Chapitre I. L’origine du désordre
Le souci de neutralité du droit
p. 35-56
Texte intégral
132. Législateur et juges manifestent clairement le souci de ne pas prendre parti dans le débat sur la définition de la personne humaine. Mais il semble cette volonté de neutralité (section I) est une illusion, car le droit ne peut éviter de se prononcer sur ces notions (section II).
SECTION I – LA VOLONTÉ DU DROIT : LA NEUTRALITÉ
233. L’attitude du droit est la neutralité. Mais n’est-ce pas là l’attitude la plus normale qui soit ? Comment ne pas être neutre sur cette question de la définition de la personne humaine ? L’ambiguïté vient de ce que dire ce qu’est la personne humaine est compris comme revenant à décider ce qu’est la personne humaine, la définition de la personne humaine étant conçue comme un choix, un parti pris (I). Dans cette perspective, le droit ne saurait trancher une telle question et se cantonne dans le rôle qui ne lui est pas contesté, poser et appliquer des normes, sans prendre parti sur le fond du débat (II).
I - Définir serait choisir
334. Ce qu’est la personne humaine est conçu comme un choix personnel relevant de la conscience individuelle. Tout ce que peut faire alors le droit, c’est tenter de dégager un consensus. Le choix devient alors un choix de société, mais reste un choix.
A - Un choix personnel
435. La notion de personne humaine serait liée aux convictions intimes de chacun, à ses croyances, à ses options philosophiques. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, cette question relève de la croyance : « elle reconnaît que les autorités nationales jouissent en la matière d’une large marge d’appréciation, en particulier dans une sphère comme celle-ci qui touche à des questions de croyance sur la nature de la vie humaine »53. Par conséquent, définir c’est choisir une certaine conception. Toutes les questions qui en dépendent relèvent également du choix, et découlent de l’option de départ. Pour le Comité d’éthique « le choix entre l’interruption volontaire de grossesse et la naissance d’un enfant plus ou moins profondément handicapé, met en cause la conception que chacun se fait de la vie et de la personne humaine »54. C’est pourquoi tout débat sur la définition de la personne humaine et sur les questions qui lui sont liées est « propice aux passions et aux polémiques tant il est vrai que le sujet touche à nos convictions les plus profondes, à nos choix les plus intimes »55.
536. Les limites de la personne humaine faisant l’objet d’un choix personnel, les critères ne sont pas donnés mais choisis : « Grâce au diagnostic in vivo aujourd’hui, grâce au diagnostic génétique in vitro demain, nous accédons à des connaissances permettant de rectifier les choix divins, voire de choisir nous-mêmes, selon nos propres critères, qui mérite d’exister »56. A la limite, ce choix peut être collectif, devenant ainsi un choix de société.
B - Un choix de société
637. La vie en société nous conduit à émettre des choix collectifs et, dans cette optique, la définition de la personne humaine serait un choix de société. En vue de dégager « quels sont les éléments qui définissent l’identité humaine », le rapport de M. Mattéi sur l’éthique biomédicale explique, entre autres choses, qu’il faut dégager « quelle doit être la part respective des choix individuels et des choix collectifs »57. Étant posé que définir c’est choisir, il ne reste qu’à décider ce que chacun choisit et ce qu’on choisit ensemble. Le sujet étant trop fondamental pour être laissé à l’appréciation de quelques uns, le rapport précise qu’il « appartient ainsi au corps social de fixer les limites au-delà desquelles il ne reconnaît plus la forme de l’humaine condition »58. Selon M. Sève, « Poser en fait que "la personne commence dès la conception" ne dit rien qui soit clairement pensable, moins encore qui soit factuellement tenable. On peut certes proposer de convenir que dès la conception il y a une personne réelle à protéger »59 : il n’y a donc pas de limites de la personne à constater, il s’agit de se mettre d’accord sur ces limites.
738. Si la définition de la personne humaine est un choix collectif, un choix de société, le rôle du droit se borne à dégager un consensus sur le sujet, à constater un consensus qui existe de fait, ou à en trouver un60. Le rapport du Conseil d’État de 1989 dit ainsi que la loi doit exprimer un consensus social, la "morale commune". Selon ce rapport, l’opportunité d’une législation sur toutes les questions concernant l’homme dépend, entre autres, de cette question : « prendra-t-elle suffisamment en compte les considérations morales diversifiées de notre société sans trop figer cette morale commune qui est contingente et s’apprécie à la lumière de l’évolution sociale ? »61. De même, selon le rapport Mattéi, le choix doit être collectif, il doit exprimer un consensus, sans quoi la loi sortirait de son rôle : « Au-delà des analyses des médecins, chercheurs et experts de toutes disciplines, la mission s’est attachée à repérer les lignes de force de l’opinion publique en matière d’éthique biomédicale. Cette démarche s’enracine dans la conviction profonde que les textes de loi manqueraient leur objet s’ils suscitaient des inquiétudes ou des rejets violents dans le corps social »62. Lors de l’élaboration proprement dite des lois de bioéthique, la commission spéciale de l’Assemblée nationale travaille dans cette optique de recherche d’un consensus. Pour sa présidente, Mme Roudy, il était important, compte tenu des différences au sein de la commission spéciale, « qu’aucune décision ou orientation ne puisse être imposée, ne puisse être prise sans qu’il y ait eu au moins la recherche d’un accord, d’un point d’équilibre, d’un consensus »63. Certes cette recherche n’est pas aisée car, comme le faisait à l’époque remarquer un ministre, il n’est pas facile « de respecter les convictions de chacun, sans que cette "neutralité démocratique" soit taxée d’ambiguïté ou de frilosité »64. Si la recherche du consensus n’est pas aisée sur telle ou telle question pratique sensible, en ce qui concerne la question fondamentale de la définition de la personne humaine, et particulièrement de la qualification de personne humaine de l’embryon et de l’enfant à naître, elle est vouée à l’échec car un tel consensus n’existe pas.
839. L’impossibilité de dégager ce consensus est le point de départ et l’aboutissement de toute réflexion sur ce sujet. M. Savatier, par exemple, ouvre un colloque sur la personne humaine en ces termes : « Ce que nous examinons aujourd’hui, ce sont des problèmes qui n’étaient absolument pas imaginés dans le passé et ils posent une question fondamentale, une question à laquelle nous ne pourrons pas donner naturellement de réponse et certainement pas de réponse unanime : qu’est-ce que l’homme ? »65. Le rapport au Premier Ministre présenté par Mme Lenoir constate que le débat à propos de la qualité de personne humaine de l’embryon n’est jamais clos, car il fournit des réponses inconciliables que « ni les données de la science, ni celles du droit ne permettent d’arbitrer »66. Selon ce rapport, les procréations médicalement assistées, « de la même manière que la recherche sur l’embryon liée à ces techniques, mettent en jeu des convictions de caractère si personnel qu’il est illusoire de penser réconcilier tous les points de vue »67.
940. Le consensus n’existait pas avant l’intervention législative. Les débats n’ont pas permis d’en trouver un. A défaut de consensus on considère qu’il n’appartient pas au droit de trancher.
II - Il n’appartient pas au droit de choisir
1041. Le législateur ne s’estime pas compétent pour trancher un débat qui relève de la conscience de chacun. Il se limite donc à poser des normes concrètes d’encadrement des comportements. Quant aux juges, ils ne sauraient se reconnaître une compétence que le législateur décline et se cantonnent dans ce qui est proprement leur rôle, appliquer les normes.
A - Le législateur se contente de poser des normes
1142. Le vote des lois de 1994 était l’occasion pour le législateur d’apporter des précisions à ces notions et particulièrement de rechercher si oui ou non l’embryon humain, le fœtus humain, in vitro, in utero, sont des êtres humains, s’ils sont des personnes humaines. Mais il s’est gardé de prendre position et la révision des lois de bioéthique n’annonce aucun changement dans cette volonté de neutralité.
1) Les débats autour des lois de 1994
1243. En droit, se prononcer sur la nature de l’embryon se traduit par donner un statut à l’embryon. Les nombreux rapports qui ont précédé et accompagné le vote des lois de bioéthique étaient unanimes dans leur recommandation au législateur de ne pas se prononcer sur ce statut. Les débats à l’Assemblée nationale furent explicites en ce sens. Il se s’est guère trouvé d’unanimité que sur le fait qu’il ne fallait pas aborder cette question.
a) Les rapports officiels suggèrent au législateur cette attitude de neutralité68
1344. Le rapport du Conseil d’État en 1989 relève bien que là est la question centrale : « Face à ces risques, il faut donner un statut au processus embryonnaire in vitro »69. Pourtant, le rapport conclut qu’ « il n’est pas nécessaire de définir le début de la vie humaine pour légiférer ; il s’agit seulement de réguler un processus de vie »70.
1445. Le rapport Lenoir, en 1991, constate de même que la question centrale dont tout découle est la nature de l’embryon : « C’est la création d’embryons dit "surnuméraires" (c’est-à-dire supplémentaires) à l’occasion des fécondations in vitro, qui a relancé avec force le débat sur le statut de l’embryon »71. Plus clairement encore le rapport signale à propos de la recherche sur l’embryon humain que, « quelle que soit leur utilité du point de vue scientifique et médical, les recherches sur l’embryon humain suscitent de très nombreuses interrogations éthiques, tant dans leur principe que dans leurs modalités. La principale interrogation est d’ordre métaphysique : qu’est-ce qu’un embryon humain ? De la réponse à cette question dépend la légitimité éthique de la recherche sur l’embryon in vitro et donc l’avenir de toute recherche sur l’embryon »72. Mais il est impossible de trancher cette question qui dépend de convictions personnelles : « la question de la recherche sur l’embryon se pose de manière d’autant plus aiguë qu’elle met en jeu des conceptions philosophiques et des croyances »73. Et, tout en reconnaissant que tout dépend de cette question fondamentale, le rapport n’adresse au législateur que des propositions d’encadrement des pratiques : il doit se limiter à « encadrer la recherche sur l’embryon en considération du principe du respect de la dignité humaine »74.
1546. En 1992, le rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Sciences de la vie et droits de l’homme, aboutit à la même conclusion : « Les conceptions éthiques antagonistes sur la nature de l’embryon, respectables en tant que choix individuels, ne seraient pas praticables en tant que choix de société […] La vraie question est de savoir comment l’embryon doit être traité »75.
1647. Les premiers débats au Parlement n’ont pas éclairci la question et le rapport Mattéi, rendu en 1993 entre les deux législatures, recommande la même ligne de conduite. « Il n’est évidemment pas possible de vouloir trancher le débat philosophique sur la personne humaine. La loi ne peut répondre à la question de savoir quand s’impose la réalité de la "personne humaine" au cours de la vie. […] La notion de "personne humaine" relève de convictions philosophiques et métaphysiques et ne s’avère d’ailleurs pas indispensable à la poursuite du raisonnement. Se pose alors la question du statut de l’embryon qui, elle aussi, suscite de nombreuses polémiques obscurcissant le débat. Après avoir longuement réfléchi et consulté, la mission estime qu’il n’est pas possible de se prononcer dans la loi sur le statut de l’embryon »76. En conséquence, « la mission recommande de s’en tenir à la réaffirmation du respect de la vie dès son commencement et de ne pas aborder l’impossible statut de l’embryon »77.
b) Les débats s’ordonnent sur ce postulat
1748. Députés et sénateurs sont d’accord pour constater que l’on « touche forcément, à travers ce débat, à une certaine idée que l’on se fait de la personne humaine »78. Pourtant est éludée la question de savoir si l’embryon est une personne humaine ou non, toujours pour la même raison, à savoir l’impossibilité de dégager un consensus. Les déclarations en ce sens au Parlement sont innombrables : « Il est ainsi des questions sur lesquelles il ne paraît pas opportun de légiférer, telles l’euthanasie ou le commencement de la vie »79, « l’essentiel est de protéger l’embryon. Il est impossible de donner une définition de la vie, qui serait trop personnelle »80, ce texte n’est pas « le cadre approprié pour poser le problème du commencement de la vie. A chacun de trouver sa réponse à cette question qui s’adresse à sa conscience et à ses croyances »81, « Il n’appartient pas en tout cas au législateur de trancher à propos d’une question qui touche à la liberté de conscience »82. Les points de discussion sont nombreux, mais un seul est acquis : ne pas aborder le statut de l’embryon, ne pas se prononcer sur sa qualité ou non de personne humaine. Du coup le débat ne porte plus que sur les principes encadrant les pratiques et leurs modalités de mise en œuvre, c’est-à-dire des questions touchant aux conditions, aux délais, aux autorisations, à l’anonymat, à la gratuité...
1849. Finalement la loi ne contient aucune déclaration de fond, mais seulement des réglementations précises sur tel ou tel aspect. Le constat après le vote de la loi est clair : « Le législateur n’a pas voulu se prononcer sur la nature de l’embryon »83. La loi pose des normes applicables à l’embryon, sans préciser à quel titre il est le destinataire de ces normes. On ne sait pas si c’est en tant qu’être humain, en tant que personne, ou au contraire en tant qu’il n’a pas ces qualités.
1950. La révision des lois de bioéthique ne laisse entrevoir aucune évolution.
2) La révision des lois de bioéthique
2051. La révision des lois de 1994 est prévue par la loi elle-même. À vrai dire, la seule loi qui doive être rediscutée, c’est la loi du ministère de la santé n° 94-654 et, « sauf à ce que le législateur en décide autrement, il n’est pas question de revenir sur les principes fondateurs évoqués dans le texte sur le respect du corps humain »84.
2152. Le rapport sur l’application des lois de 1994 formule les mêmes réserves que ceux qui l’ont précédé : « Il ne nous appartient pas, dans le cadre de ce rapport d’évaluation, de trancher une question qui divise philosophes, chercheurs et praticiens. La diversité des opinions qui s’expriment en France à ce sujet se retrouve dans les solutions adoptées ou envisagées hors de nos frontières et complique l’élaboration d’une position commune, tant à l’échelon européen que dans un cadre international plus large (UNESCO, ONU) »85. En revanche, le rapport ajoute que le législateur, lui, ne pourra se dispenser de prendre parti. Pour les auteurs du rapport, leur travail consiste à préparer « la réflexion du Parlement qui devra nécessairement prendre parti sur cette question controversée lors de la prochaine révision »86. En effet, quoique esquivée, la question réapparaît toujours en ces termes : « Tout dépend, en définitive, de la réponse que l’on apportera à une interrogation philosophique essentielle : l’embryon est-il, dès l’origine, assimilable à une personne humaine ? »87. C’est pourquoi MM. les professeurs Langlois et Lerat reformulent le souhait de l’Ordre des médecins qu’« un statut de l’embryon humain, dont l’absence actuelle favorise les abus, [soit] établi »88.
2253. Le Conseil d’État, dans son rapport du 25 novembre 1999, Les lois bioéthiques : cinq ans après, relève que la question centrale et fondamentale est celle du statut de l’embryon qui « symbolise probablement, à elle seule, les tensions et la difficulté du débat éthique suscité par le développement des sciences de la vie »89. Pour le Conseil d’État, jusqu’à « un passé récent, la question du statut de l’embryon n’avait pas posé de problèmes juridiques insurmontables. […] Cependant, avec le débat sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse et ensuite avec le développement des techniques d’assistance médicale à la procréation conduisant notamment à la création d’embryons in vitro, l’embryon est devenu un sujet d’intenses débats philosophiques, politiques et juridiques avec, au cœur de ceux-ci, deux questions majeures : l’embryon est-il dès sa conception une personne ? De quelles protections doit-il bénéficier aux différents stades de son développement ? »90. Pour autant, la réflexion ne porte pas en fait sur cette question fondamentale mais sur les pratiques sur lesquelles le législateur devra se prononcer et, en particulier, le clonage et l’expérimentation sur l’embryon.
2354. Le débat semble ainsi d’ores et déjà cantonné aux questions techniques portant sur l’encadrement de telle et telle pratique (la recherche et le clonage principalement). La révision n’est envisagée que via les quelques questions concrètes que l’on se propose d’envisager. Dès la première évocation de cette révision à l’Assemblée nationale, lors d’une question au gouvernement posée par Mme Benayoun-Nakache, le ton est donné : « Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous donner des précisions sur les objectifs qui vont guider le gouvernement dans le travail de révision de la loi, notamment en ce qui concerne le statut de l’embryon et le clonage ? »91. M. Kouchner, secrétaire d’État à la santé et à l’action sociale, répond : « dans les deux domaines que vous avez cités, le clonage et la recherche sur l’embryon, les choses et les esprits ont beaucoup évolué en cinq ans »92. Alors que la question lui est précisément posée comme concernant le statut de l’embryon, la réponse est immédiatement recentrée sur deux aspects concrets, la recherche sur l’embryon et le clonage, qui devraient pourtant dépendre de la définition préalable d’un statut.
2455. Le Comité consultatif national d’éthique rend un avis du 25 juin 1998, à la demande du secrétaire d’État à la santé, sur le réexamen des lois de bioéthique93. L’introduction de cet avis précise que le Comité « s’en est tenu dans ses observations aux articles qui lui paraissaient mériter examen » et, de fait, les remarques et suggestions ne portent que sur des points précis de la réglementation existante94.
2556. Il en va de même du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 20 juin 200195. Il contient quatre titres qui traitent de l’examen des caractéristiques génétiques, du don et de l’utilisation des éléments et produits du corps humain, des produits de santé et, enfin, de l’embryologie (en particulier du clonage et de la recherche sur l’embryon). Ni le texte du projet ni même l’exposé des motifs ne prévoient d’éléments de discussion de fond, mais ils portent seulement sur les dispositions techniques de réglementation. On retrouve, omniprésent, le souci d’aboutir à un consensus, ce qui apparaît notamment dans le rapport d’information préparatoire au projet de loi : « La bioéthique met le politique aux prises avec des questions de principe essentielles. La recherche sur l’embryon, le clonage, la médecine prédictive, tous les sujets abordés dans le cadre des lois bioéthiques conduisent chacun d’entre nous à interroger sa conscience. Chaque parlementaire aborde ces problèmes selon ses convictions personnelles. Mais, conformément au principe de l’intérêt général, le législateur se doit d’aller au-delà et de rechercher, dans le cadre d’un débat ouvert, le point d’équilibre qui rende compte de l’état de la société vis-à-vis de ces questions »96. L’idée d’aboutir à un consensus sur la nature de l’embryon, sur sa qualité de personne, est ici abandonnée. Le consensus recherché ne vise plus que certaines pratiques comme l’expérimentation et le clonage.
2657. En soi, l’examen de ces questions (la recherche sur l’embryon et le clonage) pourrait être l’occasion de s’interroger sur la nature de l’embryon qui en est l’objet, ne serait-ce que pour en discuter la légitimité, mais cette première étape ne semble que formelle. Le débat ne porte pas vraiment sur la légitimité en elle-même de la recherche, dont le principe semble acquis avant tout débat. Le projet prévoyait à l’origine l’ouverture de la recherche97. Le Sénat a certes inversé le principe, et posé le principe de l’interdiction des recherches, avec des exceptions98. Mais le résultat est le même : le débat porte sur les conditions de mise en œuvre de ces exceptions, leur légitimité n’est pas discutée en soi. Si le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis rendu le 18 janvier 2001 sur l’avant projet de loi, relève que « la question posée [est] celle de la reconnaissance éventuelle par le droit français de nouvelles possibilités de recherche sur les embryons, justifiées par de nouvelles perspectives thérapeutiques »99, en fait la question est traitée en termes techniques d’encadrement et non de discussion sur le fond.
27En ce qui concerne le clonage, il faut l’objet d’une réprobation unanime dans sa forme reproductive. Dans sa forme dite thérapeutique, après avoir été envisagé à l’Assemblée nationale il est finalement interdit via l’interdiction de la recherche sur l’embryon par le Sénat. Mais ce n’est toujours pas la question fondamentale de la nature de l’embryon qui sert de fondement à cette réflexion.
2857 bis. Le rapport de monsieur Francis Giraud, rendu au Sénat en première lecture, se situe exactement dans la même perspective que ses prédécesseurs.
29Dès l’introduction, l’auteur relève que « la question de l’embryon est sans nul doute le point le plus délicat abordé par le projet de loi : tel fut-il en 1994, tel reste-t-il aujourd'hui »100. Le rapport salue ensuite l’attitude du législateur de 1994, qui « avait renoncé à définir son statut juridique, se tenant ainsi prudemment à l’écart d’un débat philosophique et biologique que nul ne saurait prétendre trancher d’autorité »101, puisque le statut de l’embryon est « une question éthique, philosophique, culturelle et scientifique qui reste sous l’empire des convictions de chacun »102. Il préconise logiquement de persévérer dans cette attitude : « à défaut de définir son statut juridique, il est possible et même nécessaire de décider de son sort »103.
3057 ter. Le rapport Fagniez, rendu à l’Assemblée nationale en deuxième lecture en avril 2003, est dans la continuité. On y lit que « la question du statut de l’embryon est délicate, voire impossible à trancher, car elle met en cause des préoccupations biologiques, philosophiques voire religieuses très complexes »104. Le rapport rappelle que « le législateur de 1994 s’est […] cantonné à conférer à l’embryon un statut médical en encadrant les pratiques concernées »105. Auditionné par la commission des affaires culturelles, le ministre de la justice le redit, plus explicitement que jamais : « Nous ne légiférons pas sur "l’être" mais sur le "devoir-être" de la personne et sur l’attitude que nous devons avoir à son égard »106.
3158. Si le législateur se contente de poser des normes techniques le juge, lui, se borne à les appliquer.
B - Les juges se bornent à appliquer les normes posées par le législateur
3259. Les juridictions tentent de se cantonner dans le cadre légal et de statuer avec les éléments que leur donne la loi. La Cour d’appel de Paris, à propos d’une affaire d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, affirme que « le juge n’a pas à statuer en dehors [du] cadre légal, qu’il sortirait manifestement de son rôle s’il le faisait, risquant ainsi de s’ériger en moraliste ou en philosophe, […qu’]à cet égard on peut rappeler que d’éminents scientifiques n’ont pas déterminé de façon précise et univoque le début de la vie humaine[…et que] le juge ne peut donc que s’en remettre à la loi »107. De la même manière, la Cour d’appel de Lyon déclare qu’il n’incombe nullement aux juges « de se prononcer sur le statut de l’embryon ou de l’enfant à naître, ni de fixer le point de départ de la vie, notions sur lesquelles les plus hautes autorités philosophiques, morales et scientifiques ne parviennent pas à se rassembler »108. À partir du moment où définir la personne humaine est conçu comme une prise de position (morale, éthique, philosophique, religieuse ou autre), les juges ne sont pas plus compétents que n’importe qui pour trancher la question. En outre ils ne vont pas s’attribuer une compétence que le législateur lui-même ne se reconnaît pas. Ils doivent donc trancher les affaires qui leur sont soumises sans se prononcer sur la notion de personne humaine.
3360. Les juridictions françaises ne sont pas les seules à se heurter à cette difficulté et la Cour suprême des États-Unis affirmait, dans l’affaire célèbre Roe contre Wade, que la question « de savoir quand commence une vie humaine est encore trop controversée pour que la Cour puisse prendre position sur le sujet »109. Les instances européennes refusent de se prononcer sur une question considérée comme relevant d’un choix personnel, en l’occurrence d’un choix qui appartient aux États et que la Commission et la Cour ne sauraient trancher. La Commission ne manque pas une occasion de relever « les divergences de points de vue sur la question du moment où commence la vie. D’aucuns estiment qu’elle commence dès la conception alors que d’autres ont tendance à insister sur le moment de la nidation, sur celui où le fœtus devient "viable" ou encore sur celui où il naît vivant »110. Dans une autre affaire, elle relève qu’il est clair « que les lois nationales sur l’avortement diffèrent considérablement. Dans ces conditions et à supposer que la Convention puisse être considérée comme ayant quelque influence à cet égard, la Commission estime que, dans un domaine aussi délicat, les États contractants doivent jouir d’un certain pouvoir discrétionnaire »111. Et la Commission, dans une décision du 13 mai 1980112, relève à propos de sa propre jurisprudence que « la question de savoir si l’enfant à naître bénéficie des garanties de l’article 2 a été expressément laissée indécise ».
3461. Les juges estiment donc que leur rôle n’est pas de définir de façon abstraite la personne et l’embryon et, chaque fois qu’elles le peuvent, les juridictions prennent grand soin de préciser que l’affaire qui leur est soumise ne consiste pas non plus à qualifier les individus concrets au sujet desquels elles sont saisies. La Cour d’appel d’Agen, à laquelle il est demandé si une mineure peut consentir valablement à l’adoption de son enfant, introduit son raisonnement par cette réserve : « sans entrer dans la discussion sur la personnalité du fœtus »113.
3562. Le Tribunal de grande instance de Rennes, saisi par une veuve d’une demande en vue d’obtenir le transfert d’embryons in vitro après le décès de son mari114, commence par préciser que la question « posée au tribunal n’est pas de savoir si l’embryon, même congelé, est un être vivant, titulaire d’un droit à la vie et par suite déjà doté d’une personnalité. Cette question ne se poserait que si le CECOS envisageait de supprimer purement et simplement l’organisme conçu par les époux O. »115. Ceci est d’ailleurs surprenant, car le tribunal doit se prononcer sur la validité de la convention passée entre le couple et le CECOS. Or, si en soi la validité de la convention ne dépend pas seulement de ce que l’embryon est une personne ou non116, c’est pourtant en ces termes que le tribunal pose la question car, pour lui, la convention portant sur la congélation de l’œuf fécondé « n’est alors licite que si cet œuf fécondé n’est pas une personne humaine »117. Cependant, les juges esquivent la question en considérant que, valable ou pas, de toute façon la convention ne prévoit pas le transfert118.
3663. La Cour d’appel de Toulouse fait de même. Elle ne recherche pas si l’embryon peut faire l’objet d’une convention car elle constate que, la lutte contre la stérilité « constituant la cause exclusive des engagements réciproques, la disparition de cette cause emporte dissolution des engagements […] Or, le couple s’étant trouvé dissout avant implantation des deux derniers embryons congelés, la cause a disparu. Par suite, l’engagement s’est défait et ne peut plus produire aucun effet »119. Qu’il soit valable ou non importe peu pour l’issue du litige, puisque l’engagement est dissout par la mort du mari. Il est vrai que le rôle des juges est de régler les affaires qui leur sont soumises et non de poser des principes, ce qui explique qu’ils se contentent de régler l’affaire sans aborder un débat inutile en l’espèce. Mais ces décisions manifestent bien la réserve des juges sur cette question.
3764. La Cour européenne des droits de l’homme n’est pas plus empressée à aborder la question de front : dans sa décision Open Door en 1992, elle « relève d’emblée qu’elle ne se trouve pas appelée, en l’espèce, à déterminer si la Convention garantit un droit à l’avortement ou si le droit à la vie, reconnu par l’article 2, vaut également pour le fœtus »120. Même réticence dans les arrêts de la Cour suprême du Canada, qui évite de se prononcer sur la question de savoir si l’enfant à naître est protégé par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, aux termes duquel « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale »121.
3865. En dépit de ce souci officiel de neutralité quant à la définition de la personne humaine, la pratique du droit, lors de l’adoption et de l’application des règles, aboutit au résultat inverse. C’est pourquoi cette soit-disant neutralité est une illusion.
SECTION II – LA RÉALITÉ : L’ILLUSION DE CETTE NEUTRALITÉ
3966. Après ce constat qu’il est difficile, sinon impossible, de se mettre d’accord sur une définition de l’homme, on se résigne à se passer d’une telle définition. Et la conséquence d’un tel renoncement est, en fait, l’adoption d’une définition. Le scénario est le suivant : « il est impossible de savoir ce qu’est l’homme ... Nous considérerons donc que l’homme c’est... ». M. Kouchner déclare, par exemple, lors d’un débat à l’Assemblée nationale le 20 novembre 1992 : « Nous n’aborderons pas ici le débat sur le statut de l’embryon humain, car, nous le savons, trop de divergences philosophiques [vous] séparent […] Nous en resterons à la définition de potentialité de personne »122. Outre que le postulat (il est impossible de savoir ce qu’est l’homme, ou ce qu’est l’embryon...) est largement contestable, ceci permet, tout en refusant d’emblée le débat (il est impossible de... nous n’aborderons pas...), de le trancher... sans débattre (ce sera donc cela) !
4067. L’idée de choix est donc une illusion car, d’une part, c’est un parti pris de départ et, d’autre part, cela revient à se prononcer dans le débat.
I - Un choix de départ
4168. Il y a en la matière deux possibilités. La première consiste à affirmer que la nature des êtres et, en particulier, de l’embryon est à rechercher et non à décider : affirmer que la notion d’homme a un contenu sur lequel nous n’avons pas de marge d’appréciation consiste à poser un principe. La seconde possibilité revient à dire que la réalité est impuissante à nous révéler de façon certaine les limites de la notion d’homme, particulièrement au sujet de l’embryon : affirmer cette solution revient également à poser un principe. En l’occurrence, ce principe est que les frontières de la réalité homme dépendent des gens, des croyances, des époques, des circonstances... On choisit de laisser à chacun le choix de l’idée personnelle qu’il a de l’homme, de mettre cette question au rang des affaires d’opinion. Ceci constitue un principe premier, un parti pris qui n’est absolument pas indifférent. C’est pourquoi M. Rémy fait remarquer que les « pluralistes, en faisant semblant de ne pas choisir, ont choisi de laisser choisir »123.
4269. Ce choix du système du choix, qui demanderait au moins à être discuté, est loin d’être indifférent. On peut même dire qu’ « il n’est pas exact, et même très périlleux, de penser que la protection de la vie humaine est une question subjective, relevant de la seule conscience individuelle de chacun. Si cela était le cas, on ne verrait plus alors quel serait le rôle du droit dans la société »124. En outre le fait de laisser choisir constitue également un choix quant au contenu de la définition de l’homme soi-disant laissée à l’appréciation personnelle.
II - Un choix dans le débat
4370. L’élaboration comme l’application des normes juridiques obligent le législateur et les juges à qualifier les êtres, c’est-à-dire à se prononcer sur la définition de la personne humaine.
A - Les normes révèlent la nature des êtres qu’elles concernent
4471. Le législateur pense qu’il ne prend pas parti en ne qualifiant pas. En pratique son attitude passive révèle une prise de parti, car les normes adoptées expriment toujours quelque chose de plus fondamental. Le ministre de la santé l’avait clairement dit lors de la discussion des lois bioéthiques : « cette loi reflètera notre conception de l’homme […] chacun admet que ce n’est pas à la loi de définir la vie. Il est indéniable pourtant que cette loi reflètera notre conception de l’homme »125. C’est pourquoi le législateur « commettrait alors une grave erreur en s’abstenant de définir l’embryon sous prétexte que cela est impossible, ou que cela relève de la philosophie, voire des croyances de chacun. […] cette abstention constitue par elle-même un choix ; en fait, dans ce domaine, ne pas choisir équivaut dans la pratique à choisir la réification de la vie humaine : l’embryon sera considéré et traité comme une "chose" »126. On ne peut prétendre à la fois ne pas prendre parti sur la nature de l’embryon et prendre le risque de prévoir sa destruction systématique après cinq ans de conservation. Si on confronte la règle selon laquelle la loi protège l’être humain dès le commencement de sa vie (article 16 du Code civil) et celle selon laquelle les embryons doivent être détruits au bout de cinq ans, il est clair que cette dernière dénie aux embryons la qualité d’être humain. Ou alors, il faut revoir le principe posé par l’article 16 et le nuancer. Comme le fait remarquer M. Mémeteau127, « le législateur qui reconnaît son incompétence pour prononcer une qualification ne peut sans se contredire accepter des faits présupposant cette qualification ». D’où la légitime interrogation de M. Gridel : « La mise en œuvre de telles pratiques ne dépend-elle pas d’une position de principe quant à la nature de l’embryon ? »128. En effet les pratiques révèlent, indirectement mais nécessairement, une position de principe.
4572. Toutes les précautions de langages prises pour affirmer la neutralité sont vaines. Prétendre ne rien dire des questions fondamentales est voué à l’échec car, s’il n’y a pas de réglementation, cela revient concrètement à approuver ce qui se fait et, s’il y a des règles, elles reflètent une prise de position, une conception qui se trouve ainsi implicitement établie dans la loi. On peut certes penser préférable d’« abandonner le terrain de l’ontologie, et [chercher] les bases d’une entente qui serait pratique : la question serait moins de savoir si l’embryon est, ou n’est pas, une personne, que de définir les règles de bonne conduite à son égard »129. Mais le problème n’est que déplacé, car il faut bien se référer à quelque chose pour apprécier ces règles de "bonne conduite". Au regard de quoi telle ou telle conduite sera bonne, moins bonne, ou mauvaise, si l’on ne sait pas ce qu’est l’être en question ? On retombe nécessairement sur une ontologie, quel que soit le nom qu’on lui donne130. Il faudra bien donner un contenu à cet impératif catégorique que constitue la définition de règles de bonne conduite. C’est pourquoi faire semblant de ne pas prendre parti sur la nature de l’embryon est en fait une prise de position, à ceci près qu’elle se passe de justification.
4673. De la même manière, c’est en vain que les juges s’efforcent de rester neutres dans le débat sur la définition de la personne humaine.
B - L’application des normes oblige à qualifier les individus
4774. La réserve des juges ne peut être que théorique car ces derniers doivent trancher les affaires qui leur sont soumises et chaque décision exprime une prise de position. La cour qui doit décider si le médecin, qui a pratiqué une interruption volontaire de grossesse par erreur, est coupable d’homicide par imprudence sur la personne du fœtus ou seulement de blessures involontaires sur la personne de la mère, ne peut éviter de se prononcer sur la nature du fœtus. Le juge auquel on demande d’appliquer la protection de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme à un enfant conçu doit déterminer si l’enfant conçu entre dans le champ d’application de la convention, c’est-à-dire s’il est une personne. Et il apparaît bien que de « telles questions renvoient à ce qu’il y a de plus essentiel pour l’homme et conduisent le juge à s’interroger sur les limites de l’existence et de la personne »131.
4875. Ainsi, ne pas prendre parti sur le statut de l’embryon revient concrètement à lui en conférer un : la cour d’appel qui affirme que « ni [les] textes de droit interne, ni aucun texte de droit international applicable en France, ne conduisent à une définition ou à un statut de l’embryon humain avant la fin de la dixième semaine », en conclut que « pendant cette même période, l’embryon ne saurait, en l’état actuel du droit, être considéré comme une personne humaine titulaire de droits subjectifs propres et exclusifs »132. Le juge, qui écarte le fœtus du champ de la Convention européenne des droits de l’homme, lui dénie la qualité de personne : il se prononce ainsi sur la définition de la personne qui ne comprend pas le fœtus. Sinon, on se demande au nom de quoi il écarterait l’application de ce texte. La seule raison valable est que la condition d’application de ce texte défaille, c’est-à-dire que l’individu en question n’est pas une personne. Il en va de même de l’application de tous les textes qui ont pour bénéficiaire l’être humain ou la personne humaine. Chaque fois qu’un juge applique ou au contraire écarte un tel texte, il qualifie l’être concerné.
4976. Puisque la notion de personne humaine se voit, en définitive, conférer un contenu par le droit, comment expliquer cette réticence à se prononcer clairement sur le sujet ? Cette réticence s’explique par un souci de se ménager pour l’avenir une certaine liberté sur les questions qui dépendent de cette notion et, en particulier, de la nature que l’on veut bien reconnaître à l’embryon. Comme le relève Mme Meulders-Klein, qu’il « s’agisse d’homme ou d’être humain au sens générique du terme, la définition qui fit toujours défaut tant elle paraissait évidente n’est plus jamais abordée de front tant une définition objective des frontières de l’humanité, et partant du droit au respect de la dignité, risquerait de restreindre les libertés permises. C’est vrai de l’embryon humain, condamné in utero bien avant de l’être ex-utero à devenir tour à tour objet des non-désirs, des désirs ou des utilités. On lit ici entre les lignes les problèmes de l’ivg, des procréations médicalement assistées et de l’expérimentation sur embryons, désormais inextricablement enchevêtrés »133. Ce souci de ménager pour l’avenir une certaine liberté se comprend, mais n’est-ce pas inutile lorsque l’on constate que la loi qui a inauguré la possibilité des atteintes à l’enfant à naître, la loi de 1975 dépénalisant l’I.V.G., a justement commencé par dire dans son article 1er que l’être dont elle permettait la destruction était un être humain ?134. Le législateur de 1975 n’a pas craint de dire explicitement que l’embryon était un être humain. Si une telle affirmation n’a pas fait obstacle à l’avortement, est-elle susceptible de fermer la porte à d’autres pratiques, comme l’expérimentation ou la destruction ?
5077. Quoi qu’il en soit, législateur et juges ne peuvent éviter de se prononcer sur la définition des notions d’être humain et de personne humaine. Mais cela se fait au cas par cas, dans le désordre.
Notes de bas de page
53 Cour européenne des droits de l’homme, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande, Série A : arrêts et décisions, vol. 246, R.F.D.C., 1993, p. 216 ; R.T.D.S.S., 1993, p. 32.
54 Comité consultatif national d’éthique, Avis n° 5 du 13 mai 1985, sur les problèmes posés par le diagnostic prénatal et périnatal, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 3621.
55 P. CLEMENT, J.O.A.N., 1994, C.R., p. 3274.
56 A. FAGOT-LARGEAULT et G. DELAISI DE PARSEVAL, « Qu’est-ce qu’un embryon ? Panorama des dispositions philosophiques actuelles », Esprit, juin 1989, p. 87. Les déclarations de ce genre sont innombrables. M. Sérusclat, par exemple, déclare que « de la croyance choisie par chacun dépendent - en partie - les réponses aux questions qu’imposent les progrès de la science […] aucune "question clef" n’a de réponse univoque. Parmi des réponses contradictoires ou plus ou moins nuancées, chaque parlementaire aura un choix à faire » (FR. SERUSCLAT, Les sciences de la vie et les droits de l’homme : bouleversement sans contrôle ou législation à la française ?, Economica, 1992, p. 27).
57 J.-F. MATTEI, La vie en question, pour une éthique biomédicale, rapport à monsieur le Premier ministre, 15 novembre 1993, Paris, La Documentation française, Coll. « Rapports officiels », 1994, p. 2.
58 Ibid., p. 8.
59 L. SEVE, Pour une critique de la raison bioéthique, éd. Odile Jacob, 1994, p. 37.
60 Le rapport du Comité d’éthique, avant que ce dernier ne rende son premier avis en 1984, est exemplaire sur ce point : « L’utilisation des embryons humains à des fins thérapeutiques ou scientifiques suscite de profondes et graves divergences éthiques. Certains estiment que toute utilisation doit être condamnée, d’autres, à l’inverse, pensent que l’embryon mort n’est qu’un matériau biologique dont la manipulation ne suscite aucune réserve éthique, d’autres enfin, cherchant un juste milieu s’efforcent de préserver le respect dû à l’embryon en précisant les utilisations légitimes qui peuvent en être faites.
Etant donné le caractère conflictuel d’un débat ouvert dans l’opinion publique, il convient d’en mesurer toutes les données et d’élaborer un avis qui prenne en compte les divergences et qui rende compte du pluralisme des opinions éthiques des Français.
Ceci doit avoir pour conséquence une analyse et une évaluation des intérêts contradictoires en jeu afin d’aboutir à un compromis basé sur la hiérarchie de ces intérêts au regard des fins poursuivies ».
61 G. BRAIBANT, op. cit., p. 15.
62 J.-F. MATTEI, op. cit., p. 35. Le rapport ajoute cependant : « Il va de soi que […] la représentation nationale […] ne doit pas hésiter à s’écarter, si elle l’estime juste, d’un consensus observé chez les Français sur tel ou tel point ».
63 Y. ROUDY, présidente de la commission spéciale, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5714.
64 P. CLEMENT, J.O.A.N., 1994, C.R., p. 3274.
65 J. SAVATIER, in La personne humaine face aux sciences biomédicales, 200 ans après la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789, Publications des facultés de Droit, de Médecine et de Pharmacie et du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Poitiers, Litec, 1990, p. 8.
66 N. LENOIR, Aux frontières de la vie, rapport au Premier ministre, La Documentation française, Coll. « Rapports officiels », 1991, p. 48. Les trois types de réponses sont : 1) « l’embryon est déjà une personne humaine », 2) « l’embryon, jusqu’à un certain stade, n’est qu’un simple amas de cellules indifférenciées », 3) « l’embryon est un être humain en devenir, une "personne humaine potentielle" ».
67 Ibid., p. 200.
68 Voir aussi B. BIOULAC, Rapport de la mission d’information sur la bioéthique de l’Assemblée nationale, Document Assemblée nationale n° 2871, 2ème session ordinaire, 1991-92.
69 G. BRAIBANT, op. cit., p. 82. M. Braibant déclare dans un interview au Monde le 1er janvier 1992 : « Nous n’avions pas, pour notre part, tenté de donner un statut à l’embryon humain. Nous avions parfaitement saisi qu’il s’agissait là d’un problème beaucoup trop délicat et nous croyions nécessaire de traiter l’embryon de façon pragmatique, c’est-à-dire à travers les différents problèmes qu’il peut poser ».
70 Ibid. p. 83.
71 N. LENOIR, op. cit., p. 33.
72 Ibid., p. 47.
73 Ibid., p. 203.
74 Ibid., p. 200.
75 F. SERUSCLAT, op. cit., p. 113.
76 J.-F. MATTEI, op. cit., pp. 90-91.
77 Ibid., p. 92.
78 Y. ROUDY, présidente de la commission spéciale, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5724.
79 B. BIOULAC, séance du 19 novembre 1992, J.O.A.N., C.R., 1992, p. 5723.
80 M. Méhaignerie ajoute le 14 avril 1994 (Compte rendu analytique, Sénat n° 61, 13 janvier 1994, col. 56) : « Je ne pense pas que, pour définir l’embryon, le législateur puisse trouver des éléments incontestables sur lesquels s’appuyer, ni même un large consensus. […] Le statut juridique de l’embryon est une question "insoluble". Il est donc plus sage de s’en tenir à ce que tous reconnaissent comme une nécessité absolue : protéger l’embryon ».
81 E. HUBERT, 2ème séance du 20 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5802.
82 G. MILLET, 3ème séance du 20 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5833.
83 A. CLAEYS et C. HURIET, Rapport sur l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, n° 1407 Assemblée nationale et n° 232 Sénat, 18 mars 1999, p. 83.
84 J.-F. MATTEI, « Vers une révision des lois "bioéthiques" ? Les lois dites de bioéthique : 5 ans après », in Les lois bioéthiques à l’épreuve des faits, Réalités et perspectives, sous la direction de Brigitte Feuillet-Lemintier, P.U.F., 1999, p. 330.
85 A. CLAEYS et C. HURIET, op. cit., p. 128.
86 Ibid., p. 129.
87 FR. STASSE et FR. SALAT-BAROUX, audition pour le rapport sur l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994…, op. cit.
88 J. LANGLOIS et M. LERAT, audition pour le rapport sur l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 …, op. cit. L’Ordre national des médecins, le 2 juillet 1998, sous la signature du professeur Langlois, avait en effet demandé qu’un statut de l’embryon fût établi, afin d’éviter les abus : « Il est souhaité qu’un statut de l’embryon humain soit établi, car son absence actuelle faciliterait des abus et rend difficile les pratiques modernes en AMP” (Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, Bull. n° 70, p. 8276).
89 Les lois de bioéthique : cinq ans après, Conseil d’État - Section du rapport et des études, remis à Lionel JOSPIN en novembre 1999, La Documentation française, Coll. « Etudes du Conseil d’État », 1999, p. 17.
90 Ibid., pp. 17-18.
91 Y. BENAYOUN-NAKACHE, 1ère séance du 7 avril 1999, J.O.A.N., 8 avril 1999, n° 33 A.N. (R.R.), p. 3367.
92 B. KOUCHNER, 1ère séance du 7 avril 1999, J.O.A.N., 8 avril 1999, n° 33 A.N. (R.R.), p. 3367.
93 Comité consultatif national d’éthique, Avis n° 60 du 25 juin 1998, sur le réexamen des lois de bioéthique, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4412.
94 Le Comité aborde aussi des questions n’entrant pas dans le cadre de la loi de 1994 mais pouvant être examinées par le législateur, mais il s’agit encore de pratiques précises, il n’est pas question de définir un statut de l’embryon.
95 Projet de loi relatif à la bioéthique, déposé à l’Assemblée nationale le 20 juin 2001, Document Assemblée nationale n° 3166.
96 A. CLAEYS, Rapport d’information déposé par la mission d’information commune préparatoire au projet de loi de révision des "Lois bioéthiques" de juillet 1994, Document Assemblée nationale n° 3208, 27 juin 2001, p. 15.
97 Article L. 2151-3 du code de la santé publique adopté en première lecture par l’Assemblée nationale : « Est autorisée la recherche menée sur l’embryon humain et les cellules embryonnaires qui s’inscrit dans une finalité médicale, à condition qu’elle ne puisse être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques » (article 19 du projet de loi relatif à la bioéthique, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, Document Assemblée nationale n° 763, 22 janvier 2002).
98 Article L. 2151-3 du code de la santé publique, modifié en première lecture par le Sénat : « La recherche sur l’embryon humain est interdite. […] Par dérogation au premier alinéa, et pour une période limitée à cinq ans […] les recherches peuvent être autorisées lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs […] » (article 19 du projet de loi modifié par le Sénat relatif à la bioéthique, Document Sénat n° 63, 30 janvier 2003).
99 Comité consultatif national d’éthique, Avis n° 67, 18 janvier 2001, sur l’avant-projet de révision des lois de bioéthique, Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies, p. 4591. « La question de la légitimité et des limites éthiques de la recherche sur les embryons humains a fait l’objet, de la part du CCNE, et depuis ses premiers travaux, de nombreuses réflexions et de plusieurs avis motivés. Ces réflexions s’inscrivent dans un débat philosophique et éthique qui n’est pas clos et qui ne le sera peut-être jamais. La position de fond défendue par le Comité consiste à reconnaître l’embryon ou le fœtus comme une personne humaine potentielle, dont le respect s’impose à tous. Les avis successifs sur le sujet manifestent le souci d’accorder cette exigence de respect à d’autres requêtes éthiquement recevables. Tel est aujourd’hui le cas, la question posée étant celle de la reconnaissance éventuelle par le droit français de nouvelles possibilités de recherche sur les embryons, justifiées par de nouvelles perspectives thérapeutiques ».
100 FR. GIRAUD, Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique, Document Sénat n° 128, 15 janvier 2003, p. 9.
101 Ibid.
102 Ibid., p. 22.
103 Ibid.
104 P.-L. FAGNIEZ, Rapport sur le projet de loi modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique, Document Assemblée nationale n° 761, 1er avril 2003, p. 156.
105 Ibid.
106 Ibid.
107 Paris, 15 février 1996, cité par Crim., 5 mai 1997, Bull. crim., n° 168.
108 Lyon, 15 mai 1996, 7ème chambre, arrêt n° 340, cité par Crim., 2 septembre 1997, non publié.
109 C.S., 1973, Roe v. Wade, 92 S. Ct. 705 (arrêt cité in Travaux de l’association H. Capitant, Le corps humain et le droit, tome XXVI, 1975, p. 70). L’arrêt affirme en outre: « We need not resolve the difficult question of when life begins. When those in the respective disciplines of medicine, philosophy, and theology are unable to arrive to any consensus, the judiciary, at this point of the development of man’s knowledge, is not in a position to speculate as to the answer ».
110 Commission, décision du 13 mai 1980, X. contre Royaume-Uni, requête n° 8416/79, Décisions et rapports, vol. 19, p. 244
111 Commission, décision du 19 mai 1992, requête n° 17004/90, Décisions et rapports, vol. 73, p. 155.
112 Commission, décision du 13 mai 1980, précité. Dans une autre affaire, c’est le compagnon de la femme ayant avorté qui a vu sa requête reçue par la Commission (requête n° 17004/90, H. c/Norvège, 19 mai 1992, Décisions et Rapports, vol. 73, p. 155).
113 Agen, 14 décembre 1995, J.C.P., G., 1997.II.22749.
114 Le processus de procréation médicalement assistée peut prévoir la fécondation in vitro d’embryons et le transfert postérieur de ceux-ci dans l’utérus de la femme. Un contrat est passé entre le couple qui recourt à la procréation médicalement assistée et le centre médical qui fournit cette assistance. L’homme étant décédé avant le transfert, la femme demande le transfert des embryons. Devant le refus du CECOS (Centre de conservation du sperme) de remettre les embryons pour un tel transfert post mortem, les tribunaux sont saisis de la question de la validité des contrats passés entre le couple et le CECOS : soit c’est la validité du contrat qui est invoquée pour demander l’exécution de ce contrat (le CECOS invoque l’exécution du contrat qui prévoit que l’accord doit être renouvelé à chaque étape du processus et donc avant le transfert, pour justifier son refus), soit c’est sa nullité pour justifier de ne pas en respecter les clauses (la femme invoque la nullité du contrat pour pouvoir passer outre l’impossibilité de renouveler les consentements).
115 TGI Rennes, 30 juin 1993, J.C.P., G., 1994.II.22250, note Cl. Neirinck. Il faudra bien que le CECOS fasse un jour quelque chose de l’embryon, ce qui aboutira, à moins d’un don à un autre couple, à sa destruction.
116 D’une part ce n’est pas parce que l’embryon est considéré comme une chose que toute convention est automatiquement licite. D’autre part ce n’est pas parce qu’il est considéré comme une personne que toute convention le concernant est automatiquement nulle, en témoigne la validité des conventions passées dans le cadre des procréations médicalement assistées aujourd’hui organisées par la loi.
117 TGI Rennes, 30 juin 1993, précité.
118 En effet, elle décompose le processus de la procréation médicalement assistée et laisse « à un accord distinct et renouvelé, donc à une autre convention, la décision sur la seconde phase de cette procréation : la réimplantation », en l’espèce cet accord n’a pas pu être renouvelé. Le tribunal recherche donc si le consentement n’a pas été exprimé par d’autres voies. Le consentement du défunt est douteux, celui du CECOS est clairement absent. Par conséquent, peu importe que le contrat soit licite ou pas car il n’est pas possible d’obtenir la réimplantation sur son fondement. Quand bien même il serait licite, de toute façon il ne prévoit pas le transfert post mortem.
119 Toulouse, 18 avril 1994, J.C.P., G., 1995.II.22472, note Cl. Neirinck.
120 Cour européenne des droits de l’homme, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande, R.T.D.S.S., 1993, p. 32.
121 Morgentaler, [1988] 1 R.C.S., p. 30. La Cour suprême est saisie de la question de savoir si les dispositions de l’article 251 du code criminel canadien, qui posent les limites et conditions à la faculté d’avorter, violent le droit de la femme défini à l’article 7 de la Charte. La Cour estime que l’article 251 « constitue clairement une atteinte à l’intégrité physique et émotionnelle d’une femme » (Le juge en chef Dickson et le juge Lamer, p. 32). Ces limitations à la liberté d’avorter sont-elles en « conformité avec les principes de justice fondamentale », comme le prévoit l’article 7 ? Pour répondre à la question il faudrait se demander si la protection du fœtus justifie cette atteinte. La Cour répond qu’il n’est pas nécessaire de se poser la question car, quand bien même le fœtus serait lui aussi protégé par la Charte, de toute façon les mesures prises pour sa protection sont excessives. « Vu la conclusion que l’art. 251 contient des règles inutiles pour la protection du fœtus, il n’est pas nécessaire de décider si un fœtus est visé par le mot "chacun" à l’art. 7 de la Charte de façon à avoir le droit "à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne" en vertu de la Charte » (Les juges Beetz et Estey, p. 36). Dans une autre affaire, elle rejette un pourvoi lui posant directement la question, au motif qu’il est théorique et que l’appelant n’a plus qualité pour agir. La Cour n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire au fond parce que, entre autres raisons, une décision « sur la question de savoir si les art. 7 et 15 de la Charte protègent les droits du fœtus n’est pas dans l’intérêt public vu l’état d’incertitude qui pourrait résulter d’une telle décision en dehors de tout contexte législatif » (Borowski, [1989] 1 R.C.S., p. 345). Enfin, dans l’affaire Tremblay contre Daigle, elle ne se prononce toujours pas : « La Charte canadienne ne peut être invoquée en l’espèce pour fonder l’injonction. Il s’agit d’une action civile entre deux particuliers et aucune mesure de l’État n’est attaquée » (Tremblay c. Daigle, [1989] 2 R.C.S., pp. 532-533). En revanche, dans cette décision, la Cour se prononce par la négative sur le fait de savoir si le fœtus est visé par le terme d’être humain employé par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec : « L’injonction doit être annulée parce que les droits substantifs invoqués pour l’appuyer - les droits du fœtus ou les droits du père en puissance - n’existent pas. Le fœtus n’est pas compris dans le terme "être humain" employé dans la Charte québécoise et, par conséquent, ne jouit pas du droit à la vie conféré par son art. 1 » (p. 531). Le compagnon d’une femme enceinte, père de l’enfant non encore né, avait obtenu en Cour supérieure une injonction interlocutoire empêchant l’avortement. Le juge avait décidé que le fœtus est un "être humain" au sens de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et jouit en conséquence d’un "droit à la vie" garanti par l’art. 1er.
122 B. KOUCHNER, 1ère séance du 19 novembre 1992, J.O.A.N., C.R., 20 novembre 1992, p. 5731.
123 PH. REMY, « Le mythe du pluralisme législatif », R.R.J., 1983, p. 91. Il fait lui-même allusion à une conférence de Christian ATIAS, « Le mythe du pluralisme civil en législation », (R.R.J., 1992-2, p. 252 in fine) et, en particulier, il renvoie à cet extrait : « Ou plutôt, les pluralistes ont choisi. Ils ont prétendu ne pas choisir entre des comportements pour choisir plus librement. Tel est le mythe ! ».
124 R. ANDORNO, « Les droits nationaux européens face à la procréation médicalement assistée : primauté de la technique ou primauté de la personne ? », R.I.D.C., 1994, p. 150.
125 B. KOUCHNER, 1ère séance du 19 novembre 1992, J.O.A.N., 1992, C.R., p. 5727.
126 R. ANDORNO, op. cit., p. 150.
127 G. MEMETEAU, « L’embryon législatif », D., 1994.360.
128 J.-P. GRIDEL, Notions fondamentales de droit et droit français, Dalloz, 2e éd., 1994, p. 713.
129 A. FAGOT-LARGEAULT et G. DELAISI DE PARSEVAL, « Qu’est-ce qu’un embryon ? Panorama des dispositions philosophiques actuelles », Esprit, juin 1989, p. 87
130 Pour ces auteurs « il se trouve que les déontologies ébauchées jusqu’ici impliquent une ontologie "intermédiaire" » (Ibid.).
131 Ch. MAUGUE et L. TOUVET, Chronique générale de jurisprudence administrative française, médecine, A.J.D.A., 1993, p. 530. Cette remarque est faite à propos du respect dû à tout être humain dès le commencement de sa vie et de la frontière entre la vie et la mort dont le Conseil d’État a eu à connaître dans les arrêts C.E., 21 décembre 1990 (D., 1991.283 ; Rec. Lebon, p. 369, concl. Stirn), et C.E., 2 juillet 1993, Milhaud, rec. Lebon., p. 194.
132 Versailles, 15 décembre 1995, cité par Crim., 27 novembre 1996, non publié.
133 M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Le statut juridique du corps humain à la recherche d’un compromis », in De la bioéthique au bio droit, sous la direction de CL. NEIRINCK, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 76.
134 En effet la loi présente les pratiques qu’elle permet, qui sont des atteintes à la vie de l’enfant à naître, comme des exceptions au principe qu’elle pose selon lequel tout être humain a droit à la vie. Les individus concernés par l’exception l’étant forcément par le principe, les enfants à naître sont bien présentés comme des êtres humains. V. Infra, n° 81 et ss.
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La notion de personne
Étude visant à clarifier le statut juridique de l’enfant à naître
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2003
Le couple et la convention européenne des droits de l’homme
Analyse du droit français
Patrice Hilt
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Des comportements fautifs du créancier et de la victime en droit des obligations
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2007