figures
p. 120-128
Texte intégral
L’inconnue de la salle d’embarquement
Vernis pourpre écaillé de l’orteil avachi
Grumeaux abasourdis d’une cuisse exhibée
Seins excédés de gras flétris en quêtes d’ambre
Boucles appesanties aux lobes embaumés
Dans la salle où s’échoue son périple exotique
L’écho du quotidien châtie la transgressive
Des images s’empèsent
Faisant ployer sa nuque
Au-delà des nuages l’attend sa pauvre vie
L’insoumise
Elle ne veut plus respirer
Ne pas mourir pour autant
Elle veut vivre sans respirer
Inspire expire inspire expire
Admettre d’expirer pour vivre ?
Comment pourrait-elle inspirer
Ce que tout autour ils expirent ?
Refus catégorique d’inhaler
Le grand halo de leurs déjections d’air
Un fat ad honorem
De vieux bourdons à toge
Dans leur sagesse infuse
D’un fat enjargonnant
Ont fait un laureato
Chauves engalonnés
Élégantes aux aguets
Importants épinglés
Tout frétille, se rengorge et se hausse
Entre fronts emmiellés
Et bouches carnassières
Les nez de Pinocchio
Trahirent la bella truffa
Quand sous la noble voûte autrefois consacrée
Les orgues et les chœurs eurent sonné la retraite
Sur la joue étonnée de la statue d’albâtre
A roulé doucement la larme de sang noir
1Cérémonie d’une Laurea honoris causa
Furibond sur toile cirée
Il glisse une main sous son veston
Et la voilà qui file de l’air
Il tend l’oreille vers l’aparté
Mais elle s’enfuit à tout jamais
Il jette un œil sur son roman
Et le voici qui roule à terre
Il tire la langue à un passant
Mais elle le quitte pour ce manant
Furibond tord un grand nez
Qui sans tarder se va coincer
Fronce le sourcil cric
Plisse le front crac
Tout craque cric crac et part en vrac
Tonne la débâcle !
Ire dans poche avec mouchoir
Pieds au cou, jambes sous bras
Sur son quant-à-soi, il s’assoit
Ah ! Vie de pet sur toile cirée !
Que n’a-t-il compris plus tôt
Ce gros ballot
Le secret pouvoir des mots.
Le fouilleur de sac à main
À la pointe aiguë de ses doigts
Ses yeux furètent, s’acharnent, se convulsent.
L’œil sonde et perce
Le doigt palpite et rapte.
Il ne sait plus, de son œil ou de son doigt
Lequel plante et replante
L’aiguillon de la vérification.
Il ne sait pas, de la palpation ou de la convulsion
Laquelle exaucera le ver de son soupçon.
De l’effraction la jouissance
De la confirmation l’effroi.
Il espère le rien
Mais souhaite la preuve.
Dans la fureur scrutatrice, son corps se rassemble
Englouti par le vide du soliloque violeur.
Vassal de l’objet synecdoque
Espion de soi-même
Empire et perte.
À la pointe aiguë de ses doigts
Le tison de la trace insoucieuse
Tandis que dans un rai
Indigo, il croit La voir
— Qui danse ailleurs.
Dans le poil la faille
Du hallier de l’échine
Au torse cromagnon
Avant-bras forêt noire
Toundra de trous d’oreille
Des sourcils la broussaille
Des naseaux le persil
Le notable pervers
Officie sans émoi
Tenant pignon sur rue
Ses victimes, il les broie
Sur bedon gobergeant
Ses mains poilues se posent
Son regard inquiétant
Ne souffre nul refus
Réglant tout à la lame
Il ne doute de rien
Calvitie d’états d’âme
Implants de je vaux bien
Quelle bande de minus !
De soi-même il s’épate
C’est alors que sa faille
Le démange, il se gratte
Éructant un juron
Pour tout ce poil aux pattes
Le gâteau d’anniversaire
Lorsque tu nais le jour des morts
Cimetières d’anniversaires
Signes sculptés d’onyx et d’or
Pour tes premiers abécédaires
Sous son regard d’enfant pensif
Les yeux mouillés des chrysanthèmes
Des femmes sombres la mantille
Des hommes taiseux la main glèbe
Son chapelet la mère gragraine
Pour le cas où le père se signe
L’aïeule ploie son rhumatisme
Mâchouillant un Ave jauni
Sourcils épieurs des survivants
Joute de soins pour leurs défunts
Des plus lointains cousins cousines
Rancœurs de vies baisers de tombes
Pour son beau jour d’anniversaire
Petit garçon au béret sage
En lieu de rires et de rêves
Grande revue des disparus
Quand après vêpres et neuvaines
Godillots roides et fourbus
Genoux de chutes étoilés
fièvre d’attente et de novembre
Procède enfin son beau gâteau
Il n’est plus temps papa maman
Sa tête est pleine de fantômes
Son petit cœur s’est fait glaçon.
Dans la jouissance morbide
De leur gigue du croquemort
Il a percé l’orchestration
La bien opportune bêtise
Vient à le perdre en le sauvant
file au lit vilain garnement !
De la perversion de la fête
Lui vint l’attrait pour le néant
Tandis que les thuriféraires
Leur pieux devoir rendu aux mânes
La mine contrite ingurgitent
Son feu gâteau d’anniversaire.
Roger, Désiré P.
Sur la photo sépia
Insoucieux il s’élance
Saute le promontoire
Chevauche avec prestance
Sur la photo sépia
Du haut d’un dromadaire
Chimpanzé sur l’épaule
Il va vers le désert
Sur la photo sépia
Il hisse des altères
Virevolte à la barre
Escalade une fosse
Dans mon esprit meurtri
Yeux éteints, peau de cire
L’engloutit la tranchée
Qu’autrefois il vainquit
Sur l’entretemps, mon père
Qui aurait dit qu’un jour tu serais mon conscrit ?
Je cherche qui tu fus dans les marges des livres
Une marque au crayon m’est un signe précieux
Tu m’y confies tes vies, m’en confesses les trêves
De l’intime inconnu inquiète d’une esquive
Épiant depuis l’affût tel mot qu’il ne me dit
Je guette en interligne ce à quoi je fus sourde
Dans l’attente blessée du si proche étranger
Que j’aimais Qui m’aima
Le savions-nous alors en-deçà des silences ?
Ton refus de vieillir
Fait de toi mon jumeau
De l’énigme du sens ne m’offrant qu’un soupir
Du flambeau de mémoire me laissant le fardeau.
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