être humain et inversement.
83La loi poursuit « qu’il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi », et qu’il est possible de recourir à l’I.V.G. dans les douze premières semaines de la grossesse en cas de détresse de la femme et sans limite de temps en cas d’avortement médical. Ces cas sont des exceptions au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Les individus visés par l’exception, à savoir les embryons et fœtus in utero et en particulier ceux de moins de douze semaines, sont nécessairement concernés par le principe, sinon pourquoi serait-il nécessaire de prévoir une exception pour eux ? Au sens de la loi de 1975, donc, l’enfant conçu, même avant la douzième semaine de grossesse, est un être humain260.
84159. Ce caractère d’exception est mis en avant par toutes les juridictions. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 janvier 1975, constate que la loi « n’admet qu’il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu’en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu’elle définit »261 La Cour de cassation reprend exactement la même affirmation à plusieurs reprises262. On peut citer quelques autres exemples : la Cour d’appel de Chambéry remarque que « le législateur a posé et maintenu dans le cadre des réformes successives le principe fondamental du droit à la vie de l’enfant conçu, et celui d’exception de l’interruption de grossesse », et que « la précision de la loi quant aux informations devant figurer dans le dossier guide […] témoigne de l’importance qui leur est apportée par le législateur et de son souci de faire prévaloir un choix en faveur de la vie de l’enfant »263 ; la Cour d’appel de Toulouse dit de l’enfant à naître qu’il est « juridiquement protégé en dépit de l’atteinte que le législateur a estimé opportun de lui porter par la législation sur l’avortement »264 ; pour la Cour d’appel de Lyon, « sous réserve des dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse et de celles relatives à l’avortement thérapeutique, la loi consacre le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu’il soit exigé qu’il naisse viable »265 ; le Tribunal administratif de Strasbourg rappelle que la loi n’institue pas un droit à l’avortement « mais seulement, dans les conditions limitativement énumérées et selon des modalités restrictives, une faculté, dont la mise en œuvre doit rester conciliable avec le principe constitutionnel du respect de la vie de tout être humain, y compris avant la naissance »266 ; le Tribunal de grande instance de Paris relève que la loi impose à la femme de recevoir d’un organisme agréé un consultation « en vue notamment de permettre à cette femme de garder son enfant, formulation qui implique que, puisque l’on ne peut garder que ce que l’on possède déjà, le dit fœtus ait déjà la qualité d’enfant »267 ; le Tribunal de grande instance de Roanne constate que « la loi de 1975 autorise l’avortement en acceptant sous certaines conditions […] de sacrifier la vie du fœtus dont il est admis qu’il ne constitue qu’une personne humaine en devenir »268.
85160. Que, pour les juges, l’embryon in utero soit un être humain au sens de l’article 1er de la loi de 1975 est une évidence. Qu’en est-il des embryons in vitro ? Il y a très peu de décisions sur cette question. Le Tribunal de grande instance de Rennes, se prononçant en 1993 sur la demande d’une veuve de transfert d’embryon post mortem, commence par dénier toute portée juridique au principe : « l’article 1er déclare protéger dès la conception, de façon ambiguë, imprécise et en tout cas non juridique, l’"être humain" »269. Cela ne l’empêche pas de lui accorder en pratique une portée juridique puisqu’il ajoute que cet article « suffirait à résoudre la question de la destruction d’un embryon, manifestement prohibée ». Pour le tribunal, l’article 1er concerne donc les embryons in vitro puisque leur destruction heurterait le principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie270. L’embryon in vitro serait donc être un être humain au sens de la loi de 1975.
86161. En revanche, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 9 janvier 1996271 refuse de faire jouer le principe de l’article 1er de la loi de 1975 au bénéfice d’embryons in vitro. Dans cette affaire, une cour d’appel rejette une demande de transfert de deux embryons post mortem et ordonne leur destruction. La femme, auteur des embryons, se pourvoit en cassation ; elle invoque le fait que l’on ne peut porter atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie posé par la loi de 75 que dans les conditions prévues car celle-ci, c’est-à-dire en cas de nécessité, la nécessité devant s’apprécier en raison de la situation de détresse de la femme. La Cour de cassation rejette ce moyen de façon surprenante : « la loi du 17 janvier 1975, relative à l’interruption volontaire de grossesse, n’est pas applicable dans le cas de refus de l’implantation d’embryons, un tel acte ayant seulement pour effet, si l’opération réussit, de permettre une grossesse ».
87162. D’après cet arrêt, le principe posé par l’article 1er de la loi de 1975 ne serait pas applicable aux embryons in vitro, en raison de la délimitation du champ d’application du principe qui ne s’appliquerait qu’en cas de grossesse et, plus précisément, d’interruption de grossesse : selon M. Vigneau, « la loi de 1975 étant relative […] à l’interruption volontaire de grossesse, et aucune raison valable ne commandait de l’appliquer au refus d’implantation d’un embryon »272 De même, pour Mme Massager, il est « clair que la loi française du 17 janvier 1975 n’est applicable qu’à l’embryon in utero à l’exclusion de l’embryon fécondé in vitro et conservé par cryopréservation en vue d’une éventuelle implantation : pour sanctionner l’interruption de grossesse intervenue en dehors des prescriptions légales, […] il faut bien évidemment qu’une grossesse soit en cours, de sorte que les dispositions de cette loi ne trouveront à s’appliquer que postérieurement à l’implantation des embryons, qui est précisément postulée par la demanderesse en cassation »273. Tout en regrettant « la formulation ambiguë de l’arrêt », Mme Dreifuss-Netter approuve la solution, car « on ne peut interrompre ce qui n’a pas commencé. Or il n’y a véritablement grossesse au sens clinique du terme que lorsque l’embryon s’est implanté dans l’utérus »274.
88163. Mais le principe est énoncé de façon générale et l’article 1er ne dit pas que « la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie in utero » ; ce sont les exceptions qui concernent l’avortement et donc l’enfant in utero. Le raisonnement suivi par cet arrêt signifierait que le principe ne s’applique que dans les cas où précisément il est écarté. Il découle donc de la solution retenue par la Cour de cassation que le principe ne joue pas parce que l’embryon in vitro n’entre pas dans son champ d’application. C’est donc que la condition pour être concerné, la qualité d’être humain, lui fait défaut. Or, le fait d’être in vitro ou in utero pourrait-il changer quelque chose à la nature de l’embryon ? S’il est un homme, le respect de tout être humain lui est dû, même relatif, où qu’il se trouve. S’il n’est pas un homme, il ne lui est jamais dû. Et pourtant la situation aujourd’hui en droit positif est que l’embryon in utero est un être humain au sens de la loi de 1975, et que l’embryon in vitro n’en est pas un.
89164. M. Byk commente que cette « solution crée un certain trouble si on y voit […] le rejet de la possibilité d’appliquer l’article 1er de la loi à cette situation ». Mais que pourrait-on y voir d’autre ? Cependant cet auteur poursuit qu’« à supposer que "le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie (art. 16-9 nouv. C. civ.) soit dû à l’embryon "in vitro", comme à l’embryon "in utero", ce respect s’inscrit ainsi, pour la Cour de cassation dans le cadre strict de la finalité de l’assistance médicale à la procréation »275. Mais, justement, ce n’est pas la même chose de dire que le principe doit être concilié avec les impératifs de la procréation médicalement assistée ou d’affirmer qu’il ne s’applique pas.
90165. Remarquons que la Cour de cassation pouvait éviter cette contradiction en aboutissant à la même solution. En effet, puisqu’il ne peut être porté atteinte au principe que dans les cas et conditions prévues par la loi, elle pouvait expliquer que, la loi de 1994 ayant prévu la destruction des embryons dans le cas où le transfert n’était plus réalisable dans une famille constituée, il s’agissait sans doute d’une atteinte à l’embryon, mais que son droit à la vie étant relatif, la loi pouvait prévoir des limitations à ce droit dans certains cas. Ce n’est pas ce que fait la Cour, elle affirme que le droit ne les concerne pas, pour cette raison obscure que le principe n’est pas invoqué dans le cadre d’une grossesse.
91166. Le principe du respect de tout être humain est inscrit à l’article 16 du Code civil par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994. L’interprétation de cet article donne, elle aussi, des indications sur les définitions des notions d’être humain et de personne.
B - L’article 16 du Code civil
92167. L’article 16 du Code civil dispose que la « loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », disposition reprise telle quelle par l’article L. 2211-1 du code de la santé publique. L’interprétation de l’article 16 demande deux sortes de précisions : la première concerne la définition de l’être humain, la deuxième intéresse la question de savoir si le bénéficiaire des dispositions est le même dans les deux parties de l’article qui visent respectivement l’être humain tout d’abord et la personne ensuite.
1) La définition de l’être humain
93168. Cet article du Code civil, d’ordre public276, se trouve dans le Livre I du Code civil consacré aux personnes. On ne peut trouver plus général, et rien n’indique qu’il ait vocation à ne s’appliquer que dans un certain contexte. C’est une disposition qui pose un principe inspirant le droit français dans son ensemble. Par conséquent, tout être humain vivant est concerné par ce principe et doit être respecté. Il faut rechercher si l’embryon bénéficie de ce respect et s’il est ainsi considéré comme un être humain.
94169. Le Conseil constitutionnel se prononce sur cette question dans une décision du 27 juillet 1994277. Il est en effet saisi du contrôle de constitutionnalité des deux lois du 29 juillet 1994, en application de l’article 61 al. 2 de la Constitution278, tant par le président de l’Assemblée nationale, « afin que leur conformité à la Constitution ne puisse être affectée d’aucune incertitude »279, que par plus de soixante députés afin qu’elles soient déclarées non conformes à la Constitution280 Les députés auteurs de la saisine invoquent divers arguments, dont la violation du droit à la vie. Ils prétendent que le droit à la vie est violé par la destruction des embryons surnuméraires prévue par la loi et par les dispositions relatives au diagnostic prénatal et préimplantatoire.
95170. En ce qui concerne le droit à la vie et la destruction des embryons surnuméraires, le Conseil constitutionnel relève que le législateur « n’a pas considéré que devait être assurée la conservation en toutes circonstances, et pour une durée indéterminée, de tous les embryons déjà formés ; qu’il a estimé que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne leur était pas applicable ». Si le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne leur est pas applicable, c’est que ces embryons ne sont pas considérés comme des êtres humains car, « si le respect est le signe distinctif de tout être humain […] un être humain qui ne mérite plus le respect est chassé de l’humanité »281 L’embryon in vitro ne serait donc pas un être humain au sens de l’article 16282.
96171. En ce qui concerne la violation du droit à la vie par les dispositions relatives au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire, le Conseil examine différemment les deux griefs. Le diagnostic prénatal a pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité283 Pour examiner la compatibilité de cette pratique avec le droit à la vie, le Conseil procède à un examen au fond. Il relève que « l’article L. 162-16 qui concerne le diagnostic prénatal in utero n’autorise aucun cas nouveau d’interruption de grossesse » et que, par conséquent, le droit à la vie n’est pas violé. Le principe concerne bien les embryons in utero, ce qui signifie qu’ils entrent dans la définition de l’être humain, mais il n’est pas violé.
97172. Que l’embryon in utero entre dans la définition de l’être humain de l’article 16 ne fait d’ailleurs aujourd’hui aucun doute, puisque l’article 16 a été introduit dans le code de la santé publique, à l’article L. 2211-1, comme principe général introduisant un livre intitulé « Interruption volontaire de grossesse ». L’article L. 2211-2 dit qu’il ne saurait être porté atteinte au principe posé à l’article
98L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre, qui sont les cas et conditions dans lesquelles une femme peut recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Le principe concerne forcément l’individu objet de l’exception, à savoir l’enfant in utero -sinon on ne voit pas en quoi l’exception serait une dérogation au principe- et ce, quel que soit son âge, car l’individu concerné par l’I.V.G. est l’enfant à naître depuis sa conception.
99173. Au contraire, en ce qui concerne le diagnostique biologique, dit aussi diagnostic préimplantatoire, qui consiste dans le fait de prélever des cellules d’embryons in vitro afin de détecter chez ceux-ci d’éventuelles anomalies, le Conseil n’examine pas le grief au fond. Il se contente de relever que « l’article L. 162-17 ne concerne que des diagnostics effectués à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro ». La violation du principe n’est pas examinée au fond, c’est donc que, pour le Conseil, le principe ne concerne pas les embryons in vitro. Le droit à la vie dont il est question n’est pas, il est vrai, le droit issu exclusivement de l’article 16 car les auteurs de la saisine font allusion à d’autres textes pour fonder l’existence de ce droit à la vie. Il n’empêche que l’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel de l’article 16, visé en lui-même dans le cas de la destruction des embryons surnuméraires ou parmi d’autres textes à propos des diagnostics prénatal et préimplantatoire, débouche sur une notion contradictoire d’être humain. L’embryon in utero serait un être humain, mais pas l’embryon in vitro.
100174. Cette interprétation de l’article 16 est, en outre, très contestable. En effet, le Conseil constitutionnel se fonde sur le fait que le législateur n’a pas considéré que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie était applicable aux embryons in vitro. Or, les travaux préparatoires des lois de 1994 révèlent le contraire. M. Millet était hostile à l’insertion en frontispice de la loi du principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie car, disait-il, « que faisons-nous des embryons ? Les détruire au bout de cinq ans ? Est-ce bien là respecter tout être humain dès le commencement de la vie ? Cette disposition, si elle est adoptée, sera en contradiction avec le préambule de notre projet de loi »284 Comment exprimer plus clairement que, dans l’esprit des députés, le principe concernait les embryons in vitro, puisque c’est à leur sujet que l’insertion d’un tel principe pose des difficultés ? Mme Hubert, vice présidente de la commission mixte paritaire, déclarait lors du compte rendu des travaux de cette commission que l’objectif était d’ « assurer une protection de l’être humain dès le commencement de la vie », et se félicitait du compromis auquel est arrivée la commission qui permettait d’assurer cette protection. Or, de quoi était-il question ? De l’embryon, ce qui signifie que le principe en question le concerne bien. Il ne manque pas dans les rapports ou les débats de mentions du fait que la recherche sur l’embryon demande de concilier le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie avec les impératifs de la recherche. Et c’est bien de l’embryon in vitro qu’il est question puisque c’est lui qui est concerné par la recherche.
101175. Cette appréciation persiste d’ailleurs après le vote des lois, malgré la décision du Conseil constitutionnel : le rapport sur l’exécution de la loi n° 94-654, par exemple, réaffirme que la question de la recherche sur l’embryon in vitro se pose en ces termes : « Comment favoriser la recherche indispensable au progrès médical tout en sauvegardant le principe du "respect de tout être humain dès le commencement de sa vie" ? »285. Ce même rapport déclare clairement que le principe posé à l’article 16 concerne l’embryon in vitro, lorsqu’il rappelle que, « ne reconnaissant pas à l’embryon la qualité de sujet de droit, le législateur a néanmoins voulu assurer sa protection en énonçant, dans l’article 16 du Code civil, que "la loi...", affirmation qui reprend, sous une forme plus protectrice ("sa vie" et non "la vie"), le principe énoncé dans la loi de 1975 »286 Il apparaît, de même, dans le rapport du Conseil d’État sur les lois bioéthiques en 1999, que le principe posé par l’article 16 concerne les embryons, in vitro aussi bien qu’in utero. Le rapport dit à propos de la recherche sur l’embryon, qui concerne l’embryon in vitro, que « la loi française s’est refusée à donner une définition de l’embryon ou à créer différents régimes juridiques suivant les stades de son développement. Elle a ainsi refusé d’avoir recours à la notion de pré-embryon, jugée artificielle par la grande majorité des parlementaires, au regard du processus continu de développement de l’embryon. Au contraire, l’article 2 de la loi du 29 juillet 1994 a affirmé le principe selon lequel la "loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie" »287.
102De façon très explicite, le rapport Giraud rendu au Sénat en janvier 2003 « ne souhaite pas fermer une porte à la recherche [sur l’embryon] de manière définitive mais constate qu’une telle recherche est une transgression au principe de protection de la vie dès son commencement »288. Quelque temps plus tard, le ministre de la santé, entendu à l’Assemblée nationale, présente l’interruption volontaire de grossesse et la recherche sur l’embryon comme des exceptions au principe posé à l’article 16 du Code civil289. Le rapport Fagniez, en avril de la même année, explique que les atteintes portées à l’embryon doivent être très encadrées en raison de l’attachement au principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie290.
103176. Cette interprétation du Conseil constitutionnel, très contestable, aboutit à une notion d’être humain contradictoire et cette contradiction ne peut s’expliquer par les contraintes d’une situation de fait, à savoir l’existence de ces embryons in vitro. Le Conseil aurait pu en effet estimer que les principes concernant tout être humain leur étaient bien applicables, mais qu’ils n’étaient pas violés en l’espèce, car ces droits ne peuvent être absolus et que le législateur a estimé que dans certaines conditions il pouvait y être dérogé. C’est ce qu’il a fait pour les embryons in utero291.
104177. On ne peut pas plus expliquer cette exclusion des embryons in vitro du champ du principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie par le fait qu’ils ne sont pas sujets de droit. En effet, d’une part il ne s’agit pas du respect de tout sujet de droit mais de tout être humain et, d’autre part, les embryons in vivo n’ont pas non plus la personnalité juridique en droit français, et pourtant le respect dû à tout être humain les concerne. Ici encore, c’est « probablement la prise en compte d’une idée fausse, mais répandue, selon laquelle reconnaître des droits à l’embryon c’est remettre en cause la législation relative à l’avortement qui explique la position du Conseil constitutionnel »292. En effet, comme le dit Mme Lesaulnier, on « invoque pour dénier valeur de principe à l’article 16, la remise en cause qui en résulterait du droit de l’avortement. C’est là méconnaître le rôle joué par les principes et les règles dans l’élaboration du droit positif. L’existence d’un principe ne fait pas entrave à d’éventuelles règles légales contraires mais conduit à le faire prévaloir à défaut d’exception légale »293.
105178. Les embryons in vitro et in utero sont dans des conditions différentes, ce qui justifie que les règles les concernant ne soient pas symétriques mais tiennent compte de cette disparité de situation. Par exemple, les embryons in utero n’ont pas besoin des mêmes règles protectrices que leurs semblables in vitro, parce qu’ils bénéficient de cette protection naturelle que constitue le corps de leur mère. De même, les règles relatives à la conservation des embryons ne les concernent pas. En revanche, les règles de fond, qui révèlent la nature de l’être concerné, ne devraient pas varier selon que l’embryon est in vitro ou in utero. On ne peut que remarquer, avec M. Mathieu, qu’ « il est paradoxal de reconnaître le droit à la vie dès son commencement et d’écarter certains embryons de ce droit. L’on voit mal ce qui justifie sur le plan scientifique, comme sur le plan juridique, en quoi l’implantation est un critère pertinent en la matière ?”294 N’est-ce pas précisément parce que rien ne le justifie ? Comment la nature de l’embryon dépendrait-elle de ce qu’il est in vitro ou in utero ? D’ailleurs, le même embryon peut d’une seconde à l’autre passer d’une situation à l’autre, ce qui se fait par le transfert in utero. Il ne change pas de nature lors du transfert. Il se retrouve dans des circonstances certes plus conformes à sa nature, mais sa nature elle-même n’en est pas affectée.
106179. Quant à la circulaire du 19 janvier 1995 du ministre de la justice commentant les dispositions pénales contenues dans les lois du 29 juillet 1994 relatives à la bioéthique295, elle semble donner une interprétation de l’article 16 qui tend à exclure l’embryon, quel qu’il soit ou, plutôt, où qu’il soit (in utero ou in vitro), de la définition de l’être humain, puisqu’elle dit que le « principe de l’inviolabilité du corps humain proclamé par le nouvel article 16-1 du code civil garantit à chacun une protection légale contre les atteintes à son intégrité physique. Il s’étend à l’embryon, aux gènes et aux génomes ». Il s’agit certes de l’article 16-1, mais si le principe de l’inviolabilité du corps humain doit être étendu à l’embryon et aux gènes, c’est qu’il ne le concerne pas directement et donc que le corps de l’embryon n’est pas un corps humain, ce qui signifie que, dans l’optique de cette circulaire, l’embryon n’est pas considéré comme un être humain. Tout au plus est-il traité ici comme une partie, un élément du corps (il faudrait d’ailleurs préciser de quel corps il est partie lorsque l’on est en présence notamment d’un embryon in vitro).
107180. La notion d’être humain développée à l’occasion de l’interprétation de l’article 16 est donc confuse. De même le rapport entre ces deux notions d’être humain et de personne est-il difficile à préciser.
2) Être humain et personne
108181. Pourquoi, dans l’article 16 du Code civil, deux termes différents, être humain et personne, se succèdent-ils dans un même alinéa ? Est-ce pour éviter une redondance de style, une répétition ? Est-ce pour exprimer deux aspects d’un seul bénéficiaire ? Dans ce cas être humain et personne désigneraient les mêmes individus, en mettant l’accent sur l’aspect spécimen biologique dans le premier cas, et sur le fait que ce qui caractérise l’être humain est la personnalité dans le second. Ou bien, au contraire, ces deux termes désignent-ils des réalités différentes ?
109182. L’avocat général de la Cour de cassation, Me Sainte-Rose, dit dans ses conclusions dans l’affaire Perruche296, que l’action de l’enfant né handicapé et son indemnisation sont des questions qui « touchent non seulement à l’éthique mais aussi au droit des personnes et au principe à valeur constitutionnelle énoncé par l’article 16 du Code civil qui consacre la dignité de tout être humain dès le commencement de sa vie », faisant ici un mélange des deux éléments énoncés par l’article 16, comme s’il ne s’agissait que d’un seul principe et en tout cas d’un seul bénéficiaire297.
110183. L’article L. 2211-2 du code de la santé publique énonce qu’il « ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l’article L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre ». Le principe est celui de l’article 16, repris tel quel dans l’article L. 2211-1 du code de la santé publique. Par conséquent, lorsque la loi renvoie à l’article 16, elle parle d’un seul principe, semblant ainsi marquer que les deux parties de l’article 16 ne sont que deux éléments d’un même principe, ce qui suppose un même bénéficiaire. En outre, les atteintes à ce principe, prévues par "le présent titre" en question, sont les cas légaux d’interruption volontaire de grossesse. Comme l’interruption volontaire de grossesse concerne les enfants à naître, cela signifierait que les enfants à naître sont concernés par l’article 16 en son ensemble.
111184. La Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt de 1997298, semble considérer que l’article 16 en entier concerne bien l’embryon et se réfère à ce texte dans son intégralité, alors que l’individu au sujet duquel elle est saisie est un fœtus de moins de vingt semaines. Mais cet arrêt est cassé, quoique ce ne soit pas sur ce point précis mais sur la qualification d’homicide involontaire sur le fœtus qu’il a retenue299.
112185. Enfin, de façon générale, le terme de respect n’est pas réservé à l’être humain, mais employé également pour la personne humaine300, de même que la dignité de l’être humain est souvent évoquée301.
113186. Mais l’article 16 pourrait aussi signifier que, « à la "personne" -qui suppose la "conscience de soi"- dont la qualité juridique éminente est la dignité, on oppose l’ "être humain" embryon et fœtus -qui a droit au "respect". En d’autres termes, [que] le respect est à l’embryon et au fœtus ce que la dignité est à la personne »302. Selon la Cour de Riom303, la loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil, qui énonce en son article 1er que la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, « n’a pas donné la qualité de personne humaine au fœtus mais a seulement posé le principe du respect de l’être humain », principe repris par l’article 16 du Code civil. La Cour ajoute plus loin que « la sauvegarde de la vie, de la santé physique ou psychique de la femme personne humaine au sens de la loi justifie aux yeux de la loi, expression de la volonté générale, dans des cas et conditions strictement définis, le sacrifice d’un fœtus ou d’un embryon qui ne constitue qu’une personne humaine en devenir ». Il y aurait donc les personnes humaines au sens de la loi et les personnes humaines en devenir, qui ne sont encore que des êtres humains, comme les embryons et fœtus304. Selon M. Fauré, personne physique et être humain ne sont pas synonymes car, « si "personne" et "être humain" étaient juridiquement synonymes, pourquoi aurait-on écarté les amendements qui prônaient justement une quasi-parité entre ces termes ? S’agissant d’un enfant à naître, il faut donc se reporter à la fin de la formule de l’article 16 […] et se demander si elle a une portée juridique réelle »305.
114187. Le Conseil constitutionnel énonce que le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute sorte d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle306. Il le déduit du Préambule de la Constitution qui proclame que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés »307.
115Le principe de la dignité de la personne humaine est donc issu d’une déclaration concernant tout être humain. Les embryons in utero, qui entrent dans le champ du principe du respect de tout être humain, pourraient être aussi concernés par celui de la protection de la dignité. D’ailleurs dans une décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel examine la compatibilité à la Constitution de la loi allongeant le délai légal de l’I.V.G. de dix à douze semaines et estime que, procédant à cet allongement, « la loi n’a pas, en l’état des connaissances et des techniques, rompu l’équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme »308. L’équilibre en question concernant la femme et le fœtus qu’elle porte, il apparaît que l’atteinte portée au fœtus se pose en termes d’atteinte à la dignité de la personne humaine et ce, quel que soit l’âge du fœtus, car le fœtus concerné est celui de moins de douze semaines.
116188. En ce qui concerne l’embryon in vitro, puisque, pour le Conseil, le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne lui est pas applicable, on pourrait penser, a fortiori, que sa dignité n’est pas protégée. Mais on a vu combien cette interprétation du Conseil constitutionnel était contestable.
117189. L’article 16 pose donc un principe, ou deux principes, dont les bénéficiaires ne sont pas identifiables de façon certaine309. Et ces principes ne sont autres que le respect de la vie et de la dignité. La protection pénale au titre de la protection de la personne humaine n’est pas d’un intérêt moindre pour les individus. Et pourtant là encore le champ de ses bénéficiaires n’est pas défini avec précision.
SECTION III – DÉSORDRE DANS LA DÉFINITION DU BÉNÉFICIAIRE DE LA PROTECTION PÉNALE
118190. Le bénéficiaire de la loi pénale n’est pas celui qui peut agir, mais celui qui est désigné par la loi. La loi pénale « ne garantit pas des "droits" au sens technique du terme, mais des intérêts juridiques pris dans leur réalité profonde. Elle saisit ces intérêts en eux-mêmes, avant qu’ils ne soient passés par le prisme déformant et réducteur du droit civil et du droit public. Ce qu’elle protège, c’est la personne humaine envisagée sous ses différents attributs naturels pris en eux-mêmes (vie, intégrité physique, intégrité morale, liberté physique et liberté morale). Ainsi, il n’importe pour des juges saisis d’une poursuite du chef de meurtre que la victime n’ait pas reçu d’état civil et n’existe pas aux yeux de l’administration »310. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’être un être humain pour faire l’objet de la protection pénale, en témoignent les règles qui répriment les atteintes aux biens et aux animaux. En ce qui concerne l’enfant à naître, de nombreuses dispositions du code pénal le protègent explicitement.
119191. L’embryon est donc protégé par la loi pénale. Mais à quel titre ? En tant qu’être humain ? En tant que personne ? L’intérêt est de déterminer si les normes protégeant l’être humain ou la personne humaine en général protègent également l’embryon. Il n’y a pas de difficultés, en effet, lorsqu’un texte se présente lui-même comme concernant l’embryon, comme les textes réglementant l’expérimentation311. En revanche, le titre II du Livre II du code pénal, intitulé « des atteintes à la personne humaine », concerne-t-il l’enfant à naître ? Plus généralement, chaque fois que le Code pénal fait allusion à la personne -par exemple à propos du délit de non assistance à personne en danger, ou encore de l’état de nécessité (qui justifie de commettre d’un délit comme acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien)-, ces textes concernent-ils l’embryon ? Peuvent-ils être invoqués pour caractériser des actes commis à l’égard de l’enfant conçu ? Les juges sont amenés à définir la notion de personne humaine lorsqu’ils doivent décider d’appliquer ou non la protection pénale concernant la personne humaine à l’embryon et plus largement à l’enfant à naître.
120192. Le code pénal ne donne aucun élément justifiant une distinction à opérer entre être humain et personne humaine. Le titre II du Livre II vise la personne humaine et incrimine un certain nombre d’atteintes à la vie ou à l’intégrité de la personne humaine, et ces atteintes sont désignées par une circulaire comme les atteintes infligées aux êtres humains312. Les mêmes atteintes sont présentées tantôt comme les atteintes à la personne humaine, tantôt comme celles à l’être humain alors que les individus concernés sont nécessairement les mêmes. Certaines matières, comme celle de l’expérimentation sur l’homme, parlent indifféremment d’être humain ou de personne humaine. Le législateur emploie tantôt les termes « d’expérimentation sur la personne humaine »313, tantôt ceux de « recherche biomédicale sur l’être humain »314, alors que d’évidence ce sont les mêmes actes qui sont visés.
121193. En droit pénal, la qualification d’être humain ou de personne de l’enfant à naître a tout d’abord été abordée à l’occasion des affaires de suppression d’enfant. Elle s’est ensuite déplacée sur le terrain des atteintes au fœtus (homicide et coups et blessures sous l’ancien code pénal), et a été relancée depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal à l’occasion de l’application de l’article 122-7 sur l’état de nécessité.
I -Qualification de l’enfant à naître à travers la définition du crime de suppression d’enfant
122194. La suppression d’enfant consiste dans la non déclaration de la naissance à l’état civil. Elle était incriminée par l’article 345 al. 1er de l’ancien code pénal, à l’origine ainsi rédigé : « Les coupables d’enlèvement, de recélé ou de suppression d’un enfant, de substitution d’un enfant à un autre, ou de supposition d’un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis de la réclusion criminelle de cinq à dix ans »315.
123195. L’application de cet article a donné aux juges l’occasion de qualifier l’enfant conçu. La question est rendue complexe par une confusion très répandue dans les décisions entre, d’une part, la définition de l’infraction, la suppression d’enfant et, d’autre part, la qualification de la victime. Le juge ne doit se prononcer que sur la question de savoir si le délit de suppression d’enfant est constitué. Or, ce délit consiste dans la non déclaration d’une naissance, c’est-à-dire d’un accouchement. Concrètement, la difficulté que le juge doit résoudre est de déterminer quand il y a accouchement (qui doit être déclaré) et quand il y a, non pas accouchement, mais seulement fausse couche (qui n’a pas à être déclarée). Le juge doit délimiter le moment à partir duquel la gestation est suffisamment avancée pour que la déclaration prévue par la loi soit nécessaire. Il ne s’agit pas de distinguer entre le fœtus qui est déjà un être humain et celui qui n’en serait pas encore un. Le manque de rigueur dans les décisions conduit pourtant à présenter la définition demandée au juge, celle de l’accouchement, comme la définition de l’être humain.
124196. À l’origine, seule la déclaration de la naissance d’un enfant né vivant est exigée. La difficulté est alors de délimiter le délit par rapport à l’infanticide. La Cour de cassation précise bien, en 1938, que la suppression d’enfant est « un crime séparé et distinct du crime d’infanticide »316, l’infanticide consistant dans une atteinte à la vie d’un enfant non encore déclaré à l’état civil, et la suppression d’enfant dans le fait, non pas d’ôter la vie à l’enfant mais de ne pas déclarer qu’un enfant vivant est venu au monde, bien qu’il soit mort ensuite. Il faut donc déterminer si l’enfant a eu vie ou non, afin de déterminer si sa naissance aurait du être déclarée bien qu’il soit mort par la suite. Il n’est pas question de déduire de ce qu’il a eu vie ou non sa qualité de personne, mais seulement la nécessité de déclarer sa naissance.
125197. Déjà à cette époque, l’article 316 du code pénal prévoit « la constatation de tout enfant né à terme ». Un décret du 4 juillet 1806 impose aux officiers d’état civil le devoir particulier de recevoir cette déclaration lorsqu’il est incertain que l’enfant a eu vie ou non, car il faut alors une autorisation pour inhumer et la Cour de cassation précise qu’il n’est « pas permis aux personnes privées qui ont fait cette inhumation, de préjuger si l’enfant avait eu vie ou non »317. Les juges vont étendre cette nécessité de déclaration aux cas où il est certain que l’enfant est mort-né. La Cour de Besançon, en 1844, n’hésite pas à dire que « cette déclaration prescrite par des motifs d’ordre public, doit être faite encore qu’il ne s’agisse que d’un enfant mort-né »318. Et la Cour de Metz, en 1854, reprend cette idée que ces dispositions « ne font pas de distinction entre le décès de l’enfant mort-né et celui de l’enfant qui a eu vie extra-utérine, [que] l’obligation de demander une autorisation préalable d’inhumation s’applique à tous les cas de décès de l’individu dont une femme est accouchée »319.
126198. À partir du moment où la naissance des enfants n’ayant pas vécu doit être déclarée, il faut préciser s’il faut déclarer le produit de toute grossesse, quel que soit son développement. Les cours, appliquant de façon extensive l’exigence de la déclaration de l’accouchement, ne font qu’anticiper cette question qui va être suscitée par la loi de 1863.
127199. La loi du 13 mai 1863 ajoute à l’article 345 du code pénal et crée deux délits nouveaux : la non présentation d’un enfant qui n’a pas vécu, et celle d’un enfant dont l’existence reste douteuse320. Ces ajouts ont pour but « d’assurer à l’enfant une protection nouvelle, en punissant de peines correctionnelles le fait de suppression, lorsqu’il était douteux que l’enfant eût vécu, et même lorsqu’il était certain qu’il n’avait pas vécu »321. A nouveau les juges doivent rechercher si l’enfant a ou non vécu afin de déterminer lequel des délits est caractérisé. En effet, « on trouve dans la loi une échelle de prévisions et de peines dont la graduation, parfaitement logique et intimement liée dans toutes ses parties, s’applique à toutes les situations qui peuvent résulter de l’information : la suppression d’un enfant qui n’a pas vécu étant punie d’un emprisonnement de six jours jusqu’à deux mois ; celle d’un enfant dont l’existence est douteuse pouvant entraîner l’élévation de la même peine jusqu’à cinq années ; enfin, la peine de réclusion, qui est du degré immédiatement supérieur, atteignant le cas de la suppression la plus grave, celle d’un enfant qui a vécu »322. La difficulté pratique d’application de la loi est donc de déterminer au cas par cas si tel enfant a vécu ou non.
128200. Mais il y a également une difficulté de définition du délit lui-même : parmi les enfants qui n’ont pas vécu, tous doivent-ils faire l’objet d’une déclaration ou bien, au contraire, cette déclaration n’est-elle exigée qu’à partir d’une certaine durée de grossesse ? La solution la plus simple consiste à imposer la déclaration quelle que soit la durée de la grossesse. Mais, comme le constate le Tribunal de Toulouse, si cette solution est « de nature à sauvegarder dans une certaine mesure l’intérêt social en facilitant la découverte et en assurant la répression des crimes d’avortement et d’infanticide, elle [a] pour inconvénient grave de jeter le trouble et l’inquiétude dans les familles et de blesser dans bien des cas la pudeur publique »323. Le tribunal en conclut que « le législateur en imposant à certaines personnes l’obligation de déclarer et de présenter les nouveau-nés et en édictant des peines contre leur suppression, [s’est] servi du mot enfant et que cette expression ne [peut] s’entendre que d’un être organisé ».
129201. Les cours d’appel qui, avant la loi, avaient affirmé la nécessité de demander l’autorisation pour inhumer un enfant mort-né, avaient répondu de la même manière à la question posée : à partir de quand le produit de la conception doit-il être déclaré ? Constatant que l’enfant « était conçu depuis 5 à 6 mois, et suffisamment formé pour que le sexe en fût reconnaissable », la Cour de Besançon en avait conclu que l’article 346 du code pénal est applicable324. La Cour de Metz, se son côté, avait expliqué clairement qu’il suffit, « pour nécessiter l’autorisation préalable d’inhumation, qu’il y ait un individu décédé, c’est-à-dire un être organisé, appartenant à l’espèce humaine ; […] s’il est vrai que l’autorisation […] ne soit pas exigée pour l’inhumation d’un simple fœtus, d’un embryon, c’est-à-dire un être inorganisé, il n’est pas permis aux personnes privées de déterminer les limites dans lesquelles commence ou cesse l’obligation de demander l’autorisation préalable d’inhumation »325. Il s’agit de « juger si l’enfant mort-né est arrivé à un degré d’organisation tel qu’on doive y voir l’individualité dont parle la loi »326.
130202. La Cour d’appel de Paris, en 1865, dit que les prescriptions relatives à l’inhumation des enfants mort-nés « s’appliquent à tous les enfants mort-nés à quelque époque que la gestation soit parvenue, pourvu que ces enfants présentent les formes d’un être humain »327. En l’espèce, l’enfant « offrait toutes les formes et toutes les apparences d’un corps humain ; […] le sexe en était reconnaissable ; […] un enfant né sans vie dans de pareilles conditions devait être présenté à l’officier d’état civil, et ne pouvait être inhumé qu’avec autorisation préalable de l’officier public ». La Cour d’appel de Caen constate que, la grossesse s’étant terminée par un accident, après cinq mois et demi seulement de gestation, la fille « n’est point accouchée d’un enfant qui peut vivre, mais bien d’un être simplement ébauché, auquel il manque le développement minimum pour exister même de la vie utérine ; que […] cette gestation a été trop courte pour la création d’un être organisé »328.
131203. Enfin, la Cour de cassation, en 1874, affirme que « l’article 345 […] doit être combiné avec l’article 312 c. civ., aux termes duquel l’enfant n’est réputé viable qu’après un minimum de 180 jours ou six mois de gestation […] l’être qui vient au monde avant ce terme, privé non seulement de la vie, mais des conditions organiques indispensables à l’existence, ne constitue qu’un produit innomé, et non un enfant, dans le sens que le législateur a attaché à cette expression […] ce n’est point en vue d’un pareil être qui, suivant que sa venue au monde se rapproche davantage de l’époque de la conception, peut ne pas même présenter les signes distinctifs de la forme humaine, que le décret du 3 juillet 1806 a prescrit la présentation du cadavre de tout enfant mort-né à l’officier d’état civil […] une telle présentation, sans utilité pour l’intérêt social, pourrait, dans certains cas, blesser la pudeur publique »329. En conséquence elle approuve la cour d’appel qui a estimé que « le fait, pour l’inculpée, de n’avoir point présenté à l’officier d’état civil l’être informe et sans vie dont elle est accouchée […] ne constituait point le délit de suppression d’enfant ».
132204. Les juges par la suite retiennent ce critère des six mois de gestation pour distinguer l’accouchement, qui doit être déclaré, de la fausse couche qui n’a pas à l’être. Pour la Cour de Poitiers, le délit est constitué car « l’enfant mis au monde, le 3 juin, par la veuve Rault, était un enfant dans le sens de la loi et non pas seulement un être inorganisé dont la conception aurait remonté à moins de cent quatre-vingt jours »330. Il en va de même devant la Cour d’appel d’Angers car « l’enfant, trop volumineux, était venu à terme, ou presqu’à terme, mais certainement après plus de six mois de gestation »331. Sur le même critère, la Cour d’Amiens acquitte les prévenues car « le rapport du médecin constate que le fœtus était arrivé au sixième mois de la vie intra-utérine, ce qui établit qu’il avait seulement cinq mois révolus ; […] le produit de l’accouchement n’était pas dans un état d’organisation suffisant pour nécessiter sa représentation à l’officier d’état civil ou une déclaration à l’autorité compétente »332. L’essentiel du contentieux porte alors sur la charge de la preuve, c’est-à-dire sur la question de savoir à qui il appartient de prouver que la grossesse avait duré plus ou moins de six mois.
133205. Si l’on prend au pied de la lettre les déclarations des juges dans certaines de ces décisions, il en résulte qu’avant d’avoir une forme organisée pour les uns, de présenter les organes nécessaires à une vie extra-utérine pour les autres, ou encore d’avoir un sexe reconnaissable, les produits de la grossesse ne sont pas des êtres humains. Si au contraire on interprète ces déclarations à la lumière de la question précisément posée aux juges, « faut-il déclarer la venue au monde de tels individus ? », il apparaît qu’en fait ces éléments ne fondent que la nécessité de déclarer la venue au monde et non pas l’appartenance à l’espèce humaine. Il serait bien curieux d’ailleurs que le critère soit aussi flou et aussi varié d’une juridiction à l’autre s’il avait pour rôle de déterminer la qualité d’être humain. Il ne faut donc donner à ces décisions que la portée qu’elles ont, portée circonscrite au regard de la question qui leur est posée et qui ne concerne que la nécessité de déclarer la venue au monde de l’enfant. Il ne s’agit que de distinguer entre un accouchement et une fausse couche, ce que dit clairement l’arrêt de la Cour d’appel de Dijon du 11 mai 1879 qui conclut du rapport des médecins « qu’il y avait eu fausse couche plutôt qu’accouchement proprement dit »333.
134206. L’article 345 est resté inchangé depuis la loi de 1863 jusqu’au nouveau code pénal. Cet article était critiqué car il incriminait des délits tant à l’égard de la personne de l’enfant qu’à l’égard de son état civil. En effet il concernait des faits commis à l’égard d’enfants n’ayant pas vécu, dépourvus d’état civil, et c’était donc dans ce cas la personne de l’enfant qui était concernée et non pas seulement son état civil. Et, même lorsque l’enfant avait vécu, l’infraction était constituée dès lors qu’il y avait atteinte à la personne de l’enfant, quand bien même l’auteur du délit n’aurait eu aucune intention de porter atteinte à l’état civil de l’enfant334. Le texte qui a remplacé l’article 345 dans le nouveau code pénal est l’article 227-13335 : « La substitution volontaire, la simulation ou la dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 francs d’amende […] »336. Ce nouveau texte n’incrimine plus la suppression d’enfant mais seulement des actes mettant en cause l’état civil. Il ne concerne donc que des victimes nées vivantes et la question « à partir de quel stade le produit de la grossesse est-il concerné ? » ne se pose plus, puisque le seul enfant concerné est celui qui est né vivant.
135207. En revanche la question pourrait se reposer via l’application de l’article R. 645-4 du nouveau code pénal qui sanctionne « le fait, pour une personne ayant assisté à un accouchement, de ne pas faire la déclaration prescrite par l’article 56 du Cc dans les délais fixés par l’article 55 du même code »337. Il faudrait à nouveau distinguer entre l’accouchement et l’expulsion prématurée d’un fœtus. D’autre part, l’article 79-1 du Code civil, tel que modifié par la loi du 8 janvier 1993338, définit les règles applicables aujourd’hui à l’enfant dont il n’est pas établi qu’il est né vivant et viable et pour lequel un acte d’enfant sans vie est dressé. L’instruction générale relative à l’état civil de 1999 dit que l’enfant mort-né après une gestation de plus de 180 jours doit être déclaré mais que les embryons qui n’ont pas vécu et dont la gestation a duré moins de 180 jours ne sont pas déclarés à l’état civil. Il apparaît ici encore que la portée de ces règles se limite à la nécessité d’une déclaration : un enfant né avant 180 jours de grossesse mais né vivant, bien que non viable, doit être déclaré ; le même enfant, venu au monde le même jour mais déjà mort, ne sera pas déclaré. Or, il est évident que cet enfant est le même, ce n’est pas le fait d’avoir vécu peut-être seulement quelques minutes qui fait de lui ou non un être humain. Si la loi impose de déclarer la venue au monde de tout enfant né vivant, quelle que soit la durée de la gestation, c’est pour que tous les cas de figure soient visés, étant donné qu’il est parfois difficile de déterminer avec exactitude la durée exacte de la gestation. Et, si la loi se contente très bien d’un certain flou, c’est précisément parce que l’enjeu ne porte que sur la nécessité d’une déclaration.
136208. Les décisions de justice ayant appliqué l’article 345 du code pénal ne donnent finalement pas d’éléments de définition des notions d’être humain et de personne humaine, mais seulement de ce qu’il faut entendre par accouchement par rapport à l’avortement spontané. Malgré une certaine confusion dans leur rédaction, il ne faut rien en déduire de plus et c’est à tort qu’elles sont parfois invoquées comme manifestant qu’une certaine jurisprudence ne considère pas l’enfant conçu comme un être humain.
137209. Il faut maintenant rechercher des éléments permettant de cerner ces notions dans l’application des dispositions incriminant les atteintes à la personne humaine.
II -Qualification de l’enfant à naître à travers la définition des atteintes à la personne humaine
138210. Les atteintes à la personne humaine sont incriminées par le titre II du livre II du code pénal, intitulé « des crimes et délits contre les personnes ». Les actes commis sur l’enfant à naître, embryon ou fœtus, en relèvent-ils ? C’est surtout à propos des atteintes à l’intégrité physique et à la vie, incriminées par l’ancien code pénal sous le nom de coups et blessures et d’homicide, que la question est débattue. Mais elle se pose aussi pour n’importe quelle infraction susceptible de concerner un enfant conçu comme la non assistance à personne en péril ou, depuis le nouveau code pénal, la mise en danger de la personne.
139211. Sur le plan civil, l’enfant peut obtenir, une fois né, réparation du dommage qui lui a été causé avant sa naissance par une faute pénale ou civile. Mais ce qui nous intéresse ici c’est la qualification pénale des faits : l’atteinte est-elle qualifiée d’atteinte à la personne ? Si elle relève des infractions contre les personnes, c’est que l’enfant non encore né est considéré comme une personne et inversement.
140212. La situation est très simple lorsque l’enfant, qui a fait l’objet d’atteintes in utero, est malgré tout né. Elle est plus compliquée lorsqu’il est décédé in utero.
A - Les atteintes portées à l’enfant in utero n’ayant pas empêché la naissance
141213. L’hypothèse est la suivante : l’enfant fait l’objet d’une atteinte alors qu’il est encore in utero (atteinte qui peut prendre une forme active ou la forme d’une abstention) et naît vivant avec des séquelles, ou meurt après sa naissance des suites de cette atteinte. La jurisprudence est constante sur ce point : à partir du moment où l’enfant est né vivant, les atteintes qu’il a reçues in utero constituent des atteintes à la vie ou à l’intégrité de la personne (sous l’empire de l’ancien code pénal, les juridictions caractérisaient dans ce cas l’homicide ou les coups et blessures commis sur l’enfant in utero)339. Une abstention fautive à son égard constitue une non assistance à personne en danger.
142214. Il ne fait aucun doute en jurisprudence que les blessures causées à un enfant pendant l’accouchement peuvent être qualifiées d’atteintes à la personne humaine, et l’enfant peut demander réparation pour le préjudice qui en est résulté. Un arrêt de la chambre criminelle du 9 décembre 1986 rejette le pourvoi contre l’arrêt qui a déclaré « le Docteur L. coupable de blessures involontaires sur la personne du jeune Huat, dont l’état est imputable aux conditions dans lesquelles sa mère a été accouchée »340. Lorsque, pendant l’accouchement, le médecin n’est pas intervenu et a eu en cela une attitude fautive, son comportement peut être qualifié de non assistance à personne en péril. Après avoir subi une souffrance fœtale aiguë pendant les heures précédant l’accouchement, un enfant naît atteint de troubles graves et irréversibles du système nerveux. Le médecin est condamné « pour s’être volontairement abstenu de porter à la mère et à l’enfant, qui étaient en péril, l’assistance que, sans risque pour lui et pour les tiers, il pouvait leur prêter »341. Le pluriel du verbe étaient montre que la mère et l’enfant étaient deux personnes en péril. Un autre arrêt de la Cour de cassation de 1987 rejette un pourvoi contre un arrêt d’appel ayant condamné une sage femme pour non assistance à personne en danger au motif qu’elle « ne pouvait ignorer que […] la patiente et l’enfant qu’elle portait étaient dans la soirée dans un état dangereux »342.
143215. Lorsque l’enfant naît avec des séquelles d’une atteinte in utero reçue avant l’accouchement, il y a peu de décisions pénales car les victimes agissent plutôt devant les juridictions civiles, soit parce que les agissements à l’origine de l’atteinte ne tombent pas sous le coup de la loi pénale, soit parce que c’est la réparation du préjudice qui est recherchée plus que la sanction de l’auteur du dommage.
144216. S’agissant du préjudice causé par une faute civile, il y a de nombreuses décisions343. La Cour de cassation connaît en 1966344 une affaire dans laquelle une femme enceinte, victime d’un accident de la circulation, accouche quelques mois après d’un enfant qui présente des troubles qu’elle attribue au traumatisme subi in utero. La cour d’appel rejette la demande d’indemnisation et le pourvoi est rejeté devant la Cour de cassation, parce que le lien de causalité entre le trouble de l’enfant et l’accident n’était pas établi, et non parce que l’atteinte aurait été portée à l’enfant alors qu’il n’était pas encore né. Sur le principe, la possibilité d’obtenir une indemnisation pour les blessures qu’il a reçues in utero ne fait pas de doute. En 1989, la Cour de cassation345 se prononce dans une affaire similaire : une femme enceinte est blessée dans un accident, son accouchement doit être provoqué par voie de césarienne, et l’enfant naît atteint d’une invalidité de 100 %. Le père de l’enfant demande réparation du préjudice causé, tant en son nom qu’en celui de son enfant, et la cour d’appel indemnise le préjudice subi par l’enfant. Si l’arrêt est cassé c’est parce qu’il ne permet pas à la Cour de cassation de « vérifier si les sommes allouées n’excèdent pas le préjudice ». Mais là encore le principe de l’indemnisation personnelle de l’enfant pour le préjudice causé par des blessures subies in utero est acquis.
145217. De même, devant la juridiction administrative il est possible d’obtenir réparation pour un dommage causé par la faute du médecin. Le Conseil d’État se prononce dans ce sens dans une affaire qui lui est soumise en 1989346 : une femme enceinte subit une interruption volontaire de grossesse, qui échoue, et donne finalement naissance à un enfant atteint d’une malformation ayant son origine dans l’intervention pratiquée. Le tribunal administratif rejette la demande d’indemnisation présentée par la femme. La Conseil d’État constate que le traumatisme subi par l’enfant est dû à une faute lourde du médecin qui n’a pas vérifié le résultat de l’opération et condamne ce dernier à réparer le préjudice subi tant pas la mère que par l’enfant. Cet arrêt atteste de la possibilité pour l’enfant de demander réparation pour le préjudice causé par des blessures reçues alors qu’il était encore in utero. En revanche le lien de causalité en l’espèce entre la faute du médecin et le préjudice subi est loin d’être évident puisque l’enfant a été blessé par la tentative d’interruption volontaire de grossesse. Or ce n’est pas cette tentative d’interruption de grossesse qui est fautive, mais le fait de n’en pas avoir vérifié le résultat.
146218. Lorsque l’enfant, atteint in utero, naît vivant mais décède des suites de l’atteinte qui lui a été portée, cette dernière peut être qualifiée d’homicide involontaire sur la personne de l’enfant. Dans un arrêt de 1999, la Cour de cassation347 rejette un pourvoi contre un arrêt d’appel ayant refusé de caractériser l’homicide involontaire dans le décès d’un nouveau-né que les parents imputaient à une faute du médecin et de la sage-femme. Mais la raison pour laquelle l’homicide n’est pas constitué est seulement l’inexistence d’une faute pénale imputable au médecin et à la sage femme, auxquels on ne pouvait reprocher qu’une simple erreur de diagnostic ; le principe de la possible qualification d’homicide involontaire n’est pas remis en question.
147219. Une ambiguïté vient de ce que certaines décisions semblent fonder la qualification d’homicide ou de non assistance à personne en danger sur le fait que l’enfant est malgré tout né vivant. Pour condamner un médecin du délit de non assistance à personne en danger, une cour d’appel se fonde sur le fait que « l’enfant qu’il venait de mettre au monde aurait eu non pas six, mais sept mois de gestation et devait apparaître comme constituant une personne au sens de la loi » : cela signifie-t-il qu’à six mois de gestation il ne constituerait pas une personne ou bien que le délit ne pourrait être caractérisé parce que, l’enfant n’étant pas viable, aucun secours ne pouvait lui être porté ? La Cour de cassation rejette le pourvoi car la cour d’appel, relevant que le médecin « savait que l’enfant était en péril du fait de sa naissance clandestine ; qu’il présentait des chances de survie appréciables », a caractérisé tous les éléments constitutifs du délit348.
148220. Dans une affaire portée devant la Cour de cassation le 14 juin 1957349, un nouveau-né décède en raison d’une utilisation incorrecte du forceps au moment de l’accouchement ; la cour d’appel condamne le médecin pour homicide involontaire sur la personne de l’enfant, soulignant « que l’enfant, dont le cœur battait lors de la naissance, a bien respiré et que, dans ces conditions, le décès est dû à la maladresse certaine et coupable dont le demandeur a fait preuve ». La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le médecin qui « argue vainement […de ce] que l’enfant n’ayant pas vécu de la vie extra-utérine, le délit d’homicide ne saurait lui être imputé ». Cela signifie-t-il que le fait qu’il n’ait pas vécu de la vie extra-utérine importe peu, ou bien qu’en l’espèce l’argument est invoqué en vain puisque l’enfant a respiré ? Les juges relèvent que l’enfant a respiré et que son cœur battait, mais il semble que ce soit pour caractériser le fait qu’il était vivant et que la faute du médecin a bien causé sa mort. En effet, de ce qu’il a respiré, les juges déduisent que « dans ces conditions, le décès est dû à la maladresse… ».
149221. En revanche un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 1959 350 lie de façon très claire existence de l’homicide et nécessité que l’enfant ait vécu hors du corps de sa mère. Une femme enceinte est blessée dans un accident qui provoque son accouchement. Une césarienne rendue obligatoire quelques heures après l’accident permet l’extraction d’une fille qui décède le lendemain. Les premiers juges condamnent l’auteur de l’accident pour blessures involontaires sur la personne de la mère mais le relaxent du chef d’homicide involontaire sur la personne de l’enfant. L’auteur de l’accident demande aux juges d’appel la confirmation du jugement, invoquant « la nécessité, pour que puisse être constitué le délit, que la victime ait été atteinte, alors qu’elle vivait d’une existence extra-utérine ». Il est acquis en jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire que la victime ait vécu d’une vie extra-utérine lorsqu’elle a été atteinte. La cour d’appel déclare donc, logiquement, que l’existence du délit d’homicide involontaire ne saurait être exclue « du fait que la victime ne possédait pas, au moment de l’accident, une vie indépendante de celle de la mère ». Le délit s’entend en effet « de la réunion d’éléments -faute, lien de causalité, mort », auxquels il ne convient pas d’ajouter « en déclarant nécessaire l’existence de blessures reçues après sa naissance par la victime ». En revanche, est-il nécessaire que, après l’atteinte, la victime ait vécu d’une existence séparée de sa mère ? La cour ajoute qu’ « il n’y a donc pas lieu de rechercher si l’atteinte à la personne doit frapper un individu venu au monde, disposant d’une personnalité physique distincte de celle de la mère, […] étant seulement suffisant que la victime soit née vivante, viable si elle n’avait pas reçu le choc traumatique, et soit décédée des suites de ce choc ». En l’espèce c’est bien le cas, par conséquent elle condamne l’auteur de l’accident pour homicide involontaire sur la personne de l’enfant.
150222. Quelle est la portée de cette exigence ? Est-ce là une sorte de motif surabondant, un élément qui permet de caractériser le lien de causalité entre la faute et le décès, ou bien un élément nécessaire à la constitution du délit ? C’est ce qu’affirment certains auteurs, déduisant de cette jurisprudence que « les atteintes portées à l’intégrité physique ne peuvent être qualifiées d’homicide ou de coups et blessures que si le fœtus est venu au monde vivant et viable »351. Il faut donc examiner ce qui se passe lorsque l’atteinte portée à l’enfant in utero l’a empêché de venir au monde.
B -Les atteintes portées à l’enfant ayant entraîné sa mort in utero
151223. Seule est envisagée la question de l’atteinte à la vie sur la personne de l’enfant in utero. Les coups et blessures par définition n’entraînent pas la mort et laissent l’enfant naître vivant, ce qui ramène à l’hypothèse précédente, déjà étudiée. La question posée aux juges est de déterminer si l’atteinte à la vie de l’enfant non né relève ou non des atteintes à la personne humaine. Il y a des décisions pour des atteintes actives mais, en ce qui concerne la non assistance à personne en péril à un enfant décédé de ce fait in utero, il n’y a pas de décision352.
152224. En soi, la qualité de personne de la victime ne dépend pas du fait que l’atteinte qui lui est portée est volontaire ou involontaire. Cependant, par souci de clarté, il convient d’étudier de façon distincte les atteintes volontaires et involontaires à la vie de l’enfant conçu. La loi en effet incrimine l’atteinte volontaire à la vie de l’enfant conçu par le biais de deux incrimination spéciales : l’I.V.G. réalisée sans le consentement de l’intéressée353 et l’I.V.G. illégale354 Cette dernière infraction, depuis la loi du 4 juillet 2001355, ne figure d’ailleurs plus dans le titre du code pénal relatif à la protection des personnes mais dans le code de la santé publique. Il est toujours utile de l’étudier car il serait surprenant que, pour le droit, la nature de l’enfant à naître ait changé pour la simple raison qu’une infraction a été déplacée d’un code à l’autre. Et, de toute façon, les décisions prises jusqu’à la loi du 4 juillet 2001 revenaient à se prononcer sur la protection de l’enfant à naître au titre de la protection des personnes.
153Aucune incrimination spéciale n’est prévue en cas d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant conçu. Il faut donc rechercher si elle entre dans le champ général de l’incrimination d’atteinte involontaire à la vie de la personne humaine.
1) L’atteinte volontaire à la vie de l’enfant conçu
154225. L’atteinte à la vie d’un enfant à naître ne peut être qualifiée d’atteinte volontaire à la vie au sens de l’article 221-1 du code pénal356, car il existe un délit spécial, aujourd’hui désigné sous le terme d’interruption volontaire de grossesse illégale ou contre la volonté de l’intéressée. C’est pourquoi le Tribunal de Fontainebleau dit d’un fœtus âgé de trois mois environ, donc non viable, qu’ « un tel être n’est pas juridiquement une personne ; qu’il ne peut être ni victime d’un homicide, ni de coups et blessures, au sens propre de ces termes »357. Le tribunal doit déterminer si le fait de cacher le cadavre d’un enfant avorté constitue un recel de cadavre. Or le recel concerne le cadavre « d’une personne homicidée ou morte de coups et blessures », et les textes pénaux étant d’interprétation stricte, il n’y a pas de recel de cadavre en l’espèce, puisqu’il n’y a pas eu homicide. La Cour d’appel de Paris dit de même que les deux délits d’homicide involontaire et de recel de cadavre ne peuvent être retenus que s’il est établi que l’enfant a vécu358.
155226. Mais ces deux décisions, après avoir écarté la qualification d’homicide (et donc celle de recel), retiennent celle d’avortement359. S’il n’y a pas d’homicide volontaire sur le fœtus, ce n’est pas parce que le fœtus n’est pas une personne humaine mais parce que cette atteinte fait l’objet d’une incrimination spéciale. Cela n’empêche pas le commentateur de ce jugement de déclarer : « l’homicide suppose nécessairement une vie humaine préexistante. [...] D’où l’on peut conclure, comme le décide le jugement rapporté, que le recel d’un fœtus n’est pas le recel d’une personne "homicidée" au sens de l’article 259 c. pen. » : pour le commentateur, si en l’espèce il n’y a pas de vie humaine préexistante, c’est que le fœtus n’est pas un être humain. Mais il fait là une confusion entre la définition du délit et la qualification de la victime.
156227. De la même manière, sous l’ancien code pénal, lorsque l’enfant venait de naître, l’atteinte à sa vie était un infanticide. Ces "découpages" en fonction de l’âge de la victime sont des données techniques, dans tous les cas il s’agit de réprimer les atteintes causées à un être humain, au titre de la protection de la personne humaine. Ces incriminations spéciales sont techniques et, en tant que telles, susceptibles d’évoluer : c’est ce qui s’est produit avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal qui a supprimé le délit spécial d’infanticide. Est-ce pour autant que l’atteinte à la vie de l’enfant venant de naître n’est plus réprimée par le droit pénal ? Elle l’est toujours mais, à défaut d’incrimination spéciale, elle est réprimée sous l’inculpation d’atteinte volontaire à la vie avec, en l’occurrence, circonstance aggravante en raison du jeune âge de la victime.
157228. Plusieurs décisions illustrent ce fait qu’avortement et homicide ne sont que deux incriminations, sous des dénominations différentes, d’une même atteinte à la personne humaine360 : en effet, qu’est-ce qui distingue les deux qualifications d’homicide et d’avortement ? Le Tribunal correctionnel de Versailles, dans un jugement du 15 janvier 1947361, définit l’avortement comme « le fait de provoquer l’accouchement avant terme d’une femme enceinte […] dans le but de priver de l’existence l’enfant qu’une femme porte dans son sein ». En l’espèce, une tentative d’avortement avait provoqué la naissance prématurée d’un enfant de sept mois qui aurait pu survivre mais qu’on avait laissé mourir. Confrontant les faits avec cette définition, le tribunal conclut que « l’enfant ayant survécu quelque temps, le délit d’avortement ne peut être considéré comme consommé, et que c’est seulement de tentative d’avortement » qu’il faut parler. En revanche, relevant que « l’enfant était ainsi né vivant et à un âge où il pouvait être viable » et que « sa mort est due à la négligence » de la prévenue, il en déduit que le délit d’homicide involontaire doit être retenu contre elle. Le fait que l’enfant soit né vivant et viable ne signifie pas que s’il était né mort il n’y aurait pas eu atteinte à un être humain, mais seulement qu’en l’espèce il y a homicide involontaire et non avortement. Et, dans ce cas, puisqu’il y a bien eu "homicide", le recel du cadavre de l’enfant constitue un recel de cadavre362.
158229. Pourquoi avoir institué plusieurs incriminations si, en définitive, il ne s’agit que de variantes dans le temps d’une même atteinte à la vie de la personne humaine ? C’est que des peines différentes sont attachées aux différentes incriminations : « le droit pénal a établi des infractions distinctes par leurs incriminations et leurs sanctions suivant l’état de développement de la vie à laquelle il est porté atteinte -essentiellement les débuts de la vie »363. Le législateur a voulu punir plus sévèrement l’homicide que l’avortement, car on considère que la gravité psychologique de l’acte va croissant avec l’âge de l’enfant et qu’il faut punir d’autant plus sévèrement l’atteinte à la vie de l’enfant que celui-ci est plus développé364.
159230. Qu’en est-il aujourd’hui de la répression des atteintes volontaires à la vie de l’enfant conçu ? Un rapport sur l’I.V.G. en France, rendu au ministre de l’emploi et de la solidarité en février 1999, suggère une pure et simple dépénalisation de l’avortement365. Mais, à ce jour, la législation en vigueur est celle résultant de la refonte du code pénal dont les dispositions ont été ensuite transférées dans le code de la santé publique366. Les articles L. 2222-2 et suivants du code de la santé publique incriminent l’I.V.G. illégale, et l’article 223-10 du code pénal l’I.V.G. réalisée sans le consentement de la femme367. L’I.V.G. est encore illégale lorsqu’elle est réalisée après diagnostic prénatal sans avoir respecté les modalités prévues par la loi368. L’I.V.G. commise par la femme sur elle-même n’est plus réprimé369.
160231. L’interruption volontaire de grossesse constitue donc un délit si elle n’est pas pratiquée dans les conditions limitatives définies par le législateur, comme le dit clairement la Cour de Paris en 1982 : « La loi du 17 janvier 1975, puis du 31 déc. 1979, en maintenant les dispositions antérieures de l’article 317 du Code pénal a laissé subsister le caractère délictueux de tout avortement, tout en écartant l’application de ce texte dans la limite de cas exceptionnels qu’elle définit »370. La même cour le rappelle en 1996 : « les articles L. 162-1 et suivants définissent les conditions dans lesquelles l’interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée avant la fin de la dixième semaine […] le législateur a voulu ainsi fixer des limites à l’intérieur desquelles une telle interruption était légale, étant précisé qu’elle constituait un délit si elle n’était pas pratiquée dans ces conditions limitatives »371. Les poursuites sont assez rares, mais il en existe néanmoins. Par exemple, en 1995, le Tribunal correctionnel de Puy-en-Velay372 déclare coupable d’interruption illégale de grossesse un gynécologue qui avait proposé à une femme de 24 ans, enceinte de 12 semaines, de lui procurer l’avortement moyennant finance dans son cabinet. A défaut de poursuites pénales, le fait de procéder à des interruptions volontaires de grossesse illégales peut faire l’objet de sanctions disciplinaires, l’état de nécessité ne pouvant pas justifier une atteinte au fœtus hors des cas prévus par la loi373. D’autre part, le préjudice résultant d’un avortement illégal peut donner lieu, devant les juridictions civiles, à des dommages intérêts374.
161232. L’interruption de grossesse reste donc incriminée lorsqu’elle est commise contre la volonté de la femme375 ou qu’elle n’est pas réalisée dans les conditions prévues par la loi376, à savoir après l’expiration du délai légal dans lequel l’I.V.G. est autorisée (aujourd’hui douze semaines) sauf si elle est pratiquée pour un motif médical ; par une personne n’ayant pas la qualité de médecin ; ou dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi ou en dehors du cadre d'une convention conclue entre le praticien et un tel établissement377. La conjonction de ces trois conditions n’est pas nécessaire378.
162233. Au fil des réformes successives, l’infraction d’interruption de grossesse illégale a changé de place. Après la refonte du code pénal, elle est située à « un endroit curieux »379 du code pénal puisqu’il s’agit de la section V du chapitre intitulé De la mise en danger de la personne. On se demande en effet qui est mis en danger dans pareille situation : « l’enfant n’est pas mis en danger il est tué »380 ; la femme qui subit une atteinte réelle n’est pas non plus mise en danger, c’est pourquoi Mme Rassat conclut que « l’interruption illégale de grossesse n’est donc à aucun titre une mise en danger, c’est une violence corporelle bien réelle. Reste à savoir à l’égard de qui »381. On a pu se demander s’il fallait interpréter les nouvelles règles pénales comme ayant supprimé le délit général d’avortement, ce dernier ne faisant plus l’objet que de dispositions protectrices de la femme. Ceci d’autant plus que l’interruption volontaire de grossesse illégale est désormais incriminée par le code de la santé publique dans un livre intitulé Protection et promotion de la santé maternelle et infantile.
163234. Est-ce que les conditions fixées par le législateur « ont seulement pour but de protéger la santé de la femme puisqu’elles souhaitent assurer une IVG dans de "bonnes conditions" médicales de réalisation » ?382 Cette analyse ne prend pas en considération toute la législation sur la question mais seulement une partie. En effet, est certes réprimée l’I.V.G. réalisée en dehors des conditions destinées à assurer la sécurité de la femme, mais également l’I.V.G. pratiquée après douze semaines de grossesse (sauf avortement médical), que les mesures de sécurité soient respectées ou non. Dans ce cas, c’est bien la personne de l’enfant qui est protégée contre une atteinte à sa vie. Même si le législateur a élargi la possibilité de recourir à l’I.V.G., il n’en reste pas moins que dans sa nature même l’avortement est une atteinte à la vie de l’enfant. D’ailleurs, si le délit n’était pas une atteinte à l’enfant, le délit général de coups et blessures ou de mutilation suffirait. Ce n’est pas parce que dans certains cas le législateur préfère ne pas poursuivre que le délit, en soi, n’est plus une atteinte à l’enfant. Comme le fait remarquer Mme Carreau, relevant l’évolution en la matière, « l’acte commis n’a guère pu changer aussi radicalement de nature »383.
164235. Avant l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, et avant même la dépénalisation de l’avortement, le Tribunal de Bobigny, dans un jugement du 22 novembre 1972384, désolidarisait déjà la responsabilité de la femme de l’atteinte objective faite à l’enfant. Le tribunal pour enfants relaxa une jeune fille ayant avorté en raison « de contraintes d’ordre moral, familial, social auxquelles elle n’a pu résister », la faisant bénéficier de l’excuse légale prévue par l’article 64 du code pénal. Le tribunal, en revanche, refusa de faire profiter de cette excuse légale les complices (la mère et la femme qui avait procédé aux manœuvres abortives sur la jeune fille), « malgré la mise hors de cause de l’auteur principal, dès lors que le délit commis par celui-ci reste objectivement punissable ». Le fait de mettre la femme ou le médecin hors de cause ne change pas le fait que l’atteinte concerne l’enfant lui-même. Le Tribunal correctionnel de Colmar avait ainsi déclaré que « le délit d’avortement constitue dans son essence un attentat contre l’enfant dont le législateur a entendu protéger le droit à l’existence dès la période de gestation »385, et la Cour de Colmar que « l’avortement, prévu à l’article 317 C. pén., et rangé parmi les infractions contre les personnes, a pour but de protéger l’enfant à naître, encore dépourvu de personnalité civile »386. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, les juges ont eu l’occasion de réaffirmer que l’avortement est une atteinte à la personne de l’enfant : la Cour de Chambéry, dans un arrêt du 20 novembre 1996, affirme « le législateur a posé et maintenu dans le cadre des réforme successives le principe fondamental du droit à la vie et celui du caractère d’exception de l’interruption de grossesse »387. Pour la Cour d’appel de Caen, dans un arrêt du 11 mars 1996 : le législateur, « prenant en considération le sort de la femme enceinte et celui de l’embryon, a accepté de sacrifier le second au profit de la première »388.
165236. Il n’y a donc pas d’atteinte volontaire à la vie de l’enfant conçu, non parce qu’il ne serait pas protégée au titre de la protection de la personne humaine mais parce que l’atteinte volontaire à sa vie fait l’objet d’incriminations spéciales. Il faut maintenant étudier ce qu’il en est dans le cadre de l’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naître.
2) L’atteinte involontaire à la vie de l’enfant conçu
166237. La définition de l’atteinte involontaire à la vie d’autrui de l’article 221-6 du nouveau code pénal389 est celle que l’ancien code pénal retenait pour l’homicide involontaire390 : « l’atteinte involontaire à la vie était incriminée […] par l’article 319 du Code pénal, depuis lors abrogé ; [...] elle l’est, depuis le 1er mars 1994 date d’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, par l’art. 221-6 C. pén. ; [...] ces deux textes édictent les mêmes éléments constitutifs du délit, lequel est caractérisé par le fait de causer la mort d’autrui par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements »391.
167238. L’infraction est l’atteinte à la vie d’autrui. Par conséquent, si une atteinte à la vie d’un individu n’est pas qualifiée d’atteinte involontaire à la vie incriminée par l’article 221-6, c’est que l’individu en question n’est pas un autrui, c’est-à-dire n’est pas une personne humaine. A contrario, si une telle atteinte tombe sous le coup de l’article 221-6, la victime entre dans la définition de la personne humaine.
168239. La première décision sur le sujet est un arrêt de la Cour de Douai de 1882392, rendu au sujet d’un enfant mort pendant un accouchement qui s’était prolongé trop longtemps. Il s’agit d’un enfant qui n’a pas respiré, qui n’a jamais vécu de la vie extrautérine393. Cela n’empêche pas les juges de caractériser l’homicide : « on ne saurait soutenir que l’homicide d’un enfant naissant, c’està-dire commis pendant l’accouchement même, ne tombe pas sous le coup de la loi ; [...] cette doctrine, appliquée au crime d’infanticide, serait la source d’une immunité scandaleuse ; [...] pour n’avoir pas encore respiré, l’enfant n’en a pas moins vécu de la vie intra-utérine, [...] sa mort même est la preuve de son existence antérieure ». La cour en déduit l’existence du « délit d’homicide involontaire, par maladresse, imprudence et inobservation des règlements », sur le fondement de l’article 319 de l’ancien code pénal.
169240. La cour ne se fonde pas sur le fait que l’enfant était en train de naître pour caractériser l’homicide. Elle constate qu’il a vécu de la vie intra-utérine et que sa mort a été causée par la maladresse de la prévenue. En soi, rien ne limite la possibilité de caractériser l’homicide involontaire au seul enfant naissant, en excluant de cette qualification les atteintes au fœtus plus jeune. Cependant, la portée de cet arrêt pourrait être limitée en raison de cette circonstance que l’enfant était en train de naître. Une chose est certaine : pour la cour, la naissance n’est pas le seuil qui fait entrer les atteintes à l’enfant dans le champ des atteintes à la personne humaine. Une atteinte sur un enfant avant la naissance peut recevoir cette qualification.
170241. La Cour d’Amiens, en 1964394, connaît une affaire semblable et apporte quelques précisions. Un enfant décède pendant l’accouchement, la mort étant due « à un œdème cérébral imputable au fait que l’enfant était resté trop longtemps la tête libérée, mais retenu par le cordon en cravate autour du cou ». Il s’agit encore d’un enfant mort alors qu’il n’avait pas encore d’existence séparée de sa mère. La cour déclare « qu’il suffit, pour caractériser le délit d’homicide involontaire, que l’atteinte à la personne ait porté sur un être humain, même non séparé du corps de sa mère, dès l’instant qu’il était venu à terme viable et que sa mort est seulement imputable à la faute d’un tiers ». La cour ici est plus précise : s’il n’est pas nécessaire que l’enfant ait vécu d’une existence séparée, en revanche il semble exigé qu’il soit "venu à terme viable". Pour relever des atteintes à la personne humaine, l’atteinte doit concerner un individu « venu à terme viable ». A moins que cette circonstance ne soit qu’une circonstance d’espèce venant à titre surabondant (« en plus il était venu à terme viable »), cela signifie que, pour la cour, l’enfant venu à terme viable est une personne humaine, alors qu’avant il ne l’est pas.
171242. La Cour d’appel de Douai en 1987 reprend les mêmes éléments395. Dans cette affaire, un femme enceinte de 9 mois est blessée dans un accident. Elle doit subir une césarienne qui amène à l’extraction d’un fœtus mort. Une information est ouverte contre l’auteur de l’accident sous les inculpations d’homicide involontaire sur la personne de l’enfant et de blessures involontaires sur la mère. L’ordonnance de clôture de l’information prononce le non-lieu du chef d’homicide involontaire aux motifs « qu’il ne peut y avoir homicide au sens de l’article 319 du Code pénal que si la victime est un être vivant qui préexistait aux coups portés, vivant d’une façon autonome ». Or, le tribunal de police se déclare incompétent au profit du tribunal correctionnel, aux motifs « que la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie et qu’en l’espèce il suffisait de relever que le fœtus, arrivé pratiquement à terme, est un être vivant dont le décès est imputable au seul choc traumatique ». Le tribunal de police reprend l’idée que l’enfant doit être "pratiquement" à terme pour que l’atteinte à sa vie soit qualifiée d’homicide. Il est en cela suivi par la cour d’appel qui relève que « l’enfant était à terme ; qu’il pesait 3 kg 900 ; qu’il fut extrait de l’utérus de sa mère "mort-né frais" [...] ; que rien ne permet de dire que l’enfant était mort avant l’accident ; qu’il doit être considéré comme ayant été vivant à un moment et viable en raison de son état de maturité notamment par son poids ; [...] qu’il n’existe aucune raison de ne pas considérer [...] que sa mort est une conséquence directe de l’accident ». Elle en conclut « qu’il convient donc de confirmer le tribunal de police qui s’est déclaré incompétent », ce qui signifie que l’inculpation est bien d’homicide involontaire et pas seulement de coups et blessures sur la personne de la mère.
172243. Ces arrêts semblent faire de l’arrivée à terme du fœtus une condition de la qualification d’homicide. Dans un cas il s’agit d’un "enfant naissant", dans l’autre d’un "enfant venu à terme viable", ou d’un enfant "pratiquement à terme", ou encore "viable en raison de son poids". Le critère pour caractériser l’homicide involontaire est donc légèrement variable, parce qu’entre "viable en raison de son poids" et "à terme" ou "naissant", il y a une certaine marge : notamment un enfant est viable avant d’arriver à terme. Dans toutes ces espèces, un auteur estime que « la proximité d’un accouchement s’annonçant sous les plus heureux auspices a conduit les juges à étendre le domaine des art. 319 et 320 C. pén. à un enfant simplement sur le point de naître »396. Cela signifierait-il donc que l’inculpation d’homicide ne concerne que les individus nés et que les juges l’étendent exceptionnellement au cas de l’enfant naissant ? Mais qu’est-ce qui justifie une telle définition de l’homicide, la limitant à l’atteinte sur des individus nés ou naissants ? D’autre part, sur quels éléments de droit se fonder pour justifier la qualification d’homicide sur un enfant à terme et l’écarter sur un fœtus plus jeune ? Rien dans la loi pénale ne fait ne serait-ce qu’allusion à une telle distinction. La loi, de façon générale, ne parle que des atteintes à la vie de la personne. Par conséquent une telle jurisprudence signifierait que l’enfant à terme, ou viable bien que non à terme, ou naissant, est une personne, alors que le fœtus plus jeune n’en serait pas une, ce qui impliquerait que la définition de la personne est variable, étant donné l’imprécision du critère : à terme, viable, constitué etc.
173244. Justement, relevant que rien ne justifie une telle distinction, la Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 13 mai 1997397, retient la qualification d’homicide involontaire sur un fœtus mort in utero n’ayant pas respiré, dont il n’était même pas établi qu’il était viable. Une erreur de nom due à l’homonymie de deux patientes vietnamiennes conduit un médecin à tenter l’extraction d’un stérilet sur une femme enceinte venue pour une échographie. Il en résulte un avortement qui aboutit à l’expulsion d’un fœtus de sexe féminin, pesant 375 grammes, mesurant 28 centimètres, ayant un périmètre crânien de 17 centimètres, n’ayant pas respiré, ne présentant aucune malformation.
174245. Le Tribunal correctionnel de Lyon estime que « le fœtus n’était viable qu’à partir de six mois » et en conclut que « le fœtus âgé de 20 à 21 semaines n’était pas viable et qu’il n’était pas une personne humaine ou autrui au sens des articles 319 ancien et 221-6 nouveau du Code pénal ». Il relaxe donc le médecin du chef d’homicide involontaire. Le tribunal écarte la qualification d’homicide et en donne la raison : un fœtus non viable n’est pas une personne humaine. Le ministère public fait appel de cette décision, faisant observer que « le prévenu [...] a commis une faute ayant causé la mort du fœtus qui, au moment de l’acte dommageable, âgé de 20 à 24 semaines, poursuivait normalement et inexorablement, sans aucun doute médical sur son devenir, le chemin de vie qu’il avait entamé ».
175246. La cour, se fondant sur l’article 1er de la loi de 1975, sur l’article 16 du Code civil et diverses conventions internationales, affirme « qu’il en résulte que, sous réserve des dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse et de celles relatives à l’avortement thérapeutique, la loi consacre le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu’il soit exigé que l’enfant naisse viable, du moment qu’il était en vie lors de l’atteinte qui lui a été portée ». Par conséquent, pour la cour, « tant l’application stricte des principes juridiques que les données acquises de la science que des considération d’élémentaire bon sens, conduisent à retenir la qualification d’homicide involontaire s’agissant d’une atteinte par imprudence ou négligence portée à un fœtus âgé de 20 à 24 semaines en parfaite santé, ayant causé la mort de celui-ci ». Le seul élément nécessaire pour caractériser l’homicide est que l’enfant ait été en vie au moment où l’atteinte lui a été portée, ce qui est logique car il ne saurait y avoir d’homicide sur un individu déjà mort. La cour ne pose aucune limite de développement du fœtus. Un commentateur de l’arrêt en a déduit que pour la Cour de Lyon, « au-delà de dix semaines (et hors interruption thérapeutique de grossesse), l’article 1er de la loi de 1975 et l’article 16 du Code civil retrouvent la force de règles générales : les atteintes au fœtus et à l’embryon peuvent donc être réprimées par les qualifications de coups et blessures ou d’homicide »398. Mais rien dans l’arrêt ne fait allusion à ces dix semaines. La loi de 1975 permet en effet l’avortement avant 10 semaines (aujourd’hui 12 semaines), mais seulement dans certaines conditions. Par conséquent, pour la Cour de Lyon, c’est depuis la conception et en dehors des cas d’interruption de grossesse autorisée par la loi, que les articles visés retrouvent la force de règles générales. Pour cette cour, l’enfant à naître, quel que soit son âge et en tout cas même non viable, est une personne humaine.
176247. La Cour de cassation casse cet arrêt le 30 juin 1999399. La solution est lapidaire : l’atteinte à la vie in utero n’entre pas dans les prévisions des articles 319 ancien et 221-6 nouveau du code pénal qui définit l’homicide involontaire. On peut en déduire que, pour la Cour de cassation, l’enfant à naître n’est pas une personne humaine, sinon on ne voit pas pourquoi l’atteinte involontaire à sa vie ne tomberait pas sous le coup de l’incrimination. Cet arrêt revient à dire que « le fœtus humain n’est pas reconnu dans sa nature de personne humaine pénalement protégée puisque l’homicide consiste, en droit pénal, dans le fait de causer la mort d’un être humain, d’une personne humaine »400. Encore faut-il apprécier la portée exacte de cet arrêt : en l’espèce il s’agit d’un fœtus n’ayant pas atteint le seuil de la viabilité. Pour la Cour de cassation, le fœtus protégé pénalement comme personne humaine pourrait être le fœtus à partir de la viabilité. C’est ce qu’avait d’ailleurs admis le Tribunal correctionnel de Lyon qui, après avoir estimé que « le fœtus n’était viable qu’à partir de six mois, en a conclu que le fœtus âgé de 20 à 21 semaines n’était pas viable et qu’il n’était pas une personne humaine ou autrui au sens des articles 319 ancien et 221-6 nouveau du code pénal »401. Cela étant, on ne voit pas sur quoi se fonder pour distinguer entre fœtus viable et non viable pour caractériser ou non l’homicide, à moins de considérer que l’un est une personne humaine et l’autre non.
177248. C’est la question soulevée par l’arrêt de la Cour d’appel de Reims du 3 février 2000402. En l’espèce une femme enceinte de huit mois est victime d’un accident qui entraîne le décès du fœtus. La cour déclare que le délit d’homicide involontaire est constitué. Elle semble donc résister à la jurisprudence de la Cour de cassation de 1999. Mais, d’autre part, elle fait de la viabilité de l’enfant la condition pour caractériser l’homicide, en précisant qu’ « un enfant, après huit mois de grossesse, a franchi le seuil de la viabilité, étant jusqu’à terme apte à vivre de manière autonome ». Selon cette jurisprudence, l’atteinte à la vie d’un enfant viable tombe sous le coup des atteinte à la personne humaine, ce qui signifie que l’enfant viable est une personne humaine, alors que l’enfant non viable n’en est pas une puisque l’atteinte à sa vie ne tombe pas sous le coup de telles atteintes403.
178249. La Cour d’appel de Metz, en 1998, écarte la qualification d’homicide car « l’enfant mort-né n’est pas protégé pénalement au titre des infractions concernant les personnes […] en effet pour qu’il y ait "personne", il faut qu’il y ait un être vivant, c’est-à-dire venu au monde et non encore décédé ; […] il ne peut y avoir homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré »404. A la suite d’un accident de la circulation, un enfant naît prématurément. Il était viable mais n’a pas pu vivre car les blessures reçues in utero l’ont empêché de respirer. Pour la cour, n’est une personne humaine que l’enfant venu au monde vivant. La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, rejette le pourvoi contre cet arrêt le 29 juin 2001. Elle fonde sa décision sur le fait que « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus »405. L’incertitude laissée par l’arrêt de 1999 est donc levée : par personne humaine, il ne faut entendre que l’être humain déjà né. Pour la cour, la question se pose en termes d’extension de l’infraction à l’atteinte à l’enfant à naître, ce qui présuppose le fait que l’infraction ne comprend pas l’atteinte à la vie de l’enfant à naître. La loi ne faisant aucune allusion à une telle distinction, ce postulat ne s’explique que par le fait que, pour la Cour de cassation, l’enfant à naître n’est pas une personne humaine. Sinon, comment pourrait-elle écarter une qualification générale d’atteinte à la personne humaine si l’individu concerné était une personne humaine ?406
179249 bis. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Nîmes, dans une décision du 10 juillet 2001407, se fait l’écho de la jurisprudence de la Cour de cassation : une femme enceinte de huit mois avait subi une intoxication au monoxyde de carbone ayant provoqué l’asphyxie de son enfant à naître lors d’un incendie criminel contre un restaurant, incendie qui avait par ailleurs causé la mort de trois autres personnes. Le juge d’instruction avait ordonné la mise en accusation des prévenus devant la cour d’assises pour incendie volontaire (article 322-6 du code pénal408), avec cette circonstance visée à l’article 322-10 que les faits ont entraîné la mort d’autrui409, quatre personnes dont l’enfant à naître de sexe féminin.
180La question était donc la même que celle posée par l’application de l’article 221-6 du code pénal : autrui vise-t-il l’enfant à naître ?
181La Chambre de l’instruction infirme l’ordonnance du juge en ce qu’elle a considéré que l’enfant à naître était un autrui, au motif que « le principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 322-10 du code pénal soit étendue au cas de l’enfant à naître ».
182249 ter. Entre temps une autre affaire était pendante devant la Cour de cassation : une décision de la Cour d’appel de Versailles, en date du 19 janvier 2000410, ayant retenu la qualification d‘homicide involontaire sur un enfant in utero.
183Alors que sa mère était à la clinique en vue de l’accouchement, cet enfant décède in utero d’une anoxie qui aurait dû être décelée au vu d’une anomalie dans l’examen de son rythme cardiaque, ce qui aurait permis de procéder à une césarienne à temps et de le sauver. La sage-femme et le médecin furent poursuivis devant le Tribunal correctionnel de Versailles pour homicide involontaire sur la personne du fœtus. Un jugement du 15 avril 1999 relaxa le médecin et déclara la sage-femme coupable d’homicide involontaire.
184Le ministère public fit appel et requis la relaxe de la sage-femme au motif qu’il ne peut y avoir d’homicide involontaire du fœtus, celui-ci ne devenant une personne humaine qu’après la naissance411.
185Il ne fut pas suivi par la cour, qui retint la qualification d’homicide involontaire, relevant que l’enfant « était à terme depuis plusieurs jours et que, […] si les fautes relevées n’avaient pas été commises, il avait la capacité de survivre par lui-même, disposant ainsi d’une humanité distincte de celle de sa mère ».
186Cet arrêt est cassé par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 juin 2002412 qui, semble-t-il, règle définitivement la question. L’arrêt est lapidaire : « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant ». Il en résulte que « les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ».
187250. La conclusion de cet état des lieux jurisprudentiel est que la notion de personne humaine est définie différemment selon les juges et selon l’infraction en cause ce qui, en outre, entraîne des contradictions dans la répression. Si les blessures causées à l’enfant à naître sont bénignes ou si elles entraînent sa mort après sa naissance elles constituent un délit d’atteinte à la personne humaine413. En revanche, si elles sont suffisamment graves pour causer immédiatement sa mort, elles ne sont pas, comme telles, inculpées. M. Byk relève ce paradoxe, mais sans sourciller le moins du monde : « si cette différence choque la morale, elle n’en est pas moins conforme au droit »414. Cet auteur reproche à la Cour de Lyon (et à celles qui ont tranché comme elle) d’avoir « entendu faire prévaloir ce qu’elle juge comme morale commune aux dépens de l’interprétation de la loi dura lex sed lex […] non en s’appuyant uniquement sur des principes moraux, mais en donnant une interprétation détournée de la loi et de la jurisprudence ». Ainsi, l’auteur relève que « pour la cour de Lyon, l’IVG est donc licite mais elle n’est qu’une exception stricte au respect de la vie ». Or, ce n’est pas seulement pour la Cour de Lyon, mais pour la loi elle-même que l’I.V.G. est conçue comme une exception au respect de la vie, qu’il s’agisse de la loi de 1975 qui a dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse ou des dispositions actuelles du code de la santé publique.
188251. L’exclusion de l’enfant conçu du champ des atteintes involontaires est donc loin d’être convaincante. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation, la question est tranchée mais on bute toujours sur cette contradiction : les atteintes qui laissent des séquelles à l’enfant sont incriminées comme atteintes à la personne humaine, alors que celles qui le tuent ne le sont pas. D’autre part, on se demande pourquoi l’atteinte volontaire constitue une atteinte à la personne humaine (incriminée via le délit spécifique d’interruption volontaire de grossesse illégale), alors que l’atteinte involontaire ne l’est pas. C’est à partir de la victime que l’on apprécie la nature d’un acte ; le caractère volontaire ou non n’intervient que pour déterminer la responsabilité de son auteur, mais le fait qu’il y ait atteinte ou non à la vie d’un être humain ne dépend pas du caractère volontaire de l’atteinte.
189252. Le flou qui, pour le droit pénal, entoure la question de la personnalité de l’enfant à naître n’a pas été éclairci par l’application de l’article 122-7 du code pénal, lui aussi à l’origine d’applications contradictoires par les juges.
III -Qualification de l’enfant à naître à travers la définition de la personne à l’article 122-7
190253. Selon l’article 122-7 du code pénal, « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ». C’est ce que l’on appelle l’état de nécessité, qui se définit comme « la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale »415. L’application de cet article nous intéresse ici dans la mesure où il est invoqué pour la sauvegarde de l’enfant à naître ; ce dernier est-il une personne ou un bien dont la sauvegarde peut justifier de commettre un acte en soi pénalement punissable ?
191254. C’est dans le cadre des affaires d’entrave à I.V.G. que les tribunaux ont eu à répondre à cette question. Dans toutes ces affaires, les faits sont similaires : des personnes s’introduisent dans des cliniques ou hôpitaux et s’y enchaînent afin d’empêcher que soient réalisées les I.V.G. prévues. Elles se rendent donc coupables du délit d’entrave à l’I.V.G., incriminé par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique416. Leur défense consiste, entre autres arguments, à soutenir que l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse était justifiée pour sauvegarder l’enfant à naître d’une atteinte à sa vie417. Les prévenus invoquent l’état de nécessité pour se justifier d’avoir commis le délit d’entrave à interruption volontaire de grossesse : selon eux, « ce principe, qui n’est assorti d’aucune exception ni réserve, a valeur de principe fondamental de droit pénal [...] un enfant conçu, dont la mère se prépare à subir une intervention volontaire de grossesse, se trouve incontestablement exposé à un danger actuel et imminent qui menace sa vie [...] le fait pour un groupe de personnes de tenter de sauver cet enfant, en occupant pacifiquement le bloc opératoire de l’hôpital où doit s’opérer sa destruction, constitue un acte de sauvegarde proportionné à la menace qui pèse sur lui »418.
192255. Les juges du fond, de façon unanime, rejettent l’exception tirée de l’état de nécessité. Mais certains, tout en rejetant au fond le moyen, le jugent recevable et acceptent d’appliquer l’article 122-7, ce qui signifie qu’ils voient dans le fœtus une personne pour la sauvegarde de laquelle une infraction pourrait être justifiée. L’état de nécessité pourrait justifier la commission d’un délit destiné à sauvegarder la personne de l’enfant à naître, mais les juges concluent qu’en fait l’état de nécessité n’est pas caractérisé en l’espèce, car le danger couru par l’enfant à naître étant prévu par la loi, il ne saurait constituer le danger justifiant la commission du délit. La Cour de Riom estime ainsi qu’ « une interruption volontaire de grossesse autorisée par la loi, qui définit les intérêts supérieurs ne peut constituer un danger actuel ou imminent prévu par l’article 122-7 du code pénal »419. La Cour de Paris rejette l’argument pour la même raison, parce que « le législateur a autorisé l’interruption volontaire de grossesse dans certaines limites qu’il a fixées avec précision » et que, « dès lors, l’IVG ne saurait constituer un danger menaçant autrui au sens de l’article 122-7 du code pénal »420.
193256. De même, en première instance, le Tribunal de grande instance de Roanne estime que « l’état de nécessité n’est [...] pas caractérisé » vu que la loi « autorise l’avortement en acceptant sous certaines conditions [...] de sacrifier la vie du fœtus dont il est admis qu’il ne constitue qu’une personne humaine en devenir, à la vie et à la santé de la femme »421. L’embryon est donc bien susceptible d’être concerné par l’état de nécessité, mais en l’occurrence il ne constitue pas « un intérêt supérieur » à la vie et à la santé de la femme enceinte. Le Tribunal de Valenciennes souligne que « l’infraction nécessaire n’est justifiée que dans la mesure où elle a permis de sauvegarder un intérêt de valeur supérieure à celle de l’intérêt sacrifié »422. Or, « le législateur a pris des dispositions pour que la destruction de la vie du fœtus échappe à la répression en présence d’un danger menaçant la vie de la femme enceinte » et, « en acceptant de sacrifier le fœtus au profit de la femme, il a par là même écarté le fait justificatif invoqué »423. Pour le Tribunal correctionnel du Puy-en-Velay, « la loi –expression de la volonté générale-contient nécessairement la meilleure définition des intérêts supérieurs dont la mise en péril caractérise l’état de nécessité ; en l’espèce, la loi du 17 janvier 1975 -dite loi Veil-autorise sous certaines conditions […] le sacrifice de la vie du fœtus […qui] ne constitue qu’une personne en devenir à la sauvegarde de la vie ou de la santé de la femme enceinte »424. La nécessité ne justifie pas l’acte commis, non pas parce que l’article 122-7 du code pénal ne concernerait pas le fœtus mais parce que l’intérêt sacrifié (la vie du fœtus) cède devant l’intérêt sauvegardé (la possibilité pour la mère de recourir à l’I.V.G.).
194257. D’autres décisions écartent l’application même de l’article au motif que ce dernier exige, pour recevoir application, la qualité de personne de l’individu concerné, ce qui suppose que, pour elles, l’enfant à naître n’est pas une personne. Les juges déclarent ainsi que « les prévenus ne sauraient se prévaloir des dispositions de l’article 122-7 du Code pénal [...] dès lors que la qualité de personne humaine ne saurait être reconnue à l’embryon et que la loi autorise l’avortement »425 ; ou bien que « les articles du code pénal [...] justifiant les actes commandés par [...] la sauvegarde d’autrui, impliquent, pour recevoir application, le statut de personne de celui ou de celle dont ils visent à assurer ou permettre la protection [...] ces textes se sauraient donc être utilement invoqués par les prévenus... »426 ; ou encore que « leur action ne visait pas à sauvegarder d’un danger actuel ou imminent une personne, une IVG ne constituant pas une atteinte à la personne »427. La Cour de Caen examine s’il y a ou non état de nécessité, mais de façon surabondante, commençant en effet par poser « que le fœtus ne saurait être assimilé à la notion de personne visée par ces textes »428.
195258. Ces arrêts font l’objet de pourvois en cassation. La Cour de cassation les rejette tous mais, dans aucun arrêt, elle ne reprend l’argument des cours d’appel selon lequel l’embryon n’est pas une personne au sens de l’article 122-7. Elle dit seulement que « l’état de nécessité, au sens de l’article 122-7, ne saurait être invoqué pour justifier le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, dès lors que celle-ci est autorisée, sous certaines conditions, par la loi du 17 janvier 1975 »429. Pour la Cour de cassation, l’article 122-7 ne peut jouer faute d’atteinte injustifiée contre laquelle il faudrait protéger le fœtus et non faute de qualité de personne de ce dernier430.
196259. Cet article pourrait-il alors être invoqué lorsque l’atteinte portée à l’embryon n’est pas prévue par la loi, c’est-à-dire, par exemple, lorsque l’interruption volontaire de grossesse à laquelle il est porté atteinte est illégale431 ? Mais alors il semblerait que le délit lui-même ne soit pas constitué et, d’ailleurs, dans une affaire les prévenus invoquent le fait que « l’article L. 122-15 n’incrimine que l’entrave aux IVG licites »432. Le Tribunal de Valenciennes ne rejette pas l’argument en soi, mais relève que « le médecin responsable du service avait affirmé que les IVG étaient pratiquées dans le cadre et dans le respect de la loi et que ses déclarations suffisaient à établir la licéité des actes entravés ». La Cour d’appel de Chambéry accueille cet argument : après avoir rappelé le caractère d’exception de l’interruption volontaire de grossesse et le caractère fondamental du droit à la vie, elle conclut qu’ « il n’est pas concevable, dans ces conditions, qu’il [le législateur] ait entendu réprimer l’entrave à l’avortement même lorsque celui-ci est pratiqué de manière non conforme à la loi »433. Dans l’espèce soumise à la cour, le dossier-guide remis aux patientes ayant pour but de leur donner « une information exacte et précise sur toutes les prestations de caractère social auxquelles ouvrent droit la grossesse et la maternité [...] n’avait pas été mis à jour depuis plus d’un an à la date des faits [...] et contenait des informations périmées [...]. Il suit de là que les prévenus n’ont pas empêché ou tenté d’empêcher une interruption volontaire de grossesse au sens de l’art. L. 162-15 C. santé publ. ». Par conséquent la cour « renvoie les prévenus des fins de la poursuite ».
197260. D’autres décisions, comme celle de la Cour de Versailles, affirment au contraire que le délit peut être constitué « sans que l’exercice des poursuites et la caractérisation de l’infraction soient subordonnés à la preuve de la légalité des avortements effectués »434. De même, la Cour de Lyon rejette explicitement l’argument aux motifs que « l’article L. 162-15 [...] ne subordonne nullement l’existence de l’infraction qu’il incrimine au caractère légal des interruptions volontaires de grossesse effectuées dans les établissements concernés »435. La Cour de cassation approuve ces derniers arrêts : « la preuve du respect par l’établissement hospitalier des exigences de articles L. 162-2 et suivants du code de la santé publique n’est pas une condition préalable au délit »436 d’entrave à interruption volontaire de grossesse.
198261. Ne peut-on pas remarquer, avec le commentateur de cet arrêt au dictionnaire permanent de bioéthique, que la « solution posée emprunte plus à des considérations d’opportunité et de politique répressive qu’aux principes de légalité criminelle et d’interprétation stricte de la loi pénale » ? L’auteur explique qu’il n’a « jamais été dans l’intention du législateur de réprimer l’entrave à toute interruption de grossesse, même illégale », et que « l’article L. 162-15 a pour seule fonction de garantir le respect de la loi "Veil" du 17 janvier 1975 »437. Malgré ces objections, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence : l’arrêt de la Cour de Chambéry est cassé par un arrêt du 7 avril 1999, au motif que « la preuve du respect des exigences des art. L. 162-1 et suivants C. santé publ. n’est pas une condition du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse »438.
199262. Pour sa part, enfin, le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises que l’état de nécessité ne peut justifier une atteinte au fœtus sous la forme d’une interruption volontaire de grossesse pratiquée hors des cas prévus par la loi et, notamment, réalisée dans le cabinet d’un médecin ne répondant pas aux normes exigées439.
200263. En l’état de la jurisprudence, l’état de nécessité ne peut être invoqué pour justifier une entrave à une interruption volontaire de grossesse, légale ou non. Mais pourrait-il l’être pour justifier la commission d’un délit ayant pour but d’empêcher une atteinte au fœtus autre que l’interruption volontaire de grossesse ? Imaginons un médecin qui, avec ou sans le consentement de la mère, procéderait à des expériences sur le fœtus in utero entraînant des souffrances ou des séquelles pour ce dernier. L’article 122-7 pourrait-il être invoqué pour justifier un acte visant à mettre fin à de tels agissements ? La sauvegarde de la personne "fœtus" pourrait-elle justifier d’empêcher de telles expériences ? Pourrait-elle aussi justifier un acte visant à empêcher des expériences illicites menées sur les embryons in vitro ?
201264. En définitive, le droit positif ne permet pas de dégager de notions stables d’être humain et de personne humaine. Le flou au mieux, et la contradiction, souvent, caractérisent tant les notions elles-mêmes que les rapports existant entre elles : sont-elles synonymes ou faut-il faire une distinction entre être humain et personne humaine ? Qu’un même individu puisse être une personne humaine pour une juridiction et ne l’être pas pour une autre a de quoi décontenancer, de même le fait qu’il soit, pour une même juridiction, personne humaine ou non selon la matière traitée. Le droit positif actuel exige donc, de façon urgente, une clarification des concepts.
Notes de bas de page
135 J.-P. GRIDEL, Notions fondamentales de droit et droit français, Dalloz, 2e éd., 1994, p. 715. La citation intégrale est : « il est possible de rechercher, à travers les textes et les décisions de justice qui font l’ordre juridique positif, si la société française instituée rattache [l’embryon] au régime des choses ou à celui des personnes. Le tableau à présenter… ».
136 CH. BYK, « Bioéthique, législation, jurisprudence et avis des instances d’éthique », J.C.P., G., 1997.I.4035.
137 Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse (modifiée par la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979), J.O., 18 janvier 1975, J.C.P., G., 1975.III.42438. Les dispositions issues de la loi de 1975 ont été introduites dans le code de la santé publique, et modifiées en dernier lieu par la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, J.O., 7 juillet 2001, p. 10823.
138 Loi n° 94-653 relative au respect du corps humain, J.O., 30 juillet 1994, p. 11056, D., 1994.lég., p. 406, et loi n° 94-654 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, J.O., 30 juillet 1994, p. 11060, D., 1994.lég., p. 409.
139 Les lois de bioéthique : cinq ans après, Conseil d’État - Section du rapport et des études, remis à Lionel JOSPIN en novembre 1999, La Documentation française, Coll. « Etudes du Conseil d’État », p. 18.
140 Actes du 91ème congrès des notaires de France, Le droit et l’enfant, Tours, 2124 mai, édité avec le concours du Crédit Foncier de France, 1995, p. 24.
141 141J. F. NIORT, « L’embryon et le droit ; un statut impossible ? », R.R.J., 1998-2, p. 476.
142 Ibid., p. 476.
143 Le fait que l’enfant à naître entre dans la définition de l’être humain de ces dispositions (l’article 1er de la loi de 1975 et l’article 16 du code civil contenu dans l’article L. 2211-1 du code de la santé publique) est si clair qu’un député a proposé, lors de la discussion de la loi allongeant le délai légal de l’I.V.G. de dix à douze semaines, un amendement visant à abroger tant l’article 1er de la loi de 1975 que l’article L. 2211-1 du code de la santé publique, amendement finalement retiré par son auteur (Assemblée nationale, 3e séance du 29 novembre 2000, C.R., p. 09569).
144 Parlement européen, résolution du 16 mars 1989 sur la fécondation artificielle in vivo et in vitro, J.O.C.E., n° C 96 du 17 avril 1989, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 3705.
145 Parlement européen, résolution du 16 mars 1989 sur les problèmes éthiques et juridiques de la manipulation génétique, J.O.C.E., n° C 96 du 17 avril 1989, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 3703.
146 « Le Gouvernement de la République déclare que la présente Convention, notamment l’article 6, ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l’application des dispositions de la législation française relative à l’interruption volontaire de grossesse ». Cette réserve est ajoutée au texte de la Convention, publiée par le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990, portant publication de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990, J.O., 12 octobre 1990, p. 12363 ; D., 1990.lég., p. 424 (texte de la réserve p. 429).
147 De l’éthique au droit, étude du Conseil d’État sous la direction de Guy Braibant, la Documentation française, Coll. « Etudes du Conseil d’État », 1988, p. 83.
148 Assemblée nationale, 3ème séance du 20 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5835.
149 Ce à quoi monsieur le Président répondit : « Voilà trois fois qu’on le dit, mais la précision est utile ».
150 A. CLAEYS et C. HURIET, rapport sur l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, n° 1407 Assemblée nationale et n° 232 Sénat, 18 mars 1999, p. 122.
151 E. SERVERIN, « Vie et mort du fœtus au regard du droit pénal : de la vie protégée à la mort sanctionnée », D., 1997.557.
152 Loi n° 94-653 relative au respect du corps humain, J.O., 30 juillet 1994, p. 11056, D., 1994.lég., p. 406.
153 Loi n° 94-654 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, J.O., 30 juillet 1994, p. 11060, D., 1994.lég., p. 409.
154 La loi est riche en contradictions, mais on ne retiendra que celles concernant directement la notion d’être humain. A propos du diagnostic préimplantatoire par exemple, une contradiction est « créée par la loi elle-même entre les cas où il peut être pratiqué (risques de maladie génétique reconnue comme incurable au moment du diagnostic) et l’objectif thérapeutique qui lui est fixé (prévenir et traiter). La prévention ne conduit-elle pas nécessairement à l’élimination des embryons jugés anormaux ? » (A. CLAEYS et C. HURIET, op. cit., p. 25).
155 A. TERRASSON DE FOUGERES, « La résurrection de la mort civile », R.T.D.civ., 1997, p. 896.
156 Article L. 1121-6 du code de la santé publique : « Les mineurs, les majeurs protégés par la loi et les personnes admises dans un établissement sanitaire ou social à d’autres fins que celles de la recherche ne peuvent être sollicitées pour une recherche biomédicale que si on peut en attendre un bénéfice direct pour leur santé.
Toutefois, les recherches sans bénéfice individuel direct sont admises si les trois conditions suivantes sont réunies :
-ne présenter aucun risque sérieux prévisible pour leur santé ;
-être utiles à des personnes présentant les mêmes caractéristiques d’âge, de maladie ou de handicap ;
-ne pouvoir être réalisées autrement ».
157 J.-F. MATTEI, 2ème séance du 20 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5785.
158 Quelques instants auparavant M. Mattéi avait dit de l’embryon que « potentielle ou non, il s’agit, de mon point de vue, d’une personne », ce à quoi Mme Roudy avait répondu : « Pas du mien ! C’est un œuf ! » (J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5784).
159 Le terme « accueil de l’embryon » est repris par le décret d’application du 2 novembre 1999, relatif à l’accueil de l’embryon (Décret n° 99-925 du 2 novembre 1999, J.O., 6 novembre 1999 ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 83, p. 7955), ainsi que par la circulaire du 4 avril 2000, relative aux modalités de la procédure d’accueil de l’embryon et d’autorisation des centres à l’activité de conservation des embryons en vue de leur accueil (Circulaire n° 2000-188 du 4 avril 2000, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 89, p. 7804).
160 Déc. n° 94-343-344 DC 27 juillet 1994, J.C.P., G., 1994.III.66974 bis ; D., 1995.237 ; R.F.D.Adm., 1994, p. 1019, note B. Mathieu ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4032 ; L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 11ème éd., 2001, p. 305. V. Infra, n° 173.
161 J. F. NIORT, op. cit., p. 472.
162 « Il existe […] une ambiguïté voire un paradoxe dans le quasi-statut ainsi défini lorsqu’il interdit des recherches sur des embryons dont il autorise la destruction », Réflexions du Conseil d’État sur le droit de la santé, Rapport public, 1997, La Documentation française, Etudes et Documents n° 49, p. 286.
163 A. TERRASSON DE FOUGERES, op. cit., p. 896.
164 Réflexions du Conseil d’État sur le droit de la santé, op. cit., p. 286.
165 FR. STASSE et FR. SALAT-BAROUX, audition pour le rapport sur l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, op. cit.
166 A. CLAEYS, Rapport d’information déposé par la mission d’information commune préparatoire au projet de loi de révision des « Lois bioéthiques » de juillet 1994, document Assemblée nationale n° 3208, 27 juin 2001, p. 114.
167 Selon l’article 18 du projet initial, l’article L. 2141-2 du code de la santé publique prévoyait que « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer […] La dissolution du couple fait obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons » (Projet de loi relatif à la bioéthique, déposé à l’Assemblée nationale le 20 juin 2001, Document Assemblée nationale n° 3166).
168 Cette mesure était recommandée par de nombreuses instances, comme l’Ordre national des médecins. De même, selon le rapport d’information préparatoire au projet de loi bioéthique, on peut considérer « comme essentielle et prééminente l’existence du projet parental qui a conduit à la conception in vitro d’embryons, "personnes humaines potentielles", dès lors que le père a consenti de son vivant à la poursuite de ce projet dans l’hypothèse de son décès. C’est aussi reconnaître à l’épouse sa qualité de mère et le droit à élever son enfant, à l’instar d’une femme dont le mari ou le compagnon viendrait à décéder au cours de sa grossesse. C’est enfin sortir de la situation quasi absurde où la veuve doit aujourd’hui choisir entre la destruction ou l’accueil par un autre couple de ses embryons surnuméraires, ce qui fait de ces derniers des orphelins de père et de mère biologiques, alors que cette dernière les réclame » (A. CLAEYS, op. cit., p. 62). C’est pourquoi le rapporteur se dit « favorable, avec la majorité des membres de la Mission, à ce que soit autorisé le transfert post mortem dès lors que le père y a consenti de son vivant » (Ibid., p. 65).
169 L’article 18 du projet adopté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoyait de compléter ainsi l’article L. 2141-2 du code de la santé publique : « Toutefois le transfert des embryons conservés peut être réalisé à la suite du décès de l’homme dès lors que celui-ci a donné par écrit son consentement […] ».
170 Selon le projet, l’article L. 2141-4 al. 3 du code de la santé publique disposera qu’un « couple dont les embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci ».
171 L’article 18 du projet prévoit que le nouvel article L. 2141-3 al. 2 du code de la santé publique supprimera le délai de cinq ans concernant la durée maximale de conservation.
172 Article L. 2141-9 du code de la santé publique, prévu par l’article 18 du projet de révision modifié par le Sénat en première lecture.
173 Article L. 2151-3-1 du code de la santé publique, prévu par l’article 19 du projet de révision modifié par le Sénat en première lecture.
174 Selon l’article L. 2151-3 tel qu’adopté en première lecture, « Est autorisée la recherche menée sur l’embryon humain et les cellules embryonnaires qui s’inscrit dans une finalité médicale, à condition qu’elle ne puisse être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques. Une recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Elle ne peut être effectuée, après un délai de réflexion de trois mois, qu’avec le consentement préalable du couple dont ils sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés ».
175 Tel que modifié par le Sénat, l’article L. 2151-3 al. 2 devient : « La recherche sur l’embryon est interdite. […] Par dérogation au premier alinéa, […] les recherches peuvent être autorisées sur l’embryon et les cellules embryonnaires lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques ». Les conditions dans lesquelles le couple doit donner son consentement sont par ailleurs les mêmes que celles posées par l’Assemblée nationale.
176 L’exposé des motifs du projet de loi parle même de don pour la recherche. Le texte du projet n’emploie pas ce terme mais prévoit seulement que si les deux membres du couple n’ont plus de projet parental, ils peuvent accepter que leurs embryons « fassent l’objet d’une recherche » (futur article L. 2141-4 al. 1er du code de la santé publique).
177 L’article 19 du projet prévoit que l’article L. 2151-3 contiendra cette mention : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation ».
178 L’article 18 du projet de loi tel que modifié par le Sénat en première lecture prévoit l’article L. 2141-4 al. 3 du code de la santé publique suivant : « Sauf en cas de demande expresse du couple, le projet parental prend fin cinq ans après la création des embryons ainsi qu’en cas de rupture du couple ou de décès d’un de ses membres ; il est alors mis fin à la conservation des embryons ».
179 Et pas seulement le propriétaire de l’animal car, même si l’animal n’appartient à personne, des actes à son encontre peuvent être sanctionnés. De plus la nature des actes sanctionnés montre bien que c’est de l’animal que l’on a souci même si l’incrimination, aussi (et peut-être surtout), a pour but de garder l’homme contre sa propre cruauté. Cela n’empêche pas que d’autres dispositions protègent les intérêts du propriétaire de l’animal, les atteintes à l’animal étant conçues comme un atteinte à son bien ou pouvant même constituer pour lui un dommage moral. V. Infra, n° 670 à 674.
180 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 par les pays membres du Conseil de l’Europe, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, ratifiée par la France en 1974. Texte de la Convention in J. ROBERT et H. OBERDORFF, Libertés fondamentales et droits de l’homme Textes français et internationaux, Montchrestien, 3ème éd., 1997, p. 23.
181 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par les Nations Unies le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la France à l’issue de la loi n° 80-460 du 25 janvier 1980, publié au J.O. par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981. Texte du Pacte in J. ROBERT et H. OBERDORFF, op. cit., p. 182.
182 Convention de New York relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, ouverte à la signature et à la ratification le 26 janvier 1990 à New York. Elle est ratifiée par la France par la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990, autorisant la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant (J.O., 5 juillet 1990, p. 7856), et publiée par le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990, portant publication de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990 (J.O., 12 octobre 1990, p. 12363 ; D., 1990.lég., p. 424). Texte de la Convention in J. ROBERT et H. OBERDORFF, op. cit., p. 225 ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 3737.
183 La Convention relative à l’esclavage fut signée à Genève, dans le cadre de la Société des Nations, le 25 septembre 1926, amendée par le Protocole de 1953 et complétée par la Convention du 7 septembre 1956 adoptée par les Nations Unies, relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, Publications des Nations Unies, E/CONF. 24/23, mars 1957.
184 Les dispositions de l’article 2 ont été complétées le 28 avril 1983 par le Protocole n° 6 à la Convention concernant l’abolition de la peine de mort. Mais cet ajout n’a aucune incidence sur l’alinéa 1er de l’article.
185 Pour MM. Velu et Ergec, l’article 6§1 du Pacte « énonce que "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine", disposition que l’article 2 ne contient pas. Cette omission n’a pas d’importance juridique. L’énoncé du Pacte participe d’une approche plutôt "philosophique" tendant à souligner que le droit à la vie préexiste à l’État qui le protège et ne le confère point » (J. VELU et R. ERGEC, Extrait du Répertoire pratique de droit belge, Complément, tome VII, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 1990).
186 Convention américaine relative aux Droits de l’Homme, signée dans le cadre de l’O.E.A. à San José le 22 novembre 1969, R.U.D.H., 1992, p. 209.
187 Travaux préparatoires, vol. III, p. 261.
188 Ibid., vol. III, p. 313.
189 Ibid., vol. III, p. 321.
190 Projet adopté lors de la IVème séance du Comité des ministres du 7 août 1950, Travaux préparatoires, vol. V, p. 121.
191 Ibid., p. 127.
192 Au fur et à mesure de l’élaboration du texte, on constate que les termes "toute personne" ou "tout individu" sont traduits indifféremment par le même mot anglais "anyone" ou "everyone".
193 Le retrait de la disposition reconnaissant le droit des parents dans l’éducation de leurs enfants fait, par exemple, l’objet de vives critiques.
194 Décision du 29 mai 1961, requête n° 867/60, X. c. Norvège, Annuaire de la C.E.D.H., IV, p. 271.
195 Décision du 10 décembre 1976, requête n° 7045/75, X. c. Autriche, Décisions et rapports, vol. 7, p. 87.
196 Décision du 19 mai 1976, requête n° 6959/75, Décisions et rapports, vol. 5, p. 103. Une autre requête sera déposée sur la violation de l’article 9 par un pasteur norvégien licencié car, pour protester contre la législation sur l’avortement, il n’exerce plus ses fonctions administratives. Il se prétend victime d’une violation de l’article 2 et de l’article 9 : la Commission « n’estime pas qu’en l’espèce le requérant ait été affecté par la législation nouvelle autrement que les autres citoyens. En effet l’amendement à la loi sur l’avortement ne l’a pas directement affecté dans sa vie familiale, ni dans ses obligations de curé de paroisse » (décision du 8 mars 1985, requête n° 11045/84, Décisions et rapports, vol. 42, p. 247). Enfin, en 1993, la commission déclare irrecevable la requête d’un Français se plaignant de ce qu’il doit payer des impôts pour financer l’I.V.G., ce qui heurte sa liberté de conscience et viole l’article 2 (Bouessel du Bourg contre la France, requête n° 00020747/92, 18 février 1993, non publiée).
197 Rapport établi par la Commission, 12 juillet 1977, Décisions et rapports, vol. 10, p. 100.
198 Décision du 13 mai 1980, X. contre Royaume-Uni, requête n° 8416/79, Décisions et rapports, vol. 19, p. 244.
199 En droit français le recours du mari d’une femme ayant avorté sans qu’il ait été mis au courant a également été rejeté ( C.E., 31 oct. 1980, D., 1981.IR.167, note F. Moderne et P. Plon ; D., 1981.38, concl. B. Genevois ; J.C.P., 1982.II.19732, note Fr. Dekeuwer-Defossez).
200 FR. SUDRE, « Les incertitudes du juge européen face au droit à la vie », in mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, p. 377. Le même auteur dit ailleurs au sujet de cette décision que « le recours de l’article 25 est donc ouvert à la victime indirecte sous deux conditions : qu’il y ait une victime directe, effective ou potentielle, de la violation de la Convention ; qu’il y ait un lien étroit et personnel entre la victime directe et la victime indirecte » (FR. SUDRE, Droit international et européen des droits de l’homme, P.U.F., 1989, p. 286).
201 L’article 6 § 1 dispose que : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
202 Commission, requête n° 24844/94, Reeve c/ Royaume Uni, 30 novembre 1994, Décisions et rapports, 94, vol. 79, p. 146. Cette décision admet que le droit à la vie de l’enfant à naître peut fonder une restriction au droit à un procès équitable posé par l’article 6 de la Convention. « La Commission rappelle que le droit d’accès aux tribunaux garanti par l’article 6 par. 1 n’est pas absolu, mais qu’il peut être réglementé par les États […] La Commission note que le droit britannique n’autorise pas les actions pour « naissance indue ». Il apparaît que la loi tient pour acquis que le médecin ne saurait être considéré comme ayant une obligation d’avortement à l’égard d’un fœtus et que toute revendication de ce type serait contraire aux grands principes fondamentaux comme portant atteinte au caractère sacré de la vie humaine. Compte tenu de l’aspect moral et éthique de la question, la Commission estime que la restriction, qui a pour but la défense du droit à la vie, doit être considérée comme relevant de la marge d’appréciation de l’État ».
203 Décision du 19 mai 1992, requête n° 7004/90, H c/Norvège, Décisions et rapports, vol. 73, p. 155.
204 « La Commission n’a été saisie d’aucun élément pouvant étayer les allégations du requérant quand à la douleur infligée au fœtus ».
205 Cour européenne des droits de l’homme, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande, Série A : arrêts et décisions, vol. 246, R.F.D.C., 1993, p. 216 ; R.T.D.S.S., 1993, p. 32.
206 FR. SUDRE, op. cit., p. 378.
207 La Cour constitutionnelle d’Autriche a estimé le 11 octobre 1974 que la première phrase de l’article 2 ne concernait pas l’enfant à naître (Erk, Slg., n° 7 400, J.D.I., 1979, p. 144). La Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne a abouti en 1975 à une conclusion inverse en ce qui concerne l’article 2 de la loi fondamentale conçu en des termes analogues à l’article 2 de la convention (Arrêt du 27 février 1975, EU GRZ 1976, p. 397). Le Tribunal constitutionnel espagnol se prononce sur une question analogue le 11 avril 1985, le Tribunal constitutionnel polonais le 28 mai 1997 (B.J.C., 1998, n° spécial, p. 107), le Tribunal constitutionnel portugais le 17 avril 1998 (B.J.C., 1998-1, p. 109), la Cour constitutionnelle de Hongrie le 23 novembre 1998 (B.J.C., 1998-3, p. 443).
208 Le Tribunal de grande instance de Puy-en-Velay dit ainsi que le « texte de l’article 2 de la Convention ne fixant pas le point de départ de la vie, reste entier le problème de la compatibilité de l’ivg avec cette Convention. La Cour européenne des Droits de l’homme n’a pas à ce jour tranché si la Convention garantit le droit à l’ivg ou si au contraire l’enfant a droit à être protégé contre toute atteinte portée à son existence avant comme après la naissance et ce malgré l’opportunité qui lui était indirectement offerte dans l’affaire Open Door et Dublin Well Woman contre Irlande » (Tribunal de Puy-en-Velay, 14 mars 1995, Gaz. Pal., 1995.2.324).
209 TGI Montpellier, 15 décembre 1989, J.C.P., 1990.II.21556, note J-P. Gridel. Le tribunal conclut qu’il y a « donc lieu de s’en tenir aux termes précis de l’article 2 et d’affirmer que la Convention européenne n’a pas établi un droit à naître, mais a voulu faire échapper au pouvoir exécutif la définition du droit à la vie -qui ressort de la loi- et limiter les cas où la mort peut être infligée, ce qui n’est pas assimilable aux cas où la vie n’est pas donnée, et rejoint l’analyse selon laquelle […] l’homme et la femme doivent pouvoir concevoir librement la vie, la mère donnant ensuite au moment de la naissance cette vie ; en l’espèce, la loi française a statué […] a notamment admis l’I.V.G. […] lorsque l’enfant à naître est atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ; en conclusion, la preuve en droit ou en fait de ce que l’I.V.G. qui aurait été pratiquée est contraire aux termes précis de la convention n’est donc pas établie ».
210 De la même manière le Tribunal de Puy-en-Velay, dans son jugement précité du 14 mars 1995, conclut qu’ « en définitive, en droit positif européen le droit à la vie du fœtus, si tant est qu’il existe, n’est pas absolu et doit être mis en balance avec le droit de la mère à la vie et à l’intégrité physique. En conséquence, la législation française sur l’interruption volontaire de grossesse qui n’admet qu’il ne soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie qu’en cas de nécessité et selon les limitations et les conditions définies aux art. L. 162-1 et suivants du code de la santé publique, n’est pas -en l’état-contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ».
211 C.E., 21 décembre 1990, D., 1991.283 ; Rec. Lebon, p. 369, concl. Stirn.
212 D. VIGNEAU, note sous Crim., 30 juin 1999, D., 1999.710.
213 Le délit d’entrave à I.V.G. est incriminé par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique. A propos de ce délit, V. Infra, n° 254.
214 Riom, 7 septembre 1995, cité par Crim. 27 novembre 1996, n° 5130, Bull. crim., n° 431.
215 Versailles, 8 mars 1996, cité par Crim., 5 mai 1997 (arrêt n° 2529), Bull. crim., n° 158 ; J.C.P., 1997.IV.1425.
216 Caen, 11 mars 1996, cité par Crim., 2 avril 1997 (arrêt n° 1771), non publié.
217 Crim., 27 novembre 1996, Bull. crim., n° 431, 2 arrêts ; Crim. 5 mai 1997, 2 arrêts, Bull. crim., n° 158 et n° 168.
218 CH. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal, 1997.2.1391.
219 De même la Cour d’appel de Grenoble, dans une affaire semblable d’entrave à I.V.G. : « le droit à la vie du fœtus si tant est qu’il existe n’est pas absolu et […] doit être mis en balance avec le droit de la mère à la vie et à l’intégrité physique ; […] la législation française sur l’avortement n’admet qu’il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie qu’en cas de nécessité et selon les limitations et les conditions qu’elle définit […] n’est pas en l’état contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ni au pacte international sur les droits civils et politiques ; […] aucune disposition de droit français ou international ni aucun principe général du droit ou de civilisation universellement reconnu n’accorde à l’enfant simplement conçu un droit absolu à la vie dès sa conception, en sorte que l’intervention du législateur pour arbitrer entre les intérêts en présence n’est pas illégitime au regard de la morale universelle ». La cour reste dans le vague sur l’existence ou non de ce droit à la vie du fœtus, fût-il relatif. Elle se contente de dire que ce droit, « si tant est qu’il existe », ne saurait être absolu (Grenoble, 21 février 1996, cité par l’arrêt de rejet, Crim., 5 mai 1997, n° 2528, non publié).
220 Versailles 8 mars 1996, précité.
221 Riom, 7 septembre 1995, précité.
222 Caen, 11 mars 1996, précité.
223 Lyon, 13 mars 1997, D., 1997.557, note E. Serverin ; J.C.P., G., 1997.II.10231, note G. Faure ; Defrénois 1997, art. 36578, note Ph. Malaurie ; Dr. pén., 1997, chron. n° 22, C. Puigelier ; CL. JACQUINOT, « L’éthique du vivant », Gaz. Pal., 1997.2.1389 ; C. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2.1391 ; P. MURAT, Réflexion sur la personne humaine/personne juridique, Dr. Famille, 1997, chron. n° 9. Cet arrêt est cassé sur l’interprétation qu’il fait de l’article 2216 du code pénal qui selon lui, incrimine l’atteinte involontaire à la vie du fœtus (Crim., 30 juin 1999, V. Infra, n° 247 et ss. et 815 et ss.).
224 G. FAURE, note sous Lyon, 13 mars 1997, J.C.P., G., 1997.II.22955.
225 Versailles, 15 décembre 1995, cité par Crim., 27 novembre 1996, n° 5132, non publié.
226 Paris, 15 février 1996, cité par Crim., 5 mai 1997, Bull. crim., n° 168 (le texte de l’arrêt n’est pas intégral au bulletin).
227 Caen, 11 mars 1996, précité. La cour semble, ici encore, se fonder sur une distinction entre être humain et personne humaine ; elle énonce que l’article 3 de la Convention ne tend qu’à « la protection du principe supérieur de liberté et d’autonomie de tout être humain, celles-ci ne pouvant naturellement être acquises qu’à compter de la naissance ». Cela signifie que l’être humain acquiert la liberté à la naissance, ce qui implique qu’il existait comme être humain, sans la liberté, avant la naissance. Cela aurait suffi pour écarter l’application de l’article 3, puisque la liberté qu’il protège ne s’acquerrait qu’à la naissance, mais la cour précise que l’enfant à naître ne relève pas de la Convention. Donc la qualité d’être humain qu’elle lui reconnaît ne suffit pas à faire de lui une personne, relevant de la Convention.
228 Crim., 27 novembre 1996, n° 5132, non publié (rendu sur pourvoi contre Versailles 15 décembre 1995) et Crim., 5 mai 1997, Bull. crim., n° 168, p. 560.
229 Article L. 2141-2 du code de la santé publique.
230 En 1924, une première Déclaration des droits de l’enfant, dite « Déclaration de Genève », est approuvée dans le cadre de la SDN. Le 20 novembre 1959, l’assemblée générale des Nations Unies vote à l’unanimité la Déclaration des droits de l’enfant, texte sans valeur contraignante. 40 ans plus tard, le 20 novembre 1989 est adoptée la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’enfant qui entre en vigueur le 2 septembre 1990.
231 Loi n° 90-548 du juillet 1990, autorisant la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, J.O., 5 juillet 1990, p. 7856. La Convention est publiée par le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990, portant publication de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990, J.O., 12 octobre 1990, p. 12363 ; D., 1990.lég., p. 424.
232 La Cour de cassation reprend cette définition donnée par la Convention elle-même (Civ. 1er, 25 juin 1996, Bull. civ. I, n° 268).
233 Le préambule de la Déclaration de 1959 ajoutait dans son principe IV que « L’enfant […] doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine ; à cette fin, une aide et une protection spéciales doivent lui être assurées ainsi qu’à sa mère, notamment des soins prénatals et postnatals adéquats ».
234 « Il résulte du texte même de la Convention du 16 janvier 1990 que conformément à l’article 4 de celle-ci, ses dispositions ne créent d’obligations qu’à la charge des États, de sorte qu’elles ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions nationales » (Civ. 1re, 2 juin 1993 et 15 juill. 1993, J.C.P., G., 1994.II.22219 note Y. Benhamou ; Defrénois., 1993, p. 1370, obs. J. Massip ; Gaz. Pal., 1993.2.panor., p. 288 et p. 256 ; Civ. 1re, 10 mars 1993, D., 1993.361, note J. Massip ; J.C.P., G., 1993.I.3688, n° 4, obs. J. Rubelin-Devichi ; Gaz. Pal., 1993.2.panor., p. 160).
235 « Il résulte de l’art. 4 de la Convention que les dispositions de celle-ci ne créent d’obligations qu’à la charge des États parties, en sorte qu’elles ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions nationales » (Soc., 13 juillet 1994, D., 1995.91, note J. Massip ; J.C.P., G., 1995.II.22363, note Y. Benhamou).
236 Civ. 1re, 25 juin 1996, Bull. civ. I, n° 268; J.D.I., 1997, p. 980.
237 Le TGI de Rennes, dans un jugement du 13 juin 1994 (R.T.D.Civ., 1994, p. 581) apprécie la légalité d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière par rapport aux normes internes et internationales, parmi lesquelles la Convention internationale des droits de l’enfant. Une femme ayant fait l’objet de l’arrêté refusait d’embarquer sans son enfant et était poursuivie pour s’être soustraite à une mesure de reconduite à la frontière. Elle invoquait le fait que l’arrêté fondant la poursuite était illégal comme contraire entre autres, aux articles 7 et 9 de la CIDE. Le TGI de Lille dans un jugement du 28 juillet 1997 (D., 1998.213), vise l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant concernant le droit de connaître ses origines.
238 C.E., 22 septembre 1997, Rec. Lebon, p. 319 ; J.C.P., G., 1997.II.10052, note A. Gouttenoire-Cornut ; Petites Affiches, 26 janvier 1998, n° 11, p. 17, note Reydellet ; J.D.I., 1998, p. 720. Selon et arrêt, il résulte des stipulations de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990, « qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant […] ; la décision du préfet de renvoyer le jeune Tolga en Turquie et de le séparer même provisoirement de sa mère, porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et doit être regardé comme contraire à l’article 3-1 de la Convention ». Le Conseil d’État, le 3 juillet 1996, avait laissé entendre que certaines dispositions pourraient être invoquées même si celles qui étaient invoquées en l’espèce n’étaient pas, elles, d’application directe : « Considérant que le gouvernement français a déclaré que l’article 30 de la Convention […] n’a pas lieu de s’appliquer en ce qui concerne la République Française ; qu’il ne peut donc être utilement invoqué » ; considérant que les stipulations des articles 12-1, 12-2 et 14-1 de la même Convention créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés ; que, par suite, M. Paturel ne peut non plus utilement s’en prévaloir » (J.C.P., G., 1996.IV.2279, obs. Rouault ; Rec. Lebon, p. 256).
239 C.E., 30 juin 1999, J.C.P., G., 2000.IV.3094. « Les articles 2-1 et 2-2 de la Convention internationale du 26 janvier 1990, relative aux droits de l’enfant, ne produisent pas d’effet direct à l’égard des particuliers, et ne peuvent donc être utilement invoquées à l’appui des conclusions dirigées contre un acte administratif, individuel ou réglementaire ».
240 Lyon, 13 mars 1997, D., 1997.557, note E. Serverin ; J.C.P., G., 1997.II.10231, note G. Faure ; Defrénois, 1997, art. 36578, note Ph. Malaurie ; Dr. pén., 1997, chron. n° 22, C. Puigelier ; CL. JACQUINOT, « L’éthique du vivant », Gaz. Pal., 1997.2.1389 ; C. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2.1391 ; P. MURAT, Réflexion sur la personne humaine/personne juridique, Dr. Famille, 1997, chron. n° 9. Selon Mme Serverin, la cour « en conclut que la protection conventionnelle est assurée à partir du début de la onzième semaine de vie fœtale ». Or justement, la réserve de la France indiquerait que la Convention concerne les embryons avant la onzième semaine. S’il y a besoin d’une réserve, c’est parce que ces embryons sont concernés par le texte.
241 Un auteur, Mme Granet, estime au contraire que « l’embryon n’a pas été qualifié de personne ; il n’est pas un enfant et parmi les réserves émises par la France aux dispositions de la Convention, il est stipulé que son article 6 ne fait pas obstacle à la législation sur l’ivg » (FR. GRANET, La Convention de New York sur les droits de l’enfants et sa mise en œuvre en France, in L’enfant et les conventions internationales, sous la direction de J. Rubellin-Devichi et R. Frank, P. U. Lyon, 1996, p. 97). Mais si cette réserve est nécessaire, c’est parce qu’a priori la Convention concerne l’embryon. Sinon les dispositions relatives à l’I.V.G. ne risqueraient pas d’être remises en cause par la convention.
242 Délit défini par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique. V. Infra, n° 254.
243 Crim., 27 novembre 1996, 2 arrêts, Bull. crim., n° 431, 2 arrêts.
244 Le transfert post mortem est interdit par l’article L. 2142-2 du code de la santé publique qui exige que les deux membres du couple soient vivants au moment du transfert.
245 Selon l’article 7 de la Convention, l’enfant a « dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».
246 C.E., 29 mars 1996, Droit de la famille, 1998, p. 8, note P. Murat.
247 C.E., 27 septembre 1997, J.C.P., G., 1997.II.10052, note A. Gouttenoire-Cornut ; Dr. Famille, 1998, comm. 56.
248 P. MURAT, note sous C.E., 29 mars 1996, précité.
249 C.E., 2 février 1998, D., 1998.343. La solution est fondée sur le fait que « sa femme et son enfant à naître ne pourront le rejoindre sans compromettre leur sécurité ; que, dans ces conditions, la mesure de reconduite prise à l’encontre de M. Cherchour porte au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ».
250 Statut et Protection de l’Enfant, Conseil d’État, section du rapport et des études, mai 1990, La Documentation française, Coll. « Etudes du Conseil d’État », 1991, p. 68.
251 Ibid., p. 69.
252 FR. DEKEUWER-DEFOSSEZ, E. ALFANDARI, FR. MONEGER, Affirmer et promouvoir les droits de l’enfant après la Convention internationale sur les droits de l’enfant, rapport au secrétaire d’État à la famille, aux personnes âgées et aux rapatriés, La Documentation française, Coll. « Rapports officiels », 1993.
253 Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, Publication des Nations Unies, E/CONF.24/23, mars 1957.
254 L’article 1er de la Convention définit l’esclavage comme, entre autres, « toute institution ou pratique en vertu de laquelle un enfant ou un adolescent de moins de 18 ans est remis, soit par ses parents ou par l’un d’eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en vue de l’exploitation de la personne ou du travail dudit enfant ou adolescent »
255 Crim., 31 janviers 1996, J.C.P., G., 1996.II.22713. Un arrêt du 27 novembre 1996 (n° 5132, non publié) dit la même chose : « pour rejeter l’exception prise de l’incompatibilité de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse avec la Convention de Genève du 25 septembre 1926 relative à l’esclavage, complétée par celle du 7 septembre 1956, l’arrêt attaqué énonce que les enfants à naître ne relèvent pas du champ d’application de ces conventions ; attendu qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision ».
256 A. DORSNER-DOLIVET, note sous Crim., 31 janvier 1996, J.C.P., G., 1996.II.22713.
257 J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., 1999, p. 62.
258 Loi n° 75-17, du 17 janvier 1975, J.O., 18 janvier 1975, p. 739 ; J.C.P., G., 1975.III.42438.
259 Loi n° 94-653, du 29 juillet 1994, D., 1994. lég., p. 407.
260 V. Supra, n° 82 à 84.
261 Déc. n° 75-54 DC du 15 janvier 1975, D., 1975.529, L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 11ème éd., 2001, p. 304.
262 Crim., 5 mai 1997, Bull., n° 158 et n° 168 ; Gaz. Pal., 1997.chron. crim., p. 179. Crim., 2 avril 1997, Gaz. Pal., 1997.chron. crim., p. 161, note J.-P. Doucet.
263 Chambéry, 20 novembre 1996, Gaz. Pal., 1997.2.619, note E. Clavel.
264 Toulouse, 21 septembre 1987, J.C.P., G., 1988.II.21036. La cour précise que l’enfant à naître « dès sa conception, possède en virtualité tout au moins, tous les attributs de la personne humaine ».
265 Lyon, 13 mars 1997, précité.
266 TA Strasbourg, 14 juin 1990, R.T.D.S.S., 1991, p. 72.
267 TGI Paris, 4 juillet 1995, Gaz. Pal., 1998.1.somm., p. 223. Le tribunal en déduit que « cette première hypothèse, celle qui voudrait qu’un fœtus même âgé de moins de 10 semaines soit déjà une personne, paraît juridiquement soutenable » (Ce jugement est infirmé par la cour d’appel de Paris).
268 TGI Roanne, 27 juin 1995, Gaz. Pal., 1998.1.2, note J. Bonneau.
269 TGI Rennes, 30 juin 1993, J.C.P., G., 1994.II.22250. Le ministre de la santé à l’époque du vote de la loi, madame Veil, avait déclaré que cette disposition, si elle avait « une certaine portée sur le plan psychologique, n’en avait aucune sur le plan juridique » (J.O., Sénat, C.R., 15 décembre 1974, p. 2926).
270 Mais le tribunal ne s’estime « saisi que d’une demande visant à établir des droits au profit de la mère », pour rechercher s’il doit ou non faire droit à la demande de la veuve de transfert post mortem. Il n’a pas à se prononcer sur une éventuelle destruction des embryons.
271 Civ. 1re, 9 janvier 1996, Bull. civ. I, n° 21 ; D., 1996.376, note Fr. Dreifus-Neitter ; Petites Affiches, 3 avril 1996, n° 59, p. 15, note D. Vigneau ; Defrénois, 1996, Art. 36300, obs. J. Massip ; J.C.P., 1996.II.22666, note Cl. Neirinck ; Gaz. Pal., 1996.2.319, note Bonneau ; R.T.D.Civ., 1996, p. 359, obs. Hauser.
272 D. VIGNEAU, Petites Affiches, 3 avril 1996 n° 59, p. 15.
273 N. Massager, Les droits de l’enfant à naître, thèse Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 794-795.
274 F. DREIFUSS-NETTER, D., 1996.377.
275 CH. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2. doctr., p. 1391.
276 L’article 16 se trouve dans le chapitre II, Du respect du corps humain, du Titre I du Livre I, Des personnes, du Code civil. L’article 16-9 du même chapitre précise que « les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public ». La Cour d’appel de Lyon en déduit que « ces dispositions législatives ne sauraient être considérées comme de simples déclarations d’intention, dépourvues de tout effet juridique, alors que l’article 16-9 du Code civil indique que les dispositions de l’article 16 sont d’ordre public » (Lyon, 13 mars 1997, D., 1997.557, note E. Serverin ; J.C.P., G., 1997.II.10231, note G. Faure ; Defrénois, 1997, art. 36578, note Ph. Malaurie ; Dr. pén., 1997, chron. n° 22, C. Puigelier ; CL. JACQUINOT, « L’éthique du vivant », Gaz. Pal., 1997.2.1389 ; C. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2.chron., p. 1391 ; P. MURAT, Réflexion sur la personne humaine/personne juridique, Dr. Famille, 1997, chron. n° 9).
277 Déc. n° 94-343-344 DC du 27 juillet 1994, J.C.P., G., 1994.III.66974 bis ; D., 1995.237 ; R.F.D.Adm., 1994, p. 1019, note B. Mathieu ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4032 ; L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 11ème éd., 2001, p. 305.
278 Article 61 al. 2 de la Constitution de 1958 : « Aux mêmes fins [contrôle de constitutionnalité], les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs ». La possibilité pour soixante députés ou sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel a été ouverte par la loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974.
279 Saisine du Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée nationale, 28 juin 1994, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4026 B.
280 Saisine du Conseil constitutionnel par plus de soixante députés, 29 juin 1994, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4026 B.
281 B. EDELMAN, « Le Conseil constitutionnel et l’embryon », D., 1995.207.
282 Le Conseil en déduit logiquement que le législateur « a par suite nécessairement considéré que le principe d’égalité n’était pas non plus applicable à ces embryons ».
283 Le diagnostic prénatal était défini et organisé à l’article L. 162-16 du code de la santé publique, aujourd’hui L. 2131-1.
284 G. MILLET, Assemblée nationale, 3ème séance du 20 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5835.
285 A. CLAEYS et C. HURIET, op. cit., p. 122.
286 Ibid., p. 123.
287 Les lois de bioéthique : cinq ans après, op. cit., p. 21.
288 FR. GIRAUD, Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique, Document Sénat n° 128, 15 janvier 2003, p. 183.
289 J.– FR. MATTEI, Audition devant la commission des affaires culturelles, in P. L. FAGNIEZ, Rapport sur le projet de loi modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique, Document Assemblée nationale n° 761, 1er avril 2003, p. 18.
290 P.-L. FAGNIEZ, Rapport sur le projet de loi modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique, Document Assemblée nationale n° 761, 1er avril 2003, p. 55.
291 C’est ce que fait remarquer M. Mathieu selon lequel le Conseil « aurait pu, dans la logique de sa décision de 1975 relative à l’avortement, qui reconnaît à l’embryon implanté le droit au respect de la vie, tout en considérant que ce droit n’est pas absolu, étendre la portée de ce principe à tout embryon, mais graduer la protection constitutionnelle dont il bénéficie » (B. MATHIEU, « Bioéthique : un juge constitutionnel réservé face aux défis de la science », R.F.D.adm., 10 (5) septembre-octobre 1994, p. 1019).
292 B. MATHIEU, « Rapport français » in Constitution et éthique biomédicale, Actes du colloque international tenu à Paris Sénat, Palais du Luxembourg les 6 et 7 février 1997, sous la direction de Noëlle Lenoir, Bertrand Mathieu et Didier Maus, Association française des constitutionnalistes La Documentation française, Coll. « Cahiers constitutionnels de Paris-I », 1998, p. 54.
293 FR. LESAULNIER, « De la protection pénale de l’être humain en gestation », Médecine et Droit, 2000, n° 41, p. 10.
294 B. MATHIEU, « La dignité de la personne humaine : quel droit quel titulaire ? », D., 1996.chron., p. 284.
295 Circulaire du 19 janvier 1995 du ministre de la justice commentant les dispositions pénales contenues dans les lois du 29 juillet 1994 relatives à la bioéthique, B.O. du ministère de la justice, n° 57, 31 mars 1995.
296 Ass. Plén., 17 novembre 2000, D., 2001.332, note D. Mazeaud et P. Jourdain, p. 316, concl. J. Sainte-Rose, Somm. comm., p. 2796, obs. F. Vasseur-Lambry ; adde les commentaires de J.-L., Aubert, « Indemnisation d’une existence handicapée qui, selon le choix de la mère, n’aurait pas dû être », chron. p. 489 ; L. Aynès, « Préjudice de l’enfant né handicapé : la plainte de Job devant la Cour de cassation », chron. p. 492 ; Y. Saint-Jours, p. 1263 et P. Kayser, p. 1889. La Cour de cassation admet dans cet arrêt qu’un enfant puisse demander réparation du préjudice qu’il subit du fait que sa trisomie n’a pas été détectée in utero en raison d’une erreur de diagnostic et que sa mère n’a pas pu en conséquence prendre une décision éclairée relative à l’I.V.G. V. Infra, n° 565.
297 J. SAINTE-ROSE, « La réparation du préjudice de l’enfant empêché de ne pas naître handicapé », D., 2001.316. De la même manière, M. Mathieu rassemble les deux alinéas en un seul énoncé lorsqu’il dit que « le Conseil constitutionnel français considère que c’est au législateur qu’il appartient de définir le champ d’application du principe du respect de la dignité de tout eu dès le commencement de sa vie » (B. MATHIEU, Rapport français, in Association française des constitutionnalistes, Constitution et éthique biomédicale, op. cit., p. 52).
298 Lyon, 13 mars 1997, précité.
299 Crim., 30 juin 1999, précité.
300 Pour un exemple de décision fondée sur le respect dû à la personne humaine : « le fait de prendre des photographies d’une dépouille mortelle porte incontestablement atteinte à la vie privée d’autrui, le respect étant dû à la personne humaine, qu’elle soit morte ou vivante, et quel que soit son statut » (Crim., 20 octobre 1998, J.C.P., 1999.II.10044).
301 V. Infra, n° 423 à 438.
302 B. EDELMAN, « Le Conseil constitutionnel et l’embryon », D., 1995.205.
303 Riom, 7 septembre 1995, cité par Crim. 27 novembre 1996, Bull. crim., n° 431, 2ème arrêt.
304 Ceci étant, en quoi le fait que seul le respect de tout être humain leur soit dû permet-il qu’il soit porté atteinte à leur vie ? D’autre part, qu’est-ce qui va faire passer cet embryon ou fœtus, être humain, à l’état de personne humaine ? Est-ce la naissance ? Pourquoi alors l’interruption volontaire de grossesse n’est-elle pas possible jusqu’à la naissance ?
305 G. FAURE, note sous Lyon, 13 mars 1997, J.C.P., G., 1997.II.22955.
306 Déc. n° 94-343-344 DC, J.C.P., G., 1994.III.66974 bis ; D., 1995.237 ; R.F.D.Adm., 1994.1019, note B. Mathieu ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, textes, p. 4032 ; L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 11ème éd., 2001, p. 305.
307 M. Dumas, président du Conseil constitutionnel, dit à ce sujet dans une allocution en 1998 : « Pour ce faire, le Conseil constitutionnel s’est alors fondé sur le préambule de la Constitution de 1946 » (Allocution de R. DUMAS, in Constitution et éthique biomédicale, sous la direction de Noëlle Lenoir, Bertrand Mathieu et Didier Maus, La Documentation française, 1998, p. 12).
308 Déc. 2001-446 DC du 27 juin 2001, J.O., n° 156 du 7 Juillet 2001, p. 10828 ; D., 2001.2533, note B. Mathieu.
309 Si cette distinction concerne de façon privilégiée les embryons, la question de fond dépasse le cas précis des embryons et, même en pratique, la question ne concerne pas qu’eux : un malade en état végétatif peut-il se prévaloir d’atteintes à sa dignité, qui concernent la personne, ou seulement d’atteintes incriminées contre l’être humain, comme le respect de sa vie physique ?
310 J.-P. DOUCET, Gaz. Pal., 1999.1.chron. crim., p. 9.
311 Il y aurait un intérêt théorique à se demander si les règles encadrant l’expérimentation sur l’être humain concernent l’embryon. Mais pratiquement l’intérêt est nul, car l’expérimentation sur l’embryon fait l’objet d’une réglementation spécifique qui écarte de toute façon le droit commun de l’expérimentation sur l’être humain (article L. 2141-8 du code de la santé publique, dont le non respect est sanctionné pénalement par les articles 511-18 et 511-19 du code pénal). V. Infra, n° 686.
312 Une circulaire relative aux atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité d’un animal se réfère aux atteintes à la personne humaine contenues dans le code pénal en les désignant sous le terme d’atteintes à l’être humain (circulaire crim. 94-01 F1 du 18 janvier 1994, Bulletin officiel du ministère de la justice, n° 53, 31 mars 1994). Il y est question de « la rédaction totalement rénovée des éléments constitutifs de l’infraction, qui prend modèle sur les dispositions qui répriment les faits de blessures ou d’homicide involontaires infligées aux êtres humains »
313 C’est l’intitulé de la section 4, « De l’expérimentation sur la personne humaine », du chapitre III « De la mise en danger de la personne », du Titre II « Des atteintes à la personne humaine », du Livre II du code pénal « des crimes et délits contre les personnes ». La circulaire n° 952 242 du 11 mai 1995 (Bulletin officiel du ministère de l’industrie, n° 47-1995), renvoie à la loi dite Huriet-Sérusclat relative à l’expérimentation sur la personne humaine, alors que cette loi parle elle-même d’expérimentation sur les êtres humains.
314 L’article L. 209-1 du code de la santé publique qui introduit le livre consacré aux recherches biomédicales énonce que « les essais ou expérimentations organisés et pratiqués sur l’être humain […] sont désignés ci-après par les termes "recherches biomédicales" » (loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988, relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, J.O., 22 décembre 1988 ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 3686 ; J.C.P., 1989.III.62199). La loi du 25 juillet 1994 reprend ce terme d’être humain dans son article 9. - I. : « avant de réaliser une recherche biomédicale sur l’être humain » (loi n° 94-630 du 25 juillet 1994, modifiant le livre II bis du code de la santé publique relatif à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, J.C.P., 1994.III.66959).
315 Ce texte n’a pas été modifié jusqu’au nouveau code pénal.
316 Crim., 20 septembre 1838, S., 1838.909.
317 Crim., 2 septembre 1843, S., 1843.801. La Cour de Grenoble dit de même que « si cette interprétation [celle de l’article 316] peut présenter quelques difficultés à résoudre, lorsqu’il peut s’agir d’accouchements plus ou moins prématurés, ces difficultés peuvent, sans inconvénient notable, être laissées à l’appréciation des magistrats » (Grenoble, 22 janvier 1844, S., 1844, lois et décisions diverses, p. 125).
318 Besançon, 31 décembre 1844, S., 1845, lois et décisions diverses, p. 596.
319 Metz, 24 août 1854, S., 1854, cours impériales, Conseil d’État, etc., p. 663.
320 « les coupables d’enlèvement, de recélé, ou de suppression d’un enfant, de substitution d’un enfant à un autre, ou de supposition d’un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis de la réclusion criminelle à temps de 5 à 10 ans. S’il est établi que l’enfant ait vécu, la peine sera d’un mois à cinq ans d’emprisonnement. S’il est établi que l’enfant n’a pas vécu, la peine sera de six jours à deux mois d’emprisonnement. Seront punis de la réclusion criminelle à temps de 5 à 10 ans ceux qui, étant chargés d’un enfant, ne le présenteront point aux personnes qui ont droit de le réclamer ».
321 Crim., 24 novembre 1865, S., 1866, jurisprudence de la Cour de cassation, p. 308.
322 Caen, 5 novembre 1872, D.P., 1875.II.1.
323 Tribunal civil de Toulouse, 2 décembre 1896, D., 1897.268.
324 Besançon, 31 décembre 1844, S., 1845, lois et décisions diverses, p. 596.
325 Metz, 24 août 1854, S., 1854, cours impériales, Conseil d’État, etc., p. 663.
326 En l’espèce, l’enfant était de sexe masculin, bien constitué, après six mois de gestation, et mort dans le sein de sa mère.
327 Paris, 15 février 1865, 11 janvier 1865, S., 1865, cours impériales, Conseil d’État etc., p. 95 (sur Tribunal de Chartres, 11 janvier 1965).
328 Caen, 6 juillet 1874, cité par Crim., 7 août 1874, D., 1875.5.
329 Crim., 7 août 1874, S., 1875.I.41 ; D., 1875.I.5.
330 Poitiers, 31 août 1878, D.P., 1879.II.29.
331 Angers, 31 mai 1880, D.P., 1882.II.139. Cet arrêt confirme un jugement du Tribunal de Cholet, du 8 mai 1880, qui avait relevé de l’enfant que « ce produit était né à terme, ou à peu près à terme, et, en tout cas après plus de six mois de gestation ; […] il constituait donc un être parvenu à l’état de viabilité, un enfant dans le sens légal de ce mot »
332 Amiens, 29 juin 1876, D.P., 1880.II.57. Voir aussi Dijon, 11 mai 1879, D.P., 1880.II.57, qui reprend les termes de l’arrêt de la Cour de cassation de 1874.
333 Dijon, 11 mai 1879, D.P., 1880.II.57.
334 Crim., 4 décembre 1879, D.P., 1880.I.239. Il suffit, pour que soit constitué le crime de suppression d’enfant ayant eu vie, défini par l’alinéa 1 de l’article 345, « de constater la suppression avec intention criminelle de la personne d’un enfant ayant eu vie ; […] il n’est pas nécessaire d’indiquer spécialement l’intention de supprimer l’état civil de l’enfant, quand cette suppression ne se rattache qu’incidemment et accessoirement à la suppression de la personne qui est l’objet principal de la poursuite »._
335 Issu de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, J.O., 23 juillet 1992, p. 9875.
336 Ce texte est situé dans la section IV, Des atteintes à la filiation du Chapitre VII, Des atteintes aux mineurs et à la famille du Titre II, Des atteintes à la personne humaine du Livre II du code pénal, Des atteintes à la personne. La circulaire du 14 mai 1993 commente à propos de cet article que « la suppression d’enfant n’est plus incriminée par le nouveau code pénal. Le législateur a estimé que cette infraction portant atteinte à l’existence même de l’enfant se confondait en pratique avec une atteinte à la vie ».
337 De même pour l’application de l’article R. 645-6 qui punit « Le fait de procéder ou de faire procéder à l’inhumation d’un individu décédé sans autorisation ».
338 Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, J.C.P., 1993.III.65905. L’article 79-1 prévoit que : « Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier d’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. A défaut de certificat médical prévu à l’alinéa précédent, l’officier d’état civil établit un acte d’enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement [...]. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non ».
339 La jurisprudence est même allée encore plus loin en admettant de façon assez surprenante que l’enfant né à la suite d’un viol était une victime de l’infraction, infraction qui n’a eu comme rapport avec lui que le fait de le concevoir. TGI Lille, 6 mai 1996, D., 1997.543, note X. LABBEE. De même la chambre criminelle casse un arrêt qui a déclaré irrecevable l’action d’une mère, agissant au nom de sa fille, née des relations incestueuses que son père lui avait imposées au cours de sa minorité. L’arrêt d’appel est cassé pour avoir dit que l’enfant « n’est pas la victime du crime de viol commis sur la personne de sa mère et qu’elle ne subit aucun préjudice découlant de cette infraction » (Crim., 4 février 1998, J.C.P., G., 1999.II.10178, note I. Moine-Dupuis).
340 Crim., 9 décembre 1986, pourvoi n° 86-81.124, contre Cour d’appel de Reims, chambre correctionnelle, 30 janvier 1986 (non publié). Si l’atteinte résulte d’une faute civile, la solution est la même. En 1998, un médecin et une sage femme condamnés à réparer le dommage subi par un enfant né avec des séquelles de la souffrance fœtale qui n’a pas été dépistée pendant l’accouchement, invoquent devant la Cour de cassation leur absence de faute, mais à aucun moment n’est remis en question le principe de la possibilité de réparation du préjudice causé alors que l’enfant n’était pas né. En l’espèce, la cour d’appel qui a constaté que « la pathologie de l’enfant était en relation avec une souffrance fœtale de fin de travail, et que cette souffrance aurait pu être plus précocement dépistée si un monitoring de surveillance avait été utilisé, a ainsi caractérisé le lien de causalité entre les différentes fautes qu’elle a relevées et les lésions neurologiques dont reste atteint l’enfant » (Civ. 1re, 7 juillet 1998, J.C.P., 1998, IV, 3026, Bull. civ. I, n° 239). De même pour des blessures causées au moment de l’accouchement par une utilisation maladroite du forceps (Besançon, 18 octobre 1994, J.C.P., 1995.IV.570), ou lorsque le médecin commet par exemple une faute dans le choix de la méthode d’accouchement, il est condamné à réparer le préjudice subi par l’enfant qui en garde des séquelles (Besançon, 13 octobre 1999 ; J.C.P., G., 2000.IV.1947).
341 Crim., 2 avril 1992, Gaz. Pal., 1992.2.608, Bull. crim., n° 140; Rev. Sc. Crim., 1993, p. 326, obs. Levasseur. Le litige portait sur la détermination de la juridiction compétente pour fixer la réparation et la cour d’appel est cassée parce qu’elle s’est déclarée incompétente pour fixer cette réparation, estimant que « la faute du médecin est une faute de service dont il appartient à la juridiction administrative de réparer les conséquences dommageables ».
342 Crim., 18 mars 1987, pourvoi n° 86-91.421 (sur Paris, 7 janvier 1986).
343 V. Infra, n° 563 à 565.
344 Civ. 2e, 21 avril 1966, J.C.P., 1966.II.14710.
345 Civ. 2e, 21 juin 1989, Bull. civ. II, n° 134.
346 Le médecin qui devait réaliser l’I.V.G. n’a pas vérifié que l’enfant était mort et que celui-ci naît, avec une seule jambe, l’autre ayant été arrachée par les manœuvres abortives du médecin (C.E., 27 septembre 1989, A.J.D.A., 1989, p. 808, obs. Honorat et Baptiste ; Gaz. Pal., 1990.somm., p. 259 ; D., 1990.somm., p. 298, note P. Bon et P. Terneyre ; D., 1991.80, note M. Verpeaux). De même lorsque l’amniocentèse a causé une atteinte à l’enfant (C.E., 14 octobre 1988, et 9 juillet 1982, non publiés).
347 Crim., 29 juin 1999, D., 1999.IR., p. 223 ; Rev. Sc. Crim., janvier-mars 2000, p. 204, obs. Y. Mayaud ; D., 2000.somm., p. 30 ; Gaz. Pal., 2000, rec. Janv.-fevr., somm., p. 264.
348 Crim., 23 juin 1955, Bull. crim., n° 320 ; D., 1955.575 ; Gaz. Pal., 1964.2.147. En ce qui concerne l’exigence de la viabilité, la cour d’appel de Pau dit « qu’il est sans intérêt de rechercher si le nouveau-né était vivant et viable ou seulement vivant, l’obligation de secours s’imposant dans les deux cas » (Pau, 11 avril 1956, D., 1957.153, note A. Pageaud). En l’espèce la sage-femme n’a pas eu connaissance du péril puisqu’elle pensait que l’enfant était mort, « ce qui entraîne tout défaut d’intention coupable de sa part »
349 Crim., 14 juin 1957, D., 1957.512 ; S., 1957.339.
350 Paris, 10 janvier 1959, Gaz. Pal., 1959.1.223.
351 CH. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2.chron., p. 1391.
352 Seul un jugement du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône écarte un moyen fondé sur l’article 223-6 qui punit l’abstention volontaire de porter secours à une personne en péril au motif que la qualité de personne, et même d’enfant, n’est pas reconnue à l’embryon ou au fœtus (TGI Chalon sur Saône, 3 juillet 1995, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 9328).
353 Article 223-10 du code pénal, repris à l’article L. 2221-1 du code de la santé publique : « L’interruption de la grossesse sans le consentement de l’intéressée est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 500000 francs d’amende ».
354 Article L. 2222-2 du code de la santé publique.
355 Loi n° 2001-588, du 4 juillet 2001, relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, J.O., n° 156, 7 Juillet 2001, p. 10823.
356 « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle ».
357 Tb. corr. de Fontainebleau, 25 avril 1947, D., 1947.312.
358 Paris, 9 novembre 1951, Gaz. Pal., 1952.1.236 ; D., 1952.IR, p. 38. Une femme tente de pratiquer l’avortement sur elle-même, ce qui a pour effet de provoquer la naissance de l’enfant qu’elle porte. Elle est poursuivie pour avoir « par maladresse, imprudence, inattention, négligence, défaut de précaution, commis involontairement un homicide en la personne [de l’] enfant dont elle venait d’accoucher ». Une autre est poursuivie de recel de cadavre. Comme en l’espèce il n’est pas certain que l’enfant ait vécu, l’homicide n’est pas caractérisé et par conséquent le recel non plus.
359 L’arrêt de la Cour de Paris est un petit peu ambigu : il écarte la qualification d’homicide, puisque l’enfant n’a pas vécu, mais ne retient pour ces faits que la tentative d’avortement. Pourtant si le procédé a eu pour effet l’expulsion d’un enfant qui n’a pas vécu, c’est bien un avortement et qui a été réalisé et non seulement tenté. L’arrêt ne donne aucune justification, et il faut dire que la femme était poursuivie également pour un autre avortement, réussi cette fois, pratiqué l’année d’après. Par conséquent la cour la condamne pour tentative d’avortement et avortement sans préciser en quoi le premier ne relève que de la tentative alors que l’enfant est censé n’avoir pas vécu.
360 Un jugement du Tribunal correctionnel de Gand, confirmé par la cour d’appel de Gand dans un arrêt du 1er février 1882, expliquait on ne peut plus clairement qu’avortement et infanticide n’étaient que des découpages d’une même incrimination consistant dans l’atteinte à la vie de la personne : « en l’absence d’une définition légale du mot personne, la portée et l’étendue de ce terme, en cette matière, se trouvent parfaitement déterminées par l’article 396 C. pén., qui définit le crime d’infanticide, et par les travaux préparatoires du code ; […] l’article 396 qualifie infanticide le meurtre commis sur un enfant au moment de sa naissance ou immédiatement après, et […] il résulte de l’exposé des motifs que l’expression au moment de sa naissance est, dans la pensée du législateur, synonyme de pendant l’accouchement in ipso partu […] sous l’empire de l’art. 300 C. pén. de 1810, qui définissait l’infanticide « le meurtre d’un enfant nouveau-né », on soutenait déjà que le meurtre de l’enfant, pendant l’accouchement même, était prévu et puni par cet article, parce que, disait-on, il est impossible d’admettre qu’entre l’avortement et l’infanticide, la loi aurait laissé hors de toute atteinte une action qui tiendrait de ces deux crimes » (Gand, 1er février 1882, S., 1883.IV.17).
361 Tb. corr. de Versailles, 15 janvier 1947, S., 1947.II.78.
362 Le tribunal relaxe donc la femme qui a caché le corps de l’enfant « du chef de complicité d’avortement et la déclare convaincue du délit de recel de cadavre ».
363 CH. BYK, op. cit., p. 1391.
364 M. Savatier explique ainsi que « le fait que l’embryon n’ait pas encore une sensibilité comparable à celle d’un homme, ou que des liens affectifs n’aient pu encore se développer à son égard, peut conduire à reconnaître une moindre gravité psychologique à l’avortement qu’au meurtre. Et cela explique qu’il soit traité par la loi moins sévèrement que l’infanticide » (J. SAVATIER, « L’avortement, problème social », R.T.D.S.S., 1971, p. 154.
365 L’IVG en France : propositions pour diminuer les difficultés que rencontrent les femmes, rapport réalisé à la demande de Madame Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, et de Monsieur Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la santé et à l’action sociale par le professeur Israël Nisand et rendu en février 1999, Paris, Ministère de l’emploi et de la solidarité, 1999.
366 Avant la loi de 1975, la règle était la prohibition de l’avortement sauf dans le cas où la vie de la mère était en danger. Après la loi de 1975, l’ancien puis le nouveau code pénal maintiennent la prohibition de principe de l’interruption volontaire de grossesse, mais étendent les cas de dépénalisation légale. L’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 crée une nouveau livre dans le code de la santé publique intitulé « Interruption volontaire de grossesse », qui regroupe les anciens articles L. 162-1 à L. 162-15-1 du code de la santé publique sur l’I.V.G. et l’entrave à I.V.G. et les articles du code pénal relatifs à l’interruption volontaire de grossesse (J. O., 22 juin 2000, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 91, p. 7762). La loi du 4 juillet 2001 abroge les dispositions contenues dans le code pénal et la répression relative à l’avortement est assurée aujourd’hui par le code de la santé publique (Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, relative à l’I.V.G. et à la contraception, J.O., n° 156, 7 juillet 2001 p. 10823).
367 Sont également incriminées la provocation à l’I.V.G. (article L. 2221-1), la fourniture à une femme des moyens d’avorter (article 2222-4).
368 Article L. 2222-3 du code de la santé publique : « Le fait de procéder à une interruption de grossesse après diagnostic prénatal sans avoir respecté les modalités prévues par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200000 F d’amende ».
369 L’article 38 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d’ordre social, abroge, avant même son entrée en vigueur, l’article 223-12 al. 1 et 2 du nouveau code pénal incriminant l’avortement commis par la femme sur elle-même, issu de la loi du 22 juillet 1992 réformant le code pénal. L’article 223-12 était le résultat d’un difficile compromis entre l’Assemblée nationale qui voulait le supprimer et le Sénat qui voulait le conserver. L’alinéa 1er prévoyait deux mois d’emprisonnement et 25000 francs d’amende, et l’alinéa 2 que le tribunal pouvait déclarer que ces peines ne seraient pas appliquées en raison des circonstances de détresse ou de la personnalité de l’auteur (Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, J.O., 23 juillet 1992, p. 9875).
370 Paris, 9 juillet 1982, J.C.P., 1983.II.19969. De même, les personnes qui organisent le séjour à l’hôpital de femmes désirant avorter après le délai légal sont coupables du délit de complicité d’avortement (Rep. Min., n° 40545, J.O.A.N., Q, 18 mars 1991, R.T.D.S.S., 1991 p. 415).
371 Paris, 15 février 1996, cité par Crim., 5 mai 1997, Bull. crim., n° 168 (mais il n’y a pas le texte intégral de l’arrêt).
372 Tb. corr. de Puy-en-Velay, 7 novembre 1995, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull., n° 29, p. 9258.
373 C.E., 4 novembre 1983, Rec. Lebon, p. 848 : « le docteur Catrin a pratiqué […] quatre interruptions volontaires de grossesse en son cabinet ; […] ce dernier ne répond aucunement aux normes applicables […] ces faits, alors que la nécessité invoquée par l’intéressé de pratiquer de telles interventions ne constitue pas une excuse et même s’il n’a pas exigé d’honoraires en rémunération de ces interventions, sont constitutifs d’une faute justifiant légalement une sanction disciplinaire » ; C.E., 8 février 1980, Rec. Lebon, p. 74 : « le docteur Maugard, avant de pratiquer une interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique, le 6 août 1976, ne s’est pas concerté avec un médecin inscrit sur une liste d’experts et n’a pas procédé à la rédaction d’une consultation dont l’un des exemplaires aurait dû être remis à l’intéressée ; […] ces faits, alors que la nécessité invoquée par l’intéressé de pratiquer une telle intervention médicale ne constitue pas une excuse […] sont constitutifs d’une faute de nature à justifier l’application d’une sanction disciplinaire ».
374 Un femme, après FIVETE, avorte sous la pression du corps médical qui nourrit des doutes sur l’identité de l’embryon transplanté qui aurait été, semble-t-il, conçu par un couple de couleur. La Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans un premier jugement du 5 novembre 1997, ordonne une expertise (Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 55, p. 8685), et rend un jugement sur le fond le 15 décembre 1998 (Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 73, p. 8182 ; Petites Affiches, 24 septembre 1999, p. 10, note C. Taglione), dans lequel il admet l’entière responsabilité du CHU en cause et le condamne à réparer le préjudice subi par la demanderesse. « Considérant que […] l’IVG qualifiée de "thérapeutique" dont Mme X a fait l’objet, avec son accord, a été pratiquée pour des motifs et dans des conditions de recueil de son consentement qui ne sont pas autorisées par les textes législatifs et réglementaires applicables ; que, dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence ou non d’une erreur de transplantation d’embryon qui aurait motivé la décision d’interrompre la grossesse de la requérante, le CHU de Clermont-Ferrand doit être déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l’IVG dont s’agit ». Cette décision illustre le caractère d’exception de la possibilité de recourir à l’I.V.G.
375 Article L. 2221-1 du code de la santé publique, précité.
376 Article L. 2222-2 du code de la santé publique (ancien article 223-11 du code pénal). « Cette infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende si le coupable la pratique habituellement » (article L. 2222-2 et L. 2222-3).
377 Les modalités de cette convention sont fixées par le décret n° 2002-796 du 3 mai 2002, fixant les conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse hors établissement de santé, D., 2002.1623. Une telle interruption de grossesse ne peut être réalisée que par voie médicamenteuse, et ne peut concerner les femmes du groupe rhésus négatif.
378 Paris, 9 juillet 1982, J.C.P., 1983.II.19969.
379 M.-L. RASSAT, Droit pénal spécial, infractions des et contre les particuliers, Dalloz, 1999, p. 264.
380 Ibid.
381 Ibid.
382 Ibid., p. 265. Ce qui signifierait que « ce qui a trait à l’avortement n’est donc plus réprimé comme atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant mais uniquement dans la mesure où l’opération peut nuire à la santé de la femme » (ibid.)
383 C. CARREAU, « L’acte mortifère en droit pénal », D., 2000, 20 avril, suppl. au n° 16, p. 266-27.
384 Tribunal correctionnel de Bobigny, 22 nov. 1972, Gaz. Pal., 1972.2.891.
385 Tribunal correctionnel de Colmar, 11 mai 1950, Gaz. Pal., 1950.2.27.
386 Colmar, 31 juillet 1950, Gaz. Pal., 1950.2.189. La cour infirme le jugement du 11 mai 1950, mais l’appel porte sur la détermination de la loi applicable aux faits commis, l’avortement ayant été réalisé par une Française en Suisse.
387 Chambéry, 20 novembre 1996, Gaz. Pal., 1997.2.somm., p. 58. Voir aussi Versailles, 8 mars 1996, cité par Crim., 5 mai 1997, n° 2529, Bull. crim., n° 158 : « la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, qui affirme le même principe de protection de la vie, qui contient des dispositions tendant à la prévention et à la dissuasion du recours à l’avortement et qui n’autorise la pratique de l’interruption volontaire de grossesse que dans des conditions strictement définies et dans le seul but de répondre à la situation de détresse de certaines femmes enceintes ».
388 Caen, 11 mars 1996, cité par l’arrêt de rejet, Crim., 2 avril 1997, n° 1771, non publié.
389 Article 221-6 du nouveau code pénal : « Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire ».
390 Article 319 de l’ancien code pénal.
391 Nancy, 6 mai 1999, Gaz. Pal., 2000.2.681, note J. Bonneau ; D., 2000.889, note P. Mistretta.
392 Douai, 16 mai 1882, S., 1883.II.153. La même année la Cour d’appel de Gand rend un arrêt similaire dans une affaire où un enfant était mort pendant l’accouchement, avant d’avoir respiré, en raison de la maladresse de la sage-femme. Le tribunal correctionnel avait dit que « si le crime d’infanticide peut être commis pendant l’accouchement sur un enfant qui n’a pas encore vécu de la vie extra-utérine, il s’ensuit évidemment que l’enfant à terme et vivant bien que non sorti entièrement du sein de sa mère, et n’ayant pas respiré, constitue, aux yeux ce la loi pénale, une personne, et que, dans les mêmes conditions, cet enfant peut être l’objet d’un homicide involontaire par défaut de prévoyances ou de précautions ». Et la cour d’appel de confirmer que « le Code pénal, qui punit comme infanticide le meurtre commis sur un enfant au moment de la naissance, c’est-à-dire pendant l’accouchement, in ipso partu, n’exige nullement que l’enfant ait respiré hors du sein de sa mère au moment où l’attentat a eu lieu ; que la loi protège l’enfant vivant de la vie intra-utérine contre les violences dont il peut être l’objet pendant l’accouchement, aussi bien que l’enfant qui a déjà vécu de la vie extra-utérine » (Gand, 1er février 1882, S., 1883.IV.17.
393 Il « était mort quand il apparut en dehors de la vulve et si, par suite, il n’a pas respiré, il vivait encore lorsqu’il s’est engagé dans le vagin, il remuait encore une demi-heure avant son expulsion complète ».
394 Amiens, 28 avril 1964, Gaz. Pal., 1964.2.167.
395 Douai, 2 juin 1987, J.C.P., 1989.II.21250 et Douai, 16 mai 1882, S., 1883.II.153.
396 J.-P. DOUCET, note sous Crim., 2 avril 1962, Gaz. Pal., 1992.2.608.
397 Lyon, 13 mars 1997, D., 1997.557, note E. Serverin ; J.C.P., G., 1997.II.10231, note G. Faure ; Defrénois. 1997, art. 36578, note Ph. Malaurie ; Dr. pén., 1997, chron. n° 22, C. Puigelier ; CL. JACQUINOT, « L’éthique du vivant », Gaz. Pal., 1997.2.1389 ; C. BYK, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal., 1997.2.1391 ; P. MURAT, « Réflexion sur la personne humaine/personne juridique », Dr. Famille, 1997, chron. n° 9.
398 CH. BYK, op. cit., p. 1391.
399 Crim., 30 juin 1999, Gaz. Pal., 1999.2.chron. crim., p. 16, note J.-P. Doucet ; Gaz. Pal., 1999.2.somm., p. 676, note J. Bonneau ; Bull. crim., n° 174 ; D., 1999.IR., p. 205 ; Petites Affiches, 17 novembre 1999, n° 229, note Debove ; Rev. Sc. Crim., 1999, p. 813, obs. Y. Mayaud, D., 2000.somm., p. 27, obs. Y. Mayaud; D., 2000.somm., p. 196, obs. C. Desnoyer et C. Dumaine ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull., n° 79, p. 8061 ; D., 1999.710, note D. Vigneau ; J.C.P., 2000.II.10231, note G. Fauré ; Defrénois, 1999, p. 1048, note Ph. Malaurie.
400 Commentaire au Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 79, pp. 8056 et 8057.
401 Tb. corr. de Lyon, 3 juin 1996, cité par l’arrêt d’appel infirmatif, Lyon, 17 mars 1997, précité.
402 Reims, 3 février 2000, Dr. pén. 2000, comm. n° 54, M. Véron ; Defrénois, 2000, art. 37170, note M.C. Forgeard ; J.C.P., G., 2000.I.chron., p. 253, Ch. Byk ; J.C.P., G., 2000.II.20031, note G. Fauré ; Petite Affiches, 5 octobre 2000, note L. Collet-Askri ; Dr. de la famille, 2000, chron. D. Vigneau, p. 7 ; D., 2000.873, note J.Y. Chevallier.
403 On ne voit pas dans la loi sur quoi se fondent les juges pour distinguer entre les fœtus viables personnes humaines et les fœtus non viables non personnes humaines. Pour Mme Collet-Askri, la viabilité du fœtus « permet de le considérer comme un être autonome. Certes, le fœtus était dans le ventre de sa mère au moment où il a été tué, mais s’il avait été séparé de son sein un instant de raison avant l’accident, il aurait survécu » (note sous Reims, 3 février 2000, Petites Affiches, 5 octobre 2000, n° 199, p. 16).
404 Metz, 3 septembre 1998, J.C.P., G., 2000.II.10231, note Fauré ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 87, p. 7838.
405 Ass. Plén., 29 juin 2001, J.C.P., 2001.II.10569, rapp. P. Sargos, concl. J. Sainte-Rose, note M.-L. Rassat ; D., 2001.2917, note Y. Mayaud ; D., 2001.chron., p. 2907, J. Pradel.
406 Pour un commentaire de la solution retenue par cet arrêt, V. Infra, n° 815 à 830.
407 Non publiée.
408 Le chef d’accusation était plus précisément le fait d’avoir « volontairement détruit et dégradé le restaurant par l’emploi d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes et les biens », incriminé par l’article 322-6 du code pénal.
409 Article 322-10 du code pénal : « L'infraction définie à l'article 322-6 est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 150000 euros d'amende lorsqu'elle a entraîné la mort d'autrui ».
410 Versailles, 19 janvier 2000, Petites Affiches, 14 juin 2002, n° 119, p. 4, note A. BERTRAND-MIRKOVIC.
411 La sage femme fit appel elle aussi, mais invoqua son absence de responsabilité dans le décès de l’enfant dans la mesure où elle n’avait fait que suivre les instructions du médecin. L’appel ne portait donc que sur sa responsabilité dans la mort du fœtus et non sur la possible qualification des faits d’atteinte involontaire à la vie d’autrui.
412 O. SAUTEL, « Récidives… Brèves considérations sur l’arrêt de la chambre criminelle du 25 juin 2002 », D., 2002. 2475 ; Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 7225 ; J. PRADEL, « La chambre criminelle continue d’ignorer l’enfant à naître », D., 2002.3099 ; M. – L. RASSAT, « L’incrimination d’homicide involontaire ne s’applique pas au cas de l’enfant qui n’est pas né vivant », J.C.P., 2002., éd. G., II, 10155 ; M. VERON, « L’enfant en train de naître », Droit pénal, septembre 2002, p. 12 ; D. COMMARET, Conclusions de l’avocat général, audience plénière de la chambre criminelle du 6 juin 2002 », Droit pénal, septembre 2002, p. 4 ; CL. SUREAU, « L’être prénatal », Responsabilité, n° 7, septembre 2002.
413 Délit d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie, ou de non assistance à personne en péril.
414 CH. BYK, op. cit., p. 1391.
415 TGI Roanne, 27 juin 1995, Gaz. Pal., 1998.1.2, note J. Bonneau ; Tribunal correctionnel Le Puy-en-Velay, 14 mars 1995, Gaz. Pal., 1995.2.somm., p. 324, note J.-P. Doucet.
416 Ce délit a été introduit dans le code de la santé publique par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, J.C.P., 1993.III.65956. Il est défini comme « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables [...] soit en perturbant l’accès aux établissements [...] ou la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ; soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ».
417 A vrai dire, la qualification de personne de l’embryon n’est pas nécessaire pour la mise en jeu de l’article 122-7 du code pénal, car cet article prévoit aussi bien l’hypothèse de la sauvegarde d’une personne que celle de la sauvegarde d’un bien. Voir infra,
418 Crim., 27 novembre 1996, Bull. crim., n° 431, 1er arrêt.
419 Riom, 7 septembre 1995, cité par Crim., 27 novembre 1996 (arrêt 5130), Bull. crim., n° 431, 2e arrêt.
420 Paris, 15 février 1996, Gaz. Pal., 1996.1.chron. crim., p. 128, note J.-P. Doucet (cité par l’arrêt de rejet, Crim., 5 mai 1997, Bull. crim., n° 168 ; Gaz. Pal., 1997.2.chron. crim., p. 179).
421 TGI Roanne, 27 juin 1995, Gaz. Pal., 1998.1.2, note J. Bonneau (précité).
422 TGI Valenciennes, 15 janvier 1996, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 9294.
423 Ibid.
424 Tribunal correctionnel Le Puy-en-Velay, 14 mars 1995, précité.
425 Dijon, 30 novembre 1989, Gaz. Pal., 1998.1.somm., p. 9 (cité par Crim., 27 novembre 1996, Bull. crim., n° 431, 1er arrêt).
426 Versailles, 8 mars 1996, précité.
427 Versailles, 15 décembre 1995, cité par l’arrêt de rejet, Crim., 27 novembre 1996 (n° 5132), non publié.
428 Caen, 11 mars 1996, cité par l’arrêt de rejet, Crim., 2 avril 1997, non publié.
429 Crim., 27 novembre 1996, 2 arrêts, Bull. crim., n° 431 ; D., 1997.IR.13 ; Gaz. Pal., 1997.1.chron. crim., p. 55, note J.-P. Doucet. Crim., 5 mai 1997, 2 arrêts, Bull. crim., n° 158 et n° 168 ; Gaz. Pal., 1997.2.chr.crim.179, note J.-P. Doucet ; Crim., 31 janvier 1996, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 9215 ; J.C.P., 1996.II.22713, note A. Dorsner-Dolivet ; Gaz. Pal., 1996.1.chron. crim., p. 51, note J.-P. Doucet ; Gaz. Pal., 1996. 2.somm., p. 319, note J. Bonneau ; Bull. crim., 1996, n° 57 ; D., 1996.IR., p. 64.
430 « Le mal redouté par l’agent, en effet, pour faire disparaître l’élément légal de l’infraction, doit être "injuste", illégitime. Par voie de conséquence, si le danger redouté résulte d’une situation conforme à la loi, il ne peut être question de justifier celui qui cherche à soustraire autrui à ce qui, finalement, n’est qu’une action juste. [...] la menace redoutée est "juste" parce qu’elle résulte de l’autorisation de la loi » (A. DORSNER-DOLIVET, note sous Crim., 31 janvier 1996, J.C.P., 1996.II.22713).
431 En dehors des cas prévus par la loi, l’avortement demeure un délit sanctionné pénalement, la loi autorisant l’I.V.G. n’étant qu’un texte d’exception.
432 TGI Valenciennes, 15 janvier 1996, précité.
433 Chambéry, 20 novembre 1996, Gaz. Pal., 1997.2.somm., p. 58, note E. Clavel. Cet arrêt est cassé par Crim., 7 avril 1999, J.C.P., G., 2000.I.1207 ; Gaz. Pal., 1999.chron. crim., p. 104, note J.-P. Doucet ; Bull. crim., n° 70 ; D., 1999.IR., p. 138.
434 Crim., 5 mai 1997 (n° 2529), précité.
435 Lyon, 15 mai 1996, cité par Crim., 2 septembre 1997 (n° 4616), non publié.
436 Crim., 5 mai 1997 (n° 2529), précité. Idem Crim. 2 septembre 1997 (n° 4616), non publié. L’absence d’I.V.G. programmées au moment de faits n’empêche pas non plus la constitution du délit : la cour d’appel qui affirme qu’il importe peu « de savoir si une ou plusieurs IVG se déroulaient ou avaient été programmées au moment de l’intervention devant l’entrée du bloc opératoire » a justifié sa décision (Crim., 5 mai 1997, n° 2527, précité).
437 Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 8843.
438 Crim., 7 avril 1999, J.C.P., G., 1999.IV.2784 ; J.C.P., G., 2000.I.1207 ; Gaz. Pal., 1999.2.chron. crim., p. 104, note J.-P. Doucet. Cet arrêt est critiqué par M. Doucet, pour lequel « il est clair que cette exception [l’I.V.G.] doit être entendue limitativement, et ne peut par suite faire échec au principe fondamental de la protection de la vie humaine que si les exigences légales sont remplies. Comme en l’espèce ces exigences n’avaient pas été respectées, on ne pouvait parler d’I.V.G. et on ne pouvait dès lors concevoir l’existence d’un délit d’entrave à l’I.V.G. Même les délits politiques sont d’interprétation stricte ». L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Lyon qui, dans un arrêt du 8 décembre 1999, condamne les prévenus, aggravant même les peines retenues en première instance (Lyon, 8 décembre 1999, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 90, p. 7775).
439 C.E., 4 novembre 1983, Rec. Lebon, p. 848 ; C.E., 8 février. 1980, Rec. Lebon, p. 74.
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