Foucault et les évolutions de la parrêsia chrétienne
p. 159-171
Texte intégral
1Foucault a beaucoup parlé de la parrêsia dans les dernières années de sa vie – parlé plutôt qu’écrit, car le corpus est surtout fait de cours et de conférences – et on a beaucoup écrit depuis sur la parrêsia chez Foucault1. Les études se sont principalement focalisées sur la parrêsia païenne, politique ou philosophique. La parrêsia chrétienne, que Foucault a moins abordée, sinon in fine, est un peu moins étudiée mais, depuis quelques années, est à son tour un objet d’attention. Elle représente de fait une étape importante dans l’histoire de la subjectivité qu’il avait entreprise et qui lui avait fait constater l’importance du rôle joué au fil des siècles par cette pastorale de l’aveu que le christianisme avait mise en place : son efficacité institutionnelle en faisait, pour reprendre les mots de Michel Senellart, « un superbe instrument de pouvoir pour lequel Foucault, en dépit de son attitude critique, ne dissimulait pas sa fascination2 ».
2 Quelques facteurs rendent la démarche de Foucault peu aisée à suivre. Son enquête a consisté en approches successives, relevant de logiques parfois différentes, sans aboutir à une synthèse. On peut supposer globalement qu’il est arrivé à la parrêsia chrétienne en faisant l’historique de l’aveu3, qui était pour lui une composante essentielle de la constitution du sujet occidental comme sujet éthique ; en étudiant les techniques de l’aveu, dans une démarche chronologique régressive, il est parvenu à la parrêsia antique4, puis a parcouru un chemin inverse vers la parrêsia du christianisme primitif en notant l’évolution entre l’une et l’autre, où il verra presque une rupture, voire un reniement, donnant à ses yeux une lisibilité nouvelle à l’histoire du sujet. La parrêsia lui a ainsi fait faire un chemin inverse de celui de l’histoire de la sexualité, qui l’avait fait remonter du christianisme vers l’Antiquité classique, en notant plutôt des continuités. Dans ce nouvel objet d’étude, il s’est intéressé en cours de route à une autre problématique, celle de la rupture ou de la continuité entre culture grecque et christianisme ; il a superposé ce nouveau point d’intérêt à sa démarche généalogique première sans la quitter, d’où une certaine difficulté à cerner l’objet précis de son enquête.
L’HYPOTHÈSE DE LA RUPTURE MONASTIQUE
3Foucault affirme que le milieu monastique, à partir du ive siècle, a développé ce qu’il appelle « un pôle anti-parrêsiastique5 » au sein du christianisme. Il part d’un constat simple6 : le mot parrêsia est toujours employé dans un sens positif dans le Nouveau Testament (NT), il s’agit de la liberté qu’a le croyant (l’apôtre, le martyr) de parler sans peur et en toute franchise. Cette acception du mot se rattache encore à la parrêsia démocratique des Grecs, avec cette différence notable que dans le contexte du NT, elle renvoie fondamentalement à la confiance de l’être humain en Dieu, qui est le support de sa parrêsia et le libère de la peur des hommes. Ce sens-là était déjà bien attesté dans le judaïsme hellénistique.
4Or, les textes monastiques, en particulier les Apophtegmes (ive-ve siècles) mais aussi, par exemple, des passages de Dorothée de Gaza (vie siècle), textes cités par Foucault7, attestent au contraire une grande méfiance vis-à-vis de la parrêsia, voire une condamnation explicite, comme dans le fameux apophtegme d’Agathon commenté par Dorothée de Gaza8, textes cités par Foucault9. La parrêsia y est un vice : au pire une sorte de présomption, d’arrogance, au mieux une imprudence, une familiarité excessive qui fait perdre la vigilance, oublier l’ascèse et le salut, et qui mène à tous les excès. Dans tous les cas, il faut s’en garder à tout prix sous peine de voir sa vie spirituelle se dessécher totalement. Cette parrêsia-là empêche à la fois la crainte de Dieu et la xeniteia, sentiment salutaire d’être un étranger, de ne se sentir chez soi nulle part ni avec personne, qui empêche justement les imprudences de la familiarité10.
5Foucault essaie d’appréhender les causes de ce changement11. Il y voit la marque d’une conscience de soi dégradée de l’être humain pécheur, facile à tromper par l’ennemi, faible et se sachant faible, qui ne peut plus se fier à son propre jugement et doit obligatoirement s’en remettre à un père spirituel. À ce père, par voie de conséquence, il doit s’ouvrir de tout ce qui l’habite intérieurement : désirs, projets, actes, la moindre des pensées qui le traversent, pour que celui-ci puisse diriger sa vie jusqu’à ce qu’il atteigne une maturité suffisante. La confiance primitive en Dieu s’est obscurcie pour laisser place à une « obéissance tremblante » fondée sur la méfiance de soi, et qui verra se développer peu à peu une pastorale de la peur, impliquant une aliénation complète de sa liberté au profit d’un autre à qui on délègue sa capacité de jugement.
6On est surpris, pour tout dire, par le caractère massif et un peu caricatural de cette affirmation, chez un Foucault d’ordinaire plus nuancé. N’oublions pas qu’il s’agit là des dernières pages de son dernier cours, où il rassemble en hâte conclusions, remarques et hypothèses pour éclairer le chemin parcouru et orienter les recherches futures espérées. Ces propos, oraux de surcroît, n’ont donc pas le statut d’affirmations vérifiées. Mais ce n’est pas la première fois que Foucault réfléchit sur cette question12. Dès le cours du 13 février 198013, à propos de Tertullien, il diagnostique dans le christianisme, non sans raisons, une religion de l’inquiétude quant au salut, une inquiétude perpétuelle (ce thème reste en arrière-plan de sa présentation du monachisme dans le cours de 1984). Dans la foulée de ce constat il aborde ensuite le monachisme, une première fois dans le cours du 12 mars 198014, puis dans ceux du 19 et du 26 mars, en y voyant l’origine d’une forme minutieuse de verbalisation de soi-même, ce qui rejoint ses propos du dernier cours de 1984. L’aveu est lié originairement à une défiance de soi dont le courant monastique a été selon lui l’incubateur.
UNE PENSÉE PAR SYMÉTRIE ?
7La découverte progressive par Foucault, au début des années 1980, de la place du monachisme antique dans la généalogie de la pratique des aveux telle que le Moyen Âge et l’époque moderne l’ont codifiée, a suivi son intérêt pour un texte dont l’étude a certainement joué un rôle important dans la façon dont il se représente, dans la longue durée, l’évolution de la subjectivité. Ce texte est l’opuscule fameux de Kant, Was ist Aufklärung ? (Qu’est-ce que les Lumières ?), publié en 178415.
8Lors de son premier cours de l’année précédente au Collège, le 5 janvier 1983, Foucault, voulant faire le point sur la trajectoire à venir de son séminaire, cite ce texte de Kant, qui définissait l’Aufklärung comme la sortie de la minorité pour l’humanité, célébrée avec des accents qui évoquent presque le Gai savoir. La minorité (Unmündigkeit, qu’on pourrait aussi traduire par « irresponsabilité ») est « l’incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’un autre16 ». Si l’on tient compte de l’insistance de Foucault sur le caractère programmatique du texte kantien pour sa propre recherche depuis déjà plusieurs années17, on comprend mieux sa représentation des choses. Il avait, avec les Lumières, un point de sortie ; il lui fallait un point d’entrée. Il le trouve dans le monachisme chrétien. Cette construction en symétrie, opposant deux pôles, explique le durcissement du trait qui est forcé pour être plus visible. L’ascétisme chrétien monastique a aboli non seulement la confiance en soi de l’individu antique, mais même la confiance en Dieu du juif de l’Ancien Testament et du chrétien du Nouveau Testament. Ce modèle nouveau est imposé à l’humanité jusqu’au temps des Lumières.
9Telle est, me semble-t-il, la symétrie qui explique en partie cette caricature, et sur l’importance de laquelle il faut insister pour comprendre un peu mieux pourquoi Foucault a fait certains choix dans l’histoire chrétienne de la parrêsia. Naturellement, le patrologue pour sa part constate que la parrêsia est restée plus multiforme que Foucault ne le dit, même dans les milieux monastiques. Il vaut la peine de rappeler quelques textes pour le montrer.
LA PARRÊSIA CHRÉTIENNE : UNE DIVERSITÉ MAINTENUE
10Il y a, d’abord, le thème bien connu de la parrêsia des évêques qui, y compris à l’époque post-constantinienne, n’hésitent pas le cas échéant, pour le bien de leur peuple ou pour garder sauve la doctrine, à affronter le pouvoir impérial. L’un des exemples les plus connus est celui de Basile de Césarée parlant « avec parrêsia aux empereurs », comme le rappelle fièrement son frère cadet Grégoire de Nysse dans l’éloge funèbre qu’il prononce vers 38018. Ce thème, qui prend un peu la suite de la parrêsia du martyr (que rappelle Foucault dans Le courage de la vérité19), n’était probablement pas ignoré de lui20, mais il ne lui donne guère de place parce qu’il ne lui permettait pas de mettre en évidence l’opposition qu’il définira entre les deux pôles, le pôle parrèsiastique, qu’il situe du côté des mystiques et qui se trouve en marge de l’institution, et le pôle antiparrèsiastique, que développe le monachisme, apprenant au croyant à se défier de lui-même. Or, la parrêsia des évêques se trouve bel et bien au sein de l’institution, du côté de la charge pastorale.
11Reconnaissons ensuite qu’à première vue, la comparaison des passages du Nouveau Testament avec les textes monastiques sur la parrêsia est un peu violente, et semble donner raison à Foucault. Mais d’autres textes peuvent attester dans ce milieu une parrêsia positive. Foucault cite l’un ou l’autre, mais sans les associer au monachisme, car ils émanent d’évêques qui vivent dans le monde et sont par ailleurs des écrivains cultivés, comme Grégoire de Nysse ou Jean Chrysostome, à première vue éloignés du monde monastique des Apophtegmes où l’on constate un fréquent illettrisme. Néanmoins, c’est le principe même de cette séparation qu’il faut discuter, car il durcit trop la situation. En réalité, ces auteurs sont proches du monachisme, d’autant plus que les évêques se recrutent alors fréquemment parmi les moines. L’historien du christianisme ancien ne souscrit donc plus à la représentation de moines massivement incultes et hostiles à l’éducation : le milieu monastique, à commencer par Antoine lui-même21, est culturellement plus divers qu’on ne l’a souvent cru.
12Quelle conception de la parrêsia révèle donc ce milieu, à la frontière (poreuse) du monachisme et du pastorat ? Plusieurs auteurs la relient à la conduite juste, qui permet d’avoir ou de retrouver la parrêsia devant Dieu : la conscience pure illumine la vie par cette lampe qu’est la parrêsia, dit Grégoire de Nysse22 ; quand on est un juste, on a le regard d’un homme libre et une indicible parrêsia, dit Jean Chrysostome23. Foucault avait repéré déjà ce sens chez Philon24, c’est au fond un sens biblique qui prolonge l’usage grec. Ce n’est évidemment pas contre cette parrêsia-là que les Pères du désert mettent en garde ; ils restent conscients de la diversité sémantique du mot.
13On peut voir une illustration de cette attitude ambivalente vis-à-vis de la parrêsia dans une version un peu retouchée de la finale du bref traité des Vices opposés aux vertus d’Évagre le Pontique. Évagre est aussi un trait d’union entre le monde du désert et celui de la culture, puisque cet origéniste lettré fut moine dans le désert des Cellules (Kellia) en Égypte, là où les Apophtegmes ont en partie pris forme. Il peut dire dans la même page : « L’envie est ruse de la parrêsia » (il s’agit de la parrêsia liée à la tromperie), et « L’absence d’envie est pureté de la parrêsia25 ». Cette dualité ne recoupe pas complètement la distinction entre une parrêsia « verticale », vis-à-vis de Dieu, qui serait restée une vertu, et une parrêsia « horizontale », entre humains, qu’il faudrait rejeter26, même si la parrêsia qu’on loue est le plus souvent cette parrêsia verticale.
14La prière l’illustre au mieux27 : elle est le moment où l’individu se tient devant Dieu et exerce sa liberté d’entrer personnellement en relation avec lui, mieux, d’appeler Dieu son Père. Plusieurs auteurs soulignent en commentant la prière du « Notre Père » qu’il y faut une forte dose de parrêsia. Jean Cassien, qui traduit la parrêsia grecque par le mot fiducia, évoque la fiducia petitionis, la confiance que donne, ou que manifeste, la prière, et qu’accompagne l’exauditionis fiducia, la confiance (la certitude) d’être entendu. Jean de Gaza, ermite du début du vie siècle, répond à la question : si je suis malade, dois-je consulter un médecin ou faire confiance à la sainteté des saints (c’est-à-dire à leur intercession, dans la prière) ? La bonne réponse est évidemment la seconde, qui manifeste la foi, alors que la première trahit un manque de foi, une défiance envers Dieu. La seconde procure la parrêsia envers Dieu, la première laisse aparrêsiastos, privé de parrêsia28. Cela dit, son ami Barsanuphe délivre un message un peu différent quand il répond à quelqu’un qui lui demande s’il faut recourir aux médicaments au lieu de se contenter de prier : si on use de médicaments, dit-il, c’est aussi dans la confiance que Dieu va nous guérir, de toute façon par une voie ou une autre c’est sa volonté qu’on accepte29. La confiance en Dieu n’est pas exclusive de la confiance dans le savoir humain, la verticalité et l’horizontalité ne s’opposent pas. Dans cette littérature monastique, on trouve souvent une affirmation et son contraire, car une réponse donnée par un maître spirituel provient d’un discernement exercé sur un cas concret et non de principes généraux.
RÉEXAMEN DE LA LECTURE FOUCALDIENNE
15Foucault a sans doute sous-estimé, en particulier, le poids des usages et acceptions néotestamentaires du mot quand il semble supposer que le monde monastique aurait pu les oublier, voire les renier en rejetant globalement la parrêsia ; un verset comme 1 Jn 4, 17 : « Nous avons parrêsia au jour du jugement », était dans toutes les mémoires. Cela lui fait écrire une histoire de la parrêsia chrétienne plus théorique que réelle30, voyant des évolutions et des refus là où il y a plutôt cohabitation et ambivalence dans les usages du mot et les domaines de sa pratique. De plus, parler de « pôle anti-parrêsiastique » suppose d’avoir précisé de quelle parrêsia il s’agit, puisque les textes monastiques cités par Foucault ne visent que la parrêsia horizontale.
16Il dit dans son dernier cours, à propos du mouvement ascétique :
La parrêsia commence alors à apparaître avec une valeur ambiguë. Et jusqu’à un certain point, cette ambiguïté des valeurs de la notion de parrêsia reprend et amplifie celle que l’on avait déjà remarquée chez les Grecs, lorsqu’elle était apparue comme étant aussi bien le courage de l’individu vertueux à s’adresser aux autres et à essayer de les ramener de leur erreur vers la vérité, que la liberté de parole, le désordre, l’anarchie qui fait que chacun peut dire tout et n’importe quoi31.
17Mais dans la démocratie grecque, la parrêsia pouvait se dégrader en licence : c’était la même situation, le même type de locuteurs et le même type de destinataires, avec un glissement qui transformait l’usus en abusus. Or nous n’avons pas cela dans les textes chrétiens : la parrêsia qui est valorisée dans le NT ou chez les premiers auteurs est la parrêsia devant Dieu, qui a sa source dans le Christ et permet éventuellement d’affronter les autres hommes et leur pouvoir ; celle que critiquent les moines est la parrêsia horizontale, vis-à-vis des autres humains. Il ne faut donc pas parler d’évolution là où il y a en fait juxtaposition de deux attitudes devant deux objets distincts. De plus, on l’a suggéré plus haut, on ne peut assigner tout à fait tel type de parrêsia à tel milieu. D’un point de vue méthodologique, on a l’impression que Foucault fait tantôt l’historique d’un type de situation (la relation de direction, la situation d’aveu), tantôt l’historique des emplois de parrêsia qu’il trouve dans les textes, autrement dit qu’il oscille entre les mots et les choses, ce qui donne un caractère hétérogène à ses observations. Le mieux pour envisager l’évolution de la parrêsia chrétienne est de la replacer dans le cadre général où elle est pensée chez les auteurs chrétiens anciens, celui de l’histoire du salut (ce que Foucault esquisse lui-même dans Le courage de la vérité32). Elle est, comme le paradis, un état perdu et retrouvé – ou retrouvable.
LA PARRÊSIA DANS L’HISTOIRE DU SALUT
18Chrysostome commentant la Genèse dit qu’avec la faute, nous avons été déchus de la parrêsia, comme nous avons été déchus (il emploie le même verbe) de la domination sur la création, et c’est pourquoi nous craignons à présent les bêtes sauvages. Grégoire de Nysse affirme que l’homme sauvé retrouve la parrêsia, qu’il est remis dans la lumière, au lieu de se cacher par honte comme il l’avait fait au paradis33 ; car la honte (αἰσχύνη) est le symétrique, le contraire de la parrêsia. Une homélie du début du ve siècle transmise sous le nom de Chrysostome oppose nettement les deux, qui correspondent aux deux temps de l’histoire du salut : « Tu as vu la parrêsia à l’extérieur du paradis ? Tu as vu la honte à l’intérieur34 ? » La honte au paradis est celle d’Adam qui se cache à l’appel de Dieu après sa faute ; tandis qu’on observe hors du paradis la fierté retrouvée de l’être humain sauvé par le Christ. L’homéliste poursuit la symétrie : au paradis Dieu revêt Adam de tuniques de peau (Gn 3, 21), tandis que hors du paradis, selon Paul, le baptisé a « revêtu le Christ » (Ga 3, 27). Juste avant, il rappelait que « nous reflétons à visage découvert la gloire du Seigneur » (2 Co 3, 18). Nous trouvons le même contexte et le même dossier scripturaire dans le Traité de la virginité de Grégoire de Nysse : « Devenons ce qu’était le premier humain en sa première vie. Qu’était-il donc ? Il était nu, dépourvu de tout vêtement de peaux mortes, regardait avec une libre assurance (parrêsia) le visage de Dieu35… » C’est la conscience pure qui procure la parrêsia, celle qui provient de la justice et des œuvres : l’idée est particulièrement chère au monde monastique, qui s’exerce sans cesse dans la pratique des œuvres pour annuler l’héritage de la faute d’Adam.
19Bien entendu, la conscience pure n’est jamais un acquis ni la certitude d’un droit au salut. Le croyant, dit Chrysostome, doit sans cesse s’estimer privé de parrêsia (aparrêsiastos, un mot qu’il emploie beaucoup) pour avoir la vraie parrêsia36. Il précise que cette assurance peut s’obtenir même par une conversion de dernier moment, qui rend aussi confiant devant Dieu que toute une vie de droiture37. La conscience pure n’est pas le résultat d’un mérite mais le fruit d’une totale remise de soi à Dieu. Nous sommes bien dans la logique biblique plutôt que grecque, et il est évident que les moines n’ont jamais renié cette parrêsia-là. Cela ne les empêche pas de prôner l’aparrêsiaston, l’absence de parrêsia : la chose et son contraire sont alternativement valorisées selon le cas. La parrêsia n’est pas un en-soi ; détournée de sa source, elle devient vice, d’où l’ambivalence du mot. Foucault constate cette ambivalence, mais ne l’interprète pas de la même façon.
RETOUR À FOUCAULT
20À titre d’hypothèse formulée dans son dernier cours38, il voit deux grands critères de différenciation entre la parrêsia cynique ou platonicienne et la parrêsia chrétienne : d’une part, le fait que les chrétiens se réfèrent à un « autre monde » (et non un monde autre, un monde à réformer), et du coup le problème numéro un devient l’accès à cet autre monde, autrement dit le salut ; d’autre part, l’importance essentielle de l’obéissance comme voie de salut. D’où son diagnostic de rupture :
Cette parrêsia, qui était donc devenue cette espèce de rapport de confiance, d’ouverture du cœur qui pouvait lier l’homme à Dieu, va disparaître comme telle, ou plutôt elle va réapparaître comme confiance sous le jour d’un défaut, sous le jour d’un danger, sous le jour d’un vice39.
21Exit la confiance en Dieu dont il parlait encore quelques minutes auparavant en citant Jérôme ou Grégoire de Nysse. C’est pourtant sur elle que l’ascèse monastique aussi est fondée : tout mépriser en vue du salut attendu de Dieu seul. Quand il est recommandé au novice de fuir une certaine parrêsia, le ressort n’en est pas, comme le suggère Foucault, « l’obéissance craintive » à Dieu accompagnée d’un « déchiffrement soupçonneux de soi40 », mais cette attente du salut. L’ascèse, l’exercice du moine, est un long travail sur soi, et non une capitalisation de mérites en vue d’une comptabilité finale advenant dans un futur absent, disjoint de soi, sur lequel on n’aurait aucune prise.
CYNISME OU CHRISTIANISME
22La continuité41 entre la parrêsia chrétienne et la parrêsia cynique, que Foucault voyait dans la séance du 29 février42, en montrant qu’il s’agissait dans les deux cas d’un parler-vrai qui s’exprime, en deçà du discours, par un mode de vie, un engagement de toute l’existence, a disparu dans la dernière séance du cours, peut-être à cause de l’accent mis sur l’obéissance comme phénomène nouveau et discriminant. Foucault y voyait probablement la racine des processus futurs de domination et de pouvoir de l’institution. Dès son cours du 19 mars 1980 il déclarait sans ambages : « L’examen de conscience [est] au fond destiné à donner prise au dirigeant sur le dirigé et offrir au dirigeant une connaissance de l’individu que seul l’individu peut exercer sur lui-même et à partir de lui-même43. » Si l’on souscrit volontiers à la deuxième partie de la phrase, la première surprend par la réduction brutale de la procédure d’examen au point de vue du dirigeant dans l’oubli de celui du dirigé, comme si ce n’était pas lui qui était à l’origine de l’action, ce qui est le cas au moins dans le monachisme ancien, où c’est le dirigé qui choisit, d’une part d’être dirigé, d’autre part celui qui va le diriger, le tout procédant de son choix fondamental et libre de la vie monastique. Foucault marque ici davantage la rupture avec la direction grecque de conscience, alors qu’en 1980 il avait tendance à rapprocher de la tradition grecque même le monachisme, à cause précisément de ce phénomène de la direction de conscience44. Nous vérifions là que Foucault est tantôt dans une démarche de généalogie de l’aveu, tantôt dans une démarche d’historien de la culture relevant les déplacements entre grecs et chrétiens, et que cela infléchit différemment son discours, d’où cette impression de contradiction.
23De fait la direction spirituelle des moines n’est pas sans continuité avec la direction de conscience philosophique de jadis, car pour le disciple, l’obéissance, volontaire, est bien une remise de soi au père spirituel et à son discernement, pour profiter de son expérience, et non d’abord une méfiance vis-à-vis de sa propre humanité. La confiance en Dieu devient confiance en celui que Dieu envoie (le supérieur, l’ancien) pour répondre au désir de progresser et d’acquérir la véritable parrêsia. Si celle-ci est espérance de salut, l’obéissance n’en est pas le contraire, mais le moyen : « Vois-tu quelqu’un tomber ? Sache qu’il s’est dirigé lui-même45 », dit Dorothée de Gaza.
24La parrêsia chrétienne reste donc en son fond une réalité positive, même si une autre acception, négative, s’est juxtaposée à la première. Elle reste aussi une attitude fondamentale de l’existence, comme Foucault l’avait repéré à plusieurs reprises46. Enfin elle réassume à sa manière la dimension civique de la parrêsia grecque où l’orateur s’exprimait pour le bien de la cité, et le philosophe pour le bien de celui qu’il conseillait : Jean Chrysostome aime louer en ce sens la parrêsia prophétique47 ; il a peut-être oublié, ou voulu oublier, ses origines grecques, car il consacre ailleurs un long développement à comparer la parrêsia du martyr chrétien à celle de Diogène le cynique, pour convaincre son auditoire que la parrêsia du martyr qui a confessé la foi devant l’empereur a été utile aux autres en entraînant leur conversion, tandis que celle de Diogène provoquant Alexandre n’était qu’une inutile forfanterie48. L’histoire de la parrêsia brossée par Foucault mérite d’être reprise pour n’être pas pensée d’abord en termes de rupture ou de remplacement d’une anthropologie par une autre. Le monde monastique n’a pas noirci ou rétréci un horizon naguère brillant, il a inventé des moyens de progresser, sans illusion ni complaisance, et prôné au désert des comportements parfois aussi provocants et rebutants que ceux des cyniques, et orientés vers le salut de soi et de l’autre. Malgré leur austérité et leur négation apparente des valeurs et des modes du vivre ensemble, les austères vieillards du désert étaient habités par une vision pleine d’espérance de l’être humain comme liberté blessée, dont la tâche ultime était précisément de restaurer la confiance.
25On peut supposer que si Foucault en avait eu le temps, il aurait repris autrement les données de son dernier cours, comme il l’avait souvent fait d’une année sur l’autre, pour y introduire des nuances et en redessiner les contours. Mais il n’a pas pu revenir sur ces hypothèses ultimes, jetées comme une bouteille à la mer. À nous de le faire en engageant avec lui la discussion dont il rêvait à la fin de chacun de ses cours.
Notes de bas de page
1 Entre autres Frédéric Gros, « La parrêsia chez Foucault (1982-1984) », dans Id. (dir.), Foucault. Le courage de la vérité, 2e éd, Paris, Puf, 2012, p. 155-166 ; Maria Andrea Rojas, Michel Foucault : la « parrêsia », une éthique de la vérité, thèse sous la direction de Frédéric Gros, université Paris-Est, 2012, disponible sur HAL ; les articles de Laura Cremonesi, Arianna Sforzini et Judith Revel, dans Daniele Lorenzini, Ariane Revel, Arianna Sforzini (dir.), Michel Foucault : éthique et vérité 1980-1984, Paris, Vrin, 2013 ; Carlos Lévy, « Parrêsia », dans Jean-François Bert, Jérôme Lamy (dir.), Michel Foucault. Un héritage critique, Paris, CNRS Éditions, 2014, p. 143-152 ; Laura Cremonesi, « La lecture foucaldienne de la parrêsia chrétienne », dans Jean-François Bert (dir.), Michel Foucault et les religions, Paris, Le Manuscrit, 2015, p. 71-85 ; les « Situations de cours » rédigées par Frédéric Gros pour les deux dernières années de cours au Collège de France : Le gouvernement de soi et des autres, éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2008, p. 348-361, et Le courage de la vérité. Le gouvernement de soi et des autres II, éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2009, p. 314-328 ; et celle des conférences de Louvain de 1981 rédigée par Fabienne Brion et Bernard E. Harcourt, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice, Chicago/ Louvain, University of Chicago Press/Presses universitaires de Louvain, 2012, en particulier p. 287-305 ; en tout dernier lieu, Michel Senellart, « Le concept chrétien de parrhèsia, de Peterson à Foucault », dans Marie-Céline Isaïa (dir.), Liberté de parole. La critique politique des élites religieuses. Islam, Byzance, Occident (viiie-xiiie siècle), à paraître, Turnhout, Brepols ; je remercie Michel Senellart de m’avoir communiqué son texte inédit).
2 Michel Senellart, « Michel Foucault : une autre histoire du christianisme ? », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, hors-série, 7, 29 mars 2013 (http://cem.revues.org/12872, consulté le 20 décembre 2018), § 16.
3 C’est la conviction de Philippe Chevallier, « Michel Foucault et le “soi” chrétien », Astérion, 11, 18 juillet 2013 (http://asterion.revues.org/2403, consulté le 20 décembre 2018), qui écrit : « Pour autant, c’est bien la question de l’aveu qui a conduit Foucault vers les terres chrétiennes » (§ 15).
4 Déjà cette parrêsia antique l’avait amené à déplacer son projet premier qui était de limiter l’étude de la parrêsia à l’histoire de l’aveu, comme il s’en explique dans son cours du 1er février 1984, voir Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 9-10.
5 Ibid., p. 308.
6 Il s’inspire en cela du livre de Giuseppe Scarpat, Parrhesia. Storia del termine e delle sue traduzioni in latino, Brescia, Paideia, 1964, qui conclut de cette façon. Voir Laura Cremonesi, « La lecture foucaldienne de la parrêsia chrétienne », art. cité, p. 76.
7 Il est possible, bien qu’il ne le cite pas, que Foucault ait utilisé l’article « Parrhèsia » (par Pierre Miquel) du Dictionnaire de spiritualité, t. 12-1, Paris, Beauchesne, 1984, col. 260-267 ; le tome entier est de 1984, mais le Dictionnaire paraissait en fascicules, et celui contenant l’article « Parrhèsia » est de 1983. Foucault a pu le voir au moment même où il élaborait sa dernière saison de cours. Miquel donne un certain nombre de références patristiques qui, pour certains auteurs (Philon, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome, Dorothée de Gaza), coïncident largement avec celles de Foucault. Mais il se peut aussi que Foucault ait trouvé toutes ces références dans le livre de Giuseppe Scarpat, qui fut sa première base de travail.
8 Dorothée de Gaza, Instructions, IV, 52, dans Œuvres spirituelles, 2e éd, Paris, Cerf (SC, 92), 2001, p. 233 (les chap. 52 et 53 de l’Instruction, VI, p. 231-235, sont consacrés à la parrêsia, opposée à la crainte de Dieu).
9 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 305-306.
10 Voir par exemple Les Apophtegmes des Pères. Collection systématique, éd. par Jean-Claude Guy, Paris, Cerf (SC, 474), 2003, t. 2, X, 11, p. 20.
11 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 304.
12 Sur les approches successives, et pas toujours semblables, du monachisme par Foucault, on peut se reporter à la thèse de Philippe Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, Lyon, ENS Éditions, 2011, ici p. 292-320.
13 Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France (1979-1980), éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2012, p. 123-124. Curieusement, le monachisme (dont Foucault ne parle pas ici) se trouve rapproché du protestantisme de ce point de vue de l’inquiétude.
14 Ibid., p. 220-222.
15 Kant répondait à la question lancée publiquement par le jeune mensuel Berlinische Monatsschrift, à laquelle venait de répondre aussi Moïse Mendelssohn (mais Kant n’avait pas lu son texte, comme il le précise dans une note finale). L’article de Kant est daté du 30 septembre 1784, mais paraît dans la livraison de décembre, aux pages 481-494.
16 Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 25.
17 Voir ce qu’en dit aussi Judith Revel, « Promenades, petits excursus et régimes d’historicité », dans Daniele Lorenzini, Ariane Revel, Arianna Sforzini (dir.), Michel Foucault : éthique et vérité, op. cit., p. 161-175. Il faut préciser que Foucault avait déjà longuement parlé sur ce texte de Kant, dès 1978, dans une conférence prononcée devant la Société française de philosophie le 27 mai ; texte dans Foucault, Qu’est-ce que la critique ? suivi de La culture de soi, éd. par Henri-Paul Fruchaud, Daniele Lorenzini, Paris, Vrin, 2015, p. 33-70, et « Introduction », p. 11-26.
18 Grégoire de Nysse, Éloge de Basile, Paris, Cerf (SC, 573), 2014, 10, p. 249, l. 19.
19 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 302.
20 Les travaux de Peter Brown commencent alors à mettre en lumière cette parrêsia épiscopale, qu’il expose en 1992 dans Power and Persuasion in Late Antiquity, Madison, University of Wisconsin Press, 1992, trad. fr. Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, Paris, Seuil, 1998. Brown avait eu l’occasion d’en ébaucher quelques éléments lors de conférences données au Collège de France en juin 1982 sur l’invitation de Paul Veyne. Je remercie mon ami Michel Perrin pour ce renseignement. En juin 1982, Foucault n’a pas pu écouter Brown, puisqu’il se trouvait à Toronto d’après la chronologie de Daniel Defert dans DE 1, p. 60. Mais il allait fréquemment à Berkeley où Brown était alors professeur ; il avait même envisagé d’y finir sa carrière, et a certainement eu l’occasion de discuter des travaux de l’historien.
21 Voir par exemple le travail de Samuel Rubenson, The Letters of St Antony. Origenist Theology, Monastic Tradition and the Making of a Saint, Lund, Lund University Press, 1990, qui défend l’authenticité des Lettres d’Antoine (niée habituellement au prétexte qu’Antoine était illettré) et montre, p. 141-142, que le passage de la Vie d’Antoine par Athanase concernant son ignorance des lettres peut être interprété autrement.
22 Grégoire de Nysse, In Canticum canticorum, hom. 11, dans Gregorii Nysseni Opera, t. 6, Leyde, Brill, 1960, p. 317, l. 13.
23 Jean Chrysostome, Sur la providence de Dieu, Paris, Cerf (SC, 79), XXIV, 1, 2, p. 272.
24 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 298 (Philon, De specialibus legibus, Paris, Cerf, 1975, I, 203, p. 131).
25 Évagre le Pontique, Les vices opposés aux vertus, éd. par Charles-Antoine Fogielman, Paris, Cerf (SC, 591), 2017. La première expression se trouve en 8, l. 3, p. 430, et la seconde en 8, l. 3 de la finale A2, p. 436.
26 Voir Laura Cremonesi, « La lecture foucaldienne de la parrêsia chrétienne », art. cité, p. 81-84.
27 Le lien entre parrêsia chrétienne et prière avait déjà été souligné dans l’article fondateur de Erik Peterson, « Zur Bedeutungsgeschichte von Παρρησία », dans Festschrift Reinhold Seeberg, Leipzig, D. Werner Scholl, 1929, p. 283-297. Voir là-dessus Michel Senellart, « Le concept chrétien de parrhèsia, de Peterson à Foucault », art. cité.
28 Barsanuphe et Jean de Gaza, Correspondance, t. 2-2, Paris, Cerf (SC, 451), 2001, lettre 532, p. 672, l. 23-26.
29 Ibid., lettre 508, p. 634.
30 Je rejoins le jugement porté par Michel Senellart, « Le concept chrétien de parrhèsia de Peterson à Foucault », art. cité : « La parrhèsia chrétienne telle qu’il l’entend, en effet, ne correspond nullement aux usages réels du mot dans la littérature des premiers siècles. » L’auteur repère lui aussi une sorte de mise en symétrie des phénomènes (le christianisme marquant le passage du « dire vrai aux autres » au « dire vrai sur soi-même ») qui pourrait, là aussi, avoir substitué au réel une vision un peu théorique, mais construite de façon plus lisible.
31 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 302.
32 Ibid., p. 303-304.
33 Grégoire de Nysse, Sur les titres des psaumes, Paris, Cerf (SC, 466), 2002, 71, p. 454, l. 38.
34 Pseudo-Chrysostome (Sévérien de Gabala ?), Sur l’aveugle-né (De caeco nato), Patrologia Graeca 59, col. 545, l. 33-35.
35 Grégoire de Nysse, Traité de la virginité, Paris, Cerf (SC, 119), 1966, XII, 4, p. 417-419, l. 4-6, cité dans Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 303.
36 Jean Chrysostome, Sur l’incompréhensibilité de Dieu, Paris, Cerf (SC, 28bis), 1970, V, 487- 490, p. 312. « Cultive l’aparrêsiaston et tu seras sauvé », dit Barsanuphe dans sa lettre 257, l. 33- 34 (Barsanuphe et Jean de Gaza, Correspondance, 2, Aux cénobites, Paris, Cerf [SC, 450], 2000, t. 1, p. 224).
37 Jean Chrysostome, Homélies sur la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte, Paris, Cerf (SC, 562), 2014, t. 2, Hom. Ascension 5, p. 196-198, l. 111-120.
38 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 292-293.
39 Ibid., p. 305.
40 Ibid., p. 308.
41 La critique même de la parrêsia offre une autre continuité, car le monachisme ne manquait pas de précédents grecs pour dénoncer les excès de la démocratie. Cette attitude est bien rappelée par Carlos Lévy, « Parrêsia », art. cité, p. 149-150.
42 Foucault, Le courage de la vérité, op. cit., p. 166-169.
43 Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 247.
44 « C’est dans le monachisme, précisément, et pas dans le christianisme en général, que ces techniques de la vie philosophique ont été remises en activité… » (ibid., p. 253). « Les accents [de l’examen de conscience…] se modifient assez brusquement au cours du ive siècle » (ibid., p. 252).
45 Dorothée de Gaza, Instructions, V, 66, dans Œuvres spirituelles, 2e éd, éd. par Lucien Regnault et Jacques de Préville, Paris, Cerf (SC, 92), 2001, p. 259.
46 Il le dit à propos de Philon dans Le courage de la vérité, op. cit., p. 298 ; à propos du NT, p. 300 ; et précédemment, dans son cours du 29 février 1984, à propos de l’éloge de Maxime le cynique par Grégoire de Nazianze (Le courage de la vérité, op. cit., p. 159-160).
47 Voir Gerard J. M. Bartelink, « Παρρησία dans les œuvres de Jean Chrysostome », dans Elizabeth A. Livingstone (dir.), Studia Patristica, t. 16, Berlin, Akademie-Verlag (TU 129), 1985, p. 441-448 (p. 447 pour la parrêsia prophétique).
48 Jean Chrysostome, Discours sur Babylas, Paris, Cerf (SC, 362), p. 147-155 et 45-49. Tout à son opposition, Chrysostome ne semble reconnaître aucun caractère éducatif à l’ascèse cynique alors que celle-ci revendiquait d’être utile à tous, comme le soulignait Foucault dans son cours du 21 mars 1984 (Le courage de la vérité, op. cit., p. 256-257). Le texte de Grégoire de Nazianze auquel Foucault renvoyait le 29 février (ibid., p. 160) insistait, lui, sur l’utilité sociale du cynique (Discours 24-26, Paris, Cerf [SC, 284], 25, 4-5, p. 167), ce qui montre une divergence entre auteurs chrétiens de la même époque et de la même culture. Le cynisme, du reste, faisait aussi l’objet d’une relecture parfois déformante chez un païen comme l’empereur Julien. Là-dessus, et sur la façon dont Foucault appréhendait ce phénomène, voir Marie-Odile Goulet-Cazé, « Michel Foucault et sa vision du cynisme dans Le courage de la vérité », dans Daniele Lorenzini, Ariane Revel, Arianna Sforzini (dir.), Michel Foucault : éthique et vérité, op. cit., p. 105-124.
Auteur
Est chargé de recherche au CNRS, Institut des Sources chrétiennes, UMR HiSoMA (Histoire et sources des mondes antiques). Il a récemment publié « La polémique de Justin contre les juifs. Poursuite d’un dialogue », dans Guillaume Bady, Diane Cuny (dir.), Les polémiques religieuses du ier au ive siècle de notre ère. Hommage à Bernard Pouderon (Beauchesne [Théologie historique, 128], 2019, p. 177-187) ; Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur Jean I (livre I), texte grec, introduction, traduction, notes et index par B. Meunier (Cerf [Sources chrétiennes, 600], 2018).
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