L’exégèse d’une exégèse
Foucault, lecteur de Chrysostome
p. 139-158
Texte intégral
1Le second livre de Samuel (chap. 11-12) contient une histoire célèbre d’adultère, d’homicide et de rédemption. Le roi David, une fois maître de Jérusalem, ne peut résister à la passion qu’il éprouve pour Bethsabée, la femme d’un de ses soldats. Il commet l’adultère. Bethsabée tombe enceinte. David fait assassiner le mari. Le prophète Nathan lui fait la leçon en lui racontant l’histoire d’un pauvre, qui n’avait qu’une agnelle, et d’un riche, qui avait petit et gros bétail. À un hôte de passage, le riche offre l’agnelle du pauvre, au lieu de prendre sur ses propres biens. David se récrie et condamne le riche. Nathan retourne alors la condamnation contre le roi : « C’est toi qui as fait cela. » David fait aussitôt pénitence. Dieu, par Nathan, lui pardonne aussitôt, non sans annoncer que l’enfant de Bethsabée ne vivra pas1.
2Foucault s’intéresse aux commentaires que cette péricope a suscités dans l’Antiquité chrétienne. À deux reprises dans les Aveux de la chair, il y trouve la confirmation d’une de ses thèses fondamentales, à savoir que se serait mise en place, chez les Pères, l’idée qu’il n’y a pas de rémission des fautes sans confession des fautes, et qu’il n’y a pas de confession authentique sans adhésion profonde à une certaine vérité sur soi-même.
3Aux pages 99-100, Foucault évoque rapidement les commentaires d’Ambroise de Milan et de Jean Chrysostome2. L’annexe 3 revient plus en détail sur ce dernier3 et propose à cette occasion une lecture de la Deuxième Homélie sur la pénitence. Je reproduis ici le commentaire de Foucault, avec la note de bas de page qui l’accompagne – les italiques sont miens et seront expliqués plus loin :
À Caïn qui se tait, la tradition patristique oppose souvent deux autres personnages, Ève et David, qui tous deux ont reconnu leur faute. Dans la même seconde Homélie sur la pénitence, saint Jean Chrysostome évoque après le silence de Caïn, les aveux de David. En fait il dresse, autour de chacune des deux figures, deux cycles de la vérité et de la faute qui s’opposent terme à terme. Caïn connaissait sa faute ; David, prétend Chrysostome, ne connaissait pas la sienne ; et pour établir ce fait, que rien du texte biblique ne justifie, il évoque une conception « philosophique » de la passion : l’âme doit mener le corps comme l’âme conduit le char ; si elle est éblouie par quelque passion, ou si elle s’enivre, ou même si seulement elle fléchit dans son attention, elle ne sait plus où elle va, et le char bascule dans la boue. Il en fut ainsi de David qui enivré de passion ne sut pas qu’il était en train de pécher. Autre différence : c’est Dieu qui se présente à Caïn, Dieu tout puissant et à qui rien n’échappe ; c’est seulement Nathan qui se présente à David. Nathan est un prophète comme David ; il n’a sur lui nulle prééminence ; on dirait un médecin qui veut en soigner un autre ; et David aurait très bien pu, estime Chrysostome, le repousser en lui disant : « Qui es-tu ? Qui t’a envoyé…? Quelle audace te pousse…? » Nulle autorité en tout cas, nulle coercition n’a pu pousser David à parler malgré lui. Mieux : Caïn avait à répondre à la question qui déjà désignait son crime : où est Abel ? David, lui, s’entend proposer une fable : un riche pour épargner son propre troupeau tue la brebis d’un pauvre qui n’avait que ce bien. La fable, comme on le voit d’après Chrysostome, avait deux fonctions : épreuve pour le jugement du roi, apologue à déchiffrer pour l’identification du coupable. À l’épreuve, David répond en rendant lui-même la sentence : « l’homme qui a fait cela mérite la mort ». Quant à l’énigme, c’est bien Nathan qui la résout : c’est toi l’homme qui a fait cela ; mais David aussitôt accepte la désignation et vient occuper de lui-même par l’aveu la place que Nathan lui assigne : « J’ai péché contre l’Éternel ». En ses deux réponses, à l’épreuve et à l’énigme, David s’oppose à Caïn ; celui-ci avait nié la loi qui l’unissait (je n’en suis pas le gardien) ; et quand il avait fini par reconnaître la grandeur de son crime et demandé lui-même la sentence de mort, ce n’était pas au bon moment – en kairô –, c’était après coup, une fois que l’ait dénoncé la voix du sang. David, lui, avait commencé par dire la loi, rendre la sentence, et se condamner lui-même sans encore le savoir ; puis une fois la vérité découverte, il s’était placé de lui-même sous le coup de la sentence qu’il venait de prononcer. Ainsi fait « au bon moment », l’aveu de David apparaît avec ses deux faces, celle de la sentence formulée et acceptée, celle de la faute reconnue, et avec d’autant plus de mérite qu’il ne s’agit pas de détourner la sévérité d’une sentence que par avance on a soi-même décidée […] (AC, p. 398-399).
4Le statut de ce texte, donné en appendice par les éditeurs des Aveux de la chair, reste problématique. Dans quelle mesure représente-t-il le fin mot de Foucault sur ce commentaire de Chrysostome ? Le philosophe avait-il vraiment l’intention d’en faire quelque chose dans la version publiée de son livre ? Ces questions resteront sans réponse et, malgré la prudence qu’il convient d’observer, je me risquerai à mon tour à commenter ce commentaire – lui-même commentaire d’un commentaire.
5Foucault souligne le fait que Chrysostome oppose le cas de Caïn, qui connaissait sa faute, mais qui refusa de l’avouer, à celui de David, qui l’ignorait, mais qui sut pourtant la dire. Il s’attarde par ailleurs sur ce que Chrysostome a ajouté au texte biblique. D’abord, le motif de l’ignorance du roi à propos de ses fautes, que Chrysostome justifie d’une façon philosophique – quand la passion domine dans l’âme, celle-ci en est tout éblouie. Cette ignorance est très importante pour Foucault, parce qu’elle rendrait la sentence que David formule contre lui-même encore plus « pure », « ce qui fait de son aveu une découverte ». Foucault écrit que Chrysostome est peut-être influencé par le modèle de la tragédie grecque – il pense sans doute à l’Œdipe roi de Sophocle.
6Autre élément ajouté au texte biblique et qui retient l’attention de Foucault : la réaction d’hostilité qui aurait pu être celle de David face au prophète, pour rappeler que nulle contrainte ne pesait sur lui : ses aveux ont été spontanés, sincères, ils représentent bien une adhésion réelle à la vérité.
7Dernier élément : les propos que Chrysostome prête à Nathan pour étoffer le texte biblique – « Tu as eu la grandeur d’âme d’avouer ta faute… Tu as formulé ta propre sentence ». Ces mots, absents du texte biblique, permettent à Foucault de conclure qu’il y a bien dans le commentaire de Chrysostome l’idée que « l’aveu apparaît comme n’étant pas seulement la reconnaissance qu’on a commis une faute, mais l’adhésion profonde à la sentence qui la condamne ».
8La méthode de Foucault consiste donc à mettre en évidence les ajouts propres du chrétien par rapport au texte qu’il commente, et à retrouver, dans ces ajouts, les différents éléments d’une conception particulière de l’aveu. Foucault commente Chrysostome, non en historien de l’exégèse, mais en historien des idées : ce qui l’intéresse, dans le commentaire du chrétien, ce n’est pas sa démarche herméneutique en tant que telle, mais la conception de l’aveu qu’il laisse transparaître.
9Le commentaire de Chrysostome, il faut le souligner, occupe une place très importante dans les Aveux de la chair : parmi les nombreux textes patristiques qui y sont évoqués, aucun n’illustre de façon aussi éloquente et en même temps les deux aspects de la pénitence chrétienne selon Foucault – liaison entre salut et confession, liaison entre confession et connaissance de soi-adhésion à une vérité.
10Une autre raison explique l’intérêt de Foucault pour ce texte : le fait que s’y trouvent évoqués, et ensemble, les deux modèles qui, d’après Foucault, s’imposent dans l’Antiquité chrétienne pour penser la pénitence : le modèle médical et le modèle judiciaire. Nathan aurait agi comme un médecin, d’une part – sa fable, dit Chrysostome, avait la fonction d’un remède. Mais le contexte général est aussi celui d’un jugement. Si la métaphore médicale est absente du texte de la Septante, et ajoutée par Chrysostome, le contexte de la péricope est bien celui d’un jugement. Chrysostome rend à cet égard seulement plus explicite cet arrière-plan judiciaire, à travers les paroles qu’il prête à Nathan – Foucault relève la phrase « Tu as formulé ta propre sentence », mais il aurait pu citer également, juste avant, « Tu t’es condamné toi-même », ainsi que les mots qui, dans la réécriture de Chrysostome, introduisent l’apologue – « J’ai une affaire de justice à te soumettre » – mais qui, nous y reviendrons, viennent en réalité du texte biblique qu’il commente.
FOUCAULT COMPREND-IL CHRYSOSTOME ?
11Les deux points fondamentaux que Foucault met en évidence à partir du commentaire de Chrysostome – la liaison confession-salut-vérité sur soi et les deux modèles médical et judiciaire – sont tout à fait fidèles au texte du chrétien et ils auraient même pu, on vient de le voir, être étayés par d’autres passages du commentaire, que Foucault a laissés de côté.
12En revanche, au centre du commentaire de Foucault, se trouve un passage assez long – donné plus haut en italique – qui, après vérification, se révèle sans équivalent dans le texte de Chrysostome (depuis « Nulle autorité » jusqu’à « décidée »).
13Premier problème : Foucault, dans ce passage, fait une paraphrase dans laquelle les différents éléments du commentaire chrétien apparaissent dans un ordre qui n’est pas celui du texte source. Après avoir évoqué l’égalité de Nathan vis-à-vis de David – un prophète s’adressant à un prophète –, Chrysostome prêterait au roi des paroles par lesquelles, en vertu de cette égalité, c’est-à-dire de l’absence de prééminence de Nathan, il aurait pu repousser le prophète. Foucault en conclut que David a parlé librement, sans contrainte, ce qui augmente, bien sûr, la spontanéité et la sincérité de ses aveux.
14Or, chez Chrysostome, les paroles prêtées au roi, celles qui auraient pu lui permettre de repousser Nathan, n’interviennent pas avant l’apologue, mais après, ce qui change tout, car ces paroles n’ont en fait rien à voir avec l’égalité des deux personnages que l’exégète soulignait plus haut. Cette égalité, pour Chrysostome, était à la fois homéopathique et stratégique. Homéopathique : il revenait à un prophète de soigner un autre prophète. Stratégique : Nathan savait que, s’il prenait le roi de haut, celui-ci réagirait d’une façon impudente. Autrement dit, le ton pris par Nathan, d’après Chrysostome, n’a pas pour fonction de libérer le roi de toute contrainte, mais tout au contraire, de l’obliger à confesser sa faute. Les paroles que Chrysostome imagine que le roi aurait pu dire après l’apologue de Nathan servent bien à montrer qu’il avait le choix, qu’il aurait pu réagir autrement, et donc à suggérer sa liberté4, mais cette liberté de l’aveu fait suite à une situation pendant laquelle David a bel et bien été sous la contrainte de Nathan.
15Foucault, de fait, passe sous silence le rôle essentiel du prophète, tant dans la péricope biblique que dans le commentaire de Chrysostome. Foucault ne voit dans ce qu’il appelle la « fable » de Nathan qu’un test pour éprouver le jugement du roi et une énigme à résoudre. Et c’est David qui jouerait le grand rôle : il rend lui-même la sentence, il résout lui-même l’énigme. Or Chrysostome ne dit rien de tel. Dans le processus qui débouche sur la confession du roi, Nathan joue, pour Chrysostome, un rôle bien plus important que David. Chrysostome décrit son apologue comme un artifice rhétorique – Nathan « tisse le drame d’un procès », δρᾶμα δίκης ὑφαίνει5, et le mot δρᾶμα ne désigne pas seulement le cas qu’il soumet au roi, comme l’ont compris à tort certains traducteurs qui rendent le mot par « parabole », mais l’ensemble du scénario qu’il conçoit pour piéger le roi, entraîné malgré lui dans ce « drame », et contraint par cette saisine du prophète à rendre un verdict. Chrysostome souligne la préméditation et l’intelligence du prophète (« As-tu vu comment ici il tisse son drame, en tenant caché le fer dans l’éponge ? », Εἶδες πῶς ἐνταῦθα ὑφαίνει τὸ δρᾶμα τῷ σπόγγῳ ἐπικεκρυμμένον ἔχων τὸ σιδήριον ;). Quand David accuse le riche, Chrysostome, comme à son habitude, remplace le « Et Nathan dit » très sec de la Bible par un développement qui magnifie, encore une fois, l’attitude du prophète (« Il n’a pas ramolli son coup en laissant passer de nombreuses heures, mais tout de suite il le dévoile », Οὐκ ἐμάλαξε πολλαῖς ὥραις τὴν πλήγην ἀλλ’ εὐθὺς ἐκφαίνει).
16Et si c’est bien Nathan qui, pour Chrysostome, apparaît comme la cause première des aveux de David, l’attitude du roi, inversement, est entièrement conditionnée. D’abord, par les lois de la psychologie, évoquées deux fois dans le commentaire de Chrysostome – Nathan savait que les hommes refusent d’admettre leur faute quand on les prend de haut, et, inversement, qu’ils n’hésitent pas à rendre les sentences les plus sévères à propos des autres. Ensuite, par l’engrenage prémédité par Nathan, le fer caché sous l’éponge, qui, sans qu’il s’en aperçoive, oblige le roi à condamner le coupable, et donc à se condamner lui-même. Nathan apparaît clairement comme un manipulateur – ὑφαίνειν, traduit plus haut par « tisser », signifie aussi « ourdir », « manipuler ».
17Dans toute la première partie de la péricope, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il avoue qu’il a péché, David, d’après Chrysostome, n’est pas un homme libre qui remporte une « épreuve » ou qui résout une « énigme ». C’est un homme contraint, un patient soigné par un médecin, un élève guidé par un pédagogue6. Si une certaine liberté s’exerce ensuite dans l’expression de l’aveu, l’exercice de cette liberté n’est possible que parce que David a été conduit à avouer par le stratagème de Nathan.
18Nathan apparaît à cet égard, d’une certaine façon, comme un directeur de conscience, et il s’adresse au roi avec une liberté de parole, une parrêsia, qui n’étonne pas dans le cas d’un prophète, mais qui reste remarquable. Il est troublant de voir que Foucault n’a pas retenu ces deux aspects du texte biblique, qui touchent à deux thématiques qui par ailleurs l’intéressaient.
19La suite du commentaire de Foucault, ne trouve pas plus d’appui dans le texte du chrétien. Citons de nouveau le texte :
En ses deux réponses, à l’épreuve et à l’énigme, David s’oppose à Caïn ; celui-ci avait nié la loi qui l’unissait (je n’en suis pas le gardien) ; et quand il avait fini par reconnaître la grandeur de son crime et demandé lui-même la sentence de mort, ce n’était pas au bon moment – en kairô –, c’était après coup, une fois que l’ait dénoncé la voix du sang. David, lui, avait commencé par dire la loi, rendre la sentence, et se condamner lui-même sans encore le savoir ; puis une fois la vérité découverte, il s’était placé de lui-même sous le coup de la sentence qu’il venait de prononcer. Ainsi fait « au bon moment », l’aveu de David apparaît avec ses deux faces, celle de la sentence formulée et acceptée, celle de la faute reconnue, et avec d’autant plus de mérite qu’il ne s’agit pas de détourner la sévérité d’une sentence que par avance on a soi-même décidée (AC, p. 399).
20Chrysostome ne formule pas une comparaison aussi précise entre Caïn et David. Avant d’introduire les deux exemples bibliques – et non après, comme le laisse entendre Foucault –, il écrit simplement : « J’ai dans l’Écriture à la fois celui qui dit et qui détruit sa faute, et celui qui ne la dit pas et est condamné7. » D’après Chrysostome, donc, l’opposition entre Caïn et David est simplement une opposition entre celui qui n’avoue pas et celui qui avoue. Foucault lui prête un propos beaucoup plus précis : à la différence de Caïn, David a avoué « au bon moment », témoignant ainsi de son adhésion à la vérité qui le condamne. Il n’y a pourtant, dans le commentaire du chrétien, aucune remarque sur la temporalité des aveux respectifs de Caïn ou de David – et l’opposition entre les deux personnages n’est pas soulignée par Chrysostome à la fin de son commentaire, comme le suggère la réécriture de Foucault, mais au contraire, dans l’introduction des deux exemples de Caïn et de David.
21Dans tout ce passage, qui occupe la partie médiane de son commentaire, Foucault semble perdre de vue le texte de Chrysostome. Il lui prête des idées qui ne se trouvent pas dans son commentaire, voire qui les contredisent. Ses conclusions n’en sont pas pour autant invalidées. Foucault a raison de reconnaître, dans sa source, une liaison entre salut et confession, et entre confession et adhésion à la sentence. Mais il majore trop le rôle de David et minore trop celui de Nathan, suppose une comparaison entre Caïn et David qui n’est pas si précise chez Chrysostome, et propose in fine une analyse dans laquelle les éléments objectifs du commentaire chrétien se trouvent mêlés à des idées qui n’y sont pas présentes.
LA MÉTHODE DE FOUCAULT
22Le fait que Foucault sollicite quelque peu sa source est sans conséquence sur ses conclusions essentielles, mais soulève tout de même une question : que cherchait-il à faire précisément, et comment travaillait-il ? Quand le commentaire de Foucault n’a plus aucun appui dans son texte source, est-ce parce que Foucault cherche alors à se faire l’exégète de Chrysostome, c’est-à-dire à dégager les significations implicites de son texte, ou est-ce pour une autre raison ?
23J’ai le sentiment que, au moment où il écrit ces lignes, Foucault n’a plus le texte de Chrysostome sous les yeux. Je mettrais volontiers les écarts que j’ai relevés au compte d’un travail fait de mémoire, à partir de notes succinctes et peut-être prises rapidement.
24Un détail confirme cette hypothèse. Dans les citations qu’il tire de sa source, Foucault utilise plusieurs fois les trois petits points. Première remarque : Foucault ne reproduit pas tout, il veut aller vite, il ne retient que l’essentiel. Mais peut-être ces trois petits points viennent-ils aussi directement de notes prises par Foucault. J’ai pu vérifier cette hypothèse en consultant les archives Foucault conservées à la Bibliothèque nationale de France8. Dans les boîtes 20 et 24, qui contiennent les notes patristiques prises en vue de la rédaction des Aveux de la chair, ces trois petits points reviennent constamment. La boîte 24 contient, dans la chemise n° 4, une fiche intitulée « Chryso. Homélies sur la pénitence ». Elle contient quelques notes prises à propos du texte qui nous occupe, mais hélas, uniquement sur la partie consacrée à Caïn, et non sur la suite consacrée à David. S’il a existé d’autres notes relatives à cette suite, je n’ai pas pu les retrouver dans les archives conservées à la Bibliothèque nationale.
25Les fiches conservées confirment cependant que les trois petits points qui figurent dans les citations de Chrysostome faites dans la version définitive des Aveux de la chair proviennent directement de la prise de notes de Foucault. Ce détail, en apparence anodin, montre à quel point Foucault restait dépendant de ses fiches dans le travail de rédaction final. Très probablement, il n’a pas pris la peine, au moment de rédiger son commentaire, de retourner au texte de Chrysostome. Or ces fiches contenaient des éléments objectifs – des citations, identifiées comme telles par des guillemets – et des éléments de commentaire personnel. Cette méthode explique en grande partie, il me semble, comment ce qu’écrit Foucault peut parfois se trouver très éloigné du texte qu’il commente. Foucault part de notes écrites à chaud, dans lesquelles, après coup, il n’était sans doute plus en mesure de distinguer ce qui relevait du texte même et de sa glose – à moins, ce qui est possible aussi, que Foucault ait jugé cette distinction sans pertinence. Au moment de la rédaction finale, il peut avoir encore « brodé » sur ces remarques, et ajouter de la glose à la glose. La fiche correspondant à la Deuxième homélie sur la pénitence conclut une première série de notes sur le cas de Caïn par ces mots : « Opposition à David qui lui avoue sa faute ». Ce commentaire est fidèle à Chrysostome dans la mesure où ce dernier évoque bien l’opposition entre les deux personnages. Mais il le fait avant d’introduire l’exemple de Caïn, puis de David, et non après le passage sur Caïn, et par ailleurs cette note consiste à donner à l’idée d’opposition entre les deux personnages une importance qu’elle n’a pas dans le texte du chrétien, ce qui peut expliquer que, ensuite, reprenant sa note, Foucault ait été tenté d’approfondir cette idée, tout en pensant, peut-être, rester fidèle à Chrysostome. On tient ici un bon exemple de « sur-glose » – les idées personnelles de Foucault se retrouvent présentées, dans la version rédigée de son analyse, comme des éléments objectifs du commentaire de Chrysostome.
26À partir de quelle traduction Foucault travaillait-il ? Quand il cite le traité Sur la virginité ou le traité Sur le mariage unique de Chrysostome, on peut vérifier qu’il cite les traductions des Sources chrétiennes. Or les Homélies sur la pénitence n’étaient pas à l’époque, et ne sont toujours pas, disponibles dans cette collection. Je me suis demandé si Foucault avait utilisé les deux grandes traductions canoniques des œuvres de Chrysostome, celle de Jeannin et celle de Bareille, mais, pour les Homélies sur la pénitence, sa traduction ne dépend pas d’eux9. On peut vérifier facilement qu’il a, pour ces textes, utilisé la traduction toute récente à l’époque de Marie-Hélène Stébé, parue dans la collection « Les Pères dans la Foi », dirigée alors par Adalbert Hamman10.
27Le choix de cette traduction a plusieurs conséquences sur le commentaire de Foucault. D’abord, ce dernier reproduit l’un des propos prêtés à Nathan par Chrysostome sous la forme « Tu as eu la grandeur d’âme d’avouer ta faute ». Le grec dit : εὐγνωμόνως ὡμολόγησας. L’adverbe εὐγνωμόνως est très intéressant. Il peut avoir plusieurs significations, mais, contrairement à ce que suggère la traduction de Marie-Hélène Stébé, il n’évoque pas la grandeur d’âme. Le sens général est : « dans un bon esprit ». Le dictionnaire du grec patristique de Lampe donne : 1. rightly, reasonably (correctement, raisonnablement), 2. candidly, frankly (avec candeur, d’une façon franche), 3. in a right spirit (dans un esprit droit), 4. in a friendly spirit (dans un esprit amical), 5. gladly (volontiers, c’est-à-dire avec bonne volonté)11.
28La notice cite justement le passage de Chrysostome pour illustrer la deuxième signification. Lampe comprend que David a avoué avec candeur, d’une façon franche. Je ne suis pas sûr que ce soit précisément le sens du mot εὐγνωμόνως ici. Pour illustrer la troisième signification, qui correspond en fait au sens général du mot, Lampe donne un passage de Socrate le Scolastique dont le contexte est proche de celui de Chrysostome : condamné par l’empereur Constance II à l’exil, l’évêque de Constantinople Paul accepta le jugement εὐγνωμόνως, dans un bon esprit12. Dans le texte de Chrysostome, il est difficile de savoir si c’est l’idée de bon sens, de franchise, de bon esprit ou de bonne volonté qu’il faut retenir – peut-être sont-ce les quatre à la fois. Mais, à cause de la traduction qu’il a utilisée, Foucault me semble être passé trop vite sur une discussion qu’il aurait dû avoir, parce que, quel que soit le sens qu’on donne à cet adverbe, il qualifie directement le verbe ὁμολογεῖν, et implique une certaine façon d’avouer. Et cet adverbe me semble tout à fait porter l’idée d’adhésion intellectuelle que Foucault cherchait à mettre en avant. S’il avait travaillé à partir du grec, Foucault aurait pu voir quelque chose qui lui a échappé.
29Dans le même genre, s’il s’était intéressé davantage au texte grec, il aurait peut-être constaté que, dans le passage que Marie-Hélène Stébé traduit par « il n’en fit rien, mais reconnut au contraire son péché », l’expression que je donne en italique traduit le grec συνέγνω τὴν ἁμαρτίαν. Or le verbe συγγιγνώσκειν est lui aussi très intéressant, et ce pour deux raisons : 1) il signifie étymologiquement « connaître avec » et renvoie directement à une thématique qui intéressait Foucault, celle du rapport entre aveu et connaissance de soi ; 2) il peut signifier aussi pardonner. On trouve donc, dans le sémantisme de ce verbe, les trois idées que Foucault cherche à associer – aveu, connaissance de soi, pardon.
30Je remarque dans son texte une autre curiosité. Foucault reproduit l’aveu de David, chez Chrysostome, sous la forme : « J’ai péché contre l’Éternel. » Cette traduction est assez curieuse, mais peut facilement s’expliquer. Foucault n’a pas traduit ici le texte grec, qui dit plutôt : « J’ai péché contre le Seigneur » (Ἡμάρτηκα τῷ κυρίῳ). Il a dû travailler une fois encore à partir de la traduction de Marie-Hélène Stébé. Mais celle-ci dit : « J’ai péché contre Yahvé. » La traductrice a pris la liberté de traduire ici, non le texte grec, mais le texte hébreu, ce qui est une double aberration. D’abord, parce qu’il faut traduire le texte biblique grec cité par Chrysostome, et non le texte hébreu, ensuite parce que, dans l’hébreu, il y a un tétragramme, qu’en principe on ne lit pas, parce que c’est interdit, mais surtout parce que personne ne sait précisément comment ce nom pouvait être lu – il ne pouvait l’être que par le Grand-Prêtre, le commun des lecteurs juifs utilisant plutôt, dès l’Antiquité, des équivalences comme « Adonai ». En général, en français, quand on rencontre le tétragramme dans la bible hébraïque, pour éviter de le lire, on dit « l’Éternel ». C’est cette habitude qui explique la traduction de Foucault. Foucault a donc eu à la fois un bon et un mauvais réflexe. Il a corrigé « Yahvé » en « l’Éternel », mais il a oublié, au passage, que Chrysostome ne lisait pas le texte hébreu, mais un texte grec, et donc que cette traduction était absurde.
31Cela me conduit à deux autres remarques. Foucault n’est pas toujours indifférent au grec des auteurs qu’il cite. Il lui arrive de citer du grec, voire de corriger certaines traductions, ce qui prouve qu’il avait, alors, un texte grec sous les yeux13. Mais, dans le commentaire qui m’intéresse, il ne cite qu’une expression grecque : en kairô (ἐν καίρῳ). Malheureusement, cette expression ne figure nulle part dans les Homélies sur la pénitence… Sans doute est-ce, de la part de Foucault, un souvenir des Homélies sur la Genèse14. Le cas fournit un autre exemple de la façon dont sa prise de notes peut l’avoir conduit à certaines confusions, mais il témoigne aussi du fait que Foucault avait un certain intérêt pour le texte grec – pas toujours bien relié au texte qu’il commente. La fiche conservée dans la boîte 24, chemise 4, consacrée, je l’ai dit, à l’homélie de Chrysostome, confirme ce fait. Des passages en grec y sont cités – mais, rappelons-le, à propos de la partie de l’homélie consacrée à Caïn. En haut à gauche, on peut lire « PG. t. II », qui suppose que, pour cette fiche, Foucault a consulté le grec dans la Patrologie grecque de Migne, tome 2 des œuvres de Chrysostome15. Cette fiche a sans doute été constituée avant que Foucault ne recoure à la traduction de Marie-Hélène Stébé, car on n’y trouve aucune trace de cette dernière. Inversement, quand il s’intéresse à la partie de l’homélie consacrée à David, Foucault ne recourt plus qu’à la traduction, ne s’intéresse plus au texte grec, et, quand il cite une fois du grec, se trompe de texte.
32Autre remarque : la traduction « J’ai péché contre l’Éternel » montre une certaine indifférence de Foucault à l’égard des différents états du texte biblique. Dans son commentaire, il dit d’ailleurs « le texte biblique », comme s’il n’y en avait qu’un, comme s’il était indifférent que Chrysostome commente le texte hébreu ou tel état du texte grec. Or le texte biblique présentait dans l’Antiquité une pluralité très importante. Foucault ne semble pas conscient de ce fait. On peut difficilement le lui reprocher, car les travaux sur le texte grec de la Bible, celui que les Pères ont connu, étaient encore balbutiants en France. Ces travaux, portés par Marguerite Harl, professeur à la Sorbonne, devaient donner naissance à une traduction française de la Bible grecque, la « Bible d’Alexandrie », dont le premier volume, sur la Genèse, ne parut qu’en 1986. Marguerite Harl est la fondatrice d’une école française d’étude du texte grec de l’Ancien Testament (ce qu’on appelle communément la Septante). Elle eut des élèves comme Gilles Dorival, Alain Le Boulluec, Olivier Munnich, qui contribuèrent à faire connaître l’histoire de la Septante, mais à l’époque de Foucault, de tels travaux, en France en tout cas, n’existaient pas.
33Les éditions de la Bible grecque existaient pourtant, et depuis longtemps : celle d’Alfred Rahlfs, celle de Cambridge, pour ne citer que les plus célèbres, mais Foucault ne semble pas avoir eu la curiosité de les consulter. L’édition de Rahlfs date de 193516. Celle de Cambridge, pour II Règnes, de 192717. Une autre entreprise, lancée à Göttingen, devait, à partir de 1926, proposer une nouvelle édition critique de la Bible grecque, volume par volume, qui n’est, aujourd’hui, toujours pas terminée18.
34Or la pluralité textuelle de la Bible n’est pas un fait anodin dans le cas du commentaire de Chrysostome, et il aurait pu fournir du grain à moudre à Foucault. Si ce dernier avait eu connaissance de ces questions, il aurait peut-être remarqué que Chrysostome ne s’appuie pas sur n’importe quel texte biblique, mais sur la recension dite lucianique, qu’on appelle aussi « texte antiochien19 ». Le passage qui introduit la paraphrase que Chrysostome propose de l’histoire de Nathan (« Roi, j’ai une affaire de justice pour toi ») ne correspond pas au texte biblique que l’on peut lire chez Rahlfs ou dans la Bible de Cambridge. Mais ce n’est pas pour autant, ici, un ajout de Chrysostome. Il s’agit en fait du texte biblique tel qu’il figure dans la recension lucianique – Ἀνάγγειλον δή μοι τὴν κρίσιν ταύτην. En d’autres termes, la thématique judiciaire n’est pas un ajout absolu de Chrysostome : elle figure déjà dans le texte biblique qui lui sert de point de départ, d’une façon plus explicite que dans les états plus connus du texte.
LE CHRYSOSTOME DE FOUCAULT
35Foucault a-t-il raison de donner à ce commentaire de Chrysostome l’importance qu’il lui confère dans la gestation des conceptions de l’aveu ? À le lire, on a le sentiment que son exégèse des aveux de David n’a de parallèle que dans celle d’Ambroise – encore Foucault est-il beaucoup plus rapide et plus vague à propos de cet auteur20.
36Pour comprendre l’importance que ce texte de Chrysostome revêt aux yeux de Foucault, il faut d’emblée faire remarquer qu’elle est à l’image de l’importance générale qu’il accorde à Chrysostome dans tout son livre. Le nom du chrétien y est cité 186 fois, contre 72 pour Ambroise, 88 pour Tertullien, 179 pour Clément, c’est-à-dire plus d’une page sur deux.
37Et cette importance générale que Foucault accorde à Chrysostome semble renvoyer à un postulat plusieurs fois affirmé, celui selon lequel Chrysostome serait un bon témoin des évolutions de son temps. Souvent, cette qualité de témoin attribuée à Chrysostome est explicitement fondée par Foucault sur sa contemporanéité avec d’autres auteurs chez qui il retrouve les mêmes idées – l’italique est mien :
Et pour éviter la dispersion dans cette littérature immense, je prendrai, pour référence privilégiée, les homélies de Chrysostome. Non sans souligner qu’il appartient, avec les accents qui lui sont propres, à tout un courant. Beaucoup des idées qu’il formule à propos du mariage, on les retrouverait chez des contemporains parfois proches comme Grégoire de Nysse ou plus lointains comme saint Jérôme. Certaines ont leur point de départ chez Origène. Ce n’est donc pas à un Chrysostome fondateur d’une nouvelle éthique du mariage que je me réfèrerai, mais à Chrysostome comme témoin et exemple d’une pastorale de la vie des conjoints qui était déjà fort développée à l’époque où il écrit (AC, p. 254). Sur le remariage, Chrysostome a la même position de réprobation prudente que la plupart des auteurs chrétiens, et que plusieurs auteurs néo-stoïciens (AC, p. 263).
Il y a cependant une différence – elle est capitale – qui empêche de placer Chrysostome et tous ceux qui font les mêmes analyses que lui au ive siècle dans la simple continuité de Clément d’Alexandrie et à plus forte raison des moralistes de l’Antiquité. C’est la question des relations sexuelles dans le mariage (AC, p. 267). Chrysostome est-il une exception ? Marque-t-il simplement un épisode, un instant de flottement que la doctrine et la pratique ne retiendront pas ? Exception, certainement pas : car d’Origène jusqu’à lui, le mariage a été envisagé, non pas en fonction de ses fins procréatrices, mais dans sa position hiérarchique par rapport à la virginité et au célibat volontaire ; c’est la question de la continence, non des enfants, qui a été le point essentiel du débat. Chrysostome doit être considéré comme appartenant à tout ce courant de pensée dont saint Jérôme est le témoin en Occident, et le problème qui s’est posé à lui est celui-ci : comment établir une pastorale des rapports conjugaux (dont on ne peut plus se dispenser au nom d’une valorisation unilatérale de l’ascétisme) à partir d’une morale de la continence (AC, p. 269-270) ?
Encore une fois, Chrysostome n’est pas pris ici comme l’inventeur de cette manière d’analyser les relations conjugales et l’état de mariage. Il est le témoin d’une pensée dont bien des éléments se trouvent déjà chez Origène (AC, p. 280). Rien de très nouveau dans ce thème. Il est tout à fait familier à la philosophie antique. Et il est présent aussi chez bien des auteurs chrétiens : on en a rencontré une version dans les homélies de Chrysostome (AC, p. 307).
Une formulation comme celle-là est très proche, jusque dans ses termes, de celles de Chrysostome, de Grégoire de Nysse ou de Basile d’Ancyre (AC, p. 308).
38La façon dont Foucault utilise Chrysostome est donc paradoxale : si, de tous les Pères cités dans les Aveux de la chair, il est le plus fréquent, ce n’est pas à proportion de son originalité, mais au contraire, parce que Foucault estime qu’il illustre des tendances doctrinales dont justement il ne serait pas l’auteur.
39À côté de ce postulat, le propos de Foucault sur Chrysostome s’explique aussi pour partie par l’état de la science à la fin des années 1970. Les éditions et traductions de textes patristiques n’étaient pas alors aussi nombreuses qu’elles le sont aujourd’hui. Et l’histoire de l’exégèse était encore une discipline naissante : il faut attendre 1984 pour que paraisse une revue spécialisée dans ce domaine, les Annali di storia dell’esegesi. En revanche, le « corpus » chrysostomien pouvait être lu en français, et d’une façon presque intégrale, dans les deux publications déjà évoquées, celle de Jeannin et celle de Bareille.
40En 1975 pourtant fut publié aux éditions du CNRS le premier volume de la Biblia patristica, vaste répertoire recensant, pour chaque péricope biblique, les commentaires patristiques connus. Le premier volume allait des premiers Pères à Clément d’Alexandrie et Tertullien. Le deuxième, publié en 1977, couvrait le iiie siècle, à l’exception d’Origène. Le troisième, consacré tout entier à cet auteur, sortit en 1980. La publication se poursuivit jusqu’en 2000, pour atteindre finalement sept volumes, ainsi qu’un supplément. Foucault ne me semble avoir ni connu ni utilisé cet outil de travail21. De même, son recours aux études secondaires concernant le commentaire de Chrysostome ou sa conception de la pénitence paraît faible, voire inexistant22.
41Les commentaires patristiques sur l’histoire de David ont été récemment analysés par Martine Dulaey dans une série d’articles23. Elle montre qu’il existe dans l’Antiquité chrétienne deux façons radicalement opposées de lire l’histoire de la faute et des aveux du roi. Il y a d’abord tout un courant de lecture spirituelle qui vise à dédouaner David de sa faute en le présentant comme une figure du Christ. Bethsabée serait l’Église, Urie, le diable. En s’unissant à l’une et en tuant l’autre, David n’a donc commis aucune faute, et, lorsqu’il confesse son péché, c’est le Christ qui prend sur lui les péchés des hommes. Bien sûr, ce n’est pas sur cette lecture que je m’attarderai.
42L’autre courant d’interprétation relève de ce que Martine Dulaey appelle « l’enseignement moral ». C’est dans cette tendance de l’exégèse chrétienne qu’il faut situer le commentaire de Chrysostome. Martine Dulaey montre que trois thèmes sont développés par les auteurs : d’abord, le texte est cité pour montrer la force de la tentation ; ensuite, il peut être commenté pour illustrer la miséricorde de Dieu, qui a su pardonner – elle évoque à cet égard des textes dans lesquels c’est la grâce de Dieu qui sauve, et non la pénitence en elle-même24. Le troisième thème de l’exégèse morale consiste dans le lien entre confession et salut. C’est exactement la thématique de l’analyse de Foucault : « Peccaui ! Le cri de David en 1 Sm 11, 13 est souvent cité pour mettre en relief la nécessité de reconnaître et confesser son péché pour en obtenir le pardon25. »
43Seulement, là où Foucault pense pouvoir identifier une exégèse remarquable, celle de Chrysostome surtout, et secondairement celle d’Ambroise, Martine Dulaey révèle une exégèse banale. Ignorant de son côté le texte de Chrysostome, la chercheuse cite un grand nombre d’auteurs : Origène, Cyrille de Jérusalem, Ambroise, Augustin, Cassien, Eusèbe Gallican (peut-être Fauste de Riez). Tous ont commenté la péricope comme un témoignage du lien entre l’aveu et le salut.
44On remarque au passage que l’on trouve, chez la plupart de ces auteurs, la même tendance que celle qui consiste, chez Chrysostome, à amplifier le récit biblique par différents procédés visant à mettre en relief la sincérité des aveux du roi. En effet, le passage correspondant, dans tous les états du texte biblique, est particulièrement sec et elliptique. David dit : « J’ai péché contre le Seigneur », et Nathan lui pardonne aussitôt. Le passage pouvait donc facilement illustrer le lien entre confession et salut, mais pouvait aussi laisser penser que le salut ne dépend que d’un aveu purement verbal.
45Cette tendance commence bien avant les chrétiens, dans la tradition juive. D’abord, il faut rappeler que le Psaume 50 (51 TM) se donne pour la confession de David devant le prophète Nathan. Il se présente comme une extension considérable de l’aveu très bref de II Samuel. Il témoigne de la sincérité du roi, en évoquant, au verset 19, son esprit contrit (dans la version grecque, πνεῦμα συντετριμμένον), son cœur contrit et humilié (καρδίαν συντετριμμένην καὶ τεταπεινωμένην). Il mentionne aussi la thématique de la justice (v. 16b : ἀγαλλιάσεται ἡ γλῶσσά μου τὴν δικαιοσύνην σου). Par la suite, les exégètes juifs et chrétiens auront tendance à relire II Samuel à la lumière du Psaume 50, et inversement.
46Flavius Josèphe, qui récrit le passage dans les Antiquités juives, précise que le roi fut « bouleversé » (ταραχθέντος) et « profondément troublé » (συγχυθέντος) et qu’il « avoua son impiété avec des larmes de chagrin26 ». Peut-être inspiré par le Psaume 50, Josèphe, bien avant Chrysostome, apparaît comme un exégète soucieux de montrer que l’aveu de David n’était pas purement verbal, mais que cet aveu était bien reconnu par le roi comme une vérité sur lui-même, vérité dont témoignent ici son émotion et ses larmes. Par ailleurs, on trouve déjà chez Josèphe, avant Chrysostome, une insistance sur le modèle judiciaire27. Lorsque David accuse le riche, Nathan aurait dévoilé au roi qu’il avait été « jugé par lui-même » (ὑφ᾽ ἑαυτοῦ κεκριμένον)28.
47Chez les chrétiens, on trouve ensuite chez Origène (iiie siècle) un commentaire dans lequel l’aveu de David se trouve cette fois étoffé pour lui donner davantage de consistance : « J’ai péché ; devant toi seul j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait29. » Ce que veut suggérer Origène à travers cette réécriture inspirée en partie du Psaume 50 (v. 6), c’est, à nouveau, que la pénitence de David était une pénitence sincère, non une pénitence purement verbale. On sent pointer ici l’idée d’adhésion à la sentence qui intéressait tellement Foucault. Eusèbe Gallican dira de même : Non sufficit summis labiis dicere : Peccaui (« Il ne suffit pas de dire du bout des lèvres : J’ai péché »). La vraie confession implique un gémissement véritable, le crime doit être compensé par une lenta humiliatio supplicantis, une lente humiliation de celui qui supplie30. Dans un autre texte, le même auteur précise qu’après son aveu, David sanglota, disant qu’il ne pécherait plus (ne ultra peccaret, ingemuit)31.
48Entre 347 et 35032, c’est-à-dire avant Chrysostome, Cyrille de Jérusalem propose, dans sa deuxième Catéchèse baptismale, un commentaire fort proche de celui de Chrysostome33. Nathan y est comparé à un médecin (ἰατρός) et en même temps à un accusateur (κατήγορος). Surtout, Cyrille dit, comme Chrysostome, que David aurait avoué εὐγνωμόνως (εὐγνωμόνως ὡμολόγησεν34) et que, pour cette raison, il reçut une guérison très rapide35. On retrouve dans ce texte les éléments clefs qui intéressaient Foucault dans le commentaire de Chrysostome : double modèle, médical et judiciaire, lien entre confession et salut, et adhésion à la sentence qui me semble, encore une fois, exprimée par l’adverbe εὐγνωμόνως. Cyrille utilise même le terme ἐξομολόγησις, qui intéressait tellement Foucault. Il y a un lien évident entre les deux textes, soit que Chrysostome se soit inspiré de Cyrille, soit que l’un et l’autre aient eu la même source, qui pourrait être Origène. Cette hypothèse permettrait de faire remonter d’un siècle – le iiie, et non plus le ive siècle – l’évolution décisive dont Foucault considère Chrysostome comme le témoin.
49Ce dossier montre que les idées que Foucault attribue à Chrysostome ne lui sont pas toujours propres. Certaines d’entre elles ne sont même pas propres au christianisme. Le modèle judiciaire est déjà suggéré par Josèphe, tout comme l’idée d’un aveu profond du roi. Dans la tradition chrétienne, le fond du commentaire de Chrysostome est annoncé par Cyrille de Jérusalem, il peut remonter à Origène et on le retrouvera encore, au siècle suivant, chez Théodoret de Cyr36. L’importance que Foucault accorde à Chrysostome est donc quelque peu arbitraire. En revanche, on peut convenir avec lui qu’il est assez représentatif d’une certaine tendance. Mais je ne dirais pas : caractéristique du ive siècle, mais plutôt d’une certaine tendance exégétique qui remonte au judaïsme grec, et, sur le plan doctrinal, d’idées sur la confession qui pourraient dépendre d’Origène.
CONCLUSIONS
50L’analyse qui précède permet de mettre en évidence un certain nombre d’aspects de la méthode de Foucault. Les aveux de la chair, résolument consacrés à la « patristique », sont le récit d’une histoire qui se concentre sur quelques figures chrétiennes majeures, étudiées davantage comme les témoins d’un temps que comme les chaînons d’une histoire littéraire37. Cette approche conduit Foucault, dans ce livre en tout cas, à ne s’intéresser ni aux précédents juifs ni au texte biblique lui-même – mais il évoque de temps à autre les précédents « païens ». Le moment chrétien y gagne de la substance, face au monde païen, mais, sur la question de la pénitence, on a pu voir que l’histoire retracée par Foucault devait recevoir un certain nombre de nuances.
51Du côté des sources, Foucault prête une attention inégale au texte grec et est parfois victime de certaines traductions qui le conduisent à voir des choses qu’il ne devrait pas voir, et à passer à côté de remarques qui auraient pu nourrir son analyse. On ajoutera que, pour commenter le texte de Chrysostome, Foucault préfère s’essayer à une analyse personnelle plutôt que de recourir à la bibliographie.
52Le troisième trait que je mettrai en évidence pour terminer est une certaine tendance à la surinterprétation qui s’explique en partie par la méthode de travail très concrète qui était celle du philosophe : travaillant à partir de fiches, contenant à la fois des citations du texte source et des éléments de glose, Foucault a pu, à l’occasion, gloser sur la glose et prêter à l’auteur ses propres commentaires sur lui.
53Ces quelques remarques n’ont pas pour but de « critiquer Foucault », mais de comprendre les mécanismes d’une exégèse. L’une des visées de ce volume est d’examiner ce que les patristiciens peuvent, aujourd’hui, dire des analyses de Foucault. Il serait tout aussi intéressant de se demander ce que ce livre, écrit il y a quarante ans, nous apporte, encore aujourd’hui. À ce sujet, de nouveau, je me contenterai de trois remarques.
54D’abord, la lecture de cet essai procure un sentiment d’étonnante fraîcheur, dû, non seulement au talent littéraire de Foucault, mais aussi à la méthode que j’ai tenté de décrire plus haut. Elle présente à cet égard la qualité de ses défauts. Se refusant à l’exhaustivité mais proposant tout de même des analyses assez poussées sur quelques grandes figures, l’ouvrage offre une synthèse à la fois érudite et « grand public » sur le moment patristique. On peine à trouver un livre qui ait réussi ce tour de force depuis quarante ans.
55Par ailleurs, à l’aube d’un tournant certain des études patristiques, que Foucault n’a pas connu, le philosophe montrait l’intérêt des auteurs chrétiens, non seulement pour l’histoire chrétienne, mais surtout pour l’histoire générale des idées. Les Pères prennent place dans une histoire longue, entre l’Antiquité païenne et la modernité. Or non seulement ce genre d’approche était rarissime à l’époque de Foucault – on étudiait la patristique avant tout dans le cadre de « l’histoire des dogmes », c’est-à-dire des doctrines chrétiennes, on le ferait bientôt de plus en plus dans celui de l’histoire littéraire –, mais elle reste, encore aujourd’hui, tout à fait marginale. Foucault apparaît ici comme un précurseur qui n’a toujours pas trouvé ses épigones. Son entreprise d’histoire des idées a des conséquences particulièrement remarquables dans le cas de Chrysostome. Décrivant en 1980 le jugement habituel des critiques sur cet auteur, Bertrand de Margerie pouvait écrire :
Aujourd’hui, il est souvent de bon ton de réduire l’exégèse du docteur syrien à une explication moralisante et psychologique, sans grand contenu doctrinal. Une réaction se dessine cependant. On redécouvre les richesses doctrinales de Chrysostome38.
56En dépit des progrès certains des études chrysostomiennes depuis cette époque, je ne suis pas sûr que l’image décrite par Bertrand de Margerie ait complètement disparu. On peut en tout cas reconnaître à Foucault d’avoir su échapper à une certaine doxa scientifique et d’avoir su aborder Chrysostome comme un authentique jalon dans l’histoire des idées.
57Sur un plan plus thématique, enfin, si les sujets abordés par Foucault dans ce livre étaient déjà avant lui des sujets classiques des études patristiques – la virginité, le mariage, la morale sexuelle –, on ne peut pas en dire autant de la thématique qui reste à l’horizon des Aveux de la chair : celle des conceptions de la vérité. Là encore, Foucault apparaît comme un précurseur, qui, par son indépendance, a su ouvrir un champ de recherche qui reste encore, si l’on excepte quelques études, largement inexploré39. La situation serait-elle différente si ce livre était paru de son temps ?
Notes de bas de page
1 Sur cette péricope, voir James D. Afoakwah, The Nathan-David Confrontation (2 Sam 12 : 1- 15a), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2015.
2 Foucault évoque tour à tour les cas de Caïn, de David et d’Adam et Ève, à partir d’Ambroise (De paradiso, 14, 71) et Chrysostome (Homélie 2 sur la pénitence, 1 ; Homélie 19 sur la Genèse) pour le premier, Ambroise seul pour le second (Apologie de David, 8, 36-39), Chrysostome seul pour les deux derniers (Homélie 17 sur la Genèse).
3 Né à Antioche à une date inconnue, Jean fut ordonné diacre en 381, puis prêtre en 386. En 398, il devint évêque de Constantinople. Il s’attira des oppositions en raison de sa politique de rigueur et fut finalement exilé en 404. Il mourut en exil en 407. Surnommé « Bouche d’Or » (Chrysostome), il est célèbre, notamment, pour ses très nombreuses homélies sur l’Écriture.
4 La liberté du roi est seulement suggérée par ce passage, car le thème de la liberté n’est jamais explicite dans le commentaire de Chrysostome. Les paroles imaginaires prêtées au roi ont d’ailleurs tout autant pour fonction de souligner son humilité, lui qui a su, devant les récriminations du prophète, abdiquer le pouvoir dont il aurait pu user.
5 Tout ce développement se trouve dans la Deuxième homélie sur la pénitence, 2. Le grec est cité d’après le texte de la Patrologia Graeca 49, col. 287, utilisé par Foucault (voir plus bas).
6 Si Chrysostome est explicite sur l’image du médecin, celle du pédagogue, plus implicite, me paraît bien présente dans son commentaire. La ruse qu’il utilise est celle des pédagogues qui, d’après Platon, ont le droit de mentir pour l’utilité de leurs auditeurs (République, 389b ; Lois, 663d6-e4). Et le « drame » qu’il tisse est semblable à ces procès fictifs que les professeurs de rhétorique soumettaient à leurs élèves, en guise d’exercice, à l’époque impériale.
7 Deuxième homélie sur la pénitence, 2.
8 Je remercie Laurence Le Bras de m’avoir donné accès à ces archives.
9 Il faut donc faire attention à l’index des Aveux de la chair, qui renvoie toutes les œuvres de Chrysostome aux Œuvres complètes traduites par Jeannin (p. 416-417) : c’est une indication commode pour le lecteur, mais non une référence au texte utilisé par Foucault.
10 Jean Chrysostome, La conversion, trad. par M.-H. Stébé, introduction, notes, plan de travail de A. G. Hamman, Paris, Desclée de Brouwer, 1978 (pour notre texte, voir p. 40-42).
11 Geoffrey W. H. Lampe, A Patristic Greek Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 561.
12 Histoire ecclésiastique, II, 16, 5.
13 À propos d’un passage du traité Sur le mariage unique (5), Foucault écrit, concernant la femme : « Quand on sait qu’on en est le premier et exclusif possesseur, on la reçoit avec “empressement”, “affection”, “bienveillance” » (AC, p. 264). La note de bas de page indique : Prothumia, philia, eunoia. Foucault paraît s’inspirer ici de la traduction des Sources chrétiennes (Paris, Cerf [SC, 138], p. 191) pour les mots φιλία et εὐνοία, mais rend προθυμία par « empressement » plutôt que par « à cœur ouvert » et reformule l’ensemble de la phrase.
14 Homélies sur la Genèse, 19, 3, Patrologia Graeca 53, col. 163. 6 (Caïn n’a pas avoué « au moment qu’il fallait », ἐν τῷ καιρῷ τῷ δέοντι). L’expression ἐν τῷ καιρῷ est notée dans une fiche correspondant à ce texte, contenue dans la chemise 4 de la boîte 24. Elle devient ensuite ἐν καιρῷ dans le commentaire de Foucault.
15 Volume 49 dans la série générale. L’homélie y figure aux colonnes 283-292 (Paris, 1862).
16 Septuaginta : id est Vetus Testamentum graece iuxta LXX interpretes, éd. par Alfred Rahlfs, Stuttgart, Privilegierte württembergische Bibelanstalt, 1935.
17 The Old Testament in Greek, t. 2 (1-2), éd. par Alan E. Brooke, Norman McLean, Henry St. J. Thackeray, Cambridge, Cambridge University Press, 1927.
18 Septuaginta I/1, Genesis, Vetus testamentum Graecum, éd. par Alfred Rahlfs, Stuttgart/ Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1926.
19 On peut lire aujourd’hui une édition du texte antiochien des livres historiques (Natalio Fernández Marcos, José R. Busto Saiz, El texto antioqueno de la Biblia griega, I, 1-2 Samuel, Madrid, Instituto de filología CSIC, 1989). À l’époque de Foucault, il fallait consulter l’apparat de Rahlfs (« L ») ou celui de Cambridge (manuscrits boc2e2).
20 Son commentaire, je l’ai dit, n’est évoqué rapidement qu’aux pages 99-100 des Aveux de la chair.
21 Il a été relayé ensuite par Biblindex, version en ligne de la base de données, plus riche encore que la version papier (http://www.biblindex.info/biblindex/fr/).
22 Foucault ne semble pas avoir utilisé le répertoire Voces, de Hermann J. Sieben, publié en 1980 (Berlin/New York, De Gruyter), qui donne plusieurs références bibliographiques sur ἐξομόλησις, μετανοία, confessio, confiteri, dont Francis Leduc, « Péché et conversion chez saint Jean Chrysostome », Proche-Orient Chrétien, 26, 1976, p. 34-58 ; 27, 1977, p. 15-42. Sur la pénitence chez Chrysostome, il existait aussi l’étude ancienne de Paul Galtier, Saint Jean Chrysostome et la confession, Paris, s. n., 1910. Plus récemment, on pourra consulter sur ce thème dans la tradition iconographique Élias Antonopoulos, « Métanoia, la personne, le sentiment et le geste », Δελτίον Χριστιανικής Αρχαιλογικής Εταιρείας, 23, 2002, p. 11-30.
23 Martine Dulaey, « L’histoire de David lue par les écrivains des premiers siècles chrétiens », Revue des études augustiniennes et patristiques, 60, 2014, p. 175-212 ; 61, 2015, p. 1-39 ; 197-237.
24 Amphiloque d’Iconium, Homélies, 8, 1, Paris, Cerf (SC, 553), 2012, p. 130.
25 Martine Dulaey, « L’histoire de David lue par les écrivains des premiers siècles chrétiens », Revue des études augustiniennes et patristiques, 61, 2015, p. 209.
26 Antiquités juives, VII, 153.
27 Josèphe, comme Chrysostome, dépend du texte « lucianique » (les spécialistes disent parfois, dans son cas : « proto-lucianique »), qui contient un passage, nous l’avons vu, dans lequel le propos de Nathan est explicitement présenté comme une affaire de justice.
28 Antiquités juives, VII, 150.
29 Quatrième homélie sur le Psaume 36, 2 (trad. par H. Crouzel, L. Brésard, Paris, Cerf [SC, 411], 1995).
30 Homélie 40, 2 (éd. par F. Glorie, Turnhout, Brepols [Corpus Christianorum series Latina, 101A], 1971, p. 473).
31 Sermo 4, 4 (éd. par F. Glorie, Turnhout, Brepols [Corpus Christianorum series Latina, 101B], 1971, p. 846).
32 Voir, dans la traduction de Jean Bouvet, p. 21 (voir n. suivante) : 347, 348 ou 350.
33 Une traduction de cette œuvre pouvait être consultée à l’époque de Foucault (J. Bouvet, Namur, Éd. du Soleil levant, 1962, repris dans la collection « Les Pères dans la foi », Paris, Migne, 1993).
34 Passage là encore mal traduit p. 47 : « La noblesse de son aveu lui valut une guérison très rapide. »
35 Plus haut, Cyrille évoquait, à propos de David, ἡ περὶ τὴν ὁμολογίαν τοῦ πταίσματος εὐγνωμοσύνη. Il me semble qu’on peut ici traduire par « sa bonne volonté à confesser sa faute ».
36 Questions sur les Règnes, 24. Malouine Dedieuleveult, à la suite d’un travail de master 2 effectué sous ma direction, a montré, lors du colloque de patristique d’Oxford de 2015, les liens qui existent entre les commentaires de Chrysostome et de Théodoret, et a fait l’hypothèse, ou bien d’un emprunt de Théodoret à Chrysostome, ou bien d’une source commune, peut-être antiochienne (« L’exégèse de la faute de David [II Règnes 11-12] : Jean Chrysostome et Théodoret de Cyr », Studia patristica, 96, 2017, p. 95-102).
37 Foucault souligne souvent les liens entre les auteurs, mais davantage, me semble-t-il, pour donner corps à l’idée que quelque chose se joue à une époque, plutôt que dans une optique de Quellenforschung à proprement parler.
38 Bertrand de Margerie, Introduction à l’histoire de l’exégèse, t. 1, Les Pères grecs et orientaux, Paris, Cerf, 1980, p. 214.
39 Voir surtout Frédéric Chapot, « Virtus veritatis ». Langage et vérité dans l’œuvre de Tertullien, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2009. Je me suis moi-même intéressé aux liens entre concorde et vérité dans un mémoire d’habilitation paru en 2019 aux Belles Lettres sous le titre Symphonia. La concorde des textes et des doctrines dans la littérature grecque jusqu’à Origène. Une étude préliminaire est parue il y a quelques années (« Concorde et vérité dans la pensée chrétienne de l’Antiquité », dans Olivier Guerrier [dir.], La vérité, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2014, p. 57-73).
Auteur
Ancien élève de l’École normale supérieure et maître de conférences habilité à diriger des recherches à l’UFR de grec de Sorbonne Université. Membre honoraire de l’Institut universitaire de France, il est spécialiste des textes et des doctrines de la fin de l’Antiquité. Il a notamment publié Christianisme et philosophie. Les premières confrontations (ier-vie siècle) (Livre de poche, 2014) et Les chrétiens et la culture. Conversion d’un concept (ier-vie siècle) (Les Belles Lettres, 2016). Ses recherches portent sur l’histoire des doctrines et des polémiques religieuses dans l’Antiquité tardive.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Foucault, les Pères, le sexe
Autour des Aveux de la chair
Philippe Büttgen, Philippe Chevallier, Agustín Colombo et al. (dir.)
2021
Le beau et ses traductions
Les quatre définitions du beau dans le Hippias majeur de Platon
Bruno Haas
2021
Des nouveautés très anciennes
De l’esprit des lois et la tradition de la jurisprudence
Stéphane Bonnet
2020
Les mondes du voyageur
Une épistémologie de l’exploration (xvie - xviiie siècle)
Simón Gallegos Gabilondo
2018