Policiers et militaires en Allemagne : le nouvel agencement1
p. 321-354
Texte intégral
1La restructuration des polices allemandes depuis le milieu des années 1990 et, parallèlement, la redéfinition des missions de la Bundeswehr (Armée fédérale) constituent les développements marquants d’une politique étrangère qui s’inscrit délibérément dans le cadre plus général de la politique européenne de sécurité commune, avec cependant quelques remarquables interrogations.
2En effet, ces deux évolutions parallèles, celle des polices et celle des forces armées, sont intrinsèquement liées dans un pays dont on aurait pu croire qu’historiquement le partage des tâches entre agences de police et militaires était une fois pour toutes consommé par la législation constitutionnelle de ce pays2.
3Par ailleurs, on aurait pu penser que les développements supranationaux et transnationaux de la politique européenne de sécurité en tant que politique étrangère et la mutation structurelle des appareils policiers et militaires allemands apparaîtraient comme des processus qui s’influenceraient mutuellement dans un système dynamique à niveaux multiples3. Classiquement, on aurait pu penser également que cette inclusion des deux systèmes coercitifs majeurs de l’Allemagne dans une architecture plus large irait avec une érosion de ses capacités d’action au niveau national, venant ainsi à l’appui de tout le courant de pensée qui perçoit la mise en parenthèse de l’État. Il n’en est rien.
4Étudier l’évolution et le nouvel agencement des agences de police et des forces armées en Allemagne, c’est d’une part étudier le renforcement de l’État national au travers de la construction européenne d’une politique de sécurité commune4 ; c’est d’autre part comprendre une évolution majeure dans l’ordre de la coercition qui est celle de la subordination des politiques de défense aux questions de justice et de sécurité intérieure.
5Plus concrètement, ce nouvel agencement permet d’approcher avec plus de clarté quelques côtés encore obscurs des politiques de sécurité allemandes et européennes : comment s’effectuent en Allemagne la répartition des tâches de sécurité entre policiers et militaires ainsi que le rôle exact de la restructuration de la Bundeswehr et l’internationalisation bien comprise de ses missions ? Comment l’Allemagne parvient-elle à diffuser un modèle policier national sous l’angle de l’européanisation des pratiques et des normes, mais aussi sous celui d’un équilibre entre surveillance et apparente proximité ?
6L’histoire récente de cette nouvelle complémentarité entre policiers et militaires allemands est également en filigrane une réponse à des interrogations majeures qui sont celles des principaux pays de l’Union européenne quant à la répartition de leurs forces militaires et de police5. Cette nouvelle complémentarité est également l’une des clés pour comprendre le sous-dimensionnement structurel de l’appareil militaire européen, la vacuité des politiques de défense européennes et donc la prééminence de l’OTAN, mais aussi le type de politique de médiation qui peu à peu constitue le fondement de la politique de sécurité européenne.
7L’apparition du modèle policier allemand comme modèle d’influence dans l’Union européenne, le long débat sur la restructuration et les missions des forces armées allemandes seront ici retracés de façon à mettre en perspective les premières conséquences de ce nouvel agencement.
Le modèle policier allemand : un modèle d’influence européen
Polices et sécurité intérieure
8Au début des années 1990, l’Allemagne, à l’exception de tout autre État « Schengen », est non seulement entrée de plain-pied dans la logique des accords, mais qui plus est, a démarqué ou du moins adapté son propre système policier à cette logique. Cela fut d’autant plus facile qu’elle a su imposer sa vision de l’organisation européenne dès le milieu des années 1980. Cette adaptation s’est faite de manière constante depuis 1992, d’où l’importance de la restructuration des différentes polices fédérales, au premier plan de laquelle la BNP6. Elle a été favorisée tout à la fois par la structure fédérale de l’État qui obligeait déjà à coordonner niveaux locaux de pratique policière et de décision et niveau central ; par la présence d’une frontière extérieure qui constituait la clé d’accès à l’Europe Schengen ; par l’espace géographique situé immédiatement derrière cette frontière extérieure, formé par les nouveaux Länder de l’ex-Allemagne de l’Est, zone immédiate de réception de tous les trafics illégaux, qui ne pouvait cumuler sans dommage difficultés économiques et sociales et déficit de sécurité ; et, enfin, par l’expérience allemande acquise en matière de recherche, de stockage, d’exploitation et de redistribution de l’information policière grâce à la centralisation informatique des données depuis l’apparition de la Rote Armee Fraktion (RAF, Fraction armée rouge) dans les années 1960-1970.
9Le concept de sécurité intérieure allemand, formalisé dans le programme d’actions pour la sécurité intérieure de 19947, prend en compte et intègre les dispositions de sécurité des accords de Schengen pour les fondre dans un modèle policier allemand plus vaste, qui se trouve du même coup « légalisé » à l’échelon européen. Ce qui fait le cœur de ce concept, c’est d’abord la redéfinition des menaces, dangers, risques susceptibles d’affecter l’Allemagne. Désormais, est considéré comme menaçant ce qui fait peur au citoyen allemand, ce qui peut menacer son intégrité physique ou faire obstacle à son « épanouissement économique et social8 ».
10En conséquence, il impose un niveau de coordination très étroit entre police fédérale, polices régionales, locales et polices étrangères9, en particulier à la frontière extérieure.
11Au total, les accords de Schengen et les dispositions de contrôle policier qui les accompagnent servent de cadre à la définition du concept de sécurité intérieure allemand et aux pratiques des différentes polices.
12Schengen, pour l’Allemagne, a d’abord confirmé que la perception des menaces avait changé de nature, que les mouvements de tout genre induits par l’ouverture des frontières étaient à la source des peurs ressenties par l’individu et la communauté dans laquelle il s’inscrit. L’imprévisibilité de ces mouvements « perpétrés » par des groupes qui dérangent : émigrants, demandeurs d’asile, clandestins, trafiquants, entrepreneurs, fait croître l’irrationalité des peurs individuelles et collectives. Ce sont celles-ci qui affectent le bon fonctionnement de la société allemande et d’abord, à cette époque, l’intégration des populations des nouveaux Länder. Ce sont donc ces peurs qui doivent être supprimées, restreintes ou dédramatisées : à cet égard, être pays de frontière extérieure, maritime et terrestre Schengen, oblige à une autre conception de la sécurité intérieure.
13Schengen est ensuite venu conforter le concept allemand préexistant de sécurité intérieure, concept qui reposait sur une forte centralisation informatique du renseignement policier et sur l’autonomie des niveaux opérationnels régionaux, que la lutte antiterroriste menée durant les années 1970 avait une première fois consacrée.
14De ce fait, Schengen validait du même coup et implicitement le concept de sécurité intérieure allemand qui, historiquement, a toujours essayé d’associer pratiques policières et constitutionnalité. Faisant de l’individu et non pas tant de l’État, la résultante de l’effort policier, les accords de Schengen ont eu pour paradoxe de favoriser l’émergence d’une police consensuelle et de légaliser à l’échelon européen le modèle de police allemande qui a réussi à devenir, de facto, le modèle pour l’Europe à la suite du désintérêt des Français pour EUROPOL10.
15La tentative allemande, discrète mais pour le moins efficace, d’exporter son modèle policier procède alors de deux ordres : l’un inhérent au concept de sécurité intérieure tel qu’il est actuellement développé par l’Allemagne, l’autre qui procède de la vision beaucoup plus large et plus pragmatique qu’a l’Allemagne de ses rapports avec ses voisins européens et de l’influence qu’elle peut exercer sur eux par ce biais.
Sécurité intérieure élargie et coopération policière
16La mise en œuvre des accords de Schengen par l’Allemagne au début des années 1990 et le référent qu’ils constituent pour l’action des polices régionales et fédérales, sont venus renforcer l’idée sous-jacente que désormais, la sécurité intérieure ne pouvait se définir en fonction du seul territoire allemand. « Sous-jacente » parce qu’un certain nombre d’éléments conduisait déjà à cette hypothèse, sans pour cela qu’elle ait été vérifiée, au travers des modes opératoires des policiers et des militaires allemands.
17Ces éléments apparaissent comme suit :
transnationalité des menaces, coopération des polices nationales et étrangères ;
système de renseignement évolué, cultures policières de réseau et en réseaux, mise en place de système de surveillance de masse.
18Ils avaient fait l’objet, depuis 1994, de nombreuses études commanditées par les différentes polices11 et de déclarations ministérielles. Comme précédemment mentionné, ils ont obligé les responsables allemands à réévaluer les termes de menaces, dangers, risques et donc à reconsidérer l’échelle des peurs éprouvées individuellement, communautairement ou collectivement par le citoyen allemand. Elles apparaissent dès lors comme La menace et les facteurs qui les induisent ne peuvent plus être restreints au seul territoire national.
19Ainsi le document officiel de la nouvelle Bundespolizei reprend-il une antienne constamment énoncée : « La protection de l’ordre au fondement des valeurs libérales démocrates de [notre] État et des droits fondamentaux garantis par la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne se situent au cœur des missions de [la BNP] telles quelles sont stipulées par la loi12. »
20Au milieu des années 1990, cette première approche des pratiques et dispositifs policiers en Allemagne ouvre sur cette vision nouvelle de la sécurité intérieure allemande que l’on pourrait qualifier de « sécurité intérieure élargie à crédibilité étendue ». Ce concept, qui prend consistance au début des années 2000, repose sur les principes que l’on peut énoncer comme suit.
21Il est désormais tridimensionnel pour ce qui concerne sa zone d’application et unique dans son dessein. C’est désormais la même menace ou la même catégorie de menace qui est traitée, à la fois au sein du territoire allemand, pour le compte d’un État Schengen par le jeu de la frontière intérieure et à l’extérieur de la zone Schengen. Cet « extérieur » doit être différencié selon qu’il englobe les États jouxtant la frontière extérieure Schengen ou ceux considérés comme zone d’origine ou de transit de la filière criminelle à démanteler. L’État et ses frontières apparaissent alors, pour l’Allemagne, de plus en plus sous dimensionnés par rapport aux organisations criminelles cibles.
22Le concept doit être acceptable et accepté en tant que projet démocratique. Il doit l’être en premier lieu pour les citoyens allemands dont la participation est par ailleurs fortement sollicitée : les conditions de la sécurité doivent être l’œuvre de toute la société. Cependant, ces normes remplissent, au-delà de leur aspect national, deux fonctions qui concourent à l’extension de ce concept de sécurité intérieure.
23D’une part, ce souci essentiel du législateur allemand d’accorder pratiques policières et protection du citoyen, sécurité et exercice de la démocratie, permet également de fixer la norme démocratique de la coopération policière avec les pays non – ou non encore – Schengen.
24Il faut ici insister sur le niveau local d’élaboration de ces modus vivendi de la coopération policière. C’est en effet au niveau du Land, parfois d’une inspection de la BGS d’alors, et de toute façon, à la frontière que se conçoivent de manière empirique, informelle, les règles qui déterminent à la fois l’efficacité des actions policières communes et leur compatibilité démocratique. Ces règles, qui font alors l’objet de protocoles d’accords locaux, forment le substrat d’accords plus larges signés au niveau régional ou local. Elles sont ensuite reprises au niveau fédéral pour être intégrées dans une politique étrangère d’État. Dans ce registre, le cas de la coopération policière mise en place avec la Pologne et la République tchèque a constitué un cas exemplaire13.
25D’autre part, ces normes ou dispositions législatives destinées à concilier protection du citoyen et de ses droits inaliénables avec les pratiques policières voudraient constituer un cadre de référence incontournable pour les autres pays, qu’ils appartiennent ou non à la zone Schengen.
Une sécurité intérieure érigée en modèle d’influence
26Il a été énoncé que le concept de sécurité intérieure élargie allemand était tridimensionnel. Dans la même logique, on peut avancer que ce concept est à la base d’un modèle d’influence « élargi ». Ce modèle s’est constamment développé jusqu’à nos jours au détriment, ou en lieu et en place, d’un modèle militaire de l’intervention armée pour raisons humanitaires14.
27Contrairement au modèle français, il ne joue pas fondamentalement sur des valeurs particulières à défendre, mais sur l’idée qu’il existe un « welfare allemand », unique, transférable, à protéger et à défendre, welfare qui tire lui-même sa propre substance de la construction européenne15.
28Il essaye plutôt de lier au niveau législatif et dans la pratique, sécurité et exercice de la démocratie. Il propage de manière implicite ce message qu’il existe une éthique de la sécurité qui lie tous les segments de la société et pas seulement les mondes policiers ; et que cette éthique sera de plus en plus imposée sous la contrainte des normes, législations et instruments européens en matière de protection des droits humains et fondamentaux. Pour cela, il « localise l’éthique ». C’est bien le local et en particulier le local urbain puis frontalier qui doit faire jurisprudence au niveau fédéral : ce qui ne veut pas dire pour autant que ces différents segments et niveaux ont la même éthique de la sécurité. Enfin, il fait également de l’efficacité un facteur de crédibilité : efficacité caractérisée en premier lieu par l’expérience acquise dans la gestion de l’information policière. Le paradoxe n’est cependant pas mince, c’est bien cette contrainte éthique forte qu’il faut également prendre en compte pour comprendre le travail législatif de sape visant le durcissement futur des législations en matière d’immigration et de lutte antiterroriste, l’assouplissement des règles pour l’échange des données et l’importance des interventions extérieures pour le renseignement policier.
29Cependant, dans le cas de l’Allemagne, il s’agit moins de crédibiliser la qualité du système coercitif mis en place que de son aptitude à défendre un mode de vie sociétal dont les polices font partie intégrante.
30Le concept concerne en premier lieu les pays de frontière extérieure. Les accords locaux bilatéraux de coopération, la formation, l’équipement et l’initiation à la norme juridique allemande en sont les fondements.
31Équiper et former les polices tchèques et polonaises, c’était déjà faire percevoir qu’il existait un mode de vie sociétal privilégié, référence en Europe, et que ce mode de vie pouvait constituer un objectif qu’il convenait d’ores et déjà de sauvegarder. C’était également s’assurer que les dispositions de l’accord Schengen seraient appliquées dans le sens où l’Allemagne le souhaitait lorsque ces pays feraient à leur tour leur entrée dans la zone Schengen. La coopération policière allemande avec les pays des Balkans, Bosnie, Croatie et Kosovo au premier chef, mais aussi la Roumanie, l’Ukraine, la Géorgie s’inscrit dès cette époque dans les limbes de ce concept.
Immigration, antiterrorisme et interventions humanitaires : le nouveau déploiement des polices allemandes
32Contrairement à ce qui a été souvent prétendu, les événements du 11 Septembre16 ne sont pas venus bouleverser les tendances de fond caractéristiques de l’organisation policière allemande que sont, d’une part, le primat apporté à la centralisation du renseignement policier et à la coopération policière internationale destinée à lutter contre l’immigration illégale et son double, la criminalité organisée ; d’autre part, l’intime conviction que l’exportation des valeurs démocratiques de l’UE, c’est-à-dire aussi celles de l’Allemagne, se fait prioritairement par le déploiement du savoir-faire policier allemand à l’extérieur des frontières nationales. Au couple immigration illégale/criminalité organisée, vont s’ajouter la lutte antiterroriste : la nouvelle menace ne fait alors que se greffer sur une organisation mise en place et rodée depuis plus de dix ans.
33Cependant, les événements du 11 septembre sont venus affirmer que le temps était révolu où la police allemande était confrontée à une menace concrète, visible et donc susceptible de stratégies claires. Ce changement de nature dans l’appréciation de la menace va avoir quelques conséquences majeures.
34Désormais, c’est l’idée de l’imprévisibilité de l’acte terroriste qui prévaut pour les dirigeants allemands et va orienter la politique de sécurité allemande vers l’anticipation et la prévention de l’acte terroriste. Ce changement de nature de la menace préside alors à une autre conception de la sécurité intérieure et de l’organisation des polices17, en ce qu’il va élargir les compétences des agences de police et surtout renforcer la coopération nationale entre polices fédérales et polices régionales allemandes, et polices allemandes et polices européennes par ailleurs. Jusqu’alors, les polices en Allemagne n’avaient de compétences dites « répressives » qu’en cas de soupçon avéré et concret. Elles n’avaient pas le droit d’intervenir ou de mener une enquête à l’encontre d’un individu tant que ses agissements ne risquaient pas de se traduire en actes criminels. Désormais, le principe de « conviction », tel qu’il est posé par la loi sur la lutte contre le terrorisme international du 9 janvier 200218 et par les « Sicherheitspacket 1 et 2 », autorise l’action des polices allemandes dès lors qu’elles sont convaincues que les « convictions radicales » d’une personne risquent de se traduire en actes criminels. C’est donc tout l’ancien équilibre qui se trouve bouleversé car le principe de proportionnalité qui faisait préférer les mesures les moins attentatoires19 ne peut plus être appliqué à ceux qui ne veulent épargner ni eux-mêmes ni les autres : or, il est pour ainsi dire impossible de définir le niveau des mesures appropriées car le rapport entre ces mesures et les objectifs à atteindre ne peut être défini en raison de l’imprécision qui règne sur les modalités d’exécution de la menace.
35Cette nouvelle appréciation de la menace et le bouleversement de l’équilibre ancien qu’elle implique conduit alors vers une autre définition générale des compétences des agences de police et de renseignement – et donc des droits des citoyens. Cette dernière va s’exercer dans quatre grands domaines :
celui d’une plus grande centralisation du renseignement au niveau fédéral allant de pair avec l’utilisation renforcée des technologies d’identification, de localisation et de traçage ;
celui d’un aménagement des relations entre agences de police et services de renseignement ;
celui d’une intensification de la coopération internationale entre agences de police allemandes et autres ;
enfin, celui d’un début de coopération entre forces de police, services de renseignement et forces armées20 pour laquelle les territoires d’intervention extérieure seront un chantier de choix.
36En matière de centralisation, il est mis en place au niveau fédéral un nouveau système de centralisation de l’information policière : INPOL NEU21, alimenté dès 2003 par les salles de situation et de centralisation de l’information des 17 Länder ; puis une cellule de coordination de l’immigration illégale à Wiesbaden en 2005 qui réunit des fonctionnaires de la BNP, des régions et des douanes, cellule qui s’accompagne de la création d’équipes d’enquêtes conjointes composées de policiers de la BNP et des polices régionales pour lutter contre la criminalité. Toujours en 2005, est institué à Berlin un centre de coordination pour la lutte antiterroriste sous la direction du BKA et travaillant en étroite collaboration avec le département antiterroriste d’EUROPOL.
37Les lois antiterroristes de 2001 et celles qui leur succèdent jusqu’en 200722 marquent de fait, le début d’une nouvelle organisation visant à centraliser l’information policière en matière de lutte antiterroriste, de crime organisé et d’immigration illégale.
38En matière de coopération européenne, les dirigeants allemands estiment que le SIS 223 n’a peut-être pas été suffisamment loin en matière de détection de faux documents et que son lien avec EUROJUST n’est pas clair. Plus qu’un problème technique, cette insuffisance est d’abord selon eux le fait de l’absence d’une décision politique commune, ce qui n’interdit pas de réfléchir aux systèmes de communications et d’échange de données qui pourraient être proposés au niveau européen. L’Allemagne entend bien se placer sur ce terrain et être l’acteur des nouvelles architectures européennes, telles que l’agence Frontex24 et celle initiée par le traité de Prüm, qui se sont fixées comme objectif une meilleure centralisation du renseignement policier en matière d’immigration illégale, de crime organisé et de lutte antiterroriste.
39Parallèlement, on assiste à un élargissement des compétences des services de renseignement et plus particulièrement du Bundesamt für Verfassungschutz25 qui reçoit pour mission de « rassembler et exploiter les informations concernant tout effort de nuire à l’entente des peuples » ; « Entente des peuples » et « nuire » devenant ainsi des vocables éminemment ambigus du point de vue des droits fondamentaux. Cet élargissement des compétences en matière de renseignement policier est affecté de nouvelles priorités qui concernent la surveillance des transactions financières, la circulation d’individus jugés dangereux, le contrôle de sécurité des personnes travaillant dans des organismes ou établissements sensibles publics et privés.
40Sur proposition de l’ancien chef du Verfassungschutz, Eckart Werthebach (CDU), le BKA reçoit l’autorisation de créer une base de données commune sur le terrorisme islamiste qui figure comme le premier instrument destiné à lever la séparation entre polices fédérales et services secrets26.
41Le Bundesnachrichten Dienst27 voit lui aussi ses missions réactualisées au regard de la globalisation des questions de sécurité. C’est en effet en vertu de cette dernière que le pouvoir politique préconise de ne plus séparer les aspects intérieurs et extérieurs de la sécurité, et par conséquent d’autoriser les échanges de données entre services spécialisés, polices et militaires28.
42Cette coopération atteint son apogée, momentanée, le 30 mars 2006, lorsque l’Allemagne se dote d’un fichier antiterroriste qui regroupe les bases de données jusque-là encore partiellement cloisonnées des services de police et de renseignement.
43L’ensemble de ces mesures de réorganisation interne a permis une relance spectaculaire de la coopération avec les pays européens et dans le même temps une nouvelle projection des forces de police allemande dans les territoires d’intervention humanitaire. Il n’est pas possible dans une contribution aussi courte de détailler la totalité des liens de coopération qui ont été forgés, mais il reste intéressant de citer les principaux.
44C’est ainsi que le communiqué de presse publié par le ministère de l’Intérieur le 30 mai 2004, annonce, dans le cadre d’une coopération renforcée avec la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche, le recours à l’analyse ADN, la biométrie et le profiling comme instruments effectifs de l’identification des personnes dans le cadre de la lutte antiterroriste et contre l’immigration illégale29.
45A été également mis en place, en 2004, le projet pilote Automatisierte Biometrigestütze GrenzKontrolle (ABG), destiné à tester le contrôle biométrique des passagers à l’aéroport de Francfort ; il a été décidé d’institutionnaliser le passeport biométrique à l’échelon national30.
46Cette même coopération renforcée fait désormais l’objet d’accords bilatéraux entre l’Allemagne et la Turquie – surveillance du transit par la route des Balkans vers l’Europe –, mais aussi avec la République tchétchène, la Slovaquie, la Bulgarie, la Hongrie et les États baltes31.
47Dans le même esprit, l’Allemagne entend encourager la mise en place d’une agence européenne de gardes-frontière de façon à « favoriser une circulation la plus aisée possible de l’information ayant trait au contrôle des frontières de l’UE32 », initiative qui prend la forme d’une coopération renforcée entre l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche33 en 2002 pour donner ensuite naissance à l’agence de gestion des frontières Frontex.
48En 2007, Berlin et Madrid34 finalisent un accord de coopération par la constitution d’un groupe d’experts, destiné à « réussir l’intégration des migrants [car celle-ci] est d’une importance capitale pour l’avenir de l’Europe35 ».
49On comprend alors mieux l’impatience que démontre le gouvernement allemand, au moment où il assure la présidence de l’Union européenne, à transposer le traité de Prüm dans le cadre législatif européen et à renforcer l’agence européenne de gestion des frontières Frontex. Il faut ici rappeler que le traité de Prüm a pour ambition, entre autre, d’assurer un niveau aussi élevé que possible de coopération entre sept États « par le biais d’un meilleur échange d’informations, notamment dans les domaines liés à la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, et de permettre à tous les autres États membres de l’Union européenne de participer à cette coopération36 ».
50S’agissant de Frontex, le ministre de l’Intérieur Schäuble demandait le 15 février 2007, à Bruxelles, un règlement instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide mises à disposition de tout État membre qui, à ces frontières, est particulièrement exposé à la migration illégale. Ce nouveau règlement prévoit également que, dans le cadre de la coopération européenne et pour la première fois, des agents invités, intégrés dans une équipe et placés sous la direction de l’État membre dans lequel l’intervention a lieu, se verront attribuer des compétences d’exécution. Or, jusqu’à présent, seule la police fédérale allemande dispose en Europe de réglementations similaires permettant d’attribuer des compétences d’exécution à des agents invités37.
51Enfin, cette intensification de la coopération policière au niveau européen va de pair avec un engagement très large des polices allemandes sur les territoires d’engagement humanitaire38. Reprenant la devise énoncée par l’état-major allemand en 199939, « exporter de la stabilité pour ne pas importer de l’instabilité », les polices allemandes se sont déployées dans l’ensemble des Balkans, en Palestine, au Soudan, au Libéria, en Géorgie, au Rwanda, en Afghanistan, en Irak, au Congo, en Palestine, en Indonésie où elles assurent des missions aussi diverses que celles de commandement, de maintien de l’ordre, de renseignement et surtout de formation. Les polices allemandes ont en particulier assuré le commandement de la mission de police de l’ONU au Kosovo et prennent une grande part dans la formation des policiers afghans40. Par ailleurs, elles reçoivent régulièrement dans leurs centres d’entraînement : Lübeck, Brühl et Wertheim, des stagiaires étrangers41. Ces missions se trouvent assez également partagées entre celles accomplies sous l’égide de l’OSCE et ex-UE, toutes terminées, de l’UE, toutes actives et des Nations unies encore actives pour cinq d’entre elles42.
52De manière assez intéressante, lorsque le gouvernement français a décidé en 2004 de créer avec ses partenaires une Force de gendarmerie européenne, le ministre de la Défense allemand, M. Peter Struck, déclarait que l’Allemagne ne participerait pas à ce projet compte tenu de la séparation nette : « eine klare Trennung » qui existe entre forces de police et militaires selon la constitution allemande43. Dans le même temps, des responsables de la BNP, ex-BGS, confortaient cette affirmation en déclarant que les militaires allemands n’avaient ni la formation ni la pratique pour traiter les nouvelles menaces qui sont le lot de toute intervention humanitaire : crime organisé, lutte contre l’immigration illégale, poursuite des criminels de guerre, rétablissement de l’État de droit44. Ainsi se trouvait réaffirmée la nette séparation entre policiers et militaires allemands, et incidemment l’euphémisation du rôle de ces derniers.
53Tirer une première conclusion de la mise en œuvre du modèle policier allemand suppose que l’on revienne sur les enjeux européens que met en évidence la difficile articulation entre les questions du 2e et du 3e pilier. Jusqu’à présent, au sein de l’UE, a prédominé une vision duale, pour ne pas dire schizophrénique, de la sécurité au détriment d’une approche globale : les enjeux de la gestion des crises et de la Justice et des Affaires intérieures sont encore largement appréhendés de manière distincte. Cette approche duale de la sécurité est actuellement remise en question par la globalisation des menaces qui tend à effacer la frontière entre l’interne et l’externe, par l’élargissement de l’UE qui possède désormais des frontières communes avec des zones charnières instables dont certaines ont vocation à être intégrées comme les Balkans, la Moldavie et la Turquie ; par les questions d’immigration enfin et leur trilogie associée : crime organisé, délinquance et terrorisme. C’est bien dans ce cadre dorénavant qu’il faut comprendre la totalité des opérations, civiles et militaires, de gestion et de résolution des crises.
54Il convient encore d’insister sur la double nature de ces opérations. Elles sont non seulement destinées à contribuer à la stabilisation de régions en crise : 2e pilier, mais aussi à la réalisation de tâches relevant du 3e pilier : lutte contre le crime organisé, l’immigration illégale, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue, le terrorisme… Une question s’impose alors : en quoi des missions de police et de gestion de crise menées dans le cadre des politiques externes peuvent-elles contribuer à la mise en œuvre des objectifs de stabilisation et de consolidation de la paix dans le voisinage européen ? Si ces opérations se fondent sur le principe d’un rétablissement de la loi et de l’ordre public comme préalable à la stabilisation post-conflit, elles établissent alors un lien conceptuel entre la sécurité intérieure des pays ciblés et la sécurité tant extérieure qu’intérieure de l’Union européenne. D’où une interrogation : ces missions permettent-elles d’établir un équilibre entre d’une part les intérêts de l’UE en terme de sécurité et de maîtrise des flux et, d’autre part, les impératifs de la stabilisation post-conflit dans les pays de crise ?
55La réponse de l’Allemagne à cette double interrogation est d’abord celle d’une prise en compte de sa situation historique, politique et sociale particulière en Europe, prise en compte qui consiste à faire le choix délibéré de l’instrument policier qui lui permet de démarquer au niveau européen sa propre organisation policière et de poursuivre le triple objectif qu’elle s’est assignée : valider au niveau national une structure en prise avec les défis que l’UE doit relever, en faire un mode d’organisation sinon de référence, du moins incontournable, dans le cadre des développements annoncés de la politique de sécurité de l’UE qui désormais accorde la priorité aux politiques de Justice et d’Affaires intérieures, résoudre la question ambiguë de ses engagements militaires à l’extérieur. Dérivent de ce parti pris, ou de cette vision, l’« obscure clarté » de sa politique de défense, le sous-emploi délibéré de son outil militaire et le choix explicite de l’OTAN, et non de l’UE, pour assurer sa sécurité.
Les nouvelles missions de la Bundeswehr : ambiguïté et faux débat
56Les forces chargées de réprimer la violence sont classiquement de deux types : les forces armées et les forces policières. Exporter leur savoir-faire, leurs techniques, leurs modes opératoires, c’est exporter l’aptitude d’un pays à protéger ses concitoyens et la société dans laquelle ils évoluent : c’est donc, sous une autre forme, exporter des valeurs ou des acquis se rattachant à une conception de la démocratie.
57Les profits à en tirer ne sont pas minces. Forces armées et forces de police peuvent être deux vecteurs d’influence majeurs d’une politique de sécurité. Reste la question du choix.
58Pour des raisons en premier lieu historiques, en particulier le rôle assigné aux forces militaires allemandes et la séparation très nette entre tâches de police et tâches militaires fixées à l’origine par la Loi fondamentale, l’Allemagne a choisi de « sous employer » ses forces armées réorganisées et cette tentative, en dépit des apparences, va croissante depuis le début des années 1990. Les débats sur les fondements législatifs des engagements militaires allemands à l’intérieur et à l’étranger, la pratique de ces engagements et la lecture critique du nouveau Livre blanc sur la politique de sécurité de l’Allemagne et sur l’avenir de la Bundeswehr45 viennent souligner l’acuité de ce parti pris.
Fondements législatifs et premier renouveau doctrinal
59La doctrine allemande de sécurité, l’organisation des agences de police et des forces armées, reposent encore sur les deux principes constitutionnels suivants : fédéralisme et stricte séparation des champs de sécurité intérieure et extérieure et des compétences entre agences, même si cette partition doit être désormais nuancée. La Loi fondamentale, la loi sur la protection de la Constitution et les lois particulières précisant les attributions de chaque agence garantissaient cette claire distinction. Les premières brèches à cette séparation ne datent pas, comme on le croit le plus souvent, d’un renouveau de la pensée doctrinale militaire allemande qui aurait surgit dès après le 11 septembre 2001.
60En effet, si la Loi fondamentale interdit de mêler les genres et s’il n’est pas encore concevable pour l’instant que les forces armées fédérales reçoivent des missions de sécurité intérieure en Allemagne, il faut pourtant noter que cette proposition a été faite à deux reprises dès 1999 par deux hommes politiques chrétiens-démocrates : M. Wolfgang Schaüble et M. Rupert Scholz. Ces initiatives, constamment rejetées, préfigurent cependant un débat plus large sur cette question qui sera amplifié lors de la publication du Livre blanc de 2006 et plus généralement sur la place de la Bundeswehr dans le concept de sécurité élargie.
61Beaucoup plus intéressant encore est le lien implicite que le ministère de la Défense allemand s’est efforcé de forger à la fin des années 1990 et au début des années 2000 entre les actions ou opérations de sécurité intérieure et extérieure. C’est en fait à cette époque que se construit l’implicite de la future réorganisation de la Bundeswehr : une nécessaire réorganisation des structures et la modernisation des moyens destinés à traiter, au-delà de l’espace national et au service d’une communauté d’alliés et de partenaires, un spectre plus large des menaces, sachant que partenariat et indivisibilité de l’espace euro-atlantique permettront d’abaisser le niveau de responsabilité national dans les actions militaires de résolution des crises. Cette dilution appropriée de la responsabilité a pour corollaire une euphémisation de l’engagement militaire « jamais frontal, toujours humain ». Ainsi faut-il prendre la modernisation de la Bundeswehr et sa difficile réorganisation aussi comme les instruments de bonne volonté donnés à ses partenaires, alors que le véritable effort vise la constitution d’un modèle policier de référence, plus facilement exportable et mieux en prise avec les intérêts allemands.
62De fait, le 15 mars 1999, au colloque sur les nouvelles missions de la Bundeswehr organisé par le Studienzentrum Weikerheim46, le ministère de la Défense présentait les principaux axes de la politique de sécurité allemande.
63Celui-ci insistait d’abord sur le fait que la conception de la sécurité de l’Allemagne n’était plus nationale mais continentale, voire globale. Le périmètre de sécurité allemand était alors présenté comme dépassant largement les frontières de l’Allemagne et englobait alors les PECO pour s’étendre jusqu’à la Méditerranée et la Baltique. Il soulignait ensuite le rôle majeur de l’Allemagne en tant que puissance centrale et facteur d’équilibre pour l’Europe centrale et orientale, d’où « l’intégration progressive de ces pays dans l’Union européenne et dans l’OTAN ». Déclarant que, « si nous n’exportons pas de la stabilité, nous importerons de l’instabilité », il qualifiait l’armée de terre allemande « d’armée d’intervention » (eine Armée im Einsatz).
64Les 14 et 16 mai 1998, l’état-major allemand définissait déjà les nouveaux risques et dangers auxquels l’« État moderne » était confronté :
Si depuis 1945 la doctrine officielle allemande opère une distinction stricte entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, les réalités auxquelles celle-ci est régulièrement confrontée : flots de réfugiés, criminalité transfrontière, trafic de drogue, d’armes ou d’êtres humains, infirment cette distinction classique47.
65Ce lien entre sécurité intérieure et sécurité extérieure esquissé à l’état-major est proclamé de manière beaucoup plus directe par le ministre de la Défense M. Scharping. Une première fois, dans une interview à la Frankfurter Rundschau, le 20 janvier 1999, il soulignait que les réfugiés bosniaques n’avaient pu rentrer chez eux que grâce à la présence militaire allemande en Bosnie. Ainsi s’établit, sinon officiellement, au moins de façon allusive et indirecte, le lien entre l’intervention de la Bundeswehr en Bosnie, le maintien de la stabilité à la périphérie de l’Allemagne et la sécurité intérieure du pays.
66Une seconde fois, surtout dans son discours à la Führungsakademie de la Bundeswehr à Hambourg le 8 septembre 199948 sur « les grandes lignes de la politique de Sécurité allemande » où il renouvelle radicalement, en fonction des « nouvelles menaces », les missions, l’organisation et l’équipement des armées allemandes, et d’abord de la Bundeswehr, déclarant à cette occasion :
Nous avons appris la chose suivante : paix, sécurité et stabilité ne peuvent moins que jamais être définies comme exclusivement militaires. La notion élargie de sécurité qui doit servir de fondement pour une politique moderne de sécurité nécessite une compréhension fonctionnelle et non simplement géographique de la sécurité.
67Cependant, le ministre prend bien soin d’inscrire cette réorientation de fond de la Bundeswehr : eine Bestandsaufnahme der Lage der Bundeswehr, dans le cadre plus large de la coopération interalliée, et il poursuit : « La coopération avec les alliés et des partenaires est devenue plus que jamais le principe directeur de la politique internationale de sécurité » et donc, le plus logiquement, « multinationalité et intégration sont devenues des marques distinctives, tout particulièrement des forces armées allemandes ».
68Rudolph Scharping réaffirme enfin le rôle fondamental que joue l’OTAN en matière de défense : « S’il s’agit de contrer les crises le plus tôt possible là où elles apparaissent afin d’empêcher leur extension, l’OTAN, en relation avec d’autres institutions, joue en cela un rôle central. »
69En 2002, Volker Rühe affirme lui aussi sa conviction profonde que l’Allemagne doit disposer d’un « système intégré qui lie les aspects intérieurs et extérieurs de la sécurité49 » et défend une augmentation du budget de la défense pour qu’elle puisse faire face à ses nouvelles missions.
70Les réflexions menées par les gouvernements allemands successifs de 1998 à 2002 sur les nouvelles missions de la Bundeswehr conduisent en 2004 à la rédaction d’un document de synthèse : « La conception de la Bundeswehr : principes généraux50 » qui constitue « la directive fondamentale concernant l’accomplissement de la mission de la Bundeswehr » ainsi que l’évolution de cette dernière. Dans la page introductive de cette conception, Peter Struck, nouveau ministre de la Défense, réaffirme l’extension des tâches de la Bundeswehr qui « englobe désormais tous les types d’opérations envisageables, des patrouilles en mer autour de la corne de l’Afrique à la mission d’observation en Géorgie, en passant par des projets civilo-militaires ». Sans surprise également, il conforte l’importance de l’OTAN pour l’Allemagne : « La transformation de l’OTAN exige une transformation de la Bundeswehr. L’une et l’autre doivent s’harmoniser quant à la planification et aux projets à mener. » À aucun moment, dans cette page introductive, il ne mentionne la Politique européenne de sécurité et de défense. Certes, le ministre précise que l’Union européenne « fournit le cadre pour la formulation et l’application de la politique de sécurité allemande dont la préoccupation essentielle est la création à long terme d’une Union européenne de sécurité et de défense51 » ; mais cette déclaration apparaît plutôt comme une précaution de principe tant est réaffirmé le partenariat transatlantique : « Le fondement essentiel de la politique de sécurité de l’Allemagne [qui] représente une communauté de valeurs et d’intérêts éprouvés qui s’est constituée dans la durée, a pris ses racines dans un fonds culturel commun et a mûri au contact de situations critiques52. »
71En 2006, le Livre blanc sur la politique de sécurité de l’Allemagne et sur l’avenir de la Bundeswehr reprendra l’essentiel de cette réflexion amorcée depuis la fin des années 1990 et ouvrira de nouveau le débat d’un emploi des forces de la Bundeswehr à l’intérieur du pays dans le cadre de la lutte antiterroriste.
72Cette discussion sur une éventuelle intervention des forces armées allemandes à l’intérieur du pays53 n’est pas seulement importante parce qu’elle exigerait un changement de la constitution mais bien parce que cet éventuel emploi « à l’intérieur » lie, cette fois-ci du point de vue de la Défense, la question de l’interpénétration des politiques de sécurité intérieure et extérieure. Il fait bien entendu écho à l’élargissement des missions des polices allemandes, en particulier à l’étranger ; car là se situe réellement le débat : au carrefour des missions de police étendues aux militaires, de renseignement, de l’engagement humanitaire, de la prévention et de la résolution des crises.
73La lente mais inéluctable évolution des responsables allemands et en particulier ceux de la Défense traduit bien cette nouvelle conscience et du même coup la globalisation des questions de sécurité en Allemagne. En 1997, Manfred Kanther décline toute participation de la Bundeswehr à des actions intérieures54. Rudolph Scharping fait de même en 199955. En 2001 cependant, les ministres Schily et Scharping décident que leurs deux ministères pourront coopérer en matière d’équipement et de modernisation de leur administration respective56 et en 2002, la CDU, dans son programme électoral pour les élections parlementaires de septembre 2002, se propose de créer les bases législatives pour élargir les compétences de la Bundeswehr à l’intérieur et en complément des polices57.
74De fait, la question fondamentale est de savoir si les forces armées allemandes pourraient, non pas intervenir en cas d’événements graves ou de catastrophes humanitaires, en soutien des polices régionales et fédérales, mais bien à titre préventif et sur la foi d’une « conviction » étayée par les informations transmises par les services de renseignement. Dès lors, c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la double conversion des services de renseignements militaires ou « MAD58 » : l’autorisation qui leur est donnée en 2004 d’intervenir à l’extérieur des frontières allemandes59, puis en 2006 celle de pouvoir coopérer avec les autres services de renseignements allemands60.
Réalité des engagements à l’extérieur de la Bundeswehr
75Évaluer la réalité des engagements à l’extérieur de la Bundeswehr, c’est entrer dans un univers problématique et ce, bien avant la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 12 juillet 1994. Auparavant, la Bundeswehr, force armée à vocation défensive intégrée dans l’OTAN, n’avait jamais eu pour vocation d’intervenir dans des conflits extérieurs aux frontières de l’OTAN. La décision rendue en 1994 met fin à une série d’interrogations qui portaient sur l’interprétation de l’article 87a61 de la Loi fondamentale en déclarant constitutionnelle la participation de la République fédérale et de ses forces armées aux interventions, dans le cadre d’intervention de l’OTAN et de l’UEO, en application de décisions du Conseil de sécurité de l’ONU et aux missions de la force de protection des Nations unies. Encore faut-il préciser que le tribunal de Karlsruhe soumet tout engagement de forces armées dans le cadre énoncé ci-dessus à l’approbation du Bundestag.
76Le 30 juin 1995, la procédure est mise en œuvre pour la première fois. Un rappel des missions confiées alors à la Bundeswehr s’impose. Il s’agissait de mettre à disposition des appareils de transport aériens pour le ravitaillement de la FORPRONU, d’envoyer des troupes sanitaires, de renforcer en personnel les quartiers généraux situés en Italie et en Croatie et, enfin, d’utiliser les moyens de l’armée de l’air et de la marine aux seules fins de la reconnaissance62.
77Cette première intervention à l’extérieur donne lieu à une enquête sur le soutien qu’apporterait l’opinion publique allemande aux opérations d’engagement extérieur63. Ses conclusions sont radicales. L’opinion publique allemande refuse une militarisation excessive des interventions extérieures, y compris au nom de causes humanitaires. Par ailleurs, même si ces opérations poursuivent des buts humanitaires, l’opinion ne les approuve plus dès lors qu’elles prennent une forme très militaire ou qu’elles privilégient les actions de combat pouvant entraîner des pertes. En d’autres termes, et ce contrat reste toujours valable, plus une opération d’engagement extérieur se militarise et moins elle recevra le soutien de la population allemande. La mise en question récente de la participation des forces allemandes au conflit afghan ne peut à cet égard être matière à étonnement.
78Si l’on considère la réalité des engagements actuels, au 1er janvier 2009, ce sont plus de 7000 soldats allemands qui sont engagés dans 8 pays64 situés à l’extérieur de l’OTAN avec deux déploiements principaux au Kosovo et en Afghanistan. Cependant, les missions qui leur sont confiées se situent toujours dans le spectre tracé plus haut : missions de soutien sanitaire, d’appui logistique, de construction d’infrastructure, de transport et de formation. Les seules missions qui laissent entrevoir un aspect opérationnel plus « engagé » se limitent aux missions de reconnaissance aérienne ou de patrouilles maritimes. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la doctrine des actions civilo-militaires de la Bundeswehr qui met l’accent sur la stabilisation des pays d’engagement s’accompagnant d’un réel effort financier pour la remise à niveau de l’infrastructure locale, sur la protection des forces et sur l’endiguement des flux de réfugiés. À ce titre est donc mise sur pied une unité spécialisée rattachée à la structure CIMIC OTAN.
79La lecture du préambule de la « Conception de la Bundeswehr » vient confirmer cet état de fait. Elle vient bien sûr rappeler que la Défense « dans le sens que lui donne la Loi fondamentale, ne se limite toutefois pas à la seule mission de défense aux frontières du territoire national, mais doit commencer là où naissent les dangers et les menaces susceptibles d’affecter la sécurité de l’Allemagne et de ses alliés ». Elle stipule cependant aussitôt que les tâches de la Bundeswehr qui en découlent concernent la prévention des conflits, le soutien des alliés, la protection de l’Allemagne et de ses citoyens, les opérations de sauvetage et d’évacuation, le partenariat et la coopération et, enfin, les prestations d’assistance.
80En conséquence, le peu d’empressement qu’a mis l’Allemagne à renforcer ses effectifs au Congo, les limites fixées par le gouvernement allemand à sa contribution pour les missions de la l’ISAF65 en Afghanistan, la déclaration d’Angela Merkel selon laquelle aucun soldat allemand ne participerait à une « aventure incertaine66 » au Liban, ne sont pas à considérer comme des atermoiements, mais bien comme l’expression d’une véritable cohérence, définie de longue date, fondée sur le pragmatisme et une vision de la sécurité internationale qui, pour s’exercer, doit euphémiser l’engagement militaire.
81Le déséquilibre imposé de ce fait aux autres soldats de l’alliance en termes de risques et de capacité d’engagement est pour le gouvernement allemand contrebalancé par les efforts que consent l’Allemagne en matière de soutien et de reconstruction, de modernisation de son appareil de défense. Cette justification n’est qu’apparente car elle traduit en filigrane, le choix délibéré, effectué justement à l’époque où se posait la question difficile des futurs engagements de la Bundeswehr, de privilégier l’exportation des polices allemandes à l’étranger67.
Le Livre blanc sur la politique de sécurité allemande et l’avenir de la Bundeswehr
82Le 25 octobre 2006, le gouvernement fédéral allemand a publié le Livre blanc sur la politique de sécurité allemande et l’avenir de la Bundeswehr68, fruit d’un consensus entre tous les ministères et les partis politiques de la coalition au pouvoir. Ce livre blanc a été rédigé par le ministère de la Défense (CDU), puis amendé par le ministère des Affaires étrangères (SPD). Son analyse est par conséquent complexe.
83Ce livre blanc constitue la doctrine militaire actuelle de l’Allemagne. Il a pour but d’analyser l’état actuel de la sécurité internationale, de définir le cadre de la future politique de sécurité allemande et d’en déduire la politique de défense à mettre en place. En cela, il réaffirme la présence accentuée de l’Allemagne sur la scène internationale, le concept d’une nouvelle responsabilité allemande et d’une nouvelle relation de l’Allemagne à son propre passé.
84En ce sens, l’analyse fondamentale qui préside à la nouvelle orientation stratégique du livre blanc repose sur le constat selon lequel la sécurité nationale allemande n’est désormais plus menacée par une attaque conventionnelle à court ou à long terme. Le livre blanc fait état d’un changement de fond de la menace qui sera de plus en plus le fait d’acteurs non étatiques et de nature asymétrique. Les menaces à la sécurité allemande telles que définies dans le livre blanc sont les suivantes : le terrorisme international, la prolifération des armes de destruction massive, les conflits régionaux et l’instabilité qui en résulte, le crime organisé. Le terrorisme en particulier est considéré comme le danger le plus immédiat à la sécurité de l’Allemagne69. En conséquence, à l’avenir, la principale tâche des forces armées allemande sera de participer à la réduction de ces menaces. Le livre blanc trace un lien logique entre les interventions militaires, la protection du territoire national et la protection des citoyens allemands. La Bundeswehr doit de ce fait pouvoir agir sur le spectre entier des menaces, terrorisme inclus70. Cependant, il affirme avec force le principe que désormais, la sécurité est la résultante d’une intégration poussée des politiques humanitaires, économiques, militaires et policières au sein de laquelle le renseignement joue un rôle clé.
85Le nouveau livre blanc se situe directement dans le sillage de ces déclarations. Il fait de l’extrémisme violent associé au terrorisme et de l’immigration illégale deux exemples de menace à la sécurité allemande. Il constate qu’il est aujourd’hui plus que jamais difficile d’établir la sécurité avec les seuls moyens militaires. Il observe que sécurité intérieure et sécurité extérieure s’interpénètrent de plus en plus et par conséquent, il appelle à utiliser les forces armées allemandes sur le territoire allemand contre des menaces asymétriques71, emploi prohibé par la constitution qui doit être modifiée.
86Sur le plan pratique, le livre blanc souligne l’importance considérable des services de renseignement et réclame une coopération accrue entre le service de renseignement extérieur (BND) et le service de renseignement militaire (MAD)72.
87Autrement dit, le livre blanc 2006 se situe très loin d’une proposition et d’une conceptualisation que d’aucuns trouvent ambiguës. En effet, il est la synthèse de dix ans de réflexion et d’expérimentations qui conduisent logiquement à ne faire des forces armées allemandes que l’outil parmi d’autres d’une politique de sécurité qui a choisi l’intégration, le multilatéralisme, la coopération, la projection policière, comme instrument général de sa réalisation ; politique de sécurité qui s’inscrit dans le périmètre en élargissement de l’UE et des menaces qui l’affectent, tout en confortant les intérêts allemands.
88Des observateurs attentifs73 ont bien évidemment noté, et à juste titre, qu’au-delà des mots et de l’ambition qui caractérise le livre blanc 2006, il serait difficile pour les forces armées allemandes de s’engager véritablement dans les situations de crise. Cependant, il leur a peut-être échappé que la diminution drastique des effectifs de la Bundeswehr74 et l’augmentation correspondante des effectifs de police recouvraient une tendance profonde en Europe où les questions de justice et d’affaires intérieures prennent inéluctablement le pas sur les politiques de défense au sens propre du terme.
89Il leur a également échappé que la nouvelle structure des forces armées allemandes : 35000 hommes pour les forces d’intervention, 70000 pour les forces de stabilisation et 106000 pour les forces de soutien, ne remet pas en cause le prima accordé au soutien logistique, humanitaire et sanitaire. À la question posée en mars 2007 à différents responsables militaires allemands75, chargés de conception et de planification, de savoir si les forces d’intervention avaient une vocation de lutte antiterroriste affirmée, il a été répondu qu’en fait leur rôle serait essentiellement « celui d’une force de stabilisation dont le degré de réactivité et la capacité d’engagement seraient plus poussés ». L’ISAF plutôt qu’Enduring Freedom et à la condition que la première ne se militarise pas exagérément : le livre blanc 2006 témoigne donc bien d’une vision qui n’acquiert sa signification que si l’on comprend le pragmatisme de son ambiguïté et le changement majeur dans l’ordre de la coercition qu’il sous-tend.
De quelques implications
90Tenter de comprendre le nouvel agencement des polices et du militaire en Allemagne à partir des seules opérations militaires extérieures fournit tout au mieux un cas d’étude révélateur d’une autre approche de la coercition. De fait, cette euphémisation du militaire au profit de l’instrument policier doit être abordé, nous semble-t-il, dans le temps long de la construction européenne et paradoxalement au regard de l’accent mis sur la reconfiguration dans les années 1990 de la politique de sécurité allemande : la lutte contre l’immigration, le crime organisé et le terrorisme n’apparaissant finalement que comme les dérivés de ce parti pris. Ce « parti pris » et, consécutivement, cette mise en retrait du militaire ont quelques implications plus larges s’agissant du cas ici étudié.
Loi fondamentale et politique de sécurité
91La politique allemande de sécurité, qu’il s’agisse de la politique étrangère ou intérieure, ne peut être comprise sans prendre en compte le traumatisme de la dernière guerre mondiale toujours présent dans la conscience collective allemande. En d’autres termes, c’est ce traumatisme qui est et reste la source de toute réflexion sur l’articulation du policier et du militaire en Allemagne.
92La volonté de tirer les leçons de cette époque ténébreuse s’est traduite dans la Loi fondamentale, la Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, adoptée le 23 mai 1949. Celle-ci met l’accent sur deux éléments essentiels. La Loi fondamentale définit d’abord pour le Gouvernement une référence permanente au droit et à l’action du Parlement : aucune décision politique majeure ne peut être prise sans l’aval du Parlement fédéral et, par ailleurs, la Loi fondamentale contient un catalogue de droits qui ont un caractère obligatoire pour la puissance publique. Ces droits sont au centre du débat sur la sécurité en Allemagne76.
93À ce moment particulier de la vie politique allemande qu’ont constitué les années 1960-1970, où la RAF avait déclaré « la guerre au système », le gouvernement allemand s’est distancié une première fois de la vision jugée « utopique » des pères de la Loi fondamentale et a adopté une conception plus relative des droits fondamentaux qui a momentanément présidé à une conception « plus souple » de la coopération entre services de police, militaires et services secrets. Cependant, devant les risques d’une remise en question des droits fondamentaux, un point d’équilibre avait été fixé comme principe de base à respecter : le principe de proportionnalité Verhältnismässigkeitsprinzip, selon lequel le choix des moyens coercitifs devait être adapté aux objectifs fixés : la limitation de droits devait être proportionnée aux dangers. Ont été ainsi réaffirmés la stricte séparation entre les compétences et les missions des appareils de police et de défense, la non-subordination du niveau régional au niveau local en matière de police77, l’interdiction de connecter les différentes bases de données des services de renseignement.
94Une seconde mise à distance de la Loi fondamentale, sous la forme de son extension à l’Europe, s’est produite avec la mise en place des accords de Schengen. À l’évidence, les principes sur lesquels reposaient ces accords étaient aussi ceux qui présidaient déjà aux structures et aux missions des agences de police allemandes. Ils ont donc été au fondement d’une interprétation plus extensive de la Loi fondamentale sous le prétexte de leur application au niveau européen. Leur application demeure au centre du déploiement des polices allemandes à l’extérieur de l’Allemagne.
95Le 11 Septembre a sinon remis en cause les dispositions en vigueur en matière de sécurité, du moins confirmé une tendance lourde que dès 2001, le ministre fédéral allemand de l’Intérieur, Otto Schily, réaffirmait devant les députés du Bundestag : un consensus s’est ainsi formé sur l’idée que le principe de proportionnalité, qui faisait préférer les mesures les moins attentatoires aux libertés fondamentales, ne pouvait plus être appliqué.
96C’est à l’aune de ces nouvelles orientations que les compétences des agences de sécurité ont évolué de « répressives », en cas de soupçon concret, à celles de « préventives » dans la mesure où sont désormais prises en compte les « convictions radicales » d’un individu qui risqueraient de se traduire en acte criminel. Cette évolution change tout l’équilibre car la notion de conviction est évidemment éminemment subjective.
97Les nouvelles dispositions mises en place par la loi de novembre 2001 sur la lutte contre le terrorisme orientent de fait la lutte antiterroriste vers une stratégie de prévention.
98Deux éléments caractérisent les nouvelles dispositions. D’abord, il ne s’agit pas de mesures ponctuelles mais d’une nouvelle définition générale des compétences des services de sécurité et donc des droits de citoyens. Ensuite, il s’agit de dispositions qui ont une contrepartie internationale importante et qui visent une surveillance générale d’éventuels agissements criminels dépassant le niveau national. L’élargissement des compétences de l’Office pour la protection de la Constitution fut un premier exemple concret d’application de ces dispositions. Par ailleurs, les informations des divers services de renseignements, militaire ou autres, et celles obtenues par la police, peuvent être dorénavant échangées. La création, le 30 mars 2007, d’un fichier antiterroriste qui regroupe les bases de données des services de police et de renseignement jusqu’ici séparées est le point d’orgue qui vient souligner l’extension avec laquelle l’Allemagne interprète les principes originaux de la Loi fondamentale.
99La politique allemande en matière de sécurité intérieure serait donc sur le point de changer de nature. Selon les droits fondamentaux garantis par la constitution fédérale, seules des restrictions ponctuelles, justifiées par des dangers précis, et proportionnelles à ces dangers, étaient possibles. À compter de novembre 2001, les nouvelles mesures législatives mises en place ont conféré aux droits fondamentaux des restrictions exprimées en termes si larges qu’elles donnent une nouvelle définition de ces droits. C’est dans ce contexte de prévention des attentats terroristes qu’il faut comprendre le nouveau livre blanc sur la sécurité allemande et sa conception floue de l’intervention extérieure.
Engagements extérieurs de la Bundeswehr
100Les accords de Schengen ont eu pour conséquences de favoriser l’émergence de nouvelles organisations policières et peut-être de légaliser à l’échelon européen le modèle de police allemand qui s’en est si bien inspiré. C’est paradoxalement dans le cadre de ce modèle influent que pourraient être comprises les évolutions en matière de doctrine et de missions des forces militaires allemandes.
101Dans ce contexte d’une stratégie globale de prévention, de protection et d’influence, les forces allemandes sont le deuxième maillon de stabilité, maillon discret, agissant en complément des agences de polices et de renseignement allemandes situées en amont ou au même niveau, pour qui le cadre multinational : l’OTAN, l’UE décliné en corps germano-américain, germano-hollandais, corps européen, corps tri national germano-dano-polonais, corps d’action rapide de l’OTAN, défense aérienne intégrée, est un impératif.
Impératif d’intégration qui pourrait correspondre à une volonté de ne prendre surtout aucune initiative militaire à titre national et de se fondre dans une décision commune à l’une des organisations dont les forces allemandes font partie ; les risques en la matière étant trop importants à assumer et facteurs de fracture au sein d’une architecture de sécurité intérieure élargie.
Impératif d’intégration qui correspond également à une économie de moyens et de coûts, tout en ayant une parfaite connaissance de tous les rouages des structures et organisations multinationales.
Impératif de discrétion qui permet aux polices allemandes de déployer leurs actions de manière plus souple.
Impératif politique enfin qui permet d’obtenir plus facilement le consensus de la population allemande, d’abord sensible à la mise en œuvre des conditions de sa propre sécurité. Une nouvelle fois c’est bien le citoyen allemand qui doit être l’objectif de « l’effort de sécurité » à consentir.
102Plus généralement, c’est évidemment le lien qu’ont été amenés à établir les militaires allemands durant les interventions humanitaires entre les missions confiées à leurs forces et la protection des populations qui a fondé, plus ou moins consciemment, l’idée que la protection du citoyen de l’UE et celle des populations extérieures doit faire l’objet de la même forme de protection ou de surveillance… au risque de délégitimer l’action militaire.
Sécurité intérieure
103La notion de sécurité intérieure a très tôt fait l’objet en Allemagne d’une réflexion particulière pour les raisons déjà énoncées. L’exemple allemand illustre en effet cette « capillarité » entre les deux notions, qui fait que sécurité intérieure et sécurité extérieure fusionnent, au point de rendre cette distinction infondée. Trois facteurs seraient ici pertinents.
104Le premier est d’essence bureaucratique : le processus même de la coopération interagences, policières et/ou militaires, parce qu’il étend les périmètres d’investigation à des zones beaucoup plus vastes au sein de constructions politiques plus larges, tout en multipliant les lieux de contacts formels ou informels entre spécialistes, engendre une dynamique de la coopération dont les normes et les contraintes posées par les États, dans des aires qui ne sont plus seulement nationales, doivent être contrôlées.
105Le deuxième facteur tient aux pratiques ou cultures des policiers et des militaires qui, si elles se référaient autrefois à des types de sécurité différents, tendent désormais à se rapprocher. C’est à la conjonction des actions de stabilisation, mais aussi de la surveillance électronique, du contrôle de zone géographique et des groupes cibles, que s’élaborent désormais des savoir-faire communs. Cette conjonction des actions et des pratiques est une des causes de l’importance capitale que prennent les systèmes de renseignement de masse et la mise en commun d’une information qui est d’abord d’essence policière.
106Le troisième facteur relève de la capacité de l’Allemagne à conforter ces propres institutions de sécurité au travers de la construction européenne. Il semble en effet que l’étude des pratiques de sécurité en Allemagne montre que ce pays s’est engagé – et ce depuis assez longtemps – dans une réflexion qui va bien plus loin que le discours sur la sécurité des hommes politiques français qui semble pour nos voisins statique, national, opaque et, disons-le, obsolète dans son essence.
107L’Allemagne inscrit délibérément sa réflexion sur la sécurité dans le cadre de l’organisation régionale pertinente à laquelle elle appartient : l’Union européenne pour les questions de police et de justice, l’OTAN, fondement de sa politique de défense, est pour elle l’assurance qu’elle peut se consacrer à une autre politique de sécurité, plus en phase avec les impératifs d’aujourd’hui. Elle est alors conduite à globaliser les questions et les besoins de sécurité en fonction de sa propre aptitude à protéger ce qui fait à ses yeux, l’essence de sa société.
108Cette vision, une fois rationalisée, est jugée plus pragmatique… ou exemplaire que la protection du territoire ou de l’appareil central étatique. Elle se doit d’être crédible, non seulement pour les États jouxtant l’Union européenne, mais aussi pour les populations en mouvement ou dans les zones de crises. D’où finalement l’idée que les missions des deux grandes entités coercitives que sont les polices et les armées doivent être réévaluées à l’aune de ce postulat et que leur action participe du même objectif, de la même problématique.
Conclusion
109L’Allemagne est le pays qui s’est le mieux inscrit dans la logique de Schengen et de la construction européenne. Cette politique, qu’elle débute de fait dès le milieu des années 1990, la conduit à proposer à l’Union européenne une démarque de sa conception de la sécurité intérieure qui, ce faisant, se trouve confortée à l’intérieur de son territoire. En d’autres termes, le processus de construction et d’élargissement de l’UE se doit de renforcer la cohésion de l’État national, autre paradoxe.
110Elle pose ainsi la question beaucoup plus fondamentale d’un nouvel agencement des forces militaires et de police et d’une autre structuration de la coercition. Pour l’Allemagne, l’outil militaire apparaît désormais sous dimensionné pour répondre à la fluidité de la menace, car exporter ou projeter une force militaire, ce n’est jamais qu’exporter une compétence spécifique dont le coût financier et politique est inadapté. Diffuser un modèle de police, c’est diffuser une certaine conception de la démocratie et une bien meilleure capacité de coopération avec les acteurs de la résolution des crises, coopération qui peut s’établir dans le long terme. L’engagement militaire ne vient qu’en appui des agences de sécurité et des services de renseignement. Il participe d’une approche globale des questions de police dont l’intervention humanitaire est l’un des prétextes, ce qui n’empêche pas l’Allemagne de prendre conscience que les législations européennes en matière de protection des droits humains s’imposent peu à peu en tant que normes et contraintes. Médiation et surveillance sont donc les éléments duaux d’une conception de la sécurité en prise avec l’histoire allemande et la vocation européenne. L’intervention militaire extérieure n’est alors que le sous-produit, à peine démarqué, de cette approche.
Notes de bas de page
1 Cette contribution est aussi fondée sur les enquêtes menées au profit des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Elles ont donné lieu aux rapports (non diffusés) rédigés en 1998 et 1999, « Les coopérations policières aux frontières Schengen germano tchèque et germano-polonaise » ; en 2000, « Sécurité intérieure en Europe et aux États-Unis » ; en 2001, « Antiterrorisme et radicalisme en Europe et aux États-Unis » ; en 2002, « Policiers et militaires au Kosovo » ; en 2005, « Technologies de sécurité et Gendarmerie, étude comparée » ; en 2006, « Renseignement et Gendarmerie, étude comparée » ; et, en 2007, « Militaires et antiterrorisme, politiques publiques comparées ».
2 On lira avec intérêt à ce sujet : Peter J. Katzenstein, Policy and Politics in West Germany. The Growth of a Semi-Sovereign State, Philadelphie, Temple University Press, 1987 ; Fritz Scharpf, « Policy Effectiveness and Conflict Avoidance in Intergovernmental Policy Formation », dans Id. (éd.), International Policy Making. Limits to Coordination and Central Control, Londres, Sage, 1978.
3 Markus Jachtenfuchs, Beate Kohler-Koch, « Regieren im dynamischen Mehrebenensystem », Opladen, Leske und Budrich, 1996, p. 15-44.
4 Voir à ce sujet : Alan S. Milward, The European Rescue of the Nation-State, Berkeley, University of California Press, 1997 ; Andrew Moravcsik, « Warum die Europäische Union die Exekutive stärkt. Innenpolitik und internationale Kooperation », dans Klaus-Dieter Wolf (dir.), Projekt Europa im Übergang, Baden-Baden, Nomos, 1997, p. 211-269.
5 Pour une approche allemande, encore classique, mais néanmoins exhaustive de la nouvelle dimension des questions de sécurité, on consultera avec intérêt les tomes 1 et 2 de Sicherheitspolitik in neuen Dimensionen : Kompendium zum erweiterten Sicherheitsbegriff, Hambourg, Mittler & Sohn, 2001.
6 BNP : Bundespolizei depuis 2006, anciennement BGS : Bundesgrenzschutz, successivement réorganisé en 1992, 1994, 1998, 2006. Ces réorganisations successives ont toutes eu pour objet d’adapter la structure policière à la nouvelle donne en matière de sécurité intérieure « élargie » : redéfinition des missions, de la chaîne hiérarchique, redéploiement des forces, réorganisation interne, grossissement des effectifs, nouveaux matériels.
7 Voir « Programm Innere Sicherheit 1994 », Fortschreibung 1994 durch die Innenminister/- Senatoren der Länder und den Bundesminister des Innern, 1994. « (Parteien) Politik » innere Sicherheit », Bürgerrechte & Polizei, CILIP, 48/2, 1994. Programme auquel fera suite le programme de lutte contre la criminalité organisée : « Aktionsprogramm zur Bekämpfung der Organisierten Kriminalität » en 1996 et la loi sur la sécurité intérieure de 1997 : « Bundesratentschließung zur Inneren Sicherheit » du 26 novembre 1997.
8 Voir le discours de Manfred Kanther, ministre de l’Intérieur allemand à Hambourg le 1er septembre 1997 : « Innere Sicherheit als gesamtgesellschaftliche Aufgabe », Zukunfts Forum « Innere Sicherheit » der CDU ; le discours du ministre de l’Intérieur Otto Schily le 17 novembre 1997 à Wiesbaden : « An der Schwelle des 21. Jahrhunderts. Moderne Sicherheitsstrategien gegen das Verbrechen ». On lira également l’étude du BKA en 1996 : « Wie sicher fühlen sich die Deutschen », Uwe Dörmann - BKA Forschungsreihe, 1996, ainsi que les lois antiterroristes de 2002, Sicherheitspacket 1 et 2.
9 Voir « Die Deutsche Polizei und Europa », BKA Forschung 1997, en particulier p. 30-39 et 57-74 ; et pour une analyse plus détaillée et critique par l’auteur de cette contribution : « Les coopérations policières aux frontières Schengen germano-tchèque et germano-polonaise », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 41, 3e trimestre 2000, p. 175-191.
10 Dont le premier directeur, M. Storbeck, fut également le directeur du BKA. Pour une critique, toujours actuelle, de la participation de la France à EUROPOL, voir le « Compte rendu analytique officiel de la séance parlementaire du 27 juin 2006 au Sénat : Office européen de police », consultable sur le site du Sénat français [www.sénat.fr].
11 Voir à ce sujet Gerhart W. Wittkämper, Peter Krevert, Andreas Kohl, « Europa und die Innere Sicherheit », BKA Forschungsreighe, 1996 ; « Program Innere Sicherheit », Fortschreibung 1994 durch die Innenminister/-Senatoren der Länder und den Bundesminister des Innern, 1994. « (Parteien) Politik “innere Sicherheit” », Bürgerrechte & Polizei, CILIP, 48/2, 1994. « Innere Sicherheit in der EU (Dokumente) », Bürgerrechte & Polizei, CILIP, 53/1, 1996. « Organisierte Krimininalität » : BKA-Arbeitstagung 1996/ BKA CILIP, 53/NR 1, 1997. Hedwig Risch : « Die deutsche Polizei und Europa »/BKA Forschungsreihe, 1997. Heiner Busch, Grenzenlose Polizei ? Neue Grenzen und polizeiliche Zusammenarbeit in Europa, Munster, Westfälisches Dampboot, 1995. Rede von Bundesinnenminister Manfred Kanther auf dem Zukunftsforum « Innere Sicherheit » der CDU in Hamburg zum Thema : « Innere Sicherheit als gesamtgesellschaftliche Aufgabe », septembre 1997. Ständige Konferenz der Innenminister und Senatoren der Länder : « Partnerschaft für mehr Sicherheit in unseren Städten und Gemeinden », Pressestelle des IMK-Vorsitzenden Ministerium des Innern Rheinland-Pfalz, février 1998. « Die Kriminalität in der Bundesrepublik Deutschland, polizeiliche Kriminalstatistik für das Jahr 1997 -Bulletin Presse- und Informationsamt der Bundesregierung, mai 1998.
12 Im Mittelpunkt dieser gesetzlichen Aufgabenstellung steht der Schutz der freiheitlich-demokratischen Grundordnung des Staates sowie die Gewährleistung der im Grundgesetz für die Bundesrepublik Deuschland verbürgten Grundrechte : « Die Bundespolizei », document de présentation, introduction, p. 3 (notre traduction).
13 Ibid., n. 9.
14 À la différence de la France, il faudra attendre la création d’une force de gendarmerie européenne, sur proposition française, pour que l’Allemagne prenne conscience de l’inadaptation de sa politique de sécurité à la nouvelle donne sécuritaire ; encore faut-il noter que la projection de cette force à statut militaire s’effectue dans le cadre de la politique de défense de l’UE.
15 Ein Land, das seine Ressourcen in geringem Masse auf Konflikte mit seinen Nachbarn ausrichten muss, kann umso stärker in seine eigene ökonomische und politische Stabilität und Prosperität investieren, dans Wolfang Wessels, Udo Dietrichs (éd.), Die Neue Europäische Union : im vitalen Interesse Deutschland, janvier 2006, p. 120.
16 On pourra lire à ce sujet avec curiosité l’ensemble des discours prononcés par Otto Schily, en tant que ministre de l’Intérieur, de 2001 à 2004, sur la question des mesures à prendre contre le terrorisme et la remarquable continuité qu’il établit entre travail de police, globalisation et lutte antiterroriste : « Nach dem 11. September 2001 : Maßnahamen gegen den Terror », Bundesministerium des Innern, mai 2004.
17 On pourra consulter à ce sujet : « Gesetz zur Bekämpfung des internationalen Terrorismus », du 9 janvier 2002, publié à la Bundesgesetzblatt 2002, 1re partie, no 3, p. 361 – Bundesministerium des Innern, Der 11. September 2001 uns seine Folgen. Dokumentation aus dem Bundesministerium des Innern, März 2002 – Terrorismusbekämpfung Zweites Anti-Terror-Packet [http://bundesregierung.de/dokumente/Artikel/ix_59475_434.htm].
18 « Gesetz zur Bekämpfung des internationalen Terrorismus » du 9 janvier 2002, publié à la Bundesgesetzblatt 2002, 1re partie, no 3, p. 361.
19 Verhältnismässigkeit des « schonendsten Mittels ».
20 Objet de la partie suivante.
21 Pour un commentaire critique d’INPOL NEU, on se référera à l’article de Heiner Busch, « INPOL NEU Informatisierung des polizeilichen Alltags », Bürgerrechte § Polizei, CILIP, 3, 2003.
22 Et plus particulièrement le très controversé projet de loi présenté à l’été 2007 par Wolfgang Schaüble sur l’élargissement des compétences du BKA (Bundeskriminal Amt [Office fédéral de la police criminelle]).
23 Système informatique Schengen 2.
24 Voir BMI Pressemitteilung, Schily : « Guter Start auf dem Weg zur Europäischen Grenzpolizei », 30 novembre 2002 [http://www.bmi.bund.de].
25 Ou « Office fédéral pour la protection de la Constitution », équivalent de la DST française.
26 Voir « Super-Executive : Sollen Polizei und Geheimdienste verzahnt werden ? » [http://www.bmi.de/frame/sonstige/Schwerpunkte/Innere_Sicherheit/ix3759_18079.tscript=1].
27 Ou « service de renseignement extérieur fédéral », équivalent de la DGSE française.
28 Voir « Super-Executive : Sollen Polizei und Geheimdienste verzahnt werden ? » [http://www.bmi.de/frame/sonstige/Schwerpunkte/Innere_Sicherheit/ix3759_18079.tscript=1].
29 BMI Pressemitteilung über die Vertiefung der polizeilichen Zusammenarbeit, 30 mai 2004 [http://www.bmi.bund.de]. On lira par ailleurs avec intérêt le discours prononcé par Otto Schilly sur ce sujet : « Erfolgreiche terrorismus bekämpfung erfordert zuverlässige Methoden der Identitätsfeststellung » [http://www.bmi.bund.de/nn_122054/Internet/Content/Nachrichten/Reden/2004/09/sc].
30 Voir communiqué de presse ministériel : Schilly, « Hohes Interesse an biometrischer Grenzkontolle auf dem Frankfurter Flughafen », 27 janvier 2005 [http://www.bmi.bund.de].
31 Voir communiqué de presse ministériel : « Deutschland und Türkei stärken Zusammenarbeit beim Kampf gegen Kriminalität und Terrorismus », 16 mai 2004 [http://www.bmi.bund.de].
32 Voir communiqué de presse ministériel : « Schilly, Guter Start auf dem Weg zur Europäischen Grenzpolizei », 30 février 2002 [http://www.bmi.bund.de].
33 Ibid., note 23.
34 Voir « Deutschland und Spanien beginnen gemeisame Integrationsinitiative » [http://bundesregierung.de/Kontent/DE/Artikel/2007/02/2007-02-28-deutschland].
35 34Déclaration de la ministre allemande déléguée à la migration, aux réfugiés et à l’intégration, Maria Böhmer [www.bundesregierung.de/nn_1272/Content/DE/Artikel/2007/02/2007-02-28-deutschland-und-spanien-beginnen-gemeinsame-integrationsinitiative.html].
36 Voir partie introductive du traité Prüm.
37 Voir le résumé de la déclaration du ministre de l’Intérieur allemand sur : http://www.eu2007.de/fr/News/Press_Releases/February/0215BMIFrontex.html.
38 Depuis 1990, environ 1600 fonctionnaires de la Bundespolizei ont pris part à des missions de police internationales en territoire étranger, sur un total de 4500 policiers allemands.
39 Colloque sur les nouvelles missions de la Bundeswehr organisé à Siegburg les 14 et 20 mars 1999 par le Studienzentrum Weikersheim e.V. auquel nous participions.
40 Depuis 2002, le gouvernement allemand a dépensé plus de 93 millions de dollars pour aider les forces de police afghanes. Plus de 60000 officiers de police ont déjà reçu une formation grâce aux dons de l’Allemagne et d’autres partenaires. Cf. « L’ONUDC salue l’Allemagne qui a fait un nouveau don pour la reconstruction de la police afghane » [http://www.un.org/apps/newsFr/printnewsF.asp?nid=13501].
41 Par exemple : Lübeck pour la Police fédérale, Brühl pour la police de la région Rheinland-Pfalz et Wertheim pour le Baden-Württenberg.
42 Au 6 mai 2007, l’état en matière de contributions des polices allemandes pour la résolution de situations de crise était le suivant : UE : Mostar et l’Albanie (terminées) ; OSCE : Croatie et Kosovo (terminées) ; UE : Bosnie Herzégovine, Macédoine, Palestine, Soudan – Darfour –, Congo, Indonésie (actives) ; ONU : Liberia, Soudan, Kosovo, Géorgie, Afghanistan (actives), Bosnie-Herzégovine, Rwanda (terminées). L’actualisation de ses missions est disponible sur le site du ministère de l’Intérieur allemand [www.bmi.bund.de].
43 Voir EU schafft paramilitärische Polizeitruppe, Frankfurter Allgemeine, 18 septembre 2004, Nr 218/38 D.
44 Interview réalisée par l’auteur le 17 juin 2005 à l’antenne BGS de Berlin. On consultera également avec grand intérêt le document rédigé par Andreas Flocken pour le forum « Streitkräfte und Strategien » intitulé « Entlastung für die Bundeswehr ? Die geplante BGS-Truppe für den Auslandseinsatz », 2 juillet 2005, consultable sur www.ndrinfo.de et l’article « Friedenskonsolidierung mit polizeilichen Mitteln » du Reader Sicherheitspolitik, août 2005 [www.reader-sipo.de].
45 « Weißbuch 2006 zur Sicherheitspolitik Deutschlands und de Zukunft der Bundeswehr » [http://bundeswehr.de].
46 Ibid., note 38.
47 VoirOberstleutnanti.G. Dr. ErichVad, « NeueoperativeAufgabenfelderfürStreitkräfte ? », Vortrag während der Gaminger Gespräsche 98 v. 14. 16 mai 1998, document non diffusé.
48 Voir Material für die Presse, Rede des Bundesministers der Verteidigung, Rudolf Scharping, an der Führungsakademie der Bundeswehr, « Grundlinien Deutscher Sicherheitspolitik », 8 novembre 1999.
49 Voir Volker Rühe, « Zukunft der Bundeswehr – zehn Thesen », 21 mars 2002.
50 Voir « Grundzüge der Konzeption der Bundeswehr » dont existe une version en langue française, publiée par le ministère de la Défense, août 2004 [www.bundeswehr.de].
51 Ibid., n. 50, p. 9.
52 Ibid., n. 50, p. 8.
53 Pour une vue générale et exhaustive de la législation en matière d’intervention de la Bundeswehr sur le territoire national, on pourra consulter le document « Die Debatte über den Einsatz der Bundeswehr im Inneren », Wilhelm Knelangen, Jan C. Irlenkaeuser, Kieler Analysen zur Sicherheitspolitik, 12, mars 2004 [ISUK.org], et « Hintergrundinformationen zum Einsatz der Bundeswehr im Inneren » [http://www.Bundesregierung.de/servlet/init.cms.layout.LayoutServlet?global.naviknot].
54 Voir « Rühe Lehnt Inlandsaufgaben für Bundeswehr ab », Der Tagesspiegel, 19 novembre 1999, p. 2.
55 Voir « Truppe nicht für Kampf gegen Kriminelle », Berliner Morgenpost, 12 août 1999, p. 2.
56 Voir « Moderne Verwaltung : Schily und Scharping vereinbaren, wegweisende Kooperationen bei Verwaltungsmodernisierung », 30 mai 2001 [http://www.bmi.bund.de/dokumente/Pressemitteilung/ix_42717.htm].
57 Voir CDU, « Regierungsprogramm 2002-2006 ».
58 MAD : Militärischer Abschirmdienst : équivalent de la Direction du renseignement militaire française.
59 Voir « Änderung des MAD-Gesetzes » [http://www.bmvg.de.ministerium/print/040213_mad.php].
60 Le « Militärischer Abschirmdienst », composant des forces armées et jusque-là strictement orienté vers l’intérieur, fait l’objet d’une modification de sa loi organique le 13 février 2004 qui l’autorise à étendre ses investigations à l’extérieur des frontières allemandes, investigations qui devraient être limitées « dans l’espace et dans le temps » Enfin, à l’instar des autres services, il lui est permis d’échanger de l’information et des données avec ses homologues, ce qui rompt avec une tradition longuement établie selon laquelle toute coopération entre service secret militaire et autres est interdite en Allemagne.
61 L’article 87a de la Loi fondamentale énonce que la levée de forces armées par l’État fédéral est subordonnée à une mission de défense.
62 Voir « Participation de la Bundeswehr aux mesures de protection et de soutien de la Force de réaction rapide en ex-Yougoslavie », ministère fédéral de la Défense, service d’information, section des relations publiques, juin 1995 ; « L’engagement des unités de la Bundeswehr dans le conflit bosniaque », service de presse et d’information du gouvernement fédéral, département politique extérieure, de défense et européenne, juillet 1995.
63 Voir « L’opinion publique et les interventions militaires extérieures aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne : éléments de comparaison », Fondation pour les Études de Défense, document non diffusé, octobre 1995.
64 Il s’agit de la Bosnie Herzégovine, du Kosovo, de l’Éthiopie, du Soudan, du Congo, de la Géorgie, de l’Afghanistan et du Pakistan.
65 Voir Deutscher Bundestag, 15e session, document 15/1806, 22 octobre 2003 [www.dip.bundestag.de].
66 Voir « Warum sollen unsere Soldaten in den Libanon, Frau Merkel ? », Welt am Sonntag, 20 août 2006.
67 Voirlediscoursd’AngelaMerkelauBundestagle22 novembre2006[www.bundeskanzlerin.de].
68 Voir « Weissbuch 2006 : zur Sicherheitspolitik Deutschlands und zur Zukunft der Bundeswehr », p. 20, Bundesministerium der Verteidigung [www.weissbuch.de].
69 Ibid.
70 Ibid., p. 11.
71 Voir le Livre blanc sur la politique de sécurité allemande, p. 12, 2006.
72 Ibid., p. 25.
73 Voir « La politique allemande de sécurité et de défense : équilibrer durablement les attentes extérieures et les contraintes intérieures », Franz-Joseph Meiers, Cerfa, février 2007.
74 De 580000 en 1991 à 252500 en 2007 pour la Bundeswehr, et de 400000 à 105000 pour l’armée de terre.
75 Interviews conduites par nous-mêmes les 27 et 28 mars 2007 à Bonn et Berlin.
76 Ces droits sont énumérés tout au long des articles 1 à 19 de la Loi fondamentale. Selon l’article 79, ils ne peuvent être ni modifiés ni supprimés (clause perpétuelle).
77 Outre les agences fédérales (BKA, BNP, Zollkriminalamt, BFV, BDN), chaque Land dispose de polices régionales relevant du ministère régional de l’Intérieur et la Loi fondamentale reconnaît l’autonomie des régions en matière de police.
Auteur
Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan
Professeur agrégé d’anglais aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.
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