Chapitre XIII. Historiographie et exploration
p. 265-272
Texte intégral
1 Le Nouveau Monde est représenté, de manière plutôt suggestive, sous une forme allégorique par Jan Van der Straet. L’image, contenue dans Americae decima pars (1619) de Jean-Théodore de Bry1, montre Amerigo Vespucci face à l’Amérique, incarnée par la figure d’une femme nue sur un hamac. Dans le rapport établi par l’artiste flamand entre une Europe conquérante, figurée par le navigateur à peine débarqué sur la terre ferme, et l’Amérique, dont la nudité féminine est l’allégorie, le Nouveau Monde se présente ainsi dans un état primitif, défini par sa passivité ontologique et par sa disponibilité. C’est la quatrième partie du monde, et tous ses habitants, allongés sur le hamac. L’image est divisée en deux grandes parties : d’un côté, un voyageur, son astrolabe et ses navires, de l’autre, une Indienne immergée dans une nature ornée d’arbres et d’animaux. Ces deux parties sont disposées selon un critère chronologique et logique bien précis, à savoir la direction prise par l’écriture même : Amerigo, l’explorateur muni de la science de la navigation, dans la moitié gauche de l’image, l’Amérique, découverte et à explorer, à droite, comme si, hors du temps, elle attendait de faire son entrée dans l’histoire à travers le regard écrit du voyageur. Ce rapport peut être lu à travers la métaphore de l’écriture dans la mesure où le lien entre les deux allégories est interprété à la fois comme production d’écriture et comme production d’histoire au sens précis où, d’une part, en écrivant sur le continent, l’explorateur écrit le continent, et, d’autre part, il s’inscrit en lui en tant que sujet historique.
2D’après la lecture de cette image par Michel de Certeau, en effet, « le conquérant va écrire le corps de l’autre et y tracer sa propre histoire2 ». En tant que pratique elle-même historique, l’écriture suppose non seulement un décalage entre le réel et le discours qui est déployé pour le cerner, mais elle est aussi l’effort de combler ce même décalage. L’historiographie accomplit une fonction paradoxale, car le rapport contradictoire entre le réel et les discours déployés en son nom connaît des agencements qui échappent à l’analyse. La difficulté de l’historiographie passe par la complexité, et même par la contradiction, entre ses deux éléments constitutifs, à savoir l’histoire et l’écriture. Mais cette difficulté consiste aussi dans l’opposition entre le réel et les discours qui l’invoquent. L’historiographie est en ce sens la combinaison de ce qui ne peut pas être combiné, car sa fonction tenterait, « là où ce lien n’est pas pensable, de faire comme si elle les articulait3 ».
3Pourtant, derrière la certitude de la découverte se trouve l’incertitude de l’exploration : l’historiographie prend possession d’un continent sans épuiser l’énigme de ce dernier. L’énigme est, en effet, porteuse d’une spatialité dont les marges se confondent avec elle. Cette typologie de marges, déterminée par la mobilité et la conjecture, ne constitue pas une masse terrestre enserrée entre des confins identifiés partout de façon homogène. L’espace géographique connaît en effet la présence, plus ou moins accentuée, d’une entité dont le tracé, à certains endroits, se prête à une hypothèse qui fait son entrée dans l’écriture de l’histoire. C’est dans cet effort de recomposition du décalage entre l’écriture et l’histoire que les textes cartographiques jouent un rôle essentiel.
4Le Nouveau Monde s’inscrit dans un cadre déterminé par son ouverture spatiale et temporelle, par une marge d’hypothétisme qui devient une figure cruciale à partir d’Acosta. Dans ses recherches, ce dernier laisse transparaître non seulement les difficultés liées à l’examen de la question centrale sur l’origine de l’homme mais aussi, et par là même, les enjeux de l’épistémologie de l’histoire impliqués par ce problème. Il s’agit d’une articulation où la géographicité de l’exploration prête main forte à l’écriture de l’histoire, l’une étant liée à l’autre par l’histoire naturelle : en tant que savoir sur le monde, cette dernière est aussi capable d’assurer une fonction de cadre à la question anthropologique soulevée par le Nouveau Monde. Formuler la question de l’homme, non seulement dans les termes de son origine mais aussi de son histoire, impose le double problème spatio-temporel des déplacements. Écrire sur le corps de l’autre, ce n’est pas seulement tracer sa propre histoire, c’est aussi situer ce corps par rapport à soi-même : chez Acosta, la provenance des sauvages est reliée à une migration du monde ancien. L’interrogation sur un objet qui dépasse les limites des savoirs disponibles impose à ces limites mêmes d’être déplacées, car elles sont confrontées à des questions ouvrant la voie à des hypothèses fondées en tant que chargées d’historicité, hypothèses à leur tour appuyées sur l’idée d’un monde potentiellement habitable en chacune de ses parties. Ces hypothèses s’associent à un degré donné de plausibilité ; elles ne constituent donc pas des réponses susceptibles de clore un questionnement. L’écriture de l’histoire du Nouveau Monde est, en effet, aussi une tentative de fixer dans le temps une succession d’événements imprégnés d’une spatialité sans laquelle ni les événements ni leur succession ne seraient pensables par voie hypothétique. Confrontée à de telles exigences, propres à l’effacement des limites de navigabilité du monde, même la tradition théologique est amenée sur un terrain de discussion qui l’oblige à composer avec le doute, comme en témoigne le questionnement acostien. Le regard sur le monde d’une histoire « naturelle et morale » assume la nécessité de rendre compte de l’Amérique en opérant une articulation complexe des savoirs disponibles avec des objets nouveaux. Puisqu’un tel regard opère sur les récentes découvertes et sur leur prolongation dans l’avenir, les marges de l’histoire et de la géographie se rejoignent sur un sol commun, constitué par des conjectures inhérentes à l’exploration. C’est pourquoi l’exploration participe à l’écriture de l’histoire en fournissant explicitement à l’historiographe les événements à cerner et implicitement le cadre épistémologique dont il est l’interprète.
5L’objectif de ramener au connu ce qui n’est pas pensable, comme le suggére l’interprétation de la scène inaugurale dessinée par Van der Straet en termes d’« écriture conquérante », n’est pas commun à tous les savoirs mobilisés dans les discours sur le nouveau continent. Sans doute, l’écriture de l’histoire est un enjeu consistant très largement dans la construction et l’appropriation d’un objet sur lequel un savoir et un pouvoir sont instaurés. Et pourtant, aux marges de cette opération, d’autres processus sont en cours, plus ambivalents et difficiles à cerner. Lorsque l’exploration est suivie par la découverte et la conquête, l’exploration n’est pas dépassée : si la conquête donne une forme politique à l’objet de la découverte, l’exploration est déplacée ailleurs.
6La conscience historique qui commence à saisir les Indes comme un « Nouveau Monde », incarnée par Vespucci, trace une discontinuité entre la singularité inédite d’un temps présent et un passé dont les limites apparaissent sous une lumière nouvelle que seul le présent, comme temps nouveau, rend possible. La place de la littérature de voyage dans l’écriture de l’histoire entre la Renaissance et les Lumières ne dépend pas uniquement de son statut de pratique « moderne » de la navigation ni de son ancrage empirique qui justifierait une opposition, même partielle, avec les voyages imaginaires. Entre l’érudition humaniste de la république des Lettres et le savoir pratique des pilotes de navires s’étalent un régime de spatialité et une forme particulière de production de textes. Le référent implicite de ces textes est la découverte et la production de nouveaux espaces, lesquels peuvent, à leur tour, avoir des effets non seulement sur ce qui appartient à l’écriture de l’histoire mais aussi sur ce qui pourrait lui appartenir. Un tel débordement ne peut exister qu’en dehors des termes fixés par l’allégorie d’un Vespucci face à l’Amérique. L’ouverture elle-même est, à tous égards, un élément historiographique, un objet formel d’un point de vue abstrait, et un objet de savoir d’un point de vue épistémologique. Par cette voie, de nouveaux éclairages peuvent être projetés sur l’histoire, plus précisément sur l’avancement du temps historique.
7La production de textes de l’Europe « vespucienne » prend son essor dans une spatialité agencée par l’exploration, ayant déjà commencé à se déployer avec le succès des navigations portugaises du xve siècle, notamment sur les côtes africaines. La découverte intellectuelle de l’Amérique implique une nécessaire séparation de l’Ancien Monde, mais en même temps se pose telle une conséquence de la nature singulière de l’espace dégagé par les navigations précédentes. L’exploration est ici réductible à une conquête manquée, mais seulement à condition de perdre de vue le cadre épistémologique d’une certaine écriture de l’histoire, précisément de celle qui est absente de l’allégorie « conquérante » de Jan Van der Straet. La cartographie des découvertes est déterminée par la nécessité de réduire l’espace exploré à une surface politique et administrative, tandis que la conjecture spatiale produite à partir de ce qui est acquis en fait partie tout en débordant les limites de cette surface, non seulement à cause d’une logique expansionniste mais aussi parce qu’une carte ne fournit pas une copie conforme de la Terre. Le décalage est important, car c’est le lieu où les possibilités géographiques deviennent pleinement historiques, sans appartenir proprement à l’écriture d’une histoire des conquêtes. Il y a donc une histoire décalée des discours et des pratiques de l’exploration qui échappe à « l’écriture conquérante » tout en la rendant possible. C’est d’ailleurs en raison d’une telle marginalité par rapport au récit expansionniste que ces possibilités géographiques peuvent être situées à tort dans l’utopie, par un geste qui rend invisible l’historicité de ces possibilités mêmes, et fait perdre de vue la singularité épistémologique dont elles sont les témoins. L’hypothétisme de l’exploration est empreint d’historicité et se pose comme une condition nécessaire à la modélisation de l’image du monde entre la Renaissance et les Lumières. Un tel processus risque ainsi d’être négligé dès lors que l’accent est mis exclusivement sur une dynamique de succession de configurations historiques postulées comme discontinues.
8Bien qu’orientée par les dynamiques propres aux enjeux politiques et économiques du colonialisme, l’exploration est une pratique généralisable sous une perspective épistémologique qui ne coïncide pas complètement avec ces aspects. Cela se produit dans la mesure où les pratiques et les discours liés à l’exploration font signifier historiquement l’excédent géographique qui écarte le présent du passé, c’est-à-dire la transformation des connaissances sur la distribution des régions du monde. Cette construction est fondée sur une tension entre l’espace géographique du monde moderne en l’état où il est d’après les découvertes, et l’attente d’une modification de cet espace par une augmentation. Cet horizon, qui nourrit tant la métaphore du globe intellectuel chez Bacon que celle de la mappemonde encyclopédique chez d’Alembert, trouve son unité dans le système humaniste des belles-lettres, c’est-à dire dans un même mode de communication des savoirs antérieur aux disciplines. Le destin de ce système est lié à l’épuisement du régime de spatialité produit par les explorations de la deuxième moitié du xviiie siècle et à la disparution des terres inconnues.
9Dans cette spatialité, le sens du temps historique devient également essentiel pour l’horizon d’attente de l’exploration moderne de l’hémisphère sud du globe. Cette modalité spécifique de déplacement – distincte de celle des routes commerciales assurées – semble capable de produire une collection de différences spatialisées permettant d’identifier des lieux, confondus ou méconnus par les Anciens, et d’élargir géographiquement la notion d’espèce humaine. Le temps issu d’une telle configuration se dirige vers une science procédant par annexion de ce qui était auparavant hors de sa portée, à condition qu’il y ait une certaine production d’objets à explorer, ce qui cesse de se vérifier au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle. Au début de ce grand cycle, les navigateurs de la Renaissance affirment pouvoir faire mieux que les Anciens : en cela, l’exploit géographique de Magellan et la découverte intellectuelle de Vespucci constituent les réalisations d’une historiographie dont la fonction spécifique, encore une fois, ne coïncide pas avec la conquête. C’est précisément dans cet écart que se produisent les déplacements et prolongements de l’exploration telle qu’elle a été pratiquée tout au long des trois siècles en question. Durant ces siècles, les chroniques des voyageurs sont projetées et prolongées dans les cartes : celles-ci ne relèvent pas d’une écriture de l’histoire orientée seulement par une fonction conquérante, cette écriture est aussi orientée par une fonction exploratrice aux modalités propres.
10La différence propre aux temps de l’exploration n’est pas mesurable en termes exclusifs de nouveauté empirique. Elle peut être entendue dans la promesse de ce qui n’est pas encore nouveau mais qui pourrait l’être, selon une transformation très tôt définie par les modernes comme partie intégrante d’un processus historique. En ce sens, l’immobilité du monde passé contraste avec la prolifération des cartes géographiques du présent, images qui, dans leur non-correspondance, en se multipliant, suggèrent que des lieux inconnus existent et qu’ils sont connaissables. Cette possibilité implique une condition : les frontières du monde doivent être franchies, et ses marges intelligibles précisément dans l’ouverture où le temps de l’exploration est localisé à titre provisoire. Cela apparaît dans une gravure, ou plutôt dans une chronique illustrée, contenue dans America pars quarta (1594) des Grands Voyages de Théodore de Bry, qui montre Magellan à bord de la Trinidad face à la Terre de Feu, avançant sur l’océan Pacifique qui s’ouvre devant son navire. Cette image est une mise en scène créée par un illustrateur : jamais réellement parvenu en Amérique, ce dernier opère une synthèse entre des modèles classiques européens et le nouveau continent tel qu’il était dépeint dans les récits de voyage. Cette synthèse montre un enjeu, absent de l’image allégorique chez Jean Van der Straet, en disant quelque chose sur le statut du récit de voyage dans l’historiographie. Si le portrait allégorique de Vespucci face à l’Amérique dévoile l’écriture de l’histoire comme geste reflétant l’appropriation de l’objet de la conquête, dans l’image de America pars quarta, ce sont les éléments d’un récit, celui de Pigafetta en particulier, qui s’inscrivent de plein droit dans le domaine historiographique. La gravure présente à l’observateur une sorte de théâtre de l’exploration où se combinent des éléments propres à l’imaginaire du voyage avec les outils techniques dont se sert la science de la navigation. Dans l’image de Magellan, l’aigle bicéphale, symbole de l’empereur Charles Quint, apparaît sur une bannière, avec des références mythologiques anciennes, telles que l’oiseau roc qui soulève un éléphant, Jupiter, Apollon et des sirènes.
11Sans doute la puissance de cette image est-elle en partie due au fait que Magellan est représenté en « cosmographe de plein vent, dédaigneux de ses confrères en chambre4 ». À l’instar de Vespucci muni des instruments de la navigation face à une Amérique allégorisée, la figure du voyageur franchissant le détroit est dessinée non seulement avec le compas et la sphère armillaire mais aussi avec des armes : « Éparpillés sur le pont et pointés hors du bordage, couleuvrines et canons indiquent que le calcul cosmographique, s’il permet une saisie instantanée de l’espace, n’en est pas pour autant désintéressé. Bien au contraire sa fin est immédiatement politique5. » La découverte exhorte certainement à posséder un territoire qu’il faudra dominer par la force, et pourtant, faisant elle-même partie d’un régime de production d’espace, l’écriture de l’histoire ne se limite pas à poser la question de la découverte et de la conquête. Entouré de références mythologiques, dont Apollon qui fit le tour du monde, le navigateur est investi d’une gloire héroïque, dans un portrait qui « fait de Magellan un demi-dieu des Temps modernes6 ». Un des aspects propres de l’exploration moderne est sa capacité à produire une matière, indistinctement narrative et scientifique, utile pour connaître et construire l’hémisphère austral tout en élargissant les savoirs disponibles. La gravure identifie Magellan à une figure fondatrice de cet élargissement du monde, ou de cette multiplication de mondes, dans un espace privé de zones non navigables où, pour la première fois, l’histoire peut s’écrire sur toute l’hétérogénéité d’une échelle globale.
12Paradoxalement, à un moment où la connaissance du monde des Anciens est dépassée et annonce des développements inédits resurgit l’idée d’un avancement du temps historique selon laquelle le devenir du monde est un mouvement prévisible, caractérisé par l’éloignement progressif de sa jeunesse. L’idée précédait l’histoire naturelle de Pline, dont la pertinence inédite semblait s’accorder aux nouveaux enjeux de l’exploration. La thèse du vieillissement de toute chose est largement développée aux xvie et xviie siècles, qui en feront une idée génératrice d’un savoir censé pouvoir sonder le passé de l’homme et l’avenir du monde. Le miroir grossissant du continent américain s’adaptait particulièrement à cette manière de concevoir la scansion d’un temps de la nature. Dans la gravure de Magellan, on voit également le portrait d’un géant patagon qui avale une flèche, selon la description donnée par Pigafetta7 ; certains habitants du Nouveau Monde semblent prouver que la taille humaine dépassait autrefois celle des voyageurs, ce qui confirmerait l’idée même qu’au fil du temps, la nature subissait certaines transformations dues à une perte progressive de sa puissance.
Notes de bas de page
1 Jean-Théodore poursuit le travail éditorial de son père, Théodore de Bry, voir Michèle Duchet (dir.), L’Amérique de Théodore de Bry. Une collection de voyages protestante du xvie siècle. Quatre études d’iconographie, Paris, Éditions du CNRS, 1987.
2 Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard (Folio), 2002, p. 9.
3 Ibid., p. 11.
4 Frank Lestringant, L’atelier du cosmographe ou l’image du monde à la Renaissance, Paris, Albin Michel, 1991, p. 31.
5 Frank Lestringant, L’atelier du cosmographe ou l’image du monde à la Renaissance, op. cit., p. 32.
6 Jean-Paul Duviols, Le miroir du Nouveau Monde. Images primitives de l’Amérique, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2006, p. 293.
7 « Quand ces géants ont mal d’estomac, en lieu de prendre médicine, ils mettent en leur gorge une flèche, de deux pieds ou environ de longueur, puis ils vomissent une colère verte entremêlée de sang », Le voyage de Magellan, op. cit., p. 102.
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