Les Pères, la vérité et la subjectivité
La conceptualisation de la chair comme expérience
p. 37-51
Texte intégral
1Un des apports conceptuellement les plus riches dans les dernières investigations de Michel Foucault consacrées à l’Histoire de la sexualité concerne sans aucun doute la définition de l’expérience. La récente publication des Aveux de la chair invite à interroger la portée de cette définition, notamment en ce qui concerne ce que Foucault appelle « l’expérience de la chair ». Cet article se propose d’interroger l’évolution de la conceptualisation de l’expérience de la chair qui traverse les derniers volumes de l’Histoire de la sexualité en prenant comme fil conducteur un aspect spécifique des dimensions que cette conceptualisation engage : le rapport entre subjectivité et vérité.
LA CONCEPTUALISATION DE L’EXPÉRIENCE DE LA CHAIR DANS LES RECHERCHES TARDIVES DE L’HISTOIRE DE LA SEXUALITÉ
2Dans le cadre des « modifications » introduites par le deuxième volume de l’Histoire de la sexualité, L’usage des plaisirs, le terme « expérience » est au cœur d’un mouvement par lequel Foucault propose une lecture rétrospective et générale de ses propres recherches en même temps qu’il précise la perspective de son entreprise philosophique en la distinguant d’autres types d’historiographie, notamment l’histoire des « comportements » et celle des « représentations ». C’est dans cette optique qu’il interroge les conditions de la formation d’une « expérience » à partir de laquelle les individus des sociétés occidentales se reconnaissent comme sujets d’une « sexualité1 ». Plus précisément, au fil des « modifications » de L’usage des plaisirs, Foucault s’appuie sur le terme « expérience » afin d’articuler les domaines principaux de ses recherches, affirmant ainsi que son projet « était donc une histoire de la sexualité comme expérience, – si on entend par expérience la corrélation, dans une culture, entre domaines de savoir, types de normativité et formes de subjectivité2 ». Ce faisant, Foucault redéfinit les grands enjeux de son entreprise consacrée à l’étude de la sexualité en l’adaptant aux précisions thématiques et méthodologiques forgées dans ses derniers cours au Collège de France. Dans ces cours, en effet, ces trois domaines sont conçus soit comme des « foyers d’expérience » renvoyant les uns aux autres, afin de mener l’analyse de ce que Foucault entend par « pensée3 », soit comme des « éléments » dont le rapport permet d’étudier la parrêsia4. L’expérience, comme concept, implique ainsi une articulation à trois termes dont les domaines d’application sont toujours les mêmes – les champs du savoir, les techniques gouvernementales et les formes de la subjectivité –, mais dont le contenu est toujours historique et spécifique. Le concept d’expérience mobilise donc deux dimensions : une partie statique – son armature à trois termes : savoir, pouvoir, subjectivité – et une partie dynamique – le contenu toujours contingent de ces termes à un moment déterminé. C’est ainsi que Foucault peut souligner que l’expérience moderne de la sexualité se compose de trois axes : « La formation des savoirs qui se réfèrent à elle [la sexualité], les systèmes de pouvoir qui en règlent la pratique et les formes dans lesquelles les individus peuvent et doivent se reconnaître comme sujets de cette sexualité5. » Or, l’expérience de la sexualité n’est pas la seule expérience considérée par Foucault dans le cadre de ses propres recherches et hypothèses de travail.
3En effet, comme le souligne à maintes reprises L’usage des plaisirs, les dernières recherches de Foucault proposent un grand schéma chronologique centré sur trois expériences : l’expérience ancienne des aphrodisia, l’expérience chrétienne de la chair et l’expérience moderne de la sexualité. Dans les premières pages de L’usage des plaisirs, l’expérience de la chair est évoquée afin d’avancer une hypothèse visant à interroger l’acceptation généralisée de la théorie du « sujet de désir » dans l’approche moderne de la sexualité. Foucault affirme que l’expérience de la sexualité comporte une figure historique singulière différente de l’expérience chrétienne de la chair quoique « elles semblent dominées toutes deux par le principe de l’homme de désir6 ». Cette hypothèse justifierait l’exigence de mener une « généalogie » du désir et du sujet désirant qui permette d’expliquer la formation et le développement de l’expérience de la sexualité à partir du xviiie siècle, en se focalisant notamment sur la manière dont « les individus ont été amenés à exercer sur eux-mêmes, et sur les autres, une herméneutique du désir dont leur comportement sexuel a bien été sans doute l’occasion, mais n’a certainement pas été le domaine exclusif7 ». Dans le reste du livre, l’expérience de la chair y est simplement mentionnée ou, dans la plupart des cas, elle se cache derrière les discrets contrastes que Foucault utilise pour mieux décrire les aphrodisia, renvoyant ainsi à un jeu auquel seul le lecteur spécialiste de Foucault ou du christianisme pourrait jouer.
4La publication des Aveux de la chair permet de combler ce vide relatif au contenu de l’expérience de la chair, notamment parce que le livre en donne une définition stricte. On la trouve au premier chapitre du désormais quatrième volume de l’Histoire de la sexualité intitulé « La formation d’une expérience nouvelle » :
La pratique de la pénitence et les exercices de la vie ascétique organisent des relations entre le « mal faire » et le « dire vrai », elle lie en faisceau les relations à soi, au mal et au vrai, sur un mode qui est sans doute beaucoup plus nouveau et beaucoup plus déterminant que tel ou tel degré de sévérité ajouté au ou retranché du code. Il s’agit en effet de la forme de la subjectivité : exercice de soi sur soi, connaissance de soi par soi, constitution de soi – même comme objet d’investigation et de discours, libération, purification de soi-même et salut à travers des opérations qui portent la lumière jusqu’au fond de soi, et conduisent les plus profonds secrets jusqu’à la lumière de la manifestation rédemptrice. C’est une forme d’expérience – entendue à la fois comme mode de présence à soi et schéma de transformation de soi – qui s’est élaborée alors. Et c’est elle qui a peu à peu placé au centre de son dispositif le problème de la « chair » […]. La « chair » est à comprendre comme un mode d’expérience, c’est-à-dire comme un mode de connaissance et de transformation de soi par soi, en fonction d’un certain rapport entre annulation du mal et manifestation de la vérité (AC, p. 50-51).
5La chair apparaît ainsi directement rapportée à la notion d’expérience et liée en particulier à la dimension de la subjectivité. Comme on le sait, la dimension de la subjectivité se trouve justement au centre des dernières recherches de Foucault, notamment de celles consacrées à l’Antiquité, et c’est d’ailleurs le recentrement des recherches sur la question de la subjectivité qui a amené Foucault à se focaliser sur « l’histoire de l’homme de désir » et sur la lente formation d’une « herméneutique de soi » durant l’Antiquité8.
6Les rapports entre la conceptualisation pour ainsi dire « stricte » de l’expérience de la chair que l’on trouve dans Les aveux de la chair et l’approche de l’expérience de la chair mobilisée tout au long de l’introduction à L’usage des plaisirs sont toutefois complexes. Une première raison tient à la chronologie des deux ouvrages et du travail en cours de Foucault. Comme nous l’avons souligné, la définition de l’expérience proposée par L’usage des plaisirs est de toute évidence inspirée des recherches au Collège de France des années 1983-1984. Cela veut dire que cette définition est postérieure à celle de l’expérience de la chair donnée par Les aveux de la chair, dont la rédaction définitive est à dater, comme l’observe Frédéric Gros, des années 1981-1982 (AC, p. V). Ce déphasage entre l’écriture et la publication des Aveux de la chair incite à une certaine prudence au moment d’interroger la définition de l’expérience de la chair que le livre propose. Au moment où celle-ci a été forgée, la définition de l’expérience qui émerge dans le corpus foucaldien à partir de 1983, avec son armature tripartite, n’avait probablement pas été élaborée. À ce déphasage temporel s’ajoute un déphasage de contenu, qui concerne non pas tant la notion d’expérience que les principaux éléments par lesquels se définit la morphologie de l’expérience de la chair. Comme le souligne le passage des Aveux de la chair cité précédemment, l’expérience de la chair se serait organisée surtout à partir de la pratique de la pénitence et de la vie ascétique. En termes plus précis, ces deux moments sont à rapprocher de « la discipline pénitentielle, à partir de la seconde moitié du second siècle, et l’ascèse monastique à partir de la fin du troisième » (AC, p. 50). Dans le corps du livre, ainsi que dans le cadre des recherches de Foucault sur le christianisme, l’analyse de la discipline pénitentielle engage notamment l’étude de la discipline du baptême chez Tertullien et l’ascèse monastique fait référence aux analyses que Foucault consacre aux textes de Jean Cassien. Cette définition de l’expérience de la chair focalisée sur la discipline du baptême et l’ascèse monastique contraste sans doute avec celle donnée par L’usage des plaisirs dont le principal élément est « le principe de l’homme de désir ». Car, comme il se dégage des analyses de Foucault – nous le verrons –, dans aucune de ces deux références le désir n’est problématisé comme un objet prééminent de réflexion. Autrement dit, dans la définition de l’expérience de la chair établie dans Les aveux de la chair à partir de Tertullien et de Cassien, le désir n’est pas l’objet principal, pas même un des objets spécifiques autour desquels s’organise cette expérience. Ce contraste est d’autant plus étonnant si l’on remarque que le dernier point du chapitre des Aveux de la chair est consacré à la problématisation de la libido chez Augustin, dans laquelle le problème du désir de l’homme constitue la clé de voûte pour comprendre l’éthique sexuelle du mariage selon l’évêque d’Hippone.
7Il n’est pas facile d’expliquer pourquoi, dans Les aveux de la chair, Foucault n’inclut pas la problématisation augustinienne de la concupiscence parmi les éléments formateurs de l’expérience de la chair. Toujours est-il que le constat d’un déplacement dans la conceptualisation de cette expérience s’impose : de la rédaction des Aveux de la chair à celle de L’usage des plaisirs il est clair que la problématisation augustinienne du désir acquiert aux yeux de Foucault une place fondamentale, comme l’un des éléments caractéristiques de l’expérience de la chair. Plus précisément, ce déplacement, comme le suggère la formule « herméneutique du désir » évoquée à plusieurs reprises dans L’usage des plaisirs, propose une étroite articulation entre Cassien et Augustin9. Car c’est finalement à partir du lien intime entre l’herméneutique de soi et la libido que Foucault essayera de décrire la morphologie de l’expérience de la chair.
8Dans les lignes qui suivent, l’analyse se focalisera sur les principales lignes de force qui traversent le rapport entre subjectivité et vérité telles qu’elles peuvent être repérées à partir de la définition de l’expérience de la chair proposée par Les aveux de la chair. Comme on le voit dans le passage des Aveux de la chair cité précédemment, le rapport entre subjectivité et vérité joue un rôle central dans ce qui semble constituer une des premières conceptualisations de l’expérience de la chair. L’attention se concentrera ainsi sur les deux champs de référence où il est possible de saisir ces lignes de force, à savoir la discipline du baptême et l’ascèse monastique. Une fois cette analyse déployée, nous reviendrons brièvement sur les nuances introduites par l’inclusion tardive d’Augustin dans la conceptualisation de l’expérience de la chair, notamment en termes du rapport entre subjectivité et vérité. Ceci permettra d’entrevoir finalement une piste d’investigation majeure ouverte par ces nuances.
LA DISCIPLINE DE LA PÉNITENCE, LA DISSOCIATION ENTRE L’ASCÈSE ET L’ILLUMINATION ET LA PURIFICATION DE SOI
9L’élaboration d’une discipline de la pénitence baptismale par Tertullien au tournant du iiie siècle constitue un événement majeur aux yeux de Foucault pour comprendre une série de modifications significatives du rapport entre subjectivité et vérité dans le cadre chrétien. En particulier, ces modifications se rapportent au lien entre le rachat des fautes et l’accès à la vérité ; mais dans l’interstice se joue en réalité la problématisation d’une forme inédite du rapport du sujet avec lui-même. Afin de mieux saisir l’épaisseur des modifications introduites par Tertullien, il convient de revenir sur les termes de la coupure que Foucault attribue à l’auteur carthaginois.
10Jusqu’au iie siècle, la rémission baptismale des fautes est liée à une double dynamique d’accès à la vérité. D’une part, le baptême engage un enseignement au cours duquel, comme l’affirme Foucault en s’appuyant sur la Didakhê et sur la Première apologie de Justin, « on apprend la doctrine de l’ensemble de règles qui définissent la “voie de la vie” par opposition à celle de la mort », et ainsi le baptême sera donné « à ceux qui “croient vraies les choses qu’on leur a apprises” » (AC, p. 53). Accès à la vérité à partir de l’enseignement et de la croyance en une doctrine. Mais d’autre part, les effets du baptême comportent à la fois des mécanismes de rémission des fautes et des procédures d’accès à la vérité. Foucault décrit ces effets du baptême et les liens étroits qu’ils supposent entre rémission et accès à la vérité, notamment sur la base des Excerpta ex Theodoto de Clément d’Alexandrie. Il en signale quatre aspects : le baptême purifie, car il efface les souillures et permet ainsi « la venue de la lumière » ; il constitue un « sceau », car il marque l’engagement et l’appartenance en gravant l’image du Christ dans l’âme ; il engage une « régénération » puisqu’il fait accéder à une vie qui est à la fois « “vraie vie” et la vie de la vérité », d’où le mal est absent ; et il est une « illumination », car « il dissipe les ténèbres qui sont aussi bien celles du mal que de l’ignorance » (AC, p. 53-54). Ce lien entre la rémission des fautes et l’accès à la vérité au second siècle – et en particulier dans les écrits des Pères apostoliques – est donc direct et immédiat : direct car les mêmes effets du baptême « effacent les fautes et apportent la lumière », immédiat parce qu’il ne faut pas attendre que les fautes soient pardonnées pour que la lumière soit accordée « comme en supplément », ni que la foi ait été formée et la vérité acquise pour que les fautes soient « remises comme en récompense » (AC, p. 54). Ce qui reste à comprendre – et c’est ici que Tertullien introduit une coupure inédite aux yeux de Foucault – est le rôle du sujet dans cette économie du rapport entre rémission de fautes et accès à la vérité. Pour Foucault, la compréhension de cet enjeu dépend de la portée du terme grec de metanoia, que les auteurs latins traduisent par paenitentia mais qui peut aussi se traduire, en particulier dans le cadre des textes chrétiens des premiers siècles, comme repentir ou remords10. C’est dans le réaménagement ou dans la « problématisation » de la metanoia baptismale forgée par Tertullien que Foucault pourra repérer une modification profonde des rapports entre subjectivité et vérité.
11Foucault constate que, dans les écrits des Pères apostoliques et des Apologistes, la metanoia ne s’organise pas comme une pratique pénitentielle développée et réglée qui impliquerait « une longue discipline », « un exercice de soi sur soi » ou « une prise de connaissance de soi par soi » (AC, p. 55). Afin d’illustrer la dynamique de la metanoia telle qu’elle était conçue par le christianisme du iie siècle, Foucault s’appuie sur un passage du Pasteur d’Hermas et souligne que la pénitence y était liée à une sunesis, c’est-à-dire à un acte de connaissance entendu comme « compréhension », comme « une saisie qui permet de “se rendre compte” » (ibid.). Cette saisie comporte en particulier trois aspects : la reconnaissance du mal qu’on a fait vis-à-vis de Dieu, la compréhension du fait qu’il faut maintenant se détourner du mal et l’authentification et la preuve que l’âme qui auparavant avait péché a désormais changé » (AC, p. 55-56). Pourtant, Foucault souligne que le type de metanoia qu’évoque le texte de Hermas « ne doit pas être comprise comme l’exercice calculé d’une discipline » :
Elle n’est pas liée à une objectivation de soi, mais plutôt à une manifestation de soi. Manifestation de soi qui est à la fois conscience et attestation de ce qu’on est en train de cesser d’être, et de l’existence régénérée selon laquelle on vit déjà. C’est la conscience-attestation d’un passage qui n’est pas simplement une transformation, mais une renonciation et un engagement. La metanoia ne dédouble pas l’âme en un élément qui connaît et un autre qui doit être connu (AC, p. 56-57).
12Il ne serait pas tout à fait exact d’affirmer que la rupture opérée par Tertullien donne forme à un type de connaissance de soi caractérisée par l’objectivation du sujet. En revanche, elle comporte, comme Foucault l’observe dans Du gouvernement des vivants, une diffraction de la metanoia au sens où le temps de l’ascèse se dégage du temps de l’illumination et ainsi « l’exercice de soi sur soi doit être le préliminaire à ce mouvement par lequel on deviendra sujet de connaissance dans l’illumination qui nous ouvre aux vérités éternelles11 ».
13La diffraction de la metanoia opérée par Tertullien implique, en effet, l’organisation d’un temps précédant l’illumination de l’âme dans lequel a lieu la purification de l’individu. L’analyse des enjeux de cette purification témoigne d’une série de changements notables à propos de la relation que l’individu entretient avec Dieu, mais également à l’égard du rapport de l’individu à lui-même. Car c’est notamment l’individu lui-même qui est « l’agent » (AC, p. 58) de cette purification de soi. Ce travail de purification « morale » (AC, p. 62) engage notamment deux dimensions, outre l’initiation aux vérités et l’enseignement des règles de vie. D’une part, il implique d’apprendre le respect de la liberalitas de Dieu, c’est-à-dire de comprendre que le rachat qui s’obtient par le baptême est un effet de la volonté divine : « à la fois générosité qui pardonne et liberté de pardonner » (AC, p. 60). D’autre part, il comporte l’acquisition du « metus ». Pour Tertullien, le « metus » constitue « une dimension constante de l’existence chrétienne » conçue comme la crainte de Dieu mais en particulier comme la crainte de soi-même, au sens où celle-ci implique « la peur de sa propre faiblesse, des défaillances dont on est capable, des insinuations de l’Ennemi dans l’âme, de l’aveuglement ou de la complaisance qui nous laissera surprendre par lui » (AC, p. 61). Ainsi la purification du baptême n’est la garantie ni du pardon divin ni de la possibilité de ne pas retomber dans le péché. Car la préparation au baptême purifie non pas au sens où elle peut à elle seule assurer le rachat, mais « en ce sens qu’elle conduit au contraire à tout attendre de la libre générosité de Dieu pour effacer des péchés dont on se détache non seulement par le repentir de ceux qu’on a commis, mais par un rapport de crainte qu’on établit en permanence de soi à soi » :
Une telle préparation ne se borne pas à rompre avec ce qu’on était, elle doit enseigner à se détacher, en quelque sorte, continûment de soi (AC, p. 62).
14Outre la purification de l’âme, Foucault attire l’attention sur deux effets que Tertullien attend de la discipline pénitentielle. Ces effets comportent deux dimensions importantes de la réorganisation du rapport entre subjectivité et vérité que Foucault repère chez l’auteur carthaginois. D’une part, la discipline doit constituer un exercice – de manière stricte Foucault évoque « l’entraînement des forces et l’acquisition de la vigilance » – qui permet au chrétien de connaître le Démon afin de résister à ses assauts et faire en sorte « de ne plus retomber » (AC, p. 63). Ainsi, souligne-t-il, « dès ses formes pré-baptismales, la pénitence apparaît comme cette forme d’exercice de soi sur soi qui doit être coextensive à la vie tout entière du chrétien » (ibid.). De l’autre, la discipline de pénitence doit constituer une épreuve du changement opéré dans l’individu. En ce sens, la pénitence ne comporte pas seulement la modification de soi-même, mais elle implique d’ailleurs l’obligation de démontrer ou de prouver de manière solide, tangible et authentique le « changement qui se produit dans l’âme », le « travail qu’on opère sur soi », « l’engagement qu’on prend », « la foi qu’on se forme » (AC, p. 65). La probatio paenitentiae, la preuve de la pénitence – comme Foucault désigne cet effet de la discipline de la pénitence –, constitue bien « le prix dont on paie le rachat » (AC, p. 64), mais elle comporte en outre une exigence de démonstration, d’authentification du changement qui s’est opéré chez l’individu. Certes, cet aspect de la discipline de pénitence ne suscite pas l’obligation pour l’individu de manifester sa propre vérité – comme ce sera le cas, nous le verrons, dans le monachisme du ive siècle. Il n’en reste pas moins que la dimension d’épreuve de la pénitence vise à vérifier la mesure des modifications accomplies dans la pénitence et, en ce sens, celle-ci engage un élément de validation sinon de la vérité de l’individu lui-même du moins du changement qui a eu lieu chez celui-ci12.
LES TECHNIQUES MONASTIQUES ET L’INTÉRIORITÉ CACHÉE COMME OBJET DE LA VÉRITÉ DE SOI
15Les analyses consacrées au monachisme dans Les aveux de la chair permettent d’observer que l’organisation du rapport entre subjectivité et vérité développée par la pensée monastique concerne fondamentalement, à la différence de ce dont témoignent les écrits de Tertullien, les techniques d’existence. L’approche monastique de celles-ci approfondit certaines dynamiques du rapport entre subjectivité et vérité dont Foucault repère l’émergence chez Tertullien mais, plus encore, elle imprime de nouvelles allures à ce rapport.
16Les nouveautés introduites par le monachisme s’expliquent non pas tant par l’invention de techniques d’existence originales que par le fait d’avoir forgé une nouvelle approche, une problématisation singulière des techniques déjà existantes dans la tradition philosophique ancienne. Celle-ci inclut une économie spécifique du rapport entre direction spirituelle, examen de conscience et aveu. Le concept clé pour comprendre la nouvelle dynamique forgée par le monachisme est celui d’exagoreusis, que Foucault repère chez Basile de Césarée. Dans ce concept, l’examen et l’aveu se combinent dans le cadre de la direction afin de dévoiler tous les mouvements de l’âme qui pourraient être cachés « dans le for intérieur » de l’individu, d’éviter de lâcher « sans contrôle » toutes les paroles et de « découvrir les secrets du cœur à ceux des frères qui ont reçu la mission de soigner les malades avec sympathie et compréhension » (AC, p. 133). Or, si Foucault repère le concept d’exagoreusis chez Basile, c’est dans les écrits de Cassien qu’il va puiser les détails de la dynamique propre aux techniques que ce concept articule. En effet, la direction de conscience telle que la conçoit Cassien se caractérise par deux aspects principaux : d’une part, « le dressage de l’obéissance » entendu comme « renonciation aux volontés propres par soumission à celle d’autrui » (AC, p. 120), et, de l’autre, l’articulation en son sein de l’examen permanent de soi et de l’aveu perpétuel, ce qui comporte un « exercice indispensable » pour « parvenir à cette obéissance parfaite et exhaustive » (AC, p. 121). La clé pour comprendre le rapport entre subjectivité et vérité dans le monachisme se trouve dans la manière dont l’aveu permet d’accomplir la finalité de l’examen de conscience.
17L’examen de soi monastique a pour objet l’analyse des mouvements des pensées ou la cogitatio, terme employé par Cassien dans le sillage de la réflexion d’Évagre sur les logismoi, qui désigne non pas une simple pensée mais « ce qui risque, dans l’âme tendue vers la contemplation, d’apporter à chaque instant le trouble » (AC, p. 135). Ce trouble peut prendre deux aspects principaux : d’une part, la multiplicité, la mobilité et le désordre qui viennent saper l’exigence d’ordre et de stabilité nécessaire au but de la contemplation divine, de l’autre la possibilité que l’âme soit perméable aux suggestions nocives ou aux impuretés. C’est que, comme l’illustre Foucault en suivant Cassien, dans l’instabilité et le mouvement, « les pensées volettent dans l’esprit comme un duvet qui agite le vent ; mais certaines sont souillées et, comme une plume mouillée, elles sont plus lourdes que les autres et tendent vers le bas » (AC, p. 136). Or ce diagnostic ne vise pas à interroger la vérité des idées, ou la vérité de ce qui est pensé dans l’idée ; il vise à déterminer si celui qui pense l’idée se trompe ou pas. C’est pour cela que l’examen concerne en premier lieu « l’origine de l’idée » ou « la qualité des pensées », car il s’agit d’éviter les illusions relatives à la provenance des cogitationes pour enfin déterminer si l’individu se trompe ou pas quand il accueille telle ou telle idée. Ainsi, l’examen interroge l’origine des pensées, mais en réalité le diagnostic final concerne la vérité du sujet pensant : « Le moine obéissant et bien dirigé n’envisage pas ce qui est pensé dans ces idées, mais le mouvement de la pensée dans celui qui la pense » (AC, p. 138). Il n’en reste pas moins que dans l’ascétisme développé par Cassien – et c’est là l’enjeu séminal pour comprendre le rapport entre subjectivité et vérité forgé par l’ascèse monastique – le sujet n’est pas capable d’accomplir ce travail de diagnostic relatif à sa propre vérité. Les raisons de cette incapacité deviennent plus claires si l’on considère l’infléchissement que, d’après Foucault, Cassien fait subir à la conception philosophique traditionnelle de la diakrisis.
18Sous la plume de Cassien, la discretio est conçue comme la capacité de trouver la mesure entre les extrêmes, comme ce qui « enseigne le moine à marcher toujours par une voie royale » (AC, p. 128). Or, à la différence de la conception ancienne, d’après laquelle la capacité de trouver la mesure dans la manière de se conduire « était liée à l’usage de la raison », pour Cassien, « le principe de la mesure ne saurait pas venir de l’homme lui-même » (ibid.). Le caractère déchu de l’homme explique cette impossibilité de s’appuyer sur soi-même pour pratiquer la discretio. En effet, depuis la Chute, « l’esprit du mal a établi son empire sur l’homme », en particulier parce qu’il garde avec l’âme humaine une parenté « d’origine et de ressemblance » qui explique que le diable peut venir prendre place dans le corps, affaiblissant ainsi l’âme et lui envoyant « des suggestions, des images, des pensées, dont l’origine est difficile à discerner » (AC, p. 131). Pour sortir de cette impasse qui caractérise le rapport à soi dans le monachisme, l’individu doit s’adresser à une instance extérieure. Ce recours extérieur est d’abord et fondamentalement la grâce divine, sans laquelle la discipline ascétique du moine ne peut pas parvenir à la vie contemplative. Comme Cassien le souligne dans la deuxième conférence, le don de la discretio est, en effet, un « très haut présent de la grâce divine » (diuinae gratiae maximum praemium13). Mais, comme le souligne Foucault, la discretio pour Cassien est aussi une vertu qui s’apprend sur la base du travail ascétique et en particulier du couplage de l’examen de conscience et de l’ouverture de l’âme au directeur de conscience, faisant en sorte « que rien ne lui reste caché » (AC, p. 132). C’est dans cette ouverture de l’âme que l’aveu joue un rôle central, comme ce qui permet d’établir la vérité de l’origine des pensées et, par conséquent, la vérité de soi. D’une part, le directeur, capable d’exercer la discrétion par son expérience et par la grâce qu’il aura reçue, pourra voir ce qui échappe au novice ou au moine moins expérimenté et « lui donner avis et remède » (AC, p. 140). D’autre part, et plus fondamentalement, l’aveu pour Cassien est, en lui-même, un opérateur de vérité. Autrement dit, c’est l’instance qui permet par elle-même de faire le tri des pensées. Dans l’analyse de Foucault, cette capacité de l’aveu est illustrée par le rapport intime et complémentaire que celui-ci conserve avec l’examen des pensées ainsi que par son fonctionnement même. En effet, l’aveu doit être comme le versant extérieur de l’examen au sens où « le regard sur soi-même et la mise en discours de ce qu’il saisit ne devraient faire qu’une seule et même chose » (AC, p. 139). L’examen et l’aveu aménagent ainsi un jeu d’immédiateté entre le dedans de l’intériorité de soi et le dehors sur lequel ouvre la manifestation verbale. C’est pour cela que Foucault tient à souligner que l’aveu monastique ne doit pas être conçu comme « le résultat d’un examen qui se ferait d’abord dans la forme de l’intériorité stricte, et qui offrirait ensuite son bilan dans la forme de la confidence » (ibid.). Par lui-même, le fait de prononcer des mots et de les adresser à un autre possède un pouvoir de tri et de discrimination que Cassien explique sur la base d’une série de raisons, comme par exemple celle de la honte, d’après laquelle « si on éprouve du mal à avouer une pensée, si celle-ci se refuse à être dite, si elle cherche à rester secrète, c’est le signe qu’elle est mauvaise » (AC, p. 140). L’aveu a ainsi un pouvoir spécifique, il est virtus confessionis, car il a « une force opératoire » – de vérité, faudrait-il ajouter – « qui lui est propre : il dit, il montre, il expulse, il délivre » (AC, p. 142).
CONCLUSIONS. L’EXPÉRIENCE DE LA CHAIR ET L’ÉMERGENCE DE SOI COMME OBJET DE VÉRITÉ
19Revenons sur les principaux aspects du rapport entre subjectivité et vérité qui caractérisent les deux domaines au sein desquels, d’après Les aveux de la chair, se jouerait, en grande partie, la formation historique de l’expérience de la chair.
20L’élaboration d’une discipline de la pénitence dont Foucault repère l’émergence chez Tertullien engage notamment une reconfiguration de la metanoia. Cette reconfiguration se traduit principalement comme une redistribution du temps et de l’économie du baptême, d’après laquelle le postulant mène un travail sur soi afin d’arriver à l’acte du baptême déjà purifié. Dans cette discipline de la pénitence, l’individu est initié aux vérités de la foi et apprend des règles de vie. Mais il opère également, sur lui-même, une purification morale, à travers d’une part l’apprentissage de la liberalitas, c’est-à-dire la compréhension que le rachat que l’homme obtient par le baptême est un geste de générosité divine qui ne pourra jamais dépendre du simple travail que l’homme réalise en vue de l’obtention du baptême, et de l’autre, l’acquisition du « metus » comme trait distinctif du rapport de l’individu avec lui-même, par quoi il apprend les dangers de la menace satanique permanente, la crainte de Dieu mais aussi celle de lui-même. Le metus aménage ainsi une forme de rapport à soi en termes de méfiance envers soi-même et de confiance absolue en Dieu. Cette discipline doit d’ailleurs constituer un exercice qui permettra de mieux connaître l’Ennemi et par conséquent de mieux résister à ses assauts. Enfin, la discipline de la pénitence doit constituer l’élément probatoire de la transformation de l’individu.
21Certaines dimensions de la dynamique inaugurée par la discipline pénitentielle résonnent dans l’approche du rapport entre subjectivité et vérité développée par l’ascèse monastique. Il est assez simple de trouver des échos entre l’idée de liberalitas et la fonction de la grâce dans le monachisme : les deux montrent que le travail que l’homme opère sur lui-même n’est jamais une condition suffisante pour atteindre le salut ou la vie contemplative. En outre, la problématisation du metus chez Tertullien comme enjeu central du travail de purification sur soi préfigure tout le développement d’une ascèse du combat spirituel concentrée sur le diagnostic des pensées14. Il n’en reste pas moins que l’ascèse monastique, mise en œuvre par les techniques d’existence, approfondit d’une manière notable certains enjeux relatifs au rapport entre subjectivité et vérité qui commence à se former chez Tertullien. La dynamique des exercices ascétiques que Foucault ne repère pas chez Tertullien, pour les raisons historiques qu’il évoque lui-même15, donne une allure plus sophistiquée et spécifique à la nécessité de mener une purification de soi que Tertullien avait déjà problématisée. Pourtant, une des grandes différences qui distingue le rapport entre subjectivité et vérité dans la discipline de la pénitence et l’ascèse monastique semble concerner la formation, dans cette dernière, d’un objet spécifique de vérité, à savoir le foyer intérieur de l’individu. Dans le cadre de l’ascèse monastique, l’intériorité de l’individu, représentée notamment par ses pensées, se constitue comme un objet de connaissance que l’application des techniques, avec l’aide du directeur et le soutien de la grâce, devra déchiffrer. C’est cette dimension spécifique du soi qui fait l’objet de la tâche de diagnostic ou, comme le dit Foucault, d’« herméneutique » que l’aveu accomplira finalement.
22Comme nous l’avons souligné, la dernière version de l’expérience de la chair introduite par les « modifications » de L’usage des plaisirs semble s’organiser en grande partie à partir de cette problématique relative à l’objet de la vérité de soi mise en évidence par l’étude de l’ascèse monastique. Mais si, comme ces modifications l’indiquent, l’expérience de la chair se caractérise par une herméneutique du désir – et non pas du plan plus général du foyer interne de l’individu –, il semble évident que L’usage des plaisirs introduit un nouveau déplacement par rapport à l’étude de l’herméneutique de Cassien. Car c’est l’objet même de l’herméneutique qui se précise : celle-ci n’interroge pas simplement l’intériorité du sujet par le biais de ses pensées, mais elle pivote sur le déchiffrement du désir. Il n’en reste pas moins que les termes de ce déplacement sont complexes, notamment parce que les dernières recherches de Foucault ne développent pas cette articulation entre Cassien et Augustin que L’usage des plaisirs semble suggérer. Comme nous l’avons signalé, Les aveux de la chair consacrent une longue analyse à l’approche de la libido développée par Augustin. Néanmoins, le livre n’avance aucune hypothèse sur la manière dont cette dernière s’articule à l’herméneutique de soi d’origine monastique et, comme nous le savons, les autres volumes de l’Histoire de la sexualité ne développeront pas une telle piste d’investigation16.
23L’analyse que nous avons menée à partir de la récente publication des Aveux de la chair semble donc montrer que Foucault commence par repérer les principales dimensions de l’expérience de la chair dans le rapport entre subjectivité et vérité forgé par la discipline du baptême de Tertullien et l’herméneutique des pensées développée par Cassien, et finit par recentrer les composants de ce rapport autour de l’articulation entre cette dernière et la théorie du désir élaborée par Augustin. Il reste encore à comprendre si et comment le christianisme forge un rapport entre l’hégémonie du désir comme élément qui définit la vérité de l’homme et l’interprétation ou l’herméneutique du désir. La réponse à cette question devrait dévoiler les coordonnées où se situe la ligne de partage qui sépare l’expérience de la chair de celle de la sexualité et, par conséquent, nous permettre de mieux comprendre jusqu’à quel point nous avons une approche de la sexualité qui, pour Foucault, est clairement postchrétienne.
Notes de bas de page
1 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 2, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard (TEL), 1997, p. 9-10.
2 Ibid., p. 10.
3 Foucault, Le gouverment de soi et des autres. Cours au Collège de France (1982-1983), éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2008, p. 4-5.
4 Foucault, Le courage de la vérité. Le gouvernement de soi et des autre II. Cours au Collège de France (1983-1984), éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2009, p. 10.
5 Foucault, L’usage des plaisirs, op. cit., p. 11.
6 Ibid.
7 Ibid., p. 12.
8 Ibid., p. 13.
9 Comme le montrent les dernières recherches de Foucault sur le christianisme, et comme nous le verrons, Jean Cassien aurait forgé une « herméneutique de soi » à partir d’une réélaboration des techniques d’existence de l’Antiquité et d’une articulation entre l’examen de conscience et l’aveu.
10 Geoffrey W. H. Lampe, s. v. « μετάνοια », dans A Patristic Greek Lexicon, Londres, Oxford University Press, 1961, p. 855. C’est par ailleurs cette idée du « repentir » qui revient à maintes reprises dans le passage de la Première apologie de Justin citée par Foucault pour introduire l’importance de la notion de metanoia dans le fil de l’analyse (AC, p. 54-55).
11 Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France (1979-1980), éd. par Michel Senellart, Paris, Gallimard/Seuil, 2012, p. 127.
12 Les observations relatives à la probatio paenitentiae dans Les aveux de la chair sont plus nuancées que celles que l’on trouve dans Du gouvernement des vivants. Dans ce cours, Foucault souligne que la probatio paenitentiae implique l’apparition de l’idée que la pénitence, « c’est ce qui doit manifester au regard de Dieu la vérité du pécheur lui-même, la sincérité de ses sentiments, l’authenticité de son remords, la réalité de son propos de ne plus recommencer » (Foucault, Du gouvernement des vivants, op. cit., p. 129-130).
13 Jean Cassien, Conférences, introduction, texte latin, traduction et notes par Dom E. Pichery, Paris, Cerf (SC, 42), 1955, t. 1, p. 111.
14 Foucault étudie cette composante de l’ascèse monastique notamment dans la dernière partie du chapitre 2 des Aveux de la chair, « Virginité et connaissance de soi ».
15 « Les pratiques de direction et d’examen de conscience que la philosophie ancienne avait élaborées n’ont guère été accueillies dans le christianisme et n’y ont pris un développement, des formes et des effets nouveaux qu’avec le monachisme : à l’intérieur de ses institutions et à partir d’elles » (AC, p. 115).
16 Il faut pourtant observer que Foucault suggère, d’une manière imprécise, cette articulation entre l’herméneutique de soi et le désir en conclusion de la conférence « Sexuality and Solitude » qu’il prononce en 1980 dans le cadre du séminaire qu’il conduit avec Richard Sennet à l’université de New York. À cette occasion, après avoir souligné que la lutte spirituelle contre la libido consiste à « tourner notre regard vers le bas ou vers l’intérieur, afin de déchiffrer, parmi les mouvements de l’âme, ceux qui viennent de la libido », c’est-à-dire les mouvements involontaires, engageant ainsi une « constante herméneutique de soi », Foucault évoque, en s’écartant soudain des observations précédentes sur Augustin, les techniques monastiques qui se focalisent sur « le flot des pensées » (« Sexualité et solitude » [1981], DE 2, 295, p. 995-996).
Auteur
Docteur en philosophie de l’université Paris 8 et en sciences sociales de l’université de Buenos Aires. Il a été visiting scholar au Boston College. Il est actuellement chargé de recherches au Fonds de la recherche scientifique-FNRS à l’Institut supérieur de philosophie de l’université catholique de Louvain. Sa thèse doctorale intègre pour la première fois l’analyse du tapuscrit des Aveux de la chair, resté inédit jusqu’en 2018. À partir des travaux de Michel Foucault, en particulier ceux consacrés au christianisme, ses recherches visent à développer une critique de la subjectivité élaborée par la pensée française contemporaine. Ces recherches ont été publiées dans plusieurs revues scientifiques telles que la Revue théologique de Louvain, Anales del seminario de Historia de la Filosofía et Foucault Studies. Il a codirigé Pensar con Foucault hoy (UNSAM Edita, 2019) et The Politics of Desire. Foucault, Deleuze, and Psychoanalysis (Rowman and Littlefield International, à paraître).
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