De la protection équivalente. La jurisprudence Bosphorus à l’heure de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme
p. 1003-1018
Texte intégral
1Jean-Claude Masclet a porté son intérêt et développé son activité scientifique dans des domaines très divers, comme le droit électoral et la Francophonie. Mais il a toujours manifesté une attention particulière pour l’Europe, aussi bien pour l’Europe de Bruxelles et de Luxembourg que pour l’Europe de Strasbourg. En tant que Président de la CEDECE, il a constamment soutenu les projets concernant la Convention européenne des droits de l’Homme. En tant que Doyen de la Faculté Jean Monnet à Sceaux, il a défendu l’Europe des Universités et lancé la construction des nouveaux locaux qui représentent une réalisation architecturale originale.
2Aussi, pour lui rendre hommage, je me propose de consacrer ces quelques lignes à un problème tout à fait d’actualité et qui s’inscrit dans la longue histoire des relations entre les deux Europe, puisqu’il s’agit de l’adhésion prochaine de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, et plus précisément de la question de la « protection équivalente », notion controversée issue de la jurisprudence Bosphorus1. Dans un arrêt remarqué, rendu en 2005 par la Grande chambre, la Cour de Strasbourg avait fait preuve de retenue judiciaire en s’abstenant de contrôler la conformité par rapport à la Convention européenne de la saisie d’un aéronef par un État, en l’occurrence l’Irlande, qui avait appliqué un règlement communautaire pris pour assurer la mise en œuvre des sanctions obligatoires décidées en 1992 et 1993 contre l’ex-Yougoslavie par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l’ONU, estimant que le droit communautaire fournissait une protection équivalente.
3Au moment où se pose concrètement le problème de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, alors même que les négociations à ce sujet sont en cours, il n’est pas inutile de s’interroger sur le sort de cette jurisprudence et de se demander si elle n’est pas devenue obsolète ou au contraire si elle n’est pas susceptible de ressurgir et de connaître une nouvelle vie.
I – Une jurisprudence obsolète ?
4Dans son commentaire sur l’affaire Bosphorus Florence Benoît-Rohmer considère que la Cour de Strasbourg a élaboré sa théorie de la protection équivalente comme un régime transitoire, en attendant une adhésion formelle de l’Union européenne à la Convention européenne, aboutissant en quelque sorte à une adhésion forcée ou « contrainte »2. Or l’adhésion n’est plus une simple éventualité, c’est un processus qui est désormais en cours et qui devrait se réaliser dans un délai encore incertain, mais vraisemblablement relativement proche. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur le point de savoir si la jurisprudence Bosphorus n’est pas maintenant dépassée et si elle conserve encore un intérêt. À cet égard on constate que cette jurisprudence était contestable dès l’origine et que par la suite elle a été appliquée peu fréquemment par la Cour de Strasbourg.
A – Une jurisprudence contestable dès l’origine
5Dans son arrêt de 2005, la Grande chambre a posé aux paragraphes 155 et suivants de l’arrêt un certain nombre de principes qui apparaissent comme autant de limites ou de garde-fous à la présomption d’équivalence de la protection offerte par le système communautaire.
6Lorsque les États ont transféré certaines compétences à une organisation internationale, comme la Communauté européenne, ceux-ci demeurent responsables au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme. Selon la Cour une mesure prise en exécution des obligations découlant de l’appartenance à cette organisation « doit être réputée justifiée dès lors qu’il est constant que l’organisation en question accorde aux droits fondamentaux (cette notion recouvrant à la fois les garanties substantielles offertes et les mécanismes censés en contrôler le respect) une protection à tout le moins équivalente à celle assurée par la Convention ». La Cour précise que « par « équivalente », [elle] entend « comparable » : toute exigence de protection « identique » de la part de l’organisation concernée pourrait aller à l’encontre de l’intérêt [poursuivi] de la coopération internationale ». Cela étend par conséquent le champ d’application de l’équivalence de la protection, en écartant une interprétation trop rigoureuse. En revanche, la Cour introduit un élément restrictif en indiquant qu’« un constat de « protection équivalente » de ce type ne saurait être définitif : il doit pouvoir être réexaminé à la lumière de tout changement pertinent dans la protection des droits fondamentaux ». Par ailleurs, selon la Cour il existe une présomption que l’État respecte la Convention lorsqu’il ne fait qu’exécuter les obligations découlant de son appartenance à l’Organisation. Cette présomption peut d’ailleurs être renversée, « dans le cadre d’une affaire donnée », en cas d’« insuffisance manifeste ».
7Il résulte des principes énoncés par la Grande chambre, d’une part, que le constat d’équivalence de la protection n’est pas définitif et peut être révisé par la Cour et que, d’autre part, la Cour exerce un contrôle qu’on a qualifié parfois de contrôle « minimum ».
8L’arrêt a été rendu à l’unanimité. Il est toutefois accompagné de deux opinions concurrentes fortement argumentées, portant précisément sur la notion de protection équivalente. La première est intéressante en ce qu’elle émane du juge allemand Ress qui connaît bien la jurisprudence (allemande) Solange, laquelle a inspiré la Cour, et il lui reproche de procéder à une analyse plutôt formelle de l’équivalence, insistant sur les procédures, alors qu’elle ne vérifie pas assez, selon lui, l’équivalence substantielle. Au contraire, les six juges quasi dissidents insistent sur les insuffisances procédurales, d’ailleurs relevées par l’arrêt lui-même3. Ils déclarent ne pas être « entièrement convaincus par l’approche suivie pour établir que » la protection équivalente « existe en l’espèce ». Ils semblent reprocher à la Cour de s’être livrée (à un examen général et in abstracto du système communautaire (paragraphes 159-164 de l’arrêt) ». Ils reconnaissent « la place croissante des droits fondamentaux et […] l’intégration profonde de ceux-ci dans l’ordre communautaire », mais ils relèvent que sur le « plan procédural, l’arrêt minimise ou néglige certains éléments qui marquent une réelle différence et ne permettent pas raisonnablement de conclure, dans tous les cas, à une « protection équivalente »». Ils insistent sur l’importance du droit de recours individuel et sont d’avis que « pour éviter tout risque de doubles standards, il faut dès lors rester très vigilant ».
9Bien que les six juges de l’opinion concordante commune mettent l’accent sur des points essentiels, il nous semble qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur raisonnement. Si l’on reprend la motivation de l’arrêt à la lumière des remarques pertinentes des six juges, on peut relever entre les paragraphes 162 et 163, un glissement dans le raisonnement des juges. Ils constatent, en effet, au paragraphe 162 que l’accès des particuliers à la Cour de justice des Communautés européennes est restreint et limité et ils affirment cependant au paragraphe 163 : « Il n’en demeure pas moins que les recours exercés devant la CJCE par les institutions de la Communauté ou par un État membre constituent un contrôle important du respect des normes communautaires, qui bénéficie indirectement aux particuliers ». La Cour en réalité abandonne l’exigence d’une protection équivalente, pour se contenter d’un contrôle juridictionnel « important ». Certes la Cour avait pris soin de préciser que par « équivalente » elle entendait « comparable » et non pas « identique »4.Mais peut-on vraiment considérer comme « comparable » un système de recours qui offre à l’individu un recours indirect ou limité et un système qui lui reconnaît pleinement l’accès à la juridiction internationale ? Nous ne le pensons pas. On peut d’ailleurs remarquer que la Cour consacre de longs développements pour essayer de démontrer l’équivalence de la protection dans le cas concret (§§159 à 165 de l’arrêt), alors qu’elle traite très rapidement en un seul paragraphe (§166) la question du renversement de la présomption et de l’insuffisance manifeste de la protection. Il est vrai que le seuil de ce qui est « manifeste » est forcément placé très haut, ce qui a pour conséquence d’abaisser le niveau de protection des droits, comme le notent justement les six juges de l’opinion commune.
10En définitive, si l’on peut admettre les principes généraux posés par la Cour dans l’affaire Bosphorus, on doit reconnaître que l’application qu’elle en a faite dans le cas concret est très critiquable. Cela explique pourquoi une partie de la doctrine s’est montrée réservée sur cet arrêt, reprochant à la Cour de Strasbourg d’avoir fait preuve d’une retenue excessive à l’égard de la Cour de Luxembourg et du droit communautaire. C’est la position que nous avions exprimée à l’époque et qui nous semble toujours justifiée à l’heure actuelle5.D’autres auteurs ont critiqué les incertitudes de la jurisprudence Bosphorus. C’est le cas notamment de Frédéric Sudre, et d’une manière plus nuancée de Joël Andriantsimbazovina6. Quant à Gérard Cohen-Jonathan et Jean-François Flauss ils se montrent assez réservés, reprochant même à la Cour de s’être livrée à « un exercice de type académique » lorsqu’elle vérifie l’équivalence de la protection normative et procédurale7. Pour Annalisa Ciampi, la protection équivalente est une fiction juridique et le renversement de la présomption en cas d’insuffisance manifeste restera purement théorique8.
11Même si certains, nous l’avons vu, considéraient l’arrêt Bosphorus comme un arrêt de circonstance qui visait à régler une situation transitoire, en attendant l’adhésion programmée de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme sensée devoir régler tous les problèmes, cet arrêt se présentait bien formellement comme un arrêt de principe, tranchant un problème délicat et consacrant une notion subtile dont il marquait soigneusement les contours et les limites. Il est donc intéressant d’examiner si la Cour a fait, par la suite, application de cette jurisprudence et dans quelles conditions.
B – Une jurisprudence peu appliquée
12L’arrêt Bosphorus de la Cour de Strasbourg a parfois été mentionné par la Cour de Luxembourg, mais cela ne concernait pas la question de la protection équivalente des droits fondamentaux dans le régime juridique de l’Union européenne. En revanche, il est intéressant de relever systématiquement les références à cette affaire dans les arrêts et décisions de la Cour européenne. Sans prétendre à l’exhaustivité, malgré le recours à l’outil informatique qui devrait faciliter la recherche et garantir le signalement de toutes les occurrences relatives à cette affaire, on constate que l’arrêt Bosphorus est cité dans vingt-quatre affaires seulement, ce qui n’est pas considérable, compte tenu de l’ampleur du contentieux traité par la Cour de Strasbourg9.
13Parmi ces vingt-quatre affaires très peu intéressent directement notre sujet puisque quatre d’entre elles seulement concernent l’Union européenne. Dans la décision Bernard Connolly c/ 15 États membres de l’Union européenne, la Cour affirme : « Pour autant que l’on puisse considérer que la protection des droits fondamentaux offerte par l’ordre juridique communautaire soit mise en doute en l’espèce, la Cour rappelle qu’elle a déjà admis que cette protection était « équivalente » à celle assurée par le mécanisme de la Convention » et « elle ne voit rien dans la présente affaire qui pourrait l’amener à une conclusion différente »10. La Cour considère cependant que la requête est irrecevable ratione personae car elle vise en réalité les organes communautaires et non les États. La reconnaissance d’une protection équivalente n’était donc pas indispensable à la décision.
14Dans l’affaire M.S.S c/ Belgique et Grèce, qui concerne le mécanisme de Dublin, la Cour rappelle de manière détaillée les principes de la protection équivalente et souligne qu’elle « a pris soin aussi de limiter la portée de l’arrêt Bosphorus au droit communautaire au sens strict, à l’époque le « premier pilier » du droit de l’Union européenne »11. Mais, en définitive, elle considère que « la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce » car « la mesure litigieuse prise par les autorités belges ne relevait pas strictement des obligations internationales qui lient la Belgique »12.
15Le raisonnement de la Cour au sujet de la protection équivalente n’est donc pas déterminant pour la solution de ces deux affaires. Les deux autres décisions relatives au droit communautaire ou droit de l’Union se prononcent plus directement et appliquent pleinement, et de façon décisive, le « test » Bosphorus. La décision Coopérative des agriculteurs de Mayenne et la Coopérative laitière Maine-Anjou c/ France applique la jurisprudence Bosphorus dans le domaine de la politique agricole commune, qui repose essentiellement sur des règlements communautaires. Toutefois, la motivation de la Cour est très rapide et relève plus de l’affirmation que de la démonstration. Elle estime, en effet, « que pareille espèce ne fait pas apparaître une insuffisance manifeste dans la protection des droits garantis par la Convention qui pourrait renverser la présomption de protection, par l’ordre juridique communautaire, de ces droits, telle qu’elle a été dégagée par la Grande Chambre de la Cour dans l’affaire Bosphorus Airways »13. La requête est jugée à l’unanimité manifestement mal fondée et donc irrecevable.
16Quant à l’affaire Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A.c./ Pays-Bas, elle a donné lieu également à une décision d’irrecevabilité, la requête étant jugée manifestement mal fondée14. Cependant le raisonnement de la Cour est complexe et manque de fermeté. Il semble que la Haute Juridiction hésite entre deux solutions, et la décision a d’ailleurs été prise à la majorité. Mais comme les décisions relatives à la recevabilité ne donnent pas lieu à des opinions séparées de la part des juges dissidents, on ne connaît pas quelle position ils ont adoptée. On peut néanmoins supposer que la divergence portait, au moins en partie, sur la question de l’équivalence de la protection. La Cour constate d’abord que la requête est irrecevable ratione personae dans la mesure où elle est dirigée contre la Communauté européenne. La Cour aurait pu s’en tenir là. Elle examine cependant la question de savoir si une violation de l’article 6 de la Convention peut être imputée aux Pays-Bas. Selon la Cour, le cas d’espèce diffère de l’affaire Boivin15, mais aussi de l’affaire Bosphorus, dans la mesure où la question centrale soulevée par la requérante ne porte pas sur une décision ou une action d’un État membre de la Communauté européenne mettant en œuvre un acte des institutions communautaires, mais sur les garanties offertes par le système communautaire, en l’occurrence devant la Cour de justice des Communautés européennes. En poursuivant son raisonnement la Cour fait valoir que la procédure de la question préjudicielle devant la Cour de Luxembourg, qui était en cause dans le cas d’espèce, implique une intervention d’une juridiction interne, et elle examine donc l’affaire en faisant application des principes dégagés dans l’arrêt Bosphorus. Implicitement elle élargit donc le champ d’application de cette jurisprudence. Elle estime que l’association requérante n’a pas réussi à renverser la présomption d’équivalence de la protection offerte par le droit communautaire et qu’elle n’a pas démontré que la protection dont elle a bénéficié était « manifestement insuffisante ». Ces hésitations et ces méandres dans le raisonnement révèlent en réalité qu’il y a eu, très certainement, un débat au sein de la Cour. Dans ces conditions on peut se demander comment la majorité est arrivée à la conclusion que la requête était « manifestement » mal fondée. N’aurait-il pas été plus judicieux de joindre au fond la question de recevabilité afin de permettre un examen plus approfondi de l’affaire dans un arrêt et pas seulement dans une décision d’irrecevabilité ?
17Quoi qu’il en soit, on constate que les cas où la Cour de Strasbourg a fait application de la jurisprudence Bosphorus en matière communautaire sont fort peu nombreux et pas très probants. Les affaires relatives au contentieux des fonctionnaires et agents de certaines Organisations internationales, autres que les Communautés européennes ou l’Union européenne, ont donné lieu à des décisions qui ne sont guère plus convaincantes, bien qu’elles se situent dans le prolongement de la jurisprudence Waite et Kennedy qui avait soulevé des interrogations et des critiques ou réserves16. Ce groupe d’affaires concerne des agents d’EUROCONTROL17, de l’OTAN18 et du Conseil de l’Europe19. On peut y ajouter l’affaire Connolly, déjà examinée, et qui mettait en cause un agent de la Commission européenne. Dans cette dernière affaire, la Cour cite d’ailleurs la décision rendue dans l’affaire Boivin relative à EUROCONTROL qui a donné lieu à une décision d’irrecevabilité ratione personæ. La décision Beygo, qui concerne un fonctionnaire du Conseil de l’Europe et le mécanisme du Tribunal administratif du Conseil de l’Europe (TACE), déclare également la requête irrecevable ratione personæ, après avoir invoqué, assez rapidement d’ailleurs, la jurisprudence Bosphorus.
18Seule l’affaire Gasparini donne à la Cour l’occasion d’appliquer au fond la jurisprudence Bosphorus. La Haute juridiction délivre un satisfecit aux États à propos du système de règlement des différends entre l’OTAN et son personnel (Commission de recours de l’OTAN ou CROTAN). Elle estime qu’en l’espèce il n’y avait pas « insuffisance manifeste » et elle conclut que la requête est irrecevable comme étant manifestement mal fondée. Comme dans l’affaire Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c/ Pays-Bas (voir supra), on relève une double référence à ce qui apparaît à la Cour comme étant « manifeste », ce qui affaiblit la force de la démonstration. En effet, une telle appréciation est sujette à un certain relativisme. La décision Gasparini, tout comme la précédente, a été adoptée à la majorité, ce qui signifie que tous les juges n’étaient pas d’accord sur ce type de raisonnement.
19L’application par la Cour de Strasbourg de sa jurisprudence Bosphorus est donc assez décevante : non seulement elle est peu fréquente, mais aussi peu convaincante. Il en est de même des deux affaires relatives au transfert de compétences, voire de « pouvoirs souverains », des États à l’ONU où la Cour cite son arrêt Bosphorus en l’interprétant restrictivement et en déclarant les requêtes irrecevables ou incompatibles avec la Convention ratione personæ20.La notion de « protection équivalente » n’est donc pas pertinente et ne s’applique pas dans ces cas21.
20Quant aux autres affaires citant l’arrêt Bosphorus, elles ne se réfèrent pas à la question de l’équivalence de la protection, mais à des questions relatives à la notion de bien et de privation de la propriété au sens de l’article 1er du Protocole I22ou à des points de droit international général, comme la responsabilité de l’État du fait de nouveaux engagements internationaux, l’interprétation de traités successifs ou contradictoires, ainsi que la prise en compte d’autres règles de droit international23.
21Un autre aspect de la jurisprudence Bosphorus est mentionné dans deux arrêts : il concerne le principe de subsidiarité, qui n’est pas sans lien avec celui de la protection équivalente, mais s’en distingue néanmoins. Il s’agit des affaires Marchiani et Ullens De Schooten24.
22Le bilan de l’application de la jurisprudence Bosphorus relative à la protection équivalente est donc assez mince. Est-ce à dire que cette jurisprudence est devenue obsolète, voire caduque ? Nous ne le pensons pas. On peut même déceler des éléments qui laissent entrevoir un destin renouvelé pour une notion qui devrait conserver son intérêt et son utilité pour l’avenir.
II – Une jurisprudence susceptible de ressurgir
23Certains imaginaient que la jurisprudence Bosphorus constituait une solution transitoire en attendant une adhésion prochaine de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. Une affaire encore pendante devant la Cour de Strasbourg montre que cette jurisprudence, loin d’être sur le point de disparaître, conserve son utilité avant l’adhésion, et même après celle-ci.
A – Une jurisprudence qui conserve son utilité : l’affaire Michaud c/ France
24La question de l’équivalence de la protection offerte par le système communautaire est une des questions évoquées dans l’affaire Michaud, introduite devant la Cour de Strasbourg le 19 janvier 201125. Le requérant est avocat au barreau de Paris et il invoque la violation des articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme du fait de l’application de directives communautaires qui imposent aux avocats, dans le cadre de leur activité de conseil, une obligation de déclaration au cas où ils soupçonnent un de leurs clients de se livrer à des activités de blanchiment d’argent. Du fait de ses implications très importantes, cette affaire soulève évidemment beaucoup d’émotion dans le milieu des avocats et l’arrêt de la Cour européenne est attendu avec l’intérêt que l’on peut imaginer. Pour le moment la requête a été communiquée au Gouvernement et parmi les quatre questions posées aux parties la troisième concerne la jurisprudence Bosphorus : « La présomption de protection équivalente (Bosphorus Hava Yollari Turizmve Ticaret Anonim Şirketi c/ Irlande [GC], no 45036/98, CEDH 2005 VI) s’applique-t-elle en l’espèce ? »26 Plusieurs demandes de tierce intervention ont été déposées et celle de l’Institut des droits de l’Homme des Avocats européens (IDHAE) a été acceptée. Un mémoire d’amicus curiæ a donc été présenté à la Cour. Il prend position notamment sur la question de la protection équivalente27.
25La question se présente en effet différemment dans l’affaire Michaud par rapport à l’affaire Bosphorus. En 2005, l’IFDHBP avait soutenu le point de vue, ainsi résumé par la Cour : « étant donné que ni les Nations Unies ni la Communauté européenne n’offrent une protection équivalente des droits de l’homme (en particulier du point de vue de l’accès de l’individu à cette protection et des restrictions liées à la procédure de renvoi préjudiciel), le grief devrait être jugé compatible avec les dispositions de la Convention »28. La Cour, on le sait, n’avait pas suivi ce raisonnement, mais on peut admettre que tout en reconnaissant la validité des principes posés dans l’arrêt Bosphorus, la situation n’est pas la même dans l’affaire Michaud, sur deux points au moins : la nature du texte communautaire en cause (directive et non pas règlement) et l’inefficacité des voies de recours communautaires disponibles en l’espèce.
26D’une part, il s’agit en effet dans l’affaire Michaud de la mise en œuvre de directives communautaires relatives au blanchiment d’argent, alors que l’affaire Bosphorus concernait l’application par un État de règlements CEE. Or les règlements sont non seulement obligatoires dans tous leurs éléments, mais ils ont un effet direct et n’ont pas besoin d’une transposition dans le droit interne des États. Au contraire, les directives sont certes obligatoires quant au résultat à atteindre, mais elles laissent aux États le choix quant à la forme et aux moyens. Les instances nationales disposent donc d’une marge d’appréciation pour opérer la transposition de la directive dans le droit national, ce qui n’est pas le cas des règlements.
27Jusqu’à présent les affaires dans lesquelles la Cour a admis une protection équivalente au profit de l’Union européenne ne concernaient pas la mise en œuvre de directives. Dans l’affaire Coopérative des agriculteurs de Mayenne et La coopérative laitière Maine-Anjou c/ France29, il s’agissait de l’application d’un règlement communautaire (adopté dans le cadre de la PAC). Dans l’affaire MSS c/ Belgique et Grèce30, la réglementation communautaire reposait essentiellement sur des règlements, complétés par des directives, et la Cour a considéré que « la présomption de protection équivalente ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce »31.
28Si la Cour acceptait d’appliquer la solution de l’arrêt Bosphorus à la mise en œuvre des directives, on pourrait considérer qu’elle opérerait un élargissement de sa jurisprudence Il est vrai que dans l’affaire Michaud la transposition des directives communautaires n’avait pas nécessité des choix très importants et que les textes nationaux (ordonnances et règlements du Conseil national des barreaux) apparaissaient dès lors comme une simple transcription, sans recours à la marge d’appréciation nationale32. Devant le Conseil d’État, le requérant ne prétendait pas qu’il y ait eu une mauvaise transposition des directives. Selon lui, ce sont les dispositions de la directive de 2001 qui « sont incompatibles avec les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui protègent notamment le droit fondamental au secret professionnel »33. La Haute juridiction administrative a considéré que le principe de proportionnalité avait été respecté et que « la soumission des avocats à l’obligation de déclaration de soupçon, à laquelle procède la directive litigieuse, ne porte pas une atteinte excessive au secret professionnel ». Elle ajoute : « sans qu’il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ».
29La décision du Conseil d’État dans l’affaire Michaud montre bien que la voie de la question préjudicielle, souvent présentée comme un moyen indirect pour l’individu d’accéder à la juridiction communautaire, s’avère une voie aléatoire car elle dépend du bon vouloir des juridictions internes. Peut-on, dans ces conditions, parler d’équivalence de la protection ? Cela semble difficile à admettre. S’il est vrai que certaines directives communautaires en matière de blanchiment, qui sont au centre de l’affaire Michaud, se réfèrent expressément à la Convention européenne des droits de l’Homme, cela peut conduire à reconnaître une équivalence des règles et de la protection substantielle ou de fond, mais certainement pas une équivalence de la protection procédurale.
30On sait en effet que la caractéristique principale et essentielle du système de protection de la Convention, notamment depuis l’entrée en vigueur du Protocole xi en 1998, est le droit de recours individuel. Or ce droit n’est reconnu que partiellement dans le système du droit communautaire, devenu droit de l’Union, même s’il s’agit de règlements directement applicables. La Grande chambre l’avait d’ailleurs reconnu dans son arrêt en 2005. A fortiori s’il s’agit de directives, les particuliers ne peuvent en contester la légalité et l’interprétation devant les juridictions de l’Union, mais seulement devant les juridictions nationales. Ils n’ont qu’un accès indirect et très restreint par la voie de la question préjudicielle posée par la juridiction nationale à la juridiction de l’Union. Cette voie de recours peut s’avérer inefficace, – comme ce fut le cas dans l’affaire Michaud –, lorsque la juridiction nationale omet ou refuse de poser une question préjudicielle. En effet le Conseil d’État, juridiction statuant en dernier ressort, n’a posé aucune question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. On peut se demander si le requérant n’aurait pas pu explorer une autre voie procédurale, celle de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mais une telle demande n’aurait pas eu plus de chance de succès : la QPC doit être posée par une juridiction suprême (Cour de cassation ou Conseil d’État) et le Conseil constitutionnel statue sur la base de la Constitution et non de la Convention. En ce qui concerne les procédures ouvertes à un avocat pour la protection de ses droits et libertés fondamentaux, on doit donc constater que le droit de l’Union européenne n’offre pas une protection équivalente à celle que garantit la Convention européenne des droits de l’Homme, du moins sur le plan procédural.
31La Cour pourrait très bien confirmer les principes posés en 2005 et ne pas se déjuger ni opérer un revirement de jurisprudence en constatant simplement que le précédent Bosphorus est inapplicable à la mise en œuvre des directives communautaires et qu’il n’y avait pas en l’espèce protection équivalente sur le plan procédural. Une telle solution donnerait une nouvelle vie à la notion de protection équivalente, dans la perspective, désormais prévisible, de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. Elle aurait aussi l’avantage de renforcer l’efficacité du système de protection des droits et libertés en Europe34.
B – La protection équivalente dans le contexte de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme
32La notion de protection équivalente consacrée par l’arrêt Bosphorus de 2005 a toujours été envisagée dans le contexte de la question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. On a pu penser que le recours à cette notion ne serait plus utile dès lors que l’adhésion serait réalisée et effective.
33Certes, la Charte des droits fondamentaux des droits de l’Union européenne a été intégrée formellement dans le droit de l’Union, ce qui peut renforcer l’équivalence de la protection au sens matériel et substantiel, mais ne modifie rien en ce qui concerne la protection procédurale.
34Par ailleurs, on sait que la procédure d’adhésion est en cours, mais le projet d’accord préparé à cet effet ne contient aucune référence ni allusion à la jurisprudence et à ce qu’on a appelé le « test » Bosphorus relatif à l’équivalence de la protection35. On peut s’étonner d’une telle lacune. Toutefois, comme le remarquent les auteurs d’une étude approfondie sur cette question, le silence du document sur l’équivalence de la protection ne doit pas être interprété comme une mise à l’écart de la jurisprudence Bosphorus et il reviendra à la Cour de Strasbourg de se prononcer sur ce point : « Le projet d’accord […] ne confirme ni ne met fin explicitement au test de protection équivalente. De même, le projet ne clarifie pas s’il convient au contraire d’étendre sa mise en œuvre à l’ensemble des affaires liées à l’UE. Il appartiendra donc à la Cour de Strasbourg de décider en dernier lieu si elle doit continuer à exercer un contrôle minimum lorsque les 27 États membres adoptent des mesures qui mettent simplement en œuvre des obligations juridiques qui découlent de leur appartenance à l’Union européenne »36.
35Le test Bosphorus qui s’inspire de la jurisprudence allemande Solange est une arme à double tranchant37. La reconnaissance d’une présomption de protection équivalente, qui peut certes être renversée, s’accompagne d’un contrôle minimum, lequel peut conduire, comme d’aucuns l’ont fait remarquer, à un double standard, selon que les États en cause sont Membres de l’Union européenne ou ne le sont pas. En revanche, du côté communautaire, on a exprimé la crainte que les États non membres de l’Union exercent un certain contrôle sur le droit de l’Union par l’intermédiaire du contrôle de la protection équivalente.
36Les négociateurs de l’accord sur l’adhésion ont sûrement pris en compte ces éléments, mais ils n’ont pas, pour le moment, introduit de disposition à ce sujet, bien qu’ils aient prévu un mécanisme de codéfendeur (art. 3) et qu’ils aient envisagé des mécanismes d’implication préalable de la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires où elle n’a pas eu l’opportunité de se prononcer sur la compatibilité d’un acte de l’Union avec les droits fondamentaux38.
37Les États du Conseil de l’Europe et l’Union européenne auraient pu saisir l’occasion de l’accord d’adhésion pour s’emparer de la question de la protection équivalente et pour la consacrer ou au contraire la proscrire s’ils estimaient qu’elle était devenue sans objet. Ils auraient pu également essayer de l’encadrer en donnant à la Cour des directives pour son interprétation et sa mise en œuvre. Les négociateurs ne semblent pas s’être engagés dans cette voie. Il reste donc la voie jurisprudentielle suivie jusqu’à présent. La réponse apportée à la requête de Patrick Michaud donnera déjà une indication sur la position que la Cour entend adopter. Mais il faudra sans doute, un jour ou l’autre, que la Grande chambre intervienne pour fixer une ligne de jurisprudence, comme elle l’avait fait en 2005 dans l’affaire Bosphorus.
38Depuis la fin des années 70 la question de l’adhésion de la Communauté, puis de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme est périodiquement à l’ordre du jour des instances communautaires et du Conseil de l’Europe. Cette « valse-hésitation entre Luxembourg et Strasbourg »39devrait en principe se terminer bientôt. Mais cela ne marquera sans doute pas la fin des problèmes et des rivalités entre les deux organisations et entre les deux Europe. Il est vrai que d’autres difficultés se profilent à l’horizon, à l’occasion des réformes envisagées pour éviter un blocage du système de Strasbourg, victime de son propre succès et menacé d’asphyxie du fait du flot des requêtes individuelles qui risque, si on n’y prend garde, de se transformer en véritable tsunami.
39Le danger ne viendrait plus de Luxembourg et Bruxelles, mais de Londres qui assure au début de l’année 2012 la présidence du Conseil de l’Europe et qui organise à Brighton une réunion pour discuter des projets de réforme de la Cour. Un vent de fronde souffle sur Strasbourg et les projets de réforme pourraient limiter les pouvoirs de la Cour. On parle d’encadrement de la notion de marge nationale d’appréciation des États pour laisser plus de liberté aux États. Dans la même optique la subsidiarité devrait être renforcée. Une extension de la présomption d’équivalence de la protection irait dans le même sens, celui de l’allègement de la charge de travail de la Cour de Strasbourg. Mais ne serait-ce pas au détriment de l’efficacité et de l’effectivité du système européen de protection des droits fondamentaux ? Toutes ces notions (marge d’appréciation, subsidiarité, protection équivalente) sont des notions ambiguës40 et peuvent servir aussi bien pour accentuer les tendances « communautaires » et « fédérales » ou « quasi fédérales » du régime découlant de la Convention européenne que pour avaliser une renationalisation du droit de la Convention, qui semble déjà partiellement en cours et qui nous paraît tout à fait regrettable et dangereuse. Il faut y prendre garde, et il serait souhaitable que la Cour conserve la maîtrise de ces instruments d’interprétation qui lui permettent de moduler sa jurisprudence et de l’adapter, mais aussi de la faire évoluer en fonction des transformations de la société et de la situation en Europe. À l’heure de l’adhésion prochaine de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, qui devrait marquer non seulement un rapprochement salutaire des deux Europe mais aussi un progrès pour la défense des droits de l’Homme, le maintien à la disposition de la Cour de standards souples d’interprétation de la Convention, comme la marge d’appréciation des États, le principe de subsidiarité et celui de l’équivalence de la protection, est tout à fait souhaitable. Cela lui permettra de conserver à sa disposition un instrument de politique jurisprudentielle et, parfois, une arme de dernier ressort, très utile et pratique du fait de sa malléabilité.
Notes de bas de page
1 CEDH gr. ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c/ Irlande. Cette affaire concernait la saisie d’un avion appartenant à une compagnie aérienne relevant du droit yougoslave et loué à une société turque, soupçonnée de violer les sanctions contre l’ex-Yougoslavie. Elle avait été auparavant portée devant la Cour de justice des Communautés européennes, saisie par voie de recours préjudiciel : voir CJCE 30 juillet 1996, aff. C-84/95, Rec. p. I-3956. L’Avocat général Jacobs aborde dans ses conclusions la question du respect des droits fondamentaux et notamment de l’article 1er du Protocole I à la Convention européenne (droit de propriété et respect des biens).
2 F. Benoît-Rohmer, « À propos de l’arrêt Bosphorus Airlines du 30 juin 2005 : l’adhésion contrainte de l’Union à la Convention », RTDH, 2005, p. 827.
3 Opinion concordante commune à M. Rozakis [qui présidait la Grande chambre], Mme Tulkens, M. Traja, Mme Botoucharova, M. Zagrebelsky et M. Garlicki, juges.
4 §155 de l’arrêt.
5 P. Tavernier, « observations sous gr. ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c/ Irlande », JDI, no 3/2006, p. 1073-1076.
6 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’Homme, Paris, PUF, 2011, p. 773 et 704, no 432 et 397 et J. Andriantsimbazovina, dans F. Sudre et al., Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, Paris, PUF, 2011, p. 784-797.
7 G. Cohen-Jonathan J.-F. Flauss, « Cour européenne des droits de l’Homme et droit international général (2005) », AFDI, 2005, p. 675-698, notamment p. 682-689. Voir aussi J.-F. Flauss, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’Homme (février-août 2005) », AJDA, 2005, p. 1886.
8 A. Ciampi, « L’Union européenne et le respect des droits de l’Homme dans la mise en œuvre des sanctions devant la Cour européenne des droits de l’Homme », RGDIP, 2006, p. 85-116.
9 Si l’on utilise le moteur de recherche dans HUDOC, sur le site Internet de la Cour européenne des droits de l’Homme, on n’obtient que vingt références. Nous en avons relevé pourtant quatre autres. Il s’agit en premier lieu de l’arrêt Sandru e.a. c/ Roumaniedu 8 décembre 2009 : l’arrêt Bosphorus est cité dans l’opinion concordante du juge Popescu, non pas à propos de l’équivalence de la protection, mais au sujet du principe selon lequel les autres obligations internationales souscrites par l’État ne délient pas celui-ci de ses obligations en vertu de la Convention européenne des droits de l’Homme. Quant à la seconde référence supplémentaire, elle concerne une affaire très importante qui a donné lieu à l’arrêt de grande chambre Al-Jedda c/ Royaume-Uni du 7 juillet 2011 : la décision Bosphorus est mentionnée cinq fois, deux fois par le requérant et deux fois par le Royaume-Uni, ainsi qu’une fois par les tiers intervenants, les ONG Liberty et Justice. Seules ces dernières font allusion à la notion de protection équivalente dans le cas des organisations internationales dont les États contractants sont membres. Il est vrai qu’en l’occurrence on était en présence d’une coalition d’États agissant sur mandat d’une Organisation internationale. Les deux autres références figurent dans l’affaire Gasparini c/ Italie et Belgique (décision du 12 mai 2009) : il s’agit de la décision du 9 décembre 2008, Connolly c/ 15 États membres de l’Union Européenne et de la décision du 20 janvier 2009, Cooperatieve Producentenorganisatie Van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c/ Pays-Bas.
10 CEDH 9 décembre 2008, Bernard Connolly c/ 15 États membres de l’Union européenne.
11 CEDH gr. ch., 21 janvier 2011, M.S.S c/ Belgique et Grèce, §338.
12 Ibid., §340.
13 CEDH 10 octobre 2006, Coopérative des agriculteurs de Mayenne et la Coopérative laitière Maine-Anjou c/ France.
14 CEDH 20 janvier 2009, Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c/ Pays-Bas.
15 Voir infra.
16 Voir nos observations sous CEDH 18 février 1999, Beer et Regan c/ Allemagne et Waite et Kennedy c Allemagne, JDI, 2000, p. 102-104. Ces deux arrêts concernent des agents de l’Agence spatiale européenne (ASE) qui jouit d’une immunité de juridiction devant les tribunaux internes. Cette immunité risque d’aboutir à un déni de justice si les agents internationaux ne bénéficient pas d’une protection équivalente dans l’ordre juridique de l’Organisation internationale.
17 CEDH 9 septembre 2008, Boivin c/ 34 États membres du Conseil de l’Europe. Le Tribunal administratif de l’OIT est compétent pour les litiges entre EUROCONTROL et ses agents.
18 CEDH 12 mai 2009, Gasparini c/ Italie et Belgique.
19 CEDH 16 juin 2009, Beygo c/ 46 États membres du Conseil de l’Europe.
20 CEDH 2 mai 2007, Behrami et Behrami c/ France et Sarmati c/ France, Allemagne et Norvège : cette décision concerne le cas du Kosovo et de la MINUK. CEDH 16 octobre 2007, Beric e.a. c/ Bosnie-Herzégovine. Dans l’affaire Al-Jedda c/ Royaume-Uni, op. cit., et relative au régime de la détention en Irak par un membre de la coalition, les parties mentionnent le précédent Bosphorus mais la Cour ne s’y réfère pas.
21 Voir en ce sens Ph. Lagrange, « Responsabilité des États pour actes accomplis en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Observations à propos de la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (Grande chambre) sur la recevabilité des requêtes Behrami et Behrami c/ France et Sarmati c/ Allemagne, France et Norvège, 31 mai 2007 », RGDIP, 2008, p. 85-110.
22 CEDH 25 octobre 2005, Blake c/ Royaume-Uni ; CEDH 24 novembre 2005, Capital Bank AD c/ Bulgarie ; CEDH 31 juillet 2008, Druzstevni Zalozna Pria e .a c/ République tchèque ; CEDH 9 octobre 2008, Forminster Entreprises Limited c/ République tchèque ; CEDH 6 novembre 2008, Ismayilov c/ Russie ; CEDH 20 janvier 2009, Sud Fondi SRL e.a. c/ Italie ; CEDH 26 février 2009, Grifhorst c/ France.
23 CEDH 17 janvier 2006, Aristimuno Mendizabal c/ France ; CEDH 29 janvier 2008, Saadi c/ Royaume-Uni ; CEDH 12 novembre 2008, Demir et Baykara ; CEDH 2 mars 2010, Al-Saadoon & Mufdhi c/ Royaume-Uni.
24 CEDH 27 mai 2008, Marchiani c/ France ; CEDH 20 septembre 2011, Ullens De Schooten et Rezabek c/ Belgique.
25 Requête no 12223/11, Patrick Michaud c/ France ; l’affaire a été soumise à la 5e section.
26 Voir exposé des faits et questions aux parties du 26 décembre 2011. La première question concerne le point de savoir si l’article 8 de la Convention consacre « un droit au respect de la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients et au respect du secret professionnel des avocats ».
27 Ce mémoire de tierce intervention a été préparé par une équipe de juristes et d’avocats, sous la direction d’Emmanuel Decaux, Professeur à l’Université Paris ii et directeur du CRDH, Christophe Pettiti, Avocat au barreau de Paris et Secrétaire général de l’IDHAE et Paul Tavernier, Professeur émérite à l’Université de Paris xi et directeur du CREDHO. On peut noter qu’une équipe semblable de l’Institut de formation en droits de l’Homme du Barreau de Paris (IFDHBP) avait été autorisée à présenter un mémoire d’amicus curiæ dans l’affaire Bosphorus en 2005.
28 §133 de l’arrêt de 2005.
29 Voir supra.
30 Voir supra.
31 §339 de l’arrêt.
32 Dans certains cas la transposition des directives dans le droit interne de l’État prend la forme d’une simple reproduction mot pour mot, voire d’un « recopiage ».
33 CE 23 juillet 2010, Patrick Michaud, no 309993 ; conclusions du rapporteur public Cyril Roger-Lacan. Une des questions intéressantes soulevées par l’affaire Michaud devant la Cour européenne est de savoir si l’article 8 de la Convention couvre la protection du secret professionnel de l’avocat, question qui ne semble pas avoir été tranchée jusqu’à présent.
34 L’arrêtMichaud a été rendu par la Cour de Strasbourg le 6 décembre 2012 à l’unanimité et sans opinion séparée, ce qui peut expliquer certains « flous » dans le raisonnement. La requête est déclarée recevable quant au grief tiré de l’article 8 de la Convention et la Cour dit qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition. L’arrêt consacre de longs développements à la question de la protection équivalente (§§ 101 à 116). Elle rappelle les principes posés dans l’affaire Bosphorus et elle analyse la protection des droits fondamentaux assurée par le droit de l’Union européenne. Puis elle se prononce sur l’application en l’espèce de la présomption de protection équivalente et elle conclut que cette présomption ne trouve pas à s’appliquer (contrairement à ce que soutenait le gouvernement). La Cour s’appuie essentiellement sur le fait que le Conseil d’État français a refusé le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne. La Cour donne raison sur ce point à l’IDHAE, tiers intervenant, et aux analyses que nous avons présentées. On peut regretter toutefois que la Cour traite de la question de l’équivalence de la protection non pas comme une question préliminaire (au même titre que les questions de compétence et de recevabilité), ce qui correspond à sa nature et à la logique juridique, mais à propos de l’examen de la nécessité de l’ingérence, après les questions de la légalité de celle-ci et de la légitimité du but poursuivi. Cette approche nous semble erronée et trop réductrice.
35 Comité directeur pour les droits de l’Homme (CDDH), Rapport du 14 octobre 2011au Comité des ministres sur l’élaboration d’instruments juridiques pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, CDDH(2011) 009.
36 X. GROUSSOT, T. LOCK, L. PECH, « Adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme : analyse juridique du projet d’accord d’adhésion du 14 octobre 2011 », Fondation Robert Schuman, Policy Paper, Question d’Europe, no 218, 7 novembre 2011, version originale de l’article en anglais également disponible sur le site de la Fondation Robert Schuman.
37 La jurisprudence Bosphorus transpose aux relations UE/CEDH la jurisprudence Solange apparue dans un contexte très différent, celui des relations États/CEDH. Voir A. Haratsch, « Die Solange-Rechtssprechung des Europäischen Gerichtshofs für Menschenrechte – Das Kooperationsverhältnis zwischen EGMR und EuGH », Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, 2006, p. 927-947.
38 Voir le document CDDH-UE(201) 02 du 17 janvier 2011, Projet d’éléments additionnels préparés par le secrétariat sur les mesures procédurales garantissant l’implication préalable de la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires dans lesquelles elle n’a pas eu l’opportunité de se prononcer sur la compatibilité d’un acte de l’Union européenne avec les droits fondamentaux (point C.5 de la liste provisoire de questions).
39 Selon l’expression de P. Grigoriou, « L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme à l’ère du traité de Lisbonne », dans Liber Amicorum Peter Leuprecht, Bruxelles, Bruylant, 2012, xii, p. 131-149
40 Pour les notions de subsidiarité et de marge d’appréciation, voir P. Tavernier, « De la subsidiarité et de quelques notions voisines. Pérégrinations entre le droit international et le droit européen », dans Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier. La France, l’Europe et le Monde, Paris, Pedone, 2009, xiv, p. 219-231
Auteur
Professeur émérite à l’Université de Paris Sud (Paris XI)
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