Michel Foucault, de l’histoire des sciences à l’épistémologie historique
p. 61-82
Texte intégral
1Il y aurait quelque provocation à qualifier Michel Foucault d’historien des sciences. Provocation à l’égard des historiens des sciences « professionnels », qui, en France au moins, ne considèrent pas Foucault comme l’un des leurs et ont même plutôt tendance à l’accuser d’avoir détruit leur discipline. Provocation aussi à l’égard des foucaldiens, qui trouveraient cette présentation de Foucault bien trop réductrice et triviale : un philosophe de l’envergure de Foucault ne saurait être présenté comme un simple historien des sciences. Il est difficile de savoir qui, des historiens des sciences ou des foucaldiens, serait le plus choqué d’une telle catégorisation.
2Il est certain qu’il existe des différences, à la fois de forme et de fond, qui semblent devoir distinguer radicalement l’œuvre de Foucault de celle d’un historien des sciences. Pourtant, certains commentateurs, surtout dans le monde anglo-saxon, n’ont pas hésité à opérer un tel rapprochement. On pourrait ainsi, après Vincent Descombes et Jacques Bouveresse, faire la différence entre un « Foucault américain » et un « Foucault français ». Selon Bouveresse, « le Foucault américain ne trouverait rien à redire à des notions comme celles de vérité et d’objectivité et même peut-être de rationalité, à condition qu’elles soient simplement débarrassées de la surcharge universaliste qui constitue la caractéristique des grands récits métahistoriques dans lesquelles elles interviennent ». Ce Foucault-là serait encore d’une certaine manière attaché à « l’idéal de la science » et à l’héritage de l’Aufklärung1. Ce serait un auteur qui se poserait les mêmes questions que celles qui sont posées par la philosophie analytique, mais qui les traiterait par le biais de l’histoire des sciences. Selon Hilary Putnam, ce qui intéresse bon nombre de philosophes anglo-saxons, comme Ian Hacking ou Arnold Davidson, dans l’œuvre de Foucault, c’est « l’idée que certaines des techniques de la philosophie analytique peuvent être combinées avec certaines des techniques de l’histoire. Au lieu de traiter les concepts comme des objets éternels, on pourrait les considérer comme des objets qui viennent à l’existence, servent des buts historiquement contingents, meurent, sans cesser de s’intéresser à la question analytique de savoir quelle est la bonne façon d’analyser tel ou tel concept, pour quoi il reste vivant2 ». De l’autre côté, il y aurait, selon Bouveresse, un « Foucault français », qui « suggère que le moment est peut-être venu de se débarrasser complétement de notions comme celles de vérité et d’objectivité et d’essayer de penser avec d’autres concepts3 ». C’est alors un critique de l’Aufklärung et du « genre de connexion intrinsèque que les Aufklärer avaient cru pouvoir établir entre la connaissance et la science », et en ce sens plus proche de Heidegger que de Dewey4.
3Cette idée selon laquelle Foucault n’est pas à coup sûr un relativiste et un sceptique est partagée par un certain nombre de commentateurs de Foucault comme Gary Gutting ou, plus récemment, Colin Koopman. Selon Gutting, l’archéologie foucaldienne « n’est pas un instrument de scepticisme ou de relativisme, détruisant toutes les prétentions à la vérité et à l’objectivité », elle laisse subsister « un noyau substantiel de vérité objective5 ». Colin Koopman propose quant à lui une lecture de Foucault comme une sorte de Kant historicisé : « là où Kant a entrepris une critique transcendantale des différents usages de notre raison, Foucault a entrepris une critique historique des différents usages de notre pensée6 ». Ce point de vue peut certes paraître « déflationniste », comme le notait Richard Rorty7, mais il ne semble pas totalement injustifiable. Une telle interprétation est d’autant plus plausible que l’œuvre de Foucault a complétement transformé le champ de l’histoire des sciences, dans la plupart de ses domaines. L’histoire de la médecine, celle de la psychiatrie ou celle des sciences humaines ne sont plus les mêmes après Foucault, qui est le véritable « inventeur » de toute une série d’objets qui sont au cœur de la réflexion de l’histoire des sciences contemporaine : asile, clinique, médicalisation, sexualité, etc. Mieux comprendre quelle a été l’efficace de Foucault dans tous ces domaines semble donc essentiel.
FOUCAULT, HISTORIEN DES SCIENCES ?
4Si l’on s’en tenait aux premières années de son œuvre, Foucault pourrait passer pour un pur historien des sciences, des sciences biologiques, médicales et humaines en particulier. Ses premiers cours à Lille portaient sur l’histoire de la psychologie, ses cours à Vincennes en 1968-1969 portent sur l’épistémologie des sciences de la vie. De même, ses premiers articles traitent d’histoire de la psychologie : en 1957 son deuxième article porte sur « La psychologie de 1850 à 1950 », en 1961 son article « La recherche scientifique et la psychologie » est une sorte de brève histoire de la psychologie universitaire en France. En 1961 également Foucault publie un compte rendu du grand livre de l’historien des sciences Alexandre Koyré, La révolution astronomique. En 1965 il débat de « Philosophie et vérité » avec Georges Canguilhem, en 1968 il répond à des questions du Cercle d’épistémologie de l’ENS sur « L’archéologie des sciences », où il est question, selon le chapeau de présentation de l’article, de Bachelard, d’« horizontalité » et de « discontinuité ». En 1969 il est l’intervenant principal d’un grand débat sur Cuvier organisé à l’Institut d’histoire des sciences, auquel participe tout le gotha des historiens des sciences français de l’époque.
5Les premiers livres de Foucault semblent confirmer cette identité d’historien des sciences. Foucault écrit d’abord, avec Maladie mentale et personnalité, une histoire de la psychiatrie, puis une histoire de la folie et de l’asile, avec Histoire de la folie. Enfin, une histoire des sciences humaines, avec Les mots et les choses dont le sous-titre est explicite : Une archéologie des sciences humaines. Le cas le plus parlant est encore celui de Naissance de la clinique, qui peut passer pour une histoire relativement classique de l’École médicale de Paris, et qui est reçue comme telle par les historiens classiques de la médecine anglo-saxons8. Naissance de la clinique est d’ailleurs le seul livre de Foucault à avoir été publié aux Presses universitaires de France, dans la collection « Galien », d’« histoire et philosophie de la biologie et de la médecine », dirigée par Georges Canguilhem. Dans cette collection publient de purs historiens des sciences comme Yvette Conry, François Dagognet, Camille Limoges, Georges Lanteri-Laura ou Canguilhem lui-même. C’est dans cette collection qu’est aussi publié Le normal et le pathologique, et Naissance de la clinique peut d’une certaine manière sembler être un complément historique aux analyses conceptuelles que Canguilhem avait données dans cet ouvrage. L’archéologie du savoir, qui ferme cette série de livres de la période « archéologique », en 1969, est, d’une certaine manière, une réflexion a posteriori sur la méthodologie utilisée dans les livres antérieurs. Les réflexions sur la méthodologie de l’histoire des sciences y occupent une place centrale et le débat avec Bachelard et Canguilhem y est constant. Si Foucault avait cessé d’écrire après cette date, il pourrait apparaître, pour un commentateur pressé, comme un historien des sciences, spécialisé dans les sciences humaines et la médecine.
6Et même si l’on va au-delà de cette période traditionnellement qualifiée d’« archéologique », les « quelques projets » que Foucault annonce dans sa leçon inaugurale au Collège de France ont beaucoup à voir avec l’histoire des sciences. Il évoque ainsi un projet qui consisterait à développer « une analyse qui porterait sur l’histoire de la médecine du xvie au xixe siècle », et donc sur la constitution de la médecine comme discipline9. Foucault place d’ailleurs cette leçon sous le patronage de Canguilhem et du type d’histoire des sciences que celui-ci pratique : « C’est à [Canguilhem] que je dois d’avoir compris que l’histoire de la science n’est pas prise forcément dans l’alternative : chronique des découvertes, ou descriptions des idées et opinions qui bordent la science du côté de sa genèse indécise ou du côté de ses retombées extérieures ; mais qu’on pouvait, qu’on devait, faire l’histoire de la science comme d’un ensemble à la fois cohérent et transformable de modèles théoriques et d’instruments conceptuels10. »
7Dans ces années-là, les objets de Foucault, comme ses méthodes, relèvent de l’histoire des sciences. De même, ses sources, même si elles ne sont pas toujours citées par lui, sont très reconnaissables pour tout historien des sciences : Foucault souligne l’importance d’Henri Daudin pour son travail sur Cuvier et l’histoire des classifications naturelles, mais il faudrait aussi relever l’influence des travaux d’Ackerknecht, voire de Daremberg, pour celui portant sur Broussais et l’histoire de la révolution médicale de l’École de Paris. Il faut noter aussi que certains de ses contemporains considéreront dans un premier temps que son œuvre fait d’abord date dans l’histoire des sciences. Canguilhem note dans son rapport de thèse sur l’Histoire de la folie : c’est une « thèse, qui renouvelle non seulement les idées, mais aussi les techniques de saisie et de présentation des faits, en matière d’histoire de la psychiatrie11 ». L’historien de la philosophie du jury, Henri Gouhier, est moins enthousiaste.
8Plus important encore est le destin qui sera celui de l’œuvre de Foucault auprès des historiens des sciences. Certes, bon nombre d’historiens des sciences traditionnels sont très critiques à l’égard de Foucault. C’est par exemple le cas, en France, de Jacques Roger qui défend une « histoire historienne » des sciences et critique Bachelard ou Foucault. Il s’en prend à l’« histoire philosophique » de Bachelard, qui « soumet l’histoire à un projet philosophique et ne l’étudie pas pour elle-même, mais pour ce qu’elle permet de prouver, pour peu qu’on l’en sollicite12 ». Et lorsqu’il dénonce « l’arrogance des philosophes », sa cible principale est Foucault : Histoire de la folie serait le « meilleur exemple que l’on puisse donner de cette priorité de la théorie sur le fait13 ». De même, dans les pays anglo-saxons, une bonne part de l’activité des historiens des sciences et de la médecine dans ces dernières années consiste à « réévaluer Foucault », à « réécrire l’histoire de la folie », à « déconstruire » le mythe de la révolution médicale de l’école de Paris, etc.14. Contre l’idée d’une « naissance » soudaine de la clinique, Toby Gelfand s’efforce de décrire la « gestation de la clinique » et Othmar Keel l’« avènement de la médecine moderne15 ». Les mêmes tentatives de nier les ruptures introduites par Foucault se retrouvent notamment dans le domaine de l’histoire des hôpitaux ou de l’histoire de la psychiatrie. Il y a là toute une petite industrie, qui n’aurait à l’évidence pas existé sans l’œuvre de Foucault. Ces auteurs sont critiques mais les domaines qu’ils arpentent, les disciplines qu’ils analysent, les concepts qu’ils récusent ont été à proprement parler institués par Foucault.
9C’est ce qu’admettent des historiens plus objectifs. Même s’ils ne sont pas d’accord avec toutes les thèses de Foucault, ils reconnaissent son importance déterminante pour leur champ de recherches. En France, Jacques Revel a ainsi noté que le renouveau d’intérêt pour l’histoire de la médecine est lié au « changement de sensibilité » que l’œuvre de Foucault « a en bonne part contribué à modeler » : « Depuis une quinzaine d’années, obstinément, souvent avec les moyens du bord, la critique des institutions de contrôle social a joué un rôle fondamental dans les sociétés occidentales, et singulièrement en France », en particulier pour « tout ce qui touche à la gestion des corps malades et souffrants » et aux « formes de pouvoir que la collectivité exerce sur eux à travers la pratique médicale16 ». Dans le monde anglo-saxon, Simon Schaffer résume très bien la situation : « Tous les historiens des sciences depuis les années 1970 pensent avec ou contre Foucault. » Il note d’ailleurs que cette importance a été renforcée par une sorte de « jeu de mots » autour de la traduction en anglais du titre de Surveiller et punir :
C’est particulièrement vrai dans le monde anglophone, où Surveiller et punir (1975) a été traduit par Discipline and Punish (1977) […]. Il en a résulté une voie royale pour conduire une analyse foucaldienne de l’histoire des disciplines, c’est-à-dire, par un jeu de mots, pour établir la relation entre la disposition des ordres du savoir et celle des systèmes de pouvoir. Ce fut plus évident dans le monde anglo-saxon qu’en France, à cause de ce titre-là. Le concept de discipline a joué un rôle immense dans la récente historiographie des sciences : l’héritage foucaldien permet d’établir ce lien, selon lequel les disciplines sont conçues comme une microphysique du pouvoir17.
10En même temps, il serait déraisonnable d’aller trop loin dans ce sens. Si Foucault est un historien des sciences, il s’agit bien sûr d’un historien des sciences pas comme les autres. On en a une preuve éclatante lorsqu’on relit le débat sur Cuvier, qui eut lieu à l’Institut d’histoire des sciences de la rue du Four, en 1969, sous le patronage de Canguilhem. En apparence, Foucault est venu pour présenter ses thèses sur Cuvier, exposées dans Les mots et les choses, à ses pairs historiens des sciences. La liste des participants réunit toutes les figures de l’histoire des sciences française de ces années-là : François Dagognet, Camille Limoges, Yvette Conry, Bernard Balan, Francis Courtès, Bertrand Saint-Sernin, Claire Salomon-Bayet, Mirko Grmek et d’autres encore. Mais Foucault est évidemment à part : c’est autour de lui qu’est organisé le débat. C’est surtout lui qui, après l’exposé de Dagognet, recadre toutes les « interventions » possibles en histoire des sciences, en indiquant le « niveau » où il place chacune, y compris celle de Canguilhem à propos du réflexe, à l’intérieur d’une discipline qu’il nomme « épistémographie » :
Je voudrais situer le niveau où chacune de ces interventions peut se situer. Dans cette discipline qu’on pourrait appeler arbitrairement épistémographie, c’est-à-dire la description de ces discours qui dans une société, à un moment donné, ont fonctionné et ont été institutionnalisés comme discours scientifiques, il me semble qu’on peut distinguer différents niveaux. J’appellerai niveau épistémonomique le repérage des contrôles épistémologiques intérieurs qu’un discours scientifique exerce sur lui-même. Il me semble que plusieurs des travaux de Michel Serres définissent ce champ épistémonomique […]. J’appellerai épistémocritique l’analyse qui se fait en termes de vérité et d’erreurs ; elle demande à tout énoncé qui, à une époque donnée, a fonctionné et a été institutionnalisé comme scientifique, s’il est vrai ou faux. […] C’est en somme ce que M. Dagognet vient de faire en posant à Cuvier la question de la vérité de ses affirmations. […] J’appellerai épistémologiques l’analyse des structures théoriques d’un discours scientifique, l’analyse du matériau conceptuel, l’analyse des champs d’applications de ces concepts et des règles d’usage de ces concepts. Il me semble que les travaux qui ont été faits, par exemple, sur l’histoire du réflexe relèvent de ce niveau épistémologique. Il y a enfin un dernier niveau que je ne nommerai pas, où j’ai l’impression que M. Courtès s’est placé. C’est à ce niveau-là que je voudrais me placer également. Il s’agit de l’analyse des transformations des champs de savoir18.
11D’autre part, là où ses interlocuteurs discutent de questions techniques, autour de l’interprétation de l’œuvre de Cuvier, à propos desquelles ils mettent d’ailleurs plusieurs fois Foucault en difficulté, celui-ci conclut le débat sur un autre plan, philosophique. Impérial il énonce, dans le style antihumaniste prophétique de ces années-là :
J’appelle Philosophie humaniste toute philosophie qui prétend que la mort est le sens dernier et ultime de la vie. Philosophie humaniste, toute philosophie qui pense que la sexualité est faite pour aimer et proliférer. Philosophie humaniste, toute philosophie qui croit que l’histoire est liée à la continuité de la conscience19.
12Il ne s’agit évidemment plus ici de Cuvier mais bien de la fameuse thèse philosophique de la « mort de l’homme ». La présidente de séance, figure de l’histoire des sciences française, Suzanne Delorme n’a plus qu’à conclure, avec une légère ironie : « Je remercie l’Institut d’histoire des sciences de nous avoir permis de nous réunir afin de mieux connaître la philosophie de Cuvier […] mais aussi et surtout la philosophie de M. Foucault20. »
FOUCAULT, HISTORIEN DES SCIENCES « À LA FRANÇAISE »
13Si Foucault est un historien des sciences, il est donc un historien des sciences d’un genre tout à fait particulier. Il n’est possible de qualifier Foucault d’historien des sciences que si l’on précise qu’il ne l’est qu’à la manière de ces auteurs, comme Bachelard et Canguilhem, qui illustrent ce que l’on appellera plus tard la « tradition française », le « réseau français » ou le « style français » en histoire des sciences21. L’histoire des sciences n’est pas, selon eux, une simple histoire au sens traditionnel : elle est indissociable d’un intérêt proprement philosophique et « critique ». De même, Foucault, dans L’archéologie du savoir, présente sa propre méthode « archéologique » comme « une certaine manière d’interroger l’histoire des sciences22 ». Ou dans la préface de 1970 à l’édition anglaise des Mots et les choses, il souligne que sa méthode archéologique n’opère pas au même « niveau qui est habituellement celui de l’historien des sciences », puisqu’il distingue le niveau des découvertes de celui de « l’inconscient de la science23 ». Cette distinction des niveaux conscients et inconscients du savoir ne peut manquer d’évoquer, pour le lecteur de l’époque, l’idée bachelardienne d’une « psychanalyse de l’esprit scientifique ».
14Dans ces années-là, Foucault se sert d’abord de l’histoire des sciences comme d’une sorte d’antidote et il saluera par la suite son rôle libérateur, d’abord à l’égard de la phénoménologie, mais également à l’égard du « freudo-structuralo-marxisme » triomphant24. Contre la phénoménologie, Foucault explique qu’il n’est pas possible de poser un acte fondateur de la raison dans un sujet mais qu’il convient plutôt d’étudier les « formes de rationalité » que prend la raison dans son histoire, c’est-à-dire dans l’histoire des sciences :
Je ne pense pas qu’il y ait une sorte d’acte fondateur par lequel la raison dans son essence aurait été découverte ou instaurée et dont tel ou tel événement aurait pu ensuite détourner ; je pense en fait qu’il y a une autocréation de la raison et c’est pourquoi ce que j’ai essayé d’analyser, ce sont des formes de rationalité : différentes instaurations, différentes créations, différentes modifications par lesquelles des rationalités s’engendrent les unes les autres, s’opposent les unes aux autres, se chassent les unes les autres, sans que pour autant on puisse assigner un moment où la raison aurait perdu son projet fondamental, ni même assigner un moment où on serait passé de la rationalité à l’irrationalité25.
15On croirait presque entendre Auguste Comte s’en prendre à l’absurdité du cogito et préconiser d’étudier les productions de l’esprit humain dans leur histoire. Mais Foucault n’était pas plus satisfait du trop syncrétique « freudo-structuralo-marxisme ». Lacan et la linguistique avaient eu le mérite de discréditer une nouvelle fois le sujet phénoménologique en soutenant que l’inconscient était structuré comme un langage. Mais les uns comme les autres entraient dans une « ronde » autour de Marx qui répugnait à Foucault : « Il n’y a plus que des fiancées, qui prennent chacune la main de Marx et ça fait une jolie ronde. Seulement, ça ne va pas très bien26. »
16Face à ces deux errements, seuls résistent à l’époque quelques-uns, les historiens des sciences, et Foucault choisit de se classer parmi eux :
Mais il y eut tout de même aussi toute une série d’individus qui n’ont pas suivi le mouvement. Je pense à ceux qui s’intéressaient à l’histoire des sciences, qui, en France, fut une tradition considérable, sans doute à la suite de Comte. En particulier autour de Canguilhem, qui a été dans l’Université française, dans la jeune Université française, extrêmement influent. Or beaucoup de ses élèves n’étaient ni marxistes, ni freudiens, ni structuralistes. Et là, je parle de moi, si vous voulez27.
17Foucault reconnaît alors explicitement les emprunts qu’il a faits aux œuvres de Bachelard et de Canguilhem. Comme eux il propose une approche « empirique » de la question de la connaissance, qui ne doit pas relever d’une quelconque « théorie de la connaissance », mais bien d’une étude historique des savoirs dans le mouvement de leur constitution. « Ce que j’ai voulu faire », dit Foucault, « c’est réfléchir philosophiquement sur l’histoire des savoirs comme matériel historique, plutôt que de réfléchir sur une théorie ou une philosophie de l’histoire ». C’est en ce sens que son travail est, selon lui, « aussi proche que possible de celui des historiens, mais pour poser des questions philosophiques concernant l’histoire de la connaissance28 ». Ce recours à l’histoire des sciences contre la théorie de la connaissance, qui est un trait caractéristique de l’épistémologie française, est revendiqué par Foucault qui refuse, dans Naissance de la clinique, la « vieille théorie de la connaissance dont on connaît depuis bien longtemps les effets et les méfaits », c’est-à-dire l’invention des notions de sujet et d’objet dont il entend bien se passer : « On suppose que le sujet et l’objet de la connaissance restent ce qu’ils sont […] constitués une fois pour toute et définitivement mis en face l’un de l’autre29. »
18Au-delà, et c’est sans doute en cela qu’il est le plus proche de l’épistémologie « à la française », Foucault estime qu’une telle histoire des sciences permet de faire une « histoire de la rationalité », qui n’équivaut en aucun cas à une critique de la rationalité. Foucault récuse absolument le « chantage à la rationalité » qu’on a voulu exercer contre quiconque ferait l’histoire de la raison et il se réclame ici de Canguilhem et de Bachelard. Il est possible de faire une « histoire de la rationalité » qui ne soit pas une « critique de la rationalité » :
Je crois que le chantage qu’on a très souvent exercé à l’égard de toute critique de la raison ou de toute interrogation critique sur l’histoire de la rationalité (ou vous acceptez la raison, ou vous tombez dans l’irrationalisme) fait comme s’il n’était pas possible de faire une critique rationnelle de la rationalité, comme s’il n’était pas possible de faire une histoire rationnelle de tous les embranchements et de toutes les bifurcations, une histoire contingente de la rationalité. Or je crois que, depuis Max Weber, dans l’École de Francfort et en tout cas chez beaucoup d’historiens des sciences comme Canguilhem, il s’agissait bien de dégager la forme de rationalité qui est présentée comme dominante et à laquelle on donne le statut de la raison pour la faire apparaître comme l’une des formes possibles du travail de la rationalité30.
19C’est sur cette idée que Foucault reviendra en 1978, lorsqu’il évalue l’importance « philosophique » de l’histoire des sciences, dans son introduction à l’édition anglaise du Normal et le pathologique de Canguilhem, où il fait un parallèle entre l’histoire des sciences française et la philosophie allemande de l’École de Francfort.
Depuis un siècle et demi en France, l’histoire des sciences porte en soi des enjeux philosophiques qui sont facilement reconnus. Des œuvres comme celles de Koyré, de Bachelard ou de Canguilhem peuvent bien avoir eu pour centres de référence des domaines précis, « régionaux », chronologiquement bien déterminés de l’histoire des sciences, elles ont fonctionné comme des foyers d’élaboration philosophique importants, dans la mesure où elles faisaient jouer sous différentes facettes cette question de l’Aufklärung essentielle à la philosophie contemporaine31.
20S’agissant de la méthodologie de cette histoire des sciences, c’est d’abord à Bachelard que Foucault emprunte le concept de discontinuité qu’il oppose au « continuisme » d’une histoire des idées qu’il n’a de cesse de ridiculiser. Dans les « réflexions » de Bachelard « sur la discontinuité dans l’histoire des sciences et dans l’idée d’un travail de la raison sur elle-même au moment où elle se constitue des objets d’analyse, il y avait toute une série d’éléments dont j’ai tiré profit et que j’ai repris32 ». Contre l’histoire traditionnelle, la méthode « archéologique » entend attirer l’attention vers les « phénomènes de rupture », les « coupures, failles, béances, formes entièrement nouvelles de positivité et de redistributions soudaines33 ».
21C’est aussi à Bachelard, mais également à d’autres, qu’il emprunte le concept de « régionalisme épistémologique » : la raison n’existe que dans la mesure où elle est toujours appliquée à un domaine particulier. « Des œuvres comme celles de Koyré, de Bachelard, ou de Canguilhem » ont « eu pour centres de référence des domaines précis, “régionaux”34 ». Foucault présentera lui-même ses principales œuvres comme illustrant cette perspective : Les mots et les choses se veulent « une étude strictement “régionale”35 ». Quant au projet « archéologique » tel qu’il est présenté dans L’archéologie du savoir, il vise à être une « comparaison toujours limitée et régionale36 ».
FOUCAULT AVEC CANGUILHEM
22Mais c’est sans doute entre Canguilhem et Foucault que les liens sont les plus forts. On peut noter sur ce point quelques indices biographiques : lorsqu’on consulte les envois de Foucault sur ses livres, qu’il a fait parvenir à Canguilhem, on constate qu’il reconnaît sa dette, et quelquefois de manière hyperbolique, par exemple sur L’archéologie du savoir : « Pour monsieur Georges Canguilhem, cet essai qui lui doit tout, et d’abord d’avoir existé, pour lui dire toute ma reconnaissance37. » Plus importante est bien sûr la reconnaissance publique de cette filiation lors de la leçon inaugurale au Collège de France. Foucault ne cite que trois auteurs : Dumézil, Hyppolite, mais surtout Canguilhem.
C’est à lui que je dois d’avoir compris que l’histoire de la science n’est pas prise forcément dans l’alternative : chronique des découvertes, ou descriptions des idées et opinions qui bordent la science du côté de sa genèse indécise ou du côté de ses retombées extérieures ; mais qu’on pouvait, qu’on devait, faire l’histoire de la science comme d’un ensemble à la fois cohérent et transformable de modèles théoriques et d’instruments conceptuels38.
23Le titre même que Foucault avait choisi pour sa chaire au Collège de France, « Histoire des systèmes de pensée », semble évoquer l’impératif canguilhemien, tout à la fois « systématique » et « historique », qui définit l’histoire des sciences comme « histoire de la formation, de la déformation et de la rectification des concepts scientifiques39 ». Plus tard aussi, faisant une sorte de bilan, en 1978, Foucault reconnaît l’importance de Canguilhem : « Dans le domaine de la philosophie de la science, celui qui a peut-être exercé sur moi la plus forte influence a été Georges Canguilhem, même si c’est venu beaucoup plus tardivement. Il a surtout approfondi les problèmes des sciences de la vie, en cherchant à montrer comment c’était bien l’homme en tant qu’être vivant qui se mettait en question dans cette expérience40. » Et sur ce point de l’« inclusion des sciences de la vie dans l’histoire générale de l’espèce humaine », Foucault note que Canguilhem « se reconnaît, je crois, une parenté avec Nietzsche41 », parenté avec Nietzsche qu’il dit partager.
24En retour, on sait la véritable fascination qui fut celle de Canguilhem pour Foucault. On connaît sa réplique lors de la soutenance de la thèse Foucault. À Foucault qui conclut son exposé par la formule : « Pour parler de la folie, il faudrait avoir le talent d’un poète », Canguilhem répond : « Mais vous l’avez, Monsieur42 ! » De même, lorsque Canguilhem évoque Naissance de la clinique, dans le supplément qu’il donne en 1966 au Normal et le pathologique, il manifeste une véritable admiration : « En des pages admirables, émouvantes, de Naissance de la clinique, Foucault a montré comment Bichat a fait “pivoter le regard médical sur lui-même” pour demander à la mort compte de la vie43. » Cette attraction exercée par Foucault a d’ailleurs été perçue par François Dagognet, autre élève de Canguilhem : « Les amis de Georges Canguilhem parfois s’interrogent – une interrogation qui confine à la condamnation – sur l’estime, voire, selon certains, l’indulgence, dans laquelle il a tenu les travaux de Michel Foucault, lui aussi centré sur la clinique et la maladie. Mais ceux-ci correspondent à la trajectoire même de Canguilhem, du moins à l’un de ses aspects (le versant contestataire)44. » Dagognet note très justement que l’œuvre de Canguilhem n’aura cessé de circuler entre les deux pôles que constituent Bachelard et Foucault, « à la fois la connaissance et la vie, la rationalité et le nietzschéisme, la positivité expérimentale et ses limites, le vécu qui fonde l’Institution et celle-ci qui s’en écarte et finirait même par l’oublier45 ».
25À Canguilhem Foucault emprunte à la fois des objets et des méthodes. Cela est tout à fait évident quant au choix des objets sur lesquels il travaille. Naissance de la clinique peut apparaître comme une sorte d’approfondissement « historique » de certains des concepts étudiés de manière « théorique » dans Le normal et le pathologique. Foucault serait alors un historien de la médecine comme Canguilhem en avait été un philosophe. La réflexion sur les normes et la normalisation, initiée par Canguilhem, s’étend par la suite chez Foucault sur tout le xixe siècle et jusqu’à la période contemporaine. Les critiques sévères de la psychologie menées par Foucault et Canguilhem se rejoignent pour l’essentiel, même s’il semble que la critique de Canguilhem ait quelquefois une tonalité plus éthique alors que celle de Foucault est plus épistémologique. Une petite divergence d’appréciation entre eux est significative : Canguilhem n’a pas de mots assez durs pour critiquer le behaviorisme de Watson, qui veut traiter l’homme comme un « outil », alors que Foucault apprécie que Watson ait contribué à déstabiliser « l’illusion de la subjectivité46 ».
26Quant à la méthode employée, on trouve également bien des rapprochements entre les deux auteurs. La critique du précurseur, mise en avant par Canguilhem dans l’article fameux « L’objet de l’histoire des sciences », est une sorte d’évidence pour Foucault, notamment dans L’archéologie du savoir. Lorsque Foucault explique qu’il convient de « s’affranchir de tout un jeu de notions qui diversifient, chacune à leur manière, le thème de la continuité », comme celles de « tradition », d’« influence » ou de « développement » et d’« évolution », il rejoint Canguilhem47. À l’inverse, on peut penser que Canguilhem a repris un certain nombre des méthodes propres à Foucault. Par exemple, lorsqu’il développe le concept d’« idéologie scientifique », en 1969, il reconnaît s’être inspiré « à partir de 1967-1968 » des « travaux de Michel Foucault et de Louis Althusser » et de leurs « contributions originales en déontologie de l’histoire des sciences48 » : il s’agit en particulier, avec ce concept d’idéologie scientifique, de « séparer » la science de l’idéologie comme l’a fait Althusser, mais aussi de les « entrelacer » comme l’a fait Foucault s’agissant des rapports entre les « savoirs » et les « sciences ». Pour Canguilhem et Foucault, il n’y a pas de séparation aussi radicale que le voudrait Bachelard entre la science et la non-science.
27Il est significatif que la rencontre de Foucault et de Canguilhem se soit faite autour de leurs lectures parallèles de Nietzsche. L’histoire des sciences, pour l’un comme pour l’autre auteur, n’est pas si loin de Nietzsche qu’on pourrait le penser. Foucault s’en étonna d’abord : « J’ai été surpris de voir que Canguilhem, qui était l’historien des sciences le plus influent en France à cette époque-là, était très intéressé aussi par Nietzsche et a parfaitement bien accueilli ce que j’ai essayé de faire49. » Canguilhem reconnaît en effet une inspiration nietzschéenne, même s’il se méfie des nietzschéens, ce qui lui fit dire : « Je suis un nietzschéen sans cartes50. » Foucault et Canguilhem se réfèrent l’un comme l’autre à Nietzsche pour proposer une nouvelle approche de la question de la vérité. Foucault estime, en 1978, que la lecture de Nietzsche a été pour lui « très importante » pour passer d’une « histoire de la rationalité » à une « histoire de la vérité » : « C’est-à-dire que, au lieu de demander à une science dans quelle mesure son histoire l’a rapprochée de la vérité (ou lui a interdit l’accès à celle-ci), ne faudrait-il pas plutôt se dire que la vérité consiste en un certain rapport que le discours, le savoir entretient avec lui-même, et se demander si ce rapport n’est ou n’a pas lui-même une histoire ? » Ce qui est « le plus frappant chez Nietzsche », c’est que « la vérité fait elle-même partie de l’histoire du discours et est comme un effet interne à un discours ou à une pratique51 ». Exactement de la même manière Canguilhem soutenait, en 1976, que la vérité est constituée par le discours scientifique lui-même : « La véridicité ou le dire-le-vrai de la science ne consiste pas dans la reproduction fidèle de quelque vérité inscrite de toujours dans les choses ou dans l’intellect. Le vrai, c’est le dit du dire scientifique. À quoi le reconnaître ? À ceci qu’il n’est jamais dit premièrement. Une science est un discours normé par sa rectification critique52. » La vérité est interne à l’histoire des sciences et paradoxalement prouvée par cette historicité même.
28Canguilhem se réfère quant à lui à Nietzsche et à sa « théorie du parti pris axiologique pour la vérité » pour avancer que « la vérité est une valeur à situer parmi une pluralité de valeurs53 ». C’est une idée ancienne chez lui et déjà en 1965, dans une émission de la radio-télévision scolaire, il expliquait aux professeurs de philosophie, sans doute interloqués, que la philosophie ne se consacre pas à la recherche de la vérité, mais plutôt à établir une hiérarchie entre les diverses valeurs existantes : la philosophie est « le lieu où la vérité de la science se confronte avec d’autres valeurs, telles que les valeurs esthétiques ou les valeurs éthiques54 ». La science est une une activité du vivant humain parmi d’autres possibles. Mais c’est à la philosophie que revient la tâche de hiérarchiser ces valeurs en fonction d’impératifs qui apparaissent, les rares fois où Canguilhem s’en explique, d’ordre anthropologique. C’est lorsque l’autonomie de ce vivant humain est menacée ou entravée qu’apparaît l’exigence d’une « libération ». Comme il l’écrit dans deux leçons, sans doute prononcées en 1940 et 1941, sur « l’expérience de la liberté », la liberté est la libération. Contre la conception traditionnelle de la liberté comme « essence formelle », « l’expérience de la liberté doit comporter essentiellement l’expérience des obstacles à la liberté », elle ne peut être qu’« une expérience de la libération55 ».
29C’est cette question des valeurs, ou des normes, que Canguilhem et Foucault traiteront en parallèle dans les années suivantes. C’est aussi sur ce point que Canguilhem fait sa principale critique à Foucault, dans son compte rendu des Mots et les choses, autour de la question des normes de vérité. Dans ce texte, dans l’ensemble très élogieux, Canguilhem s’étonne que Foucault veuille écrire une histoire des sciences qui ne fasse pas référence à des valeurs de vérité : « Il y a pourtant une question, plus encore qu’une objection, qu’il ne me paraît pas possible de passer sous silence. S’agissant d’un savoir théorique, est-il possible de le penser dans la spécificité de son concept sans référence à quelque norme56 ? » Parmi les « discours théoriques tenus conformément au système épistémique du xviie et du xviiie siècle », il faut distinguer entre ceux qui ont été rejetés par la suite, comme celui de Buffon, et ceux qui ont été validés, comme celui de Newton ; il y a, comme disait Bachelard, de la « science périmée » et de la « science sanctionnée ». L’histoire des sciences doit être écrite du point de vue de la science présente, de la « science fraîche » qui fournit les normes de vérité. Canguilhem ne se satisfait pas de la réponse qu’il imagine que Foucault lui donnerait :
À quoi M. Foucault peut répondre qu’il ne s’intéresse pas à la vérité du discours mais à sa positivité. Mais faut-il négliger le fait que certains discours, comme le discours de la physique mathématique, n’ont d’autre positivité que celle qu’ils reçoivent de leur norme et que cette norme conquiert opiniâtrement la pureté de sa rigueur en déposant dans la succession épistémique des discours dont le vocabulaire apparaît, d’une épistémè à l’autre, dépourvu de signification57 ?
30C’est effectivement la mise au point que faisait par avance Foucault lorsqu’il définissait sa méthode archéologique dans Les mots et les choses :
Une telle analyse, on le voit, ne relève pas de l’histoire des idées ou des sciences : c’est plutôt une étude qui s’efforce de retrouver à partir de quoi connaissances et théories ont été possibles ; selon quel espace d’ordre s’est constitué le savoir ; sur fond de quel a priori historique et dans l’élément de quelle positivité des idées ont pu apparaître, des sciences se constituer, des expériences se réfléchir dans des philosophies, des rationalités se former, pour, peut-être, se dénouer et s’évanouir bientôt. Il ne sera donc pas question de connaissances décrites dans leur progrès vers une objectivité dans laquelle notre science d’aujourd’hui pourrait enfin se reconnaître58.
31« Commencement d’un progrès » chez Canguilhem, « pas question de connaissances décrites dans leur progrès » chez Foucault, on voit bien le fossé qui sépare ces deux approches. L’histoire épistémologique de Canguilhem, après celle de Bachelard, semble bien destinée à éliminer définitivement certaines des « erreurs » de l’histoire de la science, qu’elle étudie néanmoins, notamment à travers la notion d’« idéologie scientifique », alors que Foucault veut écrire une histoire radicalement non téléologique des « discours », n’accordant aucun privilège à la science présente.
ÉTHIQUE ET POLITIQUE EN HISTOIRE DES SCIENCES : L’ÉPISTÉMOLOGIE HISTORIQUE
32On pourrait dès lors s’interroger sur la cohérence qu’il y a à ranger Foucault parmi ces historiens des sciences « à la française ». Foucault est pourtant lui-même le premier à le faire et à indiquer les raisons profondes de ce rapprochement. C’est ce qu’il fait en particulier dans la très célèbre et discutée préface de 1978 à l’édition américaine du Normal et le pathologique, qui sera reprise, dans une version remaniée, pour l’hommage à Canguilhem de la Revue de métaphysique et de morale, en 1985, dernier texte dont la publication a été autorisée par Foucault de son vivant, sous le titre « La vie : l’expérience et la science ». On retient en général de ce texte la fameuse « ligne de partage » que Foucault trace entre les « deux filières » qui caractériseraient la philosophie française de son temps, « celle qui sépare une philosophie de l’expérience, du sens, du sujet et une philosophie du savoir, de la rationalité et du concept. D’un côté une filière, qui est celle de Sartre et de Merleau-Ponty ; et puis une autre qui est celle de Cavaillès, de Bachelard et de Canguilhem59 ». Foucault donne comme preuve de cette ligne de partage la double réception qui a été celle de la phénoménologie en France dans les années 1930. Les Méditations cartésiennes sont lues soit « dans la direction d’une philosophie du sujet – et ce sera l’article de Sartre sur La transcendance de l’ego, en 1935 », soit, d’un autre côté, dans la direction « des problèmes fondateurs de la pensée de Husserl, ceux du formalisme et de l’intuitionnisme », ceux de la théorie de la science – et ce sera, en 1938, les deux thèses de Cavaillès, sur la Méthode axiomatique et sur la Formation de la théorie des ensembles. Et il poursuit : « Ces deux formes de pensée ont constitué en France deux trames qui sont restées profondément hétérogènes60. » Par la suite, dans la version de 1985 de l’article, Foucault fera même remonter cette ligne de partage jusqu’au xixe siècle : « Sans doute ce clivage vient de loin et on pourrait en faire remonter la trace à travers le xixe siècle : Bergson et Poincaré, Lachelier et Couturat, Maine de Biran et Comte61. » On a souvent relevé que cette ligne de partage posait bon nombre de problèmes du point de vue de l’histoire de la philosophie et tout un livre a été consacré à en discuter la validité62. Cela est exact, mais il est clair que Foucault ne prétend pas ici faire œuvre d’historien de la philosophie. Il s’agit bien plutôt, comme Althusser le faisait également à l’époque, de tracer une ligne de démarcation entre deux « camps » à l’intérieur de la philosophie, suivant des métaphores agonistiques alors très prisées, et en fonction d’impératifs qui sont aussi tout autant « politiques » que « théoriques ».
33Foucault se situe explicitement dans la seconde lignée, et singulièrement celle de Canguilhem, dont il note l’influence sur toute une génération de philosophes : « Toutes les discussions politiques ou scientifiques de ces étranges années 1960, le rôle des philosophes – je veux dire tout simplement de ceux qui avaient reçu leur formation universitaire dans les départements de philosophie – a été important : trop important, peut-être, au gré de certains. Or, directement ou indirectement, tous ces philosophes ou presque ont eu affaire à l’enseignement et aux livres de Georges Canguilhem63. » Et il donne la liste de ces philosophes : « Ôtez Canguilhem et vous ne comprenez plus grand chose à Althusser et à l’althussérisme et à toute une série de discussions qui ont eu lieu chez les marxistes français ; vous ne saisissez plus ce qu’il y a de spécifique chez des sociologues comme Bourdieu, Castel, Passeron et qui les marque si fortement dans le champ de la sociologie ; vous manquez tout un aspect du travail théorique fait chez les psychanalystes et en particulier chez les lacaniens64. »
34Mais il est un point que l’on ne relève pas en général et qui est pourtant la clé de l’adhésion de Foucault à cette seconde lignée. C’est une raison explicitement politique. Foucault expliquait déjà dans la première version du texte que la deuxième ligne de pensée est la plus active dans la contestation de l’Université et la crise du savoir des années 1960. Mais c’est surtout dans la deuxième version du texte, en 1985, qu’elle est créditée d’un bien plus grand mérite alors que l’autre lignée est plus sévèrement attaquée :
En apparence, la seconde est restée à la fois la plus théoricienne, la plus repliée sur des tâches spéculatives, la plus éloignée des interrogations politiques immédiates. Et pourtant, c’est elle qui pendant la guerre a pris part, et de façon très directe, au combat, comme si la question du fondement de la rationalité ne pouvait pas être dissociée de l’interrogation sur les conditions actuelles de son existence. […] On peut ainsi se demander pourquoi un tel type de réflexion a pu, en suivant sa logique propre, se trouver ainsi profondément lié au présent65.
35La critique est pour le moins violente : les philosophes du concept, comme Cavaillès et Canguilhem, dans la Résistance, les philosophes du sujet au Café de flore. Philosophie et histoire des sciences se trouvent ainsi brutalement liées à des questions politiques. Cette critique peut sembler injuste de la part de Foucault, des années après la guerre. Mais il ne fait ici que reprendre un leitmotiv de Canguilhem dans ces années-là, notamment lorsque, dans son compte rendu des Mots et les choses, il prend la défense de Foucault contre les attaques de ceux qu’il qualifie d’« enfants de Marie de l’existentialisme66 ». L’exemple de Cavaillès lui sert alors à défendre Foucault contre les critiques existentialistes. Cavaillès a « assigné, vingt ans à l’avance, la tâche que la philosophe est en train de se reconnaître aujourd’hui. Substituer au primat de la conscience vécue ou réfléchie le primat du concept, du système ou de la structure ». Or la vie, et la mort, de Cavaillès réfutent par elles-mêmes les accusations portées contre Foucault et le structuralisme : « Il y a plus. Fusillé par les Allemands pour faits de résistance, Cavaillès qui se disait spinoziste et ne croyait pas à l’histoire au sens existentiel a réfuté d’avance, par l’action qu’il a conduite en se sentant mené, par sa participation à l’histoire tragiquement vécue jusqu’à la mort, l’argument de ceux qui cherchent à discréditer ce qu’ils appellent le structuralisme en le condamnant à engendrer, entre autres méfaits, la passivité devant l’accompli67. » Canguilhem ne cessera de reprendre cette critique dans les hommages qu’il consacre à Cavaillès dans ces années-là. En 1969, il précise à qui il s’en prend, d’un ton toujours aussi enflammé :
Actuellement quelques philosophes poussent des cris d’indignation parce que certains autres philosophes ont formé l’idée d’une philosophie sans sujet personnel. L’œuvre philosophique de Cavaillès peut être invoquée à l’appui de cette idée. Sa philosophie mathématique n’a pas été construite par référence à quelque sujet susceptible d’être momentanément et précairement identifié à Jean Cavaillès. Cette philosophie d’où Jean Cavaillès est radicalement absent a commandé une forme d’action qui l’a conduit, par les chemins serrés de la logique, jusqu’à ce passage d’où l’on ne revient pas. Jean Cavaillès, c’est la logique de la résistance vécue jusqu’à la mort. Que les philosophes de l’existence et de la personne fassent aussi bien, la prochaine fois, s’ils le peuvent68.
36Ce lien entre l’histoire des sciences et la politique n’est pas accidentel. C’est cela même que Foucault apprécie chez Canguilhem, qu’il ait « posé à la pensée rationnelle la question non seulement de sa nature, de son fondement, de ses pouvoirs et de ses droits, mais celle de son histoire et de sa géographie, celle de son passé immédiat et de ses conditions d’exercice, celle de son moment, de son lieu et de son actualité69 ». C’est ce qui fait la « dignité philosophique » de l’histoire des sciences selon Foucault : qu’elle se pose sans cesse, depuis les Lumières, la question de son actualité, à la suite de la question kantienne, fétiche pour Foucault : Was ist Aufklärung ?
37Ce caractère politique de l’histoire des sciences apparaît très clairement chez Canguilhem, si l’on prend garde un instant au choix des objets qu’il a étudiés. La démonstration du caractère erroné de la conception mécaniste du milieu, du point de vue de l’histoire des sciences, rejoint évidemment ses indignations politiques des années 1930 contre la notion de milieu chez Taine ou Barrès. Sa critique de la psychologie behavioriste, dans Qu’est-ce que la psychologie ?, renouvelle et apporte des arguments scientifiques à ses dénonciations des psychologues comme faisant « œuvre de basse police » dans ses écrits de jeunesse. On peut également penser que la critique sévère de l’« homme moyen » de Quetelet, dans Le normal et le pathologique, doit avoir quelque chose à voir avec l’attitude la plus courante chez bon nombre de Français en 194370. Il est frappant de constater qu’il existe une continuité profonde entre les textes éthiques et politiques de Canguilhem, récemment redécouverts, et son œuvre classique d’historien des sciences. L’histoire des sciences est avec lui profondément « engagée », comme le lui reprochent d’ailleurs certains historiens des sciences « professionnels ». Le point de départ de Canguilhem, ce qui le met en mouvement, ce sont des raisons éthiques, mais l’histoire des sciences s’inscrit très clairement dans cette trajectoire.
38On pourrait noter que l’œuvre de Foucault suit un cheminement apparemment inverse. Parti de travaux d’histoire des sciences dont les conséquences politiques ne sont pas d’abord évidentes, il va aller vers d’autres travaux « généalogiques », dont les intentions politiques sont beaucoup plus évidentes. Naissance de la clinique ne se présente pas comme une dénonciation de la médecine « positive » et Foucault ne souhaitait pas tout d’abord qu’Histoire de la folie soit confondue avec les usages qui seront bientôt faits de l’antipsychiatrie. En revanche, le lien de Surveiller et punir avec les engagements de Foucault au sein du Groupe d’information sur les prisons est bien connu. L’historien des sciences est devenu militant comme chez Canguilhem le militant s’est transformé en historien des sciences, ce qui peut sembler paradoxal si l’on se réfère à l’image courante que l’on se fait de leurs œuvres respectives. En fait, chez l’un comme chez l’autre, histoire des sciences et engagements éthiques et politiques sont indissolublement mêlés.
39Pour Canguilhem comme pour Foucault, l’histoire des sciences ne vaudrait sans doute pas une heure de peine si elle n’avait pas aussi des conséquences, que l’on peut qualifier d’éthiques ou de politiques, en rapport avec un « moment présent ». En ce sens, ils s’inscrivent dans cette tradition particulière d’histoire des sciences que l’on qualifie aujourd’hui d’historical epistemology, mais qui exista d’abord sous le nom d’« épistémologie historique », autour de Bachelard et Canguilhem, mais aussi d’autres auteurs plus anciens. Sans remonter jusqu’à Auguste Comte, il est possible de noter que le premier à utiliser le syntagme « épistémologie historique », en 1907, est Abel Rey, qui estimait que l’histoire des sciences n’est pas seulement un « travail théorique », mais doit « encore répondre à des préoccupations graves et actuelles71 » et contribuer « à l’humanisme impliqué par les sciences positives72 ».
40Mais, et c’est là un autre point commun entre Foucault et Canguilhem, ces usages éthiques ou politiques possibles de l’histoire de sciences ne sont pas présentés de manière grandiloquente. Un des caractères fondamentaux de l’éthique de l’un comme de l’autre est d’être discrète : il ne s’agit en aucun cas pour eux de donner des leçons de morale. C’est ce que Canguilhem mettait en avant lorsqu’il ironisait sur la promesse sartrienne d’écrire une morale : « D’ordinaire, pour un philosophe, entreprendre d’écrire une morale, c’est se préparer à mourir dans son lit73. » À cette prétention il opposait une page des Mots et les choses : « Le propre de la pensée moderne est, selon [Foucault], de ne vouloir et de ne pouvoir proposer une morale [p. 339]. Ici encore l’humaniste, invité à rentrer sa prédication, s’indigne74 ». Sans doute est-ce aussi cette éthique sans phrases qui fait la proximité de Canguilhem et de Foucault.
Notes de bas de page
1 J. Bouveresse, « L’objectivité, la connaissance, le pouvoir », dans D. Eribon (dir.), L’infréquentable Michel Foucault. Renouveaux de la pensée critique, Paris, EPEL, 2001, p. 133.
2 H. Putnam, « Entretien avec J. Proust », Philosophies, 35, 1992, p. 49.
3 J. Bouveresse, « L’objectivité, la connaissance, le pouvoir », art. cité, p. 134.
4 Ibid., p. 135.
5 G. Gutting, Michel Foucault’s Archaeology of Scientific Reason, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. XI.
6 C. Koopman, Genealogy as Critique. Foucault and the Problems of Modernity, Bloomington, Indiana University Press, 2013, p. 14.
7 R. Rorty, « Foucault et l’épistémologie », dans D. C. Hoy, Michel Foucault. Lectures critiques, Bruxelles, De Boeck Université, 1989, p. 57.
8 Voir par exemple la recension par Karl figlio dans le British Journal for the History of Science en 1977. Le livre aura plus de recensions de la part d’historiens de la médecine anglo-saxons lors de la parution de son édition anglaise qu’il n’en a eu lors de sa sortie en France, où il ne fait l’objet que d’une seule recension, d’ailleurs fort subtile, celle de François Dagognet dans Critique en mai 1965.
9 M. Foucault, L’ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971, p. 66.
10 Ibid., p. 73-74.
11 « Rapport de M. Georges Canguilhem sur le manuscrit déposé par M. Michel Foucault, directeur de l’Institut français de Hambourg, en vue de l’obtention du permis d’imprimer comme thèse principale de doctorat ès lettres », dans D. Eribon, Michel Foucault, Paris, flammarion, 2011, p. 541.
12 J. Roger, Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel, 1995, p. 51.
13 Ibid., p. 52.
14 Voir A. Still, I. Velody (dir.), Rewriting the History of Madness. Studies in Foucault’s « Histoire de la folie », New York, Routledge, 1992 ; C. Jones, R. Porter (dir.), Reassessing Foucault. Power, Medicine, and the Body, New York, Routledge, 1994 ; A. La Berge, C. Hannaway (dir.), Constructing Paris Medicine, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1998.
15 Voir T. Gelfand, « Gestation of the Clinic », Medical History, 25/2, 1981, p. 169-180, et O. Keel, L’avènement de la clinique moderne en Europe, 1750-1815, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2001.
16 J. Revel, « Présentation », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 32/5, numéro spécial « Médecins, médecine et sociétés en France aux XVIIIe et XIXe siècles », 1977, p. 850.
17 S. Schaffer, dans C. Rabier, A. Ruellet, « Les techniques de l’expérimentation. Entretien avec Simon Schaffer », Tracés. Revue de sciences humaines, 16, 2009, p. 272.
18 M. Foucault dans « La situation de Cuvier dans l’histoire de la biologie. I. Exposé de M. François Dagognet. Discussion », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 23/1, 1970, p. 61-62. Canguilhem répondra à cette critique quelques années plus tard, avec un certain agacement : « Je ne suis pas sûr d’avoir, dans les études que je publie, bien distingué, comme le souhaiterait Michel Foucault, les différents seuils franchis par les discipline dont j’esquisse l’histoire. […] Il est d’ailleurs possible que mes analyses soient insuffisamment fines et rigoureuses. Je laisse à décider s’il s’agit de réserve, de paresse ou d’incapacité » (G. Canguilhem, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie, Paris, Vrin, 1977, p. 10).
19 M. Foucault dans « La situation de Cuvier dans l’histoire de la biologie. II. Exposé de M. Michel Foucault. Discussion », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 23/1, 1970, p. 91.
20 S. Delorme dans ibid., p. 92.
21 Voir P. Dews, « Foucault and the French Tradition of Historical Epistemology », dans The Limits of Disenchantment. Essays on Contemporary European Philosophy, Londres/New York, Verso, 1995 ; G. Gutting, « Continental Philosophy and the History of Science », dans R. C. Olby et al., Companion to the History of Modern Science, New York, Routledge, 1990 ; J.-F. Braunstein, « Bachelard, Canguilhem, Foucault. Le “style français” en épistémologie », dans P. Wagner (dir.), Les philosophes et la science, Paris, Gallimard, 2002.
22 M. Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 251.
23 Id., « Préface à l’édition anglaise » [1970], dans Dits et Écrits I. 1954-1975, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 877.
24 Id., « Structuralisme et poststructuralisme » [1983], dans Dits et Écrits II. 1976-1988, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, Gallimard, 2001, p. 1254.
25 Ibid., p. 1260.
26 Ibid., p. 1254.
27 M. Foucault, « Structuralisme et poststructuralisme », art. cité, p. 1254.
28 Id., « Le style de l’histoire » [1984], dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 1471.
29 Id., Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical, Paris, Puf, 1977, p. 139.
30 Id., « Structuralisme et poststructuralisme », art. cité, p. 1259.
31 Id., « Introduction par Michel Foucault » [1978], dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 432.
32 Id., « Entretien avec Michel Foucault » [1980], dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 875.
33 M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 221.
34 Id., « Introduction par Michel Foucault », art. cité, p. 432.
35 Id., « Préface à l’édition anglaise », art. cité, p. 876.
36 Id., L’archéologie du savoir, op. cit., p. 206.
37 Archives du Caphés, fonds Georges Canguilhem.
38 M. Foucault, L’ordre du discours, op. cit., p. 73-74.
39 G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1994, p. 235.
40 M. Foucault, « Entretien avec Michel Foucault », art. cité, p. 875.
41 Ibid., p. 876.
42 Cité par D. Eribon, Michel Foucault, op. cit., p. 184.
43 G. Canguilhem, Le normal et le pathologique [1966], Paris, Puf, 1999, p. 215.
44 F. Dagognet, Georges Canguilhem. Philosophe de la vie, Le Plessis-Robinson, Les empêcheurs de penser en rond, 1997, p. 15.
45 F. Dagognet, Georges Canguilhem. Philosophe de la vie, op. cit., p. 16.
46 M. Foucault, « La recherche scientifique et la psychologie » [1957], dans Dits et Écrits I, op. cit., p. 171. Il faudrait sur ce point comparer l’article de Foucault, « La psychologie de 1850 à 1950 », et celui de Canguilhem, « Qu’est-ce que la psychologie ? ».
47 M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 31.
48 G. Canguilhem, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie, op. cit., p. 9.
49 M. Foucault, « Structuralisme et poststructuralisme », art. cité, p. 1255.
50 Formule rapportée par M. fichant, « Georges Canguilhem et l’Idée de la philosophie », dans Georges Canguilhem. Philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, 1993, p. 48.
51 M. Foucault, « Entretien avec Michel Foucault », art. cité, p. 873.
52 G. Canguilhem, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie, op. cit., p. 21.
53 G. Canguilhem, « De la science et de la contre-science », dans Hommage à Jean Hyppolite, Paris, Puf, 1971, p. 177.
54 Id., « Philosophie et vérité. Transcription verbatim », dans Œuvres complètes, t. IV, Résistance, philosophie biologique et histoire des sciences (1940-1965), Paris, Vrin, 2015, p. 1216.
55 Cité par C. Limoges, « Introduction. Philosophie biologique, histoire des sciences et interventions philosophiques. Georges Canguilhem, 1940-1065 », dans G. Canguilhem, Œuvres complètes, t. IV, op. cit., p. 13.
56 G. Canguilhem, « Mort de l’homme ou épuisement du cogito ? », Critique, 242, juillet 1967, p. 613.
57 Ibid.
58 M. Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, p. 13.
59 M. Foucault, « Introduction par Michel Foucault », art. cité, p. 430. Dans la deuxième version du texte, il parlera de « filiation » plutôt que de « filière » et ajoutera Koyré à la seconde filière.
60 Ibid.
61 Id., « La vie : l’expérience et la science » [1985], dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 1583.
62 Ce sera même l’objet du recueil dirigé par P. Cassou-Noguès et P. Gillot, Le concept, le sujet et la science. Cavaillès, Canguilhem, Foucault, Paris, Vrin, 2009.
63 M. Foucault, « Introduction par Michel Foucault », art. cité, p. 429.
64 Ibid., p. 429-430.
65 Id., « La vie : l’expérience et la science », art. cité, p. 1584.
66 G. Canguilhem, « Mort de l’homme ou épuisement du cogito ? », art. cité, p. 603.
67 Ibid., p. 617.
68 Id., « Commémoration à l’ORTF », dans J. Cavaillès, Œuvres complètes de philosophie des sciences, Paris, Hermann, 1994, p. 678. Voir aussi, dans le même volume : G. Canguilhem, « Inauguration de l’amphithéâtre Jean-Cavaillès à la nouvelle Faculté des Lettres de Strasbourg (9 mai 1967) ».
69 M. Foucault, « La vie : l’expérience et la science », art. cité, p. 1584.
70 Sur ces différents points, voir J.-F. Braunstein, « Psychologie et milieu. Éthique et histoire des sciences chez Georges Canguilhem », dans J.-F. Braunstein (dir.), Canguilhem. Histoire des sciences et politique du vivant, Paris, Puf, 2007.
71 A. Rey, La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, Paris, Alcan, 1907, p. 20. Voir J.-F. Braunstein, « Historical Epistemology, Old and New », dans J.-F. Braunstein, H. Schmidgen, P. Schöttler (dir.), Epistemology and History. From Bachelard and Canguilhem to Today’s History of Science, Berlin, Max Planck Institut für Wissenschaftsgeschichte, Preprint 434, 2012.
72 A. Rey, « L’Institut d’histoire des sciences et des techniques de l’Université de Paris », Thalès. Recueil annuel des travaux de l’Institut d’histoire des sciences et des techniques de l’Université de Paris. Première année. 1934, 1935, p. V.
73 G. Canguilhem, « Inauguration de l’amphithéâtre Jean-Cavaillès à la nouvelle Faculté des Lettres de Strasbourg (9 mai 1967) », art. cité, p. 674.
74 Id., « Mort de l’homme ou épuisement du cogito ? », art. cité, p. 612.
Auteur
Professeur de philosophie française contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ISJPS, UMR 8103). Il a notamment publié Canguilhem. Histoire des sciences et politique du vivant (Puf, 2007) et L’histoire des sciences. Méthodes, styles et controverses (Vrin, 2008).
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