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Foucault et le sens spirituel

Un tournant parénétique ?

p. 67-83


Texte intégral

1Contrairement à une leçon bien connue de Foucault, il ne s’agit pas ici de réduire les écrits chrétiens à un discours régi par un certain « ordre » qu’on ne pourrait analyser dans ses jeux et ses effets qu’en en contredisant les principes propres. Il s’agit au contraire de prendre ces textes pour ce qu’ils prétendent être et qui les aurait longtemps laissés, pour cette raison, hors des analyses foucaldiennes : un ensemble d’énoncés issus et portés par une communauté de croyants qui interprète et proclame le « Verbe divin », ce dernier étant conçu, dès les premiers siècles, comme parole et raison divines, c’est-à-dire λόγος, incarné dans le Christ. Qu’ils soient dogmatiques ou simplement doctrinaux, ces énoncés ont, en effet, en commun de se référer au Verbe, de dire des choses sur ou à partir de lui, de telle manière que cette restitution puisse être raisonnablement reçue par la communauté des croyants. De ce rapport au Verbe, les écrits chrétiens tirent un sens spirituel pour l’existence, comme signification et direction. Notre question est alors : que fait Foucault de cela, s’il en fait quelque chose ? Question périlleuse si l’on veut se garder de toute tentative de lire Foucault à partir de problèmes qui ne sont pas les siens. Dans le champ des phénomènes religieux, ce qui intéresse Foucault, ce n’est assurément pas Dieu – ses attributs, son rapport au monde et à l’homme –, mais le gouvernement des hommes ici-bas et, au sein de ce gouvernement, le De paenitentia de Tertullien et pas le De trinitate d’Augustin – même si l’histoire de la pensée prête traditionnellement plus d’attention au second qu’au premier. Si l’intérêt de Foucault, dès 1980, pour quelques aspects de la doctrine chrétienne, tels les effets du baptême ou la doctrine du péché originel, est avéré, les fondements mêmes de la parole chrétienne, de sa forme apologétique à celle, plus systématique, qui lui succéda, sont absents de ses analyses. Ni la défense de la foi ni la définition des dogmes ou du canon de l’Écriture ne retiennent son attention.

2À cette absence, une raison à la fois topique et méthodologique : ce que la doctrine chrétienne a de plus propre, comme activité intellectuelle de définition et d’enseignement, relève d’un discours institué dont l’histoire a la forme continue et monotone d’incessantes réinterprétations de ce qui doit être tenu pour vrai1. Relève en revanche d’une tout autre histoire la reconstitution, au plus près des pratiques, d’une lente problématisation morale du sujet et de son désir du iie siècle de notre ère jusqu’à l’époque moderne, où le partage même du vrai et du faux ne cesse de bouger. Le deuxième volume de l’Histoire de la sexualité le rappellera en 1984 : il ne s’agit pas de restituer un « contexte doctrinal » mais un « champ de problématisation2 ». De la même manière que Foucault a déconstruit les domaines et disciplines scientifiques, mais aussi plus largement l’histoire des idées, les écrits chrétiens doivent être déconstruits pour retrouver sous la solennité de leurs énoncés des stratégies discursives plurielles, parfois concurrentes, dont les plus obscures ou périphériques ne sont pas les moins déterminantes pour comprendre la constitution d’une nouvelle expérience morale : celle de la chair dans l’Occident chrétien.

3Ce cadre d’interprétation accorde au sens spirituel déployé par les écrits chrétiens, en particulier dans leur forme théologique la plus élaborée, une place nécessairement limitée, au moins secondaire. C’est ce cadre que semble bousculer Les aveux de la chair, ouvrage dont la découverte récente prolonge et creuse la surprise qu’avait causée en 1984 la publication des volumes 2 et 3 de l’Histoire de la sexualité, même si sa rédaction les précéda. Loin des choix qui faisaient toute l’irritante originalité de la lecture des Pères dans le cours de 1980, Du gouvernement des vivants, ce texte posthume semble marquer le retour à un classicisme méthodologique et consacrer Foucault en simple historien de la pensée religieuse, n’hésitant pas à commenter longuement et fidèlement le De virginitate de Jean Chrysostome et surtout le De bono conjugali d’Augustin, texte tout sauf mineur pour la théologie morale. C’est bien cette remise en question de la place du sens spirituel et, dans son versant plus systématique, de la théologie qui inscrit ce sens dans une réflexion sur les choses divines et le monde créé, que nous voudrions ici évaluer : ont-ils bougé dans l’esprit du philosophe et, si oui, pour quelles raisons ?

4Si notre article a quatre parties, il a en fait deux temps. Dans le premier, nous reviendrons sur la séquence inaugurale où Foucault aborde les Pères des premiers siècles (1978-1980) avec des choix bibliographiques et interprétatifs forts, déroutants par rapport aux habituelles histoires des doctrines chrétiennes, et où l’argumentation théologique trouve une place encore incertaine. Nous tenterons dans un deuxième temps d’éclairer le rôle que tiennent alors, dans Les aveux de la chair (1980-1982), les commentaires de textes abordant la doctrine chrétienne, lesquels commentaires en épousent longuement et attentivement l’argumentation proprement spirituelle. La séquence fondamentale concernant la virginité nous servira ici de guide, sans présumer de l’application de nos hypothèses à l’ensemble du livre, en particulier la dernière partie sur le mariage, qui demanderait une étude à part. Nous montrerons que l’attention inédite de Foucault au sens spirituel des textes réorganise pour partie son projet, adjoignant à l’histoire des problématisations, une histoire neuve et prometteuse des formes de valorisation des conduites.

DES LIVRES

5Il est chez Foucault des choix bibliographiques étonnants – le christianisme n’y a rien changé, même si le philosophe s’y laissa guider de manière singulière par la consultation de quelques articles déjà anciens d’ecclésiastiques érudits, au moins à titre de premier repérage3.

6Proposer une grille d’intelligibilité des « événements réflexifs », c’est-à-dire de ces moments où une idée neuve apparaît « dans la pratique réfléchie des gens4 », dans la manière dont celle-ci, à un moment donné, se réorganise et se verbalise différemment, au point que cette idée ne préexiste pas à la pratique mais est cette pratique elle-même dans sa forme consciente, demande de mettre en question les unités toutes faites et les universaux qui nous aident ordinairement à penser. Mais cela demande également de tenir à distance certains discours tout aussi surplombants : les grands textes « canoniques » de l’histoire de la pensée, au double sens qu’ils obéissent à la règle (κανών) de ce qui est considéré comme important et régulent en retour l’interprétation de tous les autres. Ces textes sont toujours soupçonnés de dissimuler, dans une forme idéale et souvent tardive, laquelle consacrera par exemple des pratiques supposées régulières via l’invention de leur « fondement », une réalité toujours accidentée où les raisons d’agir sont le plus souvent locales et opportunistes.

7Le passage qui suit, extrait du cours Sécurité, territoire, population (1978), met bien en scène la manière dont intervient dans l’analyse foucaldienne un ensemble de textes dits « mineurs », dédaignés par la « règle » académique alors même qu’ils sont pour le philosophe un lieu d’observation privilégié de ces « événements réflexifs », au plus près des actes et décisions. Il concerne l’apparition d’une nouvelle idée de l’État, fin xvie-milieu xviie siècle :

Les définitions, enfin les textes que je vous cite là – celui de Botero, celui de Palazzo certainement […] – la plupart de ces textes sont tout de même des textes un petit peu théoriques et spéculatifs. […] Mais en fait dans des textes qui sont moins théoriques, moins spéculatifs, moins moralistes ou moraux que ceux de Botero et de Palazzo, je crois qu’on trouve tout autre chose. On le trouve dans des textes qui émanent de gens plus proches à coup sûr de la pratique politique, qui y ont été directement mêlés, qui l’ont faite eux-mêmes, c’est-à-dire dans les textes laissés par Sully qui ont été publiés sous le titre d’Économies royales, les textes laissés par Richelieu, les Instructions aussi qui ont été données à des ambassadeurs par exemple ou à un certain nombre de responsables, d’officiers royaux. Et là on voit que cette théorie du maintien de l’État est tout à fait insuffisante pour recouvrir la pratique réelle de la politique et la mise en œuvre de la raison d’État5.

8Nous voyons déjà combien cette suspicion portée sur les textes « un petit peu théoriques ou spéculatifs » pourra affecter le champ de la théologie comme discours sur Dieu à la fois normé et rationnel (comme l’indique le suffixe -λογία), supposé recevable pour tout sujet chrétien en général. Quand il s’agira d’étudier, dans une séquence qui commence avec le cours Sécurité, territoire, population en 1978 et se poursuit avec Du gouvernement des vivants en 1980, les pratiques religieuses de gouvernement de soi et des autres dans les premiers siècles chrétiens, les choix bibliographiques obéiront en fait exactement aux mêmes principes que pour l’analyse de la raison d’État. Les textes pastoraux, homilétiques, liturgiques, disciplinaires des iie-ve siècles, dont la rédaction est fréquemment motivée par un problème pastoral, local et concret, éclipsent alors les grands traités dogmatiques et, par une sorte d’effet collatéral, les auteurs qu’ils ont consacrés : Augustin en tête, grand absent du cours de 1980, mais tout autant Origène6 ou les Pères cappadociens Basile et Grégoire, objets tout au plus de quelques rapides allusions.

9C’est bien la même justification qu’avance Foucault quand il explique par exemple sa préférence pour les Institutions cénobitiques et les Conférences de Cassien par rapport aux grandes règles monastiques et aux vies de moines exemplaires :

Il y avait, et il a circulé en Orient et aussi en Occident, toute une série de recueils concernant la vie des ascètes ou des moines, mais qui étaient essentiellement des recueils de paroles, comme les Apophtegmata patrum, ou encore d’exemples [comme] l’Histoire lausiaque de Palladius. Vous aviez aussi les recueils de règles proprement dites, par exemple les Règles de saint Pachôme avaient été traduites en latin par saint Jérôme et connues comme telles. Mais entre les exemples de ce qu’on pourrait appeler l’héroïsme monastique, d’une part, et puis le simple schéma des règles ou des réglementations, les textes de Cassien sont intéressants parce qu’il se réfère à ces exemples, bien sûr, il expose des règles également, mais il montre comment ça fonctionne, comment on vit dans les monastères, à quoi ça sert et comment ce système de règles peut opérer de manière que l’on en arrive à ces sommets de l’héroïsme monastique. […] C’est donc, très exactement, un régime de vie ou le régime de vie des communautés monastiques ou de l’anachorèse, c’est cela qu’il va exposer dans ses ouvrages et, à ce point de vue-là, je crois que c’est sans doute le meilleur document pour comprendre comment se sont élaborées et transformées, à l’intérieur de l’institution monastique, les pratiques de la vie philosophique que les anciens avaient déjà définies7.

10Foucault distingue ici le registre de la règle – regula, c’est-à-dire la norme que l’on doit suivre pour aller droit – de celui du régime – regimen, c’est-à-dire la manière de se conduire –, comme il distinguait précédemment, d’un côté, le champ de la morale, de la théorie et de la spéculation et, de l’autre, celui de la « pratique réelle », de la « mise en œuvre » d’une idée. Recherche, donc, à travers des textes soigneusement choisis, de ce niveau élémentaire du « comment ça fonctionne, comment on vit », où pensée et pratique s’articuleraient quasi directement.

11Ce n’est pas un hasard dans ce contexte qu’Augustin, « contemporain capital » de la pensée chrétienne jusqu’à aujourd’hui, soit absent de Du gouvernement des vivants, pour une raison d’abord tactique et légèrement polémique : référence incontournable pour l’élaboration décisive de pans entier de la doctrine chrétienne, sa présence aurait donné l’impression que l’histoire des pratiques de soi et l’histoire doctrinale avaient eu au premier millénaire le même calendrier. Mieux valait dans ces conditions faire porter l’attention sur un autre auteur, plus rhéteur (orateur, pasteur, polémiste) que véritable théoricien (il est peu systématique), et qui, sans être mineur comme l’obscur toulousain Guillaume de La Perrière, a toujours dérouté les commentateurs par ses multiples contradictions et son style obscur8. Raison de plus pour en faire le « bonhomme fondamental9 ». Augustin est d’ailleurs brièvement évoqué deux ans plus tard dans le cours L’herméneutique du sujet comme la probable origine du « grand conflit » puis du divorce entre théologie et spiritualité, entre une réflexion rationnelle reposant sur une conception du sujet connaissant en général et la pratique par laquelle un sujet particulier cherche à se transformer pour connaître la vérité10. Double raison, donc, à la fois méthodologique et historique, d’écarter une spéculation trop éloignée du « comment ça fonctionne, comment on vit. »

DES IDÉES

12Si les choix bibliographiques en sont la manifestation la plus éclatante, ce rejet de toute histoire des doctrines s’appuie d’abord sur une hypothèse épistémologique forte concernant le pouvoir, laquelle appartient à des travaux plus anciens sur la psychiatrie et la pénalité mais continue d’inspirer une certaine manière de lire l’histoire, d’y dessiner des objets, d’en extraire des moments significatifs : les techniques de contrôle et de discipline des corps ne fonctionnent pas à partir de ce que les individus ont dans la tête (les théories qui s’y élaborent, les représentations qui s’y déposent). La reprise de ces techniques par l’esprit humain, lequel subsume leur simple fonctionnement sous une fin qu’il leur assigne, joue bien un rôle dans leur maintien voire leur intensification, mais ce rôle est toujours second par rapport à la rationalité historique interne des pratiques. Les idées (schémas, projets, programmations) ne s’y déposent pas directement, ne s’y reflètent pas. Elles produisent plutôt des effets de bord à la fois inattendus et utiles : elles vont, par exemple, dessiner de nouveaux points de fixation ou de nouvelles grilles d’appréciation (comme la représentation de la prison idéale dans Surveiller et punir) sur lesquels la mécanique du pouvoir va s’appuyer pour se relancer ou se dissimuler. Le niveau théorique des discours où les pratiques se fondent et se légitiment n’est donc pas négligeable, au contraire : l’historien doit considérer ces théories comme « des fragments de réalité qui induisent [des] effets de réel11 », mais ces « effets de réel » ne viennent pas de la manière dont ils feraient impression sur les esprits ou trouveraient à concrètement s’appliquer. L’esprit n’est plus l’instance première par où passe le pouvoir pour dessiner à la surface de son réseau toujours mouvant d’objets, de gestes, de corps, d’institutions, de lieux, une « forme de rationalité » sans sujet pensant. Pour cette raison, deux théories parfaitement contradictoires peuvent participer de la même « forme de rationalité », à l’image des deux grandes théologies morales catholiques – casuistes versus rigoristes – qui vont s’affronter aux xvie-xviie siècles alors qu’elles ont la même technologie de pouvoir pour condition de possibilité : la « pénitentialisation de l’âme12 ». Les querelles doctrinales ne sont que des effets de surface au-dessus de connexions plus profondes et durables entre discours et appareils de pouvoir.

13À cette stricte physique du pouvoir, Sécurité, territoire, population va apporter un premier correctif en faisant droit à des formes singulières et efficaces d’élaboration des problèmes posés par le gouvernement des hommes, celles que Foucault va trouver chez les hommes de gouvernement eux-mêmes : ministres, conseillers, pédagogues, mais aussi pasteurs, évêques, etc. Les pratiques de gouvernement ne se transforment pas seulement à la surface des corps mais aussi et d’abord dans les esprits qui les élaborent au plus près de l’action. Cette conviction se retrouve dans Du gouvernement des vivants et se traduit par l’introduction, dans l’analyse historique, d’éléments importants de doctrine chrétienne, relatifs à l’efficacité des sacrements ou l’origine du mal. La résolution des problèmes concrets que rencontrent un chef de communauté, un évêque, un Ancien ou un abbé, croise en effet des champs réflexifs plus spéculatifs ou normatifs, en particulier la dogmatique et l’exégèse – croisement d’ailleurs non pas accidentel mais requis par la règle même de la parole chrétienne qui doit s’accorder à l’Écriture et à la tradition. L’historien, cette fois, ne s’impose aucune restriction a priori dans la reprise de leur forme argumentative. À côté de textes pastoraux en apparence mineurs, au moins circonstanciels, dont Foucault a l’audace de faire autant de pivots de l’histoire des techniques de soi chrétiennes, comme Le pasteur d’Hermas, le De baptismo ou encore le De paenitentia de Tertullien, on ne sera donc pas surpris de trouver des références implicites à des textes plus directement spéculatifs, en particulier dans le cours de 1980, ceux qui touchent à la doctrine du péché originel : le De testimonio animae et le De anima, du même Tertullien. Impossible, en effet, de penser le statut et l’efficacité du baptême dans la vie chrétienne sans penser la nature du péché et son origine.

14Reste cependant à préciser à quel moment ces idées relatives à la nature du péché interviennent dans les mutations que vont connaître le rite baptismal ou la discipline pénitentielle. Ce moment doit nous aider à déterminer si elles en sont la cause, l’effet ou la simple illustration. C’est là où le cours de 1980 hésite. D’un côté, la réflexion doctrinale sur le péché, par sa situation quasi inaugurale dans la présentation que fait Foucault de l’œuvre de Tertullien13, pourrait donner l’impression qu’elle est le véritable moteur des transformations, comme si l’exercice de définition pure de ces objets que sont « l’âme », « Dieu » ou « Satan » précédait et ordonnait l’évolution des pratiques chrétiennes de vérité. Le propos de Foucault reste d’ailleurs ambigu : c’est bien « autour de la conception du péché originel » que va se réorganiser chez Tertullien le rapport entre purification et vérité14. C’est l’élaboration nouvelle chez lui du problème « de la souillure et de l’hérédité de la souillure » qui a eu « une série de conséquences fondamentales en ce qui concerne le baptême et les effets spécifiques que l’on doit attendre du baptême15 ». Mais d’un autre côté, deux leçons plus loin, après avoir précisé que les réflexions de Tertullien « ne sont ni isolées ni prémonitoires », Foucault fait de sa doctrine de la pénitence « une forme plus particulièrement élaborée de ce qui est en train de se passer et dont on voit des témoignages non seulement dans les textes qui lui sont contemporains, mais aussi et surtout dans les institutions du christianisme16 ». Ce qui est en train de se passer, c’est en particulier l’institution et l’évolution du catéchuménat à partir des années 170-180, soit vingt ou trente ans avant le De paenitentia17, dans le contexte d’une triple difficulté qu’affrontent les communautés chrétiennes : l’afflux de postulants, le renforcement des persécutions, le contexte polémique. Ce n’est donc pas la réflexion sur la faute héréditaire qui, se développant à partir de ses propres règles, à travers controverses et régulations doctrinales, amène à redéfinir l’efficacité du baptême, c’est plutôt le croisement de processus d’ordres divers : politiques, disciplinaires, doctrinaux. Croisement que Sécurité, territoire, population avait évoqué de manière suggestive en termes de « phénomènes de coagulation, d’appui, de renforcement réciproque, de mise en cohésion, d’intégration18 », renvoyant les unités apparentes que se donne la pensée à un espace premier de dispersion. On remarquera par ailleurs et à la fois que le De testimonio animae et le De anima ne sont pas explicitement cités par Foucault, comme s’ils étaient des moments de la pensée mais pas des documents, et que l’excursus dans la doctrine du péché originel est le seul prolongé de l’ensemble du cours. En revanche, des pans entiers de la théologie dogmatique sont quasi absents : christologie, théologie trinitaire, sotériologie, ecclésiologie, eschatologie ; même si rien ne semble par principe interdire de développer d’autres croisements entre l’évolution des pratiques et celle de la dogmatique, pensons aux interactions entre le baptême et l’eschatologie ou entre la mortification et la doctrine de la résurrection de la chair, dont Michel Senellart a souligné la potentielle fécondité en même que temps que l’absence du cours de 198019.

15Reste cependant que la situation d’extériorité des doctrines par rapport au cœur de l’analyse, leur mention toujours occasionnelle, brève, subreptice, pourrait amener à interroger l’interprétation que donne Foucault de l’histoire chrétienne. Car si la théorie et la pratique se croisent à de rares occasions dans le cours de 1980, c’est bien qu’au départ elles ne s’appartiennent pas. Non que la première serait le refuge d’une activité intellectuelle dont la seconde serait dépourvue, bien au contraire, puisque le domaine de la pensée chez Foucault relève autant de la « forme même de l’action » que des « formulations théoriques20 ». Mais tout se passe comme si l’économie dogmatique du christianisme était à l’avance disqualifiée au plan méthodologique par sa trop évidente volonté de vérité, dont se détacherait un effort plus souple et ouvert de « problématisation », lequel serait le fait également de penseurs chrétiens, et pas des moindres, mais dont l’activité intellectuelle serait tournée vers la vie, l’existence concrète, les problèmes locaux, etc. Pour la pensée ici engagée, il ne s’agirait plus de définir l’essence d’une chose mais d’affronter une situation inédite et de modifier en conséquence la manière dont elle interroge l’existence en ses manifestations les plus immédiates : comment on doit se comporter, se vêtir, etc. Dans cet horizon resserré de la pensée n’est reconnue à la doctrine chrétienne, comme forme d’élaboration de propositions sur les choses divines recevables par une communauté et son histoire (l’ἐκκλησία), aucune forme de primauté. Si elle n’est pas ignorée, elle ne fait l’objet d’aucun traitement à part, son historicité propre n’intéresse pas Foucault.

DE L’ARGUMENTATION

16Les excursus doctrinaux de 1980, que les précédents cours au Collège avaient d’ailleurs soigneusement évités21, ont une portée limitée : les références à la théologie, ou même à l’exégèse, viennent uniquement de la logique argumentative propre aux auteurs commentés, éventuellement via la référence à un autre de leurs écrits. Mais à aucun moment le cours ne convoque, du dehors de ses « petits » textes soigneusement choisis pour leur aspect faiblement théorique, une déclaration conciliaire ou un traité dogmatique d’un autre auteur, comme il avait pu convoquer la philosophie utilitariste ou le règlement des écoles lasalliennes pour penser l’histoire de la discipline carcérale dans Surveiller et punir. En faisant une place conséquente à la doctrine du péché originel, ou plus modeste à l’efficacité spirituelle de l’eau dans l’Écriture et au sens du baptême johannique22, Foucault se contente de citer Tertullien dans la forme stricte du commentaire. Du fait de la sobriété de ces citations, le statut de l’argumentation théologique, encapsulée dans des textes où elle ne manifeste rien d’autre que la volonté de prouver ou d’être en règle avec un corps doctrinal, est incertain : peu importe ses procédés propres, les images ou les textes bibliques qu’elle convoque, pourtant historiquement marqués et lourds de stratégies énonciatives, il suffit que l’argumentation ait été considérée comme convaincante ou recevable. À aucun moment il n’est possible de déduire de l’analyse de Foucault ce que la théologie fait à la pratique.

17Ce cantonnement de la théologie dans la rhétorique d’un discours – où elle appuie l’argumentation, dans un système de persuasion qui est propre à son cercle de lecteurs – nous rappelle l’enjeu premier du cours : décrire le « régime de vérité » qui organise aux premiers siècles les actes que doit librement poser le sujet chrétien pour parvenir au salut, en laissant explicitement de côté la question de l’adhésion du sujet à des contenus de foi. Attention exclusive, donc, au pôle subjectif de la vérité engagée par la vie chrétienne, à stricte distance de celui, objectif, du depositum fidei. Il s’agit de décrire l’évolution des pratiques pénitentielles et non pas l’histoire de leur signification spirituelle. Or, c’est précisément l’élaboration de cette signification qui est l’une des tâches de la théologie : articuler les actes de vérité requis du sujet à ce que Foucault appelait en début de cours, mais pour l’écarter aussitôt de son champ d’investigation, le « système dogme et foi23 », c’est-à-dire le contenu même de la croyance. En dépit des « rapports profonds et fondamentaux24 » qu’ils entretiennent, Foucault se méfie d’une articulation trop immédiate entre les deux plans de réalité – objet d’adhésion/acte du sujet – qui ferait retomber son analyse dans celle traditionnelle des idéologies ou des représentations. Le régime chrétien de l’aveu de soi n’a pas besoin d’un surcroît théologique – dont l’histoire des idéologies s’est par ailleurs déjà occupée (pensons aux travaux de Georges Duby) – pour s’appliquer et fonctionner.

18Par rapport à cette position malaisée, Les aveux de la chair, livre rédigé dans la suite du cours de 1980, accomplit alors un déplacement remarquable, sans doute en partie dicté par cette même notion de « régime de vérité » dont le cours n’avait, semble-t-il, pas encore tiré toutes les conséquences. Car à partir du moment où l’analyse du gouvernement de soi et des autres intègre en son sein les actes libres et réfléchis que l’on pose pour se transformer soi-même et donner à sa vie une forme déterminée – forme que la plupart des grandes traditions philosophiques et spirituelles prennent la peine de décrire comme belle, désirable, cohérente, harmonieuse –, il convient alors de faire droit aux modes d’adhésion du sujet à de telles formes d’existence et aux arguments qui la lui présentent comme digne d’adhésion. Le champ immense des actes volontaires, entrouvert en 1980, que recouvrait auparavant la complicité historique trop étroite du pouvoir imposé et du savoir arraché au sujet, ouvre celui non moins immense de ce qui meut la volonté. Question cruciale en contexte de régime religieux de vérité où l’évidence ne vaut plus, comme Foucault l’avait rapidement évoqué au début du cours de 1980 : « Après tout, il faut bien quelque chose comme une obligation pour croire à la résurrection de la chair, ou à la trinité, ou à des choses comme ça25. »

19La grande nouveauté des Aveux de la chair n’est finalement pas tant le retour d’Augustin, le Père capital, que l’introduction dans l’analyse de ce que Foucault, avec la tradition, appelle le « sens spirituel » des conduites, expression fréquente tout au long de l’ouvrage posthume, avec ses synonymes « valeur spirituelle » et « signification spirituelle », lesquels retiennent pour la première fois l’attention du philosophe et scandent sa démonstration26. Contrairement à la microphysique du pouvoir qui contournait sans difficulté la vie de l’esprit, les techniques de soi ne peuvent se passer de l’hypothèse que les individus adhèrent véritablement et personnellement au but recherché, et doivent pour cela se doter non seulement de raisons, mais aussi d’images et de « figures spirituelles » (AC, p. 201) qui vont susciter le désir et entraîner la volonté.

20Sans doute, le tissu historique des problématisations garde-t-il pour trame principale la connexion entre des éléments hétérogènes : « […] il y a là tout un ensemble où la liturgie, les institutions, la pratique pastorale et les éléments théoriques s’appellent et se renforcent les uns et les autres » (AC, p. 84-85) ; sans doute ce tissu empêche-t-il de faire de la volonté individuelle le nouvel acteur de l’histoire au gré de ses attachements. Mais nous allons voir à travers l’exemple de la virginité – qui occupe rien moins qu’un tiers de l’ouvrage – comment une attention nouvelle à une dimension précise de la doctrine chrétienne fait refluer dans l’analyse un peu sèche des technologies tout un vaste et riche ensemble de sentiments moraux.

DU SENS SPIRITUEL

21Contournons la première partie des Aveux – laquelle rouvre surtout des dossiers du cours de 1980 (baptême, seconde pénitence, direction monastique) –, et concentrons-nous sur la deuxième, « Être vierge », laquelle offre avec la troisième et dernière « Être marié », un matériau entièrement nouveau, même si un extrait avait été publié en 1982 dans la revue Communications sous le titre « Le combat de la chasteté27 ».

22Attestée dès le iie siècle et objet d’une intense élaboration intellectuelle jusqu’au vie siècle, la virginité est d’abord un « choix libre et individuel » (AC, p. 186), dont l’importance théorique et pratique interdit de la réduire à un « simple principe d’abstention » (AC, p. 152), mais tout autant d’y lire une extension des interdits et une disqualification de l’acte sexuel. Ce qui intéresse Foucault dans la virginité, c’est la positivité d’une nouvelle expérience de soi.

23État de vie singulier et non obligation générale, elle ne relève au départ, avant le ive siècle, ni d’une technique ni d’un « art » particulier, même si elle pouvait soulever des questions pratiques (question du vêtement des vierges chez Cyprien). Elle n’offre donc pas à l’analyse les mêmes points d’accroche que les rites, les épreuves et les examens dont Foucault avait suivi l’évolution dans le cours de 1980, d’abord guidé par une « perspective “technique” ou “praxéologique”28 » dont nous avons ci-dessus évalué les conséquences. Par ailleurs, Foucault le rappelle à plusieurs reprises, la virginité est pourtant un élément cardinal de l’histoire qui l’intéresse puisque, écrit-il, c’est « dans l’élaboration de celle-ci […] que s’est formée la conception chrétienne de la chair » (AC, p. 153). Mais l’importance prise ici par un état de vie déporte l’attention du philosophe : au lieu de s’intéresser aux difficultés posées par des comportements et des situations concrètes, que la réorganisation des rites et obligations allait à sa manière prendre en charge (allongement et redéfinition des fonctions de la préparation au baptême, institution d’une « seconde chance » d’être sauvé après le baptême), Les aveux de la chair cherchent d’abord « la valeur et le sens » (AC, p. 152) d’une expérience singulière. « Sens » ne désigne pas ici simplement ce que quelque chose veut dire, mais l’événement que constitue l’apparition d’énoncés qui reconnaissent, honorent, exaltent cette chose, au point de l’inscrire dans l’histoire générale du monde et du salut – alors même que, par exemple, la question de la valeur et du sens de la vie monastique n’était pas abordée dans le cours de 1980, pas plus que celle des rites29.

24Cette historiographie, qui pourrait sembler presque régressive par rapport aux grandes généalogies des années 1970, conserve quatre traits originaux :

  1. Elle cherche l’émergence de problèmes nouveaux, sans se laisser tromper par l’existence préalable du mot et de la chose comme le ferait une simple histoire des idées ou une histoire des comportements : si la virginité avait déjà été pensée par Tertullien (Exhortation à la chasteté, Le voile des vierges), elle s’y voyait alors dissoute dans une morale plus générale de la continence (AC, p. 157). Au contraire, dans le De habitu virginum de Cyprien, un demi-siècle plus tard, la virginité se voit accorder une « place privilégiée » à côté de la morale courante (AC, p. 158) et devient l’objet d’un discours dédié.

  2. Elle identifie ces émergences dans l’échange de la pensée avec elle-même, à distance du contexte économique, politique ou social que les problèmes ici étudiés ne reflètent ni n’éclairent directement, contrairement par exemple à l’approche d’un Peter Brown30. Affirmation ici de la spécificité de l’histoire de la pensée par rapport à l’histoire sociale, qui revient dans plusieurs textes et entretiens des années 198031. Le « contexte » du ive siècle (AC, p. 177) n’est plus qu’un contexte strictement intellectuel sous la plume de Foucault, qui se contente de citer d’autres discours, d’autres événements de pensée contemporains.

  3. Elle reconstitue ces émergences dans des textes à portée non pas théorique mais pratique, considérés bien souvent comme mineurs : textes didactiques (De habitu virginum de Cyprien) ou d’exhortation (Le banquet de Méthode d’Olympe) ; ce qui demande une herméneutique pour ne pas se laisser distraire par un contenu parfois décevant, des « conseils au premier regard assez superficiels » ou ce qui ressemble à une « simple succession d’homélies » (AC, p. 162) ; la forme même des textes risque de faire manquer au lecteur « une série d’expressions disséminées » (AC, p. 160), « une ligne de force » (AC, p. 161) ou encore des significations « implicites » (ibid.) que l’analyse doit mettre en lumière. Le commentaire ne semblera littéral qu’aux lecteurs n’ayant pas connaissance des difficultés déroutantes de ces textes souvent répétitifs ou sinueux, lesquels nous rappellent que les « événements réflexifs » n’ont pas de lieux privilégiés, n’ont pas des modes d’exposition plus légitimes que les autres.

  4. Elle les analyse au moment où ils prennent « valeur et sens » dans le discours, avant même leur reprise sous la forme d’un « art » ou d’un « régime de vie » complet et codifié. C’est le « sens spirituel » inédit que reçoit la virginité chez Cyprien « comme intégrité totale de l’existence, et non plus simplement comme continence rigoureuse » (ibid.).

25Ce quatrième niveau s’avère le plus inattendu par rapport aux précédents travaux. Car en explicitant de la sorte – parfois longuement – « la valeur et le sens » d’un état de vie, le risque n’est-il pas de répéter, même par le biais d’une subtile herméneutique, la stricte doctrine de ces textes, c’est-à-dire ce qu’ils prétendent enseigner ?

26À moins de reconnaître que la pensée engagée dans ces textes anciens ne cherche pas tant à démontrer qu’à entraîner, exhorter et surtout rendre désirable une conduite. Pensée non pas de l’objectivité du contenu, mais de ce qu’il doit produire dans le sujet. Non pas, donc, l’existence angélique en tant que telle, mais ce que la pensée de l’existence angélique déchire et libère dans l’existence quotidienne virginale : des horizons de sens plus que des proximités, un « but vers lequel on garde les yeux fixés » (AC, p. 205). Lieu théologique, assurément, mais en un sens précis : à aucun moment Foucault ne s’intéresse à la manière dont la virginité va s’insérer dans la doctrine chrétienne et y amener en retour d’importantes réorganisations. En revanche, il s’intéresse à tout argument qui devient pour le sujet chrétien « puissance d’appel » (AC, p. 184). Et si toute l’histoire du monde et de son salut est convoquée par les auteurs chrétiens du ive siècle pour exposer la haute valeur de la virginité (AC, p. 194 et suiv.), elle l’est pour édifier et non pour être connue en elle-même ni pour elle-même. Il y a, dans ces discours d’éloge, l’excitation d’un désir. Et sans doute était-ce le point aveugle du cours de 1980 de ne pas avoir été en mesure de répondre à la question essentielle : comment des vies librement choisies et pourtant si exigeantes vis-à-vis d’elles-mêmes sont-elles devenues intellectuellement désirables ? Il ne suffit pas, pour cela, que le « sens spirituel » soit l’objet d’une démonstration générale, puisqu’il est d’abord et avant tout sens pour un individu, surtout quand les conduites qu’il promeut (virginité ou continence définitive) ne prétendent pas être pour tous.

27Cette part des discours chrétiens qui ne s’épuise pas dans la seule argumentation, et à laquelle Foucault accorde une place nodale dans Les aveux de la chair, est leur part édifiante, si l’on se permet d’emprunter au philosophe Søren Kierkegaard cette catégorie qu’il reprochait à Hegel d’avoir méprisé alors qu’elle est « une catégorie de la connaissance non négligeable32 ». Sans présumer la moindre influence secrète d’un auteur que Foucault avait néanmoins assurément lu, il convient de citer une formule du penseur danois qui éclaire l’expression de « sens spirituel », cohérente par ailleurs avec la portée strictement subjective de la spiritualité chez Foucault, comme travail de soi sur soi : « Car seule la vérité qui édifie est vérité pour toi33. »

28À plusieurs reprises, Foucault a rappelé combien il était difficile d’entrer dans un monastère (dix jours à la porte, méprisé et injurié, un an avec les visiteurs et hôtes de passage, puis un temps indéterminé sous la direction d’un Ancien), alors même que le geste importait à une Église qui se voulait universelle et à l’histoire de l’humanité telle que celle-ci la pensait. En mettant l’accent sur le caractère libre et volontaire de certaines pratiques religieuses, Foucault se confronte à la force discursive qui entraîne la volonté à se plier à de tels exercices : comment le discours fait de ce qui semblerait au premier abord une amputation des possibles une forme positive de vie. L’importance nouvelle accordée au sens spirituel des conduites, dont l’élaboration précède toute définition d’une « technologie » comme la valeur de la virginité a précédé l’art d’être vierge, et comme les discours d’éloge (Méthode d’Olympe) précèdent ceux qui fixent des moyens pour arriver à leurs fins (Basile d’Ancyre), ouvre un espace nouveau pour l’histoire de la pensée telle que l’élabore Foucault : non pas tant l’effort intellectuel qui vise à fonder, démontrer, convaincre, mais celui qui vise à entraîner, exhorter et surtout rendre désirable une conduite. La doctrine chrétienne n’a sa place dans l’histoire des pratiques chrétiennes de soi qu’en tant qu’elle participe à un double effort de problématisation et de valorisation de l’existence idéale : ce τέλος, dont L’usage des plaisirs fera l’un des quatre principes de différenciation des grandes expériences morales34. Place qui ne fait certainement pas complètement droit à tous les effets dans l’histoire du christianisme de son économie dogmatique. Mais place qui tient à conserver ce strict point de vue du sujet, pour approcher de ce plan de réalité qui se dérobe toujours plus ou moins à l’historien du « comment ça fonctionne, comment on vit ».

Notes de bas de page

1  Citons, par exemple, Jean Daniélou, Histoire des doctrines chrétiennes avant Nicée, t. 1, Théologie du judéo-christianisme, Paris, Desclée, 1958 ; t. 2, Message évangélique et culture hellénistique aux iie et iiie siècles, Paris, Desclée, 1961, ou encore le champ important de l’histoire des dogmes, depuis la classique Dogmengeschichte d’Adolf von Harnack (Freiburg/Leipzig, J. C. B. Mohr, 1893).

2  Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 2, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984, p. 51.

3  Voir Philippe Chevallier, « Foucault et les sources patristiques », dans Philippe Artières et alii (dir.), Michel Foucault, 2011, Paris, L’Herne (Cahiers de l’Herne, 95), p. 136-141.

4  Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p. 282.

5  Ibid., p. 296-297.

6  Ne sont utilisées d’Origène que les Homélies sur l’Exode, pas les grands traités systématiques.

7  Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France (1979-1980), éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2012, p. 256-257.

8  « […] nous avons dû plus d’une fois éviter de conclure, et sans doute il serait téméraire de prétendre arracher toujours leur dernier mot à des textes si obscurs et, de l’aveu des meilleurs juges, souvent encore mal fixés », Adhémar d’Alès, La théologie de Tertullien, 2e éd., Paris, Beauchesne (Bibliothèque de théologie historique), 1905, p. XIV. Cette perception a été grandement modifiée par la thèse de Joseph Moingt, Théologie trinitaire de Tertullien, Paris, Aubier-Montaigne, 1966-1969, 4 vol.

9  Foucault, « Le jeu de Michel Foucault » [1977], DE 2, 206, p. 313.

10  Foucault, L’herméneutique du sujet. Cours au Collège de France (1981-1982), éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2001, p. 28.

11  Foucault, « Table ronde du 20 mai 1978 » [1978], DE 2, 278, p. 848.

12  « Peu importe d’ailleurs le laxisme, lui-même et son adversaire rigoriste se sont développés sur le fond de ce qu’on pourrait appeler la grande “pénitentialisation de l’âme” aux xvie-xviie siècles » (boîte 87, BNF, NAF 28730, extrait du deuxième volume abandonné de la première version de l’Histoire de la sexualité).

13  Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 104.

14  Ibid.

15  Ibid., p. 106.

16  Ibid., p. 143, nous soulignons.

17  Sa datation varie entre 198 et 204.

18  Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 244.

19  Michel Senellart, « Michel Foucault : une autre histoire du christianisme ? », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, hors-série, 7, 29 mars 2013 (http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/12872, consulté le 11 août 2018) ; Id., « Gouverner l’être-autre : la question du corps chrétien », dans Jean-François Braunstein, Daniele Lorenzini, Ariane Revel, Judith Revel, Arianna Sforzini (dir.), Foucault(s), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017, p. 205-221.

20  « La “pensée” ainsi entendue n’est donc pas à rechercher seulement dans des formulations théoriques, comme celles de la philosophie ou de la science ; elle peut et doit être analysée dans toutes les manières de dire, de faire, de se conduire où l’individu se manifeste et agit comme sujet de connaissance, comme sujet éthique ou juridique, comme sujet conscient de soi et des autres. En ce sens, la pensée est considérée comme la forme même de l’action […] », « Préface à l’“Histoire de la sexualité” » [1984], DE 2, 340, p. 1398-1399.

21  Pensons à Sécurité, territoire, population sur le pouvoir pastoral et Les anormaux sur la confession, où « Dieu », le « salut », l’« âme » n’étaient que des opérateurs du discours, vides de tout contenu théologique particulier.

22  Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 113-114 et 126.

23  Ibid., p. 81.

24  Ibid., p. 83.

25  Ibid., p. 93.

26  Un simple relevé dans la deuxième partie des Aveux, « Être vierge », vérifie l’importance des occurrences : « sens spirituel » (AC, p. 161, 215 et 223), « valeur spirituelle » (AC, p. 161, 177), « valorisation spirituelle » (AC, p. 157), « signification spirituelle » (AC, p. 165, 177 et 189). Ces expressions sont absentes du cours de 1980.

27  Nous conseillons sa lecture dans l’édition récente, intégralement corrigée, de Michel Senellart, « Le combat de la chasteté », dans Foucault, Œuvres, éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), t. 2, p. 1365-1379 et 1644-1650.

28  Si l’on reprend ici la manière dont Foucault relit sa propre histoire des pratiques de pénitence dans une annexe inédite, éditée séparément (« Annexe 2 », AC, p. 391).

29  « Sens » et « valeur » n’ont en 1980 qu’un usage neutre, banal, dans la bouche de Foucault que vérifie l’absence d’une expression comme « sens spirituel », si importante dans Les aveux de la chair (voir n. 474). La « valeur spirituelle » n’est évoquée qu’une fois, mais c’est la simple reprise de l’argumentation de Tertullien sur l’efficacité de l’eau du baptême au regard des Écritures, voir Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 115.

30  Peter Brown, Le renoncement à la chair. Virginité et célibat dans le christianisme primitif, trad. de l’angl. par Pierre-Emmanuel Dauzat et Christian Jacob, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1995.

31  Que la pensée ait une historicité qui lui est propre « ne veut pas dire qu’elle est indépendante de toutes les autres déterminations historiques (d’ordre économique, social, politique), mais qu’elle a avec celles-ci des rapports complexes qui laissent toujours leur spécificité aux formes, aux transformations, aux événements de la pensée » (« Préface à l’“Histoire de la sexualité” », art. cité, p. 1399).

32  « Elle est étrange, cette haine de Hegel pour l’édifiant qui perce partout ; mais loin d’être un narcotique qui vous assoupit, l’édifiant est l’amen de notre esprit temporel, et un côté de la connaissance non négligeable », Søren Kierkegaard, Papier, III A 6, dans Journal, trad. du danois par Knud Ferlov et Jean-Jacques Gateau, Paris, Gallimard, 1963, t. 1, p. 202.

33  Id., L’alternative, 2e partie, dans Œuvres complètes, trad. du danois par Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet-Tisseau, Paris, L’Orante, 1970, t. 4, p. 317.

34  Avec la « substance éthique », les « modes d’assujettissement » et les « formes d’élaboration », Foucault, L’usage des plaisirs, op. cit., p. 39-40.

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