De la politique à l’histoire du politique
p. 21-40
Texte intégral
D’autres avant lui sont partis pour l’Orient – qui ont découvert des Indes à l’Occident.
Louis Althusser1
Protohistoire d’un historien
1Qu’il me soit permis, tout d’abord, de revenir sur ma relation à l’histoire esquissée à grands traits dans le texte écrit en 1993 qui ouvre ces pages. Cette relation passe par la politique, c’est indéniablement par elle que j’ai contracté le goût de l’histoire et que j’ai fini par faire de l’écriture et de l’enseignement de l’histoire mon métier.
2Ce lien étroit entre préoccupation politique et écriture de l’histoire ne m’est évidemment pas particulier, tant s’en faut. Bien souvent, la politique a été l’aiguillon premier de la recherche historique. Augustin Thierry l’avouait sans ambages : « En 1817, préoccupé d’un vif désir de contribuer pour ma part au triomphe des idées constitutionnelles, je me mis à chercher dans les livres d’histoire des preuves et des arguments à l’appui de mes croyances politiques2 », soulignant tout aussitôt qu’il s’était, depuis lors, converti à l’histoire pour elle-même. De même Camille Jullian, écrivant en 1896 une synthèse sur l’histoire en France, insistait sur le fait que « l’histoire [y] naquit à nouveau, non pas du paisible travail de cabinet, mais de la lutte des partis3 », ajoutant que l’histoire ressemblait, avant qu’elle ne se professionnalise, aux assemblées révolutionnaires avec un centre, une aile droite et une aile gauche… Et comme le formule joliment Nathalie Richard4, écrire l’histoire, pour un homme politique du xixe siècle, a pu faire figure d’un « programme de morte-saison » quand l’absence de fonction ou de mandat lui en laissait le loisir5. Sans connaître, alors, la plupart de ces auteurs, c’est dans cet héritage que je m’inscrivais délibérément.
3Le goût de l’histoire précède chez moi celui de l’historio-graphie même si ce n’est pas pour servir des convictions politiques que je suis, en définitive, devenu historien mais bien plutôt pour les interroger…
4Comme pour beaucoup de gens de ma génération – plutôt en vérité de la génération précédant la mienne –, l’histoire a été une véritable religion, une promesse. Je fais mien ce constat à partir duquel Antoine Garapon engage sa réflexion sur le regard contemporain porté sur l’histoire :
Peut-on réparer l’histoire ? Quelle étrange question ! […] Parce qu’avant d’être regardée comme génératrice de préjudices, l’histoire fut longtemps considérée comme source d’espoir. L’action dans l’histoire – par l’histoire – laissait espérer une possible libération, une amélioration de notre condition terrestre6.
5Il faut dire que le contexte du début des années 1970 s’y prêtait, tant l’histoire pouvait sembler particulièrement envahissante et lourde d’enjeux aux yeux de l’adolescent que j’étais.
6En ce qui me concerne, le coup d’État au Chili, le 11 septembre 1973, a été l’événement initiatique qui donna à la nécessité de s’engager sa dimension existentielle. Je n’ai jamais oublié les images des autodafés perpétrés par les militaires putschistes ni celles, diffusées à la télévision, de l’enterrement de Pablo Neruda, mort le 23 septembre de la même année, qui montraient, malgré la présence oppressante de l’armée et les risques encourus, des militants de l’Unité populaire osant suivre le cercueil en scandant « Pablo Neruda vit ! », ni bien sûr l’émotion qui m’avait envahi et m’avait conduit à abandonner l’écriture de poèmes pour celle de mes premiers tracts7.
7Ce n’est pas la même chose d’avoir 15 ans quand les Américains bombardent le Vietnam et fomentent des coups d’État partout dans le monde dès qu’un régime semble remettre en cause leur domination que d’avoir cet âge quand les Soviétiques envahissent l’Afghanistan ou lorsque le mur de Berlin s’effondre sous la pression de la volonté d’un peuple ou bien encore quand les tours du World Trade Center se désintègrent à la suite d’un attentat. Bien que vivant à un même moment, nous ne partageons pas le même temps présent comme Marie-Claire Lavabre en a fait la démonstration en montrant l’incidence de la période d’adhésion dans son étude de la culture communiste8.
8Mon temps présent fut donc marqué du sceau du renversement du gouvernement de l’Unité populaire au Chili aussitôt inscrit dans une mémoire longue, « familiale », conservant le « souvenir » de la Résistance, de l’Espagne républicaine, de la Commune de Paris de 1871, de celle de Shanghai… mémoire que j’avais pour mon compte étoffée, durant mes années de collège, par la lecture des romans de Malraux (Les conquérants, La condition humaine, L’espoir), de la trilogie de Jules Vallès ou encore de Quatre-vingt-treize de Victor Hugo et de tous les livres parlant de l’histoire « des luttes » qui me tombaient sous la main, pour lui donner quelque consistance et en faire autre chose qu’une série d’événements aux dates incertaines (et pour certains totalement méconnus de ma famille). Il est évidemment remarquable que ce panthéon soit, presque toujours, celui de défaites ou, au mieux, de l’incertitude des lendemains de victoire9. « L’illusion lyrique », pour reprendre la formule de Malraux, le romantisme révolutionnaire y trouvaient plus de substance et de motifs à l’enthousiasme que ce qu’on appelait alors le « socialisme réel ». Toute mémoire historique, celle-ci comme une autre, est culture.
9Si le renversement de Salvador Allende est une sorte de scène primitive de mon engagement, les événements qui marquèrent la suite de mes années de lycée confirmèrent le sentiment que le vent de l’histoire soufflait – cette fois dans le « bon » sens – puisqu’en quelques années tombaient le régime de Salazar, celui des colonels grecs tandis que s’amorçait en Espagne la transition démocratique dont je conviens volontiers qu’elle ne correspondait à aucun scénario pressenti ni d’ailleurs espéré sous cette forme. Le sort des Chiliens nous serait peut-être épargné. Vue d’aujourd’hui, cette dernière assertion peut prêter à sourire. Dans le milieu que je fréquentais en 1973-1975, c’était une question majeure, stratégique disions-nous avec beaucoup de sérieux, tant l’expérience du Chili de l’Unité populaire semblait proche de celle que devait connaître demain la France dirigée – nous n’en doutions pas – par l’Union de la gauche. L’analogie est la boussole de cette sorte d’histoire appliquée que constitue l’histoire chaude des militants.
10finalement, entre l’alternative « Le peuple armé ne sera jamais vaincu » – slogan des organisations d’extrême-gauche – et « Le peuple uni ne sera jamais vaincu » – slogan des communistes –, je penchais vers la seconde proposition sans doute en raison des particularités que j’attribuais, sans grande originalité, au contexte sociopolitique de la France et peut-être par fidélité (conformisme ?) familiale10.
11Et l’histoire ? Une autre façon de faire de la politique… Un combat théorique forcément articulé à une pratique politique longtemps bien plus confuse à mes yeux. L’engagement politique concret – le choix de se ranger soit derrière l’extrême-gauche malgré son impuissance, soit derrière les socialistes malgré la guerre d’Algérie et la « gestion loyale » du capitalisme ou encore derrière les communistes malgré le stalinisme et les camps, Prague (j’avais dévoré Prague au cœur de Pierre Daix et « mon » socialisme ne pouvait qu’être « à visage humain ») et le peu d’attrait qu’offraient les gérontes soviétiques – m’était difficile à trancher. En revanche l’histoire me semblait bien plus lisible. Le marxisme permettait en effet – clairement pensais-je alors – d’en saisir le sens puisque « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes des classes11 ». Il ne restait qu’à travailler pour y parvenir, à asséner parfois des raisonnements tout faits pour voir l’effet produit, à complexifier aussi en prenant en compte les modes de production dont le fameux mode de production asiatique – sur lequel la note 2, ajoutée par Engels dans l’édition de 1888 du Manifeste et renvoyant à son propre ouvrage L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, attirait l’attention –, source inépuisable de commentaires, notamment de la part de ceux qui, comme Maurice Godelier, voulaient arracher le marxisme à sa lecture mécaniste12.
12Quoi qu’il en soit, malgré bien des débats tactiques, le déroulé de l’histoire semblait sûr et me (nous) donnait une espèce d’assurance absolue face à des professeurs dont je ne saluerai jamais assez la très grande patience – qualité dont j’essaie de faire preuve à mon tour chaque fois que je suis confronté à l’intransigeance des adolescents ou des jeunes gens, il est vrai, aujourd’hui, trop souvent émoussée. L’impression de clarté était telle que je m’attachais, pour mon propre compte, à lire les présocratiques et à produire une lecture matérialiste d’Héraclite… Aux marxistes, étais-je convaincu, la valeur n’attend pas le nombre des années.
13La lecture d’Althusser, en classe terminale, acheva cette première formation : la théorie est un Kämpfplatz – un champ de bataille – parcouru de lignes de démarcation. Elle doit être articulée à une pratique et elle est elle-même pratique de la lutte de classes dans la théorie : « une pratique théorique ».
14De ce parcours j’ai retenu trois grands enseignements ou plutôt trois grands lots de problèmes.
15Le premier tient au rôle de la violence dans l’histoire, violence acceptée – théoriquement – sans sourciller puisqu’elle est l’accoucheuse du changement, qu’elle tisse l’histoire même des sociétés13. Violence sur laquelle il serait vain de porter un regard moral – qui ne pourrait qu’être paralysant14. Posture qui justifie aussi toutes les entorses à l’éthique ; c’est l’« apport » du léninisme au marxisme qui légitime par avance tous les aménagements tactiques, l’important étant finalement d’abattre l’ennemi de classe (« Qui l’emportera sur qui ? », résumait Lénine15).
16En deuxième lieu, l’« antihumanisme théorique » de Louis Althusser qui, contre un Roger Garaudy qui n’avait pas alors versé dans le négationnisme, soutenait l’existence d’une coupure épistémologique entre un jeune Marx encore idéaliste (hégélien) et un Marx de maturité ayant rompu avec sa « conscience philosophique d’autrefois », rupture marquée par les thèses sur Feuerbach et notamment la sixième d’entre elles : « L’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu singulier. Dans sa réalité, c’est l’ensemble de ses rapports sociaux16 » appelant à l’étude des déterminations17.
17Enfin, la question de l’idéologie comparée par Marx à une camera obscura qui pose la pratique révolutionnaire (et scientifique) comme lutte contre les « illusions » :
Et si, dans toute l’idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique18.
18Restait la question des obstacles à la prise de conscience, véritable frein au mouvement de l’histoire.
Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement dans des conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants19.
19C’est cette question de l’idéologie qui sera ma préoccupation constante et qui, d’une certaine manière, le reste encore – sous d’autres auspices théoriques – puisque l’introduction du 18 Brumaire se poursuit ainsi :
Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l’histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté20.
20Mais alors comment articuler les différents éléments qui constituent le réel : « autonomie relative » de la superstructure ? Détermination « en dernière instance » de l’infrastructure (selon la formule de Marx reprise par Althusser, qui parle aussi volontiers de « surdétermination ») ? J’avoue que cette dernière formule faisait pour moi l’effet d’un sésame…
21Bien entendu, aucune de ces questions ne m’était absolument personnelle. C’est pourquoi, plus tard, je me suis retrouvé de plain-pied avec l’histoire économique et sociale et les préoccupations d’un Ernest Labrousse, quand, au colloque de Saint-Cloud en 1965, il appelle à faire l’histoire des « pesanteurs », des « résistances21 » au changement ou quand, en 1948, il compare les trois révolutions françaises (1789, 1830, 1848), tâchant de donner aux facteurs (déterminations) économiques leur juste place sans céder au mécanisme car s’« il y a des crises économiques décennales, il n’y a pas de révolution décennale » et qui plus est : « Les révolutions se font malgré les révolutionnaires22. » J’imagine sans peine comment j’aurais lu avidement ce texte s’il m’avait été connu… Mais, à ce moment, ce n’était pas du côté d’historiens dont je n’avais jamais entendu le nom que je cherchais des réponses, mais plutôt du côté d’Althusser ou de Gramsci et de son concept d’hégémonie, comme toute une partie de ma génération.
22Plaisamment, c’est au fil de l’une de ces lectures que j’ai croisé, pour la première fois, le nom de Paul Ricœur, puisque Louis Althusser lui avait consacré un article dans la Revue des professeurs de philosophie23 – dont une enseignante de philosophie (Danielle Peytavi) m’avait donné une copie –, article dans lequel il opposait la position de Raymond Aron interrogeant les conditions de possibilité de la connaissance historique à celle de Paul Ricœur reconnaissant à l’histoire son propre régime de vérité. Même si Paul Ricœur n’était alors qu’une de ces figures sur lesquelles s’appuyaient les démonstrations des maîtres que je m’étais donnés, comme celles de John Lewis, de Feuerbach ou du « renégat » Kautsky, je n’avais pas oublié ce texte quand, bien des années plus tard, j’ai été conduit à lire Temps et récit puis à fréquenter l’œuvre de ce philosophe et à la tenir pour une pensée majeure. Muni de ce bagage composite, fruit de mes lectures comme de mes interminables discussions avec tous les adultes engagés – ou non – que je rencontrais – notamment mon professeur de français, Marcel Peytavi, qui, à la demande d’un petit groupe d’élèves de la 1re A1, avait ajouté à son programme, en dehors des heures de cours officielles, l’étude de Prix, salaires et profits de Karl Marx24 –, je quittai le lycée Paul-Sabatier de Carcassonne pour gagner l’hypokhâgne de Pierre-de-Fermat à Toulouse, hésitant encore entre la philosophie dont je m’étais abreuvé pendant un an, sous la direction de mon professeur Nadine Guilhem, et l’histoire, mais attendant surtout, en fait, que se lève le vent de l’Histoire.
23Je ne peux ici que rendre hommage à tous ceux qui furent mes enseignants durant ma scolarité secondaire et qui, chacun à sa manière, m’apportèrent bien plus que la connaissance des items définis par le programme. C’est d’eux que j’ai presque tout appris. Ils ont su me faire découvrir un univers que je ne connaissais pas – aucun de mes parents n’a même le certificat d’études –, guidant mes lectures, tâchant de répondre à mes questions, supportant mes prises de position excessives, comprenant qu’un adolescent n’est pas seulement ce qu’il est mais ce qu’il devient. Je parle ici d’un temps que les élèves d’aujourd’hui n’imaginent même pas où, loin de se prétendre un sanctuaire coupé du monde, l’école bruissait des échos du monde, où chaque année connaissait son mouvement, ses « AG », ses manifestations ; où les militants (les « croyants25 ») – une poignée en vérité – dont j’étais s’efforçaient de faire se lever le vent de la révolte, (de mobiliser les « flottants26 »), consacrant les heures de gymnastique à ronéotyper des tracts de solidarité avec le monde ou de dénonciation de la « démocratie avancée » et de ses réformes – forcément – funestes. Un monde où professeurs et élèves, le plus souvent, se tutoyaient à force de se rencontrer en dehors de l’enceinte scolaire dans des réunions enfumées, côte à côte, parfois face à face. On s’étonne aujourd’hui que les mouvements lycéens aient pris la forme du blocage, mais dans combien d’établissements serait-il aujourd’hui possible d’appeler au mégaphone de la cour de récréation à une assemblée générale sans se faire immédiatement exclure ou du moins sévèrement tancer ? De passer dans les salles de cours pour expliquer les raisons du mouvement et faire voter la classe sur la poursuite du cours ? Dans combien d’établissements les panneaux d’affichage sont-ils aujourd’hui vraiment libres de toute censure ? Depuis quelques années, dès qu’un mouvement affecte les établissements scolaires, il est ressenti comme une catastrophe pour l’avenir des adolescents, une hypothèque sur leurs chances de succès. Hier, c’était un moment habituel de l’année scolaire, voire une période de formation citoyenne…
24L’hypokhâgne, où j’entrai en septembre 1976, mit ma culture – il est vrai fort peu classique – à rude épreuve. L’enseignement du professeur de philosophie eut tôt fait de me dissuader de suivre ce chemin tandis que celui de Jean Leduc me conduisait, au contraire, à opter progressivement pour l’histoire. Il faut dire, outre la solide charpente de ses cours appuyés sur une bibliographie toujours actualisée, que Jean Leduc est un historien qui se pose des questions. C’est lui qui me fit lire en 1976 ma première thèse d’histoire – celle de Roland Mousnier27 – et mon premier livre d’historiographie, La Révolution, mythes et interprétations, 1789-1970 d’Alice Gérard28, puis, dès sa sortie en poche en 1983, Les écoles historiques de Guy Bourdé et Hervé Martin. Quelques années plus tard, alors que je passais lui rendre visite et qu’il me recevait dans son bureau, je fus surpris de la place qu’y occupaient les livres de philosophie et je lui en demandai la raison. Il me répondit simplement : « Comment peut-on faire de l’histoire sans conduire une réflexion sur le temps29 ? » Le propos me sembla frappé au coin du bon sens et cette remarque m’ouvrit bien des perspectives. C’est dire aussi que, pour Jean Leduc, le lien avec ses élèves n’était pas soumis au calendrier scolaire. Je l’ai toujours connu mettant à jour la fiche qu’il conserve pour chacun d’eux, au fil des nouvelles qu’il recueille de loin en loin et d’une entière disponibilité pour échanger des idées et relire avec une extrême attention les travaux des uns et des autres30.
25Quand vint l’heure de la khâgne de Saint-Sernin, vers laquelle je m’étais orienté en tant qu’optant histoire et piètre latiniste, nous étions en 1977-1978. C’est peu dire que ce qui se passait hors des murs de la classe – la rupture du Programme commun dont j’attribuais évidemment la responsabilité, sinon unilatérale, du moins principale aux socialistes et les élections législatives qui auraient pu voir un changement de majorité – m’intéressait bien plus que les cours qui y étaient délivrés. Une longue parenthèse, principalement occupée par l’activisme politique et syndical, s’ouvrait insensiblement, qui devait durer jusqu’en avril 1982 quand je décidai de m’attacher à ma maîtrise.
26Mon projet primitif était de consacrer celle-ci à l’étude de l’Aget-Unef31, que j’avais un temps dirigée. Rolande Trempé, ancienne résistante exclue du parti communiste, à qui je m’adressais en tant que professeure d’histoire contemporaine, refusa ce sujet au prétexte, fort raisonnable, qu’il me fallait tourner la page et faire vraiment de l’histoire. Elle m’assigna l’étude du bureau de bienfaisance de Toulouse à la fin du xixe siècle dont un administrateur avait rédigé l’historique. Ses arguments, vertement administrés, emportèrent mon adhésion. Je m’efforçai de croiser cette source avec toutes les indications « objectives » que je pouvais tirer des archives pour établir qui étaient ceux qu’on appelait les « pauvres », où ils vivaient, combien ils étaient, pour finalement établir que la laïcisation du bureau de bienfaisance n’avait que peu changé leur vie et qu’il s’agissait, dans cette ville à forte tradition clientéliste, d’abord d’un enjeu politique. Lors de la soutenance, en octobre 1982, Rolande Trempé me fit remarquer que Pierre Baudis avait lui-même dirigé les œuvres sociales avant d’enlever, pour longtemps, la mairie aux socialistes… Mais surtout elle me dit, après m’avoir signifié, quelques mois plus tôt, que les militants font rarement de bons historiens (j’euphémise le propos), que j’étais fait pour la recherche historique. J’en acceptai l’augure avec un plaisir non dissimulé d’autant que, dès ce moment, je renonçai à ce qui aurait pu être au débouché logique de mes années de militantisme : devenir permanent politique.
27Devenu, l’année 1982-1983, surveillant d’externat à Decazeville, j’hésitais à me lancer dans les concours, qui étaient la seule voie qui m’était ouverte d’autant que Rolande Trempé avait très justement refusé de m’inscrire en thèse tant que je n’aurais pas ce viatique. finalement, grâce à Jean Leduc avec qui j’avais gardé le contact pendant mes années de militantisme bien qu’il n’ait jamais partagé mon engagement au sein du parti communiste, je me retrouvai intégré, l’année universitaire 1983-1984, dans un groupe de préparation composé d’anciens khâgneux dont Jean-Jacques Gatein et Laurent Mercier. Nommé, l’année suivante, surveillant d’internat à Caussade, je ne fréquentai guère le Mirail où j’avais déployé mon énergie militante et où j’avais le sentiment que ma présence en cours était presque incongrue et n’allait pas, en tout état de cause, sans provoquer une certaine hilarité et de nombreux sarcasmes (du moins le percevais-je ainsi). Admissible en bon rang, laminé à un oral que je n’avais absolument pas préparé, je décidai, sur les conseils d’Isabelle Saurat avec laquelle j’avais dirigé l’Aget et qui m’avait trouvé une chambre de bonne, mise à ma disposition par la famille de son mari, de « candidater » comme auditeur libre à l’ENS de Saint-Cloud, qui m’accepta. J’empruntai l’argent nécessaire à mon séjour et me rendis à Paris.
28Après l’hypokhâgne ce fut la seconde année où je me montrai véritablement assidu aux cours qui y étaient donnés sous la houlette de Jean-Louis Biget : au reste je n’avais guère le choix puisque celui-ci veillait avec une amicale autorité à ce que personne ne décroche. De surcroît je prenais un réel plaisir tant à la préparation du concours qu’au contenu desdits cours. Sans doute, si je n’avais pas été admis comme auditeur libre à Saint-Cloud et avais obtenu l’agrégation de Toulouse, ne me serais-je pas engagé dans la voie que j’ai suivie depuis lors. L’année se révéla intense et j’y ai contracté bien des liens intellectuels et amicaux durables.
29Et, puisque ce moment est à la reconnaissance, je tiens aussi à mentionner Jean-Pierre Poussou, membre du jury de l’agrégation d’histoire que j’avais eu en programme lors de ma première admissibilité et qui donnait quelques cours à Saint-Cloud. Il se trouve, en effet, que celui-ci se rendit à Toulouse et que, à l’interclasse d’une des séances, il me dit avoir entendu parler de moi. J’imaginai évidemment aussitôt ce qui avait pu lui être rapporté de mon passé militant et dans quel dessein puisque l’engagement à droite de Jean-Pierre Poussou était de notoriété publique. Toujours est-il qu’après m’avoir indiqué qu’on ne lui avait rien tu, il me dit combien il trouvait « minable » qu’on ait pris le soin de l’en informer. Quand je le rencontrai au matin de la proclamation des résultats, il me félicita et me dit généreusement que la question était maintenant de savoir quel historien je serais.
30Je n’ai pas le goût de l’anecdote, mais celle-ci m’a marqué en me prouvant, une nouvelle fois, que certaines valeurs transcendent les clivages politiques. Dès lors je n’ai pas été surpris d’apprendre que c’est Pierre Chaunu qui avait soutenu la candidature de Jean Chesneaux. Parfois, l’université existe.
La conversion à l’histoire : l’épreuve de la thèse
31Muni de l’agrégation, j’ai immédiatement envisagé de m’inscrire en doctorat : ma « reconversion » m’avait assez coûté pour que je ne m’arrête pas en chemin. Il restait à trouver un sujet et un directeur. L’histoire grecque me tentait beaucoup, tant l’impression que m’avait laissée la lecture des travaux de Jean-Pierre Vernant, de Pierre Vidal-Naquet, de Marcel Detienne et de Nicole Loraux – que j’avais lus sur les conseils de Claudine Leduc en complément de ses précieux cours dont elle m’avait prêté le manuscrit – avait été forte. Hélas, je ne connaissais pas le grec et ne me voyais pas l’apprendre. Malgré les cours de Jean-Louis Biget, l’histoire médiévale ne m’attirait pas assez, du moins au point d’y consacrer une vie de chercheur. Plus qu’une période c’est, en définitive, un homme que je choisis : Michel Vovelle. Celui-ci venait d’accéder à la chaire d’histoire de la Révolution française, succédant à Albert Soboul. J’admirais son œuvre d’historien des mentalités, que j’avais lue avec passion, et l’un de ses livres, Idéologies et mentalités32, résonnait pleinement avec mes propres préoccupations. De plus c’était l’un des rares, sinon le seul professeur d’une université parisienne, que j’avais personnellement rencontré à l’occasion d’un cours qu’il avait donné à Saint-Cloud.
32Bien sûr, la proximité idéologique était loin d’être négligeable et, de surcroît, je pressentais qu’un historien de cette renommée me laisserait les coudées franches. Le Bicentenaire de la Révolution approchait, j’avais lu Penser la Révolution française de François Furet et j’en avais éprouvé une sorte d’attraction-répulsion33… Il y avait là du « grain à moudre », pour reprendre une expression coutumière de Michel Vovelle qui, du reste, avait levé l’interdit de citer l’historien « critique » au sein de son séminaire, interdit qui y régnait, m’avait-on appris, avant son arrivée sur la chaire d’Alphonse Aulard, quand celle-ci était occupée par Albert Soboul. Enfin, malgré l’importance de son œuvre, Michel Vovelle paraissait accessible.
33Toutes raisons pour que j’aille le trouver dans son bureau enfumé de la Sorbonne et que je lui propose un projet sur la confrontation de deux figures emblématiques de la Révolution, Danton et Robespierre, que je comptais étudier dans la longue durée – de la Révolution à 1989 – pour rebondir avec un projet plus global d’étude des trois commémorations de la Révolution française où l’étude du Bicentenaire devait permettre de vérifier les hypothèses émises sur les deux précédentes commémorations. Je me suis toujours félicité de ce choix et je ne suis pas certain qu’un autre directeur de thèse aurait eu la hardiesse d’accepter de prendre, en 1986, un sujet portant sur un événement… qui n’avait pas encore eu lieu. De plus cette ouverture à ce qu’il qualifia lui-même d’« histoire-expérimentale34 » s’accompagnait d’une grande gentillesse, de beaucoup de bonhommie et de générosité dont participaient des témoignages réitérés de confiance. Jamais il ne se posait en censeur et chacun des brefs entretiens accordés était l’occasion d’une remarque pertinente qui ouvrait toujours de nouveaux horizons. Enfin, comme j’ai pu m’en rendre compte quand nous nous sommes opposés sur un article dont il ne jugeait pas la publication opportune35, il admettait la divergence et ne me tint jamais rigueur de n’avoir pas obtempéré et de lui en avoir expliqué par écrit les raisons. François Dosse rappelle, dans son article sur les Essais d’egohistoire paru dans Le Débat36, comment la rupture avec le militantisme communiste avait conduit les générations d’historiens des années 1960 à fuir les rivages brûlants du xxe siècle, au demeurant alors peu explorés par les historiens hormis ceux de Sciences Po et, à leur suite, de Paris X-Nanterre.
34Pour ma part, sans doute parce que la rupture avec le PCF était devenue moins traumatique dans les années 1980, je n’y ai guère songé sérieusement. Certes j’ai commencé par travailler sur le Centenaire, parcourant les archives diplomatiques ou des dépôts d’archives départementales ou municipales à Toulouse, Lille, Marseille et Bourges37, mais je me suis peu à peu persuadé que le Bicentenaire valait bien un doctorat et j’ai rapidement affectionné la posture de l’historien au « milieu du gué », pour reprendre une expression de Robert Frank. Ce serait donc une thèse d’histoire du temps présent, dirigée par un historien moderniste, il est vrai impliqué dans le présent et soucieux de l’historiographie jusque dans ses développements les plus contemporains.
35Étant professeur dans le secondaire de 1985 à 1991, au lycée de Chambéry, au lycée de Gisors et enfin au collège d’Orly, puis Ater et Prag à l’IUFM de Versailles, l’itinéraire de mon doctorat n’a pas été rectiligne, ni conforme aux canons du doctorat nouveau régime – quatre ans – puisque j’ai soutenu mon DEA en octobre 1987 et ma thèse sept ans plus tard, en octobre 1994.
36Sans doute le fait d’avoir choisi de traiter d’un événement qui n’avait pas encore eu lieu en retardait-il presque inévitablement l’aboutissement mais, après tout, le livre consacré par Pascal Ory aux trois commémorations de la Révolution française a été publié en 199238 et celui de Steven Kaplan entièrement dévolu au Bicentenaire39 en 1993. Disons que j’ai vécu avec mon sujet et que je n’ai pas hésité à faire tous les détours qui me convenaient, sans doute en écho à la notion de « détour productif » chère à Georges Labica40 qui avait valeur de justification inébranlable. Plus fondamentalement, j’ai essayé de ne pas faire de la thèse – du moins dans sa phase d’élaboration intellectuelle – une aventure totalement solitaire. De ce fait, dès cet instant, mon itinéraire entre en résonance constante avec des lieux et des groupes multiples.
Notes de bas de page
1 Louis Althusser, Montesquieu, la politique et l’histoire, Paris, PUF, 1974, p. 9.
2 Augustin Thierry, Avertissement aux Lettres sur l’histoire de France [1827], dans Id., Œuvres complètes, Paris, Garnier, 1867.
3 Camille Jullian, Extraits des historiens français du xixe siècle, Paris, Hachette, 1897, p. xiv.
4 Citée par Sylvie Aprile, 1815-1870. La Révolution inachevée, Paris, Belin, 2010, p. 555.
5 C’est dans de telles circonstances que Jean Jaurès entreprit d’écrire au début du xxe siècle son Histoire socialiste de la Révolution française.
6 Antoine Garapon, Peut-on réparer l’histoire ? Colonisation, esclavage, Shoah, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 9.
7 J’ai revu, bien des années plus tard, ces images avec une émotion intacte lors de l’exposition « Face à l’histoire » qui s’est tenue au centre Georges-Pompidou en 1996.
8 Marie-Claire Lavabre, Le fil rouge de la mémoire communiste, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994.
9 Victor Hugo n’intitule-t-il pas l’un des derniers chapitres de Quatre-vingt-treize : « C’est après la victoire que le combat commence » ?
10 Du moins à sa branche maternelle. De façon qui ne cesse de m’étonner rétrospectivement, le prestige du militantisme et sa rhétorique pesèrent longtemps beaucoup plus fortement sur moi que l’engagement réel de mon père. Celui-ci, né au Maroc en 1920, démobilisé en 1940, avait pourtant rejoint l’armée française dès la fin 1942 pour libérer la France. Et il ne découvrit celle-ci qu’en 1945, après avoir traversé la Tunisie, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne, avoir été blessé en Tunisie et décoré au Monte Cassino.
11 Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, Paris, Éditions sociales, 1975.
12 Cf. Maurice Godelier, Horizon, trajets marxistes en anthropologie, Paris, Maspero, 1973, 2 vol.
13 Friedrich Engels, Le rôle de la violence dans l’histoire, Paris, Éditions sociales, 1971.
14 Je me souviens comment mes amies et moi-même jugions sévèrement Les Justes de Camus et leurs dilemmes, assurés que la question n’était pas celle des victimes innocentes mais de l’efficacité du mode d’action choisi – en l’occurrence son inefficacité.
15 Que l’on pourrait traduire beaucoup plus vulgairement, mais sans doute plus fidèlement, par : « Qui nique qui ? » Cité par Jacques Lévy dans Patrick Garcia, Jacques Lévy, Marie-flore Mattei (dir.), Révolutions, fin et suite. Les mutations du changement social et de ses représentations saisies à travers l’image de la Révolution et les pratiques du Bicentenaire, Paris, EspacesTemps/BPI centre Georges-Pompidou, 1991, p. 33.
16 Karl Marx, L’idéologie allemande, Paris, Éditions sociales, 1974.
17 Pour Louis Althusser, les thèses sur Feuerbach séparent les œuvres du jeune Marx des œuvres « de maturité […] : L’idéologie allemande, Misère de la philosophie, Le capital, etc. », Louis Althusser, Pour Marx, Paris, Maspero, 1965, p. 41.
18 Ibid., p. 51.
19 Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Éditions sociales, 1969, p. 15.
20 Ibid., p. 15.
21 Camille-Ernest Labrousse, L’histoire sociale. Sources et méthodes, Paris, PUF, 1967, p. 45 (colloque de Saint-Cloud 1965, introduction) : « Nous avons fait jusqu’ici l’histoire des Mouvements et que nous n’avons pas fait assez l’histoire des Résistances. L’accélération de l’Histoire ne doit pas nous faire trop sous-estimer la lenteur de l’Histoire. La résistance de la mentalité en place est un des grands facteurs de l’Histoire lente. Elle bloque ou suspend les prises de conscience. Elle est la chance prodiguée des contre-révolutions. »
22 Camille-Ernest Labrousse, « Comment naissent les révolutions », dans Actes du Congrès historique du centenaire de la Révolution de 1848, Paris, PUF, 1948.
23 Louis Althusser, « Sur l’objectivité de l’histoire (lettre à Paul Ricœur) », Bulletin de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public, n° 56, 1953, p. 315.
24 Étudié dans la version des Éditions de Pékin plus économique que celle des Éditions sociales, alors maison d’édition du parti communiste.
25 Pour reprendre les catégories employées par Camille-Ernest Labrousse dans son article « Comment naissent les révolutions », art. cité.
26 Camille-Ernest Labrousse, « Comment naissent les révolutions », art. cité.
27 Roland Mousnier, La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, Rouen, Maugard, 1945.
28 Alice Gérard, La Révolution, mythes et interprétations, 1789- 1970, Paris, flammarion, 1970.
29 Cette réflexion aboutit bien des années plus tard à la publication aux éditions du Seuil de Les historiens et le temps. Conceptions, problématiques, écritures, Paris, Seuil (Points histoire), 1999, que j’eus le plaisir de proposer à Richard figuier, qui dirigeait cette collection.
30 Ces lignes n’échappent pas à la règle.
31 Association générale des étudiants de Toulouse.
32 Michel Vovelle, Idéologies et mentalités, Paris, Maspero, 1982.
33 Mon dialogue avec l’œuvre de François Furet n’a pas cessé depuis que j’ai été amené à le lire sérieusement pendant la préparation de l’agrégation et je suis heureux d’avoir pu lui consacrer une notice biographique ; Patrick Garcia, « François Furet », Le Maitron, Dictionnaire biographique. Mouvement ouvrier. Mouvement social, 2009, t. 5, p. 322-325.
34 Préface à Révolutions, fin et suite..., op. cit.
35 Il s’agit de « François Mitterrand, chef d’état, citoyen et commémorateur », Mots/Les langages du politique, n° 31, juin 1992, p. 526.
36 François Dosse, « Une egoïstoire », Le Débat, n° 49, mars-avril 1988, « Autour des Essais d’egohistoire », p. 122-124.
37 « Universalisme et raisons d’État. L’État républicain face au Centenaire », dans Jacques Bariéty (dir.), 1889, Centenaire de la Révolution française. Réactions et représentations en Europe, Berne, Peter Lang, 1992, p. 145-168 ; en coll. avec Brigitte Marin, « 1889, Lille, Marseille, Toulouse : à chacun sa commémoration », dans Philippe Dujardin, Jean Davallon, Gérard Sabatier (dir.), Politique de la mémoire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1993, p. 71-91 ; en coll. avec Brigitte Marin, « Un apôtre toulousain de la commémoration, Jean-Bernard Passerieu », dans Philippe Dujardin, Jean Davallon, Gérard Sabatier (dir.), Le geste commémoratif, Lyon, CERIEP, 1994, p. 263-281.
38 Pascal Ory, Une nation pour mémoire, 1889, 1939, 1989, trois jubilés révolutionnaires, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992.
39 Steven Kaplan, Adieu 89, Paris, Fayard, 1993.
40 Georges Labica, Le statut de la philosophie marxiste, Bruxelles, Complexe, 1976.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’exercice de la pensée
Machiavel, Leopardi, Foucault
Alessandro Fontana Jean-Louis Fournel et Xavier Tabet (éd.)
2015
Ethnographie, pragmatique, histoire
Un parcours de recherche à Houaïlou (Nouvelle-Calédonie)
Michel Naepels
2011