Chapitre I. La construction du projet
p. 195-214
Texte intégral
1L’idée d’un code arabe unifié du statut personnel, qui rapproche les différentes conceptions juridiques et atténue leurs divergences, s’enracine profondément dans la vague d’idées de réformes nées au début du siècle et qui ont contribué à la naissance d’une organisation régionale, qu’est la Ligue des États Arabes. C’est le 22 mars 1945 que la Ligue des États Arabes (ci-après « La Ligue ») fut créée sous l’impulsion d’un groupe d’États558, qui voulaient œuvrer ensemble pour instaurer un système politique, juridique et économique commun et solidaire. Cette organisation régionale a ainsi regroupé un certain nombre de pays voisins qui avaient en commun « une pléthore d’éléments historiques »559 propice à l’unification. Des éléments favorables560 qui tournaient particulièrement autour du sentiment d’appartenir à une même race, à une même histoire, ainsi qu’à une langue et une religion communes. Cette organisation régionale arabe a par ailleurs pris naissance sous l’impulsion des idées véhiculées par le mouvement panarabe561, dans un contexte inter-arabe et international fort tendus. La dislocation de l’empire Ottoman en plusieurs États qui mit fin au rêve de l’unité arabe562, la vague de colonisation et ses conséquences sur la formation de nouveaux États, le déclenchement de la Deuxième guerre mondiale et la division de l’ordre mondial en zones d’influence étaient tous des facteurs déclencheurs pour la naissance de cette organisation563.
2La Ligue des États arabes est une organisation de coopération régionale, sa création a répondu à l’époque aux aspirations des jeunes États arabes indépendants, elle était considérée comme un contre-projet égyptien, proposé comme réponse aux tentatives britanniques de créer une fédération d’États arabes qui unifierait les États du « croissant fertile » (Jordanie, Palestine, Syrie, et Irak). Ce contre-projet aboutit donc à la création d’une organisation qui réunit les différents États arabes564. La Ligue a pour objet « le resserrement des rapports entre États membres et la coordination de leur action politique en vue de réaliser une collaboration étroite entre eux, de sauvegarder leur indépendance et leur souveraineté et de s’intéresser, d’une manière générale, aux questions touchant les pays arabes et leurs intérêts »565.
3Ce qui ressort actuellement de l’action de la Ligue, c’est que ses membres ne lui ont accordé aucune autonomie décisionnelle : la Ligue n’a pas sa propre voix, et n’est que le porte-parole des différents États qui la composent. Les compétences de la Ligue ne lui permettent pas de se substituer aux décisions nationales. Ces États, souvent animés par des intérêts politiques, économiques antagonistes, tergiversent encore entre la collaboration étroite, d’une part, et l’ambition d’atteindre l’unité, d’autre part. L’expérience reste décevante, que ce soit sur le plan politique ou économique566, les résultats s’étant avérés loin d’atteindre les espérances des populations arabes. Les projets d’intégration économique ou politique étaient sûrement trop ambitieux pour une organisation régionale à faible pouvoir décisionnel567 ; ils n’ont pas pu prendre en considération les réalités nationales, encore moins les réalités internationales et ont souvent été abandonnés ou relégués au second plan.
4Cependant, sur le plan de la coopération juridique, une étape importante fut franchie avec la création par la Ligue en 1981 du Conseil des Ministres Arabes de la Justice, organe spécialisé du droit arabe. Cet organe avait pour mission de coordonner les différentes législations arabes dans toutes les matières du droit568. Le statut personnel faisait partie de ce chantier de coopération régionale. En effet, le Conseil proposa en 1988 un texte juridique en vue d’unifier les diverses législations arabes ; son application n’a, cependant, jamais pu voir le jour. Projet trop ambitieux ou irréaliste ? Il demeure néanmoins un texte important, fort révélateur des enjeux à la fois juridiques, politiques et religieux que peut véhiculer une matière telle que le statut personnel.
5Notre étude ne plongera pas dans les détails de la Ligue pour révéler les divergences qui handicapent ses membres, cela a été maintes fois traité dans des ouvrages ou des articles d’une manière globale sous plusieurs angles, entre autres, juridiques, politiques et économiques par des chercheurs tels que : Agate et Flory dans leur ouvrage sur le système régional arabe569, ou encore Mellah, et Bouony570. Il s’agit pour nous d’analyser dans une première partie le cadre politico-juridique du projet de statut personnel (section 1) pour aboutir dans une deuxième partie à l’analyse de ses lacunes juridiques (section 2).
SECTION 1. LE CADRE POLITICO-JURIDIQUE
6La mise en place d’un système de coopération régionale arabe dans le domaine juridique et judiciaire n’est pas une entreprise aisée, notamment quand il s’agit de toucher à un domaine aussi controversé que le statut personnel. Non seulement parce que les divergences juridiques ne se sont jamais dissipées entre les États arabes, mais surtout parce que c’est un domaine qui n’a jamais pu s’affranchir de la norme religieuse, et, faut-il le rappeler, traiter de la chose religieuse sur cette aire géographique relève d’un effort considérable, un parcours étant semé d’embuches571. C’est même un défi quasi insurmontable auquel est confronté chaque juriste. La Ligue tenta de relever le défi de la coopération interarabe en s’attaquant au chantier le plus difficile, celui de l’unification des statuts personnels. Un organe a ainsi été crée spécialement pour mettre en place un code applicable à tous les États. Ce code devait favoriser la coopération juridique régionale et être une étape vers une législation arabe unifiée. C’est le Conseil des Ministres arabes de la Justice qui avait été chargé de cette mission (§1), et qui a présenté le texte final du Code en 1988 (§2).
§1. L’élaboration du projet par le Conseil des Ministres Arabes de la Justice
7Cette partie se penchera dans un premier temps sur le rôle du Conseil dans la coopération juridique entre les États membres (A), ainsi que sur ses réalisations juridiques dans un second temps (B).
A. La création du Conseil
8En 1977, seize Ministres Arabes de la Justice des pays suivants : de Jordanie, des Emirats Arabes Unies, du Bahreïn, de la Tunisie, de l’Arabie Saoudite, du Soudan, de la Somalie, d’Oman, de Palestine, du Kuweit, du Liban, de l’Egypte, du Maroc, de Mauritanie, du Yémen du nord et du Yémen du sud, se sont réunis à Rabat du 14 au 16 décembre, afin de se pencher sur le volet législatif des États arabes. Cette rencontre a débouché sur la publication d’un manifeste dans lequel ces Ministres décidèrent de « tenir des rencontres périodiques » et « invitent le Secrétaire général de la Ligue Arabe à prendre les mesures qu’il juge appropriées pour garantir la tenue de ces rencontres et assurer leur continuité ».
9Le but de ces rencontres était de permettre aux Ministres Arabes de la Justice « d’accomplir les obligations que leur inspire leur responsabilité en apportant une contribution à l’action arabe commune, en matière législative et judiciaire, particulièrement en ce qui concerne les efforts déployés par la Ligue Arabe pour unifier les législations arabes et les moderniser ou conclure des conventions de coopération judiciaire entre États Arabes »572. Autrement dit, de telles réunions périodiques devaient déboucher sur un rapprochement régional arabe, qui à son tour devait mener à l’unification des différentes législations.
10Ce Manifeste a suscité des réactions positives d’autant plus qu’il affichait explicitement l’objectif d’une unification législative régionale. C’est que, depuis la création de la Ligue Arabe en 1945, les relations inter-arabes n’ont jamais abouti à pareil projet unificateur ; elles ont plutôt laissé place à des luttes d’influence, à des divergences au niveau de la prise de décision et de son exécution573. Cette situation de crise permanente a ainsi laissé les membres de la Ligue sceptiques quant à une éventuelle unification politique. L’idée donc de créer un organe spécialisé dans le domaine juridique, sous les auspices de la Ligue, ne pouvait que redonner une nouvelle impulsion à cette organisation régionale et faire espérer à l’aboutissement d’un espace normatif commun.
11Cependant, il est vrai comme le signale Sami Aldeeb dans la Charte de la Ligue « il n’est nulle part question d’unité. L’alinéa 2 de la Charte parle d’une coopération étroite, dans les domaines relatifs à l’économie, aux communications, aux questions intellectuelles, aux questions de nationalité, passeports, visas et exécution de jugements et d’extradition, aux questions sociales et aux questions sanitaires574. Le Protocole d’Alexandrie du 7 octobre 1944 exprimait cependant le souhait que dans l’avenir cette première étape de resserrement des rapports soit suivie par d’autres étapes liant plus étroitement ces rapports »575. Le fait donc de proposer clairement une unification entre les États membres sur le plan juridique, ne pouvait que constituer un pas positif dans le processus de coopération régional et accélérer la création du Conseil. C’est suite aux réunions qui se sont tenues à Sanaa, capitale du Yémen du Nord du 23 au 25 février 1981, que fut crée le « Conseil des Ministres Arabes de la Justice » (ci-après : Conseil), comme faisant partie de la Ligue Arabe576 ; le siège du Secrétariat général fut installé à Rabat au Maroc. Il a été également stipulé dans l’article 5 des statuts du Conseil qu’une réunion annuelle devrait se tenir entre les Ministres de la Justice arabe pour concerter leurs actions, des réunions exceptionnelles pourront également être tenues sur demande d’un État membre.
12Lors de la réunion de Sanaa de 1981, un plan d’action fut adopté appelé le « Plan de Sanaa pour l’unification des législations arabes ». Ce plan devait servir de base aux activités législatives du Conseil, et établir notamment les critères qui devaient orienter les commissions d’experts chargées de soumettre des projets de lois unifiées au Conseil. Il était stipulé que le but du Plan est « d’assurer une base solide et stable pour l’établissement d’une législation arabe unifiée conforme aux préceptes de la charia islamique, en tenant compte des spécificités sociales propres à chaque pays arabe »577. Le Plan nomme les lois prioritaires qu’il faut élaborer sous forme de code applicable à tous les pays de la Ligue. Le code civil arabe unifié, le code unifié du statut personnel, le code pénal arabe unifié. Il est également signalé la création d’un Centre arabe de recherches juridiques et judiciaires, qui sera « chargé d’établir des projets pour les autres législations arabes dans le respect des principes cités précédemment »578. Ce centre, qui se trouve actuellement à Beyrouth, a pour mission d’étudier les différents systèmes juridiques arabes, de les comprendre et de les comparer afin de dégager les possibilités de les faire évoluer et de les unifier. Le conseil administratif de ce centre est coiffé par le ministre de la Justice libanaise (étant donné qu’il est le pays hôte), ce dernier nomme 6 personnes pour une durée de quatre ans parmi les États membres, qui sont chargées de coordonner les actions juridiques et judiciaires entre les autres États. Il a été également convenu, par la suite, de la publication d’une revue juridique sous le nom « Revue arabe de jurisprudence ». Publiée deux fois par an (le mois d’avril et octobre), celle-ci a pour but de réaliser des études juridiques comparatives parmi les pays arabes, et de faire connaître la doctrine arabo-musulmane, classique et contemporaine, ainsi que les solutions qu’elle pourra apporter aux problèmes juridiques actuels. La mise en place du Conseil des Ministres Arabes de la Justice était ainsi une initiative remarquable, ce que confirme l’analyse des missions qu’on lui a assignées dans le domaine de la coopération juridique entre les États de la Ligue.
B. Les fonctions du Conseil
13Le Conseil des Ministres Arabes de la Justice est chargé des relations juridiques entre les différents pays arabes, l’article 3 des statuts en fixe les objectifs579 :
Le renforcement de la coopération arabe dans les domaines juridiques et judiciaires.
Le développement des échanges d’experts et des compétences.
La formation des cadres de juristes et de magistrats et la prise en charge de leur spécialisation en vue de leur assurer la capacité d’intégrer le progrès, et de mieux comprendre les nouveaux besoins juridiques des sociétés arabes.
Le soutien de l’effort commun doit viser l’unification des législations arabes, selon les principes de la charîᶜa islamique, tout en prenant en considération le contexte politique, économique et social de chaque pays.
Tendre vers une modernisation des structures et des professions judiciaires et vers une amélioration des méthodes de travail des tribunaux.
Le manifeste de Rabat a également fixé le cadre des compétences du Conseil comme suit :
Constituer des comités de réflexions parmi les juristes arabes. Ces derniers auront pour fonction de concevoir des projets et des études comparatives des différentes législations arabes.
Le Conseil étudiera toutes les propositions émises par les gouvernements pour voir leur faisabilité et leur efficacité sur le terrain.
Développer des réflexions novatrices, aussi bien théoriques que pratiques sur la question de l’unification du droit arabe.
Tenter de créer un espace arabe commun capable de dépasser les divergences judiciaires et juridiques. Ceci passera par la formation comités spécialisés dans les matières du droit privé : droit civil, pénal, commercial, fiscal.
Le Conseil déterminera le rôle des États membres dans le processus d’unification du droit arabe, en les encourageant financièrement.
Suivre les travaux des conférences et des organisations internationales traitant des questions juridiques et étudier leurs propositions.
14L’énumération des compétences du Conseil montre l’étendue des activités de cet organe. Cependant cet organe n’a pu réaliser que quelques projets de codes qui sont restés limités, aussi bien dans le temps que dans leur mise en œuvre. Parmi ces projets, on peut citer :
La convention arabe de Riad sur la coopération judiciaire, approuvée le 6 avril 1983 et entrée en vigueur le 30 octobre 1985580.
Le statut de Casablanca pour l’organisation judiciaire arabe unifiée, adoptée le 17 avril 1986581.
La convention arabe d’Amman d’arbitrage commercial, adoptée le 14 avril 1987582.
Le document du Kuwait portant Code arabe unifié du statut personnel, adopté le 4 avril 1988583.
Le projet de code pénal arabe unifié, présenté au Conseil dans sa 4ème session à Casablanca du 14 au 17 avril 1986584.
Le projet de loi unifiée relative au registre foncier, annoncé dans le rapport en arabe de la sixième session du Conseil en 1988.
Le projet d’unification de la terminologie juridique relative à la procédure civile, l’arbitrage et l’exécution des jugements, annoncé également en 1988.
-Le projet d’une convention arabe de lutte contre le terrorisme présenté en 1998585.
15Tous ces textes sont cependant demeurés au stade de projet, aucun d’entre eux n’ayant pu être adopté, encore moins mis en application. Une question se pose alors : à quoi servaient ces textes juridiques s’ils ne sont pas appliqués ?
16A notre avis, ces projets de codes arabes étaient certainement trop ambitieux pour un Conseil qui dépend fortement de la Ligue Arabe, l’organe mère. La Ligue, à son tour, n’a jamais pu aboutir à une construction régionale solide à l’instar de la communauté européenne586. Elle dépend à son tour des décisions aléatoires de ses membres. Ces derniers sont des États souverains et indépendants qui ont des réalités nationales – politique, économique, juridique et même religieuse – disparates et qui ont tendance à se cacher derrière un protectionnisme national dès qu’il s’agit de quelconque projet d’intégration587. Et même si la nature juridique du Code peut inciter les plus récalcitrants des États, il n’en demeure pas moins que c’est un projet qui a besoin d’une volonté et d’une assise politique solides ; sans laquelle il ne peut aboutir. Mais loin des difficultés et des obstacles à la réalisation de ce projet588, ce travail accompli par le Conseil mérite qu’on y prête beaucoup d’attention. Il peut être révélateur d’une certaine orientation juridique qui ne peut être négligée.
§2. Les spécificités du projet
17Le Code s’articule autour de deux principes : le droit religieux musulman en tant que source de droit (A), et la non-ingérence dans le droit des autres communautés (B).
A. L’exclusivité du droit religieux musulman
18En observant de près le travail du Conseil, on constate que ce dernier a produit un texte juridique fort intéressant, qui a particulièrement tenu à mettre en exergue certaines spécificités idéologiques. En effet, l’intérêt du texte ne se situe pas uniquement sur le plan juridique, mais également sur le plan religieux. En inscrivant le texte dans le respect de la tradition juridique, les rédacteurs du texte ont voulu revendiquer et afficher un particularisme religieux au niveau du statut personnel. Ce choix contestable fait que le champ d’application du code est restreint aux seuls musulmans ; il n’est destiné qu’à la communauté musulmane des pays arabes, les autres communautés religieuses n’ont pas été prises en considération.
19Comme le signale Aldeeb en ironisant : « L’unification du droit signifie que tous les citoyens seront régis par les mêmes dispositions. Or, il est étonnant de voir que le projet de code arabe unifié de statut personnel ne comporte que des normes islamiques. Il n’est nulle part dit si ces normes concernent uniquement les musulmans (même si tout le laisse supposer) »589. L’intitulé du projet étant loin de toute référence religieuse, ce n’est d’ailleurs qu’en examinant les dispositions juridiques du Code, qu’on devine qu’il est destiné uniquement aux musulmans arabes. Dès la première lecture des articles du Code, le lecteur se retrouve devant des dispositions extraites du droit musulman classique : tutelle, polygamie, répudiation, inégalité successorale, etc. Ce Code est censé ébaucher un droit applicable uniquement aux pays arabes, sans concerner les pays musulmans. Certes, la plupart des pays arabes sont musulmans, mais pas tous, certains étant multiconfessionnels et abritant plusieurs communautés religieuses, comme le Liban.
20Si la volonté de la Ligue avait été d’élaborer un code applicable uniquement aux musulmans, le titre le plus approprié aurait dû être « Code musulman du statut personnel unifié » et non pas « Code arabe du statut personnel unifié ». Mais à ce niveau un autre problème aurait surgit, car la Ligue arabe n’est pas censée représenter tous les pays musulmans, et n’est pas non plus habilitée à proposer des lois au nom de ces pays. Ces derniers ont leur propre organisation, qui est l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI)590. Il est donc probable que la Ligue n’ait pas voulu s’arroger le droit de proposer un projet applicable à tous les pays musulmans qui relèvent de l’OCI. Toutefois, il est certain que le texte qu’elle a produit est destiné aux seules populations musulmanes des pays arabes, les populations non-musulmanes étant ignorées. Le Code reflétant le droit musulman souligne encore une fois le fait que le statut personnel demeure indissociable de sa dimension et de sa référence religieuse et que la Ligue tient entre autres à respecter ce credo. Le statut personnel est encore une fois la branche la plus autonome par rapport aux autres branches du droit, rebelle à toute intervention de sources exogènes, il évolue malheureusement difficilement loin de son cadre religieux. Il est donc regrettable que la Ligue n’ait pas pu dépasser ce conservatisme juridique pour produire un code moderne, mieux adapté aux sociétés arabes.
21Les Ministres Arabes de la Justice avaient déjà, en 1977, annoncé dans le Manifeste de Rabat que la charîᶜa serait la source qui servirait à l’unification du droit arabe. En effet, le Manifeste stipulait que « l’observance des préceptes de la charîᶜa islamique est la voie la plus saine et la mieux adaptée (…) pour parvenir à l’unification du droit en tant qu’objectif impératif à atteindre ». Ce paragraphe ajoute que « les principes de la charîᶜa qui brassent (…) harmonieusement tous les aspects de la vie de même que les règles et jurisprudences que comportent la pensée et la législation musulmane, ont été et demeurent une source de référence pour les savants et les chercheurs de toute la Nation Arabe, voire du monde entier »591.
22Dans un autre paragraphe, le Manifeste annonce que « devant la magistrature arabe en vertu de sa capacité de découvrir le sens profond des législations qui organisent la marche de la vie dans la Nation Arabe, se présente une occasion opportune pour l’orienter vers ce qui convient à son esprit issu de la shari ‘ah islamique, unique et authentique source de référence, Nation qui aspire à un devenir commun et unifié en vue d’édifier la Société Arabe souhaitée sur la base de la justice et de l’équité »592. Il est possible, comme le signale Aldeeb, que l’idée des Ministres arabes de la Justice était d’établir un système juridique unifié se réfèrant au droit musulman, et qu’il ne s’agissait pas de reprendre le droit musulman comme un tout. Il est également possible qu’ils aient voulu rendre hommages aux préceptes, aux principes, aux réalisations de la magistrature arabe à travers les siècles et à ses efforts, ses pratiques et ses jurisprudences, dans le respect de la justice et de l’équité. Il faut donc penser que la rhétorique qui enveloppait ces idées n’était qu’un moyen pour faire admettre un tel projet par les pays conservateurs593. Le Plan de Sanaa du 25 février 1981 créant le Conseil des Ministres Arabes de la Justice, est venu systématiser les principes formulés dans le Manifeste de Rabat. Le Plan énonce entre autres que son but est « d’assurer une base solide et stable pour l’établissement d’une législation arabe unifieé conforme aux préceptes de la charîᶜa islamique, en tenant compte des spécificités sociales propres à chaque pays arabe ». Plus loin le Plan énonce que cette unification se fera en préservant les principes fondamentaux suivants :
Prendre comme source de législation unifiée le Coran sacré, la Sunna ainsi que les règles d’interprétation qui s’y rattachent telles que le consensus, l’analogie ou l’utilité publique, en évitant d’être influencé par un rite déterminé du fiqh et en adoptant les principes de justice qui ne se contredisent pas avec la shari ‘ah islamique.
Adopter la règle de la progression dans l’unification.
23En remontant vers ces quelques sources documentaires, le lecteur du Code comprendra mieux la stratégie juridique adoptée par le Conseil. Il ne s’agissait aucunement d’élaborer un Code juridique loin du référentiel religieux, bien au contraire, l’objectif était de revendiquer une spécificité législative à travers le corpus du droit musulman. Le statut personnel étant le reflet de l’identité arabo-musulmane, il devait donc forcément véhiculer les principes inclus dans ce corpus. Le fait d’exclure les autres communautés de ce Code faisait partie également de ce credo.
B. Le maintien du cloisonnement communautaire
24L’unification devait signifier l’application d’un même Code à tous les citoyens arabes, sans distinction de sexes ou de religion. Or, il est étonnant de voir que le projet ne s’applique qu’à une seule catégorie de citoyens : les musulmans. Qu’en est-il des autres communautés religieuses ? Est-ce qu’ils sont complètement ou partiellement exclus ? Aucune réponse n’est donnée à cette question.
25Comme le signale Aldeeb : « Très probablement, le Conseil n’a pas voulu toucher aux principes islamiques selon lesquels les communautés religieuses non-musulmanes doivent continuer, en vertu de la liberté religieuse, à être régies par leurs lois religieuses, appliquées par leurs propres tribunaux communautaires. Un tel raisonnement, aussi louable soit-il, n’est pas mûr. Il n’est pas certain que la création d’un code unifié soit une atteinte à la liberté religieuse. Citons ici le cas de l’Egypte qui unifia les juridictions en 1955. Les communautés chrétiennes d’Egypte ont élaboré en 1978 un projet d’un code commun de statut personnel594. En plus, une grande partie des matières que comprend le statut personnel est régie d’ores et déjà par un droit unifié d’inspiration islamique »595.
26Une telle attitude du Conseil est en contradiction avec le but qu’il s’était fixé, à savoir l’unification des statuts personnels. Elle est aussi en retrait par rapport à des opinions déjà anciennes et qui aspiraient à un système de statut personnel unique et unifié596. Par ailleurs, cette attitude maintient le cloisonnement communautaire dans un même pays. Comme nous l’avons vu précédemment avec le cas du Liban et de l’Egypte, les citoyens subissent des discriminations au niveau du statut personnel, adoptent des détours et des ruses pour être sous la coupe de la loi la plus avantageuse.
27Certes, un statut personnel unifié entre les différentes communautés qui n’aurait aucune inspiration religieuse, aurait constitué un idéal, dans le sens où il permettrait l’élaboration d’un code équitable entre tous les citoyens du même pays. Sami Aldeeb a sans doute raison de signaler que l’unification totale des statuts personnels aurait amené le Conseil à ouvrir les discussions avec les différentes communautés et à leur faire quelques concessions pour les normes islamiques qui violent les droits de l’homme. Le Conseil aurait dû, d’après lui, envisager la participation des membres de ces communautés à la fonction de juge ou à celle de témoin, ceci sur un pied d’égalité avec les musulmans, quelle que soit la religion des parties en litige597.
28Mais, loin de cet idéal, on ne peut oublier que même les États communautaires n’ont jamais pu franchir cette étape politique598 pour proposer un code du statut personnel unifié entre tous les citoyens. La réalité est si compliquée et les enjeux du statut personnel si complexes, qu’il ne suffit pas seulement de quelques déclarations de bonne foi ou quelques propositions judicieuses pour faire avancer les choses. C’est un processus long qui demande à être lancé progressivement et qui demandera certainement des concessions de la part de toutes les communautés. Les quelques réunions du Conseil n’auraient surement pas été suffisantes pour ouvrir cette voie. Aussi le Conseil a-t-il préféré ne pas provoquer une levée de boucliers de la part des pays conservateurs, et a choisi de maintenir le statu quo en matière du statut personnel, et garder ainsi la séparation juridique intercommunautaire.
SECTION 2. LES ASPECTS CRITIQUABLES DU TEXTE
29La Commission de juristes chargée d’élaborer le code n’a pas dérogé aux règles classiques du droit musulman, à croire que leur travail s’est limité à un effort d’ajustage de dispositions déjà existantes, sans aucune tentative d’interprétation ou de renouvellement. Certes, le statut personnel est un domaine très complexe dans lequel s’enchevêtrent des questions relatives à la stabilité de la famille, aux droits des femmes et surtout à la présence plus ou moins dominante de la religion ; en s’attaquant à cet arsenal juridique, social et religieux, la Commission n’a pas voulu prendre le risque de remuer les anciennes querelles doctrinales, sur le rapport droit et religion, l’immuabilité des préceptes religieux ou encore sur la réactualisation du droit musulman599.
30Quelles sont donc les spécificités de ce Code ? Peut-on parler d’un véritable aménagement ou d’une reformulation des dispositions classiques relatives au statut personnel dans le droit musulman ? Non, sa conception reste traditionnelle. Les rédacteurs ont préféré garder le statu quo juridique en perpétuant l’inégalité entre les époux au niveau de la formation du mariage (§1) ainsi qu’au niveau de sa dissolution (§2).
§1. De la consécration de l’inégalité des époux à la formation du mariage
31Le document qui a résulté de ce travail se présente sous la forme d’un texte de 553 pages. Il est divisé en 5 Livres ou Parties. Le premier Livre concerne l’institution du mariage et sa formation, le second traite de la séparation des époux, le troisième, de la capacité et de la tutelle, le quatrième évoque la question du legs et le dernier concerne l’héritage. Etant donné l’ampleur de chaque Livre et pour nous conformer à notre démarche initiale, nous envisageons de nous concentrer uniquement sur les deux premiers Livres relatifs au mariage et à la séparation, et cela afin de mieux déceler le travail de synthèse entrepris par le Conseil.
32Comment l’institution du mariage fut-elle abordée dans le code arabe unifié ? Les rédacteurs du Code ont maintenu les étapes et conditions traditionnellement obligatoires lors du mariage (A). Ils ont également choisi de ne rien modifier à l’institution de la polygamie (B).
A. Le maintien des conditions traditionnelles du mariage
33Le Code est respectueux des étapes et conditions du mariage en droit musulman, c’est-à-dire les fiançailles, les témoins, le tuteur matrimonial et la dot600. L’article 5 définit ensuite le mariage comme étant « un lien sacré entre un homme et une femme qui a pour but de fonder une famille stable sous la bienveillance du mari (…) ». L’article 7 dispose que « le mariage est valablement conclu par un acte officiel »601. Ce qui laisse à penser que tout contrat non enregistré devant un officier de l’État est non-conforme et peut être frappé de nullité. Mais est-ce à dire pour autant que les autres formes de contrats relatives au mariage à terme ou au mariage coutumier602– souvent contractées dans les pays du Machrek – soient également frappées de nullité ?
34Si l’on se réfère à la suite de cet article, à son alinéa (b), on lit : « il est possible selon des circonstances particulières de confirmer la validité du mariage par une preuve testimoniale (douze témoins) ou d’un échange de sadâq (dot) ». On comprend que selon des circonstances particulières – que l’article ne cite pas – ce genre d’union peut être légal. Il est regrettable que les rédacteurs de ces articles aient laissé une telle brèche en légalisant implicitement ces mariages blancs ; surtout si l’on connaît dans quelles circonstances ils sont contractés. Cette forme d’union trouve des adeptes dans les pays du Golfe, au Soudan, au Liban, en Afghanistan ; elle est souvent contractée entre des filles mineures issues de classes défavorisées avec des riches cheikhs arabes en échange d’une modique somme603.
35On remarque aussi que « la question à polémiques »604 du tuteur matrimonial a été évitée par les rédacteurs du Code. En maintenant cette institution, ces derniers n’ont pas voulu ouvrir le débat pour discuter de son bien fondé. Rappelons seulement que par cette institution, la femme doit être accompagnée de son tuteur de sexe masculin. Le tuteur matrimonial fait référence au droit de ğabr, ou contrainte matrimoniale. Selon le droit musulman, ce droit désigne le pouvoir du père de marier son enfant impubère sans le consulter ou contre son gré, ceci s’effectuant, en général pour sceller l’union entre deux familles. Cette forme de tutelle s’applique sans aucune distinction au garçon comme à la fille. Toutefois, en règle générale, le garçon échappe à ce pouvoir dès sa puberté, alors que la fille ne peut y échapper tant qu’elle n’a pas été mariée. Selon l’enseignement malékite, chaféite et hanbalite, la présence d’un tuteur pour la femme est une condition indispensable pour la conclusion du mariage. La femme n’a pas le droit de donner son consentement en personne, elle doit recourir à l’intermédiaire d’un mandataire. Ce doit être un homme de sa parenté proche, comme le père et le grand-père. Pour les hannafites, si la femme n’est pas pubère, le tuteur a le droit de la marier à qui il veut. Quand elle devient pubère (bâliġa), on lui reconnaît le droit d’option (ḫiyâr) : selon sa volonté, elle confirme la décision du tuteur ou l’annule si son tuteur n’est ni son père, ni son grand-père, car s’il est l’un ou l’autre, le droit d’option ne lui est pas reconnu.
36En général, les cas diffèrent selon que la fille est vierge ou ne l’est pas. Selon l’école hanéfite, la tutelle est obligatoire pour la jeune fille mineure, qu’elle soit bikr, vierge, ou ṯayb, déjà mariée et divorcée ou veuve ; tout est question de puberté, car une fois la jeune fille a atteint un certain âge, la tutelle n’est pas obligatoire. Pour les autres écoles, le critère résiderait dans la bakâra, la virginité. La tutelle est obligatoire, que la jeune fille vierge, soit majeure ou mineure et dans ce cas la tutelle reviendrait au père ou au grand-père. Les hanéfites élargissent le cercle des tuteurs au père, au grand-père paternel, aux oncles paternelles, à la mère, la grand-mère paternelle, la grand-mère maternelle, ensuite aux oncles maternelles, voire au qâñî, le juge, si la fille est orpheline605.
37En ne faisant aucune distinction entre la femme majeure et mineure, les rédacteurs du Code ont préféré la solution la plus rigoriste en droit musulman et ont ainsi perpétué l’inégalité entre l’homme et la femme au niveau du mariage. Il est toutefois important de remarquer qu’un pas positif a été franchi en unifiant l’âge du mariage entre l’homme et la femme. L’article 8 précise en effet que l’âge du mariage est de 18 ans pour les deux futurs conjoints sans distinction de sexe. Ceci n’est pas dérisoire, si l’on sait que même les législations les plus progressistes ont maintenu une distinction entre l’homme et la femme quant à l’âge du mariage606.
B. La consécration de la polygamie
38La question de la polygamie est abordée à l’article 31 : « Le mariage contracté avec un nombre maximum de quatre femmes est permis, sauf si une injustice est à craindre, le cas échéant, la femme demandée en mariage doit être informée du fait que son prétendant est déjà marié ». Comme le signale Sami Aldeeb, « la polygamie soulève souvent des objections d’ordre sentimental du côté de ceux qui s’y opposent comme du côté de ceux qui l’approuvent »607. C’est une pratique très injuste envers la femme qui, toutefois, pourrait être autorisée par le législateur dans des circonstances bien particulières pour empêcher de tomber dans des pratiques abusives. Ici, Aldeeb pense particulièrement à la situation créée par la guerre entre l’Irak et l’Iran qui a causé la perte d’un grand nombre d’hommes. On autorisa la polygamie dans le but de préserver l’intérêt général de la nation, et non pas afin d’opprimer les femmes. L’Irak, qui était très restrictif à l’égard de la polygamie, a dû y revenir à la suite de la guerre. Il fallait bien « caser » les veuves et les orphelins de la guerre. Aussi, l’article 3 ch.4 du code du statut personnel irakien prévoit-il que le mariage avec plus d’une femme exige l’autorisation du juge, qui doit vérifier la capacité matérielle de l’époux et l’existence d’un intérêt légal. Le chapitre 5 ajoute que si le juge craint la non-équité entre les femmes, un tel mariage ne sera pas permis. S’agissant d’une veuve, ces restrictions ne sont pas requises. Le décret n° 147 de 1982 ajoute que le retour d’une femme divorcée à son époux n’est pas considéré comme un mariage avec plus d’une femme. Dans ces deux cas, l’autorisation du tribunal n’est pas nécessaire608.
39Sami Aldeeb, loin d’être favorable à la polygamie, préconise que la question de la polygamie soit traitée d’une manière pragmatique, qu’elle soit autorisée ou abolie selon les circonstances politiques, économiques, de chaque pays. Certes, ceci pourrait se faire, mais il n’y a aucune garantie pour que cette pratique ne se généralise pas ; et cela même en cas de non-nécessité ou du fait qu’elle entraîne des abus de droit de la part de ceux qui la pratiquent. Etant donné que plusieurs pays ne sont pas encore prêts à interdire cette pratique pour des raisons d’ordre religieux, il serait donc préférable d’être prudent et d’encadrer cette institution, en la soumettant à des conditions juridiques et sociales strictes ainsi qu’au contrôle du juge. Contrôlée ainsi, cette pratique tendrait à se limiter, voire même à disparaître d’elle-même.
40Le projet final de code arabe unifié du statut personnel n’a pas tenu compte des législations de certains pays arabes qui avaient, à l’époque, réaménagé l’institution de la polygamie (Irak, Syrie, Tunisie), alors que l’ancienne version avait tenté d’apporter certaines modifications juridiques. En effet, l’ancienne version de l’article 31 du texte de 1985, était plus restrictive, puisqu’elle prévoyait en plus des conditions précédentes, la nécessité d’obtenir l’accord du juge. Celui-ci devait vérifier l’existence d’un intérêt légal et la capacité matérielle du mari à entretenir plus d’une femme. La femme pouvait également inclure une clause de monogamie appelée aussi clause de non-remariage, dans le contrat, ce qui lui permettait de demander le divorce si le mari épousait une autre femme609.
41Les autres articles restent également conformes à l’esprit du droit musulman qu’il s’agisse des conditions du mariage, des devoirs des époux. Aucune dérogation n’a été faite à propos de la règle de l’entretien de l’épouse par son mari. Sur ce sujet, il est regrettable de voir que les juristes n’ont pas pris en compte l’évolution des ménages dans le monde arabe, avec le travail de la femme à l’extérieur du foyer familial. Il aurait pu être envisagé la possibilité d’une contribution de la femme aux charges de la famille, si elle travaillait et avait des revenus, mais cette question ne fut pas soulevée. L’autre point qui a été maintenu est celui du mariage mixte : la femme ne peut épouser qu’un musulman, et l’homme qu’une « kitâbiyya » (gens du Livre, à savoir chrétienne ou juive). Dans n’importe quel système religieux, ces restrictions apportées aux mariages mixtes heurtent de front l’exercice de la liberté de conscience et favorisent le cloisonnement communautaire dans une population vivant dans un même État. Elles vont à l’encontre des principes relatifs aux droits de l’Homme.
§2. La consécration de l’inégalité des époux à la dissolution du mariage
42Les rédacteurs du Code n’ont apporté aucune modification substantielle aux règles classiques du statut personnel : ainsi les institutions de la répudiation et du khulᶜ sont maintenues (A), les conditions limitatives du divorce judiciaire respectées (B).
A. Le maintien des institutions traditionnelles
43Le chapitre 3 énumère à l’article 83 les différentes possibilités de séparation entre les époux « la séparation entre les époux se fait soit par :
Décision du mari et se nomme répudiation
Décision commune des deux époux et il s’agit alors d’une répudiation moyennant une compensation et se nomme muḫâlaᶜa (du mot khulᶜ)
Décision du juge et se nomme ṭaṭlîq (divorce judiciaire)
Décès de l’un des deux conjoints
44La répudiation, en tant qu’institution purement de droit musulman est maintenue. Elle est reprise par l’article 84 qui ne déroge pas aux règles générales. Trois formes de répudiation sont prévues :
La répudiation révocable, ṭalâk riğᶜî : c’est la répudiation prononcée par un ṭalâk simple, ṭalka wâḥida, une seule fois. Dans ce cas, le mari a la possibilité de se rattraper et de reprendre son épouse sans un nouveau contrat, avec ou sans son consentement, tant qu’elle est en période de ‘idda, retraite légale.
La Répudiation irrévocable, bâin beynouna souġrâ : la répudiation est prononcée par deux ṭalkât, deux fois, cette forme de répudiation effaçant tout lien de mariage et le mari ne pouvant reprendre sa femme qu’avec un nouveau contrat, et une nouvelle dot, et le consentement de cette dernière, que ce soit pendant ou après la période de la ‘idda.
La répudiation définitivement irrévocable, bâin baynouna kubra, prononcée par trois ṭalkât ; non seulement cette répudiation est irrévocable, mais le mari ne peut pas reprendre sa femme, sauf si elle contracte un nouveau mariage avec quelqu’un d’autre, ensuite elle se fait répudiée par lui et respecte la période de la ‘idda610.
45Une légère atténuation à ces règles est mentionnée à l’article 91. Cet article exige, pour toute répudiation, qu’elle soit prononcée devant le juge, afin qu’elle puisse ainsi être formellement notifiée à la femme répudiée. Cette notification n’est pas dérisoire, surtout si l’on sait qu’en principe la répudiation se fait oralement. D’ailleurs, souvent des femmes sont répudiées par leurs maris sans même en être informées, ou sans en avoir une preuve écrite qu’elles peuvent faire valoir devant les tribunaux611. Il est également obligatoire pour le juge de procéder à une tentative de conciliation entre les époux avant de prononcer la répudiation. Toutefois, le Code prévoit une échappatoire : le chapitre 3 de l’article 91 considère comme « valable » et « régulière la répudiation dont le prononcé est établi, non par un juge mais par témoignage de deux ‘adûl ou par reconnaissance publique ». Il convient de noter que l’article 85 ouvre le droit à la répudiation à la femme, prévue par la doctrine classique et connue sous le nom de la ‘isma, mais ce droit demeure une exception car la femme ne peut pas se l’octroyer automatiquement, puisqu’il lui faut l’accord préalable du mari. Pour éviter certains abus, il est exigé du mari, avant de reprendre sa femme, de notifier cette reprise par un acte qui « doit être immédiatement signifié à l’épouse » (art. 95 b.).
46Une autre institution du droit musulman classique est reprise par les rédacteurs du Code, celle du khulᶜ. Les règles relatives au khulᶜ sont prévues par les articles 96 à 99. C’est une procédure permettant à la femme de demander le divorce devant le juge, pour incompatibilité d’humeur avec son mari, moyennant toutefois un taᶜwîḍ (dédommagement) pour le conjoint. Le Code n’apporte aucune précision quant au fait de savoir si la femme peut demander le khulᶜ sans l’accord du mari ou si son accord est obligatoire. Souvenons-nous de la polémique qui a été soulevée récemment en Egypte spécialement sur cette question (avec la loi n° 100/2000). L’article 96 du Code précise que « les époux peuvent convenir entre eux de la répudition moyennant compensation » :est-ce une autoristion implicite du khulᶜ sans le consentement du mari ? Ceci dépendra surement de l’interprétation qu’aura le juge sur cette question.
B. Les conditions du divorce judiciaire
47Les conditions du divorce judiciaire sont, quant à elles, limitatives pour les femmes, et sont mentionnées aux articles 100 à 115. Six cas sont énumérés limitativement :
Le divorce pour vice rédhibitoire. C’est-à-dire dans le cas d’une maladie incurable qui empêcherait la continuité de la vie conjugale. Cette maladie peut être soit d’une nature psychique ou organique, intervenue soit avant ou après l’acte du mariage
Le divorce pour défaut de paiement de la partie échue du sadâq. Cela s’applique au cas de la femme qui n’a pas eu de dot de la part de son mari, et dont le mariage n’a pas été consommé. Au cas contraire, le mariage ne peut être rompu et la dot demeure une dette dont le mari doit s’acquitter (l’article ne précise pas les moyens qu’a la femme pour réclamer sa dot).
Le divorce pour sévices et dissension. Cela s’applique en cas de préjudices et de mésententes perpétuelles (dans ce cas précis une procédure de réconciliation est obligatoire devant le juge). Au cas où le préjudice n’est pas établi et, que la dissension continue entre les deux époux, le juge délèguera deux arbitres choisis parmi les membres de la famille des époux, ou sinon parmi les personnes connues pour leur force de persuasion conciliatrice et auxquelles il accordera un délai pour remplir leur mission. L’article ne précise pas la durée de ce délai. La procédure reste néanmoins très longue.
Le divorce pour défaut d’entretien. La femme peut également demander le divorce si son mari ne pourvoit pas à ses besoins (en droit musulman, l’obligation de la nafaqa incombe toujours au mari). Si la femme est aisée, le divorce ne peut être prononcé.
Le divorce pour absence ou disparition du mari. Si le mari s’absente pendant plus d’un an de son domicile sans pourvoir aux besoins de sa femme, et s’il ne répond pas à l’avertissement du tribunal au bout de 4 mois, la femme peut demander le divorce. Lorsque l’époux fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine d’au moins trois années de prison, l’épouse peut légitimement demander le divorce. Mais ce divorce ne lui sera accordé qu’après l’écoulement d’une année au moins à partir du début de la dite peine d’emprisonnement.
-Le divorce pour serment de continence et délaissement. La femme peut demander le divorce si elle prouve que son mari a prêté serment de ne plus accomplir ses devoirs intimes vis-à-vis de sa femme. Le juge fixera un délai de quatre mois avant de prononcer le jugement.
48Ces conditions étant limitatives, des lacunes peuvent notamment être relevées. En effet, certaines législations arabes accordent le divorce pour la femme en cas de remariage du mari, sans le consentement préalable de sa première épouse ; tel est par exemple le cas du code algérien612. Outre ces lacunes, il est important de signaler que prouver l’une de ces conditions reste très lourd et très contraignant pour les femmes. Celles-ci se retrouvent souvent confrontées à des mesures juridiques inégalitaires et à des lourdeurs procédurales, et elles peuvent attendre des années avant d’obtenir un jugement en divorce613. Il est donc regrettable de constater que les rédacteurs du Code n’ont fait aucun effort interprétatif pour garantir un minimum de droits aux femmes lésées par le divorce. Préférant maintenir le statu quo juridique, ils ont produit un Code juridiquement limité qui va dans le sens d’une discrimination perpétuelle entre l’homme et la femme.
CONCLUSION DU CHAPITRE
49Le texte produit par le Conseil n’atteint pas les objectifs affichés par certains États progressistes au niveau des règles du statut personnel, tel que la Tunisie, par exemple. Sa substance reste traditionnelle, parfois même rigoriste, et n’apporte aucune amélioration à la situation juridique des femmes arabes ; elle va même à l’encontre de leurs droits et dévoile, encore une fois, la relation qu’entretient cette matière avec le droit religieux.
50L’analyse de certaines dispositions du Code arabe a permis de dégager la conception juridique choisie par les rédacteurs du Code. En choisissant les dispositions les plus orthodoxes du droit musulman classique, ces derniers ont adopté une conception juridique conservatrice. En effet, certaines dispositions relatives à la polygamie, à la répudiation, à la tutelle matrimoniale auraient bien pu être révisées, sans être exclues. Souvenons-nous des techniques du « talfîq » qui permirent de transformer certaines dispositions désuètes et de les adapter aux nouveaux besoins de la société614.
51Visiblement, les rédacteurs du Code n’ont pas pris en compte ces techniques et se sont plutôt référés aux dispositions juridiques les plus rigoristes du droit musulman. Comme l’a si bien formulé le professeur Chehata : « Des solutions existent, encore faut-il la volonté de les faire exister »615. Il est donc regrettable que les rédacteurs se soient dirigés vers les solutions les plus rigoristes et, qu’ils aient écarté les solutions libérales qui ont pourtant inspiré d’autres législations arabes et ont prouvé leur efficacité dans la société.
52Les rédacteurs ont donc fait le choix de la facilité en rattachant ouvertement le Code uniquement au droit musulman classique et en excluant délibérément les droits des autres communautés religieuses. Certes, un code laïc, loin de tout référentiel religieux aurait mieux convenu à la situation de certains pays arabes, tel que le Liban ou l’Egypte. Il aurait surtout évité les divergences et les polémiques doctrinales au niveau du droit musulman. Mais, le choix de la Ligue était autre, et le paradigme laïc ne fut jamais soulevé. Cette production normative devait en effet afficher une certaine spécificité religieuse et culturelle ; elle se voulait l’expression d’une idéologie revendiquant un particularisme arabe et musulman à la fois. La Ligue a aussi probablement voulu réussir là où elle avait échoué : rattraper l’échec de l’unification politique par un projet d’unification juridique. Mais encore une fois, ses ambitions ont largement dépassé le cadre de ses compétences pour se confronter à des obstacles à la fois juridiques et politiques.
53A ce stade de la réflexion, et après avoir dévoilé le projet juridique préparé par le Conseil des Ministres arabes de la Justice, il est important de comprendre le pourquoi de l’échec d’un tel projet unificateur et sa mise sous silence depuis 1988. Réfléchir aux enjeux que pose cette question permettra également de cerner les obstacles actuellement présents sur l’espace régional arabe qui empêchent toute unification de la matière du statut personnel.
Notes de bas de page
558 A l’origine, ces États étaient au nombre de sept : l’Egypte, la Syrie, le Liban, la Transjordanie, l’Irak, l’Arabie saoudite, le Yémen. Par la suite, d’autres États ont intégré cette organisation. Actuellement l’organisation comporte 22 États membres. Voir : AGATE (S), FLORY (M.), Le système régional arabe, Marseille, CNRS, 1989.
559 FOURATI (M.), L’amendement de la charte de la Ligue des États Arabes , ENA, Direction des études, des stages et du perfectionnement des cadres supérieurs, Tunis, 1975, p. 1.
560 MOUSKHELI (M.), « La Ligue des États Arabes : commentaire du Pacte du 22 mars 1945 », in Revue générale de droit international public, 1946, p. 114 ; comme l’explique M. Boutrous Ghali, l’intégration du monde arabe est, dans une large mesure, un phénomène préalable. Les éléments favorables à l’union existent depuis fort longtemps. Ainsi, pendant plusieurs siècles, à quelques exceptions près, les pays arabes ont constitué une communauté historique dans le cadre d’un vaste Empire. Mais celui-ci a commencé à s’écrouler à partir du 19ème siècle. A cette époque, l’impérialisme européen n’épargna pas ses efforts pour y parvenir économiquement et militairement. C’est l’écoulement de cet Empire qui, comme nous le verrons, précipitera le cours des choses et fera que les évènements suivront une voie tout à fait inattendue ; BOUTROUS (G.), La Ligue des États arabes, Recueil des cours de l’académie de droit international, 1972, vol III, p. 13.
561 C’est ce mouvement qui a constitué le fondement doctrinal de la Ligue. Il faut toutefois distinguer entre deux notions Panarabisme et Panislamisme. Comme le signale le professeur Le Pautremat « le panislamisme prône la renaissance ou la réforme, la nahda, dans un empire ottoman déclinant, le panarabisme, quant à lui défend l’unité islamique sans polarisation sur l’hégémonie turque. Il appelle à la solidarité musulmane en s’apuyant sur trois concepts : le concept linguistique, instrument politique pour un idéal unitaire, le concept ethnique, affirmant l’existence d’une unité de la race arabe, et le concept historique où l’islam sert à défendre les valeurs spirituelles de l’Orient contre l’occident matérialiste », LE PAUTREMAT (P.), La politique musulmane de la France au xxe siècle, Paris, éd., Maisonneuve et Larose, 2003, pp. 75-76. Voir notamment : LAISSY (M.), Du panarabisme à la Ligue Arabe, Paris, éd., Maisonneuve, 1948.
562 Le 16 mai 1916, par les accords de Sykes-Picot, la France et la Grande-Bretagne prévoient secrètement de se partager le Proche-Orient après la défaite de l’empire ottoman, coupant ainsi court au Royaume arabe et de Grande syrie. Le roi Fayçal, installé de Damas, et les nationalistes arabes de l’époque tentent de s’opposer à ce démantèlement. En juillet 1919 se tient à Damas un congrès général syrien qui proclame son opposition aux accords de Sykes-Picot et réclame l’indépendance d’une grande Syrie, monarchie constitutionnelle englobant le Liban et la Palestine. Mais le mandat français sur la Syrie et le Liban, est confirmé à la Conférence de San Rémo et Damas et conquise par les troupes françaises (24 juillet 1924). Le roi Fayçal en est chassé après un règne de vingt mois. La Grande Bretagne lui accorde alors, en compensation, le trône d’Irak. Malgré le succès de la révolte, le Royaume arabe devient de ce fait caduc, Londres ayant donné la priorité de ses engagements envers la France et à la promesse faite par Lord Balfour d’un État juif en Palestine, sur ses engagements envers les nationalistes arabes. Voir notamment : CARRE (Olivier), Le grand jeu. Orient arabe et rivalités internationales, Paris, Armand Colin, 1991.
563 Voir notamment : LAISSY (M.), Du panarabisme à la Ligue Arabe, Paris, éd., Maisonneuve, 1948.
564 Sur la création de la Ligue des États arabes et son historique voir notamment : KOUKI (Boutheina), La Ligue des États Arabes : crises et perspectives, Université de Nice Sophia Antipolis, Institut du droit de la paix et du développement, thèse de doctorat, 1993 ; BADAR (M.), « La Ligue des États Arabes », in Oriente Moderno (Rome), Tome 32, n° 5-6, mai-juin, 1952, p. 112.
565 Article 2 alinéa premier de la Charte de la ligue des États arabes. Le texte de la Charte se trouve dans : La Ligue des États Arabes et des 22 pays membres. Données de base, Paris, janvier 2000, pp. 67-70. (Mission de la Ligue des États Arabes à Paris).
566 Il n’échappe pas à l’observateur la passivité de la Ligue devant le conflit arabo-israélien, ou encore devant l’occupation américaine de l’Irak, la Ligue s’est simplement contentée d’émettre des déclarations sans pouvoir proposer des solutions adéquates. Sur le plan économique, même si la coopération a aboutit à la création en 1964 du Conseil de l’unité économique arabe et du Marché arabe commun, l’objectif d’une unification économique complète entre les pays membres n’a pas pu être atteint, et ni les législations fiscales, ni les législations financières n’ont pu être harmonisées. Voir notamment : CARRE (O.), Le grand jeu. Orient arabe et rivalités internationales, Paris, Armand Colin, 1991 ; CLEMENTS (F.), Arab regional organisations, New Branswick (N.J), London : Transactions books, 1992.
567 KOUKI (B.), La Ligue des États Arabes : crises et perspectives, op. cit., p. 15 et s.
568 Il faut savoir qu’il existe au sein de la Ligue des Conseils ministériels spécialisés, outre le Conseil des Ministres Arabes de la Justice, la Ligue a crée les Conseils des Ministres de l’Information, de l’Habitat et de l’Urbanisme, du Transport, de l’Environnement, de la Communication, de l’Electricité, du Tourisme, des Affaires sociales, de la Jeunesse et des sports, et de la Santé. Voir notamment : AGATE (S), FLORY (M.), Le système régional arabe, Marseille, CNRS, 1989 ; KOUKI (B.), La Ligue des États Arabes : crises et perspectives, op. cit., p. 68 et s.
569 FLORY (M.), PIERRE-SATEH (A.), dirs., Le système régional arabe, Paris, Editions du CNRS, 1989.
570 BEYSSADE (P.), La Ligue des États arabes, Paris, éd., Planète, 1968 ; MELLAH (F.), De l’unité arabe : essai d’interprétation critique, Paris, l’Harmattan, 1986 ; BOUONY (Lazhar), « Le régime des décisions dans la Ligue des États arabes, réalités et perspectives », in Annuaire Français de Droit International Public, 1983, pp. 543-563.
571 D’ailleurs Yadh Ben Achour ne manque pas de le remarquer, selon l’auteur « La situation culturelle, politique, économique actuelle du monde arabe fait qu’il est impossible, surtout quand on est un Arabe du monde arabe de parler de la religion comme phénomène social totalement explicable, de même qu’il est devenu impossible d’en parler phiolophiquement comme le fait un intellectuel dépassant l’esprit de son temps. (…) Tout discours sur la religion, le droit, la politique [est] un discours stratégique tissé de silences, de prudences, d’esquives, donc un discours corrompu ». BEN ACHOUR (Y.), Politique, Religion et Droit dans le monde arabe, Tunis, éd., Cérès, p. 28.
572 Texte français du Manifeste de Rabat dans Recueil de documents du Conseil, vol. 1, janvier 1987, pp. 13-15. Cité par ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », in Conflit et Harmonisation, Mélanges en l’honneur d’Alfred E. Von Overbeck, 1990, p. 736.
573 BOUONY (L.), « Le régime des décisions dans la Ligue des États arabes, réalités et perspectives », in Annuaire Français de Droit International Public, 1983, pp. 543 et s.
574 Texte français dans Claude-Albert Colliard, Droit international et histoire diplomatique, 2ème éd., Edition Domat Montchrestien, Paris, 1950, pp. 624-629.
575 ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », op. cit., p.734.
576 C’est en vertu de la résolution n° 4218 que fut créé le Conseil des Ministres Arabes de la Justice.
577 Texte français du statut dans Recueil de documents du Conseil (ci-après : RDC), vol. 1, janvier 1987, pp. 34-38.
578 Voir ces objectifs sur le site de la Ligue Arabe : http://www.arableagueonline.org en langue arabe ou anglaise.
579 Résolution n° 6/2- 25/2/81, voir à propos des activités de ce Centre : http://www.arableagueonline.org en langue arabe ou anglaise.
580 Texte français dans RDC, vol. 3, janvier 1988, pp. 27-134.
581 Texte français dans RDC, vol. 2, janvier 1988, pp. 58-77.
582 Texte français dans RDC, vol. 2, janvier 1988, pp. 7-26.
583 Texte français dans RDC, vol. 3, janvier 1989, pp. 27-134.
584 Texte du projet et son mémorandum uniquement en arabe.
585 Les différents projets sont énumérés sur le site en langue arabe : http:www.arableagueonline.org.
586 Voir notamment : AL TAYAR (Saleh Bakr), Al iṣlâḥât al-‘arabiyya wa at-taḥaddiyât ad-dawliyya (les réformes arabes et les défis internationaux), éd. Centre d’Etudes Euro-Arabe, 2005 ; NÖFAᶜ (Hasan), L’Union Européenne et les leçons qu’on pourrait tirer dans le monde arabe, Beyrouth, Centre d’Etudes de l’Unité arabe, 2004.
587 Voir notamment : CHAABANE (Sadok), « La réforme du Pacte de la Ligue des États Arabes », in Revue Générale de Droit International Public, n° 2, 1982, p. 508 et s. ; BELAÎD (S.), Le système institutionnel régional arabe, communication au colloque Le système institutionnel régional arabe, Hammamet, 15-16 et 17 avril 1985, p. 43 ; BEN ACHOUR (R.), « L’impossible réforme de la Ligue des États arabes », in Mélanges G. Abi Saab, Martinus Nijhoff, 2001, p. 44.
588 Ces éléments seront abordés ultérieurement.
589 ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », op. cit., pp. 739-740.
590 L'incendie de la mosquée AL AQSA à Jérusalem en 1969 était la raison directe de la création de l'OCI. Les organes de cette Organisation ont commencé à fonctionner à partir de 1972. Voir ALAOUI BEN EL HASSAN (R.), L’organisaiton de la Conférence islamique : étude d’une organisation internationale spécifique, Thèse de doctorat, Droit, Bordeaux 4, 2001.
591 Dans l’analyse de cette partie nous nous appuyons à plusieurs reprises sur l’article du professeur Aldeeb, seul article relatif au projet du code arabe du statut personnel unifié à notre disposition. A notre connaissance et suite à nos entretiens avec la mission de la Ligue Arabe à Paris, ainsi qu’avec le Centre de documentation Cawtar en Tunisie, nous n’avons trouvé aucun article publié sur ce sujet. Par ailleurs, le Code demeurant au stade de projet, il n’a fait l’objet d’aucune diffusion médiatique ; qui aurait pu nous aider dans nos analyses. ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », in Conflit et Harmonisation, Mélanges en l’honneur d’Alfred E. Von Overbeck, 1990, p. 736.
592 Paragraphe 4 du Manifeste de Rabat.
593 ALDEEB ABU SALIEH (S.), op. cit., p. 736.
594 ALBEED ABU SALIEH (S.), « Un code de statut personnel en Egypte : projet commun aux chrétiens », in Praxis Juridique et Religion, 6.1.1989, pp. 92-110.
595 ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », op. cit., p. 740.
596 Voir à cet effet l’opinion d’As-Sanhouri lors des travaux préparatoires de la Constitution égyptienne de 1953 (jamais promulguée) dans la thèse de doctorat d’ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), L’impact de la religion sur l’ordre juridique : cas de l’Egypte : non-musulmans en pays d’Islam, Ed. Universitaires, Fribourg : Faculté de droit et des sciences sociales, 1979, p. 117. L’auteur cite également l’opinion de Mgr. Grégoire Haddad, « Al ‘Almana, istratîğiyya am taktîk » (la laïcité, une stratégie ou une tactique), in Revue Âfâq, Beyrouth, n° spécial de juin 1978, pp. 63-93, et notamment, pp. 77-78.
597 ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », op. cit., p. 740.
598 Tous les projets d’unification ont été rejetés. Voir à ce sujet : ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), L’impact de la religion sur l’ordre juridique : cas de l’Egypte : non-musulmans en pays d’Islam, Ed. Universitaires, Fribourg : Faculté de droit et des sciences sociales, 1979.
599 A propos de ce genre de polémique, il est intéressant de remarquer les réactions de certains pays vis-à-vis du Manifeste de Rabat de 1977, qui a fixé la charîᶜa islamique comme « source de référence (marğa‘) pour l’unification du droit ». En effet, à la fin du Manifeste, il est fait mention d’une réserve du représentant de l’Arabie Saoudite qui a précisé son point de vue au sujet de la rédaction de l’article premier de la proclamation, pour que cet article devienne ainsi conçu, « afin de réaliser une législation arabe unifiée fondée sur la charîᶜa islamique comme unique source de référence », voir à ce propos ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », in Conflit et Harmonisation, op. cit., p. 4.
600 Voir notamment : Aṣ-ṢÂBÛNÎ (A.), Šarḥ al Al-ahwâl aš-Šaḫsîyya Assûrî: Aẓ-Ẓawâğ wa Âṯâruhu (Explication du droit du statut personnel : Le mariage et ses effets), Manšûrât Ğâmi ‘at Ḥalab, 1990 ; LINANT DE BELLEFONDS (Y.), Traité de droit musulman comparé, Paris, Mouton, 1965, 3 volumes (I : introduction, l’acte juridique, II : mariage et divorce, III : filiation, incapacités, libéralités).
601 Les extraits de ce Code figurent dans les documents annexes.
602 Sur la question du mariage coutumier et du mariage à terme voir notament : AL ḤAKÎM (M.), « Az-zawâğ al-mu’aqqat wa dawruhu fî ḥall mušâkilat al ğins », (le mariage à terme et son rôle dans le règlement du problème sexuel), sans maison d’édition, sans lieu et sans date ; HAERI (S.), Law of desire temporary mariage in Iran, Tauris, London, 1989 ; CHARFI (Salwa), AL Islâm wal Mara’a wal-cUnf (L’islam, la femme et la violence), Tunis, Maṭbaᶜat ᶜAlâmât, 2001 ; Abdel Wahab (Leïla), Al cUnf al Usarî ḍidda al Mar’a (La violence familiale contre la femme), Dâr al Hudâ li AṮ-Ṯaqâfa wan-Naṣr, Beyrouth, 1994 ; l’article paru dans Aš-Šarq al Awṣaṭ en date du 7/3/1998, p. 23.
603 Voir notamment : CHARFI (Salwa), AL Islâm wal Mara’a wal-cUnf (L’islam, la femme et la violence), op. cit., pp. 139-144 ; SOURIOUX (J.), La médiatisation de la réforme du statut personnel égyptien par les journaux ne langues étrangères, Mémoire de DEA, Institut d’Etudes Politiques de Lyon, GARCIN MARROU (J.), dir., 2003. Le site du magazine al Ahram hebdo http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2002/3/20/Egyp1.htm
604 C’est particulièrement les associations maghrébines, marocaines et algériennes qui revendiquent l’abolition de la tutelle matrimoniale sur la femme majeure. Voir notamment : Un Code Alternatif Maghrébin des relations familiales : Cent mesures et dispositions, pour une codification maghrébine égalitaire du Statut personnel et du Droit de la famille (publié en arabe, français et en anglais) Collectif 95 Maghreb Egalité/Friedrich Ebert Stiftung, Rabat 1995 ; http://www.algeria-watch.org/fr/article/just/code–famille/nouveau–code.htm
605 Sur la question de la tutelle voir notamment : LINANT DE BELLEFONDS (Y.), Traité de droit musulman comparé, Paris, Mouton, 1965, 3 volumes (I : introduction, l’acte juridique, II : mariage et divorce, III : filiation, incapacités, libéralités).
606 Nous faisons notamment référence au CSP tunisien qui précise que l’âge du mariage pour la femme est de 17 ans et de 21 ans pour l’homme.
607 ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Unification du droit arabe et ses contraintes », op. cit., p. 9.
608 Voir à ce sujet l’étude d’ALDEEB ABU SAHLIEH (S.), « Droit familial des pays arabes, statut personnel et fondamentalisme musulman », in Praxis Juridique et religion, 5 janvier 1988, p. 17.
609 Voir le texte de ce projet dans Al-Mağallah, n° 2, 1985, p. 21. Il faut cependant signaler que l’article 6 du projet actuel maintient la possibilité d’inclure dans le contrat de mariage une condition « licite », mais sa formulation reste assez ambiguë, et ne parle pas clairement de clause de monogamie que la femme a le droit d’introduire lors de la conclusion du contrat. L’alinéa (d) de cet article précise que « la partie victime d’un préjudice par suite du non respect d’une clause est fondée à demander l’annulation de l’acte ou la dissolution du mariage »,
610 Voir notamment : LINANT DE BELLEFONDS (Y.), Traité de droit musulman comparé, Paris, Mouton, 1965, 3 volumes (I : introduction, l’acte juridique, II : mariage et divorce, III : filiation, incapacités, libéralités).
611 Voir notamment : ASCHA (Ghassan), Mariage, polygamie et répudiation en islam : justifications des auteurs arab-musulmans contemporains, Paris, L’Harmattan, 1998 ; BOUDJERADA (Rachid), La Répudiation, Paris, Gallimard, 1981.
612 L’article 8 du Code de la famille algérien précise qu’ « il est permis de contracter mariage avec plus d'une épouse dans les limites de la chari'a si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies et, après information préalable des précédente et future épouses. L'une et l'autre peuvent intenter une action judiciaire contre le conjoint en cas devant la loi ou demander le divorce en cas d'absence de consentement ». La loi égyptienne autorise également la femme à demander le divorce pour remariage de son époux, à condition de prouver qu’elle a subit un préjudice matériel et moral (Ḍara mâdî awa maᶜnawî).
613 SCHEMAÎS (A.), Le divorce de la femme en droit musulman : Le cas de l’Egypte, Thèse de doctorat, Paris 2, TERRE (François), dir., 1987
614 En se référant par exemple, à l’école hanbalite, la loi de la famille de 1917 autorisa la femme d’inclure la clause monogamie dans le contrat de mariage. Voir notamment : LINANT DE BELLEFONDS (Y.), « Immutabilité du droit musulman et réformes législatives en Egypte », in Revue internationales de droit comparé, vol. 7, n° 1, 1955.
615 CHEHATA (Ch.), Droit musulman, applications au Proche-Orient, éd., Dalloz, 1970. En parlant de solutions qui existent, le professeur Chehata se réfère également aux pratiques qui furent inventées par les fuqahâ’ pour dynamiser le droit musulman « il s’agit de subterfuges légaux (ḥiyal) utilisés dans la rédaction des actes (commerces par exemple) en vue d’éluder l’application de certains textes rigides. Ces techniques ont été proposées par les grands maîtres de l’école ḥanafite, à commencer par šhaybâny, lui-même disciple direct d’Abû Ḥanîfa, signalons aussi l’ouvrage d’Al-Kassâf, dénommé -al ḥiyal wal maḫâriğ- des subterfuges et des échappatoires publié par l’orientaliste Schacht ».
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Droit musulman
Tome 1 : Histoire. Tome 2 : Fondements, culte, droit public et mixte
Hervé Bleuchot
2000