L’augustin de Foucault au risque d’Augustin
p. 233-245
Texte intégral
1Augustin joue un rôle clé dans une des questions du dernier Foucault : comment, pour reprendre les termes de Philippe Chevallier, le moine et l’homme marié ont-ils pu se retrouver pris à l’intérieur d’un même « dispositif pastoral » ? Les deux figures sont sujettes au plaisir charnel, qui les expose au risque d’une chute dans le péché1. Mais Philippe Chevallier poursuit : le christianisme dans sa forme pastorale, selon Foucault, est « fondamentalement anti-ascétique2 ». Comment alors réunir l’homme marié et le moine dans le sein de l’Église ?
2Foucault lui-même identifie deux problèmes prioritaires dans cette jonction de l’homme marié et du moine. Leur solution devait impliquer une transformation majeure dans la pratique ascétique du premier christianisme. Premier problème : dans le tout premier ascétisme chrétien, le déchiffrement des « mystères du cœur » était confié à l’ascète individuel, qui s’adressait à lui-même ses propres commandements et ses propres défis. Cette procédure, dit Foucault, a « étouff[é] » toute notion d’obéissance, nécessaire pourtant à une discipline d’Église3. Pour que l’ascétisme trouve une place dans la communauté chrétienne, il convenait de l’adapter à la « structure » d’obéissance caractéristique du pastorat4.
3Second problème : les ascètes d’Égypte et de Syrie avaient adopté des pratiques excessivement rigoureuses, qu’il convenait d’adoucir pour accueillir les ascètes dans l’Église. Le monachisme cénobitique (ou communautaire) a selon Foucault apporté une solution aux deux difficultés. Il plaçait les ascètes sous l’autorité d’un supérieur, devant qui ils faisaient vœu d’obéissance : le renoncement ne concernait ainsi pas seulement la propriété, l’alimentation, la boisson et le sexe, mais s’étendait aussi à la volonté de chacun5. Dans ce scénario, le moine, sans la moindre contrainte politique ou obligation légale, faisait le libre choix de placer sa volonté sous la direction d’un autre6. Jean Cassien l’a résumé : « obéir en tout et puis ne rien cacher7 ». En outre, le monachisme cénobitique réprouvait les pratiques d’abstinence excessive, réputées nourrir l’orgueil par leur ostentation.
4La question de l’ascétisme a considérablement retenu l’attention de Foucault à partir de la fin des années 1970. Dans sa version chrétienne, l’ascétisme repose selon lui sur le présupposé selon lequel « on ne peut pas se sauver si on ne renonce pas à soi8 ». Foucault établit un lien étroit entre le renoncement ascétique et une « révélation de soi9 », une « exégèse de soi10 », qui débusque les « mouvements les plus imperceptibles des “arcanes du cœur”11 ». Pour Évagre le Pontique et Jean Cassien aux ive et ve siècles, le problème de l’ascèse chrétienne se concentre non pas dans les relations sexuelles avec les autres, mais dans les pensées (logismoi) de chacun : un effort attentif doit permettre de détourner les images impures et les mauvais logismoi, y compris dans les rêves12. Par là, note Foucault, le désir s’est trouvé « exclu en pratique » du schéma ascétique, quand bien même, « en théorie », il demeurait « très important13 ».
5L’intérêt de Foucault pour le christianisme a donc d’abord porté sur l’ascétisme plus que sur le mariage. Certes, Le souci de soi montre que l’attention des Romains s’est davantage centrée sur les relations entre mari et femme que chez les Grecs dont traitait L’usage des plaisirs14. Pour ce qui concerne toutefois le premier christianisme, Foucault a longtemps attendu avant de s’intéresser aux doctrines du mariage, même s’il a pu commenter, entre autres, les prescriptions de Clément d’Alexandrie dans Le pédagogue15.
6Par là s’explique l’importance d’Augustin dans le projet de Foucault : Augustin, selon lui, a rompu radicalement avec les polarités dont partaient ses contemporains comme ses prédécesseurs, qui tous structuraient leurs analyses autour des oppositions entre pur et impur, mariage et virginité. Pour eux, le mariage ne pouvait être qu’une dégradation par rapport à l’idéal de pureté (AC, p. 286-287). La tentative d’Augustin pour réunir le mariage et la virginité à l’intérieur de l’Église a véritablement constitué un nouveau départ dans la pensée comme dans la pratique du christianisme (AC, p. 289, 329)16.
7La conception augustinienne du mariage a largement marqué la pensée en Occident. L’idée des « biens » du mariage demeure au principe de l’encyclique Casti Conubii de 1930, contre la contraception, de la même façon qu’elle soutient Humanae Vitae, qui prit sa suite en 1968. L’apport d’Augustin à la discussion sur la teknê du mariage, ses règles, les conduites qu’il requiert, a en l’espace de quelques siècles profondément infiuencé les pratiques de pénitence et de confession, centrales pour établir la notion de pastorat (AC, p. 287, 322)17. C’est là, je crois, le point que Foucault avait besoin de saisir pour parvenir à l’élaboration de son histoire de la sexualité en Occident : montrer comment une forme adoucie de discipline ascétique a pu devenir partie intégrante du contrôle exercé par l’Église sur le peuple des laïcs. Pour cela, Augustin assurait le passage du christianisme ancien à l’Église médiévale.
8Les nombreuses règles du mariage énumérées par Augustin visent toutes l’« excès » dans la relation sexuelle, à savoir tout ce qui excède la procréation ; encore l’« excès » dans le cadre conjugal est-il considéré comme pardonnable au regard de sa bonne « fin », la procréation. Les « actes contre nature », ainsi que l’adultère et la fornication, constituent de très graves péchés, difficilement pardonnables (AC, p. 319, 320, 355)18. Avec Augustin, selon Foucault, le christianisme occidental a inauguré une morale sexuelle centrée sur un sujet de droit (AC, p. 358). Je vais toutefois montrer que Foucault, dans Les aveux de la chair, surinvestit les aspects les plus positifs de la doctrine augustinienne du mariage, pour négliger des aspects plus négatifs.
9La préparation des Aveux de la chair témoigne d’une lecture méticuleuse d’Augustin. Foucault s’est particulièrement concentré sur le De bono conjugali, étape majeure selon lui dans la réhabilitation du mariage. Augustin y fait l’éloge de la nature sociable de l’humanité, qui prend son départ dans l’unité des époux, s’étend à leurs enfants pour finalement atteindre l’ensemble de la communauté humaine19. Le mariage n’est pas à rechercher comme un bien en lui-même, mais pour autre chose, qui est l’amitié. Il en va de même du rapport sexuel : de lui « procède la propagation de l’espèce humaine, dans laquelle l’association amicale est un grand bien20 ». Je reviendrai plus loin sur la question de savoir si l’éloge augustinien de la sociabilité humaine implique une conception de l’amitié entre époux.
10Il convient de contextualiser pour commencer. Le bien du mariage et son pendant, De la sainte virginité, furent probablement rédigés en 401. Ils prennent position dans un débat qui avait commencé à fieurir dans les années 380 et 390 entre Jérôme et Jovinien ; Augustin, en Afrique du Nord, n’en prit que tardivement connaissance. À une énergique promotion de l’ascèse, Jérôme associait une critique du mariage ; on connaît sa formule, selon laquelle le seul bien du mariage, également appelé « vomissure », était de produire des vierges pour l’Église21. Son contradicteur Jovinien, moine lui-même22, avait répondu que les personnes mariées n’étaient pas inférieures aux ascètes, dès lors qu’elles les égalaient dans les autres vertus ; que le Nouveau Testament, tout comme l’Ancien, pouvait faire l’éloge d’hommes ou de femmes mariés ; que si Dieu avait donné des organes sexuels aux êtres humains, c’était pour qu’ils s’en servent ; et que Jésus n’avait pas ordonné la virginité23. Jérôme répliqua farouchement au début des années 390 dans son Contre Jovinien, qui dénonce brutalement le mariage et les relations sexuelles en son sein24.
11Dans Le bien du mariage, Augustin tente une solution médiane25, en montrant que la virginité chrétienne peut être recommandée sans qu’il faille pour autant critiquer le mariage. Il rapporte que « plusieurs champions de la virginité » (en clair, Jérôme) ont tellement compromis le mariage que Jovinien, non sans justification, pouvait les qualifier de « manichéens26 ». Pour dompter l’orgueil des célibataires, Augustin reprend l’opinion des deux auteurs sur les Patriarches et leurs épouses dans l’Ancien Testament : il craint, en effet, que la virginité n’encourage la fierté et une certaine condescendance des vierges envers les personnes mariées27. Les hommes non mariés oseraient-ils se prétendre meilleurs qu’Abraham, et les femmes, meilleures que Sarah28 ? L’argument constitue un trait contre les manichéens, qui voyaient dans les Patriarches autant d’animaux en rut se vautrant parmi leurs nombreuses épouses et concubines29. Dans ses premiers écrits anti-manichéens, à la fin des années 380, Augustin avait défendu la procréation comme le bien principal du mariage30. Il avait d’ores et déjà renversé l’éthique pro-contraceptive et anti-reproductionniste des manichéens ; par contraste, l’éthique d’Augustin apparaît résolument reproductionniste et anti-contraceptive.
12Augustin selon Foucault défend dans Le bien du mariage une vue « sociale » de l’humanité (AC, p. 307), qui prend son point de départ dans le lien conjugal comme premier lien de la société humaine. Ce qui intéressait Augustin, toutefois, n’était pas tant de célébrer la sociabilité maritale à proprement parler que de relier entre eux tous les hommes, et à la fin toutes les nations (AC, p. 308)31. Les célibataires comme les personnes mariées contribuent ensemble au resserrement du lien social, les premiers en « multipliant les relations spirituelles », les secondes en préfigurant les noces célestes à venir ; et l’on notera que dans l’argumentation d’Augustin elles n’y contribuent pas par la reproduction. Tous, à la fin, se retrouveront dans la société céleste (AC, p. 310)32.
13La position défendue dans Le bien du mariage n’est pourtant pas résolument pro-mariage. Augustin concède volontiers que la virginité est supérieure au mariage33. Pour les chrétiens de son temps, les relations spirituelles sont meilleures que le mariage et la procréation34. Le mariage n’est plus nécessaire, car « aucun devoir de société humaine ne s’impose » : la reproduction n’est pas un besoin ; ce n’est pas le temps d’éteindre, mais celui de s’abstenir d’éteindre35. Comme Augustin le dit non sans brutalité, le mariage est destiné à ceux qui ne savent pas se maîtriser36. Foucault note qu’il y a quelque chose d’involontairement ironique dans cette manière de minimiser le rôle de la reproduction : sans procréation, il ne pourrait y avoir de « société » ; de sorte que les liens sociaux de l’humanité ne peuvent être dissociés de la sexualité (AC, p. 317-318). Les personnes mariées et les célibataires n’occupent pas, en d’autres termes, un territoire égal dans le schéma augustinien.
14Foucault veut bien admettre qu’Augustin confère au mariage un rôle inférieur à celui de la virginité ici-bas (AC, p. 294), mais il tente tout de même de renforcer la dimension pro-mariage de la doctrine augustinienne37. Il note, par exemple, que chez Augustin, le mariage terrestre vaut comme symbole à la fois du mariage spirituel des vierges avec le Christ (AC, p. 29438) et du mariage spirituel du Christ avec l’Église (AC, p. 291)39. On pourrait répondre que c’est symboliquement seulement qu’Augustin accorde au mariage ce rang élevé. On lit, en effet, dans le De bono conjugali : « Les mariages de notre temps signifient symboliquement notre unité dans la soumission au Christ, qui se manifestera dans la Cité céleste40. »
15Au regard de cette unité symbolique des vierges et des personnes mariées, Augustin insiste sur le fait qu’une hiérarchie ordonne leurs relations à la fois dans le mariage ici-bas et dans la vie éternelle. Sa description de l’« amicale et authentique union » du couple originel implique que l’« un ordonne et l’autre obéit41 ». La société maritale ici-bas est hiérarchique, et la « société » céleste le sera tout autant42. S’il est vrai que les mariés comme les vierges se retrouveront dans la société céleste (AC, p. 310)43 et qu’ils reposeront tous auprès des Patriarches (AC, p. 309)44, il y a toutefois « plusieurs maisons » (Jn 14, 2) dans cette société céleste qui admet la distinction des rangs45. Le mariage céleste n’admet pas plus leur nivellement que le mariage humain.
16Le motif de la socialité humaine réapparaîtra dans les textes d’Augustin après le De bono conjugali ; pas plus que dans ce traité, toutefois, il ne plaidera pour une conception du mariage comme compagnonnage égalitaire. Quelques années après le De bono conjugali, le De Genesi ad litteram voit dans les générations successives, toutes issues du couple originel et reliées entre elles par une identité de nature, ce qui constitue la societas des hommes. La finalité sociale de la reproduction n’est pas de remplir les rangs laissés vides par les défunts, mais de former une société humaine qui fasse l’ornement du monde (AC, p. 304)46. En outre, lorsque Augustin se demande de quelle façon Ève a pu être une « aide » pour Adam (Gn 2, 18), il conclut que son « aide » se limitait à la reproduction (AC, p. 301, 302)47.
17C’est peut-être dans La cité de Dieu qu’Augustin s’est approché au plus près d’une conception de la socialité du mariage. Augustin affirme que c’est un « instinct social » qui poussa Adam, une fois commis le premier péché, à accepter de subir avec Ève le châtiment qu’elle s’était attiré. Adam refusait, en effet, d’être séparé de son « unique compagne » – mais même ici Augustin souligne que c’est Ève, et non Adam, qui fut trompée par le Tentateur48. On en conclura que si selon Augustin le mariage a un caractère « social », c’est essentiellement parce qu’il relie l’ensemble de la société humaine, et non parce que mari et femme sont « amis49 ».
18Il est toujours possible de spéculer sur ce que Foucault aurait pu dire d’une amitié maritale à partir des textes d’Augustin. Répondant dans un entretien sur les Grecs de L’usage des plaisirs, Foucault insistait sur le fait que son livre n’était pas un livre sur l’amour ou l’amitié. « L’amitié est quelque chose de réciproque, contrairement aux relations sexuelles », affirmait-il50, et certes sa réponse se référait avant tout à L’usage des plaisirs. Foucault a aussi pu jouer avec l’idée d’une histoire de l’amitié, qui viendrait après son travail sur la sexualité51. S’il avait écrit cette histoire, qu’aurait-il fait des textes que je viens de citer ?
19Par un aspect toutefois, De bono conjugali vient en renfort de l’idée d’une théorie de la socialité maritale chez Augustin. Bien que la progéniture (proles) soit énumérée en premier parmi les « biens » du mariage chez Augustin, et la fidélité (fides) en deuxième position, c’est sur le troisième « bien », le sacramentum, que Foucault insiste pour établir le mariage dans sa nature sociale52. Sacramentum a ici une signification assez vague. Le mariage n’était pas un sacrement au début du ve siècle, et il fallut un long combat pour qu’il puisse apparaître comme tel plusieurs siècles plus tard. Quel besoin Augustin avait-il alors de mentionner ce troisième « bien » ? Très probablement pour rejeter la possibilité du divorce, mais aussi pour démontrer que les couples sans enfants, ou qui ont renoncé aux relations sexuelles, doivent toujours être considérés comme mariés53. Plus profondément cependant, qu’est-ce qui pouvait motiver Augustin ?
20Entre autres raisons, il y a le fait qu’Augustin avait auparavant défendu l’idée que Joseph et Marie étaient réellement mariés, même sans relations sexuelles et sans enfants54. S’il pouvait sembler qu’ils n’accomplissaient pas les deux premiers biens du mariage, ils n’en étaient pas moins réellement mari et femme selon Augustin. Joseph ne fut pas simplement pour Marie un gardien ou un assistant, comme l’avaient prétendu Jérôme et d’autres55. Dans son Contra Faustum de 397 ou 398, Augustin avait soutenu que Joseph et Marie vivaient un mariage véritable, car « un rapport entre esprits est plus intime qu’un rapport entre corps56 ». Nous retrouvons ici une brève allusion à l’idée d’une amitié conjugale, mais elle n’est pas développée chez Augustin.
21De là un premier point : l’éloge augustinien du mariage se révèle plutôt moins enthousiaste que le lecteur pourrait le penser à partir de Foucault.
22Mon deuxième point partira de ce constat : dans ses dernières années, Augustin s’est vu contraint par la polémique à se concentrer sur la « biologie » du rapport sexuel conjugal, en lien avec sa théorie du péché originel57. Sans doute aurait-il préféré demeurer sur les hauteurs de la théologie, mais il fut poussé à élaborer ce qu’on pourrait appeler, à la manière de Foucault, une « bio-théologie ». En privilégiant le De bono conjugali et en sous-estimant la force des oppositions qu’Augustin a tenté de repousser dans ses derniers traités, en particulier contre Julien d’Éclane, Foucault donne l’image d’un Augustin plus favorable au mariage qu’on ne peut à mon sens le soutenir raisonnablement. La vérité est que les exigences de la controverse n’ont fait qu’éloigner davantage Augustin de la conception « sociale » du mariage sur laquelle insiste Foucault.
23On sait que la doctrine du péché fut à l’origine de nombreux embarras pour Augustin. Elle n’était pas entièrement développée au moment de la rédaction du De bono conjugali ; la face sombre de la conception du mariage a émergé à mesure qu’Augustin détaillait sa doctrine du péché. Les conséquences de la Chute, le châtiment de Dieu sur le couple originel et ses descendants, sont de trois sortes : déchaînement du désir, en rupture avec les commandements de la volonté ; soumission de la femme, douleurs de la parturition ; mort. Foucault relève bien les points principaux. L’« insurrection » du sexe d’Adam devenu rebelle vient redoubler la défiance du couple originel envers le commandement divin (AC, p. 330-336 passim). Cette rébellion inscrit la forme du mal sur tous les actes de tous les descendants d’Adam et Ève et donc sur toute l’humanité (AC, p. 346-347). Depuis la Chute, c’est la « structure » même de la subjectivité humaine qui est modifiée (AC, p. 344, 347). Foucault peut alors définir la libido comme la « forme sexuelle du désir » (AC, p. 348).
24Les effets du péché perdurent tout au long de la vie de chacun. Même le baptême ne peut complètement effacer le péché, qui chez l’individu baptisé reste comme « endormi », prêt à tout moment à entrer en éruption (AC, p. 347-349, 352). Augustin tente de dissocier le « mal de la libido » de l’heureuse issue que constitue la descendance en affirmant que les couples mariés peuvent faire servir ce mal à de bonnes fins à travers la reproduction. Un second usage, moins glorieux, de la mauvaise libido est qu’elle peut aider le plus « faible » des deux époux à éviter le péché plus grave encore de l’adultère. Autour de ces points, Foucault note que l’Église médiévale élaborera toute une série de prescriptions (AC, p. 359).
25Comment, par conséquent, la libido devient-elle le lien transhistorique qui enchaîne la faute originelle d’Adam et Ève à l’actualité du péché chez tous les humains (AC, p. 347-348) ? Comment l’acte sexuel devient-il, comme le résume Foucault, le « véhicule permanent » de l’« actualité du péché » à travers les générations (AC, p. 347) ? Augustin a échoué à expliquer comment le péché originel peut être imputé à l’humanité (AC, p. 345-347). Ses tentatives en la matière l’ont fait se perdre dans plusieurs débats de son temps qui allaient bien au-delà de la question du mariage, comme les discussions tournant autour de l’origine de l’âme et autour de la Vierge Marie.
26S’agissant de l’origine de l’âme, Augustin ne pouvait faire appel à son grand prédécesseur nord-africain, Tertullien, car le traducianisme de Tertullien le portait à enseigner que les parents donnent à la fois l’âme et le corps à leur descendance. En outre, Tertullien reprenait à son compte l’enseignement stoïcien sur l’âme comme substance matérielle. Le platonicien Augustin ne pouvait ici qu’être hésitant. Sa conception de l’âme était résolument immatérielle, de sorte que la notion d’une transmission physique du péché originel à travers l’âme des parents vers celle de leurs enfants ne pouvait convenir à sa compréhension plus large de ce qui fait la structure de la personne humaine. Comment alors le péché pouvait-il se transmettre ? D’un autre côté, les « créationnistes » étaient renvoyés à leur propre dilemme. Si c’est Dieu qui crée l’âme humaine et qui la place dans le fœtus au moment de sa conception, n’est-il pas responsable si l’âme est marquée du sceau du péché ? Malheureuse implication ! Augustin aurait pu plus facilement conceptualiser la transmission du péché originel s’il avait été traducianiste ; dans ce cas, l’âme physiquement transmise des parents aux enfants aurait pu fournir le véhicule pour le passage du péché, et Dieu n’aurait pas été impliqué dans ce processus.
27Le principal adversaire d’Augustin dans ses dernières années, Julien d’Éclane, n’a pas hésité à voir dans la doctrine augustinienne du péché originel un retour vers la dénonciation manichéenne de la procréation et du monde matériel, et par là même un affront à l’idée d’un Dieu juste et aimant58. Augustin et Julien partaient de fait de points différents dans le débat. Pour Julien, la théorie du péché originel chez Augustin continuait de reposer sur une forme contestable de substructure biologique. Julien a donc pressé Augustin d’expliciter sa biologie du tradux peccati, car sur ce point il pouvait critiquer ce que la doctrine d’Augustin conservait de dérisoirement non-scientifique, son manichéisme foncier ; elle faisait de la capacité humaine à pécher une disposition innée et prédéterminée. Or le manichéisme était une hérésie, et depuis la fin du ive siècle l’hérésie était un crime. Les contemporains savaient qu’Augustin, du temps de sa jeunesse, avait été manichéen pendant approximativement onze ans59. Il se pouvait donc, comme ses adversaires le suggéraient, que l’enseignement des manichéens continuât à le poursuivre même après son baptême dans l’Église. Augustin était ainsi placé sur la défensive, se retrouvant à affirmer que sa doctrine du péché originel ne menait pas à une dénonciation de la procréation et du rapport sexuel entre époux, comme Julien le lui reprochait60.
28Julien a forcé Augustin à plonger dans la « science », au lieu de s’en tenir exclusivement à la théologie. Conformément aux théories médicales de son temps, Julien pensait que la semence était « formée » par le désir sexuel, à travers le « feu vital » ; ce qu’Augustin appelait concupiscence n’était en vérité que l’un des sens dont Dieu a doté les hommes en les créant61. En réponse, Augustin recourt à des métaphores agricoles et horticoles sur les « graines ». Comme Julien, il pense que tous les hommes ont été créés par Dieu à partir d’une semence, mais il considère que cette semence, dès l’origine, a été viciée et condamnée du fait du péché d’Adam62. La semence est bonne par essence, mais – allusion à la parabole de Mt 13 – le Malin y a « semé l’ivraie » du mal63. L’explication compromettait l’affirmation de la toute-puissance et de la justice divines, et Julien tire parti de la difficulté : c’est un blasphème, dit-il, que de penser que le Dieu tout-puissant pourrait placer le fœtus porté par une femme baptisée sous le pouvoir du Malin64. Si Augustin pense que le conceptus est rendu coupable par le mélange de la semence avec le péché, alors il est traducianiste, et les traducianistes sont à assimiler à des manichéens65.
29Prenant appui sur Aristote et sa doctrine des accidents inhérents au sujet, Julien affirme que le péché, ne relevant pas de l’essence de l’homme à la Création, est une propriété « accidentelle » ; or des propriétés de ce type ne peuvent pas quitter leur sujet et passer, en l’occurrence, d’Adam aux autres hommes66. La nature humaine ne peut être modifiée à jamais par l’acte de volonté d’un seul homme67, et pourtant c’est exactement ce qu’Augustin affirme, comme le note Foucault (AC, p. 344, 349). Julien peut alors railler Augustin, physicus iste novus, « ce physicien d’un genre nouveau68 ».
30Un autre problème se pose s’agissant de la transmission du péché originel : comment la Vierge Marie, née comme tout un chacun de parents pécheurs, pouvait-elle éviter de transmettre le péché à son Fils ? On sait que le Vatican, en 1851, a entendu résoudre le problème à partir du dogme de l’Immaculée Conception de Marie. À partir de 412, dans son premier traité anti-pélagien, Augustin affirme que Jésus était sans péché, car conçu « sans concupiscence et étreinte d’un mari69 ». Mais alors, demande Julien, comment la concupiscence que la Vierge tenait de sa propre naissance a-t-elle pu ne pas être transmise à Jésus70 ? Augustin, en rattachant le péché originel à la semence masculine, s’imaginait-il que la transmission du péché constitue un problème spécifiquement masculin71 ? De fait, c’est ce qu’Augustin suggère : il cite Paul en Rm 5, 12 (« par un seul homme le péché est entré dans le monde ») en considérant que le péché entre dans le monde par le semen generationis délivré par l’homme et par lequel la femme conçoit72.
31Tout au long de son débat avec Julien, Augustin n’a jamais concédé qu’un point : la libido a pu exister dans le jardin d’Éden, avant le péché, mais elle était alors sous le contrôle de la volonté73. En revanche, sa conception de l’origine de l’âme et de la transmission du péché originel n’a pu se défaire des difficultés dont elle était porteuse. Dans l’histoire de la théologie, Augustin a sans doute remporté la mise74. En revanche, il n’est pas sûr qu’il ait gagné son débat avec Julien.
32Pour toutes ces raisons, je pense que Foucault a fait preuve de fiair quand, dans Les aveux de la chair, il a instinctivement séparé la première section de sa discussion d’Augustin, sur la nature sociale du mariage, de la seconde, sur la Chute et la libidinisation du sexe. Se référant à ce second point, les adversaires d’Augustin lui ont reproché d’oublier le mariage. Augustin, dans ses dernières années, n’eut de cesse de les réfuter, avec des succès inégaux.
Notes de bas de page
1 Philippe Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, Lyon, ENS Éditions, 2011, p. 295. Selon Foucault, le christianisme constitue une « religion du salut dans la non-perfection » (Michel Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France [1979-1980], éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2012, p. 253). L’Église constitue une communauté qui rassemble les célibataires et les personnes mariées (AC, p. 288-289).
2 Philippe Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, op. cit., p. 296, voir aussi p. 302 : le pouvoir pastoral chrétien réunit « sous un même chef » des enseignements issus de différents lieux (diocèses, monastères) et différents moments de l’histoire du christianisme, avant et après le ive siècle. Chevallier cite Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p. 211.
3 Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 211.
4 Ibid., p. 210.
5 Ibid., p. 208-209.
6 Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 225.
7 Ibid., p. 260, formule de Foucault qui cite par ailleurs Jean Cassien, Institutes, IV.
8 Foucault, L’herméneutique du sujet. Cours au Collège de France (1981-1982), éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2001, p. 240.
9 Foucault, « Les techniques de soi » [1982], DE 2, 363, p. 1631.
10 Foucault, L’herméneutique du sujet, op. cit., p. 247.
11 Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 258. À rebours de l’ascétisme « viril » pratiqué par les Grecs et les Romains, l’ascétisme chrétien a adopté un « paradigme féminin » d’intégrité et de rigoureuse austérité. Voir Foucault, « On the Genealogy of Ethics. An Overview of Work in Progress [À propos de la généalogie de l’éthique : un aperçu du travail en cours] » [1983], DE 2, 326, p. 1224-1225.
12 Foucault, « Sexualité et solitude » [1981], DE 2, 295, p. 993-997. Voir aussi Id., « Le combat de la chasteté » [1982], DE 2, 312, p. 1114-1127.
13 Foucault, « On the Genealogy of Ethics », art. cité, p. 1221.
14 Voir le commentaire de Foucault dans « Subjectivité et vérité » [1981], DE 2, 304, p. 1036- 1037. Sur Peter Brown, qui relativise l’infiuence de L’usage des plaisirs sur son Body and Society de 1989 (trad. de l’angl. par Pierre-Emmanuel Dauzat et Christian Jacob, Le renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Paris, Gallimard, 1995) et souligne au contraire celle des Exercices spirituels de Pierre Hadot, voir Peter Brown, A Life of Learning, New York, American Council of Learned Societies (ACLS Occasional Paper, 55), 2003, p. 13-14, 16.
15 Voir Foucault, « Le combat de la chasteté », art. cité, p. 1121.
16 On le voit à la discussion de Jean Chrysostome, où Foucault note que Chrysostome était porté à considérer l’homme marié comme un moine (AC, p. 250).
17 Sur ce point, et en lien avec La volonté de savoir, voir Pierre J. Payer, « Foucault on Penance and the Shaping of Sexuality », Studies in Religion/Sciences religieuses, 14/3, 1985, p. 313-320.
18 Dans le De bono conjugali, voir XI, 12, XXIII, 31.
19 Augustin, De bono conjugali, I, 1.
20 Ibid., IX, 9.
21 Jérôme, Epistulae, LIV, 4, 1-32 ; XXII, 20.
22 Jérôme, Adversus Jovinianum, I, 40. Sur Jovinien, voir David G. Hunter, Marriage, Celibacy, and Heresy in Ancient Christianity. The Jovinianist Controversy, Oxford/New York, Oxford University Press, 2007.
23 Voir Jérôme (Adversus Jovinianum, I, 3 ; V ; XII ; XXXVI) qui cite des passages du texte de Jovinien.
24 Jovinien et ses enseignements furent condamnés en 389 par Siricius, évêque de Rome : l’Église, alors, se prononçait pour une supériorité du mariage sur la virginité (Siricius, épître à Ambroise de Milan, Patrologia Latina 13, p. 1168).
25 La formule se trouve dans le De sancta virginitate, XIX, 19.
26 Augustin, Retractationes, II, 48 (= 22), 1.
27 Augustin, De bono conjugali, XXVI, 35 ; De sancta virginitate, I, 1 ; XXXI, 31-40 ; LI, 52.
28 Augustin, De bono conjugali, XXII, 27 ; XXIII, 28 : les Patriarches ont obéi au commandement divin et sont par leur descendance arrivés jusqu’à Jésus. Le bien de l’obéissance est supérieur à celui de la continence.
29 Fauste le Manichéen cité par Augustin, Contra Faustum, XXII, 5 ; XXII, 97. En XXXIII, 1, Fauste se demande s’il souhaiterait se retrouver avec de tels pécheurs dans le royaume des cieux.
30 Voir par exemple Augustin, De moribus ecclesiae catholicae, LXIII, 30.
31 Augustin, De bono conjugali, I, 1.
32 Ibid., XVIII, 21.
33 Ibid., VIII, 8 ; XXIII, 28-29.
34 Ibid., IX, 9.
35 Ibid., XIII, 15, voir Qo 3, 5.
36 Augustin, De sancta virginitate, IX, 9, voir 1 Co 7, 9.
37 Ibid., XIX, 19 ; De bono conjugali, VIII, 8 ; XXII, 27 ; XXIII, 28.
38 Foucault ne renvoie à aucun texte en particulier, mais trouve peut-être l’argument dans le De bono conjugali, XVIII, 21.
39 Augustin, De sancta virginitate, II, 2 ; VI, 6.
40 Augustin, De bono conjugali, XVIII, 21 (je souligne). Augustin distingue ces mariages monogames des mariages multiples au temps des Patriarches, qui symbolisaient « la multitude future soumise à Dieu chez tous les peuples de la Terre ».
41 Augustin, De bono conjugali, I, 2.
42 Sur la hiérarchie dans les cieux, voir Augustin, De sancta virginitate, XXVI, 26. Même si tous, mariés et célibataires, seront rétribués au paradis, chacun « brillera d’une lumière différente », selon l’enseignement de Paul sur la variété des « éclats » parmi les ressuscités (éclat du soleil, de la lune et des astres) (voir 1 Co 15, 41 et De bono conjugali, XXVI, 35).
43 Augustin, De bono conjugali, XVIII, 21.
44 Ibid., XVIII, 21 ; XXVI, 35. Au dernier chapitre de la Cité de Dieu, contemplant la vie éternelle, Augustin reconnaît qu’il y aura des distinctions dans les cieux, « degrés d’honneur et de gloire, proportionnés aux degrés de mérite », mais ne précise pas si ces distinctions s’appliquent aussi aux mariés et aux célibataires, insistant plutôt sur l’idée qu’il n’y aura pas de jalousie de la part des inférieurs ; la paix et l’harmonie prévaudront (De civitate Dei, XXII, 30).
45 Augustin, De sancta virginitate, XXVI, 26, voir Jn 14, 2.
46 Augustin, De Genesi ad litteram, IX, 9, 14.
47 Ibid., IX, 7, 12.
48 Augustin, De civitate Dei, XIV, 11 (rédaction 418 ou 419), qui renvoie peut-être à 1 Tm 2, 14.
49 Sur Augustin, la théorie et la pratique de l’amitié entre les sexes, voir mes deux articles, « “Adam’s Only Companion”. Augustine and the Early Christian Debate on Marriage », Recherches augustiniennes, 21, 1986, p. 139-162, et « Theory and Practice in Late Ancient Asceticism. Jerome, Chrysostom, and Augustine », Journal of Feminist Studies in Religion, 5/2, automne 1989, p. 25-46. Ce dernier texte revient sur une étude antérieure, « Friendship Between the Sexes. Classical Theory and Christian Practice », dans Elizabeth A. Clark, Jerome, Chrysostom, and Friends. Essays and Translations, New York/Toronto, Edwin Mellen Press, 1979, p. 35-106.
50 Foucault, « On the Genealogy of Ethics », art. cité, p. 1207 (« dans les relations sexuelles, vous pouvez pénétrer ou être pénétré »). Cette morale sexuelle fondée sur la « dissymétrie » et l’« exclusion » est jugée « franchement répugnant[e] ».
51 Foucault, « Michel Foucault, an Interview : Sex, Power and the Politics of Identity [Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et la politique de l’identité] » [1984], DE 2, 344, p. 744.
52 Augustin, De bono conjugali, XVIII, 21 : parmi les chrétiens, « la sainteté du sacrement importe plus que la fécondité d’un ventre ».
53 Ibid., III, 3. Le sacrement, infrangible, exclut le divorce (XXIV, 32).
54 Augustin, De nuptiis et concupiscentia, I, 12-13. Dans ce traité tardif, Augustin indique que Joseph et Marie possédaient trois « biens » : leur descendance, leur mutuelle fidélité et le lien du sacrement. Il faut noter que la « fidélité », ici, n’implique pas de relations sexuelles.
55 Jérôme, Adversus Helvidium, IV, XIX.
56 Augustin, Contra Faustum, XXIII, 8 ; De consensu evangelistarum (ca. 400), II, 1, 2. Augustin est entré dans le débat sur le mariage en plaidant pour l’idée, dérivée du mariage de Marie et Joseph, que les relations sexuelles ne sont pas nécessaires pour constituer le mariage. Foucault montre que l’analyse augustinienne du mariage tourne autour des deux notions de consentement et d’usage (AC, 352). Dans le cas de Joseph et Marie, le consentement se suffit à lui-même.
57 Pour une discussion plus approfondie, voir mon étude « Vitiated Seeds and Holy Vessels. Augustine’s Manichean Past », dans Karen King (dir.), Gnosticism and Images of the Feminine, Philadelphie, Fortress Press, 1988, p. 367-401, ainsi que dans Elizabeth A. Clark, Ascetic Piety and Women’s Faith. Essays on Late Ancient Christianity, Toronto, Edwin Mellen Press, 1986, p. 291-349.
58 Julien cité par Augustin, Contra secundam Juliani responsionem opus imperfectum (cité désormais Opus imperfectum), I, 24 et 115.
59 Voir le calcul de James O’Donnell, Augustine. A New Biography, New York, HarperCollins, 2005, p. 44-45.
60 En 412, avant même sa controverse avec Julien, Augustin s’était affronté à une question soulevée par d’autres pélagiens : pourquoi les chrétiens régénérés n’engendrent-ils pas des enfants régénérés (De peccatorum remitis et remissione, II, 39, 25) ?
61 Julien cité par Augustin, De nuptiis et concupiscentia, II, 25, 12, et dans Contra Julianum, IV, 12, 2 ; IV, 65, 14.
62 Augustin, Contra Julianum, III, 33, 17.
63 Ibid., III, 51, 22, voir Mt 13, 24-30 (parabole du bon grain et de l’ivraie).
64 Julien cité par Augustin, Contra Julianum, VI, 43, 14.
65 Julien cité par Augustin, Opus imperfectum, I, 6 ; I, 27, 66 ; II, 8 ; II, 14 ; II, 27, 2 ; III, 10.
66 Julien cité par Augustin, Contra Julianum, V, 51, 14.
67 Ibid., VI, 16, 6.
68 Julien cité par Augustin, Opus imperfectum, V, 11.
69 Augustin, De peccatorum meritis et remissione, I, 57, 29 ; De gratia Christi (418), II, 47, 41. Pour une discussion plus détaillée des points qui suivent, voir E. A. Clark, « Vitiated Seeds and Holy Vessels », art. cité, p. 386-387.
70 Julien cité par Augustin, Contra Julianum, V, 52, 15.
71 Julien cité par Augustin, Opus imperfectum, II, 56, 1 ; II, 179.
72 Augustin, Opus imperfectum, II, 56.
73 Ibid., I, 68, 5. Dans la lettre 6* à Atticus (V, 1 ; VII, 2), Augustin distingue entre la concupiscentia nuptiarum, qui aurait pu exister dans le jardin d’Éden, et la concupiscentia carnis, nécessairement absente. Foucault mentionne le scénario imaginé dans la Cité de Dieu, XIV, selon lequel Adam et Ève, si leur chute n’avait pas été aussi rapide, auraient pu avoir des rapports sexuels sans pécher (AC, 331-333).
74 Il faut toutefois noter que dans les siècles qui suivirent Augustin, l’Église rejeta l’idée selon laquelle les enfants non baptisés sont damnés pour l’éternité. Elle adoucit également la représentation des effets du péché originel, considérant qu’avec l’aide de la grâce divine transmise par les sacrements, le péché est au moins partiellement vaincu.
Auteurs
Titulaire émérite de la chaire John Carlisle Kilgo de religion et professeure émérite d’histoire à Duke University, est spécialiste de l’histoire du christianisme dans l’Antiquité tardive. Elle s’intéresse particulièrement à la question des femmes et du genre, au premier ascétisme chrétien, à l’exégèse biblique, aux hérésies et à l’orthodoxie, ainsi qu’aux questions d’historiographie. Fondatrice du Journal of Early Christian Studies, elle est membre de l’American Academy of Arts and Sciences. Elle est l’auteure ou l’éditrice de quatorze ouvrages, dont les plus récents sont Founding the Fathers. Early Church History and Protestant Professors in Nineteenth-Century America (University of Pennsylvania Press, 2011) et The Fathers Refounded. Protestant Liberalism, Roman Catholic Modernism, and the Teaching of Ancient Christianity in Early Twentieth-Century America (University of Pennsylvania Press, 2019).
Professeur de philosophie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (CNRS/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Il a publié Théologie et sciences sociales. Autour d’Erik Peterson (en codirection avec Alain Rauwel, Éditions de l’EHESS, 2019) et, sur Foucault, « Théologie politique et pouvoir pastoral », Annales. Histoire, sciences sociales (62/5, septembre-octobre 2007, p. 1129-1154) ; « Un nouveau pastorat ? », Revue de métaphysique et de morale (4, octobre-décembre 2007, p. 469-481).
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