Chapitre III. « Cecy n’est point une conjecture » : coloniser les Antipodes
p. 57-73
Texte intégral
1 La critique à l’égard du savoir des Anciens qui affirmait l’hypothèse d’une zone torride infranchissable, dans la région équatoriale du globe, est assez fréquente dans la littérature de voyage moderne. Le dépassement d’un partage du monde en zones navigables et non navigables inaugure l’espace d’une nouvelle épistémologie de l’exploration ; dans ce cadre, peu après l’introduction du Nouveau Monde dans les cartes, l’idée d’un grand continent austral à découvrir au-delà des Amériques, et dont les dimensions seraient plus grandes que celles de tous les continents jusqu’alors connus, se répand parmi les pilotes de navires et les cosmographes. Cette entité géographique, qui suscitera autant l’intérêt du pouvoir qu’elle stimulera l’érudition, sera au centre de différents projets français de colonisation à partir du xvie jusqu’au xviiie siècle, notamment ceux de La Popelinière, Paulmier de Courtonne et Charles de Brosses.
2À première vue, ces desseins représentent des moments constitutifs d’un discours qui porte sur un objet, indiqué sous le toponyme de Terra australis nondum cognita, censé être découvert et conquis dans un temps à venir. Après trois siècles d’exploration des mers du Sud, ces terres inconnues disparaîtront des projets coloniaux et leur inexistence sera finalement acceptée par les rois, les voyageurs et les philosophes. Pourtant, il n’est pas question de rendre compte d’une simple illusion. L’étude d’un tel objet à travers les catégories de « mythe » ou d’« utopie » risque de ne pas saisir les enjeux épistémologiques dont cet étonnant continent est un témoin privilégié, et ne permettrait nullement d’éclairer le régime de spatialité à l’intérieur duquel Louis XIV, Bouvet de Lozier ou Buffon ont pu concevoir et attendre avec impatience la découverte d’un nouveau monde. Ce régime de production d’espace mobilise des savoirs hétérogènes mais solidaires qui, à l’âge des explorations, se développent cautionnés par les discours des voyageurs. La prose du voyage d’exploration, téléologiquement relié à la découverte, est formalisée en un genre littéraire et scientifique qui attribue à la géographie le rôle d’« œil de l’histoire », mais qui alimente le modèle d’un monde inachevé entre la Renaissance et les Lumières. Ce modèle s’épuise d’une part avec la fin du système des belles-lettres, et d’autre part avec le remplacement d’un tel régime par une nouvelle spatialité, où la Terra australis ne trouvera plus sa place. La transformation du statut de ce continent en implique une autre : celle des savoirs sur lesquels était fondée sa présence. Si l’écartement progressif entre les belles-lettres et les sciences au xviiie siècle apparaît comme décisif pour l’effacement d’un tel objet du plan cartographique et du discours politique, il en va différemment pour le champ philosophique.
LA POPELINIÈRE
3Dans Les trois mondes (1582), l’historien protestant La Popelinière propose un projet d’évangélisation des Terres australes dont la finalité est d’encourager ses compatriotes à conquérir de nouveaux territoires. L’auteur constate l’échec de l’entreprise coloniale des puissances européennes aux Amériques, tout en construisant un nouveau modèle expansionniste. En effet, il veut orienter son pays vers le Troisième Monde, où il serait possible d’éluder les échecs du présent, notamment les abus du colonialisme sur le continent américain. Préfigurée dans les cartes, cette Terra australis nondum cognita est imaginée comme un espace alternatif aux empires naissants, où les rapports avec les indigènes pourraient ne pas être de l’ordre de la soumission. Pour La Popelinière, qui reste fidèle à l’esprit cartographique des atlas de son époque, les trois mondes existants sont l’Ancien, le Nouveau et l’Inconnu, autour desquels il élabore ses réflexions sur l’histoire et la géographie des explorations ainsi qu’un bilan des connaissances modernes. En ce sens, le savoir géographique contribue certainement à l’expansionnisme, mais sa portée ne se réduit pas à un simple instrument de conquête, comme le suggère la carte du monde au début de son texte, calquée sur celle d’Ortelius, Typus orbis terrarum, qui représentait une gigantesque Terre australe.
4Dans l’Avant-discours de l’ouvrage, qui se présente comme celui d’un compilateur plutôt que d’un voyageur1, l’auteur conçoit le globe comme un espace pour l’essentiel constitué de territoires vierges, en attente d’être explorés par les voyageurs qui découvriront le Troisième Monde. Aucune nation ne s’est encore établie dans ce continent riche et fertile, aussi La Popelinière exhorte-t-il son pays à le conquérir. La dimension temporelle du projet colonisateur est vague, car les découvertes accomplies se confondent avec celles à venir, et pour le lecteur de son ouvrage, il n’est pas facile de savoir s’il s’agit d’un territoire effleuré par les explorateurs, qui en auraient déjà fait la découverte, ou bien s’il est encore à découvrir :
[…] je vous représente le monde en trois mondes, c’est à dire, l’univers en trois parties […] chacune desquelles j’appelle monde à la façon de noz premiers matelots & voyageurs, lesquels ayans descouvert l’Amerique & Terre Australe, qu’ils trouvent plus estrange & de plus grande estendue que tout ce qu’ils avoient jamais veu, leu, ny ouy dire, les appellerent autre monde & Monde Nouveau2.
5Le Troisième Monde n’appartient ni à l’échelle spatiale du monde ancien, ni à celle des Amériques, qui forment un continent désormais dépassé par la portée de cette nouvelle entité géographique. En quelque sorte, le bouleversement du monde européen par les voyages modernes, incarné par Colomb, Vespucci et Magellan, devenus objets de la rhétorique hagiographique des atlas, devait se produire une nouvelle fois, mais à une plus grande échelle. Le passé et l’avenir sont interprétés à partir de cette ouverture, qui rejoint en partie les opinions des Anciens sur la pluralité des mondes et de leurs habitants – l’idée d’« arbres & animaux quinze fois plus grands que ceux de la terre, de la couleur de laquelle estoit la lune, d’où a Lucien puisé tout son discours de vera narratione3 » –, tout en s’éloignant de la représentation d’une zone torride infranchissable au niveau de la ceinture équatoriale. Le constat empirique des récits de voyage selon lequel toutes les zones climatiques sont également habitables donne lieu à une critique du savoir des Anciens et des doctrines défendues par les Pères de l’Église sur cette question. Une telle polémique est cruciale dans la mesure où elle souligne, d’une part, la perte d’autorité de certaines opinions et montre, d’autre part, la portée d’un discours fondé sur la parole du voyageur : « Les theologiens qui se jectans hors leurs professions ont voulu discourir de telles choses, s’y sont à l’advis d’aucuns très lourdement abusez, sainct Augustin notamment, Lactance & plusieurs autres4. » Le problème des Antipodes et des Antipodiens se relie étroitement à la théorie de la sphéricité de la Terre, et montre comment la certitude des Modernes rejoint l’hypothèse pythagoricienne : « Si la terre est ronde & habitée en toutes ses parties, s’ensuit qu’il y a des Antipodes […] c’est à dire des hommes marchant sur ceste rondeur de terre pieds contre pieds les uns des autres5. » Si l’Écriture ne fournit pas d’informations utiles sur les conséquences théologiques conduisant les auteurs chrétiens à nier les Antipodes, cela n’implique pas pour autant leur inexistence : « Bien que la parolle de Dieu ne nous en eclaircisse rien, ne s’ensuit qu’ils [les Antipodiens] ne soient6. » En effet, la présence de ce grand continent est confirmée par les voyageurs modernes arrivés là où les Anciens n’accédaient que par le moyen de la spéculation. En ce sens, l’historien affirme que les explorateurs des Antipodes ont « fort esclarcy par preuve d’œil, ce que tous les anciens Grecs & Latins & chrestiens mesmes n’avoient qu’imaginairement (disent aucuns) conceu en leur esprit7 ».
6Par son usage chez La Popelinière, la littérature de voyage acquiert une valeur analogue à l’expérience : la parole du voyageur est en soi un argument pouvant confirmer définitivement l’intuition ancienne d’un vaste continent antipodal, car son discours est investi d’une autorité capable de réfuter l’opinion des Pères de l’Église. Cette équivalence épistémologique entre voyage et connaissance empirique justifie l’équivalence technique entre carte et monde, tout en rapprochant sens du possible et expérience du monde : « Les deux moyens que l’homme a pour conçevoir & apprendre : sçavoir la theorique & practique, c’est à dire, la science d’autruy & l’experience de son particulier8. »
7Le partage du monde en « vieil, neuf & incogneu9 », permet à La Popelinière de concilier la conjecture d’un grand continent à découvrir avec une connaissance pratique. Dans cet espace inconnu, situé au-delà de l’Amérique méridionale, s’intègre la notion d’Antipodes qui s’accorde à l’image de la Terre australe, c’est-à-dire d’une entité géographique que la cartographie du xvie siècle considère comme acquise. Dans l’intertextualité du récit de voyage et du plan cartographique, le discours colonial est dépassé par une logique cartographique qui procède en étendant les terres découvertes à celles à découvrir, dans un dédoublement des Amériques dans un autre Nouveau Monde. Pour approcher l’évidence du Troisième Monde, on souligne le fait qu’il commence à partir des dernières terres retrouvées, là où il n’y a aucun doute que les voyageurs ont effectivement débarqué : « L’incogneu nous est la Terre Australe, appellée par les Espagnols & Portugais Terra del Fuego10. » La Terre de Feu et le détroit avaient été découverts par Magellan en 1520, mais l’opération de La Popelinière – comme celle des cosmographes qui, sur la base de l’expérience des navigateurs, mettent à jour la carte du globe – consiste à relier l’extrémité sud du deuxième monde à celle où commence le troisième, en créant une continuité géographique et historique entre le « neuf » et l’« incogneu ». Ceux-ci sont séparés par le détroit, mais reliés par un puissant lien spatial et temporel, lequel n’est possible que dans la notion de mappemonde inachevée à la base de l’épistémologie de l’exploration. Dans un contexte où les confins de l’inconnu s’agrandissent, la transformation de la structure géographique du monde ancien rend possible la projection du Nouveau Monde dans les vastes espaces inexplorés qui trouvent un lieu propre sur la carte. Sur cette dernière, le Troisième Monde est « de beaucoup plus grande estendue que l’Amerique, seulement descouverte par Magellan lors qu’il passa le detroit qui faict l’entre-deux de ce pais austral & du cartier meridional de l’Amerique11 ».
8Le détroit de Magellan est reconnu comme la frontière physique entre deux mondes : d’autres voyageurs seraient descendus le long de ces côtes après le navigateur portugais « mais sans y avoir descouvert chose grandement profitable, pour n’avoir osé aban[don]ner la coste12 ». Dans les chroniques des voyageurs, en effet, les descriptions géographiques se limitent le plus souvent à tracer une ligne approximative des côtes. Les cartographes, moins habitués à la métaphore du livre du monde qu’à celle de l’ouvrage inachevé, reprennent ces approximations pour continuer le tableau, mais par leurs propres moyens. L’intérieur des terres accueille l’abîme du blanc cartographique, cavité symbolique à partir de laquelle le regard géographique tente une élévation spéculative. Ce regard s’efforce de pénétrer dans l’inconnu non pour l’achever, mais pour en faire l’énième esquisse : « De quelle partie d’un si grand œuvre qu’est l’univers, pensez vous nostre veuë estre capable13 ? » Dans cet effort, le monde s’écrit sous la plume du chroniqueur et se dessine sur la carte, ce qui n’advient pas exclusivement au travers de la contestation permanente des hypothèses anciennes. La découverte possible oriente un certain regard vers l’avenir, tout comme la nature devient une source prolifique de production de nouveaux objets de connaissance : « Nous esmerveillons nous donc si quelques grands ouvrages de la nature nous sont incognus, veu que Dieu cache la plus grande partie de l’univers ? Combien de nouvelles sortes d’animaux se sont faits veoir à nous, incognus de noz peres14 ? »
9En reprenant une idée diffuse, La Popelinière écrit : « La géographie est l’œil naturel & la vraye lumiere de l’histoire15. » Cette métaphore aux significations multiples prête à la géographie un discours épistémologiquement fort, qui défend le récit de voyage comme dépositaire d’une expérience ayant l’autorité du témoignage des espaces inconnus. Potentiellement politique, le témoignage d’un espace à découvrir nourrit un discours explicitement conquérant, qui présuppose une historicité particulière. En tant qu’espaces réels, les nouveaux mondes ouvrent une dimension temporelle structurée en une série de terres dont les premiers signes visibles ne sont que le prélude d’un temps à venir, où la spatialité éclaircit et donne du sens à la temporalité. La prédiction spatio-temporelle de la découverte trouve sa source dans la médiation des chroniques, matière première extraite du monde, produite par les voyageurs et modelée par leur pensée de l’espace. La visibilité des découvertes dépend de la lumière que la géographie projette sur l’histoire, d’où la singularité de l’espace qui donne un sens prophétique au temps des conquêtes : « Veu l’endroit où ce troisième monde est situé & la grande estendue de ses provinces, il est du tout impossible qu’il n’y aye chose merveilleuse en plaisir, richesses & autres commodites à la vie humaine16. » Ce monde promet des bénéfices pour les sciences et le commerce, car il « ne peut estre remply que de toutes sortes de biens & choses tres excellentes. Il ne faut que le descouvrir17 ». Enfin, le projet de La Popelinière est couronné par l’appel à celui qui pourrait le mettre en pratique : « Un simple seigneur aisé qui en voudroit faire l’entreprise18. »
PAULMIER DE COURTONNE
10L’ambitieux projet de l’historien protestant ne tombera pas dans l’oubli. Il sera repris au siècle suivant par Jean Paulmier de Courtonne qui, à l’instar de son prédécesseur, imagine une France australe, dans laquelle son pays n’entreprendrait aucune guerre contre les indigènes pour ne pas reproduire les excès du colonialisme dénoncés par Las Casas. Animé par l’esprit de la Contre-Réforme, Paulmier cherche un soutien politique à son projet afin de créer une Compagnie des Terres australes chargée de la mission de gérer les colonies du continent qui suscitait un fort intérêt auprès du pouvoir politique19. Comme chez La Popelinière, le projet est fondé sur la base des connaissances géographiques, des documents cartographiques et sur un certain usage de la littérature de voyage. À un moment où la France s’intéresse à un projet expansionniste commercial et colonial, Paulmier cherche le soutien des grands, à la différence de son prédécesseur protestant qui, voulant rendre plus réalisable son plan, affirmait qu’aurait été suffisant non pas le soutien d’un roi, mais celui d’un « simple seigneur ».
11Ses Mémoires (1664), dédiés au pape Alexandre VII, commencent par l’exposition de la division du monde à la base de son projet. La géographie qui fournit la description la plus fidèle de la surface du monde, et qui intègre les nouvelles observations astronomiques et les plus récentes découvertes des voyageurs, admet l’existence, au-delà du premier monde, « celuy qui contient l’Europe, l’Asie, & l’Afrique », et du second, « autrement le Nouveau », d’un troisième « ou l’Inconnu, qui s’offre maintenant à nostre Alexandre VII & qui vient solliciter son Zele d’en entreprendre la pieuse & la heroïque conqueste20 ». Comme l’Amérique, ce monde offert à la colonisation est peuplé, motif pour lequel la réussite du projet doit se traduire dans le contrôle aussi bien du territoire que des « pauvres & miserables Austraux21 », dans une entreprise visant à concilier la christianisation des indigènes et la possession de leur vaste pays. L’auteur, affirmant avoir un ancêtre provenant de la Terre australe22 présente à la fois les raisons et les modalités d’une grande mission susceptible de donner à la France l’opportunité de s’établir dans un territoire dont l’existence est prouvée par la science cartographique fondée sur l’expérience non seulement des voyageurs modernes, mais aussi de leurs prédécesseurs, parmi lesquels figure Marco Polo23.
12On ignore encore l’étendue exacte du continent, mais il est certain que les dimensions gigantesques du Troisième Monde ne peuvent plus être mises en question. Selon Paulmier, la carte est une preuve : « Pour demeurer d’accord de cette verité, il suffit de jetter l’œil sur une Mappemonde, & l’on jugera sans peine combien est spatieux, ce qui peu estre enclos dans les limites de cette cinquième partie de la Masse terrestre24. » Au-delà du détroit de Magellan commence un continent qui trouve sa justification scientifique dans la distribution harmonique du poids des masses terrestres de la planète. Voici alors son existence confirmée par la fonction physique de donner à la Terre une base stable, garante de sa fixité et de son équilibre :
[la Terre Australe] s’avance vers l’Afrique ; & qu’enfin elle va poser sa pointe jusques dans les Isles de l’Asie Majeure : qu’elle commence au Pole Antartique, & qu’elle va finir à l’Equateur ; de sorte que si sa largeur estoit par tout égale, elle contiendroit presque la moitié du globe, que forme ce lourd élement, qui demeure immobile, & balancé au milieu des airs, par la fermeté de son propre poids25.
13La carte témoigne ainsi de l’existence du continent austral dont l’identification se fonde sur l’expérience des voyageurs : « Cecy n’est point une conjecture : c’est une experience appuyée du rapport unanime des Pilotes Espagnols, Portugais, Anglois, & Hollandois, qui ont moüillé l’ancre dans les ports de cette partie des Terres Australes26. » Parmi les nombreuses sources de Paulmier, il faut noter celle de Pedro Fernández de Quirós, navigateur portugais au service de l’Espagne qui avait accompli trois voyages dans le Pacifique entre la fin du xvie et le début du xviie siècle à la recherche du continent austral. Une cédule lui attribuant une mission d’exploration atteste que des mathématiciens et des géographes ont non seulement examiné ses cartes et papiers mais aussi, à la manière des auteurs français promoteurs d’un projet colonisateur, qu’ils partageaient cette idée de Quirós : « Il ne peut manquer d’y avoir un grand morceau de terre ferme, ou une quantité d’îles qui forment une chaîne continue depuis le détroit de Magellan jusqu’à la Nouvelle Guinée, la grande île de Java et les autres îles de ce grand Archipel27. »
14Après les « preuves » de l’existence du Troisième Monde, les Mémoires donnent des renseignements concernant son climat bénéfique et la fertilité du sol. Ces terres
se peuvent vanter aussi bien que l’Asie, l’Afrique, & l’Amérique, de jouïr en quelques lieux d’un Printemps perpetuel ; d’avoir des terres qui portent une double moisson en une seule année ; Et un sol si heureux, qu’il employe moins de semaines, que le nostre ne consomme de mois en la production de plusieurs fruits, plantes, grains, & semences28.
15Pour Paulmier, l’extraordinaire fertilité des terres, qui dépend de conditions climatiques très différentes tant de celles de l’Ancien Monde que du Nouveau Monde, est destinée à son pays : « Il ne reste apparemment que la France, par qui elles [les Terres australes] puissent estre secouruës29. » L’ensemble de conditions favorables à la conquête motive ses critiques envers l’inaction de son pays, qu’il juge incapable de devenir une puissance coloniale : « Il semble que nostre abondance ait engendré nostre paresse ; les delices de nostre Terre nous rendent nonchalans, & nostre impatience naturelle, fait que nous pensons peu aux desseins de longue haleine30. »
16Les hommes d’Église seront bien accueillis par les indigènes s’ils se présentent d’abord pour les évangéliser et non pour former des établissements coloniaux par le moyen de la force. Le projet de Paulmier, toutefois, n’est pas exclusivement adressé au pouvoir spirituel, il prévoit en effet une vaste série de figures destinées à fonder une société qui nécessitera la participation de « divers artisans, choisis d’entre ceux dont les metiers sont les plus utiles à la vie : comme sont les charpentiers, menuisiers, & tous ouvriers entendus à la tixture, à la forge, & à choses semblables31 », des « personnes entenduës en Medicine, Pharmacie, & Chirurgie32 », ou encore « quelques-uns qui sceussent toucher divers instrumens de musique, estant presque incroyable, combien les nations Indiennes en sont charmées33 ». Au-delà des ambiguïtés rhétoriques des Mémoires autour de l’évangélisation pacifique des Austraux, son projet ne peut évincer l’évocation explicite des inévitables rapports de force entre colonisateurs et colonisés. Dans un premier temps, la « Troupe Australe », censée ouvrir la voie à une présence territoriale de la France, doit être formée par un nombre réduit de personnes, ce qui est justifié par la différence militaire entre Européens et indigènes : « Que la petitesse de la troupe ne cause point d’effroy, puisque nos Européens avec des forces du tout inégales, ont souvent resisté à des nations Indiennes entières34. » Ce n’est donc pas un hasard si, à cet égard, Paulmier rappelle l’épisode des soixante Français ayant résisté contre les indigènes à Madagascar : « Tant est merveilleuse la vertu que le doigt de Dieu a imprimée sur le front des chrestiens ses enfans ; & tant sont considérables les avantages que les armes à feu nous donnent, sur des peuples demy nuds, mal armez & mal aguerris35 ! » En fait, le modèle rhétorique d’une « colonisation douce », proposé afin de dépasser les erreurs historiques dans les rapports entre Europe et Amérique, reconduit à une logique de domination analogue, au nom de laquelle on veut sauver les âmes des indigènes tout en mettant en garde contre « l’insolence des plus mutins d’entre les Indiens36 ».
BUFFON, MAUPERTUIS, DE BROSSES
La mesure des choses incertaines fait ici mon objet, je vais tâcher de donner quelques règles pour estimer les rapports de vraisemblance, les degrés de probabilité, le poids des témoignages, l’influence des hasards, l’inconvénient des risques ; et de juger en même temps de la valeur réelle de nos craintes et de nos espérances37.
17Influencé par Paulmier, le navigateur Bouvet de Lozier a une vocation précoce pour les explorations géographiques38 et, en 1738, il est chargé d’une mission dans le Pacifique. Avec la ferme conviction de la présence du continent austral et tout en gardant l’espoir de la découverte, le récit de son voyage décrit les difficultés insurmontables pour gagner ses côtes. Les deux vaisseaux de l’expédition trouvent sur leur route des glaces de grande taille, considérées comme « un indice certain de terre39 ». L’équipage entrevoit une rive, qui « étoit couverte de neige, & fort embrumée. Elle nous parut comme un gros Cap40 », puis, dans l’épreuve de la navigation, les explorateurs croient voir, non loin de cette découverte, des terres contiguës. Mais, d’après le récit, les mauvaises conditions climatiques et la visibilité très limitée empêchent un rapprochement suffisant pour les identifier : « Nous n’avions pû reconnaître si elle [la terre] fait partie du continent ou si c’est une île avancée41. » En dépit des brumes, les résultats du voyage de Bouvet seront transcrits sur la carte du géographe Philippe Buache42, qui représente avec précision une Terre australe.
18Quelques années après cette expédition, Buffon exprime un sentiment diffus parmi les explorateurs et les autorités qui leur accordaient des missions d’exploration. Dans l’espoir de relancer des voyages et qu’ils soient couronnés de succès par l’arrivée sur de nouvelles terres, il dresse un bilan plutôt négatif de l’état d’avancement des découvertes géographiques :
Presque toutes les terres qui sont du côté du pole antarctique nous sont inconnues, on sçait seulement qu’il y en a, & qu’elles sont séparées de tous les autres continens par l’océan ; il reste aussi beaucoup de pays à découvrir du côté du pole arctique, & l’on est obligé d’avouer avec quelque espèce de regret, que depuis plus d’un siècle l’ardeur pour découvrir de nouvelles terres s’est extrêmement ralentie43.
19Le naturaliste ne met pas en doute la possibilité de découvrir, même dans un délai incertain, le continent inconnu, mais il impute cette lacune encore présente aux obstacles qui ont surgi sur la route des explorations :
[…] la découverte de ces terres australes seroit un grand objet de curiosité, & pourroit être utile ; on n’a reconnu de ce côté-là que quelques côtes, & il est fâcheux que les Navigateurs qui ont voulu tenter cette découverte en différens temps, aient presque toujours été arrêtez par des glaces qui les ont empêchez de prendre terre. La brume, qui est fort considérable dans ces parages, est encore un obstacle44.
20Buffon constate les difficultés et les écueils des routes parcourues en terres australes par les voyageurs et propose une nouvelle voie par l’océan Pacifique45, potentiellement plus favorable, sur laquelle, peut-être, les vaisseaux ne trouveraient ni les glaces ni la brume empêchant la navigation. Vraisemblablement, cette voie rendrait accessible le territoire austral dont les proportions sont à n’en pas douter énormes :
ce qui nous reste à connoître du côté du pole austral est si considérable, qu’on peut, sans se tromper, l’évaluer à plus du quart de la superficie du globe, en sorte qu’il peut y avoir dans ces climats un continent terrestre aussi grand que l’Europe, l’Asie & l’Afrique prises toutes trois ensemble46.
21L’explication donnée au phénomène de la formation des glaces est un argument en faveur de l’idée d’un continent austral qui soutient l’espoir des navigateurs. Si Bouvet considère les glaces flottantes comme un indice certain de la proximité des terres recherchées, l’Histoire naturelle donne un fondement scientifique à sa représentation de l’espace inexploré, de sorte que l’obstacle devient lui-même un encouragement aux découvertes géographiques. Cette théorie est fondée sur les récits de voyage, car tant les chroniques des explorations en mer du Nord que celles en mer du Sud confirment que « les glaces se forment auprès des terres & jamais en pleine mer47 ». Pour renforcer cette opinion, Buffon évoque, outre les explorations qui se sont rapprochées du pôle Nord, le voyage de Bouvet et renvoie à la carte de Buache48. Selon sa théorie, les glaces se détachent de la terre pour être transportées par le courant des fleuves dans l’océan :
Ces glaces, que l’on regarde comme des barrières qui s’opposent à la navigation vers les poles & à la découverte des terres australes, prouvent seulement qu’il y a de très-grands fleuves dans le voisinage des climats où on les a rencontrées, par conséquent elles nous indiquent aussi qu’il y a de vastes continens d’où ces fleuves tirent leur origine49.
22Le sentiment d’une découverte se trouvant à la portée d’une nouvelle expédition française est également partagé par l’astronome Maupertuis, qui écrit : « Comme dans tout ce qui est connu du Globe, il n’y a aucun espace d’une aussi vaste étendue que cette plage inconnue, qui soit tout occupé par la mer, il y a beaucoup plus de probabilité qu’on y trouvera des terres qu’une mer continue50. » Une opinion renforcée par le témoignage de voyageurs qui ont vu « des pointes, des caps, & des signes certains d’un Continent dont ils n’étaient pas éloignés51 ». En explicitant le véritable rapport entre carte et monde – le monde comme reflet de la carte et non pas la carte comme reflet du monde – il affirme l’existence de caps « déjà marqués sur les cartes52 », et évoque le capitaine Lozier, qui a constaté la présence d’un de ces indices : « Il s’est assuré de l’existence de ces terres, il les a vues : s’il n’en a pû approcher de plus près, ça [a] été par des obstacles qui pouvoient être evités53. » Pour Maupertuis, ce continent inconnu est incontestablement séparé de tous les autres et sa découverte permettra non seulement d’ouvrir de nouvelles voies aux sciences, mais aussi de fournir de nouveaux objets d’étude en mesure d’assurer le progrès des connaissances humaines, car cet endroit du globe constitue « un nouveau monde à part, dans lequel on ne peut prévoir ce qui se trouveroit54 ».
23En 1756, Charles de Brosses publie son Histoire des navigations aux Terres Australes, qui témoigne d’une large érudition dans le domaine de la littérature de voyage des terres magellaniques. Comme le titre complet de l’ouvrage le souligne55, sa compilation savante est mise au service du projet expansionniste. Charles de Brosses, président du parlement de Bourgogne et ami de Buffon, entend y fournir des preuves de l’existence du continent austral avec une finalité précise : persuader la France de se lancer dans l’entreprise coloniale. Il ne semble avoir aucun doute sur la présence effective de ce territoire : « Toute la partie méridionale de notre globe est encore inconnue. Il n’y a pas d’apparence qu’une si vaste plage ne soit occupée que par des mers. On y a découvert des caps et des côtes, signes certains d’un continent56. » De Brosses livre une définition de son objet fondée non seulement sur le témoignage des chroniques de voyage, mais aussi sur des preuves physiques qui reprennent l’argument, déjà avancé par Paulmier, selon lequel ces terres auraient la fonction d’assurer mécaniquement l’équilibre de la planète :
J’appelle en effet, Terres Australes tout ce qui est au-delà des trois pointes méridionales du monde connu, en Afrique, Asie & Amérique ; c’est-à-dire au-delà du Cap de Bonne Espérance, des Îles Moluques & Célèbes, & du Détroit de Magellan ; ce qui peut comprendre de 8 à 10 millions de lieues quartées faisant plus du tiers de notre globe : il n’est pas possible qu’il n’y ait dans une si vaste plage quelqu’immense continent de terre solide au sud de l’Asie capable de tenir le globe en équilibre dans sa rotation, & de servir de contrepoids à la masse de l’Asie septentrionale57.
24Des arguments scientifiques peuvent alors étayer la conviction de futurs explorateurs, car d’après de Brosses, en observant une carte géographique, on s’étonne de voir dans l’hémisphère septentrional une grande concentration de terres, tandis qu’un nombre très limité de terres sont dessinées dans la moitié méridionale. Pour soutenir cette représentation, il précise l’argument physique en affirmant que le poids de l’eau correspond environ à la moitié de celui de la terre. Dans ce cadre de scientificité construit autour du projet colonial, l’expérience des voyageurs devient un complément utile pour démontrer la validité d’une hypothèse qu’il est désormais impossible de remettre raisonnablement en question : « L’expérience a déjà commencé de vérifier cette conjecture sur l’existence d’un contre-poids58. » S’appuyant sur la théorie des glaces et des fleuves développée dans l’Histoire naturelle, de Brosses reproche alors aux vaisseaux L’Aigle et La Marie d’avoir échoué dans la mission d’exploration qui leur avait été confiée :
Si le capitaine Bouvet eût eu la constance de continuer à longer les côtes glacées de la Terre Australe, il auroit enfin presque certainement trouvé une entrée. Du moins il est impossible que la barrière ne soit ouverte durant la belle saison à la bouche des grands fleuves par où les navigateurs pourront s’avancer dans l’intérieur des terres. Mais après tout cette opinion, que plus l’on s’approchera du pole plus on trouvera de glace, paroît n’être qu’un faux préjugé démenti par l’expérience remarquable de divers navigateurs59.
25Si la confirmation d’une théorie géographique relève du domaine de la connaissance scientifique, vouloir sa validation a un mobile pratique qui est en partie de nature politique. Dans cette démarche, même le modèle des mathématiques est évoqué de façon rhétorique dans l’espoir de convaincre son pays d’entreprendre la conquête : « Imitons les profonds mathématiciens qui s’exercent souvent à pénétrer des vérités de pure spéculation, lesquelles, n’ayant d’abord eu qu’un objet de simple curiosité, sont ensuite devenu des objets de véritable utilité60. » Dans ce cadre scientifique, la thèse du contrepoids antipodal ne peut que trouver des confirmations de nature hybride, où l’imbrication du compilateur, du naturaliste et du colonialiste produit la nécessité pressante d’une preuve définitive, d’où l’urgence pour la France de ne plus tarder à envoyer ses explorateurs aux Antipodes pour faire des découvertes : « C’est par les entreprises géographiques qu’un roi peut parvenir à la plus grande gloire possible ; & que le plus célèbre des souverains modernes sera celui qui pourra donner son nom au monde austral61. »
Notes de bas de page
1 Sur la question d’un éventuel voyage au Brésil de La Popelinière, voir La Popelinière, Les trois mondes, éd. Anne-Marie Beaulieu, Genève, Droz, 1997, « Introduction », p. 23-26.
2 Lancelot Voisin de La Popelinière, Les trois mondes, éd. Anne-Marie Beaulieu, Genève, Droz, 1997, p. 78. Comme pour les citations suivantes, nous n’avons pas modernisé l’orthographe du texte.
3 Ibid., p. 82.
4 Ibid., p. 85.
5 La Popelinière, Les trois mondes, op. cit., p. 86.
6 Ibid., p. 86.
7 Ibid., p. 87.
8 Ibid., p. 138. Comme bien d’autres explorateurs, à partir du constat de l’inexistence d’une zone torride infranchissable, Vespucci conclut que l’expérience des voyageurs vaut plus que la théorie des philosophes, voir Lettera a Lorenzo di Pierfrancesco de’ Medici del 18 luglio 1500, dans Mario Pozzi (éd.), Il mondo nuovo di Amerigo Vespucci, op. cit., p. 62-63.
9 La Popelinière, Les trois mondes, op. cit., p. 147.
10 Ibid., p. 148.
11 La Popelinière, Les trois mondes, op. cit., p. 412.
12 Ibid., p. 413.
13 Ibid., p. 414.
14 Ibid., p. 414.
15 Ibid., p. 148. « Mettre en relation la géographie avec l’histoire, c’est la doter d’une autorité particulière et inviter à élargir son champ d’étude […]. Présenter la géographie comme l’œil de l’histoire était à l’époque [au XVIIe siècle] un lieu commun », Svetlana Alpers, « L’œil de l’histoire », Actes de la recherche en sciences sociales, 49, septembre 1983, p. 96.
16 La Popelinière, Les trois mondes, op. cit., p. 416.
17 Ibid., p. 417.
18 Ibid., p. 416. La Popelinière dédicace son ouvrage à Philippe Hurault (1528-1599), conseiller au Parlement de Paris, garde des sceaux puis chancelier de France.
19 La preuve la plus efficace du fait que, dans ces projets, il n’y a aucune trace d’utopisme est sa réception parmi les autorités. Dans le contexte géopolitique des ambitions coloniales françaises, le dessein est présenté à Rome, où il est accueilli avec beaucoup d’intérêt. Paulmier évoque ce fait dans un mémoire présenté à Louis XIV où il écrit que le Saint-Siège serait favorable à une mission aux Terres australes. Il présente au roi et à Colbert des documents détaillés avec ce dont la Compagnie des Terres australes aurait besoin. Voir à ce propos la préface de Margaret Sankey, Jean Paulmier, Memoires touchant l’établissement d’une mission chrestienne dans le troisième monde. Autrement appelé, La Terre Australe, Meridionale, Antartique & Inconnue, éd. Margaret Sankey, Paris, Champion, 2006, p. 45-52, qui présente des extraits, entre autres, du brouillon d’un document intitulé « Sommaire des choses que Sa Majesté a témoigné vouloir bien faire en faveur de l’entreprise de la découverte et habitation des terres australes par une compagnie française qui se propose d’y établir la foi ».
20 Jean Paulmier, Memoires touchant l’établissement d’une mission chrestienne dans le troisième monde, op. cit., p. 136.
21 Ibid., p. 137.
22 Paulmier assure être un descendant d’un naturel de ce continent, appelé Essomeriq, qui aurait été amené en Europe par Gonnenville au début du XVIe siècle. Dans l’Avertissement de son ouvrage, il écrit avoir eu « pour Bisayeul l’un des Naturels des Contrées Méridionales », ibid., p. 142. Voir Le voyage de Gonneville (1503-1505) et la découverte de la Normandie par les Indiens du Brésil, Paris, Chandeigne, 1995, chap. III « La descendance d’Essomeriq », p. 88. Au cours de son voyage, Binot Paulmier de Gonneville toucha des côtes, probablement celles du Brésil, qui furent nommées « Terre de Gonneville » et identifiées à la Terra australis par les Mémoires de Paulmier.
23 « […] plusieurs estiment que ce que les Hollandais se vantent d’avoir trouvé, n’est autre chose que ce que Marc Paul avoit veu dés le treiziéme siecle », Jean Paulmier, Memoires touchant l’établissement d’une mission chrestienne dans le troisième monde, op. cit., p. 168.
24 Ibid., p. 178.
25 Ibid.
26 Jean Paulmier, Memoires touchant l’établissement d’une mission chrestienne dans le troisième monde, op. cit., p. 226.
27 Pedro Fernández de Quirós, Histoire de la découverte des régions australes. Îles Salomon, Marquises, Santa Cruz, Tuamotu, Cook du nord et Vanuatu, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 181. Quirós fit un séjour à Rome en 1602 afin d’obtenir le soutien du pape Clément VIII, voir Pedro Fernández de Quirós, Memoriales de las Indias Australes, éd. Oscar Pinochet, Historia 16, Madrid, 1991, Memorial 6, p. 102-103. Dans une cédule de 1603, le roi d’Espagne Philippe III s’adresse au vice-roi du Pérou et lui ordonne de mettre à disposition de l’explorateur deux navires et tout le nécessaire pour l’expédition : « Que ledit capitaine Quirós aille immédiatement réaliser ladite découverte », Histoire de la découverte des régions australes, op. cit., p. 183.
28 Ibid., p. 182.
29 Ibid., p. 194.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 213.
32 Ibid., p. 215.
33 Ibid.
34 Ibid., p. 219.
35 Jean Paulmier, Memoires touchant l’établissement d’une mission chrestienne dans le troisième monde, op. cit., p. 219. Il s’agit peut-être de l’épisode suivant : « […] nous estant ressemblez au nombre de soixante que nous estions de reste n’ayant point d’esperance d’autre secours que de la grace de Dieu : trente de nous autres alloient attaquer l’ennemy & faire des courses sur eux pendant que le reste gardoit le fort, parce que leur maxime estoit de nous auoir par famine deffendant à qui que ce soit de nous rien apporter vendre, à quoi ils estoient bien absolus : Cependant nous trauaillons à faire une Barque & y auons enfin reussi », Copie d’une léttre du Sieur Angeleaume escrite à Monsieur Desmartins de la Baye de S. Augustin en Madagascar le 28 février 1654 & receuë par l’ordre d’Angleterre le premier Aoust 1655, dans Étienne de Flacourt, Histoire de la grande isle Madagascar, Troyes/Paris, N. Oudot/G. Clouzier, 1661, p. 402.
36 Ibid., p. 219.
37 Buffon, Essais d’Arithmétique morale, dans Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roy, Supplément t. 4, Paris, Imprimerie royale, 1777, p. 46-47.
38 « À peine âgé de seize ans, Bouvet, ayant jeté les yeux sur une mappemonde, fut frappé du vide immense qu’il remarqua autour du pôle austral, et forma dès ce moment le projet de reconnaître un jour si réellement cette portion du globe ne contenait aucune terre, ou si comme le figuraient de vieilles cartes il y existait des îles plus ou moins considérables », Jean-François Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, Delagrave, ca 1856, t. XXV, p. 390, rééd. Bad Feilnbach, Schmidt Periodicals, 1998.
39 « Relation du voyage aux Terres Australes des vaisseaux l’Aigle & la Marie », Journal de Trévoux ou mémoires pour servir à l’histoire des sciences et des arts, XL, 1740, art. XII, p. 258 (rééd. Slatkine Reprints, Genève, 1968, p. 72).
40 Ibid., p. 262 (Slatkine Reprints, p. 73).
41 Ibid., p. 269 (Slatkine Reprints, p. 75). Ce point est examiné par Anquetil-Duperron, dans ses Considérations philosophiques, historiques et géographiques sur les deux mondes (1780-1804), Pise, Scuola Normale Superiore, 1993, qui traite la question du continent austral et celle de l’existence d’hommes géants au neuvième chapitre (p. 276-302), où il critique l’idée que les glaces soient un « signe ».
42 Carte des Terres Australes comprises entre le Tropique du Capricorne et le Pôle Antarctique où se voyent les Nouvelles découvertes faites en 1739 au Sud du Cap de Bonne Espérance par les Ordres de Mrs de la Compagnie des Indes. Dressée sur les Mémoires et sur la Carte originale de Mr de Lozier Bouvet chargé de cette Expédition, 1739.
43 Buffon, Histoire naturelle, op. cit., t. 1, p. 212.
44 Buffon, Histoire naturelle, op. cit., p. 212-213.
45 « […] ne pourroit-on pas se promettre un meilleur succès en changeant de route ? Il me semble qu’on pourroit tenter d’arriver à ces terres par la mer pacifique, en partant de Baldivia [Valdivia] ou d’un autre port de la côte du Chili, & traversant cette mer sous le 50e degré de latitude sud. Il n’y a aucune apparence que cette navigation, qui n’a jamais été faite, fût périlleuse, & il est probable qu’on trouveroit dans cette traversée de nouvelles terres », ibid., p. 213.
46 Ibid.
47 Ibid., p. 215.
48 Ibid.
49 Ibid., p. 219. Corneille De Pauw n’est pas du même avis : « En vain M. de Buffon veut-il nous persuader que les glaces de la mer du Sud sont formées par les gros fleuves qui descendent des terres australes », Recherches philosophiques sur les Américains ou mémoires intéressants pour servir à l’histoire de l’espèce humaine, Berlin, 1774, t. 2, p. 289. Le philosophe néerlandais ne croit pas non plus, cela va de soi, que les terres australes aient une grande étendue.
50 Pierre-Louis Moreau de Maupertuis, Lettre sur le progrès des sciences, s. I., 1752, p. 8-9.
51 Ibid., p. 9.
52 Ibid., p. 10, nous soulignons.
53 Ibid., p. 19.
54 Ibid., p. 16.
55 Charles de Brosses, Histoire des navigations aux Terres Australes. Contenant ce que l’on sait des mœurs et des productions des Contrées découvertes jusqu’à ce jour ; et où il est traité de l’utilité d’y faire de plus amples découvertes, et des moyens d’y former un établissement, Paris, Durand, 1756.
56 Charles de Brosses, Histoire des navigations aux Terres australes, op. cit., t. 1, p. 2.
57 Ibid., p. 13.
58 Ibid., p. 15. Peu de temps après la compilation de Charles de Brosses, d’autres philosophes penchés sur des questions géographiques souscrivent à la théorie du contrepoids : « Il serait convenable peut-être d’appeler terres arctiques ou terres du nord tout le pays qui s’étend depuis la mer Baltique jusqu’aux confins de la Chine, comme on donne le nom de terres australes à la partie du monde non moins vaste, située sous le pôle antarctique, et qui fait le contre-poids du globe », Voltaire, Histoire de l’empire de Russie sous Pierre le Grand, op. cit., p. 368.
59 Ibid., p. 69-70.
60 Ibid., p. 12.
61 Ibid., p. 8.
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