L’ordinaire à l’épreuve du perlocutoire
p. 149-162
Texte intégral
1Dans l’Ouverture de Un ton pour la philosophie, Stanley Cavell définit la philosophie comme la « prétention (claim) à parler pour l’humain », c’est-à-dire comme un « certain usage universalisant de la voix », et il présente « l’arrogante assomption du droit à parler pour les autres » comme constituant « le fond de la manière de philosopher du second Wittgenstein et de […] J. L. Austin, ceux qu’on appelle philosophes du langage ordinaire1 ». Selon Cavell, cette « présomption (arrogation) systématique de la voix » trouve son fondement dans la conviction émersonienne que « plus profond le savant plonge dans son plus intime, son plus secret pressentiment, plus, à sa surprise, il rencontre ce qui est le plus acceptable, le plus public et universellement vrai2 » : ce qui est vrai pour lui dans son cœur est vrai aussi pour tous les êtres humains. Cependant, loin de constituer une « réponse » apaisante, cette conviction ouvre l’espace conceptuel pour formuler l’une des questions les plus importantes (et les plus délicates) pour Cavell : la question politique de la communauté, hantée comme elle est – et comme elle le sera sans doute toujours – par ce que Cavell appelle « la vérité du scepticisme ». Dans Les voix de la raison, Cavell soutient que « parler, au sens politique, en son nom propre, c’est […] parler au nom des autres, au nom de ceux avec qui on consent à s’associer, et c’est consentir à ce qu’ils parlent en votre nom à vous » ; cela signifie, bien entendu, que nous risquons constamment d’être démentis par « ceux au nom desquels [nous] prétendi[ons] (claimed) parler », et que nous risquons en même temps de devoir démentir « ceux qui prétendaient parler pour [nous]3 ».
2Ce double risque, formulé ici en termes politiques, possède en réalité une portée beaucoup plus générale : c’est le risque inscrit au cœur même de notre condition de « créatures de langage4 », de notre forme de vie caractérisée par le désir d’être reconnus par les autres et donc par la nécessité de nous rendre intelligibles à eux. Par conséquent, trouver sa propre voix, en politique tout comme dans des relations d’amitié, d’amour, familiales, etc., ne signifie pas parler en son nom propre de façon privée, mais prendre le risque de s’adresser publiquement aux autres au sein d’une communauté (de langage et de vie) qui est en un sens présupposée mais qui ne peut jamais être donnée pour acquise une fois pour toutes. Elle constitue plutôt l’un des enjeux de nos échanges. Cela signifie, en d’autres termes, comme Cavell l’affirme dans Une nouvelle Amérique encore inapprochable, combattre sans cesse contre la tentation de « retirer ma contribution aux mots, afin que le langage lui-même, comme au-delà de moi-même, prenne exclusivement la responsabilité de vouloir dire (meaning)5 » ; et en même temps, accepter de compter pour les autres, reconnaître que « vos expressions vous expriment bel et bien, qu’elles sont à vous, et que vous êtes en elles6 ».
3La vulnérabilité de la voix humaine, et de notre propre forme de vie en tant que créatures de langage, ne se réduit donc pas au pouvoir que le langage a de blesser7. Elle s’enracine dans le fait qu’il est toujours possible de nier que mon expression m’exprime réellement, de ne pas vouloir dire (mean) ce que je dis, et en même temps dans le fait que vouloir dire ce que je dis m’expose au risque d’être démenti, de découvrir qu’en fait je ne compte pas pour l’autre, ou que je suis incapable de me rendre intelligible à ses yeux8. Cette vulnérabilité essentielle de la voix humaine est étroitement liée à la vulnérabilité du langage ordinaire qui, comme Austin l’a montré, peut toujours « fonctionner mal » (go wrong)9 : il peut non seulement manquer son objet, en le représentant ou décrivant de manière incorrecte ou inappropriée, mais il peut aussi échouer comme n’importe quelle autre action humaine. Et il est clair que, pour Austin, les échecs sont très souvent beaucoup plus intéressants que les succès10. En effet, comme l’explique Sandra Laugier, « c’est précisément la possibilité de l’échec qui définit l’acte de parole comme un acte, et qui inscrit la théorie des actes de parole au sein d’une théorie de l’action » : ainsi, « la possibilité permanente de l’échec du performatif caractérise le langage comme une activité humaine, heureuse ou malheureuse » ; réciproquement, l’action se trouve définie non pas de façon positive mais « en termes de vulnérabilité, de possibilité de transgression et d’échec11 ». Comme l’affirme Cavell dans Un ton pour la philosophie, « si les énoncés ne pouvaient pas échouer, ils ne seraient pas des actions humaines telles que nous les entendons, et même pas des actions humaines du tout12 », en ajoutant, dans l’introduction de Philosophie. Le jour d’après demain, que chez le second Wittgenstein tout comme chez Austin on trouve l’idée que le langage ordinaire est vulnérable – vulnérable au scepticisme, plus précisément, « étant entendu que le scepticisme, tel le diable, revêt d’innombrables formes13 ».
4Il est toutefois important de remarquer que la vulnérabilité du langage ordinaire (et de n’importe quelle autre activité humaine) ne doit pas être interprétée négativement, comme le signe d’une passivité ou d’une impuissance essentielles qui nous emprisonneraient dans une forme de déterminisme. Au contraire, c’est précisément à cause de et grâce à sa vulnérabilité, c’est parce qu’il peut toujours « fonctionner mal », que le langage ordinaire peut jouer le rôle de matrice de changement et de transformation – qu’il peut être le lieu d’émergence du nouveau. En d’autres termes, la vulnérabilité du langage ordinaire est directement liée à sa puissance créatrice, à sa « normativité » – si l’on accepte de donner à ce concept un sens analogue à celui que Georges Canguilhem donnait à la notion de « normativité biologique14 ».
5 C’est depuis cette perspective que l’analyse cavellienne de l’« énoncé passionné » prend tout son sens15. Dans Philosophie. Le jour d’après demain, Cavell se demande si la théorie austinienne de la parole comme action « peut être étendue, en un sens recommencée, afin de proposer une théorie de la parole comme passion16 ». Mais si Cavell se propose d’explorer la question cruciale du « rapport de la passion au langage » afin de combattre la tendance, évidente surtout au sein de la tradition « analytique », à « minimiser le rôle de la passion dans la vie humaine17 », et s’il se montre très critique vis-à-vis d’Austin et de son « mépris relatif et continu des passions, ou disons de ce qui est expressif, dans le langage18 », il est toutefois crucial de souligner qu’une théorie de la parole comme passion ne peut et ne devrait pas être opposée à une théorie de la parole comme action. Certes, Cavell soutient que le fait qu’Austin « élude autant que possible la question de la passion ou de l’expression dans le discours donne à ce qu’il en dit malgré tout l’air d’être une concession au fait que l’aspect passionnel de l’énonciation constitue une question plus ou moins séparable19 ». Cependant, Cavell met en lumière l’importance des pouvoirs expressifs de la parole, sa capacité d’articuler les passions, dans une perspective qui reste profondément austinienne, puisqu’il continue de considérer la parole comme une (ou peut-être l’) activité humaine fondamentale. En d’autres termes, la question la plus féconde que Cavell soulève dans ces textes n’est sans doute pas exactement celle de la « passivité de la passion20 », comme il le dit, mais celle de la passivité de l’action elle-même, ou du moins du langage ordinaire en tant qu’activité humaine – la question de sa vulnérabilité créatrice.
6 Cette question conduit Cavell à étudier à nouveaux frais l’acte perlocutoire, puisqu’il soutient que l’énoncé passionné « n’est qu’une des formes dans lesquelles l’effet perlocutoire peut se structurer » – les autres étant, par exemple, la violence verbale moralisatrice, le discours haineux ou la rhétorique politique21. En effet, Cavell affirme qu’Austin « ne semble pas en mesure de tirer quoi que ce soit du domaine du perlocutoire qui soit comparable à son balisage du domaine de l’illocutoire22 ». Dans Quand dire, c’est faire, afin de réfuter l’« illusion descriptive » (descriptive fallacy)23, à savoir l’idée que l’objectif principal du langage serait de décrire la réalité, Austin soutient qu’il y a trois dimensions qu’il convient de distinguer lorsqu’on considère un énoncé, ou plus précisément, qu’il faudrait considérer un énoncé depuis trois points de vue différents : le locutoire, l’illocutoire et le perlocutoire24. Cela ne signifie pas, bien entendu, vouloir « fragmenter » tout acte de parole en trois parties autonomes et indépendantes : Austin vise à élucider « l’acte de discours intégral, dans la situation intégrale de discours » (the total speech act in the total speech situation)25. Locutoire, illocutoire et perlocutoire sont donc plutôt à entendre comme trois dimensions de l’activité de parler, différentes mais intimement liées entre elles. Un seul et même énoncé peut en fait opérer – et typiquement opère – à tous ces niveaux : l’acte locutoire consiste dans le fait de dire quelque chose, l’acte illocutoire indique ce que l’on fait en disant quelque chose, et l’acte perlocutoire ce que l’on fait par le fait de dire quelque chose26.
7Après avoir étudié la distinction entre acte locutoire et acte illocutoire, et avoir mis en lumière le caractère performatif de tout énoncé (y compris des assertions), Austin poursuit en soutenant qu’il y a un sens ultérieur selon lequel produire un acte locutoire, et par là un acte illocutoire, pourrait signifier aussi produire un acte d’un autre type, c’est-à-dire une perlocution :
Dire quelque chose provoquera souvent – le plus souvent – certains effets (consequential effects) sur les sentiments, les pensées ou les actes de l’auditoire, ou de celui qui parle, ou d’autres personnes encore. Et l’on peut parler dans le dessein, l’intention ou le propos de susciter ces effets27.
8Et Austin d’ajouter :
On remarquera que les effets (consequential effects) suscités par les perlocutions sont de vraies conséquences, dénuées de ces éléments conventionnels en vertu desquels celui qui promet, par exemple, est engagé par sa promesse (et cela fait partie de l’acte illocutoire)28.
9Depuis une perspective austinienne, étudier un énoncé du point de vue illocutoire signifie donc se concentrer sur la nature conventionnelle de ses effets, sur la force conventionnelle spécifique qu’il possède, alors qu’étudier un énoncé du point de vue perlocutoire signifie se concentrer sur ses effets « naturels29 ». Dire « Je vous préviens » (locutoire), c’est – dans les circonstances appropriées – vous prévenir (illocutoire), et cela pourrait en outre vous intimider (perlocutoire) ; en revanche, dire « Je vous intimide » ne revient pas eo ipso à vous intimider, même si cela peut, bien entendu, produire d’autres effets perlocutoires. Par conséquent, comme le soutient Cavell, alors que l’acte illocutoire se trouve typiquement (mais pas toujours, bien entendu, car il y a aussi des illocutions « implicites ») « serti dans le verbe qui le désigne » – car quand je dis « Je promets que je viendrai au colloque demain », je suis effectivement en train de promettre que je viendrai –, l’acte perlocutoire ne l’est normalement pas. En effet, si dire « Je vous alarme », c’était eo ipso vous alarmer, « j’exercerais sur vous une sorte de pouvoir hypnotique ou autre, vous ne seriez plus libre dans vos réactions à mon discours30 ». Bien au contraire, un certain effet perlocutoire est souvent obtenu plus aisément si l’on évite de le « nommer » : par exemple, on persuade ou séduit sans doute plus efficacement si l’on s’abstient de dire « Je te persuade » ou « Je te séduis ».
10 Il peut sembler que la dimension perlocutoire des actes de parole correspond assez exactement à la manière dont Foucault définit le discours, à savoir comme un « champ stratégique » ou comme un ensemble de « tactiques31 » par lesquelles un individu essaie d’agir sur un autre, d’influencer ses opinions, de forger sa conduite, bref de structurer son « champ d’action éventuel32 ». Or ce n’est vrai qu’en partie car, comme l’observe Cavell,
si dans mes diverses façons de m’exprimer en m’adressant à vous je ne pouvais rationnellement escompter produire d’effets du type : vous alarmer ou vous rassurer, vous offenser ou vous amuser, vous ennuyer ou vous intéresser, vous exaspérer ou vous fasciner…, je n’aurais pas la capacité de me rendre intelligible à vous33.
11Cela signifie que, si le discours est un champ stratégique dans et à travers lequel je peux essayer d’agir sur les pensées, les sentiments ou les actions des autres, il est aussi et en même temps un « outil » qui m’oblige à m’exposer moi-même – et à m’exposer notamment à la liberté qu’a l’autre de répondre (ou non) à mes paroles34. C’est sans doute la différence cruciale entre acte illocutoire et acte perlocutoire. En effet, alors qu’un acte illocutoire ne peut être produit qu’en suivant une « procédure, reconnue par convention, dotée par convention d’un certain effet35 », dans le cas de l’acte perlocutoire, en revanche, il n’existe aucune procédure conventionnelle incitant mon interlocuteur à réagir d’une manière ou de l’autre à mes paroles36. Comme le soutient Foucault (sans pourtant se référer à la distinction illocution/perlocution), alors que, « dans un énoncé performatif, les éléments qui sont donnés dans la situation sont tels que l’énoncé étant prononcé, […] il s’ensuit un effet [qui est] connu d’avance, réglé d’avance », la parrêsia – mais cela vaut en réalité pour tout acte perlocutoire – est caractérisée par le fait que « l’introduction, l’irruption » d’un certain discours « détermine une situation ouverte, ou plutôt ouvre la situation et rend possible un certain nombre d’effets qui précisément ne sont pas connus37 ».
12Par conséquent, les « échecs » qui concernent la dimension perlocutoire du discours possèdent un sens radicalement différent de celui des échecs (infelicities) qu’Austin énumère à propos des performatifs : dans le cas des perlocutions, en effet, on ne peut pas dire que le langage a « mal » fonctionné, car il n’est pas question de bien et de mal, mais de reconnaissance (acknowledgment) et de réactivité (responsiveness) en relation non pas à une procédure conventionnellement acceptée mais à un échange vivant et « improvisé » – c’est-à-dire à une conversation38. C’est pourquoi, en étudiant l’énoncé passionné, Cavell soutient que
vous pouvez [toujours] refuser mon invitation à l’échange, […] vous pourrez par exemple nier que j’aie une quelconque autorité auprès de vous, mettre en cause la conscience que j’ai de ma propre passion, rejeter la demande qui appelle la réponse que j’attends ou demander à la remettre à plus tard, ou pis39.
13Et il ajoute que, « dans le mode de l’échange passionné, il n’y a pas de dernier mot, rien à saisir ou à rejeter, jusqu’à ce que l’on tire un trait, jusqu’à ce qu’un retrait soit effectué, qui sera peut-être à son tour révoqué40 », puisque le problème, justement, n’est pas celui d’un acte de parole qui fonctionnerait « mal » (par rapport à une certaine procédure conventionnelle), mais celui de la capacité qu’a le langage de constituer une forme de vie, une manière de vivre ensemble, en créant (ou en échouant à créer) les conditions de la reconnaissance mutuelle.
14On pourrait cependant se demander si cette conclusion ne nous conduit pas à prôner une vision constructiviste du langage et à sous-estimer par conséquent l’importance du thème wittgensteinien de la « naturalité » du langage et de nos accords dans le langage41. Après tout, lorsqu’on parle, on s’attend normalement que les autres nous comprennent, qu’ils nous tiennent pour responsables de nos mots et de leurs effets. Mais ce que nous voulons soutenir, ici, ce n’est pas la non-naturalité de la compréhension réciproque, ou pire encore de notre forme de vie en tant que créatures de langage. C’est plutôt que cette compréhension et cette forme de vie n’impliquent pas toujours la reconnaissance mutuelle – la reconnaissance de l’autre (et de moi-même) comme être fini et séparé42. Cela est le fruit d’un apprentissage, ou mieux, d’une « éducation ». Comme Cavell l’affirme dans À la recherche du bonheur, la conversation – dans les comédies du remariage, mais aussi de manière plus générale toute conversation « heureuse » – est une « forme de vie » au sein de laquelle les interlocuteurs apprennent à parler « la même langue », c’est-à-dire à se reconnaître mutuellement dans leur singularité et finitude43.
15Le sujet humain se trouve donc impliqué dans l’acte illocutoire et dans l’acte perlocutoire de deux manières différentes. D’une part, dans le cas des illocutions, ou mieux, de la dimension illocutoire du discours, le statut du locuteur et la situation dans laquelle il se trouve déterminent de façon assez précise ce qu’il doit dire s’il veut effectuer correctement un certain acte de parole – promettre, ordonner, baptiser, etc. Foucault suggère que, dans les énoncés performatifs, ce qui compte n’est que le statut social ou institutionnel du locuteur, puisqu’il doit avoir « le statut qui lui permet, en prononçant son énoncé, d’opérer ce qui est énoncé44 ». Or il s’agit sans doute d’une simplification. En effet, Foucault ne semble avoir en tête que des cas très spécifiques, où le statut social ou institutionnel du locuteur compte de manière presque exclusive – par exemple, le président de séance qui dit « La séance est ouverte ». Il y a pourtant bien d’autres cas où cela n’est pas vrai, ou il l’est de manière moins évidente : songeons aux promesses ou aux ordres. Cependant, il est vrai que, pour qu’un performatif soit heureux, pour qu’il « fonctionne bien », certaines personnes seulement peuvent (et doivent) prononcer certains mots dans certaines circonstances, car elles doivent être appropriées pour pourvoir invoquer la procédure conventionnelle en question45. Doit-on en conclure que le sujet de l’acte illocutoire est donné d’avance et irrévocablement fixé à sa position initiale ? Pas du tout. Il serait intéressant, au contraire, d’explorer les manières dont un acte illocutoire produit lui aussi des « effets de retour46 » sur le locuteur lui-même – des effets de « subjectivation » (de création ou de renforcement de sa posture morale, de son statut social, de son autorité personnelle, etc.) qui sont pourtant toujours étroitement liés à la procédure conventionnelle invoquée.
16D’autre part, ce qui caractérise les perlocutions, ou mieux, la dimension perlocutoire du discours, c’est le fait que le locuteur y fait valoir sa propre liberté en tant qu’individu qui parle – mais cette liberté n’est pas idéalisée, elle est une pratique, elle n’existe qu’en pratique(s)47. Comme l’affirme Cavell, puisque, dans ce cas, il n’y a aucune procédure conventionnellement établie, il n’y a pas non plus des « personnes spécifiées antérieurement » et l’on doit donc « décider du caractère approprié à chaque cas ; il est à chaque fois remis en question48 ». En effet, ici, le locuteur n’est pas en train d’invoquer une quelconque procédure conventionnelle, mais d’engager un échange, une conversation ; c’est pourquoi il doit déclarer – explicitement ou implicitement – qu’il a autorité auprès de son interlocuteur (qu’il est approprié, qu’il convient) et, par là, choisir son interlocuteur (comme approprié) en l’occurrence49. Cavell résume cette idée de manière très efficace lorsqu’il soutient que, alors qu’un énoncé performatif est une invitation « à participer à l’ordre de la loi », un énoncé passionné – et plus en général tous les énoncés dont l’effet principal est perlocutoire – est une invitation « à improviser avec les désordres du désir50 ». Par conséquent, dans le cas des perlocutions, les « échecs » (par exemple le fait de ne pas avoir choisi le destinataire approprié) mettent en jeu de manière beaucoup plus radicale « l’avenir de notre relation, en tant qu’elle fait partie du sentiment que j’ai de mon identité ou de mon existence51 ». En d’autres termes, les perlocutions rendent le locuteur vulnérable à un type spécifique d’échec : leurs effets de retour en termes de subjectivation sont caractérisés par le fait que le locuteur s’expose lui-même au risque non pas d’échecs conventionnellement définis mais du reproche, du désaveu, de la non-reconnaissance, et ainsi de suite. C’est son sentiment d’être un sujet capable de se rendre intelligible aux autres qui est mis en jeu. Nous sommes donc à la fois actifs et passifs lorsque nous agissons par le moyen du langage. Il y a une passivité propre à nos actes de parole, et une vulnérabilité spécifique qui est liée à la dimension perlocutoire du langage.
17Nous faisons et nous subissons des choses avec les mots, et cela, non seulement parce que les mots peuvent blesser (« le langage agit, et il agit contre nous52 »), mais aussi parce que nous ne pouvons faire des choses avec les mots que si nous acceptons de nous exposer à plusieurs types d’échecs ainsi qu’aux autres et à leurs réponses – des réponses qui ne sont pas connues d’avance et qui sont capables de nous toucher en profondeur. De ce point de vue, comme nous l’avons déjà noté, prendre au sérieux le travail d’Austin veut (aussi) dire mettre radicalement en question l’idée d’un sujet des actes de parole qui serait donné d’avance et figé : « Notre parole, c’est notre engagement » (Our word is our bond)53 signifie que parler est pour nous une manière de nous donner une forme, non seulement vis-à-vis des autres (pour nous rendre intelligibles à leurs yeux), mais également vis-à-vis de nous-mêmes, puisque le langage, loin d’être la « traduction extérieure » de nos pensées les plus intimes, d’une réalité intérieure déjà toute faite, est à la fois le lieu et le véhicule d’un ensemble complexe de processus de constitution et de reconstitution de la subjectivité. Ces processus, comme nous l’avons montré, sont caractérisés par notre condition de vulnérabilité ainsi que par le risque permanent du désaveu et de l’inintelligibilité. Ils ne sont pas et ne peuvent pas être connus d’avance, puisqu’ils constituent une partie essentielle de notre forme de vie en tant que créatures de langage, et méritent par conséquent d’être étudiés du point de vue d’une dramatique plutôt que d’une simple pragmatique du discours54. Cette perspective est d’ailleurs totalement cohérente avec le principe méthodologique d’Austin – élucider l’acte de discours intégral, dans la situation intégrale de discours –, qui implique pour Cavell la nécessité de revenir « au fait même de parler », ou mieux, « au fait de l’expressivité (expressiveness) et de la réactivité (responsiveness) du discours en tant que tel55 ».
18Mais pour faire place à une analyse détaillée du domaine du perlocutoire, on doit en réalité élargir les frontières de ce que l’on appelle « la situation intégrale de discours ». Considérons l’un des exemples discutés par Austin dans Quand dire, c’est faire : dans le cas de la locution « Tu ne peux faire cela », l’illocution correspondante sera « Il protesta contre mon acte », et ensuite il peut y avoir, d’après Austin, deux types différents de perlocution : des perlocutions ne renvoyant qu’« indirectement » (obliquely) aux actes locutoire et illocutoire (par exemple : « Il me dissuada », « Il me retint ») et des perlocutions n’y renvoyant pas du tout (par exemple : « Il me ramena au bon sens » ou « Il m’importuna »)56. Il est pourtant évident que, si l’on veut analyser et comprendre la production de ces effets perlocutoires, et en particulier de ceux du second type, on a besoin d’informations complémentaires – informations qu’Austin, dans ce cas, ne nous donne pas. Considérons un autre exemple : si je dis à un collègue « Je promets que je viendrai au colloque demain », j’effectue à la fois un acte locutoire et un acte illocutoire, et on n’a pas besoin de connaître beaucoup d’éléments de la « situation intégrale de discours » pour pouvoir le justifier. Disons mieux : il y a bien entendu plusieurs éléments à considérer, dont notamment les six conditions de félicité du performatif qu’énumère Austin57, mais il n’est pas nécessaire de décrire la conversation dans sa totalité ou en détail. Or ma promesse peut produire également des effets perlocutoires, par exemple pousser mon collègue à venir lui aussi au colloque le jour suivant – et pour étudier ce genre d’effets on a nécessairement besoin de beaucoup plus d’informations : on doit savoir, par exemple, que mon collègue hésitait à venir, qu’il m’avait fait part de ses doutes en me disant qu’il ne connaissait personne au colloque et qu’il n’avait donc pas envie d’y aller, et ainsi de suite. Bref, la conversation doit être décrite dans sa totalité. Ce qui nous permet aussi de préciser qu’il faut éviter à tout prix l’« idéalisation » du perlocutoire : si l’on parle ici de liberté (du locuteur et de l’interlocuteur), ce n’est pas pour suggérer l’existence d’un espace social sans normes ni conventions au sein duquel des individus parfaitement libres pourraient agir à leur gré, ni pour affirmer que le point de vue de l’illocutoire pointerait en direction d’un espace complètement saturé de normes sans aucune marge de liberté. S’il n’y a pas de procédure conventionnellement établie capable d’assurer la production d’un certain effet perlocutoire, et si à propos des perlocutions il est crucial d’insister sur des éléments tels que la liberté personnelle ou la capacité à improviser58, ces dernières doivent toujours être évaluées en contexte : tout comme les effets illocutoires, les effets perlocutoires sont eux aussi inscrits à l’intérieur d’une situation sociale spécifique, ils sont donc « normés » de plusieurs manières, mais ils ne le sont pas (ou pas entièrement) a priori. D’ailleurs, la liberté n’existant qu’en pratique(s), liberté et normes ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs – au contraire, ils coexistent toujours.
19Cela n’empêche que, comme le souligne Cavell, « les actes perlocutoires laissent place à et récompensent l’imagination et la virtuosité » d’une façon que les actes illocutoires généralement ne font pas : « persuader peut nécessiter une profonde réflexion, insinuer autant que consoler peut exiger du tact, séduire ou embrouiller quelqu’un peut demander du talent », et ainsi de suite59. En outre, il est crucial de souligner que les effets de type perlocutoire sont produits « plus facilement, et parfois plus efficacement, […] sans rien dire » : c’est pourquoi Cavell conclut que l’expression passionnée « impose diverses exigences au corps singulier, auxquelles (si tout va bien) la force illocutoire renonce60 ». La situation intégrale de discours devrait donc être étudiée non seulement dans sa dimension « linguistique », mais aussi dans sa dimension corporelle, puisqu’il n’y a pas de doute que « parler est en soi un acte corporel61 » et que reconnaître que notre expression en fait nous exprime signifie également « reconnaître que [notre] corps, le corps de [nos] expressions, est à [nous] ; qu’il est [nous] sur la terre, qu’il est tout ce que de [nous] il y aura jamais62 ».
20Ce n’est donc que par une analyse de la « situation intégrale de discours » – appelons-la conversation – dans ses multiples dimensions (locutoire, illocutoire et perlocutoire, étant entendu que l’importance de chacune d’elles peut varier), et sans négliger le rôle primordial que joue le corps dans l’expression de soi, qu’il devient possible de décrire notre forme de vie (en tant que créatures de langage) comme vulnérable, comme définie par et exposée en permanence aux erreurs, aux échecs, aux ruptures, aux blessures, aux désaveux, aux reproches :
La menace du scepticisme (au sens où je l’entends) ne réside pas simplement dans le fait que, puisqu’on peut « toujours » se tromper dans ses jugements (empiriques), il faille en tirer la conclusion […] que l’on doit se montrer prudent dans ce que l’on avance, et mesurer le degré d’attachement de sa volonté à ses paroles sur le monde. […] Ce que nous enseigne la menace sceptique, c’est plutôt que, puisqu’en tant qu’être fini je suis menacé par des conséquences issues de sources imprévisibles, à tout moment j’agis et je parle en l’absence de ce qui peut paraître une raison suffisante. Dans la mesure où je ne saurais mesurer en chaque cas jusqu’où investir ma volonté, il faut bien que je me sache susceptible de rencontrer des malheurs (les conséquences d’accidents, d’erreurs, d’étourderies, de maladresses, de la légèreté, de la bêtise, de l’imprudence, de l’hésitation, de la précipitation, de la fatalité, et ainsi de suite)63.
21Nous sommes sans aucun doute « victimes de l’expression64 ». Mais en même temps, et précisément à cause de cela, notre forme de vie mérite d’être conçue comme une aventure au sein de laquelle notre être de sujets en relation à la fois à nous-mêmes et aux autres est sans cesse créé et recréé, modifié, transformé dans et par nos conversation.
Notes de bas de page
1 Stanley Cavell, Un ton pour la philosophie. Moments d’une autobiographie, trad. S. Laugier et É. Domenach, Paris, Bayard, 2003, p. 14.
2 Ibid.
3 Stanley Cavell, Les voix de la raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie, trad. S. Laugier et N. Balso, Paris, Seuil, 1996, p. 61.
4 Stanley Cavell, In Quest of the Ordinary. Lines of Skepticism and Romanticism, Chicago, University of Chicago Press, 1988, p. 141.
5 Stanley Cavell, Une nouvelle Amérique encore inapprochable. De Wittgenstein à Emerson, trad. S. Laugier, repris dans Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, Paris, Gallimard, 2009, p. 78.
6 Stanley Cavell, Les voix de la raison, op. cit., p. 551.
7 Voir Mari J. Matsuda et al., Words That Wound. Critical Race Theory, Assaultive Speech and the First Amendment, Boulder, Westview Press, 1993 ; Judith Butler, Le pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif, trad. Ch. Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam, 2004.
8 Stanley Cavell, Un ton pour la philosophie, op. cit., p. 70-71.
9 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, trad. G. Lane, Paris, Seuil, 1970, p. 48.
10 Voir par exemple l’analyse des échecs (infelicities) du performatif qu’il offre dans ibid., p. 49 et suiv.
11 Sandra Laugier, « The Vulnerability of Reality. Austin, Normativity and Excuses », dans Savas L. Tsohatzidis (dir.), Interpreting J. L. Austin. Critical Essays, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 130-131.
12 Stanley Cavell, Un ton pour la philosophie, op. cit., p. 131.
13 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, trad. N. Ferron, Paris, Fayard, 2011, p. 8.
14 Voir Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 2013, p. 102-103 : « [L]a vie n’est pas indifférente aux conditions dans lesquelles elle est possible, […] la vie est polarité et par là même position inconsciente de valeur, bref […] la vie est en fait une activité normative. […] Au sens plein du mot, normatif est ce qui institue des normes. Et c’est en ce sens que nous proposons de parler d’une normativité biologique. »
15 Pour une discussion approfondie de cette analyse, voir Layla Raïd, « Énoncés passionnés et performatifs selon Stanley Cavell », Revue internationale de philosophie, 256, 2011, p. 151-165.
16 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 22.
17 Ibid., p. 172.
18 Ibid., p. 175-176.
19 Ibid., p. 180.
20 Ibid., p. 172.
21 Ibid., p. 11.
22 Ibid., p. 24.
23 J. L. Austin, Quand dire, c’est faire, op. cit., p. 39.
24 Ibid., p. 115.
25 Ibid., p. 151.
26 Ibid., p. 109.
27 Ibid., p. 114.
28 Ibid., p. 115.
29 Voir Marina Sbisà, « How to Read Austin », Pragmatics, 17/3, 2007, p. 465-466. Comme l’explique Bruno Ambroise, « l’acte perlocutoire est “naturel” dans un sens spécifique, qui renvoie à la naturalité des réactions humaines étudiées par Aristote dans la Rhétorique » (Bruno Ambroise, « Illocutoire ou perlocutoire ? Retour et détours sur une distinction fondatrice », HAL SHS, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01091859/document, 2014, p. 5).
30 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 188.
31 Michel Foucault, « Le discours ne doit pas être pris comme… », dans Dits et écrits II, 1976-1988, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 123.
32 Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir », dans Dits et écrits II, op. cit., p. 1056.
33 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 188-189.
34 Voir ibid., p. 24 : « [D]ans l’énonciation passionnée, les sentiments et les actes que je souhaite provoquer (Ayer) ou susciter (Austin) sont des sentiments et des actes que je peux reconnaître, ou refuser de reconnaître selon le cas, comme des réponses appropriées à l’expression de mon sentiment. »
35 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, op. cit., p. 49.
36 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 25.
37 Michel Foucault, Le gouvernement de soi et des autres. Cours au Collège de France, 1982- 1983, éd. F. Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2008, p. 60. Pour une analyse de la parrêsia depuis la perspective de l’effet perlocutoire, voir Daniele Lorenzini, La force du vrai. De Foucault à Austin, Lormont, Le Bord de l’eau, 2017, p. 79-133.
38 Sur l’importance de la notion de conversation chez Cavell, voir notamment Stanley Cavell, À la recherche du bonheur. Hollywood et la comédie du remariage, trad. Ch. Fournier et S. Laugier, Paris, Vrin, 2017, p. 38-39. Sur ce point, voir également Daniele Lorenzini, Éthique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire, Paris, Vrin, 2015, p. 162-166.
39 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 198.
40 Ibid., p. 200.
41 Voir Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, trad. F. Dastur et al., Paris, Gallimard, 2004, §241, p. 135 : « C’est ce que les hommes disent qui est vrai et faux ; et c’est dans le langage que les hommes s’accordent. Cet accord n’est pas un consensus d’opinion, mais de forme de vie. »
42 Stanley Cavell, In Quest of the Ordinary, op. cit., p. 178.
43 Stanley Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 137.
44 Michel Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 63.
45 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, op. cit., p. 49.
46 Michel Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 64.
47 Voir Michel Foucault, « Espace, savoir et pouvoir », dans Dits et écrits II, op. cit., p. 1094.
48 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 197.
49 Ibid.
50 Ibid., p. 26. Sur la vie humaine comme improvisation, voir Stanley Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 252.
51 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 201.
52 Judith Butler, Le pouvoir des mots, op. cit., p. 21. Voir également Ishani Maitra et Mary K. McGowan (dir.), Speech and Harm. Controversies over Free Speech, Oxford, Oxford University Press, 2012 ; Jeremy Waldron, The Harm in Hate Speech, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2012.
53 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, op. cit., p. 44.
54 Voir Michel Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 65-66.
55 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 24.
56 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, op. cit., p. 114.
57 Ibid., p. 49.
58 Voir Arnold I. Davidson, « Exercices spirituels, improvisation et perfectionnisme moral. À propos de Sonny Rollins », dans D. Lorenzini et A. Revel (dir.), Le travail de la littérature. Usages du littéraire en philosophie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 229-242.
59 Stanley Cavell, Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 190.
60 Ibid.
61 Judith Butler, Le pouvoir des mots, op. cit., p. 30.
62 Stanley Cavell, Les voix de la raison, op. cit., p. 551.
63 Id., Philosophie. Le jour d’après demain, op. cit., p. 154-155.
64 Ibid., p. 27.
Auteur
University of Warwick
Assistant professor of philosophy à l’université de Warwick. Ses travaux de recherche se situent à la croisée de la philosophie morale, de la philosophie politique et de la philosophie du langage ordinaire, mais il s’intéresse également à l’éthique médicale et à l’éthique animale, ainsi qu’aux rapports entre la philosophie, la littérature et le cinéma. Il est notamment l’auteur de Jacques Maritain e i diritti umani (Morcelliana, 2012), Éthique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire (Vrin, 2015) et La force du vrai. De Foucault à Austin (Le Bord de l’eau, 2017).
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