Introduction
p. 7-26
Texte intégral
1Parmi les données nouvelles et majeures qu’offre le xviiie siècle dans l’histoire des idées, deux, au relief particulièrement visible, sont à la source du présent travail.
2Il s’agit, d’une part, de l’importance croissante du « moi », et d’un moi qui se revendique comme tel, c’est-à-dire non plus celui effacé de l’humble croyant et pas davantage celui du sujet intellectuel et universel auquel tous en droit peuvent d’emblée s’identifier, mais celui d’un être attaché à sa personnalité et à son point de vue propres, parlant en son nom de façon de plus en plus affirmée et audible.
3Il s’agit, d’autre part, de la présence également croissante de la nature, et là encore sous une forme nouvelle, non plus posée comme cosmos métaphysique global ni non plus comme système scientifique de lois, mais éprouvée comme nature proche, en rapport immédiat et vécu au sujet, c’est-à-dire comme « environnement », terme certes anachronique dont nous nous efforcerons plus loin de justifier l’emploi en en précisant les limites.
4Du début à la fin du siècle, ces deux instances - tout en empruntant des chemins dont le déroulement et les péripéties souvent diffèrent - connaissent une véritable promotion qui les impose dans l’ensemble de la culture, aussi bien philosophique que littéraire et scientifique. De ces deux notions apparemment si différentes et éloignées, le présent travail s’efforce de comprendre le lien qui se forge au cours du xviiie siècle.
5Précisons davantage. Ces deux termes - le moi et la nature environnante - apparaissent et se développent d’abord tous deux de manière disjointe, voire opposée dans le processus des Lumières. Si l’on prend des repères dans les formes littéraires, on s’aperçoit que, d’un côté, la thématique du moi monte lentement en puissance depuis la Renaissance. Elle s’accélère au tournant des xviie et xviiie siècles, en particulier par le biais des moralistes et de la littérature religieuse de la confession et de la conversion (littérature dont Georges Gusdorf a montré toute l’importance1). Elle continue à s’amplifier ensuite pendant la première moitié du xviiie siècle pour connaître une véritable explosion dans sa seconde moitié avec l’autobiographie. Sous ce rapport, Les confessions de Rousseau - malgré toute leur valeur inaugurale - représentent à bien des égards un aboutissement en scellant une littérature du moi assumée comme telle. L’ouvrage fournit en quelque sorte un modèle d’autorisation littéraire permettant de parler de soi sui generis et sans autre justification, sans devoir avancer pour cela - ou sinon sur un mode marginal - une fonction d’édification religieuse, une condition sociale élevée, un voyage ou une expérience exceptionnelle ayant valeur d’instruction ou d’utilité, une qualité philosophique particulière (on peut penser par exemple au Discours de la méthode de Descartes) ou enfin un témoignage historique, autant d’« éléments de langage » naguère modes de légitimation obligés. À la fin du siècle se multiplient ainsi les récits de soi d’individualités « ordinaires » (dont, par exemple, Monsieur Nicolas de Restif de La Bretonne représente une sorte d’archétype) qui déclassent largement le genre beaucoup plus impersonnel et historique des Mémoires, genre très important encore dans la première moitié du siècle avec la publication - différée, il est vrai - des Mémoires du cardinal de Retz, puis de ceux de Saint-Simon. Cette littérature du moi se diffuse et s’impose également par la mode du roman en attendant le journal intime au tournant du siècle (où s’illustreront Maine de Biran, Joubert, Benjamin Constant jusqu’à Amiel2). De l’autre côté, la thématique de la nature - sous la forme en particulier de ce que l’on appelle le « sentiment de la nature »- s’illustre dès le début du siècle à travers la poésie (spécialement le genre de la poésie dite descriptive qui s’amplifiera encore à la fin du siècle), puis dans les autres genres littéraires à partir des années 1760. Si l’on examine d’autre part les ressorts qui animent ces deux thématiques, leurs mouvements apparaissent rigoureusement inverses : celui concernant la nature semble fondamentalement d’ouverture et d’extériorisation, et celui caractérisant le moi consiste au contraire en un retour du sujet sur lui-même. Il s’agit donc bien de deux pôles - tous deux très puissants et exerçant une forte attraction - au départ apparemment en rapport de rivalité, si ce n’est d’exclusion.
6Cependant, cette opposition relève à notre sens d’une caractérisation essentiellement extérieure. Une racine commune peut être dégagée qui explique comment, de fait, ces deux lignes ont fini par se retrouver et se nouer étroitement dans le dernier tiers du xviiie siècle. Cette racine nous semble d’abord à rechercher du côté de la situation du sujet au sortir de l’âge classique. Le moi en effet ne s’inquiète alors tant de lui-même que parce qu’il se trouve désarrimé d’un vaste arrière-plan théologique ou métaphysique qui ancrait et garantissait auparavant tout à la fois son existence, sa place et sa destination au sein du monde, et cela sur le mode d’une très appréciable substantialité. Privé de ces appuis, le sujet se trouve désormais engagé dans une sorte d’aventure où, de manière parfois exaltante mais souvent pénible en même temps, il a à se découvrir, voire à se construire ou à se reconstruire à nouveaux frais lui-même. Pour la première fois, semble-t-il, dans l’histoire humaine, au-delà de quelques jalons antérieurs isolés (dont surtout Montaigne3), le moi tend à devenir son propre objet, à ne plus être un chemin auquel il faut d’abord revenir pour ensuite s’orienter vers un autre horizon, mais un véritable et légitime objectif par lui-même. Lentement monte la conviction que chacun peut et doit trouver en lui-même la solution à ses diverses aspirations et contradictions, dans une situation d’existence telle qu’elle procure la satisfaction de coïncider avec soi, comme si être soi n’allait précisément plus de soi et devait être conquis. Le moi au xviiie siècle est ainsi une exultation avant d’être un problème, celle d’une révélation de soi à soi, celle d’une révolution intérieure, la révolution du moi. D’un siècle à l’autre, le Cogito cartésien passe d’une signification ontologique à une valeur éthique. Le moi désormais se sent pleinement autorisé. Son existence n’est plus suspendue à une instance transcendante qui, seule, peut lui accorder son droit à exister. Cette nouvelle place centrale du moi est exemplairement portée par Rousseau qui déclare dans les Lettres morales : « Pour moi, je pense que celui qui sait le mieux en quoi consiste le moi humain est le plus près de la sagesse4. » Certainement d’ailleurs, c’est à cette aptitude à incarner le moi moderne dans toute sa dimension, ses tensions, son mélange propre d’hésitation et de certitude, que Rousseau doit d’être immédiatement reconnu, voire « adopté » par l’homme contemporain (ce qui, parfois, peut aussi - pour précisément les mêmes raisons - produire le rejet), à la différence par exemple d’un Voltaire, adhérant encore à des types antérieurs de sensibilité et, de façon épidermique, hostile à ce style de positionnement de soi. Mais il ne faut pas s’y tromper : cette nouvelle orientation n’engage pas dans un solipsisme séparateur du monde extérieur. Il ne s’agit pas de creuser un cheminement interminable dans l’abstraction d’un moi improbable mais, tout au contraire, de retrouver le tissu concret d’existence par et dans lequel le moi est lui-même au sein de son rapport au monde, de le renouer avec sa propre histoire, de lui rendre la richesse et la variété de ses liens au sensible dans une configuration qui lui apparaisse désormais, enfin, satisfaisante et authentique. Dans cette entreprise, le monde extérieur naturel - parallèlement réhabilité, au moins partiellement, dans sa dimension sensible par les nouvelles théories empiristes de la connaissance et par les sciences de la nature qui l’emportent de plus en plus sur les sciences mathématiques - apparaît de façon croissante comme le recours d’un espace à habiter pour le sujet en l’autorisant à enfin se définir, de façon plus concrète, au sein ou à partir de cette demeure. Certes, la rupture cartésienne opérée au siècle précédent, si elle a affranchi le moi de ses attaches à un univers théologiquement ordonné, l’a en même temps autonomisé par rapport à ce monde concret en le reliant directement à Dieu (par l’intermédiaire de l’idée innée de Dieu en moi et de la véracité divine qui fonde ma connaissance) et en lui assurant ainsi plus que jamais sa substantialité en tant qu’âme. Mais cette autonomisation de l’âme n’a jamais signifié de briser le lien avec ce monde sensible : tout au contraire, et à rebours d’une vision par trop dualiste de sa pensée, on peut estimer que ce lien a toujours été fondamentalement affirmé par Descartes à travers l’union de l’âme et du corps5, plus précisément la perception sensible et les passions dont il déclarait même que tout notre bonheur consiste en leur bon usage. Ainsi, plutôt que d’y être contraire, le mouvement de réappropriation du monde concret par le sujet au xviiie siècle prolonge et accomplit plutôt celui d’une réappropriation de ce sujet par lui-même initiée décisivement d’abord par Descartes. En outre, la contestation de l’idée de Dieu par le développement de la pensée critique (particulièrement sous les formes libertine et sceptique dans la seconde moitié du xviie siècle) aura entre-temps ramené ou vigoureusement renforcé le lien du moi au monde sensible. Dans ces perspectives, la fortune commune de ces deux termes - le moi et la nature environnante - ne semble plus fortuite mais portée synthétiquement par un mouvement profond et unitaire, celui d’une reconnaissance de la réalité sensible et proche donnée au sujet comme lui étant essentielle (voire peut-être sa substance même d’un point de vue matérialiste) et comme n’étant plus en opposition mais en correspondance avec sa propre réalité interne.
7Au tournant des xviie et xviiie siècles, un pas décisif est franchi avec la refondation de l’empirisme par Locke. Sur cette ligne, l’élan est ensuite porté et intensifié, à partir du milieu du siècle, par le développement du sensationnisme grâce à Condillac et par d’autres courants philosophiques tels le matérialisme et le scepticisme (courants déjà très actifs au xviie siècle) qui prennent une grande part à ce processus. Le moi est alors perçu dans une perspective de plus en plus radicalement génétique, comme constitué par une histoire initiée à partir de la tabula rasa de l’expérience ou de la matière, étoffe primordiale dans et par laquelle se construisent une unité et une singularité devenant de plus en plus consciente d’elle-même. La perspective essentialiste antérieure tend désormais à laisser la place à une optique beaucoup plus « existentielle », identifiant le moi en le situant dans un contexte et non en le retranchant en lui-même comme un monde en soi ou en l’accrochant à un plan transcendant d’essences absolues. La critique empiriste de l’innéisme sous les Lumières pousse ainsi à disqualifier - au-delà du seul plan épistémologique des idées innées - la notion d’un moi nucléaire, resserré autour de son noyau substantiel d’origine, en même temps que la prise en compte de plus en plus élargie des environnements, c’est-à-dire de la valeur constitutive des milieux d’expérience, en prend naturellement le relais.
8Cette conception empiriste du moi n’est bien entendu pas la seule en lice en un xviiie siècle foisonnant dont il importe de ne pas sous-estimer la complexité et, comme tendance « montante » et plus ou moins accolée aux remises en cause de la foi et de la notion d’âme, elle suscite des inquiétudes et des résistances et alimente la nostalgie d’un moi substantiel, le plus souvent sur des bases théologiques, associées aussi parfois à un retour à des conceptions d’inspiration cartésienne. Ainsi en est-il en particulier de l’abbé Lelarge de Lignac qui publie en 1760 Le témoignage du sens intime et de l’expérience. D’autres auteurs - même si c’est de façon moins nette - se font également l’écho de ces résistances : ainsi en est-il de Rousseau lui-même qui, à côté de vues très empiristes et malgré toute l’importance que revêt à ses yeux l’histoire du moi6 (ce dont témoigne l’entreprise même des Confessions), tend à considérer la notion du moi comme une idée que l’on peut ranger parmi celles consubstantiellement liées à notre être.
9Dans la ligne de cette relativisation ontologique, le moi au xviiie siècle, loin de se couler dans un seul moule, prend - de façon rarement claire et lucide - des formes multiples. Mêlant à des degrés divers détermination de soi et déterminisme extérieur, il se rapporte à lui-même et à son environnement selon un certain nombre de figures qui constituent la trame de fond de notre étude. Insistons sur le fait que ces figures ne représentent pas des types rigides et séparés, mais plutôt des postures ou des visages différents d’un seul et même moi qui naît alors, le moi moderne, moi multiple qui est toujours plus ou moins le nôtre. C’est pourquoi ce moi ne se fige pas en ces figures et passe de l’une à l’autre, composant une sorte de ballet vivant et toujours mobile. Plus précisément, quatre figures fondamentales - admettant donc de nombreuses variantes et modulations, entre-deux et combinaisons - nous semblent pouvoir être dégagées : le moi fragile, le moi cadré, le moi fort, le moi saturé.
101. Le moi fragile, ou encore précaire. C’est la figure fondamentale du moi au xviiie siècle et dont nous verrons que toutes les autres ne sont plus ou moins que des dérivations. Réduite à la sensibilité, cette figure est liée à la conception empiriste du moi, moi associationniste et composé, voire composite, en mal d’unité et de consistance, toujours en suspens, et dès lors toujours tendanciellement anxieux de lui-même. Cette reconfiguration résulte pour une grande part, comme on l’a vu, de la désubstantialisation du moi et de l’érosion du statut d’âme du fait du déclin de la foi - spécialement chez les élites -, du travail critique des sceptiques ou matérialistes et des entreprises de reconstruction de la connaissance sur la base première de l’expérience sensible. Si l’on ajoute la prise en compte croissante du corps, les modèles mécanistes ou vitalistes visant à penser le fonctionnement de l’organisme en dehors de toute participation d’une quelconque instance incorporelle, la reconnaissance par les moralistes depuis le siècle précédent de la faiblesse de la volonté devant la puissance des passions et des émotions, voire de l’empire absolu de ces dernières, l’insistance sur les déterminismes divers, tous ces facteurs participent à cette mutation fondamentale de la compréhension de soi et à la définition du moi qui en résulte au xviiie siècle. Moi multiple, versatile et contradictoire, ce moi fragile est paradigmatiquement incarné par le neveu de Rameau de Diderot, par Candide de Voltaire ou, outre-manche, par Tristram Shandy de Laurence Sterne. On le rencontre encore dans des œuvres comme celles de Rousseau avec exemplairement le personnage de Saint-Preux dans La Nouvelle Héloïse (quoiqu’il soit « fixé », donc cadré par Julie et sa cousine Claire et qu’il renvoie également au moi saturé que nous évoquerons plus loin) mais aussi chez Restif de La Bretonne (Monsieur Nicolas), ou déjà chez l’abbé Prévost (comme des Grieux dans Manon Lescaut bien que la passion amoureuse, là encore, lui donne une certaine constance mais cette fois privée d’un accompagnement éthique équivalent à celui apporté à Saint-Preux dans La Nouvelle Héloïse). Il se retrouve enfin dans le portrait de soi de nombre d’auteurs, notamment Diderot qui se compare au coq d’un clocher d’église - image de girouette tournant à tous les vents7 prêtée, il est vrai, à tous les Langrois et complaisamment renvoyée à une détermination environnementale, plus exactement météorologique8 - ou encore Rousseau qui, dans Le persifleur, rédigé certes durant sa jeunesse, déclare : « Rien n’est si dissemblable à moi que moi-même » en se rapportant même, quelques phrases plus loin, à « un protée, un Caméléon […] » et en se prêtant des « ames hebdomadaires9 ». Dans le même passage, Rousseau attribue cette extrême variabilité à l’effet des objets extérieurs - encore un facteur environnemental donc, même s’il n’est pas forcément toujours naturel -, ce qu’il reprendra plus tard dans sa « morale sensitive » (ou « matérialisme du sage ») dont on reparlera en son lieu. Foncièrement incertain de lui-même, ce moi fragile cherche spontanément une assurance à travers le regard d’autrui, le rôle, la parole et la théâtralisation de soi-même. Certes, il peut aussi trouver des moyens ou des formes de renforcement (jusqu’à parfois en faire un moi fort) comme nous le verrons par exemple chez Locke avec la figure du citoyen propriétaire, mais, s’il n’emprunte pas cette voie du sérieux, cette conversion bourgeoise que propose l’empiriste anglais, il tourne souvent sa fragilité en spectacle et choisit de se poser comme moi joueur, fantasque, cabotin, voire exhibitionniste sur le modèle énergumène qu’est le Neveu. Exposition de soi qui n’est que le retournement et l’exacerbation en surface de son caractère fondamentalement exposé, ce qui en fait le jouet de l’environnement extérieur dont, entre autres, celui des climats, moi très facilement aliénable et auquel pourtant sa légèreté ontologique donne parfois une sorte de liberté. En même temps jamais à sa place, toujours en mouvement, toujours en manque d’un complément de soi impossible et fantasmatique.
112. Le moi cadré, c’est-à-dire celui tenu, si ce n’est totalement noyauté, par une conception regardant les ensembles naturels comme parties prenantes d’un ordre, voire d’une « économie » de la nature, posture typique de ce que l’on appelle la théologie naturelle dont Linné et l’abbé Pluche sont des représentants connus parmi de nombreux autres auteurs. L’espace d’application de ce moi cadré est loin cependant de se réduire à celui de la théologie naturelle et concerne toute conception de l’existence estimant que celle-ci appelle un « cadre » sans lequel ce moi serait plus ou moins voué à la perdition ou à l’errance. Cette figure du moi cadré se décline ainsi elle-même en plusieurs figures : celle non seulement du « savant-croyant » de la théologie naturelle tel Linné, mais celle également du « sauvage » vivant dans un environnement préservé - ce dernier pouvant être celui, théorique, du « pur état de nature » ou le sauvage réel dont les récits de voyages nous fournissent maints exemples -, celle encore du « moi naïf », c’est-à-dire dont la nature originelle a été préservée par les circonstances ou par une heureuse éducation comme pour Émile, celle enfin du « moi restauré » bénéficiant de conditions retrouvées lui permettant de récupérer sa vraie et originaire nature, ce qui définit le projet déjà signalé du « matérialisme du sage » ou encore de la « morale sensitive10 » de Rousseau et qui s’incarne entre autres dans l’art des jardins.
123. Le moi fort, se définissant comme le moi maîtrisant sa sensibilité et donc son rapport à la nature environnante. Le plus souvent, ce moi fort prend consistance à travers un rapport conquérant et dominateur, comme propriétaire ou administrateur d’une nature impitoyablement ordonnée et domestiquée, ce dont la figure nous semble pouvoir exemplairement être incarnée par Buffon et son Histoire naturelle même si son origine nous semble lockienne, voire hobbesienne si l’on suit la thèse de Macpherson11. Ce moi à la fois est proche de la nature à laquelle s’applique l’essentiel de son intérêt comme objet de son travail et, en même temps, il tient cette nature toujours fermement à distance, comme si une contamination était à craindre. En parallèle, cette distance est aussi imposée de soi à soi-même et à son affectivité, à l’opposé du « moi saturé » que nous allons maintenant évoquer. Signalons auparavant la possibilité d’un autre type de moi fort dont un bon exemple nous semble pouvoir être trouvé dans le personnage de Jacques le Fataliste, lequel, renonçant à l’emprise sur les choses et les êtres, accède à une certaine sagesse du jeu et de l’aléatoire et par là à une forme plus subtile de maîtrise de soi et de l’existence ;
134. Le moi saturé enfin, c’est-à-dire débordé par ses propres émotions, se positionnant dans une posture passive vis-à-vis non seulement des éléments de son environnement mais également de lui-même, de sa vie propre, celle-ci se découvrant bien plus étendue et riche que ce que peut parvenir à en contrôler la maîtrise du sujet. Sans qu’il soit toujours aisé de le distinguer du moi fragile dont il reste très proche, nous en trouverons les formes chez Marivaux (de façon encore très contenue) et l’abbé Prévost jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre en passant par des écrivains comme naturellement Rousseau encore mais également Diderot, ou le Suisse Salomon Gessner et un nombre d’auteurs mineurs croissant avec le siècle (tels Saint-Lambert et bien d’autres). À ce moi saturé correspond - mais à partir d’un certain moment du siècle seulement - une nature également saturée, subjectivée parfois à l’extrême, où se projettent les états d’âme.
14Ainsi, il apparaît que l’homme du xviiie siècle - même si c’est à travers nombre de résistances ou d’infléchissements - à la fois pense le rapport à son environnement de façon nouvelle et en même temps réfléchit de plus en plus au fur et à mesure du siècle la question de son moi à travers les formes de ce rapport. À chaque figure du moi tend ainsi à correspondre un certain type de rapport à la nature environnante, comme deux constructions en constante corrélation. Les diverses configurations du moi en ce siècle dessinent une cartographie des différents styles de rapports à la nature et, inversement, la description climatique, géographique, ou autre, des environnements - qu’elle se veuille scientifique ou qu’elle soit beaucoup plus impressionniste et évasive, voire tout à fait subjective - suggère, en filigrane ou de façon explicite, des régimes psychologiques, éthiques, culturels ou politiques humains dont elle prétend, totalement ou en partie, rendre compte à titre d’élément explicatif pertinent et légitime (comme le fera la notion de race dans l’anthropologie physique du siècle suivant). En bref, les différentes manières d’être soi au xviiie siècle s’inscrivent fondamentalement dans le rapport à l’environnement, les modalités existentielles de se concevoir, de se poser et de se vivre étant en même temps des modalités environnementales, des formes relationnelles à la nature ambiante. L’on vérifie que cette « typologie » du moi que nous posons en principe de travail est extrêmement labile et que, plutôt que de distribuer et de figer ce moi dans des catégories séparées, elle consiste bien en des figures, c’est-à-dire des pôles où se fixe momentanément un devenir-soi jamais définitivement arrêté.
15Cependant, de telles perspectives posent inévitablement certaines questions de méthode. Parmi elles se présente en premier lieu la difficulté d’articuler deux pôles - le moi et l’environnement - dont on a déjà signalé à quel point ils étaient théoriquement très éloignés l’un de l’autre, ce qui expose au risque de l’arbitraire, ou de l’allusif ou du superficiel. Comment mettre à niveau deux plans qui semblent aussi hétérogènes ? Cette difficulté se répercute sur les disciplines mobilisées qui vont de la philosophie aux sciences en passant par la littérature. Cependant, l’intérêt de ce travail nous semble aussi précisément consister dans la confrontation de deux pôles de prime abord si distants pour s’efforcer à travers eux de penser et d’articuler synthétiquement l’ensemble de ce mouvement - en pariant sur sa cohérence de fond - qui structure le xviiie siècle. Ainsi, à terme, c’est une relecture globale du siècle que nous semble pouvoir suggérer la mise en relation de ces deux termes - le moi et l’environnement naturel. Bien entendu, un ensemble aussi vaste rendant impossible toute prétention à l’épuiser, nous ne proposerons que certaines coupes - selon des lignes que nous pensons éclairantes et particulièrement significatives - à travers un champ singulièrement dense et complexe.
16 Outre cette question, une autre difficulté consiste dans les termes employés : le moi et l’environnement. Pour le premier en effet, le vocabulaire traditionnel privilégiait jusque-là le mot « âme ». Cependant, dès le xviie siècle, on trouve l’emploi de ce terme « moi » chez les auteurs, par exemple chez Descartes lui-même12, mais de façon assez dispersée, Pascal étant certainement celui qui en a répandu l’usage. Au xviiie siècle, comme l’a bien montré Jan Goldstein dans son ouvrage The Post-Revolutionary Self, le terme « moi » tend à relayer « âme13 » et il n’apparaît donc pas présenter d’anachronisme dans son emploi. Un problème plus difficile cependant est celui du rapport du terme « moi » avec la notion de sujet. Certes, ce dernier mot n’est pas encore employé (il semble l’avoir été d’abord par Kant) mais, au-delà d’une question de vocabulaire, la question est conceptuelle : quels que soient les termes utilisés en effet, la notion engagée dans notre étude est-elle plutôt celle du moi ou celle du sujet telle que nous l’entendons aujourd’hui ? Pour répondre à cette interrogation, il convient d’abord de distinguer les deux notions : il nous semble que celle de sujet se définit plutôt comme un principe d’action et de pensée et celle de moi davantage comme une fonction permettant à ce sujet de s’identifier. Le sujet - ou encore le « je »- serait ainsi de l’ordre de l’action (ce qui peut être aussi l’action de la pensée), le moi de l’ordre de la représentation de soi. Le sujet est donc davantage engagé dans le mouvement vers ses objets ou ses activités, le moi plus replié sur lui-même ou, du moins, plus en rapport à soi. Ne se présentant pas directement à lui-même, le sujet est bien le subjectum sous-tendant tous mes actes tandis que le moi est fondamentalement présence à soi, figure sous laquelle je me projette et me réfléchis. Le premier apparaît par conséquent structurellement davantage impersonnel et indéfinissable que le second qui, tout au contraire, cherche en quelque sorte constitutivement à se définir par son effort de recueillement et d’identification de soi, ce qui ne saurait bien sûr d’aucune manière garantir qu’il puisse y parvenir (son effort d’autodéfinition étant peut-être tout aussi constitutivement contradictoire). Certes, l’emploi de ces termes est très variable et il ne s’agit pas d’imposer arbitrairement des distinctions figées, mais l’objet de notre travail étant de réfléchir les diverses manières pour l’individu de se définir à travers les modalités du rapport à l’environnement naturel, il nous semble que le terme « moi » convient davantage. Signalons cependant que ce terme peut naturellement s’utiliser en plusieurs sens. C’est ainsi que Jean Perkins déclare dès la première page de son ouvrage The Concept of the Self in the French Enlightenment :
Qu’entendons-nous réellement quand nous utilisons des mots comme l’ego, le moi, le soi, le je ? Il est remarquable à quel point on peut trouver de variation dans l’usage de ces termes […]. Une source majeure de confusion dans la terminologie provient de l’ambiguïté du concept lui-même. Quand quelqu’un parle de son « moi », il peut se référer à l’une de ces deux idées mutuellement séparables : soit il parle de lui-même comme d’un agent actif et auteur de ce qu’il fait, soit il se réfère à sa propre attitude envers lui-même, son concept de soi14.
17Or, il nous semble bien que le premier sens - celui d’agent actif - correspond en fait à celui de sujet. Pour sa part, le Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande (éd. 1962) inclut sous le terme « moi » trois sens : celui psychologique - qui nous semble au cœur de la notion - de conception de soi, celui ontologique de substance et enfin celui, logique et critique, de sujet pensant15. Pour notre part et sans vouloir pour autant réduire à l’excès la richesse de la notion, notamment son oscillation qui nous semble précieuse entre un sens psychologique et un sens métaphysique, il nous a paru plus clair d’user d’un vocabulaire différencié et de restreindre, comme nous l’avons précisé, le sens du terme « moi » à la forme par laquelle chacun entend se représenter et s’identifier et celui du terme « sujet » à la fonction d’agent de l’action. Cela même si la proximité entre ces deux aspects de l’individualité est telle que nous emploierons parfois également le terme « sujet » lorsque cette indifférenciation ne prêtera d’aucune manière à conséquence, ou bien lorsqu’il nous semblera en tel ou tel cas conceptuellement préférable.
18Le problème se pose également pour la notion d’environnement. Le terme au xviiie siècle, en effet, est utilisé seulement dans un sens vague et général que le Littré au xixe siècle donnera encore, à savoir l’« action d’environner » et le « résultat de cette action », « environner » étant à son tour défini comme le fait de « mettre » ou « d’être […] autour ». Cependant, en dépit donc d’un anachronisme formel incontestable et qui peut toujours prêter à discussion, nous avons estimé à la fois plus simple, plus fonctionnel et enfin plus approprié conceptuellement d’employer le terme « environnement » pour le xviiie siècle plutôt que d’autres vocables possibles (sans s’interdire de parfois les utiliser dans certains cas justifiés), l’idée de nature environnante, de nature en interaction étroite avec un sujet placé au centre étant bien déjà pensée en ce siècle. La notion d’environnement, par cette idée de circularité autour d’un sujet, d’un moi qui maintient une certaine consistance en dépit des influences qu’il subit, nous a en effet semblé préférable aux termes, certes très proches et souvent assimilés « milieu », « circonstances » ou enfin « entourage ». La notion de milieu - promue par la zoologie et la biologie du siècle suivant, en particulier chez Lamarck16, et davantage associée à l’idée transformiste - nous apparaît beaucoup plus englobante et déterministe que celle d’environnement et tendre à absorber le sujet, voire à le dissoudre, dans un ensemble qui peut finalement lui être aussi bien interne qu’externe (on parle ainsi de milieu intérieur - notion introduite par Claude Bernard - et guère d’environnement intérieur). Pour cette raison, ce terme « milieu » - convenant au discours des sciences de la nature puis, plus tard, des sciences sociales - ne nous a pas semblé assez compatible avec l’idée de moi. Le terme « circonstances », certes très utilisé au xviiie siècle, suggère quant à lui une forte volatilité d’éléments épars et sans liens n’offrant pas la fixité ou, du moins, la stabilité et la cohérence minimales de configuration d’un environnement. Ce siècle en effet est celui qui voit précisément s’opérer une mutation du sens de ce terme qui passe d’une signification en ancien français assez proche de notre terme contemporain « environnement » (ce qu’indique son étymologie : le latin circumstantia désigne l’action d’entourer et dérive de circumstare, « se tenir autour de, entourer ») à une signification beaucoup plus temporalisée d’occasion ou de conjoncture. Le terme « entourage », retenu par Ferhat Taylan17, nous semble, quant à lui, davantage convenir. Toutefois, outre la rareté subsistante de ce vocable au xviiie siècle qui le voit commencer seulement à se répandre, il apparaît moins exprimer la relative permanence et le caractère structuré suggéré par un environnement, ni non plus son caractère objectif (un entourage évoque fortement un cercle humain, qu’il soit familial, professionnel ou amical). Surtout, le terme « entourage » par son caractère très informel et indifférencié, se prête malaisément à notre propos dont l’objet est de se centrer sur la dimension naturelle de cet entourage. Et il semble difficile d’accoler le qualificatif « naturel » au terme « entourage » (l’expression « entourage naturel » n’est pas d’usage) pour le différencier d’un entourage social ou culturel tandis que l’expression « environnement naturel » ne pose pas problème à cet égard. Il reste enfin à remarquer que, si le terme « environnement » est très peu usité au xviiie siècle, le verbe « environner » est en revanche très fréquent18, même si, certes, cela ne légitime pas nécessairement pour autant le substantif.
19Précisons cependant que, si nous entendons nous centrer sur l’environnement naturel, il sera néanmoins impossible de délimiter et d’isoler à chaque fois cet environnement naturel de l’environnement humain, social et culturel tant ils peuvent parfois se trouver imbriqués. Ce sera notamment le cas pour des situations où, précisément, les aspects naturels et sociaux de l’environnement se trouvent unifiés et intégrés dans une opération globale de mise en cohérence, voire de reconstruction, de l’ensemble des conditions d’existence comme dans la conception éducative qui sous-tend l’Émile chez Rousseau ou dans la totalisation opérée par les utopies comme nous le verrons. Parfois également, certains détours par le rapport à l’environnement social et culturel seront nécessaires.
20Insistons également sur le fait que, sous ce terme « environnement », il ne s’agit bien entendu d’aucune manière de projeter anachroniquement sur le xviiie siècle la compréhension qui est la nôtre - marquée par un sentiment de vulnérabilité et un souci de protection et de réparation - de cette notion et de celles associées comme environnementalisme, écologie, etc.
21Une dernière difficulté enfin est l’étendue de la littérature secondaire. Outre l’extrême diversité des disciplines (nous avons ainsi utilisé par exemple aussi bien des traités d’histoire de l’environnement, de l’écologie ou de géographie comme l’Histoire de la pensée géographique de Clarence J. Glacken19 que Les maîtres de la sensibilité au dix-huitième siècle [1715-1789] de Pierre Trahard20 ou Les sources du moi de Charles Taylor21), les thématiques soulevées ont été - du fait avant tout de l’héritage de Locke et de son chapitre sur l’identité dans la deuxième édition de l’Essai philosophique concernant l’entendement humain22 - plus anciennement travaillées du côté anglo-saxon que du côté français, devenant même un élément d’importance de toute une tradition anti-cartésienne d’outre-Manche, et nous avons donc recouru, le plus souvent dans les textes originaux, à nombre d’auteurs de langue anglaise parfois peu connus en France. Toutefois, comme par effet de rattrapage après des décennies de pensée de la déconstruction, l’intérêt pour les questions gravitant autour du moi s’est considérablement renforcé ces dernières années sur le sol continental et singulièrement hexagonal du fait de la conjonction de plusieurs courants : outre la réflexion sur l’histoire du problème du moi à partir de son moment cartésien, lockien ou pascalien (matière de publications d’Étienne Balibar et de Vincent Carraud23) ou encore avant (dans l’Antiquité24 ou à partir du Moyen Âge25), c’est - sur une ligne précisément cartésienne et à rebours du contexte anglo-saxon - l’intérêt pour l’expérience de la subjectivité en nom propre (nous songeons en particulier aux travaux de Pierre Guenancia et à la phénoménologie dans la ligne de Michel Henry). Par ailleurs, le moi devient un objet d’intérêt renouvelé dans les sciences humaines, en particulier la psychanalyse et la sociologie (pour cette dernière, entre autres les publications de Jean-Claude Kaufmann et Hervé Marchal). Cette question mobilise également - même si c’est sur un mode majoritairement critique - la philosophie analytique et les théories de l’action (illustrées entre autres par les travaux de Vincent Descombes). Enfin, elle bénéficie de l’essor des réflexions sur l’individu et sur l’identité en écho avec des problématiques politiques ou d’anthropologie historique et culturelle (souvent inspirées des Anglo-Saxons et de leur réflexion sur le communautarisme comme les travaux de Bernard Williams). Ces courants se croisent bien souvent : ainsi en est-il de l’herméneutique, de l’histoire et de la question politique par exemple avec l’œuvre de Paul Ricœur. Toutefois et à notre connaissance, il nous semble que, parmi toutes ces perspectives qui portent sur un grand nombre de facteurs (la transformation des conceptions philosophiques et des mentalités, les évolutions littéraires, esthétiques et artistiques, les mutations dans les structures sociales et politiques, dans les pratiques de socialisation, dans le langage, le désir, la conversation et l’échange épistolaire, les processus historiques, économiques, juridiques, scientifiques, religieux, techniques), le rôle joué par le rapport à l’environnement naturel dans la nouvelle importance acquise par la question du moi au xviiie siècle et de ses différentes formes reste pour l’essentiel non exploré.
22Ce travail se situe dans la suite logique d’un certain nombre de nos recherches antérieures qui ont permis de largement le préparer et l’alimenter : sur la question de l’animal aux xviie et xviiie siècles dans son apport à l’anthropologie naissante26, sur les sciences de la vie, sur le rapport à la nature, sur les jardins, sur l’art et l’esthétique des Lumières, sur les récits de voyages, sur la notion d’âme et sur des questions d’anthropologie telles celles de la douleur, de la sexualité et de l’éducation. Les travaux sur les auteurs également y ont fortement contribué, en particulier ceux sur Rousseau et Condillac mais aussi ceux sur les matérialistes (Diderot et aussi La Mettrie, d’Holbach, Helvétius, Meslier…) et les Idéologues (Volney et Cabanis essentiellement).
23Prolongeant ces lignes antérieures, les horizons de cette présente recherche ouvrent également sur deux questions, de façon certes seulement partielle : la formation de l’anthropologie moderne, d’une part, et la genèse de la sensibilité environnementaliste, d’autre part.
24Précisons ces enjeux.
25Pour ce qui est de la formation de l’anthropologie moderne, loin bien entendu de renvoyer seulement à la question du moi et au rapport à l’environnement, elle implique une multitude de sources. Énumérons-les rapidement. Il s’agit des récits de voyages, des avancées de la physiologie et de la médecine, des travaux scientifiques et philosophiques autour de la question de l’animal, de la réflexion sur l’histoire, des enfants sauvages et de tout ce que l’on peut appeler l’« anthropologie des marges » qui se déploie en ce xviiie siècle (monstres, handicapés, fous…, les enfants et les femmes faisant partie également de cette série), des discours sur l’éducation à travers la réflexion sur les processus d’apprentissage, sur la psychologie enfantine et les handicaps (puisqu’une grande part des avancées éducatives est liée à l’enseignement aux handicapés, en particulier aux sourds sous l’impulsion de l’abbé de L’Épée), et enfin des observations sur les passions et leurs différentes expressions (non seulement dans les arts mais aussi par des travaux cherchant à les fixer de manière quasi géométrique depuis Le Brun au siècle précédent jusqu’à Camper, Lavater et la physiognomonie). Il est clair que ces sources ne sont pas tant concurrentes que complémentaires, la question étant toutefois celle de leurs modes d’articulation. Le rapport à l’environnement nous paraît à ce titre particulièrement important en ce qu’il contribue fortement à prendre en compte les contextes concrets de l’existence humaine qui constituent précisément le sol de l’anthropologie moderne naissante, en faisant passer du sujet chrétien ou du sujet pensant (cartésien par exemple) à la réalité humaine effective dans ses multiples dimensions. Les récits de voyages s’y articulent étroitement : en montrant comment les hommes vivent dans des conditions naturelles différentes ou similaires, ils donnent matière au travail anthropologique fondamental de variation autorisant à la fois à penser des formes culturelles différentes et à s’efforcer de dégager des invariants. La théorie des climats entre en jeu comme une grille d’intelligibilité qui, en interprétant les différences humaines et en prétendant en rendre compte, permet également de les recenser et de les enregistrer. Le rapport à l’environnement apparaît donc bien comme l’un des fils rouges de la généalogie de l’anthropologie qui se constituera de façon scientifique au xixe siècle. Nous rejoignons par là l’idée d’un « moment naturaliste » de l’anthropologie au xviiie siècle selon l’expression utilisée par Claude Blanckaert (en se référant entre autres aux travaux de Sergio Moravia) qui en fixe le début vers 1750 et l’acmé en 180027. Certes, cette expression « moment naturaliste » n’inclut pas seulement le rapport à l’environnement et recouvre la moisson que nous avons détaillée rassemblant les données scientifiques liées aux récits de voyages, aux progrès en anatomie et en physiologie, aux « races », aux « marges anthropologiques » (enfants sauvages, handicaps, fous…), aux études sur les animaux, etc., tout cela se cristallisant au tournant du siècle du fait des développements de l’esprit d’objectivité et d’observation ainsi que de l’organisation institutionnelle nouvelle de la recherche. Il est vrai également que cette expression laisse à part la question du moi. Mais toute cette diversité nous semble avoir pour pendant - voire comme racine première comme le suggérait Georges Gusdorf -, du côté du sujet lui-même, une anthropologie de découverte et d’épreuve de soi, dont on pourrait sans doute faire remonter antérieurement l’origine à Montaigne et que l’on pourrait qualifier d’anthropologie en première personne. Par là, cette notion de moi, plus concrète, moins conceptuelle que celle de sujet, est porteuse d’une capacité d’articulation de tous ces différents facteurs en jeu dans la formation de l’anthropologie, comme fonction de liant en soubassement de ce champ. Cela concerne au premier chef toute la littérature du moi qui se développe depuis la fin du xviie siècle et qui, dans la seconde moitié du xviiie siècle, intégrera de plus en plus clairement, comme nous essaierons de le montrer, la thématique du rapport à l’environnement naturel. Cette littérature du moi, comme on l’a vu, se situe dans un premier temps en particulier dans les récits de confession et de conversion religieuse, à quoi il faut ajouter également la littérature épistolaire et, de plus en plus, en étroit rapport avec cette dernière, la conversation des salons, sans en oublier la part féminine (mémoires particuliers, etc.28). Cependant, c’est dans l’autobiographie et le roman que nous trouverons le plus de matériaux pour notre présente étude, outre les travaux proprement philosophiques et scientifiques, sans oublier l’expression artistique et en particulier la peinture (ce qui inclut aussi la critique d’art, plus précisément celle de Diderot dans les Salons). Cette motivation anthropologique se retrouve fréquemment présentée comme justification explicite du récit de soi. Ainsi en est-il non seulement de Rousseau qui, dans ses textes autobiographiques, entend sur son exemple fournir pour la connaissance de l’homme un matériau de première main qu’il estime pouvoir témoigner de la forme humaine authentique et originaire, mais aussi d’autres auteurs comme Restif de La Bretonne, ce qui s’indique dès le titre même de son ouvrage Monsieur Nicolas, ou le cœur humain dévoilé. À l’orée du siècle suivant cependant, cette anthropologie en première personne, qui aboutit en particulier à Maine de Biran, apparaît débordée par les développements scientifiques d’une part et littéraires d’autre part. Le mouvement bifurque alors dans deux directions divergentes : d’un côté en donnant lieu à l’anthropologie scientifique repliant ce moi sur une nature générique et à base biologique (qui se fixera sur la notion de race) et, d’un autre côté, en rejoignant la littérature romantique d’exaltation de la subjectivité (de façon donc bien différente non seulement de l’anthropologie scientifique mais aussi de l’enquête philosophique). Ce qui permettra de suggérer, à travers les ruptures indiscutables entre les deux siècles, une filiation enracinant le moi romantique du xixe siècle dans ces figures du xviiie siècle et particulièrement dans celle du moi saturé.
26Pour ce qui concerne maintenant notre seconde question, il nous semble également que les racines de la sensibilité environnementaliste et écologique contemporaine peuvent recevoir un certain éclairage du présent travail. Il ne s’agit pas bien entendu de prétendre que le xviiie siècle connaîtrait déjà le souci environnementaliste actuel. Ce serait en effet faire bon marché d’au moins deux révolutions : celle - technique, économique, sociale et culturelle - de la révolution industrielle (qui se subdivise elle-même en plusieurs moments) dont les conséquences ont affecté profondément la nature dans ses processus mêmes et en sont venues à la menacer, si ce n’est dans sa globalité, du moins plus restrictivement dans son état actuel et habitable par l’homme ; celle scientifique - opérée par Darwin, puis par la génétique (apport qui a permis la théorie synthétique de l’évolution) - qui a bouleversé notre compréhension du monde vivant en pointant les affiliations phylogénétiques et les chaînes d’interdépendance qui conditionnent la survie des espèces. Il faudrait en outre prendre en compte la croissance démographique - et spécialement urbaine - exponentielle depuis cette révolution industrielle du xixe siècle. En contraste, le xviiie siècle ne conçoit pas, d’une part, la possibilité d’une menace globale sur la nature du fait de l’activité humaine et, d’autre part, reste pour une large part (malgré quelques esprits comme Diderot et en particulier Maupertuis) attaché à une conception plus ou moins fixiste et centrée sur l’idée de Création divine29. Enfin, loin de s’inquiéter des effets d’une éventuelle croissance de la population (sauf pour les classes pauvres), les auteurs à l’inverse ne cessent de s’alarmer du contraire, c’est-à-dire d’un déclin démographique dont une grande part sont peu ou prou persuadés, ou qu’ils redoutent plus que tout, considérant en général que le nombre de bras est la première richesse d’un État. Toutes ces restrictions sont incontestables et il ne s’agit donc d’aucune manière de projeter anachroniquement sur le xviiie siècle la compréhension et les préoccupations qui sont les nôtres sous les termes « environnement », « écologie », etc., comme nous l’avons déjà marqué. D’un autre côté cependant, l’écologie actuelle - l’écologie scientifique mais plus encore l’écologie politique - n’aurait sans doute jamais pu voir le jour si les époques antérieures n’avaient constitué un terrain de sensibilité et d’investissement subjectif de la nature qui la rende possible. C’est cette « écologie subjective » en quelque sorte (en mettant d’indispensables guillemets tant il ne s’agit pas de projeter une copie conforme de notre écologie contemporaine) que le xviiie siècle - suivi du xixe siècle (avec des auteurs comme en particulier Victor Hugo, George Sand et Jules Michelet) - installe véritablement dans la culture et qui prépare cette « écologie objective » que nous connaissons. Le xviiie siècle voit ainsi aboutir un mouvement de retour de l’environnement - d’ouverture à la nature dans sa proximité enveloppante - initié à la Renaissance. L’Antiquité connaissait certes ce genre de sensibilité mais sur des bases religieuses ou mythologiques, ou par intérêt poétique ou littéraire, et enfin de façon restreinte à quelques élites. Sous ce point de vue, des écrits d’auteurs des Lumières comme Rousseau - qui ouvrent un regard nouveau sur la nature comme milieu d’existence - ne peuvent se réduire à une signification seulement anecdotique ou littéraire au sens étroit du terme, mais sont à replacer dans les perspectives plus larges d’une généalogie de l’environnementalisme30.
Notes de bas de page
1 Georges Gusdorf, Les sciences humaines et la pensée occidentale, t. VII, Naissance de la conscience romantique au siècle des Lumières, Paris, Payot, 1976, p. 342-354.
2 Rousseau lui-même, déjà, évolue dans ses récits autobiographiques de plus en plus vers le genre du journal intime en passant des Confessions à travers lesquelles il se confie clairement au lecteur aux Dialogues où il s’adresse à lui-même pour aboutir enfin aux Rêveries qu’il déclare d’entrée de jeu écrire pour lui seul (même s’il faut bien entendu se garder de prendre sans précautions cette déclaration pour argent comptant).
3 Montaigne davantage que Descartes et bien davantage encore que saint Augustin, pour reprendre les trois auteurs généralement invoqués comme « prédécesseurs » du moi moderne. Pour commencer par saint Augustin, il est assez clair que sa quête du moi est celle d’un chemin vers Dieu qui, logé au plus intime de l’être de chacun, lui est en quelque sorte plus intérieur que celui-ci ne l’est à lui-même. Quant à Descartes, l’ego Cogito n’est pas le moi empirique auquel nous avons affaire au xviiie siècle mais un sujet source de vérité et condition de l’expérience. Or, c’est bien son moi empirique qui fait la matière des Essais de Montaigne, un moi résultant de la confrontation avec l’expérience, un moi-résultat, ce qui le rapproche fortement du moi dont nous entreprenons de rendre compte et qui ne se recoupe pas avec un moi transcendantal quel qu’il soit. Cette différence fondamentale qui empêche de voir dans le moi de Montaigne le prédécesseur de l’ego cartésien est très clairement mise en lumière dans un article de Dan Arbib (« Le moi cartésien comme troisième livre. Note sur Montaigne et la première partie du Discours de la méthode », Revue de métaphysique et de morale, 74/2, 2012, p. 161-180). Des différences demeurent cependant avec le moi qui fait la matière de notre travail. Le moi chez Montaigne, même pris dans la toile de l’expérience, est un moi très individualisé dégagé par la réflexion et le travail d’écriture et représente donc un moi résultat de soi. Ce qui contraste avec notre propos qui vise à dresser une typologie des modes de définition du moi dans la relation à l’environnement, résultat d’un processus de catégorisation et de constitution largement préréflexif (ce qui se nuancera pour quelques exemples cependant) même s’il est éclairé par la réflexion des philosophes.
4 Rousseau, Lettres morales, 6, dans Lettres philosophiques de Rousseau, éd. par Jean-François Perrin, Paris, Le Livre de poche, 2003, p. 174.
5 Même si, certes, c’est bien en même temps du point de vue d’une âme substantielle ne dépendant pas, en son être métaphysique, de ce monde sensible dans lequel elle vit sous cette condition d’intime union. Pour ce qui concerne cette question du dualisme chez Descartes, nous renvoyons aux ouvrages de référence de Pierre Guenancia (spécialement L’intelligence du sensible, Paris, Gallimard, 1998) et de Denis Kambouchner (L’homme des passions. Commentaires sur Descartes, Paris, Albin Michel, 1995, 2 t.).
6 Cette adhérence du moi à sa propre histoire chez Rousseau est très nettement mise en lumière par Claude Habib dans « Un moi sans partage » (en ligne sur le site internet du Centre Rousseau, Sorbonne) : « Cette manière de se confondre avec son histoire est nouvelle, elle fait de Rousseau le premier des modernes. […] Il est sans distance à l’égard de sa trajectoire : il colle à elle. […] il est tout simplement la vie qu’il a vécue. » Il nous semble cependant qu’il faut ajouter - ce qui n’est nullement contradictoire - l’importance également pour ce moi d’une existence de participation, ce qui va dans le sens de la prise en compte nécessaire de l’environnement : « Notre plus douce existence est relative et collective, et notre vrai moi n’est pas tout entier en nous », Rousseau, Dialogues II, dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1959, t. 1, p. 813, orth. d’origine conservée, même édition pour toutes nos citations de Rousseau sauf exceptions signalées. Notre auteur montre ainsi clairement que les notions d’individualité et de moi sont loin d’exactement se recouper.
7 Cette image de jouet ballotté en tous sens par les vents et les causes extérieures - déjà utilisée par Spinoza au siècle précédent à la fin de l’Éthique - est très fréquente pour désigner ce moi fragile au xviiie siècle. Celle plus dramatique et moins dérisoire qui remplace les vents par les tempêtes et les grains en mer renvoie davantage au romantisme du siècle suivant.
8 « La tête d’un Langrois est sur ses épaules comme un coq d’église au haut d’un clocher », Diderot, Lettre à Sophie Volland du 11 août 1759, dans Correspondance II, éd. par G. Roth, Paris, Éditions de Minuit, 1956, p. 207. Les références à la correspondance de Diderot seront toutes dans cette édition.
9 Rousseau, Le persifleur, op. cit., t. 1, p 1108 et 1110.
10 Le principal passage où Rousseau s’explique sur ce projet - qui est aussi celui d’un livre - se trouve dans Les confessions, livre IX, op. cit., t. 1, p. 408-409.
11 C. B. Macpherson, La théorie politique de l’individualisme possessif. De Hobbes à Locke, trad. par M. Fuchs, Paris, Gallimard, 2004.
12 « […] en sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme, par laquelle je suis ce que je suis […] », Descartes, Discours de la méthode, 4e partie, Œuvres et Lettres, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1953, p. 148.
13 Jan Goldstein, The Post-Revolutionary Self. Politics and Psyche in France, 1750-1850, Cambridge, Harvard University Press, 2005, p. 115-118, chap. « New Terminology : From Ame to Moi ».
14 « What do we actually mean in using such words as the self, the ego, le moi, le soi, le je ? It is remarkable how much variation one can find in the use of these terms […]. A major source of confusion in terminology arises because of the basically ambiguous nature of the concept itself. When an individual speaks of his “self,” he may be referring to one of two separable ideas : either he is speaking of himself as an active agent or doer, or he is referring to his own attitude about himself, his self-concept », Jean A. Perkins, The Concept of the Self in the French Enlightenment, Genève, Droz, 1969, p. 1 (nous traduisons).
15 Nous mettons à part un quatrième sens mentionné, celui de « moi absolu » qui réfère à Fichte.
16 Mais déjà apparue avant même si elle est peu usitée : Buffon, notamment, emploie l’expression « milieu ambiant » dans son premier Supplément à l’Histoire naturelle générale et particulière (« Premier Mémoire : expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps », Paris, Imprimerie royale, Suppléments, 1774, t. 1, p. 159, orth. modernisée ; nos citations de Buffon renverront toujours à cette édition).
17 Ferhat Taylan, Mésopolitique, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018. À la différence de cet ouvrage, notre propos n’est pas de traiter de l’environnement, ou « entourage », comme moyen politique de gouvernement des hommes mais de l’étudier en tant que rapport subjectif de détermination, et, dans une certaine mesure, d’autodétermination, du moi (dans une optique alors d’autogouvernement plutôt que de gouvernement, comme exemplairement la morale sensitive chez Rousseau portée par une intention de nature d’abord éthique et non politique). Sur les récents développements de ce qu’il est convenu d’appeler les humanités environnementales, on consultera, outre l’ouvrage ci-dessus et en se limitant aux publications francophones de ces dernières années : Michel Serres, Biogée, Brest, Dialogues, 2010 ; Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène, Paris, Seuil, 2013 ; Catherine Larrère, Bérengère Hurand (dir.), Y a-t-il du sacré dans la nature ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014 ; Jean-Baptiste Fressoz, Frédéric Graber, Fabien Locher, Grégory Quenet, Introduction à l’histoire environnementale, Paris, La Découverte, 2014 ; Augustin Berque, Poétique de la Terre, Paris, Belin, 2014 ; Bruno Latour, Face à Gaïa, Paris, La Découverte, 2015 ; Dominique Bourg, Alain Papaux, Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, PUF, 2015 ; Guillaume Blanc, Élise Demeulenaere, Wolf Feuerhahan (dir.), Humanités environnementales, Paris, Publications de la Sorbonne, 2017 ; Serge Audier, La société écologique et ses ennemis, Paris, La Découverte, 2017 ; Dominique Bourg, Une nouvelle Terre, Paris, Desclée de Brouwer, 2018 ; Catherine Larrère, Rémi Beau (dir.), Penser l’anthropocène, Paris, Presses de Sciences Po, 2018.
18 Dans l’Émile de Rousseau par exemple, le verbe « environner » (vingt-neuf occurrences) est incomparablement plus abondant que le terme « circonstances » (neuf occurrences). Dans un autre exemple - celui du Rêve de d’Alembert de Diderot - le verbe « environner » revient à quatre reprises et le terme « circonstances » à deux. Le terme « entourage », quant à lui, est absent des deux ouvrages ainsi d’ailleurs que celui « alentours », autre candidat potentiel.
19 Clarence J. Glacken, Histoire de la pensée géographique, t. 4, Culture et environnement au xviiie siècle, éd. par P. Pinchemel, trad. par I. Tarier, Paris, Éditions du CTHS, 2007 [1967].
20 Pierre Trahard, Les maîtres de la sensibilité au xviiie siècle (1715-1789), Paris, Boivin et Cie, 1931- 1933, 4 t.
21 Charles Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, trad. par C. Melançon, Paris, Seuil, 1998 [Harvard University Press, 1989].
22 Locke, « Of Identity and Diversity », dans Essai philosophique concernant l’entendement humain, livre II, chap. XXVII (2e éd. 1694).
23 Étienne Balibar, « Le traité lockien de l’identité », dans Identité et différence. L’invention de la conscience, Paris, Seuil, 1998 ; Vincent Carraud, L’invention du moi, Paris, PUF, 2010.
24 C’est la question développée dans Gwenaëlle Aubry, Frédérique Ildefonse (dir.), Le moi et l’intériorité, Paris, Vrin, 2008.
25 Cette enquête est celle poursuivie dans Alain de Libera, Archéologie du sujet, Paris, Vrin, 2007-2008. C’est aussi l’objet, mais dans une perspective toute différente, de Olivier Boulnois (dir.), Généalogies du sujet, Paris, Vrin, 2007. Un travail qui couvre la question de l’Antiquité à nos jours est fourni dans Gisèle Berkman, Caroline Jacot Grapa (dir.), Archéologie du moi, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2009.
26 Voir Jean-Luc Guichet, Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, Paris, Cerf, 2006 (primitivement notre thèse sous la direction de Pierre-François Moreau).
27 Voir Claude Blanckaert, « 1800 - Le moment “naturaliste” des sciences de l’homme », Revue d’histoire des sciences humaines, 3/2, 2000, p. 117-160.
28 Voir Catriona Seth, La fabrique de l’intime. Mémoires et journaux de femmes du xviiie siècle, Paris, Laffont, 2013.
29 Ce qui n’empêche pas l’idée d’interdépendance entre les espèces, qu’elles soient animales ou végétales, et également avec les milieux d’être déjà bien présente, par exemple chez Linné.
30 Voir J.-L. Guichet, s. v. « Rousseau », dans D. Bourg, A. Papaux (dir.), Dictionnaire de la pensée écologique, op. cit., p. 901-904.
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