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Racisme et colonialisme chez Michel Foucault

p. 125-139


Texte intégral

11. Est-il réellement possible d’articuler la question du racisme et celle du colonialisme dans l’œuvre de Michel Foucault ? Sa généalogie du racisme croise-t-elle en quelque point ses remarques, pour la plupart peu développées, sur la colonisation et le colonialisme ? Ou convient-il plutôt de séparer ces questions et d’admettre que, finalement, les liens concevables n’ont pas été tracés par Foucault lui-même mais seulement par d’autres chercheurs à partir de l’usage de certaines de ses catégories ? Repérer les manières souvent biaisées dont le racisme et le colonialisme sont mis en parallèle ou traités séparément signifie-t-il forcement faire dire à Foucault et à ses textes quelque chose qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas dire ? La difficulté majeure qui tient à cette opération dérive en effet justement du fait que si Foucault a abordé directement la question du racisme, le problème du colonialisme et de l’impérialisme n’ont jamais fait chez lui l’objet d’un traitement exhaustif ou systématique. En schématisant un peu on peut dire que ce questionnement autour du colonialisme chez Foucault a produit au moins trois manières d’envisager le rapport entre sa pensée et la question coloniale ou, en d’autres termes, de poser la question de l’utilisation des catégories et des grilles d’intelligibilité foucaldiennes par rapport à la question coloniale.

2La première part du constat que l’absence d’une problématisation directe du colonialisme empêche de fait d’assumer une perspective de type foucaldien. Cette dernière demeurerait au fond occidentaliste et euro-centrée – en ce sens, utiliser Foucault signifierait perpétuer des catégories qui ont été développées à partir de cette absence, ou même risquer de les consolider. C’est pourquoi il serait à peu près inutile de faire dire à Foucault ce qu’il ne dit pas ; ses observations autour du colonialisme devraient être considérées comme marginales, voire incertaines.

3La deuxième manière d’entendre l’utilisation de Foucault par rapport au problème du colonialisme reconnaît, tout comme la première, l’absence d’une problématisation historique des situations coloniales et impériales, mais n’en fait pas un obstacle insurmontable, puisque les catégories et le questionnement dont seules les sociétés occidentales font l’objet chez Foucault peuvent être testés, mis à l’épreuve et transplantés, mutatis mutandis, aussi bien dans l’histoire coloniale que sur la scène postcoloniale. Cette manière de partir de Foucault et d’utiliser ses outils conceptuels se présente néanmoins comme ouverte, au sens où le fait de tester les instruments légués par Foucault peut demander une reformulation critique (voire un rejet) tant de leur fonctionnement conceptuel que de leur opérativité méthodologique, ou encore une révision des chronologies (des continuités autant que des ruptures et des discontinuités) qui chez Foucault concernaient exclusivement les sociétés occidentales.

4La troisième et dernière manière part d’un point de vue différent : si les deux premières manières présupposaient l’absence de problématisation du fait colonial chez Foucault comme une vérité première et irréfutable, dans cette dernière perspective il s’agit plutôt de partir des remarques en apparence occasionnelles et rapides que Foucault fait ici et là dans son œuvre à propos du colonialisme, pour faire apparaître en pointillés un champ de problématisation possible que Foucault, certes, n’aurait jamais développé mais dont les implications théoriques et historiographiques peuvent être néanmoins explorées. Ce qui revient à dire que même si Foucault n’a pas thématisé le colonialisme, à partir des traces repérables dans ses textes, on peut faire l’effort de deviner des lignes de développement possible qui, à un certain moment, ont été posées comme une véritable hypothèse de travail.

5Or, pour repérer les articulations possibles entre racisme et colonialisme chez Foucault, cette dernière manière semble la plus adéquate, dès lors qu’elle engage un travail d’interprétation à la fois minutieux et critique, qui a été déjà commencé mais qu’on ne peut considérer comme achevé1. Toutefois, adopter cette perspective ne signifie pas qu’on doive ignorer les critiques qui ont été adressées à Foucault sur son absence de prise en charge du fait colonial. Au contraire, il s’agit de faire émerger, sur fond de ces critiques, cet espace de problématisation où il serait finalement possible de relier racisme et colonialisme. Afin de passer en revue ces critiques, au moins les plus importantes, il faut sans doute partir de certaines considérations qui remontent au moins à 1978, lorsque, l’année même de parution de son ouvrage majeur, L’orientalisme (où l’influence de Foucault est, comme on le sait, considérable), Edward Saïd publie un article important dans la revue Critical Inquiry, portant le titre « The Problem of Textuality : Two Exemplary Positions2 ». C’est là que, continuant à reconnaître sa dette envers Foucault, Saïd d’une part affirme que ce dernier devrait problématiser autrement la question de la résistance au pouvoir, dans un sens plus marxiste et plus proche des analyses gramsciennes de l’hégémonie, et d’autre part lui reproche la portée explicative assez limitée de ses notions de « discours » et de « discipline », sauf à les référer à un cadre beaucoup plus large que celui de la France ou de l’Europe, devant donc comprendre les relations entre « l’Europe et le reste du monde ». D’autant plus, observe encore Saïd, qu’une part importante des analyses de Foucault sur le pouvoir et les sociétés de normalisation se réfère au xixe siècle, au moment où l’expansion coloniale s’est développée de façon considérable : Saïd ne manque pas de rappeler qu’entre 1815 et 1918 les puissances impériales européennes passent de l’occupation de 35 % de la surface du globe à 85 %3.

6Si du côté de Saïd ces critiques deviennent au cours des années 1980 de plus en plus explicites et féroces, d’autres figures de premier plan dans le domaine des études postcoloniales manifesteront leur perplexité face à l’absence de la question coloniale chez Foucault – qui, à leur avis, ne peut relever d’un simple choix de délimitation de son domaine de recherche, ce choix empêchant de saisir les modalités mêmes de fonctionnement du pouvoir en Europe ou en France. Elles ne pourraient se comprendre de manière correcte si l’on néglige ce qui se passait dans les colonies : l’exercice de pouvoir dans les pays européens est de fait indissociable de son imbrication avec l’exercice du pouvoir en situation coloniale. Ainsi, en 1983, Partha Chatterjee, dans son article « More on Modes of Power and the Peasantry », paru dans le deuxième volume des Subaltern Studies, souligne l’importance de Foucault pour l’analyse des régimes de pouvoir « modernes », mais affirme aussi que dans les pays les plus « arriérés » du monde non seulement ces formes de pouvoir apparaissent limitées et couplées par et avec des formes plus anciennes, mais aussi que les combinaisons possibles entre les formes anciennes et modernes de l’exercice du pouvoir ouvrent des types inédits de gouvernementalité à travers lesquels ont été historiquement établies des modalités de domination qui ne seraient pas lisibles dans une perspective trop strictement focalisée sur l’Europe, comme celle de Foucault4. C’est pourquoi, au sein du collectif, se manifeste l’exigence de « Developing Foucault », ainsi que l’indique le titre de la dernière des cinq sections dont se compose la célèbre anthologie des Subaltern Studies éditée en 1988 par Ranajit Guha et Gayatri Spivak et préfacée par Edward Saïd lui-même5. C’est justement en ce sens que Chatterjee essaiera plus tard d’utiliser la perspective foucaldienne, en s’appuyant notamment sur la question de la gouvernementalité, pour comprendre l’émergence des formes politiques populaires et subalternes, comme dans son ouvrage de 2004 The Politics of the Governed, où cette politique des gouvernés est examinée dans un des laboratoires postcoloniaux d’invention de pratiques politiques les plus importants au monde, à savoir celui de l’Inde6.

7Dans ce même sillage, mais avec des accents encore plus critiques, Gayatri Spivak, dès le texte de 1985 qui marque le début de sa participation au collectif des Subaltern Studies et qui se trouve dans le cinquième volume de la série sous le titre Subaltern Studies. Deconstructing Historiography, puis dans son célèbre essai « Can the Subaltern Speak ? », publié pour la première fois en 1988, souligne que la problématisation de la spatialisation du pouvoir chez Foucault manque ce qu’elle appelle la « réinscription topographique de l’impérialisme7 ». Ce manque produirait finalement une « version restreinte » de l’Occident – à savoir une idée d’Occident qui fait abstraction de toutes les relations avec les colonies qui sont bel et bien constitutives de l’Occident lui-même, engendrant une forclusion du « tiers-monde » – situation que Foucault à travers son découpage sélectif contribuerait à consolider. Dans une perspective marxiste, ce n’est qu’à travers une conception élaborée de l’idéologie, en mesure de faire apparaître la division internationale du travail entre un Nord et un Sud globaux, qu’on pourrait réinscrire le tiers-monde ainsi que la scène postcoloniale dans un horizon critique et politique globalisé. D’un point de vue chronologique, à la différence de la critique de Saïd qui s’adressait aux formes de la dimension impériale au xixe siècle, celle de Spivak porte sur les xviie et xviiie siècles lorsque, d’après Foucault, serait apparue « une nouvelle mécanique de pouvoir […] absolument incompatible avec les rapports de souveraineté. Cette nouvelle mécanique de pouvoir, c’est une mécanique qui porte d’abord sur les corps et sur ce qu’ils font plutôt que sur la terre et ses produits » – comme le dit Foucault dans la leçon du 14 janvier 1976 de son cours « Il faut défendre la société »8.

82. Par là on voit bien comment Spivak insiste sur la question de « l’impérialisme territorial » dans lequel la souveraineté demeure pour les colonies un horizon analytiquement et politiquement indépassable. Hors de l’Europe c’est la souveraineté qui, d’après Spivak, a assuré au mieux l’accumulation primitive. Cet « ailleurs » en Europe a permis à la fois « l’extraction de la plus-value sans coercition extra-économique », pour le dire en termes marxiens, et l’émergence de la nouvelle mécanique de pouvoir sur laquelle Foucault se focalise. Donc, ce que Foucault appelle, dans le premier volume de l’Histoire de la sexualité, « l’insertion contrôlée des corps dans l’appareil de production9 » à travers la combinaison de dispositifs disciplinaires et d’un biopouvoir ne peut, selon Spivak, trouver ses conditions historico-politiques de possibilité que dans la souveraineté impériale et ses modalités « mixtes » d’exercice du pouvoir. Néanmoins, comme l’a remarqué récemment Pierre Macherey dans son dernier livre, Le sujet des normes10, Foucault lui-même, loin de négliger l’accumulation primitive du capital, en vient, dans un passage important de Surveiller et punir, à mettre en rapport cette accumulation primitive avec la nouvelle technologie du pouvoir liée à la discipline et à la biopolitique :

Si le décollage économique de l’Occident a commencé avec les procédés qui ont permis l’accumulation du capital, on peut dire, peut-être, que les méthodes pour gérer l’accumulation des hommes ont permis un décollage politique par rapport à des formes de pouvoir traditionnelles, rituelles, coûteuses, violentes, et qui, bientôt tombées en désuétude, ont été relayées par toute une technologie fine et calculée de l’assujettissement. De fait les deux processus, accumulation des hommes et accumulation du capital, ne peuvent pas être séparés ; il n’aurait pas été possible de résoudre le problème de l’accumulation des hommes sans la croissance d’un appareil de production capable à la fois de les entretenir et de les utiliser ; inversement les techniques qui rendent utile la multiplicité cumulative des hommes accélèrent le mouvement d’accélération du capital. À un niveau moins général, les mutations technologiques de l’appareil de production, la division du travail et l’élaboration des procédures disciplinaires ont entretenu un ensemble de rapports très serrés11.

9Mais chez Foucault cette attention portée à l’accumulation primitive du capital se trouve liée à la question de la colonisation depuis les années 1960, lorsqu’il voit émerger une nouvelle mécanique du pouvoir (dont Foucault parlera dans ces textes du milieu des années 1970) à travers un partage concernant les « figures jumelles » de la folie et du crime. Ainsi, dans l’Histoire de la folie, Foucault écrit que l’internement au xviiie siècle « a servi de relais dans les déplacements démographiques qu’a pu exiger le peuplement des colonies » et que depuis 1717 c’est « avec la fondation de la “Compagnie d’Occident”, que l’exploitation de l’Amérique s’intègre tout à fait à l’économie française [lorsque] les mesures d’internement ne sont plus simplement fonction du marché de la main-d’œuvre en France, mais de l’état de la colonisation en Amérique : cours des denrées, développement des plantations, rivalité entre la France et l’Angleterre, guerres maritimes qui gênent à la fois le commerce et l’émigration12 ». Parallèlement, Foucault porte son attention sur les changements des structures agricoles provoquant la disparition progressive des terres communales : « Toute une population rurale se trouve détachée de sa terre, et contrainte de mener la vie des ouvriers agricoles, exposés aux crises de production et au chômage13. » C’est sur cette base, qui correspond à une problématisation encore très marxienne comme celle de l’accumulation primitive, que peut émerger chez Foucault un rapport étroit entre l’accumulation des hommes et la colonisation. Mais à ce propos il faut encore souligner que Foucault, s’appuyant sur Quesnay, rappelle que « l’homme est la médiation essentielle de la terre à la richesse » et affirme, par le biais d’une citation de Mirabeau, que : « Tant vaut l’homme, tant vaut la terre […]. Si l’homme est nul, la terre l’est aussi […]. Il s’ensuit de là que le premier des biens, c’est d’avoir des hommes, et le second, de la terre14. » C’est un passage de ce genre qui explique la référence plus rapide que Foucault fera dans la leçon du 14 janvier 1976 au sujet d’« une mécanique qui porte d’abord sur les corps et sur ce qu’ils font plutôt que sur la terre et ses produits », qui sera âprement critiquée par Spivak.

10Par le biais de ce parallélisme entre folie et crime, l’idée du colonialisme et de la colonisation se retrouve encore dans des pages de Surveiller et punir, où elle est liée à l’irréductibilité de certains éléments de la population face à l’exigence de productivité imposée par la discipline et le biopouvoir tout au long du xixe siècle, et à l’utilisation directe de cet écart, de ce reste, qui prend le nom de « délinquance15 ». Comme Foucault le dit, de façon peut-être plus claire dans un entretien de 1973 – « À propos de l’enfermement pénitentiaire » : « Ces mêmes délinquants dont on disait que, vraiment, il n’était pas possible de les retransformer en ouvriers sur place même et que ç’aurait été insulter la classe ouvrière que de les remettre dans le circuit du prolétariat, ces mêmes gens, on les a expédiés dans les colonies. […] On a fait de cette population marginalisée en Europe des petits Blancs, prolétaires par rapport au grand capitalisme colonial, et en même temps par rapport aux autochtones, cadres policiers, indicateurs, flics et soldats, pourvus d’ailleurs d’une idéologie raciste16 » (on reviendra plus loin sur cette question du racisme).

11On voit bien qu’il n’est pas exact de dire que Foucault ne considère ni la question de l’accumulation primitive du capital ni celle du colonialisme en soi – y compris dans ses relations avec l’économie européenne. De plus, si on fait attention à la leçon du 22 mars 1978 du cours Sécurité, territoire, population, on comprend comment chez Foucault le colonialisme est un des quatre aspects les plus saillants de l’idée de l’Europe post-westphalienne : « C’est que, tout en étant un découpage géographique, une pluralité, [l’Europe] n’est pas sans rapport avec le monde tout entier, mais ce rapport avec le monde tout entier marque la spécificité même de l’Europe par rapport au monde, puisque l’Europe ne doit avoir, et ne commence à avoir avec le reste du monde qu’un certain type de rapport, qui est celui de la domination économique ou de la colonisation, ou en tout cas de l’utilisation commerciale », et cela selon une pensée qui, comme le dit Foucault, s’est formée entre la fin du xvie et le début du xviie siècle17.

12 Du reste, il faut ici se souvenir de la déclaration d’intention qui concluait déjà le célèbre entretien de 1976 avec les géographes de la revue Hérodote où Foucault affirmait qu’il aurait voulu étudier « l’armée comme matrice d’organisation et de savoir – [donc] la nécessité d’étudier la forteresse, la “campagne”, le “mouvement”, la colonie, le territoire18 ». Mais il est intéressant de remarquer qu’encore une fois dans la même année 1976 le lien entre colonisation et souveraineté apparaît dans une des leçons de son cours « Il faut défendre la société ». C’est ici que, dans la leçon du 4 février, Foucault rappelle comment au xvie siècle, dans l’Angleterre de Jacques Ier, la souveraineté était justifiée par le biais d’un parallélisme entre la conquête des Normands ayant pris possession de l’Angleterre et ce que Charles V avait fait en Amérique, un parallélisme donc fondé sur un « droit qui est celui de la colonisation19 ». Foucault arrive aussi à souligner comment, à la fin de ce xvie siècle, la pratique coloniale a produit des effets de retour sur les structures juridico-politiques de l’Occident, donc sur la manière de concevoir la souveraineté. D’autres effets de retour entre l’Europe et le reste du monde ont dans le même temps été déployés qui sont, eux, de l’ordre des technologies de pouvoir. Pour le dire avec les mots de Foucault :

La colonisation, avec ses techniques et ses armes politiques et juridiques, a bien sûr transporté des modèles européens sur d’autres continents, mais elle a eu aussi de nombreux effets de retour sur les mécanismes de pouvoir en Occident, sur les appareils, institutions et techniques de pouvoir. Il y a eu toute une série de modèles coloniaux qui ont été rapportés en Occident, et qui a fait que l’Occident a pu pratiquer aussi sur lui-même quelque chose comme une colonisation, un colonialisme interne20.

13Dans ce passage il y a, d’un côté, le lien entre souveraineté et colonisation qui depuis l’Europe a exporté des modèles juridico-politiques dans le reste du monde et, de l’autre côté, il y a l’idée que cela a induit un effet de retour qui n’est plus simplement (ou uniquement) d’ordre juridique ou politique. Cet effet de retour porte sur ces « appareils, institutions et techniques de pouvoir » qui n’affectent nullement un pouvoir envisagé en termes de souveraineté, mais une forme de pouvoir capable de mettre en place un « colonialisme interne ». Qu’est-ce que Foucault veut dire par cette expression constituant en apparence un oxymore ?

14Si on recule un peu dans le temps on peut retrouver cette notion dans son cours sur Le pouvoir psychiatrique de 1973-1974 quand, dans la leçon du 28 novembre, il essaie d’expliquer le passage progressif, entre le xvie et le xviiie siècle, d’une société de souveraineté à une société disciplinaire. Foucault mentionne trois points d’appui qu’il désigne, de manière certes un peu métaphorique, comme trois formes de colonisation. Ces trois formes ont en commun le fait de dériver « directement des institutions religieuses21 ». Or si on laisse de côté la première forme, celle de la colonisation pédagogique de la jeunesse, on s’aperçoit que Foucault appelle « colonisation interne » la troisième forme, à savoir celle qui implique la mise en place de plus en plus massive de dispositifs disciplinaires pour cibler « des vagabonds, des mendiants, des nomades, des délinquants, des prostituées, etc., et tout le renfermement de l’époque classique ». Il s’agit là, comme nous l’avons déjà vu dans l’Histoire de la folie et dans Surveiller et punir, de toute une série d’individus qui jusqu’à la première moitié du xviiie siècle étaient destinés à peupler les colonies (c’est donc encore une fois la scène de l’accumulation primitive). Quoi qu’il en soit, si ces lignes de propagation des dispositifs disciplinaires sont qualifiées métaphoriquement par Foucault comme « colonisation », c’est notamment par rapport à la deuxième de ces trois formes, qui correspond à la colonisation effective.

15Foucault s’arrête alors sur les missions des Jésuites au Paraguay et sur leurs « microcosmes disciplinaires » où l’organisation des séries temporelles dont se compose la journée des indigènes et l’aménagement des espaces de leur logement (favorisant une surveillance méticuleuse et constante de leur vie) sont couplés à un « système de punition absolument permanent », et cela afin de cibler les virtualités et les commencements des actions, des gestes et des attitudes réputés mauvais, pour obtenir finalement une forme d’assujettissement disciplinaire qui, mutatis mutandis, aurait été ensuite transplantée en Europe22. C’est ainsi par ce biais que l’expression « colonialisme interne » que Foucault adopte dans la leçon du 4 février 1976 devient plus compréhensible.

16 Cependant, si on reste encore sur cette leçon tirée du cours sur Le Pouvoir psychiatrique, on peut y repérer deux éléments importants qu’il faudrait mettre en relation avec cette diffusion des dispositifs disciplinaires aussi bien à l’échelle européenne qu’à l’échelle extra-européenne : d’un côté, en 1973 déjà (donc bien avant les passages tirés de Surveiller et punir que j’ai cités pour commencer), Foucault situe la propagation des dispositifs disciplinaires dans le processus plus général qu’il appelle « l’accumulation des hommes [qui] parallèlement à l’accumulation du capital, et nécessaire d’ailleurs à celle-ci, [a procédé] à une certaine distribution de la force de travail qui était présent dans toutes ces singularité somatiques23 ».

17De l’autre côté, il faut aussi remarquer que l’origine religieuse commune des dispositifs disciplinaires puise dans des techniques claustrales et monastiques où la discipline constitue le revers, ou en d’autres termes, une transformation historique prenant appui sur toute une série d’exercices ascétiques. Cela est important non seulement par rapport à l’attention qui sera réservée à ce thème avec l’examen des contre-conduites que Foucault commencera à explorer dans son cours de 1978 pour aboutir ensuite, dans le sillage de Pierre Hadot, à la problématisation de l’éthique comme ascétique (ou comme ascèse) dans ses derniers cours des années 1980. Cet élément est en effet significatif même par rapport à la manière, bien sûr un peu oblique et déguisée, dont Foucault reviendra au colonialisme et à l’impérialisme dans des entretiens, à l’occasion de ses voyages en Japon et en Iran entre 1978 et 1979 – cela ferait l’objet d’une autre analyse, qui excède notre objet.

183. Cette promenade à travers les textes foucaldiens montre que la question du colonialisme et de la colonisation est somme toute seulement effleurée. On peut néanmoins avancer que l’ensemble de ces passages montre que, même sans développer ces thèmes, Foucault est d’une certaine manière conscient de leur importance. Mais si on se souvient des critiques majeures de Saïd, Chatterjee et Spivak mentionnées plus haut, nous pouvons alors comprendre que ce qui manque chez Foucault ce n’est pas la perception de l’importance de l’accumulation primitive du capital – nous avons vu que ce que Foucault appelle l’accumulation des hommes se branche sur l’accumulation du capital et la rend possible, sans doute pas au point de constituer une des conditions de possibilité de l’accumulation du capital, mais très certainement en gardant par rapport à cette dernière une certaine spécificité, une certaine irréductibilité. De même, ce n’est pas non plus une perception de la colonisation en tant que telle. Ce qui semble manquer – et c’est sur cela sans doute que Spivak insiste – c’est l’absence non pas du colonialisme mais plutôt de l’impérialisme, avec ses formes administratives propres et ses formes spécifiques de rationalité gouvernementale. Autrement dit, ce manque concerne plus précisément une biopolitique impériale qui – à la différence de ce que Foucault observait à l’égard de l’Europe – ne peut pas être aisément disjointe de la question de la souveraineté. Cette dernière, d’ailleurs, semble de fait demeurer un élément fondamental pour saisir les formes et les technologies de pouvoir que nous trouvons tout au long du xixe siècle lorsque l’impérialisme s’intensifie considérablement sur une grande partie du globe. C’est pourquoi ce qui au juste semble faire défaut dans la perspective de Foucault, c’est plutôt la forme « impériale » que la colonisation a prise dès le xviiie siècle. Et par conséquent manquent les « effets de retour » de cette biopolitique impériale ; c’est là ce qui empêche la saisie d’aspects importants de la généalogie des rationalités et des techniques gouvernementales propres aux sociétés occidentales que Foucault a traitées. C’est ici qu’il faudrait vérifier s’il est possible de retrouver chez Foucault des éléments qui permettent, comme cela était le cas avec le colonialisme, d’ouvrir un espace de réflexion interne à l’œuvre de Foucault où poser, continuer, et développer la question de l’absence de cette dimension impériale.

19Prise sous cet angle, l’analyse que Foucault consacre au racisme dans son cours « Il faut défendre la société » semble retenir des éléments très utiles de discussion. En effet, le passage sur le colonialisme et ses effets de retour mentionnés dans ce cours au Collège de France se trouve au cœur de la reconstruction historique du discours de conquête, du droit de conquête, à savoir à l’intérieur de l’analyse de la guerre des races en tant que grille d’intelligibilité de l’histoire qui sert à Foucault d’une part à passer au-delà de toute perspective fondée sur le modèle classique de la souveraineté, de l’autre à esquisser une généalogie alternative de la lutte des classes et de son idée de conflictualité.

20Comme Foucault l’indique à la fin de la leçon du 21 janvier 1976, c’est exactement ce modèle, c’est-à-dire celui de la guerre des races qui, à partir du début du xixe siècle, a subi « deux transcriptions ». En laissant de côté la seconde, par où la guerre des races se redéfinit justement comme lutte des classes, et en se concentrant davantage sur la première, Foucault explore celle qui, à son avis, a donné naissance au racisme moderne au sens historico-biologique du terme. Cette forme de racisme aurait recodifié sur une base biologique tous les racismes précédents d’origine ethnique ou religieuse (comme c’est le cas, par exemple, de l’antisémitisme avant le xixe siècle). Ce racisme biologique, comme l’affirme Foucault,

va s’articuler d’une part sur les mouvements des nationalités en Europe et sur la lutte des nationalités contre les grands appareils d’État (essentiellement autrichien et russe) ; et vous la verrez aussi s’articuler sur la politique de la colonisation européenne […] ce n’est pas l’affrontement de deux races extérieures l’une à l’autre ; c’est le dédoublement d’une seule et même race en une sur-race et une sous-race24.

21Cette sur-race, « la vraie et la seule », devient enfin « titulaire de la norme […] contre ceux qui constituent autant de dangers pour le patrimoine biologique ». C’est sur cela que se branchent également les discours biologico-racistes sur la dégénérescence et « toutes les institutions qui, à l’intérieur du corps social, vont faire fonctionner [ce racisme] comme principe d’élimination, de ségrégation et finalement de normalisation de la société ». De la sorte, on voit ainsi apparaître « un racisme d’État : un racisme qu’une société va exercer sur elle-même, sur ses propres éléments, sur ses propres produits ; un racisme interne, celui de la purification permanente, qui sera l’une des dimensions fondamentales de la normalisation sociale25 ».

22Et du reste, ce qui est également bien connu, dans la dernière leçon de ce cours, celle du 17 mars 1976, Foucault remarque que les sociétés de normalisation sont considérées comme l’« articulation orthogonale de la norme de la discipline et de la norme de la régulation » et que l’inscription du racisme dans les mécanismes de l’État intervient justement à ce niveau, comme ce qui doit permettre au biopouvoir de majorer et d’assurer la vie même à travers l’exercice d’un pouvoir de mort. Le racisme en tant que « coupure entre ce qui doit vivre et ce qui doit mourir » se charge alors de deux fonctions majeures : premièrement – « [celle] de permettre au pouvoir de traiter une population comme un mélange de races ou, plus exactement, de traiter l’espèce, de subdiviser l’espèce qu’il a prise en charge en sous-groupes qui seront, précisément, des races. C’est là la première fonction du racisme, de fragmenter, de faire des césures à l’intérieur de ce continuum biologique auquel s’adresse le bio-pouvoir26 ». Deuxièmement, le racisme est « ce qui fait que la mort de l’autre, la mort de la mauvaise race, de la race inférieure (ou du dégénéré, ou de l’anormal), c’est ce qui va rendre la vie en général plus saine ; plus saine et plus pure », le racisme devient alors « la condition d’acceptabilité de la mise à mort dans une société de normalisation ». Néanmoins, par là il ne faut pas considérer trop littéralement cette fonction meurtrière puisque, comme nous rappelle encore Foucault lui-même, cette fonction tient aussi, de façon un peu plus atténuée, au « fait d’exposer à la mort, de multiplier pour certains le risque de mort ou, tout simplement, la mort politique, l’expulsion, le rejet, etc.27 ».

23Avec cette dernière fonction du racisme nous retrouvons à nouveau une allusion à la colonisation, comme ce qui explique « pourquoi le racisme va éclater en un certain nombre de points privilégiés, qui sont précisément les points où le droit à la mort est nécessairement requis28 ». Ainsi, d’après Foucault, le racisme va se développer en premier lieu « quand il va falloir tuer des gens, tuer des populations, tuer des civilisations », c’est-à-dire à travers le « génocide colonisateur ». Foucault en arrive enfin à traiter le thème du racisme d’État au début du xxe siècle et va conclure son cours sur les cas du nazisme et sur celui du « social-racisme » de l’Union soviétique29.

24Or, dans cette reconstruction, ce qui semble constituer une véritable faiblesse c’est que l’articulation du biopouvoir et du racisme risque d’apparaître de manière très réductive si on la pense seulement à l’intérieur d’une forme politique qui est celle de l’État et dans le seul cadre européen. Tout au long du xixe siècle, la France et l’Angleterre, comme d’autres pays en Occident, n’ont pas été simplement des États, mais bel et bien des empires transcontinentaux. La transcription biologique du racisme ne peut donc pas se lire uniquement comme (et à travers le prisme de) un racisme d’État, il faudrait plutôt la penser comme un racisme impérial, un racisme biologique sur une échelle impériale30. C’est pourquoi il semble insuffisant de penser la colonisation à partir du seul pouvoir de mettre à mort qui fait éclater des « génocides coloniaux », puisque le continuum biologique segmenté en races et sous-races par le biopouvoir – même à l’intérieur des limites géographiques de la seule Europe – prend tout son sens dans un cadre bien plus large qui est celui de l’impérialisme, hors duquel la tâche de penser les modalités à travers lesquelles on arrive à parler des races et des sous-races, aussi bien dans les métropoles européennes (ou plus généralement occidentales) que dans les colonies, apparaît très problématique.

25Si l’articulation entre colonialisme et racisme biologisant a été posée dans un cadre impérial, alors l’articulation orthogonale de la discipline et de la régulation qui caractérise les sociétés de normalisation devrait elle-même se redéfinir à la lumière des discontinuités entre une gouvernementalité européenne et ce que David Scott a appelé une « gouvernementalité coloniale » qui au fond ne ferait de la première (la gouvernementalité en Europe) qu’un point de départ, sans doute incontournable, mais n’offrant qu’une vision assez partielle31. Certes, Foucault semble avoir quand même bien aperçu cette articulation entre colonialisme et racisme, même s’il n’a pas été en mesure de la développer dans le sens d’un biopouvoir ou d’une biopolitique impériale. Il va sans dire que cela n’implique aucunement de rejeter ni la perspective foucaldienne tout court, ni la plupart de ses catégories. Il semble plutôt que ce manque pose la question de savoir comment partir de cette perspective et de ces catégories pour tenter d’aborder un champ de problématisation que Foucault n’a pas été en mesure de maîtriser ou de parcourir.

26Cela impliquerait au moins de mettre en parallèle quatre niveaux : premièrement, il s’agirait d’analyser les cadres historico-épistémiques et discursifs à travers lesquels l’idée de race émerge et se refaçonne au fur et à mesure qu’elle se branche sur des dispositifs et des pratiques politiques32 ; deuxièmement, de mettre en lumière les modalités racialisantes d’exercice d’une gouvernementalité coloniale telle qu’elle s’est déployée dans des situations coloniales très diverses ; troisièmement, il faudrait vérifier les effets de retour que les différentes formes biopolitiques de cette rationalité gouvernementale impériale ont produits entre les métropoles et les colonies, ou pour le dire dans les termes employés par Frederick Cooper et Ann Laura Stoler, à l’intérieur des « formations impériales33 » ; et enfin repérer l’ensemble discontinu de luttes antiracistes et anticoloniales (les deux ne sont pas superposables) pour montrer selon quelles stratégies on a tenté d’altérer des rapports de force assurés par l’articulation d’un cadre épistémique (à l’intérieur duquel circule et se modifie le concept de race) et des dispositifs biopolitiques impériaux (qui ont mis en relation des pratiques racialisantes aussi bien sous la forme d’un colonialisme interne que sous la forme d’un colonialisme impérial et transnational).

27C’est par ce biais que dans l’arrière-plan des textes foucaldiens on peut voir se dessiner un programme de recherche où racisme et colonialisme peuvent effectivement entrer en rapport. Un travail généalogique important apparaît nécessaire, d’autant plus qu’il semble bien convoqué par notre actualité globale : un programme à conduire avec, mais aussi par-delà Foucault lui-même.

Notes de bas de page

1 En ce sens la tentative la plus remarquable par sa puissance analytique reste celle d’Ann Laura Stoler. Voir A. L. Stoler, Race and the Education of Desire, Durham, Duke University Press, 1995, et Id., La chair de l’empire. Savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial [2002], Paris, La Découverte, 2013.

2 E. Saïd, L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident [1978], Paris, Seuil, 1980, et « The Problem of Textuality : Two Exemplary Positions », Critical Inquiry, 4, 1978, p. 673-714 (une version légèrement modifiée portant le titre de « Criticism between Culture and System » a paru dans le célèbre recueil The World, the Text, and the Critic, Cambridge, Harvard University Press, 1983, p. 178-225).

3 Id., « The Problem of Textuality », art. cité, p. 711.

4 P. Chatterjee, « More on Modes of Power and Peasantry », dans R. Guha (dir.), Subaltern Studies II, Oxford, Oxford University Press, 1983, p. 311-355.

5 R. Guha, G. Chakravorty Spivak (dir.), Selected Subaltern Studies, avec une préface d’E. Saïd, Oxford, Oxford University Press, 1988.

6 P. Chatterjee, Politique des gouvernés. Réflexions sur la politique populaire dans la majeure partie du monde [2004], Paris, Éditions Amsterdam, 2009. Voir aussi P. Chatterjee, Lineages of Political Society. Studies in Postcolonial Democracy, Ranikhet, Permanent Black, 2011.

7 G. Chakravorty Spivak, « Discussion, Subaltern Studies. Deconstructing Historiography », dans R. Guha (dir.), Subaltern Studies IV, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 330-376. Voir aussi G. Chakravorty Spivak, A Critique of Postcolonial Reason. Toward a History of the Vanishing, Cambridge, Harvard University Press, 1999.

8 M. Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France. 1976, éd. M. Bertani et A. Fontana, Paris, Seuil/Gallimard, 1997, p. 32.

9 Id., Historie de la sexualité I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 185.

10 P. Macherey, Le sujet des normes, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, p. 211-212.

11 M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; rééd. Gallimard (Tel), 1993, p. 222.

12 Id., Histoire de la folie à l’âge classique [1961], Paris, Gallimard, 1972, p. 422-423.

13 Ibid.

14 Ibid., p. 429.

15 Id., Surveiller et punir, op. cit., p. 284.

16 Id., « À propos de l’enfermement pénitentiaire » [1973], dans Dits et Écrits I. 1954-1975, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 1306.

17 Id., Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978, éd. M. Senellart, Paris, Seuil/Gallimard, 2004, p. 306.

18 M. Foucault, « Questions à Michel Foucault sur la géographie » [1976], dans Dits et Écrits II. 1976-1988, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 40.

19 Id., « Il faut défendre la société », op. cit., p. 89.

20 Ibid.

21 Id., Le pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France. 1973-1974, éd. J. Lagrange, Paris, Seuil/ Gallimard, 2003, p. 71.

22 Plus tard, au début des années 1990, sans doute sans connaître ces passages, Timothy Mitchell s’est engagé dans ce même sens en montrant que le modèle disciplinaire par excellence, à savoir le Panopticon, avait été expérimenté dans l’Empire ottoman bien avant celui de Bentham. Voir T. Mitchell, Colonising Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.

23 M. Foucault, Le pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 73.

24 M. Foucault, « Il faut défendre la société », op. cit., p. 52 (nous soulignons).

25 Ibid., p. 53.

26 Ibid., p. 227.

27 Ibid., p. 228-229.

28 Ibid., p. 229.

29 Ibid., p. 231-234.

30 Voir A. L. Stoler, Race and the Education of Desire, op. cit., et Id., La chair de l’empire, op. cit.

31 D. Scott, « Colonial Governmentality », Social Text, 43, 1995, p. 191-220.

32 Voir C. O. Doron, L’homme altéré. Races et dégénérescence (xviie-xixe siècle), Seyssel, Champ Vallon, 2016.

33 Voir A. L. Stoler, F. Cooper, Repenser le colonialisme, Paris, Payot, 2013.

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