Gouverner l’être-autre
La question du corps chrétien
p. 205-221
Texte intégral
1Les auditeurs du cours de 1980 au Collège de France, Du gouvernement des vivants, pensèrent sans doute que Foucault, choisissant de traiter du christianisme des premiers siècles, allait reprendre la question du pastorat, développée pour la première fois en 19781. Or ce thème en est presque entièrement absent, à l’exception d’un court passage, à la fin de la leçon du 20 février, dont seul le manuscrit nous permet d’avoir connaissance2, et d’une remarque, dans la leçon du 19 mars3, sur laquelle je reviendrai en conclusion. Occurrences marginales, donc (la première étant laissée muette par Foucault), qui semblent n’occuper qu’une place mineure dans l’économie générale du cours. Je voudrais essayer de montrer, aujourd’hui, qu’il n’en est rien et que Foucault, dans ses notes manuscrites, introduit une idée importante, tant pour la compréhension du cours que pour l’intelligence du concept de pastorat. Alors que les conférences de 19784 et 19795, sur ce point, n’ajoutaient rien aux analyses de Sécurité, territoire, population, Foucault l’aborde ici sous un angle très nouveau, en articulant le pastorat au problème de la conversion : « La conversion chrétienne [s’est] trouv[ée] liée à toute une pratique et tout un art de gouverner les hommes, à l’exercice d’un pouvoir pastoral6. »« Conversion », non pas – ce qui serait d’une grande banalité – au sens de l’adhésion à la foi chrétienne, mais du changement de vie requis, de la part du croyant, pour accéder à la vérité. Or ce changement implique, « pour s’authentifier », qu’il « manifeste la vérité de son âme ». C’est pourquoi le pastorat peut se définir comme la forme de pouvoir consistant à « gouverner l’être-autre par la manifestation de la vérité de l’âme, pour que chacun puisse faire son salut7 ».
2Faut-il ne voir là que la reformulation, dans le cadre d’une problématique centrée sur le « gouvernement par la vérité8 », de l’idée selon laquelle le pastorat, pour s’exercer, a besoin de savoir, non seulement « ce que fait chacun », mais « ce qui se passe dans [son] âme9 », « au plus profond des secrets de l’individu10 » ? Foucault ne fait-il que redire, sous des mots différents, ce qu’il n’a cessé de répéter depuis deux ans ? Je ne le pense pas. L’accent mis sur la conversion, le changement radical, le devenir autre, me paraît révéler une réorientation profonde de l’analyse. Ce dont il est question n’est plus la « production des vérités cachées11 », mais « la manifestation du tout autre en chacun12 ». Non plus l’aveu d’une intériorité, mais l’expression d’une rupture d’identité.
3De cette réorientation on n’a pas encore, je crois, mesuré tous les effets critiques par rapport à l’analyse antérieure du pastorat. Elle conduit en effet, d’abord, à revoir la fausse évidence du lien entre pastorat et confession ; elle met en question, ensuite, la thèse que le pastorat serait, en son principe, un pouvoir individualisant ; elle ouvre la voie, enfin, à une autre compréhension, plus complexe, du mode de subjectivation chrétien. Cette voie, sans doute, n’est pas celle que Foucault aurait choisi de suivre, mais peut-être permet-elle d’éclairer, fût-ce indirectement, les raisons pour lesquelles le thème pastoral, après ce cours, s’efface de son travail.
4Le texte manuscrit fait apparaître, d’entrée de jeu, le double paradoxe du pastorat : paradoxe, en premier lieu, d’un pouvoir qui prétend à l’universalité en demandant à tous d’accomplir ce qui, dans l’Antiquité, relevait des capacités d’un petit nombre13 ; paradoxe, ensuite, d’un pouvoir qui s’exerce sur les hommes en prenant appui, non sur ce qu’ils sont, mais sur la production – et le contrôle – d’un devenir autre.
5La réponse au premier paradoxe consiste, on le sait, dans la rupture qu’opère le christianisme avec les courants d’inspiration gnostique, en dissociant salut et perfection :
[F]aut-il être parfait pour être sauvé ? […] Comment arriver à édifier une religion de salut qui n’implique pas la perfection de ceux qui sont sauvés ? Le christianisme est une religion du salut dans la non-perfection14.
6La conversion, dès lors, ne prendrait plus la forme, par le mouvement de l’âme sur elle-même, d’un passage soudain, total, irréversible de l’ombre à la lumière, mais celle d’un effort pour maintenir la promesse du salut dans une vie sans cesse menacée par le péché15. C’est pourquoi la metanoia, qui signifiait initialement « changement de pensée16 », acquiert, chez les chrétiens, le sens spécifique de « pénitence » : la metanoia est une vie de pénitence.
7Quant au second paradoxe, qui semble contredire l’impératif de connaissance des âmes sur lequel se fonde le pastorat, il se résoudrait dans le déchiffrement de soi exigé de tout chrétien pour mourir à lui-même et renaître, par là, à une autre vie.
8Les deux paradoxes, ainsi, trouveraient leur solution dans la pratique de la pénitence, de plus en plus centrée sur la verbalisation des fautes. C’est à travers la confession que le pastorat renforcerait son emprise individualisante. L’aveu, en somme, ne représenterait pas une forme tardive de technologie pastorale. Il en serait, dès l’origine, le noyau même, sous des procédures encore imparfaites ou tâtonnantes. En tant qu’il s’organise institutionnellement comme pastorat, le christianisme serait, en son essence, une religion de l’aveu.
9Cette lecture très courante présente, toutefois, deux inconvénients. Elle conduit, d’abord, à interpréter l’exomologèse (i. e. la première forme de pratique pénitentielle) en termes de « déjà » ou de « pas encore » sur l’axe de la confession-verbalisation, comme Foucault semble parfois y inviter lui-même, inscrivant ce rite dans l’histoire des procédures d’« aveu17 », tout en soulignant l’absence presque complète, en celui-ci, de verbalisation des fautes18. Impression renforcée par la manière dont, dans le « Résumé du cours », il élude complètement le problème de la metanoia et regroupe l’ensemble de ses analyses sous le thème général des « procédures de l’aveu et de l’examen des âmes dans le christianisme primitif19 ».
10Les conférences de Dartmouth College, en 1980, effectuent, à cet égard, une précieuse mise au point. Exomologèse et exagoreusis (la verbalisation des pensées), précise Foucault, ne désignent pas deux étapes successives, mais deux technologies de vérité en concurrence l’une avec l’autre, et dont la seconde, aujourd’hui dominante, a « finalement remporté la victoire après des siècles » : l’une, correspondant à la « tentation ontologique du christianisme » (manifestation de l’être du pécheur), l’autre, à sa « tentation épistémologique » (analyse discursive de la pensée20).
11Mettre l’accent sur le couple examen-aveu pour définir le mode d’action du pastorat, ensuite, renvient à centrer l’analyse sur ce qui apparaît alors comme la cible de la technologie pastorale – le « soi » intérieur qu’il s’agit de déchiffrer et d’exprimer –, en oubliant le processus – celui du devenir autre – à l’intérieur duquel se manifeste ce « soi ». Le dispositif d’aveu, élaboré par le pastorat, est alors compris comme ce qui fixe l’individu, en lui-même multiple, à un principe subjectif d’identité, sa « vérité » intérieure : « La vérité, la production de la vérité intérieure, la production de la vérité subjective est un élément fondamental dans l’exercice du pastorat21. »
12À rebours de ce type de lecture, Philippe Chevallier, dans un article passionnant, a bien montré que le « soi » chrétien, lié à l’imperfection radicale du croyant, sans cesse exposé au risque de la rechute, ne pouvait se ramener à une quelconque identité distincte et permanente :
La « vérité du soi » […] n’est qu’une vérité discontinue, sans identité fixe à découvrir au terme de la recherche. […] Vérité de ce qui surgit plus que de ce qui demeure ; de ce qui revient sans cesse à travers des stratégies nouvelles plus que de ce qui perdure identique à lui-même22.
13Trois points importants me paraissent ressortir de cette remarquable analyse : l’impossible adéquation à soi, tout d’abord, du « soi » chrétien est référée à la « faiblesse ontologique23 » du sujet, en combat permanent avec lui-même ; cette inadéquation, ensuite, est décrite comme une « incessante rupture du sujet avec lui-même24 », dans son effort pour tendre à une perfection inaccessible ; la « vérité de soi » ainsi mise en évidence (comme vérité d’une impossible identité à soi), enfin, loin d’enfermer l’individu dans les limites d’une intériorité singulière, se révèle en réalité « bien peu individualisante25 », le jeu du volontaire et de l’involontaire qu’elle traduit étant irréductible aux circonstances d’un parcours personnel.
14Fondement ontologique, rupture du sujet avec lui-même, désindividualisation : ce sont ces trois éléments que je voudrais à mon tour essayer d’articuler, mais en les déplaçant sur un autre terrain. Il me semble, en effet, que l’analyse de Philippe Chevallier, malgré ses efforts pour se dégager du cadre interprétatif trop étroitement centré sur l’aveu26, s’inscrit encore dans la perspective de celui-ci : le « soi » instable, rompu, discontinu, c’est celui qui s’avoue, non certes pour permettre d’épingler son identité, mais pour « renoncer à lui-même27 », sa « vérité » s’effaçant, par l’efficace du pardon, dans l’acte par lequel elle s’énonce28. Or, je crois qu’il peut être intéressant de tenter de saisir le point où le pastorat se branche sur le « soi » chrétien en deçà du moment « épistémologique » de l’examen ou de l’aveu, dans cette première phase de développement de la pratique pénitentielle que les Pères de l’Église, depuis Tertullien, désignent par le nom d’exomologèse. C’est là, comme je vais tenter de le montrer, que se découvre, sous sa forme la plus essentielle, le lien entre pastorat et « conversion » ; mais là également que se dévoilent, avec la plus grande netteté, les difficultés inhérentes à l’approche foucaldienne.
15Je m’appuierai, pour cette discussion, sur un texte auquel Foucault accorde une place tout à fait centrale dans son analyse : le De paenitentia de Tertullien, et, plus précisément, les chapitres IX-X consacrés à l’exomologèse.
16Mais il convient, d’abord, de préciser quel type de subjectivation est à l’œuvre dans cette procédure. La metanoia/conversion, explique Foucault, consiste en une « rupture d’identité29 » par laquelle le sujet, non seulement cesse d’être ce qu’il était, mais se maintient dans son être nouveau (elle est, à ce titre, un « état-rupture30 »). Une formule la résume, tirée d’un texte de saint Ambroise : Ego non sum ego, dit un jeune homme, fraîchement converti, à son ancienne fiancée qu’il ne reconnaît plus31. C’est cette formule, affirme Foucault, « qui est au cœur de l’exomologesis32 ». Plus précisément encore, elle est au cœur de cette manifestation spécifique à l’exomologèse, qu’il appelle, avec Tertullien, la publicatio sui33.
17L’expression apparaît, dans le cours, au terme d’un développement sur les deux acceptions, classiquement reçues34, du concept d’exomologèse : acte global de pénitence (sens large) ou simple épisode, à la fin de la procédure pénitentielle (sens étroit). Si elle représente la « dramatisation », en un lieu et à un moment précis, du « drame permanent de la pénitence », l’exomologèse-épisode, selon Foucault, ne s’en distingue pas essentiellement : elle ne fait que resserrer, de manière plus intense, la mise en scène par laquelle le pénitent manifeste sa condition de pécheur. Cette manifestation de soi, c’est cela que Tertullien désignerait par l’expression publicatio sui : « Tertullien utilise [pour la dimension dramatique propre à la pénitence] un terme, je crois, fondamental : c’est la publicatio sui, il faut se publier35. »
18Que dit exactement Tertullien ? Après avoir décrit la « discipline » en laquelle consiste l’exomologèse, « qui enjoint à l’homme de se prosterner et de s’humilier, en lui imposant […] une conduite36 », il déplore que « bien des gens se dérobent à cette tâche, parce qu’elle révèle publiquement leur état [ut publicationem sui], ou la diffèrent de jour en jour, plus soucieux […] de leur honte que de leur salut37 ».
19Foucault, on le voit, semble quelque peu forcer le texte en faisant un impératif – « il faut se publier » – d’une incise expliquant la manière dont les fidèles se représentent la discipline pénitentielle : ils y répugnent parce qu’ils y voient, selon la traduction de Oscar D. Watkins, an open exposure of themselves38, un étalage public de ce qu’ils sont. Isolant l’expression de son contexte, Foucault lui donnerait ainsi un tout autre sens : non plus la honte de se découvrir, mais l’obligation de se manifester soi-même. L’accent se trouverait déplacé, de la sorte, de l’exhibition honteuse au « soi » à manifester.
20Telle est, notamment, la conclusion à laquelle arrive Philippe Chevallier :
Foucault coupe […] violemment dans cette phrase pour en extraire l’unique occurrence de l’expression publicatio sui dans le De paenitentia et l’élever au rang d’unité conceptuelle : « la » publicatio sui ; comme si Tertullien avait lui-même défini un stade ou une étape essentielle de la pénitence39.
21Mais ce geste, en fait, témoignerait de la cohérence de son interprétation :
[D]’une certaine manière, tout est déjà en place, tout est déjà là de la grande dramaturgie du christianisme, du soi et de la vérité, dans ce commentaire du De paenitentia où se lisent entre les lignes les transformations qui vont mener à la confession auriculaire du deuxième millénaire40.
22De l’exomologèse à l’aveu, le chemin, même s’il faut le lire « entre les lignes », serait déjà tracé chez Tertullien. Je crois cependant, pour ma part, qu’il est possible de proposer un commentaire assez différent de ce passage du cours.
23D’une part, en effet, Foucault ne malmène nullement le texte du De paenitentia pour en extraire, quelque peu artificiellement, le syntagme publicatio sui, mais s’inscrit, en le relevant, dans une tradition de lecture bien établie. De Poschmann41 à Grotz42 et Rahner43, les principaux historiens de la pénitence chrétienne des premiers siècles n’ont pas manqué, avant lui, d’y voir la description d’un acte positif, lié à la procédure pénitentielle. Présentée par Tertullien du point de vue de l’aversion qu’elle inspire aux pécheurs, la publicatio sui désignerait bien un ensemble de gestes et d’attitudes ritualisés. La différence – et elle a son poids – entre Foucault et les historiens est ailleurs : tandis que ceux-ci la situent au stade ultime de la procédure (elle en marquerait, écrit Poschmann, le moment « le plus difficile », celui, « qui fait reculer la plupart devant l’exomologèse44 »), Foucault, quant à lui, y voit l’expression de la « dimension dramatique propre à la pénitence45 ».
24D’autre part, loin de mettre l’accent sur le « soi », dans l’acte de publicatio sui, comme s’il s’agissait, à travers lui, de se montrer dans sa vérité profonde46, Foucault, avec l’ensemble des exégètes, en souligne le caractère essentiellement public. La publicatio sui, c’est « s’afficher en public47 ». Elle est un acte qui tire son sens, non du mouvement par lequel un sujet dévoile son intériorité, mais de la relation qu’il entretient avec l’assemblée, l’ecclesia, présente autour de lui. Ce qui se joue, dans cet acte, n’est pas la manifestation d’un ego, mais l’opération par laquelle le sujet, face à la communauté qu’il aspire à rejoindre, affirme ego non sum ego. Enjeu proprement ontologique, puisqu’il implique non pas la vérité subjective du pécheur, mais son être même en tant que pécheur.
25Or qu’est-ce, pour le pénitent, que s’affirmer comme pécheur ? C’est à la fois, explique Foucault dans un passage essentiel du cours, se savoir mort parce qu’on a péché, et mourir à la mort, pour renaître à la vraie vie : « Cette double signification de la mort comme état du pécheur et de la mort comme volonté de mourir au péché, c’est [elle] qui est présente dans le rite de l’exomologèse48. »
26Mourir à soi-même pour renaître autre, telle est la « conversion » qu’opère l’exomologèse. Celle-ci est indissociable d’un processus de mortification qui est au principe même de la manifestation de sa vérité par le sujet : « On ne peut manifester sa vérité que dans un certain rapport à la mort qui est celui de la mortification49. »
27Ce lien de la mortification de soi à la vérité de soi-même, toutefois, n’est pas propre à l’exomologèse. Ainsi que le rappelle Foucault, dans la conclusion du cours, il est inhérent aux différentes techniques mises en œuvre par le christianisme pour lier subjectivité et vérité, que ce soit dans le baptême – dont je n’ai pas parlé ici –, avec la probatio animae, l’épreuve de l’âme, ou dans la direction de conscience monastique50. « La probation de l’âme dans le baptême, la publication de soi dans la pénitence ou l’exploration de la conscience dans [l’exagoreusis]51 » mettent toutes trois en relation les mêmes éléments – la mortification ou renonciation à soi comme condition d’accès à la vérité de soi-même52 –, mais c’est dans l’exomologèse, dans la mesure où il prend la forme dramatique d’une rupture d’identité, ego non sum ego, indépendante de tout aveu, que ce « schéma de la subjectivation chrétienne53 » s’affirme avec la plus grande netteté.
28Le christianisme, ainsi, avant d’être une religion de l’aveu, se définit, selon Foucault, comme une religion de « mort vivant », i. e. la religion d’un sujet qui, pour vivre, se doit d’abord de mourir à lui-même.
29Nous pouvons donc revenir à la question dont nous étions partis, celle des rapports entre pastorat et conversion. Le pastorat est cette forme singulière de pouvoir qui se fonde, non pas sur la simple obligation de croire, mais sur la production d’un sujet paradoxal : un sujet qui n’est véritablement lui-même qu’à la condition de devenir tout autre. Et c’est ce devenir autre, sans cesse à confirmer (l’exomologèse elle-même s’étend sur de très nombreuses années54) par une mortification permanente de soi-même, qui à la fois justifie et renforce l’exercice du pastorat. Foucault peut donc bien déclarer, à la fin de la dernière séance, qu’il n’a pas voulu étudier, dans son cours, le « fonctionnement de [la] forme de pouvoir » corrélative de ce schéma de subjectivation55. Toute la partie du cours sur le christianisme, au contraire, s’emploie à donner consistance, à travers l’analyse de pratiques spécifiques, à l’hypothèse un peu générale et abstraite du pouvoir pastoral développée en 1978 et 1979.
30Cette approche, toutefois – et c’est le dernier point que je voudrais aborder –, conduit à mettre en question la thèse, sans cesse répétée par Foucault, selon laquelle le pastorat serait, par excellence, un pouvoir individualisant56. À rebours de cette thèse massive, centrale, véritable pivot de l’argumentation foucaldienne en 1978-1979, je voudrais soutenir que le pastorat, s’il se fonde sur la conversion (au sens que l’on vient de voir), plutôt que sur l’aveu, ne peut se définir avant tout comme un pouvoir individualisant, mais bien davantage comme un pouvoir que je qualifierai, faute de mieux, d’incorporant. Je ne veux pas dire par là que le pastorat n’a pas, historiquement, mis en œuvre des techniques de gouvernement des âmes impliquant une connaissance toujours plus fine et minutieuse de la psyché individuelle. Les multiples traités et manuels à l’usage des confesseurs, depuis la Contre-Réforme, sont suffisamment explicites à cet égard57. Mais cette évolution tardive (quelque lien que l’on puisse tenter d’établir avec l’exagoreusis monastique) ne me paraît pas inscrite, dès les premiers siècles, dans la dynamique du pastorat. Celle-ci doit plutôt se comprendre à la lumière de ce que j’appellerai la question du corps chrétien.
31Ne pouvant, dans les limites de cette contribution, développer ce point avec toute l’ampleur souhaitable, je présenterai d’abord une série de remarques, afin de préciser les données du problème, avant de revenir au texte de Tertullien.
321. À la différence du moine, chez qui le lien entre mortification et production de vérité se réalisera par une « verbalisation continue de soi-même », le pénitent, dit Foucault, « établit ce lien […] dans son corps58 ». Mettant ainsi l’accent sur la « théâtralisation de la vie, du corps, des gestes59 », il est assez étonnant que Foucault, à aucun moment, n’interroge les significations du mot « corps » dans le discours chrétien des premiers siècles. Ce silence s’explique peut-être par le centre de gravité de l’interprétation foucaldienne, qui, abordant le christianisme dans la perspective de l’Histoire de la sexualité60, déplace l’analyse du corps à la chair. Non que celle-ci s’oppose au corps, mais dans la mesure où, comme l’écrit Arianna Sforzini, « ce qui est en question, ce n’est pas le corps en soi, mais la chair au sens […] de la “subjectivité du corps” désirant61 ». La chair, en quelque sorte, éclipse, sinon la matérialité du corps, du moins la question de son statut.
332. Comment, cependant, penser la subjectivation chrétienne en dehors d’elle ? Le sujet chrétien n’a pas seulement un corps, dont il tend plus ou moins à se détacher par une ascèse mortifiante. Il aspire à faire corps, au sein de l’ecclesia, comme membre du corps du Christ. Qu’est-ce que l’Église ? Unum corpus multi, « un seul corps, fait de beaucoup », répond Augustin62 citant saint Paul63, lequel écrit aux Corinthiens : « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part64. » De ce fait, le sujet qui dit ego non sum ego n’est pas seulement celui qui renonce à soi, mais celui qui n’existe, désormais, qu’en tant qu’il participe au corps du Christ. Le devenir autre, ainsi, constitue bien une rupture d’identité, mais qui doit se comprendre en termes corporels : c’est un autre corps qu’en mourant à soi-même il s’agit de revêtir. Sans doute Foucault, on l’a vu, se garde-t-il d’identifier mortification et mort : se mortifier, ce n’est pas mourir, mais « mourir à la mort65 » afin de renaître. Mais nulle part, dans l’analyse de la pénitence, il ne rapporte cette double mort (ou, plus exactement, cette mort au second degré) à ce qui en constitue à la fois le principe et la fin : la croyance en la résurrection66. Or c’est par la résurrection seule que le fidèle s’unit au corps du Christ (la traduction d’ego non sum ego, alors, étant, selon les mots de saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi67 »), en lequel, seul, il peut espérer renaître à la vie éternelle. Dialectique de la mort et de la vie dont l’Église, par ses sacrements, représente la médiation nécessaire.
343. Tout se passe comme si, pour Foucault, la résurrection relevait d’un régime purement dogmatique de vérité – celui de la foi –, extérieur aux pratiques par lesquelles les individus sont tenus de manifester leur vérité – les actes d’aveu68. C’est bien ainsi, d’ailleurs, qu’il l’évoque dans la leçon du 6 février 1980, à propos des « obligations de vérité » (« il faut bien quelque chose comme une obligation pour croire à la résurrection de la chair, à la trinité, ou à des choses comme ça69 »), et l’on pourrait comprendre, de la sorte, pourquoi elle n’entre pas dans son champ d’analyse. Cette raison, cependant, ne me paraît pas défendable, la résurrection, loin d’être un simple dogme (ou, si l’on veut, une fiction s’imposant comme vraie), induisant des effets pratiques, tant sur le plan individuel qu’institutionnel. L’écarter, par suite, revient à méconnaître l’économie symbolique de l’Église et les mécanismes d’incorporation qui en découlent.
354. Le thème pastoral lui-même, à cette lumière, acquiert une signification très différente de celle que lui attribue Foucault en 1978-1979. Alors qu’il renvoie, selon lui, à l’exercice d’un pouvoir individualisant, fondé sur la « soumission personnelle70 » des brebis à l’égard du pasteur et impliquant, de la part de celui-ci, la connaissance approfondie de l’âme de chacune d’elles – traits caractéristiques, en effet, de la direction de conscience –, c’est sa dimension incorporante que met en évidence l’exégèse chrétienne des premiers siècles. L’image du berger porteur de la brebis égarée est étroitement corrélée à la résurrection, sous ses deux aspects : le Christ, d’une part, remontant au ciel après avoir accompli sa mission rédemptrice, la brebis, de l’autre, identifiée non aux pécheurs pris individuellement, mais à l’humanité tout entière (ovis una homo71). C’était, écrit par exemple saint Irénée, commentant par cette image le mystère de l’incarnation, « afin que, tout comme la Tête est ressuscitée des morts, le reste du Corps, c’est-à-dire tout homme qui sera trouvé dans la vie ressuscite72 ». De même saint Ambroise écrit-il : « Le Christ vous porte en son corps, ayant pris sur lui vos péchés. […] La brebis qui s’était égarée en Adam est relevée dans le Christ73. » Christologique, la métaphore pastorale enveloppe donc, dans son usage premier, une signification ecclésiale, toute la tradition s’accordant à traduire, avec elle, les mots de saint Paul déjà cités (« tous, nous ne formons qu’un seul corps74 »). Et c’est de cette signification ecclésiale que découlent, ensuite, ses applications baptismale et pénitentielle75. Toute la difficulté, alors, est de comprendre comment se noue la relation d’autorité entre le pasteur et sa brebis, quand celle-ci appartient au corps même du pasteur.
36Ces remarques montrent, d’une part, combien il est difficile d’analyser les pratiques chrétiennes de subjectivation – les actes d’aveu – en les déconnectant des actes de foi qui leur donnent sens, et ouvrent, d’autre part, sur une question plus générale : peut-on penser l’Église, comme appareil de gouvernement des hommes, à partir des techniques du pastorat76 (comme on pouvait essayer de penser l’État à partir de la gouvernementalité77), ou bien le pastorat n’est-il intelligible qu’à l’intérieur du cadre ecclésiologique et des structures de pensée théologiques qui le sous-tendent ?
37C’est au seuil de ce cadre ecclésiologique, en fait, qu’en reste Foucault dans son analyse de l’exomologèse. Lecteur attentif des écrits de Tertullien78 et de saint Cyprien79, et parfaitement informé des débats historiographiques sur le sujet, il n’ignore pas, bien sûr (je l’ai déjà signalé plus haut), la dimension proprement ecclésiale de la pénitence comme réconciliation avec la communauté. L’exomologèse (au sens étroit du mot), rappelle-t-il, désigne ce moment où les pénitents se tiennent à la porte de l’église, dans l’attente de leur réintégration : « Ils sont […] partiellement hors de la communauté ; […] ils attendent d’être réintroduits et d’avoir droit à la communio, à la communicatio80. »
38Mais il n’en tire aucune conséquence quant à l’explication de la publicatio sui (dont on se souvient qu’il ne la lie pas à ce moment ultime de la pénitence) et du mode de rupture d’identité qu’elle implique. L’attitude du pénitent – cris, pleurs, agenouillements – face à l’assemblée relève d’une dramaturgie de la supplication81 qui, à la différence de ses formes antiques, ne crée selon lui aucun « transfert d’obligation82 » entre le suppliant et ceux qu’il supplie. Elle n’exprime rien d’autre que la mortification, c’est-à-dire la « destruction de la forme du soi83 » en vue de la délivrance.
39Le texte de Tertullien, en réalité, en offre une interprétation très différente. À travers ses gestes de suppliant, le pénitent ne se montre pas seulement aux membres de la communauté ; il établit, avec eux, un rapport indissociablement physique et « mystique », en tant que membre du même corps auquel tous appartiennent :
Le corps ne peut se réjouir, quand souffre l’un de ses membres ; il est nécessaire que tout entier il s’afflige et travaille à sa guérison. Là où sont ensemble un ou deux fidèles, là est l’Église, mais l’Église, c’est le Christ. Par conséquent, lorsque tu tends les mains vers les genoux de tes frères, c’est le Christ que tu touches [contrectas], c’est le Christ que tu implores. Pareillement, quand ils versent des larmes sur toi, c’est le Christ qui compatit, c’est le Christ qui supplie son Père84.
40Ni transfert d’obligation, par la manifestation du malheur, comme dans Œdipe roi, ni simple mortification, effaçant ce qu’on est (pécheur) en même temps qu’on le manifeste, mais une très étrange opération consistant, en quelque sorte, par la mortification du corps propre (individuel), à réintégrer son propre corps (ecclésial) et que Tertullien, d’un mot s’appliquant plus souvent à l’incarnation, appelle concorporatio85 : une incorporation qui n’est pas subordination, mais, au sens fort, communion.
41L’exomologèse est cette pratique de soi par laquelle le pénitent, manifestant son état de pécheur, témoigne de sa volonté de mourir à lui-même. Elle constitue, ainsi, l’expression dramatique d’une conversion qui prend la forme d’une rupture d’identité, ego non sum ego : c’est en mourant à la mort du péché que l’on accède à la vraie vie. La mortification comme condition du rapport à la vérité, tel serait, selon Foucault, le « schéma de la subjectivation chrétienne » sur lequel se brancherait, fondamentalement, le pouvoir pastoral. Celui-ci se définirait, dès lors, comme la technique de gouvernement prenant en charge, par une vigilance continue, ce « devenir autre » des individus.
42Comment comprendre, alors, que Foucault, à la fin du cours, évoquant à nouveau le thème du berger, responsable « non seulement du troupeau, mais aussi de chacune des brebis », déclare :
[C]e thème pastoral […] ne coïncide pas avec l’idée ou avec la technique d’une direction. Il ne coïncide pas avec l’idée d’une intervention permanente qui serait celle d’un individu sur un autre, avec pour but de l’observer, le connaître, le guider, le conduire, le conduire point par point tout au long de son existence dans un rapport d’obéissance ininterrompue. Le thème du pouvoir pastoral n’implique pas une technique de direction, même si, plus tard, lorsque cette technique de direction sera développée à l’intérieur du christianisme, c’est sous le signe du pastorat qu’elle sera placée86.
43Suffit-il d’expliquer ces lignes par la différence entre moines et laïcs87 ? Alors que la direction et son corollaire, l’obéissance intégrale, en 1978, constituaient le pivot de la relation pastorale88, la première, comme « rapport strictement individuel », se limiterait maintenant à l’espace monastique89, le champ du pastorat étant celui du gouvernement des laïcs. Cette distinction, sans doute, a son importance, mais il faut aller plus loin. Ce ne sont pas, en effet, deux catégories de fidèles, plus ou moins avancés sur la voie de la perfection, que Foucault distingue ici, mais deux procédures, très différentes, de « guidage90 ». Prenant l’exemple d’un jeune païen converti par saint Jean91, puis retombé dans ses errements, et que l’apôtre, offrant de « mourir à sa place, à l’exemple de Notre Seigneur », parvient à rendre à l’Église92, Foucault montre que l’essentiel, dans ce rapport pastoral,
n’est […] pas autour d’une technique de direction. C’est autour d’un substitut sacrificiel, c’est-à-dire autour du modèle christique. C’est en tant que saint Jean est le Christ par rapport à ce jeune homme et c’est en tant qu’il fait le même type de sacrifice que le Christ par rapport à l’humanité que le salut de l’autre peut être opéré par celui qui le guide93.
44Substitut sacrificiel94 et non dépendance totale d’individu à individu : c’est en cela que résiderait la spécificité du pastorat par rapport à la direction. Or il m’a semblé que, pour en saisir véritablement la logique – et c’est le pas que se refuse à effectuer Foucault –, il fallait rapporter ce « processus de substitution » au dispositif ecclésial qui, à la fois, le rend possible et lui donne sa fin, celui d’après lequel, comme l’écrit Tertullien, « l’Église, c’est le Christ ». Jean, dans l’exemple cité, ne fait pas qu’imiter le modèle christique. Il est le Christ, dit très justement Foucault, par rapport au jeune homme. Mais il ne l’est qu’en tant qu’il participe au même corps. C’est l’identité du corps qui fonde l’inversion sacrificatoire.
45On voit, ainsi, combien ce pouvoir est bien peu individualisant : parce qu’il ne repose pas sur l’examen du soi profond et la verbalisation des pensées secrètes ; parce qu’il procède d’une logique d’incorporation ; parce qu’il rend chacun, enfin, substituable à autrui (tel est, peut-être, le vrai sens d’ego non sum ego) dans l’identification au même corps.
46Dissociant de la sorte substitution et direction, qu’il avait liées en 1978, Foucault donne, si l’on peut dire, congé au pastorat dans son nouveau champ de recherche : il n’y a pas de place pour ce type de pouvoir dans une problématique centrée sur l’herméneutique de soi et les aveux de la chair. On ne saurait trop se garder, par conséquent, d’interpréter l’essor des techniques modernes d’exploration du soi en termes de pastoralisation. Mais on aurait tort, également, d’oublier ce à quoi le pastorat, aujourd’hui encore, nous invite à rêver : non pas le projet inquisiteur, tatillon, méticuleux, d’une « âme prison du corps », mais l’inscription, toujours à réinventer, de notre finitude sur l’horizon d’un corps utopique.
Notes de bas de page
1 Voir M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978, éd. M. Senellart, Paris, Seuil/Gallimard, 2004, leçons 5-8.
2 Id., Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France. 1979-1980, éd. M. Senellart, Paris, Seuil/Gallimard, 2012, p. 157, note *.
3 Ibid., p. 249.
4 Id., « Sexualité et pouvoir » [1978], dans Dits et Écrits II. 1976-1988, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 552-570 (sur le pastorat : p. 560-565).
5 Id., « Omnes et singulatim : vers une critique de la raison politique », dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 953-980 (sur le pastorat : p. 955-967).
6 Id., Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 157, note *.
7 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 157, note *.
8 Sur cette nouvelle problématique voir M. Senellart, « Situation du cours », dans M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 342-343.
9 M. Foucault, « Omnes et singulatim », art. cité, p. 965.
10 Id., « Sexualité et pouvoir », art. cité, p. 564.
11 Id., Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 186.
12 Id., Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 157, note * (« tout autre », et non pas, bien sûr, « Tout Autre » – ce qui renvoie à la transcendance divine –, comme il a été écrit, par inadvertance, dans l’édition du cours).
13 Ibid. : « Le paradoxe d’une forme de pouvoir qui a pour destination de s’exercer universellement sur tous les hommes dans la mesure où ils ont à se convertir, i. e. à accéder à la vérité, par un changement radical. »
14 Ibid., p. 253.
15 Ibid., p. 141.
16 Voir P. Hadot, « Conversion », dans Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Études augustiniennes, 1981, p. 175.
17 Voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., « Résumé du cours », p. 317.
18 Voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 220 : « [C]e qu’on ne constate pas [dans ces rites d’exomologèse], c’est la verbalisation des fautes entendue comme description analytique de la faute avec ses caractères et ses circonstances. »
19 Ibid., « Résumé du cours », p. 317. Voir également p. 318, où l’exomologèse est caractérisée essentiellement, de façon négative, par l’absence d’« énonciation analytique des fautes ».
20 Id., L’origine de l’herméneutique de soi. Conférences prononcées à Dartmouth College, 1980, éd. H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2013, p. 89.
21 Id., « Sexualité et pouvoir », art. cité, p. 564-565.
22 Ph. Chevallier, « Michel Foucault et le “soi” chrétien », Astérion, 11, 2013, § 29. Voir également son livre Michel Foucault et le christianisme, Lyon, ENS Éditions, 2011, p. 342-343.
23 Id., « Michel Foucault et le “soi” chrétien », art. cité, § 26.
24 Ibid., § 27.
25 Ibid., § 29.
26 Id., « Michel Foucault et le “soi” chrétien », art. cité, § 14 : « L’erreur des interprétations courantes du christianisme chez Foucault est d’essentialiser une solution (“le christianisme, c’est l’aveu”) en manquant le problème initial que la vérité chrétienne a été à elle-même aux premiers siècles. »
27 Ibid., § 31.
28 Ibid., § 30.
29 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 156.
30 Ibid., p. 175.
31 Ibid., p. 222. Voir saint Ambroise, La pénitence, X, éd. R. Gryson, Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 179), 1971, p. 193.
32 M. Foucault, L’origine de l’herméneutique de soi, op. cit., p. 74.
33 Voir Id., « Les technologies de soi », dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 1626 : « Ego non sum ego. Cette formule est au cœur de la publicatio sui. »
34 Voir Id., Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 204 pour l’allusion à la discussion savante sur le sujet.
35 Ibid., p. 205.
36 Tertullien, De paenitentia, X, 1, éd. Ch. Munier, Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 316), 1984, p. 183. Foucault n’a pas connu cette édition. Il utilisait la traduction de l’abbé de Genoude, dans Œuvres de Tertullien, 2e éd., Paris, L. Vivès, 1852, t. 2, p. 197-215.
37 Tertullien, De paenitentia, X, 1, éd. citée, p. 183.
38 O. D. Watkins, A History of Penance, Being a Study of the Authorities, t. 1, The Whole Church to A. D. 450, Londres, Longmans, Green & Co, 1920 ; rééd. Forgotten Books, 2012, p. 117.
39 Ph. Chevallier, « Michel Foucault et le “soi” chrétien », art. cité, § 22.
40 Ibid.
41 B. Poschmann, Paenitentia secunda. Die kirchliche Busse im ältesten Christentum bis Cyprian und Origenes : eine dogmengeschichtliche Untersuchung, Bonn, P. Hanstein, 1964 [1940], p. 287.
42 J. Grotz, Die Entwicklung des Bußstufenwesens in der vornicänischen Kirche, Fribourg, Herder, 1955, p. 144.
43 K. Rahner, Penance in the Early Church, Londres, Darton, Longman & Todd (Theological Investigations, 15), 1983, p. 130 et 142.
44 B. Poschmann, Pénitence et onction des malades, Paris, Cerf, 1966, p. 48, qui précise : « Cet acte public […] s’accomplit en deux temps : dans le premier, devant la porte de l’église, […] ensuite dans l’église elle-même pour s’achever avec la réconciliation. »
45 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 204.
46 Voir ibid., p. 220 : « [O]n ne demande pas au sujet, [dans l’exomologèse, ] de se connaître lui-même. On lui demande de se montrer. On lui demande de se manifester. Pas d’exploration de soi, pas de cheminement à l’intérieur de soi-même, pas de découverte par le sujet, au fond de lui-même, de choses qu’il ne connaîtrait pas. »
47 Traduction de Labriolle, citée par Foucault (ibid., p. 216) ; voir la traduction de Genoude : « Une déclaration qui les affiche en public. » Voir également M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 206 : « La mise en public de ce qu’on est comme pécheur. »
48 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 208.
49 Ibid., p. 209.
50 Voir également M. Foucault, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice. Cours de Louvain, 1981, Presses universitaires de Louvain/The University of Chicago Press, 2012, p. 113 : c’est « cette forme-là » – la subjectivité de mort vivant – que vont reprendre les moines, mais, cette fois, « à travers une grille verbale extraordinairement […] analytique ».
51 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 305.
52 Je laisse de côté, ici, le troisième élément, bien sûr essentiel, qui se rapporte à l’autre – ou l’Autre –, i. e. Satan (voir ibid.).
53 Ibid., p. 303.
54 Voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 205 : « […] l’exomologèse en tant que dimension permanente de la pénitence, manière de la manifester constamment tout au long des sept ans, quinze ans, vingt ans que dure le statut pénitentiel. »
55 Ibid., p. 306.
56 Voir Id., Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 187 ; Id., « Sexualité et pouvoir », art. cité, p. 562 ; Id., « Omnes et singulatim », art. cité, p. 955.
57 Voir Id., Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, éd. V. Marchetti et A. Salomoni, Paris, Seuil/Gallimard, 1999, leçon du 19 février 1975.
58 Id., Mal faire, dire vrai, op. cit., p. 110.
59 Ibid.
60 Voir M. Senellart, « Le cours Du gouvernement des vivants dans la perspective de l’Histoire de la sexualité », dans D. Lorenzini, A. Revel, A. Sforzini (dir.), Michel Foucault : éthique et vérité, 1980- 1984, Paris, Vrin, 2013, p. 31-51.
61 A. Sforzini, Michel Foucault. Une pensée du corps, Paris, Puf, 2014, p. 108.
62 Saint Augustin, Sermo 272, PL 38, col. 1247, cité par H. de Lubac, Catholicisme, 7e éd., Paris, Cerf, 1983, p. 66.
63 I Cor, 10, 17 : Unus panis, unum corpus multi sumus.
64 Ibid., 12, 27.
65 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 208.
66 Une exception, cependant, dans Mal faire, dire vrai, p. 113, à propos du sujet de l’exomologèse : « […] là où à la fois il est mort et veut ressusciter à une autre vie ». Voir également M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 152-153, sur le baptême comme mort et résurrection.
67 Gal, 2, 20.
68 Sur cette distinction capitale, voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 81-82 et 99-101.
69 Ibid., p. 93.
70 Id., « Omnes et singulatim », art. cité, p. 145.
71 Saint Hilaire, dans Mt 18, 12, cité par M. Dulaey, « La parabole de la brebis perdue dans l’Église ancienne : de l’exégèse à l’iconographie », Revue des études augustiniennes, 39, 1993, p. 14.
72 Saint Irénée, Adversus haereses, 3, 19, 3, cité dans ibid., p. 9.
73 Saint Ambroise, dans Lc 7, 208-209, cité dans ibid., p. 10.
74 I Cor, 10, 17 (voir supra, note 63). Voir les nombreuses références citées par M. Dulaey, « La parabole de la brebis perdue dans l’Église ancienne », art. cité, p. 14.
75 M. Dulaey, « La parabole de la brebis perdue dans l’Église ancienne », art. cité, p. 21.
76 Sur l’Église comme institutionnalisation du pastorat voir M. Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 133-134 et 168.
77 Voir ibid., p. 124 et « Résumé du cours », p. 397-398.
78 Non seulement le De paenitentia, sur ce thème, mais aussi le De pudicitia (de la période montaniste) : voir M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 201-202.
79 Saint Cyprien, Correspondance [1925], trad. par le chanoine Bayard, Paris, Les Belles Lettres, 1962.
80 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 201.
81 Ibid., p. 207. Sur cette description du rituel de réconciliation en termes de supplication, voir déjà p. 201-202.
82 Ibid., p. 208.
83 Ibid., « Résumé du cours », p. 320.
84 Tertullien, De paenitentia, X, 5-6, éd. citée, p. 183-185.
85 Tertullien, De pudicitia, 15, 6, éd. Ch. Munier, Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 394), 1993, p. 226-227 : Illo enim concorporato rursus ecclesiae (« s’il a été réintégré dans le corps de l’Église »). Voir K. Rahner, citant Tertullien, Penance in the Early Church, op. cit., p. 142 : The performance of penance ends with the recipere in communicationem (De pud. 15, 5), with the communicare Ecclesiae (De pud. 3), concorporari Ecclesiae (De pud. 15, 6), […] with the consequence that the penitent becomes a Christian again in the fullest sense (De pud. 10). Sur la concorporatio appliquée à l’incarnation, voir H. de Lubac, Catholicisme, op. cit., p. 14-15 : « [L]e Verbe n’a pas seulement pris un corps humain ; son incarnation ne fut pas une simple corporatio, mais, comme le dit saint Hilaire, une concorporatio. Il s’est incorporé à notre humanité, et il se l’est incorporée. »
86 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 249.
87 Comme je l’ai suggéré moi-même, un peu hâtivement, dans mon article « Le christianisme dans l’optique de la gouvernementalité : l’invention de l’obéissance », dans D. Boquet, B. Dufal, P. Labey (dir.), Les historiens et Foucault, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 213.
88 Voir M. Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 178-180.
89 Ibid., p. 178.
90 Id., Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 251.
91 Ibid., p. 250-251. L’anecdote, sans doute légendaire, est rapportée par Clément d’Alexandrie, Quis dives salvetur, 41, PG 9, col. 647-652.
92 Voir H. de Lubac, Catholicisme, op. cit., p. 62, qui, citant cette même histoire, y voit l’illustration du caractère essentiellement ecclésial de la pénitence publique.
93 M. Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 251.
94 Sur ce thème de l’inversion sacrificielle, voir déjà Id., Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 174-175.
Auteur
Professeur de philosophie politique à l’École normale supérieure de Lyon. Il a édité les cours de Michel Foucault au Collège de France, Sécurité, territoire, population (1978), Naissance de la biopolitique (1979), Du gouvernement des vivants (1980) et participé à l’édition de ses Œuvres dans la Bibliothèque de la Pléiade.
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