L’Europe en échec : du projet de CED à l’opération de Suez, une comparaison
p. 279-295
Texte intégral
1Le sujet de cet essai peut surprendre. Le colloque au cours duquel il fut présenté se tenait, certes, soixante ans après le lancement du plan Monnet-Pleven d’armée européenne. Mais la comparaison entre l’affaire de la Communauté européenne de défense (CED) et celle de Suez n’a rien d’habituel. Elle peut même sembler hors de propos. D’un côté, un projet multilatéral, longuement débattu et négocié, mais qui restera dans les cartons ; de l’autre, une expédition préparée sur des bases bilatérales, mise en place dans des délais contraints, effectivement lancée, mais très vite interrompue. D’un côté, une entreprise européenne, tant par ses participants que par sa finalité ; de l’autre, une expédition néocoloniale montée par deux pays seulement, unis par des réflexes de grande puissance sur le déclin.
2Mais cette communication ouvrait le quatrième et dernier temps de ce colloque, consacré à « l’Europe des coopérations ». Or Suez en relève dans les faits, associant les deux pays qui, avec le traité de Dunkerque, puis celui de Bruxelles, ont été aux origines de l’Europe de la défense avant de se séparer sur le projet de CED Quand celui-ci est resté théorique, l’expédition montée contre Nasser donne à voir la réalité d’une réalisation effective, associant la dimension politico-stratégique et l’interopérabilité opérationnelle. Durant ces années 1950 dominées par la montée en puissance de l’OTAN, le traité de CED et l’opération de Suez constituent les seules grandes entreprises proprement européennes. Destinée à sortir de l’impasse politico-juridique créée par le rejet du traité de Paris, l’Union de l’Europe occidentale (UEO) demeurera un pis-aller, sans véritable importance. Quant aux ambitieux projets franco-allemands de coopération militaire engagés fin 1956, et élargis par la suite à l’Italie, ils resteront confinés dans le secret des chancelleries, avant d’être enterrés par le général de Gaulle.
3Or, contrairement à ce qui prévaudra pour l’OTAN, l’affaire de la CED comme celle de Suez se terminent par des échecs retentissants. À s’en tenir au domaine militaire, le « crime du 30 août » sonne pour longtemps le glas d’une organisation de défense spécifiquement européenne. De leur côté, les leçons de Suez ancrent le Royaume-Uni dans sa « relation spéciale » avec les États-Unis. Cette comparaison nous offre ainsi une belle opportunité de dresser, pour les années cinquante, ce « bilan critique » de l’Europe des coopérations auquel nous appelaient les organisateurs du colloque pour sa dernière séquence1. De la coopération imaginée à la coopération improvisée, de la CED à Suez, quels points communs se dégagent ? Et dans quelle mesure permettent-ils de comprendre l’incapacité des Européens à déboucher sur le plan militaire, à l’inverse de ce qui se produit dans le domaine politique et économique ?
Des conditions de départ problématiques
4L’affaire de la CED et celle de Suez ont, comme premier point commun, de trouver toutes deux leur origine dans des coups de théâtre. À l’invasion soudaine de la Corée du Sud le 25 juin 1950, répond, six ans plus tard, la nationalisation surprise du canal de Suez, le 26 juillet 1956. Si l’une et l’autre avaient pu être pressenties, sur le moment la surprise est totale. L’opération lancée par Nasser reste certes une entreprise pacifique, quand la guerre embrase immédiatement la péninsule coréenne. Mais, à chaque fois, l’événement est vécu comme une agression intolérable, appelant une réponse militaire immédiate, à l’opposé de ce que furent les reculades des grandes démocraties face aux coups de force des dictatures à la fin des années 1930. « Plus jamais ça ! » : même à rebours, le slogan pacifiste issu des massacres de la Grande Guerre résume l’origine commune des deux entreprises.
5Loin d’être l’aboutissement de desseins mûris dans la durée, le projet d’armée européenne comme celui d’intervention franco-britannique, sont des entreprises imposées par le jeu des circonstances. Le cas est particulièrement net pour le plan Monnet-Pleven, dont le lancement constitue un reniement des principes posés au moment du lancement du plan Monnet-Schuman2. Indissociable d’une union politique, dont il ne peut que découler, le projet d’armée commune n’est alors envisagé qu’à très long terme. Quant à l’expédition de Suez, elle n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable entre Français et Britanniques, encore moins d’un travail de planification3. Ils ne possèdent d’ailleurs plus d’états-majors communs, ceux de l’Union occidentale – qui comprenaient également des officiers venus du Benelux – ayant été intégrés au sein de l’OTAN à partir de 19514. Le plan Monnet-Pleven comme l’opération « Mousquetaire » sont initialement des réponses imaginées en urgence, sans que les conditions nécessaires à leur déploiement aient été construites en amont.
6En 1950, l’urgence se dédouble de deux manières. Une première fois parce que le camp occidental doit non seulement réagir en Corée, mais également se mobiliser en Europe. L’Alliance atlantique doit donc intensifier son réarmement. Et celui-ci, deuxième dédoublement, ne peut plus ignorer la question allemande. c’est en réponse à cette double exigence, réarmement occidental/réarmement allemand, que le gouvernement français imagine de parer ce dernier des couleurs avantageuses de l’intégration européenne.
7Mais c’est une solution européenne par défaut. Le projet initialement envisagé par Jean Monnet et ses proches, au premier chef Hervé Alphand, est en effet celui d’une communauté occidentale, dotée d’un budget et d’une armée commune, dans laquelle serait dilué le problème allemand5. Ainsi que l’expriment les mémorandums français des 5 et 17 août 1950, il s’agit d’aller plus loin dans le cadre de l’intégration atlantique, pas de bousculer le rythme de la construction communautaire, clairement défini comme très progressif au moment du lancement du plan Schuman, en mai. C’est parce qu’Américains et Britanniques refusent catégoriquement l’idée d’une grande communauté atlantique, en particulier parce que cela conduirait à mutualiser le coût de la guerre d’Indochine, que Jean Monnet finit par réduire ses ambitions à la seule Europe continentale.
8De la même manière, l’idée d’une intervention militaire contre Nasser n’est pas envisagée initialement dans un cadre européen. Depuis l’automne 1955, Britanniques et Américains ont travaillé ensemble à divers scénarios d’intervention contre l’agresseur en cas de nouvel affrontement israélo-égyptien6. Cet acquis, en termes de planification opérationnelle, se combine avec la question des moyens pour rendre initialement évident le recours aux États-Unis. Eux seuls, avec leur VIe flotte, disposent des moyens d’agir immédiatement. C’est le refus catégorique de Washington, dès le départ, d’entrer dans une logique d’intervention militaire, qui européanise le projet7. Ainsi, la CED comme l’expédition de Suez ne sont des entreprises européennes que par défaut, engendrées par le retrait américain. La matrice initiale, spontanément identifiée comme telle par les Européens, est celle d’une entreprise occidentale.
L’ombre portée de la puissance américaine
9De fait, second point commun, les Américains sont perçus comme des tiers incontournables, avant, mais aussi pendant les deux épisodes. L’affaire est bien connue, ils jouent un rôle décisif dans le développement du projet d’armée européenne8. À l’automne 1950, leur accord de principe, même donné du bout des lèvres, permet au plan Monnet-Pleven de survivre. Après que l’Inspirateur, au printemps 1951, a réussi à les convaincre des mérites de cette entreprise, les responsables américains s’en font les défenseurs acharnés. À telle enseigne que, durant l’année 1953, Dulles menace de manière de plus en plus nette les dirigeants européens d’une « révision déchirante » de la politique américaine, en d’autres termes d’un retour à la stratégie périphérique, en cas de non-ratification du traité. Cette insistance finit par produire des résultats inverses. Une majorité de responsables français se convainc que la CED est un piège mortel pour l’indépendance nationale. Le fait que les Britanniques aient finalement obtenu de pouvoir rester en dehors pèse évidemment d’un poids particulier.
10L’affaire de Suez est moins linéaire en ce qui concerne l’implication américaine, bien que celle-ci soit restée centrale de bout en bout9. En première analyse, on est à fronts renversés par rapport au dossier de la CED. On l’a dit, Washington douche initialement les espoirs de Londres et de Paris, qui escomptaient un soutien immédiat sur le plan militaire. Mais, par la suite, le montage de « Mousquetaire » est, pour une part, indissociable de l’assistance technique discrètement apportée par les forces armées américaines, sans parler des encouragements prodigués par nombre de leurs représentants10. Pour autant, à l’automne, Washington est tenu dans l’ignorance de ce qui se trame. Et l’on sait la violence de la réaction américaine, celle d’Eisenhower en premier lieu, une fois l’opération déclenchée. Bien moins connues que la bataille à l’ONU ou celle livrée sur le marché des changes11, les opérations de harcèlement menées par la VIe flotte ont posé de sérieux problèmes aux forces franco-britanniques début novembre.
11Cette centralité de la puissance américaine n’a rien d’étonnant. Comment en serait-il autrement à l’heure où les Américains, après avoir permis le redressement économique de l’Europe occidentale, condition sine qua non de sa stabilisation sociale et politique, portent à bout de bras son réarmement ? Première bénéficiaire de leur aide, compte tenu de son rôle central dans la défense du secteur Centre-Europe comme des besoins induits par le conflit indochinois, la France recevra davantage que l’équivalent du plan Marshall au total12… Dans les années 1950, les Européens n’ont ainsi pas les moyens d’être autonomes. Qu’il s’agisse de s’armer face à la menace venue de l’Est ou de partir en guerre contre Nasser, l’appui américain s’avère indispensable, sur le plan matériel comme politique. Rien ne peut se faire sans les États-Unis. Si les Français réussissent finalement à échapper à la CED, ils sont obligés d’accepter le réarmement allemand dans le cadre de l’OTAN. Et l’on a dit ce que l’opposition américaine coûta aux Franco-Britanniques durant la crise de Suez, spécialement lors de son dénouement. Pour autant, ni celle-ci, ni la CED, ne sont des échecs d’abord imputables aux Américains. Les Européens ont été les premiers artisans de leur malheur, en premier lieu compte tenu de leur incapacité à s’unir, qui a renforcé d’autant le poids déjà structurellement écrasant des États-Unis.
L’Europe désunie
12Le paradoxe est connu : bien que Churchill lui-même ait été l’un des premiers à appeler à la constitution d’une armée européenne, Londres refusera obstinément de se joindre à l’entreprise13. À l’origine, avec Paris, des premières constructions européennes de défense (traité de Dunkerque, pacte de Bruxelles), le Royaume-Uni refuse de s’embarquer dans cette nouvelle aventure. Un choix qui doit évidemment être replacé dans le cadre plus global du refus de l’Europe communautaire. Dans son principe, cette entreprise apparaît incompatible avec la défense de l’identité comme des intérêts du Royaume-Uni. Le refus du plan Monnet-Pleven est en germe dans celui du plan Monnet-Schuman, posé au printemps 1950.
13Le couple franco-britannique se reforme en 1956. Mais, cette fois, en revanche, Paris et Londres sont seuls, comme au moment de la signature du traité de Dunkerque. Si plusieurs autres pays européens comprennent, voire peuvent apporter un soutien discret à l’opération montée contre l’Égypte14, les choses ne vont pas plus loin. Plus grave, l’engagement britannique est très vite ambigu. L’opinion publique comme les milieux dirigeants se divisent rapidement quant à l’opportunité d’une intervention militaire contre Nasser, on y reviendra. Une situation qui ne tarde pas à peser sur la gestion de la crise par le gouvernement de Sa Majesté. De son côté, si Paris est initialement en pointe, gardant souvent l’initiative par la suite, on n’arrive pas à concrétiser cette domination dans la durée. Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui de la CED. À chaque fois, les Français subissent le dénouement qui se traduit par un échec retentissant pour eux, quand les Britanniques peuvent légitimement voir dans le sabordage du projet d’une armée commune le triomphe de leurs thèses.
14Cette désunion européenne conduit à un nouveau paradoxe. Dans les deux cas, les partenaires de l’aventure ne sont pas ceux imaginés au départ. Ainsi l’arrivée des Britanniques dans la CED, longtemps espérée de ce côté-ci de la Manche en dépit du refus initial, n’aura pas lieu. À l’inverse, l’implication israélienne envisagée dès la fin juillet 1956 à Paris, finit par se cristalliser dans la seconde quinzaine d’octobre. Et, cette fois, ce sont les Français qui imposent leur loi à des Britanniques, jusqu’à la mi-octobre, sur le pied de guerre pour intervenir contre l’État hébreu au cas où il agresserait la Jordanie. Si l’opération « Cordage » n’est finalement pas déclenchée, elle a été préparée parallèlement à « Mousquetaire », plaçant les officiers de Sa Majesté dans une situation proche de la schizophrénie durant l’essentiel de la crise15.
15Son dénouement offre un ultime paradoxe du point de vue qui nous intéresse. Bien que l’intervention militaire déclenchée par Londres et Paris soit officiellement limitée à leurs seules forces, elle est indissociable, dans les faits, d’une contribution israélienne décisive. Assumé activement par les Français, seulement toléré par les Britanniques, cet engagement aux côtés de l’État hébreu donne une dimension extra-européenne à l’entreprise. On peut raisonnablement la qualifier d’occidentale dans la mesure où, sans s’y réduire, l’affrontement israélo-arabe se pare désormais des couleurs de la guerre froide. Le qualificatif d’occidental peut de la même manière s’appliquer au dénouement de la crise de la CED Si la solution imaginée pour dépasser son échec est officiellement européenne, la réalité est celle d’un réarmement allemand opéré dans le cadre de l’OTAN. Une solution que les Français avaient toujours énergiquement refusée… En 1954, comme en 1956, la spécificité européenne s’évanouit au moment du dénouement.
L’égalité pour les autres
16Cette incapacité à inscrire durablement cette spécificité dans les faits plonge ses racines dans une certaine idée de soi et des autres à l’échelle du Vieux Continent. Le projet de CED comme l’expédition de Suez ont en commun de n’être des coopérations égalitaires qu’en apparence. À chaque fois, l’un des partenaires a voulu être « plus égaux que les autres », pour reprendre la célèbre formule de George Orwell dans Animals Farm. Et cette exigence a pesé lourd dans l’échec final.
17Dès le départ, l’organisation de la future armée européenne est prévue pour asseoir le leadership français. Pour cela, Paris doit fournir un contingent plus important que ses partenaires. Au printemps 1952, quand le traité de CED est signé, un accord est trouvé qui prévoit 14 divisions françaises, contre 12 pour la RFA et autant pour l’Italie16. Mais cette marge de supériorité est bientôt remise en question par l’augmentation des besoins liés à la guerre d’Indochine et les difficultés du réarmement. Dès l’automne 1952, l’objectif de 14 divisions apparaît intenable. La France ne pourra en fournir que 12, laissant inévitablement la première place à la RFA, dont le réarmement n’est pas entravé par le poids des engagements outre-mer. Aux yeux d’une majorité de responsables français, la CED s’apparente désormais à un marché de dupes… Un constat qui sera un élément clé dans la montée de l’opposition au traité17.
18Un marché de dupes : c’est également le sentiment que les Français vont retirer de l’affaire de Suez. Alors qu’ils ont accepté sans barguigner le leadership britannique sur le plan militaire, mieux, qu’ils ont précédé les attentes de leurs partenaires en la matière, ils éprouvent les pires difficultés à obtenir que ces derniers passent à l’action. Et, les opérations déclenchées, les Britanniques se refusent obstinément à accélérer le calendrier, condamnant l’intervention alliée à une interruption prématurée. Dernière avanie, Londres impose de manière unilatérale le cessez-le-feu, Paris ne réussissant qu’à repousser de quelques heures son entrée en vigueur.
19Depuis le début, les autorités britanniques ont soigneusement veillé à garder la main en la matière18. Derrière la cordialité affichée, nourrie de la courtoisie irréprochable des public schools, combinée à l’évocation rituelle de l’Entente cordiale, les représentants de Sa Majesté ont pratiqué avec maestria une coopération du fort au faible. Dès le départ, ils refusent de communiquer leur première esquisse de planification opérationnelle. Par la suite, ils ignorent la demande de Paris que le plan d’opérations soit présenté au comité des chefs d’état-major français par le commandement allié de l’expédition. C’est seulement début novembre que le chef d’état-major général des forces armées peut rencontrer son alter ego britannique. Et c’est le Français qui fait le déplacement jusqu’à Londres…
20Tous deux sur le déclin, la France et le Royaume-Uni se sentent néanmoins encore suffisamment influents pour refuser d’être astreints à la loi commune, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral. La coopération européenne des années cinquante demeure ainsi bridée par l’idée que chacun se fait de sa puissance et de celle qu’il accorde aux autres. Quand les Européens continentaux, emmenés par les Allemands, s’arc-boutent sur le principe d’égalité des droits, la fameuse Gleichberichtigung, Français et Britanniques demandent que leur soit reconnue une spécificité qui rime avec supériorité.
21Londres exclut de rejoindre la CED, pour mieux demeurer la seule puissance européenne indépendante aux côtés des États-Unis et, en 1956, se considère naturellement comme l’aîné de Paris. De leur côté, les Français n’acceptent pas autre chose que d’être à la tête de la CED, et entendent utiliser cette place de leader pour asseoir définitivement leur statut de troisième grand occidental. Dans cette logique, le refus de l’article 38 du traité de CED, qui aurait interdit à la France de se doter de l’arme nucléaire, a été un autre facteur décisif, bien que peu connu, de l’opposition de beaucoup, dans les milieux dirigeants, au projet d’armée européenne19. Enfin, durant la crise de Suez, les responsables français vivent mal leur position de second des Britanniques. Malgré tout, ils attendent d’être traités sur un pied d’égalité… Encore faut-il s’en être donné les moyens : c’est le cinquième point de notre démonstration.
Avoir les moyens de ses ambitions
22On l’a vu, la CED a été discréditée aux yeux de beaucoup, à Paris, dans la mesure où la France n’a finalement pas eu les moyens matériels d’assurer la place qu’elle revendiquait. L’échec du projet d’armée européenne doit beaucoup à ce hiatus. Le constat n’est pas différent pour l’opération « Mousquetaire ». Si les forces terrestres soutiennent la comparaison avec leurs homologues britanniques, les parachutistes en particulier qui surclasseront ceux de Sa Majesté, il n’en va pas de même des autres composantes des Forces françaises d’Orient. Pour être de qualité, la contribution de l’armée de l’air reste quantitativement bien inférieure à celle de la Royal Air Force et structurellement limitée par l’absence de bombardiers stratégiques20. La situation de l’aéronavale est pire, dont les matériels obsolètes la cantonnent au rôle d’auxiliaire de la Fleet Air Arm. Et seule l’interruption rapide des opérations empêche que la faiblesse du train d’escadre se révèle dans toute son ampleur21. Un constat qui vaut en d’autres domaines… Les systèmes de communication comme les déficiences linguistiques sont autant de domaines où les insuffisances françaises sont patentes.
23L’ensemble va à la fois brider la coopération avec les Britanniques et, les plaçant en situation dominante, saper les bases d’une coopération entre égaux. D’autant que Paris, on l’a dit, a accepté d’emblée le leadership militaire de son allié, y voyant, à tort, le moyen de sécuriser son engagement. Mais il faut aller plus loin. L’accord des dirigeants français est lié à leur ignorance. La majorité d’entre eux, civils comme militaires, n’a pas mesuré les implications politiques de cette répartition des rôles, que ce soit en matière de planification opérationnelle ou de direction stratégique22. Le constat ne manque pas de piquant si l’on veut bien se souvenir que la CED avait été violemment critiquée, en France, pour sa lourdeur bureaucratique, inadaptée aux exigences militaires23. Pourtant, alors que, cette fois, le pragmatisme britannique est à l’œuvre, le constat que dressent leurs partenaires n’est pas différent. Si des éléments objectifs peuvent le nourrir, sa redondance prouve autre chose : les Français accusent en matière politico-militaire – au sens large – de lourdes carences, qui minent leur capacité à construire les coopérations européennes ambitieuses qu’ils engagent.
24En premier lieu, parce que les structures interarmées manquent d’assise en France, à la différence du Royaume-Uni. Quand la crise de Suez éclate, voilà vingt ans que les équipes interarmées du Joint Planning Staff ont l’habitude de travailler ensemble, sans parler de l’acquis spécifique de la Seconde Guerre mondiale24. Du côté français, ce n’est qu’à partir de la fin du conflit qu’a difficilement été mis en place un état-major interarmées25. Clairement, Français et Britanniques ne jouent pas dans la même division.
25D’autant que le différentiel structurel se prolonge sur le plan des pratiques26. En tout cas, à l’échelle des chefs qui, sans parler de la langue, maîtrisent difficilement les méthodes de planification opérationnelle anglo-américaines. On constate ainsi un vrai clivage générationnel avec leurs adjoints qui, eux, sont en général nettement plus allied minded. Mais ces derniers n’ont pas encore accès de manière permanente à la sphère décisionnelle. Or, à ce niveau-là également, le décalage est grand entre Français et Britanniques. Sur le plan politico-stratégique, les Français n’ont pas l’expérience acquise, pendant la guerre, par leurs partenaires, au sein du Combined Chiefs of Staff anglo-américain27. Et, plus généralement, le système politico-militaire français reste dans un état d’inorganisation affligeant, en dépit de réformes incessantes.
26Si la gestion de la crise de Suez révèle, en la matière, de graves limites au Royaume-Uni, celles-ci demeurent relatives au regard des dysfonctionnements observés de ce côté-ci de la Manche28. Quand les chefs d’état-major britanniques participent dès le premier jour aux réunions du cabinet, le chef d’état-major général des forces armées françaises doit attendre la mi-octobre pour rencontrer le président du Conseil. Et il ne le reverra que le 6 novembre ! Pire, jamais Guy Mollet ne réunira le comité de défense nationale durant toute la crise. À l’instar de ses prédécesseurs, le président du Conseil délègue la gestion de la dimension militaire de la crise à son ministre de la Défense, le très actif Maurice Bourgès-Maunoury. Guy Mollet s’en tient à une certaine tradition républicaine, au terme de laquelle les questions militaires ne sont pas une province du politique, mais un domaine technique dans lequel celui-ci ne saurait s’immiscer29.
27Une approche qui a également pesé d’un poids méconnu dans l’échec de la CED La négociation du traité se révèle une catastrophe en matière de coordination interministérielle, que ce soit à l’échelle gouvernementale ou à celle des armées30. Inamovible ministre de la Défense, entre mars 1952 et juin 1954, le très « cédiste » René Pleven doit composer avec trois secrétaires d’État, un pour chaque armée, sans parler d’un épisodique ministre de l’Armement. Les armées et leurs chefs profitent de cette situation, n’hésitant pas à jouer leur ministre contre celui de la Défense. De son côté, l’autre père de la CED, Jean Monnet, pourtant habitué à porter les grandes ambitions nationales depuis son quartier général de la rue de Martignac, ne parvient pas à garder le contrôle de la situation31. Il est vrai que Monnet gagne le Luxembourg à l’été 1952, comme premier haut commissaire à la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), au moment où débute la « grande querelle ». Autant que les divisions des milieux politiques ou de l’opinion publique, le désordre régnant dans l’appareil d’État a condamné le projet d’armée européenne, en particulier parce qu’il a laissé libre cours à l’autonomisation des administrations et de leurs responsables, tant du côté des armées que du Quai d’Orsay.
Un consensus national défaillant
28Ces dysfonctionnements prennent d’autant plus d’importance que le consensus national est à chaque fois défaillant, ce qui constitue le cinquième et dernier point de recoupement entre l’affaire de la CED et celle de Suez. Dès le départ, le plan Monnet-Pleven ne bénéficie pas du soutien qui, chez les partis de gouvernement en tout cas, a entouré le lancement du plan Monnet-Schuman32. Un constat que l’on peut élargir à l’échelle occidentale. Ce n’est que tardivement que les Américains se rallient au projet d’armée européenne, sans jamais réussir à emporter l’adhésion britannique. De la même manière, le reste de l’Europe des Six n’est initialement pas enthousiaste. Par la suite, le soutien national au projet s’effrite pour devenir problématique33. Si la « grande querelle » n’a sans doute pas atteint la dimension d’une nouvelle affaire Dreyfus, contrairement à ce que Raymond Aron avança, le débat fut vif et la division des élites nationales profonde.
29En 1956, le projet d’intervention militaire contre l’Égypte, puis sa mise en œuvre, divisent également en profondeur le Royaume-Uni. L’union sacrée des débuts cède rapidement la place à une profonde division de l’opinion publique comme des élites. L’opposition immédiate et militante du First Sea Lord and Chief of Naval Staff, l’amiral Mountbatten, a valeur emblématique34. La possibilité d’une coopération sincère avec Paris est ainsi minée dès le départ, ce que ses représentants militaires à Londres perçoivent35. Par la suite, l’opposition ne fait que se renforcer, s’enracinant dans le pays, conduisant à la démission de plusieurs ministres. La Reine, elle-même, laisse comprendre qu’elle est hostile à l’entreprise36.
30Pour être réel, le consensus est moins général qu’on ne le dit en France37. Avec un quart des députés, le parti communiste constitue le socle d’une opposition minoritaire, mais significative, à l’Assemblée nationale. Membre de la coalition gouvernementale, le parti radical est divisé : sa composante mendésiste va se montrer de plus en plus ouvertement opposée à une intervention militaire. Au sein de la majorité, le consensus en sa faveur est loin d’être aussi spontané qu’on peut l’imaginer. Il naît pour une part de la surenchère que le MRP pratique en la matière, en faisant un outil pour menacer la coalition gouvernementale. Parmi les « faucons », on envisage même de se passer du Royaume-Uni, en s’appuyant d’abord sur Israël. Jusqu’au bout, la tentation va exister et menacer jusque sur le terrain la pérennité de la coopération franco-britannique38.
31Comment espérer, dans ces conditions, voir ces entreprises européennes déboucher ? À chaque fois, la division règne chez celui qui entend pourtant être le leader de l’opération… Les ambitieuses perspectives politiques qui accompagnent ces coopérations militaires, qu’il s’agisse de la négociation d’un traité de communauté politique européenne39 ou – plus anecdotiques – des offres faites par Guy Mollet, en septembre 1956, d’une union franco-britannique, puis de l’adhésion de la France au Commonwealth40, apparaissent pour le moins décalées. Acculé par les événements, Paris – chaque fois – a tenté un coup de poker. Mais, contrairement à l’idée reçue, celui-ci ne s’apparente pas à une fuite en avant. Un vrai coup de poker est l’œuvre d’un professionnel, qui a de l’expérience et les idées claires.
32En visite officielle à Paris le 6 novembre 1956, Adenauer appellera immédiatement Guy Mollet à approfondir la construction de l’Europe communautaire41. Un an après l’échec de Suez, Paris et Bonn signeront à Colomb Béchar, en Algérie, un ambitieux programme de coopération militaire, intégrant ce que l’on appelle pudiquement les « armes spéciales42 ». élargi à l’Italie, il sera doté, au printemps 1958, d’un volet explicitement nucléaire cette fois, prévoyant le financement conjoint d’une usine de séparation isotopique à Marcoules. À la différence du projet d’armée européenne comme de l’expédition de Suez, cette entreprise restera confinée dans le secret des cabinets et des états-majors. Et elle avortera avant d’être allée à son terme : deux raisons pour l’avoir laissée à l’écart de notre réflexion. Mais, fondamentalement, elle échouera pour le même type de raisons que le projet de CED ou l’expédition de Suez : dès son retour au pouvoir, en juin 1958, de Gaulle la dénoncera comme attentatoire à la souveraineté nationale.
33Ainsi, à chaque fois, la question du rang, comme l’absence de consensus national, auront été les deux obstacles ultimes au succès des entreprises successives de coopération militaire ouest-européennes durant les années cinquante. La nécessité d’une collaboration permanente en temps de paix n’est désormais discutée par personne, ce qui constitue une rupture par rapport à l’avant-Seconde Guerre mondiale43. Cependant, bien que sur le déclin, aucune des deux grandes puissances européennes survivantes n’est prête à renoncer à son statut spécifique.
34Ce constat d’échec généralisé souffre une exception, celle de l’OTAN, mais dont la colonne vertébrale est extra-européenne. Sa réussite signe l’impossibilité de construire en dehors de l’orbite américaine. De fait, autre point commun, le plan Monnet-Pleven comme l’opération contre l’Égypte sont initialement des entreprises européennes par défaut, nées d’un refus américain. Dans les années cinquante, la coopération militaire européenne ne parvient pas à s’imposer comme une perspective en soi. En 1948, l’Union dite « occidentale » n’est créée que pour cristalliser l’engagement américain sur le Vieux Continent, matérialisé un an plus tard par la signature du traité de l’Atlantique Nord. La mise en place de l’OTAN entraîne d’ailleurs la mise en sommeil rapide de l’Union… Sa résurrection, fin 1954, sous le nom d’UEO, a seulement pour but, en permettant le réarmement allemand, de renforcer l’OTAN. En matière de sécurité, l’objectif premier des Européens est là, pas dans l’invention de coopérations qui leur soient propres. Elles ne sont que des pis-aller, improvisés dans l’urgence pour faire face à des situations inattendues. En dépit d’une longue maturation, et de l’engagement sincère de ses partisans, le projet d’armée européenne ne parviendra jamais à dépasser cette forme de pêché originel.
35Ces coopérations ont d’autant moins de chances d’aboutir qu’elles s’inscrivent sur un arrière-plan qui n’est pas porteur, du point de vue des structures comme des pratiques. On l’a vu, l’organisation politico-militaire française peine à trouver son équilibre, à l’image d’un système politique qui ne se stabilisera graduellement qu’après 1958. Le séisme de 1940 n’en finit pas de faire sentir ses effets… Sur le plan militaire, l’acquis du dernier conflit se limite au niveau tactique et opératif dans le cas français. Seuls les Britanniques ont développé des habitudes de coopération complète avec les Américains, intégrant le niveau politico-stratégique et dont l’instauration du Combined Chiefs of Staff est restée le symbole. Sur le Vieux Continent, il faut attendre les années cinquante pour que se mettent graduellement en place les structures communes, tant au niveau des états-majors que des écoles, qui vont permettre de former des élites préparées à travailler ensemble. Et c’est le cadre atlantique qui va servir de matrice commune…
Notes de bas de page
1 La bibliographie sur ces deux crises est vaste. Pour une approche d’ensemble de celle consacrée au projet d’armée européenne, voir Philippe Vial « Redécouvrir la CED », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 29, 1992, p. 9-16 ; à compléter par Philippe Vial, « Limites et contradiction d’une méthode : Monnet et les débuts de la construction communautaire (1950-1954) », dans Michel Catala (dir.), Cinquante ans après la déclaration Schuman, histoire de la construction européenne, Nantes, Ouest Éditions/ Presses académiques de l’Ouest, 2001, p. 45-101. On consultera également avec profit le recensement bibliographique établi par Jenny Raflik, Les décideurs français et l’Alliance atlantique, 1947-1954, thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Robert Frank, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2006, p. 922-932. Sur les événements de 1956, voir Keith Kyle, Suez : Britain’s End of Empire in the Middle East, Londres, I. B. Tauris, 2003 [1991], p. 651-661, en attendant Philippe Vial, « La crise de Suez, cinquante ans de publications », dans Martin Alexander, Robert Frank, Georges-Henri Soutou et Philippe Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez : une relecture politico-militaire, à paraître en 2013 aux Publications de la Sorbonne.
2 Philippe Vial, « Jean Monnet, un père pour la CED ? », dans René Girault, Gérard Bossuat (dir.), Europe brisée, Europe retrouvée : nouvelles réflexions sur l’unité de l’Europe au xxe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, p. 198-199 ; Éric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996, p. 568-569 et 584-585. Voir aussi Renata Dwan, « Jean Monnet and the European Defence Community, 1950-54 », Cold War History, 3, avril 2001, p. 141-160 (étude tirée de sa thèse : An Uncommon Community : France and the European Defence Community, 1950-1954, Oxford University, St Anne’s College, Ph. D. dissertation, 1996).
3 Philippe Vial, « Marianne et la “gouvernante anglaise”. Les systèmes politico-militaires français et britannique à l’épreuve de la crise de Suez », dans Jean-Michel Guieu, Claire Sanderson (dir.), L’historien et les relations internationales. Autour de Robert Frank, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, p. 135-143.
4 J. Raflik, Les décideurs français et l’Alliance atlantique, op. cit., p. 418 et 435-436.
5 Philippe Vial, « De la surenchère atlantiste à l’option européenne : Monnet et les problèmes du réarmement occidental durant l’été 1950 », dans Gérard Bossuat, Andreas Wilkens (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 321-342.
6 Michael J. Cohen, « Politics and Military Planning : the Eden Administration and the Generals », dans Moshe Orfali (dir.), Leadership in Times of Crisis, Ramat Gan, Bar-Ilan University Press, 2007, p. 220.
7 K. Kyle, Suez : Britain’s End of Empire…, op. cit., p. 155 et p. 159-163.
8 Ph. Vial, « Jean Monnet… », art. cité, p. 221-222 et 231-233 ; É. Roussel, Jean Monnet, op. cit., spéc. p. 594-604, 607-609 et 636. On complétera avec : Pascaline Winand, « Eisenhower, Dulles and the Uniting of Europe », dans Clifford P. Hackett (éd.), Monnet and the Americans, the Father of a United Europe and his U.S. Supporters, Washington D.C., Jean Monnet Council, 1995, p. 71-101 ; Michael Creswell, « “With a Little Help from our Friends” : How France Secured an Anglo-American Continental Commitment, 1945- 1954 », Cold War History, 1/3, octobre 2002, p. 1-28 ; François David, John Foster Dulles : secrétaire d’État, Cold Warrior et père de l’Europe, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2011.
9 Peter L. Hahn, United States, Great Britain, and Egypt, 1945-1956 : Strategy and Diplomacy in the Early Cold War, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2004 [1991]. Scott Lucas, Divided We Stand : Britain, the US, and the Suez Crisis, Londres, Hodder & Stoughton, 1991.
10 Frédéric Turpin, « Forces françaises et américaines dans la crise : de la bienveillance à l’hostilité », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit.
11 Diane B. Kunz, The Economic Diplomacy of the Suez Crisis, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1991.
12 Gérard Bossuat, Les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960 : une nouvelle image des rapports de puissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001 ; Philippe Vial, « L’aide américaine au réarmement français (1948-1956) », dans Maurice Vaïsse, Pierre Mélandri, Frédéric Bozo (dir.), La France et l’OTAN (1949-1996), Bruxelles, Éditions Complexe, 1996, p. 169-188 ; Philippe Vial, « De la nécessité de l’aide, des inconvénients de la dépendance : le réarmement de la marine sous la IVe République », Revue historique des Armées, 2, 1999, La France et l’OTAN, 1949-1967, p. 17-36.
13 C’est le 16 mars 1950 que Churchill, alors leader de l’opposition conservatrice, recommande l’incorporation de troupes allemandes dans le cadre d’une armée européenne à l’occasion d’une déclaration au Conseil de l’Europe : Claire Sanderson, France, Grande-Bretagne et défense de l’Europe 1945-1958, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 265. Voir aussi Saki Dockrill, Britain’s Policy for West German Rearmament, 1950-1955, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, 209 p.
14 Cf. par exemple Bruna Bagnato, « La grande absente : l’Italie et la crise de Suez », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit.
15 Eric Grove, « Whose Side Are We On ? Operation Cordage and Operation Musketeer », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit.
16 L’étude pionnière de Pierre Guillen demeure un point de départ essentiel : « Les chefs militaires français, le réarmement de l’Allemagne et la CED (1950-1954) », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 129, janvier 1983, p. 3-33. À compléter par François David, « Le ministère de la Défense nationale et le haut commandement français face à l’intégration de la RFA dans la CED, puis dans l’OTAN », dans CEHD-université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (éd.), L’Europe et l’OTAN face aux défis des élargissements de 1952 et 1954, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 249-262. Pour une approche d’ensemble, Philippe Vial, La mesure d’une influence. Les chefs militaires et la politique extérieure de la France à l’époque républicaine, thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Robert Frank, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2008, vol. IV, chap. 12 : « De l’armée aux chefs : la construction européenne, une étude de cas », p. 1106-1187.
17 L’évolution de l’attitude du maréchal Juin est de ce point de vue emblématique, Ph. Vial, La mesure d’une influence…, op. cit., p. 1152-1182.
18 Id., « Marianne et la “gouvernante anglaise”… », art. cité.
19 Jacques Bariéty, « La décision de réarmer l’Allemagne, l’échec de la CED et les accords de Paris du 23 octobre 1954 vus du côté français », Revue belge de philologie et d’histoire, 71, 1993, p. 354-383.
20 Philippe Vial, « Le porte-avions, condition de l’autonomie stratégique : Suez, 1956 », Bulletin d’études de la Marine, 46, octobre 2009, p. 79-81.
21 Nghia N’guyen, « Les limites d’une impasse : la logistique navale française durant la crise de Suez », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez, op. cit.
22 Ph. Vial, « Marianne et la “gouvernante anglaise”… », art. cité.
23 Une critique d’ailleurs admise par les défenseurs de la CED, comme l’illustre l’exemple d’Ély : voir Ph. Vial, La mesure d’une influence…, op. cit., p. 1166 et p. 1172.
24 Alex Danchev, « Being Friends : the Combined Chiefs of Staff and the Making of Allied Strategy in the Second World War », dans Lawrence Freedman, Paul M. Hayes, Robert John O’Neill (éd.), War, Strategy and International Politics : Essays in Honour of Sir Michael Howard, Oxford, Oxford University Press, 1992, p. 195-210.
25 Créé en avril 1944, l’état-major de la défense nationale peut être considéré comme le premier véritable état-major interarmées. Il est concurrencé à partir de mai 1948 par l’état-major général des forces armées qui finit par le remplacer, mais sans être initialement au service d’un chef d’état-major en tant que tel, contrairement à la structure précédente. Ph. Vial, La mesure d’une influence…, op. cit., vol. II, chap. 5 : « La réalité d’une organisation : la difficile mise en place d’une charnière politico-militaire », p. 363-371.
26 Jean de Préneuf, Philippe Vial, « L’envers du décor : la coopération franco-britannique lors de la crise de Suez vue par les marins français », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit.
27 A. Danchev, « Being Friends… », art. cité, p. 195-210.
28 Ph. Vial, « Marianne et la “gouvernante anglaise”… », art. cité.
29 Id., « Le groupe et le système : les chefs militaires français et la crise de Suez », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou et Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit. ; François Lafon, « Guy Mollet et la gestion de la crise : le style et la manière », dans ibid.
30 L’exemple des négociations menées par la marine est particulièrement révélateur : Philippe Vial, Ludovic Caserta, « La Marine nationale, l’OTAN et la CED (1950-1954), ou l’impossible marine européenne », Revue historique des Armées, 2, 1999, La France et l’OTAN, 1949-1967, p. 79-94. À compléter par Philippe Strub, La renaissance de la marine française sous la Quatrième République (1945-1956), thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Robert Frank, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2006, p. 398-411.
31 Ph. Vial, « Limites et contradiction d’une méthode… », art. cité, p. 69-72.
32 Ph. Vial, « Limites et contradiction d’une méthode… », art. cité, p. 64-66.
33 Jean-Pierre Rioux, « L’opinion publique française et la Communauté européenne de défense : querelle partisane ou bataille de la mémoire ? », Relations internationales, 37, 1984, p. 37-53 ; Philippe Button, « La CED, l’affaire Dreyfus de la Quatrième République ? », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 84, octobre-décembre 2004, p. 43-59.
34 Eric J. Grove, Sally Rohan, « The Limits of Opposition : Admiral Earl Mountbatten of Burma, First Sea Lord and Chief of Naval Staff Staff », dans Saul Kelly, Anthony Gorst (dir.), Whitehall and the Suez Crisis, Londres, Frank Cass, 2000, p. 98-116.
35 Ph. Vial, « Le groupe et le système… », art. cité.
36 Ibid.
37 Jean-Yves Bernard, « Politique intérieure et décision française dans l’affaire de Suez », dans M. Alexander, R. Frank, G.-H. Soutou, Ph. Vial (dir.), Les Occidentaux et la crise de Suez…, op. cit.
38 J. de Préneuf, Ph. Vial, « L’envers du décor… », art. cité.
39 Ph. Vial, « Limites et contradiction d’une méthode… », art. cité, p. 66-67.
40 Denis Lefebvre, Les secrets de l’expédition de Suez, 1956, Paris, Perrin, 2010, p. 250-252.
41 Christian Pineau, 1956/Suez, Paris, Robert Laffont (Le temps des révélations), 1976, p. 190- 191.
42 Georges-Henri Soutou, L’alliance incertaine. Les relations politico-stratégiques franco-allemandes, 1954-1996, Paris, Fayard, 1996, p. 37-121.
43 Le cas des élites militaires françaises est particulièrement net : Ph. Vial, La mesure d’une influence, op. cit., vol. IV, chap. 12, p. 1133-1134.
Auteur
Service historique de la défense
Directeur scientifique au Service historique de la défense.
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