Conclusion
p. 421-440
Texte intégral
« [La cité] perdura durant les années sombres du iiie siècle et fut sans doute un point d’ancrage fondamental qui permit le rétablissement d’une situation que l’on aurait pu croire désespérée, à s’en tenir aux superstructures de l’Empire. Il fallait donc que la cité antique n’ait pas perdu son âme. »
F. Jacques, Le privilège de liberté, p. 803.
Un dossier documentaire exceptionnel sur une cité gallo-romaine
Une documentation réévaluée
1L’étude historiographique de la réception des discours du corpus des Panégyriques latins a permis de faire ressortir les raisons pour lesquelles ils ont été dépréciés et, ce faisant, mal appréciés par plusieurs générations de savants. Cette attitude tire ses origines dans la méfiance et le mépris à l’égard du genre épidictique exprimés par les moralistes et les philosophes depuis la plus haute Antiquité. Elle résulte des jugements négatifs péremptoires des anciens historiens (Jean-Jacques Ampère, Otto Hirschfeld, Camille Jullian) sur ces discours au style jugé ampoulé et obscur, témoins privilégiés d’une époque décadente. Elle tient aussi au caractère artificiel et vague de leur désignation (des « panégyriques »), dont l’inconvénient majeur est de lisser le contenu et la nature parfois hétérogènes de ces discours, conservés dans un recueil élaboré à la fin du ive siècle dans un contexte particulier. Une fois ces hypothèques levées, il devient possible de rendre à ces discours leur juste valeur, en les étudiant pour eux-mêmes, de manière différenciée, en prêtant une plus grande attention à leur nature véritable. Ainsi, une analyse externe de ces discours (leur contexte d’énonciation) associée à une analyse interne (leurs caractéristiques formelles et leur contenu) permet d’établir que ce ne sont pas de simples éloges d’empereurs. Ils correspondent à des catégories précises et codifiées au sein du genre épidictique : gratiarum actio (remerciement au Sénat et au prince par le consul au moment de son entrée en fonction) ; épithalame (discours en l’honneur du prince qui se marie) ; etc. Deux discours se distinguent par certains traits qui les placent à distance des autres textes du recueil : les Panégyriques latins v(9) et viii(5), qui constituent en réalité deux exemples de discours de délégués de cité (πρεσβευτικòς λόγος, pour emprunter une catégorie aux théoriciens grecs de la rhétorique antique). La nuance est lourde de conséquences, puisque la situation de communication nouée entre les orateurs et leurs destinataires à travers ces deux « pseudo-panégyriques » renvoie aux modes de gouvernement et d’administration de l’Empire, au dialogue entretenu par les dirigeants des cités avec le pouvoir central. Ces discours, ainsi rétablis dans leur véritable nature, se révèlent être, sur la question des rapports entre les cités et le pouvoir impérial, des documents d’autant plus exceptionnels qu’ils n’ont jamais été étudiés sous cet éclairage. Par ailleurs, ils offrent deux magnifiques exemples, en raison de leur ampleur et de leur conservation, d’un genre littéraire dont ils demeurent les seuls représentants.
2Comment expliquer dès lors que les délégués d’une cité d’Occident aient pu prononcer de tels discours à la fin du iiie et au début du ive siècle, alors que des spécialistes comme Fergus Millar ou Georgos Souris1 s’accordent à dire que ces pratiques étaient peu fréquentes en Occident ? Sans reprendre le détail de la démonstration fondée sur l’exploitation de parallèles instructifs tels que les textes des historiens classiques ou les inscriptions, il semblerait que ces discours s’inscrivent dans une forme de communication politique apparue au moment même de la création du Principat, entre l’époque des derniers imperatores et les premiers Julio-Claudiens.
3Cette forme de communication a été qualifiée par G. Souris de provincial diplomacy, expression à laquelle nous avons préféré celle de « diplomatie intérieure », plus juste de notre point de vue. Celle-ci se définit comme une forme de communication hybride, combinant des éléments de la communication diplomatique bilatérale entre deux peuples avec des éléments caractéristiques des relations administratives entre gouvernants et gouvernés2. En somme, les discours éduens s’inscrivent dans une tradition de discours prononcés par des ambassadeurs originaires de l’Orient hellénophone devant l’empereur ou le Sénat, remontant aux débuts du Principat.
4Dans un premier temps, il semble que les principaux topiques du genre ne se soient fixés que progressivement et pragmatiquement, sans qu’aucun théoricien n’en détermine rigoureusement les canons. La pax Romana du iie siècle, après avoir favorisé la multiplication des ambassades ainsi que l’efflorescence culturelle propre à la Seconde sophistique, fut propice à l’établissement des normes du πρεσβευτικòς λόγος. C’est certainement à la même époque que, par l’effet de transferts culturels liés à la circulation accrue des hommes et des idées, le modèle s’est répandu sous cette forme littéraire dans les provinces latinophones de l’Empire, avec des adaptations locales. Dans le cas des Éduens, il faut envisager que le grand-père d’Eumène, rhéteur attique devenu enseignant dans les écoles de rhétorique, a joué un rôle déterminant dans cette transmission de savoirs et de pratiques, même si la documentation, en raison de son caractère fragmentaire, ne révèle que de manière exceptionnelle des parcours analogues, et même si, sur ces questions, surgissent immédiatement à l’esprit les noms d’Apulée ou de Fronton, ces grands rhéteurs latins à l’origine de la diffusion en Occident de la culture hellène de la Seconde sophistique.
5Enfin, il faut admettre, en raison de l’existence même de ces textes, que les différentes crises qui frappèrent l’Occident au iiie siècle n’apportèrent aucune inflexion significative à ce mouvement d’ensemble. Au contraire même, il semble que, dans les provinces occidentales, la présence quasi permanente d’une cour impériale aux frontières à partir des années 250 eut pour conséquence de faciliter l’envoi de légations. Dans cette perspective, les Panégyriques latins v(9) et viii(5) apparaissent comme les témoins privilégiés de l’apogée de cette pratique dans les provinces latinophones de l’Empire. Mieux encore, ils constituent des monuments de l’éloquence de la « Troisième sophistique » (Laurent Pernot), ce que confirme un rapprochement du contenu de ces textes avec les préceptes énoncés par Ménandre le Rhéteur dans son Traité ii. L’époque Tétrarchique constitue en effet un moment d’aboutissement dans l’élaboration d’une koiné culturelle au sein des élites municipales de l’Empire, koiné dont l’unification a été rendue possible par celle, progressive mais inéluctable, des structures et des modes de gouvernement de l’Empire.
6En écrivant en conclusion de la deuxième partie que « le discours d’Eumène constitue un document aussi important et digne de foi qu’une “belle inscription” », un raccourci explicite de la démarche adoptée a été proposé3. Depuis le xixe siècle en effet, s’était progressivement établie une distinction taxinomique séparant la documentation en deux catégories : la documentation « froide », ainsi qualifiée car composée de textes neutres et objectifs en apparence (i.e. les inscriptions et les papyrus), et la documentation « chaude », c’est-à-dire les textes littéraires composés par les Anciens, marqués en conséquence par la subjectivité de leurs auteurs. Dès lors, une approche fondée sur les principes du positivisme historique, prêtant une foi inébranlable dans les témoignages archivistiques, n’a cessé de déplacer l’intérêt scientifique de la seconde à la première catégorie pour échapper aux dangers de la déformation du réel auxquels la littérature exposerait le lecteur naïf, avec pour corollaire l’excès inverse, exposant à un autre travers tout aussi nuisible : celui de désincarner totalement le passé. Dans le présent ouvrage, le travail a consisté, grâce à la somme des connaissances positives engrangées depuis le xixe siècle associées à un décryptage minutieux de cette rhétorique pétrie de conventions, à capter sans risque la chaleur de ces sources, en les observant d’un regard froid, quasi entomologique, le seul susceptible d’individualiser des informations institutionnelles ou juridiques longtemps passées inaperçues.
7Dans le cadre d’analyse ainsi délimité, soumis à de nouveaux questionnaires, les Panégyriques latins v(9) et viii(5) accèdent alors au statut singulier de « testi fondamentali » au sens mazzarinien4, c’est-à-dire de documents historiques de premier ordre pour saisir et caractériser l’essence d’une époque. Car précisément, les discours éduens ouvrent de larges horizons peu explorés sur les institutions municipales de la Gaule à la fin du iiie siècle alors que ces territoires manquent de l’abondant matériel épigraphique qui fait de l’Italie et de l’Afrique des observatoires privilégiés.
Une contribution à. l’étude des institutions municipales
8Les informations à caractère institutionnel et juridique contenues dans les Panégyriques latins v(9) et viii(5), à condition d’être scrutées avec minutie, contribuent à améliorer considérablement notre connaissance de la vie municipale dans les provinces Occidentales des Gaules et des Germantes et à éclairer la nature des relations entretenues par une cité avec le pouvoir central, à une époque de transition remplie d’incertitudes (fin du iiie-début du ive siècle).
9À un premier niveau, il faut considérer ce dossier complet et détaillé comme un cas d’étude exceptionnel pour aborder la politique de rétablissement de l’Empire par les Tétrarques. Dans ce domaine, les discours des orateurs éduens sont trop précis pour envisager que leurs auteurs aient manipulé la réalité et décrit une restauration imaginaire. La restauration d’Augustedunum-Autun, contrairement à ce qu’affirmait Alain Rebourg, n’est donc pas un « mythe », et ces témoignages ne sont réductibles ni à de simples effets d’annonce ni à de la pure propagande5. La restauration mentionnée est effective, même si elle demeure probablement inachevée en 298, ce que ni Eumène ni l’Anonyme de 311 ne cherchent d’ailleurs à masquer. Chacune des interventions ordonnées par Constance Ier et ses collègues s’avère être en parfaite conformité avec les politiques menées par leurs prédécesseurs du Haut-Empire. La remarque vaut aussi bien pour l’aide financière directe, pour l’envoi d’artisans et de soldats chargés de participer à la reconstruction, que pour la politique de repeuplement de l’ordo decurionum. De la même manière, chaque intervention impériale s’inscrit dans un cadre juridique qui en délimite très précisément l’application. La priorité semble donnée par les empereurs à la restauration du chef-lieu de la cité, car il s’agissait avant tout de préserver sa dignité, de restaurer dans un premier temps tout ce qui faisait de la cité des Éduens une ciuitas à part entière, c’est-à-dire ses monuments publics officiels et son conseil. L’auteur du discours de 297 évoque pour sa part un volet original de cette politique volontariste, relativement nouveau par son ampleur, qui consistait à repeupler et à remettre en culture des campagnes abandonnées par l’installation de barbares vaincus.
10À un deuxième niveau, Eumène décrit un acte d’évergétisme d’une grande ambition, le seul attesté en détail en Gaule à cette époque. Son discours constitue un document exceptionnel en raison du luxe de détails, de la qualité et de la variété des informations qu’il contient. Eumène dévoile indirectement les mécanismes financiers de l’affaire, la répartition des responsabilités, et il livre au passage de précieux renseignements sur sa famille, son milieu social ainsi que sa carrière. Il apparaît dès lors comme le notable gallo-romain du iiie siècle le mieux documenté avec Titus Sennius Solemnis, connu grâce au « marbre » de Thorigny gravé en décembre 2386. Eumène représente bien la frange supérieure des élites municipales en raison de sa culture, de sa richesse, de sa brillante carrière équestre, de son statut et de son rayonnement social. Sa nomination à la tête des écoles, dans l’esprit des empereurs, constituait assurément un volet de la politique de restauration de la cité. Mais derrière l’objectif affiché, les Tétrarques ont probablement cherché à impliquer plus encore ce haut dignitaire retiré de la vie publique dans le rétablissement de sa patrie, alors qu’il pouvait, s’il le désirait, ne pas intervenir, puisque son double statut d’ancien fonctionnaire et de rhéteur municipal lui garantissait l’immunité et lui permettait d’échapper aux charges (munera) pesant sur les décurions en fonction.
11À un troisième niveau, l’étude du rôle joué par l’interlocuteur d’Eumène – le Vir perfectissimus – permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles les autorités impériales sont intervenues dans cette entreprise évergétique. Sur ce point, le discours d’Eumène constitue une source précieuse sur les tournées provinciales des gouverneurs. Selon toute vraisemblance, l’interlocuteur anonyme d’Eumène était le gouverneur équestre (praeses) de la Lyonnaise dans ses limites du Haut-Empire. Le recours à des rapprochements puisés dans la documentation juridique permet de déterminer le rôle exact joué par ce dernier dans l’affaire : à la fois inspecteur, juge et rapporteur, il lui revenait d’établir la validité de l’entreprise engagée par Eumène, à une époque où toute nouvelle construction confiée aux autorités municipales menaçait de rompre les équilibres financiers et sociaux de la cité en voie de rétablissement, cité dont les caisses devaient supporter le financement de lourds chantiers inachevés. Par ailleurs, il revenait au Vir perfectissimus d’examiner la candidature et de désigner officiellement le curateur chargé de superviser les travaux. Eumène livre incidemment le nom de ce personnage clé : il s’agit de Glaucus, en qui il faut voir l’un des principales les plus influents et les plus en vue de la ciuitas Aeduorum.
12À un dernier niveau enfin, le Panégyrique latin viii(5) constitue une source d’exception sur la vie municipale considérée sous l’angle de la fiscalité et des rapports avec le pouvoir impérial, à un moment où la réforme fiscale engagée une décennie plus tôt faisait sentir ses premiers effets. Ce document admirable a très tôt attiré l’attention des spécialistes et a fait couler beaucoup d’encre. Sur ce point, le présent travail s’est orienté dans trois directions longtemps négligées. D’abord, il a été rappelé que la ruine des campagnes décrite dans ce discours, si elle témoignait bien d’une crise, ne devait pas être extrapolée à l’ensemble des campagnes de la Gaule ni être invoquée comme une preuve à l’appui de la théorie d’une ruine généralisée des campagnes dans l’Antiquité tardive. Ensuite, il est ressorti que, dans le cadre de cette opération de remise d’impôts, les principaux bénéficiaires furent les curiales eux-mêmes, en leur double qualité de grands propriétaires terriens et de percepteurs responsables sur leurs biens propres du versement dû par la cité au fiscus. Enfin, il est apparu que l’origine de cette crise révélée dans les années 305-306 pouvait être établie à la lumière de la politique impériale de restauration décrite par l’Anonyme de 297 et Eumène. Car en consacrant autant d’efforts à la restauration du caput ciuitatis, cette politique, aux effets immédiats sur le court terme, semble avoir pesé lourdement sur le rétablissement des campagnes, en dépit d’exemptions accordées à titre exceptionnel. Aussi, une fois interrompue cette aide artificielle formée d’indulgentiae (probablement des réattributions locales de sommes dues normalement au fiscus), une fois la restauration bien engagée, suivie de l’application immédiate de la nouvelle fiscalité accompagnée d’une tarification élevée du caput, l’inachèvement et la fragilité de ce rétablissement se révélèrent crûment. Certes, considérés individuellement, ces problèmes n’étaient pas insurmontables ; en revanche, leur enchaînement et leur accumulation l’étaient plus, justifiant une nouvelle intervention du pouvoir impérial.
13In fine, dans un discours consacré principalement à des affaires d’exemption fiscale, il est surprenant de constater le poids accordé, dans le dénouement de l’affaire, aux arguments échappant à toute logique juridique et relevant de considérations purement idéologiques.
Une contribution à l’étude de la « civilisation municipale »
14Les enseignements tirés d’une lecture des Panégyriques latins v(9) et viii(5) centrée sur les questions idéologiques sont multiples.
15Dans un premier temps, se révèle la manière dont des notables municipaux se représentaient le prince et la façon dont ils concevaient son rôle, son « métier » pour reprendre un mot de Michel Christol7. L’éloge du prince tel qu’il est formulé ne se réduit pas à une simple répétition servile des éloges officiels contemporains émanant du pouvoir lui-même. Les orateurs, chacun à sa manière, se sont réapproprié ces éléments en fonction des préoccupations qui étaient les leurs, en fonction, en particulier, du mandat qui leur avait été confié par leurs concitoyens. Au final, ces ambassadeurs brossent le portrait de princes incarnant un bon gouvernant proche de ses sujets, bienveillant à leur égard et dont l’attitude est conforme à leurs attentes. Le consensus qui se dégage se lit clairement à travers les scènes de rencontres rapportées à différentes reprises (aduentus, ambassades, audiences). Pour autant, ce consensus ne témoigne pas d’un asservissement de la part des provinciaux ; il constitue l’aboutissement d’un dialogue conduisant les habitants de la cité à proclamer de bon gré leur allégeance au prince régnant. Il faut reconnaître, dans le cadre de cette communication, les outils subtils – car fondés sur des énoncés polysémiques – offerts par la rhétorique épidictique. Si l’éloge peut parfois être interprété comme le seul recours des faibles, il peut également amadouer et flatter les puissants. Il peut de surcroît servir à souligner la valeur exemplaire du destinataire et, mieux encore, déboucher sur la formulation de suggestions et de conseils plus ou moins explicites adressés au laudandus et susceptibles de le faire changer d’avis ou de le convaincre d’accorder des bienfaits. Dans le dialogue noué avec les empereurs, telle fut la voie empruntée par les Éduens pour exprimer leur opinion sur la politique impériale. Au final, il faut donc admettre que le message délivré par ces orateurs, coulé dans le moule de la rhétorique épidictique, revêt une dimension politique non négligeable.
16Dans le prolongement de ces réflexions, l’importance dans le dialogue, même à une époque avancée, du vieux titre de fratres populi Romani a été soulignée. Si le titre constituait un élément fondateur de l’identité éduenne (un de ses « lieux de mémoire »), il ne possédait alors aucune réalité juridique et institutionnelle aux yeux des dirigeants romains. Et pourtant, comme la lecture des Panégyriques latins le révèle, ce titre est invoqué par tous les orateurs éduens sans exception, l’auteur du discours de 311 allant même jusqu’à rappeler certaines clauses du foedus qui liaient Romains et Éduens à l’époque républicaine, foedus dont le titre de fratres constituait la principale émanation. Employé comme un argument d’autorité, ce titre prouvait et établissait la primauté des Éduens sur les autres peuples des Trois Gaules et, partant, légitimait leurs prétentions à recevoir des beneficia exceptionnels.
17Pour terminer, une lecture dénuée de préjugés des passages où se trouvent indiqués le statut colonial de la cité ainsi que des éléments essentiels de sa titulature (Bibracte Iulia Pol(l)ia Florentia Flauia) permet de vérifier la précision et la véracité de leur propos et de souligner, comme pour le titre de fratres, l’importance effective, dans le dialogue engagé avec les autorités, de ces réalités à une époque où elles n’avaient plus nécessairement de valeur juridique. Il apparaît donc que le statut de colonie latine de fondation augustéenne, précédé probablement d’un statut de cité fédérée bénéficiant du droit latin à un moment précis difficile à établir (entre César et les années 20 avant notre ère), comme on peut le déduire de sa titulature (colonia Iulia Pol(l)ia et Florentia ?), contribuait, aux yeux des Éduens et du pouvoir romain, à conférer à la cité un rang particulier parmi les ciuitates de Lyonnaise et des provinces voisines, autrement dit une dignitas exceptionnelle source d’une grande auctoritas, qui suffisait à elle seule à justifier des privilèges.
18Comme pour le titre de fratres, le poids du passé, le respect des préséances et de certaines formes de distinction symbolique ont pesé lourd dans le dénouement du dialogue instauré entre les autorités civiques et impériales dans les années 290-300. Car le dossier éduen place d’emblée cette histoire des relations entre une cité et les dirigeants romains sur un temps long, jalonné de rencontres régulières. Celles-ci se fondent toujours sur une stratégie émanant des autorités civiques et réclamant en retour l’octroi de bienfaits de la part du pouvoir impérial, dans un échange perpétuel et circulaire de beneficia et de preuves de merita. Sur le sujet, l’exemple fourni par les panégyristes figure parmi les dossiers les plus remarquables, au point de tenir la comparaison avec ceux qui furent analysés par Louis Robert. Grâce à cette mémoire civique ancrée dans la durée, bâtie sur des repères historiques et identitaires soigneusement entretenus et jamais tombés dans l’oubli, la cité des Éduens entre dans la galerie prisée et sélective des cités que leur forte personnalité autorisait à affronter fièrement les autorités impériales et même, si l’occasion se présentait, à dialoguer directement avec le prince, presque d’égal à égal. En fait, dans les paroles d’Eumène et de l’Anonyme de 311, derrière les sujets traités, se révèle la vive conscience de la position de leur communauté. Or, loin de n’être qu’une proclamation arrogante décrochée des réalités, celle-ci alimentait une supériorité statutaire reconnue par les empereurs dès les origines du Principat8. Aussi, dans ce dialogue, un jeu très fin s’est joué, rappelant que si la société provinciale continuait d’être organisée et hiérarchisée par l’empereur de Rome, les provinciaux demeuraient encore largement, à travers cette diplomatie interne assimilable à un Konsensritual (Egon Flaig9), le quatrième pôle de la légitimité impériale aux côtés du Sénat, du Peuple de Rome et de l’armée. En somme, ce que Greg Rowe a démontré dans son étude sur le règne de Tibère, à savoir l’émergence d’un nouvel acteur de la légitimité du prince, l’analyse de ces discours le confirme avec éclat pour des époques bien plus avancées10.
19Une fois ce bilan dressé, il reste à consacrer d’ultimes réflexions à deux questions qui, bien qu’elles aient traversé l’ensemble du propos, n’ont été traitées qu’en pointillés. La première concerne l’empreinte laissée par Rome sur les Gaules. Elle oblige à s’interroger sur le phénomène de la romanisation à travers un cas d’étude fort détaillé et fort riche, unique par sa date tardive. La seconde porte sur les rythmes et les transformations de la vie municipale en Occident et peut se résumer ainsi : sur le long terme, comment situer et caractériser ce cas d’étude ? S’inscrit-il dans le prolongement de la vie municipale du Haut-Empire ou, au contraire, est-il annonciateur et en ce sens significatif des évolutions qui arrivent à maturation au ive siècle, avant la disparition, tantôt progressive, tantôt brutale, du modèle civique au siècle suivant ?
L’empreinte de Rome sur les Gaules : quelques réflexions autour de l’exemple éduen
20Le dossier rassemblé éclaire les modalités et les formes de la romanisation du point de vue des principaux intéressés, à savoir les dirigeants de la ciuitas Aeduorum. Ce n’est pas un hasard si l’ouvrage de Greg Woolf s’ouvre précisément sur l’étude du discours d’Eumène ainsi que sur un panorama de l’histoire des Éduens depuis La Tène finale jusqu’au début du ive siècle11. La richesse et l’ampleur du dossier documentaire éduen en font un cas d’étude complet et inscrit dans la durée, susceptible d’être confronté aux théories sur la romanisation qui, depuis plusieurs décennies, ont suscité de nombreux débats12.
21Selon les perspectives adoptées, la romanisation a été perçue de manière parfois très différente, chaque tenant d’une théorie proposant une analyse ainsi qu’une définition personnelle de ce concept aux contours très lâches. Au point de voir certains renoncer à tout usage de cette notion jugée galvaudée, préférant lui substituer de nouveaux concepts moins connotés13. Nous continuerons ici de l’employer en prenant acte de la diversité de significations que le terme revêt selon les travaux.
22Pour simplifier à l’extrême, les principales théories avancées correspondent à trois grands modèles. Le premier modèle, diffusionniste, défend l’idée d’une romanisation imposée par le haut, ayant débouché sur un consensus résigné, sur une normalisation des identités, bref, sur une acculturation forcée. C’est le modèle le plus ancien, hérité de la recherche historique de la fin du xixe siècle et qui a largement prévalu jusque dans les années 1970 au moins. Ce modèle de la romanisation, centré sur les questions institutionnelles et juridiques, était apparu dans le contexte politique du xixe siècle, qui avait vu naître les État-Nations et le mouvement de colonisation14.
23L’autre modèle prend le contre-pied du précédent, tout en demeurant prisonnier des mêmes schémas de pensée : au lieu d’être un processus imposé d’en haut par les dirigeants romains, la romanisation consisterait en l’adoption de plein gré, par les intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire les provinciaux et au premier chef leurs élites, du modèle civique gréco-romain. Ce schéma insiste sur l’idée d’une « autoromanisation » et met l’accent sur les éléments culturels du phénomène. Dans ce cadre, la négociation continue des élites locales avec les autorités romaines est considérée comme la principale modalité du processus15.
24Le dernier modèle enfin, ou plutôt les derniers modèles, qui peuvent être qualifiés, avec Hervé Inglebert, de modèles complexes, tentent à la fois de concilier et de s’affranchir de ces deux visions antagonistes, simplificatrices car trop « romanocentrées ». Les tenants de ces modèles complexes16 défendent l’idée selon laquelle la romanisation aurait été l’aboutissement de processus et de tendances parfois très différents selon les lieux et les époques, fondés tantôt sur une coercition plus ou moins forte de la part des autorités romaines, tantôt sur l’acceptation volontaire du nouveau modèle de civilisation et de gouvernement, tantôt enfin sur l’adoption progressive et souple, sur plusieurs générations, des valeurs et du mode de vie romains. Ce cadre de réflexion fondé sur une approche complexe et différenciée permet aussi bien d’expliquer l’acculturation plus ou moins prononcée des peuples vaincus ou soumis que l’existence et le maintien parfois tenace du substrat culturel antérieur à la conquête. En somme, pour comprendre la romanisation, il faut s’interroger à la fois sur les politiques de Rome à l’égard des communautés et sur les modalités de la « participation à la romanité17 » à l’échelon local.
25Il reste maintenant à mettre la théorie à l’épreuve des réalités observées dans le dossier éduen. Commençons d’abord par récuser les thèses selon lesquelles le consensus qui émanerait de textes épigraphiques ou de discours comme ceux prononcés par les ambassadeurs éduens ne serait que le maquillage habile d’un ordre artificiel proclamé comme tel, masquant l’exercice d’une domination cynique et brutale par Rome. En soi, une telle conception s’inscrit dans le droit fil du modèle de romanisation diffusionniste imposé par le haut. Comme nous l’avons souligné – et d’autres avant nous –, il ne faut pas considérer le formulaire des inscriptions ni les mots des orateurs éduens comme les simples témoignages d’un consensus résigné, qui justifierait idéologiquement la domination romaine après coup, par défaut en quelque sorte. Il faut supposer une vraie adhésion à Rome, à l’Empire, aux valeurs civilisatrices de la part de ces sociétés provinciales, adhésion qui autorisa, malgré l’ampleur de la crise des années 250-270, le maintien, même fragilisé et au prix d’une continuité douloureuse, des systèmes civique et impérial puis, une fois passée la tempête, leur rétablissement18. Dans le cas particulier des Éduens, le dossier demeure suffisamment documenté pour définir avec précision les termes et les modalités de cette adhésion à la romanité.
26Autour des années 290-310, l’adhésion passait avant tout par l’acceptation et l’adoption d’un modèle politique et d’un cadre de vie intimement liés à ce modèle, donc par la reconnaissance du modèle impérial et du modèle civique auxquels était lui-même lié le modèle urbain. Au iiie siècle, en dépit de l’homogénéisation des statuts des cités, les notables éduens continuèrent d’envisager la domination romaine en termes contractuels : la puissance de Rome et de son prince était acceptable parce que le système impérial, en échange d’une proclamation sincère d’allégeance et du paiement d’un tribut, était le meilleur gage de paix, de prospérité et de libertas. La convergence d’intérêts très précoce entre les dirigeants éduens et romains se lit dans l’urbanisme du caput ciuitatis, Augustodunum, conçu comme un lieu central, un lieu de réunion, un lieu d’incarnation dans la pierre et dans l’urbanisme des valeurs communes de civilisation.
27L’acceptation de ce modèle politique impliquait l’adoption de pratiques sociales et culturelles originales apparues très tôt, dont la mise en œuvre participait en retour à consolider et à renforcer le système civique et l’édifice impérial. C’est pourquoi, malgré les crises auxquelles les Éduens furent confrontés, crises qui contribuèrent à affaiblir la communauté, l’idéal de l’évergétisme fut à nouveau cultivé une fois passé le danger, ce dont témoigne avec éclat l’entreprise de restauration des écoles engagée par Eumène. Sa procédure se trouve être absolument conforme aux évergésies des décennies précédentes, aussi bien dans sa dimension institutionnelle (contrôle des finances, nomination d’un curateur) que dans ses ressorts idéologiques (amour de la patrie et des siens, respect des traditions familiales). De la même manière, les cérémonies et rituels soigneusement mis en scène par les habitants de la cité lors des entrevues avec le prince ou son représentant révèlent une autre facette des pratiques et des rituels du consensus, orchestrés selon des règles protocolaires bien définies, élaborées durant les deux premiers siècles de l’Empire et communes à l’ensemble des cités du monde romain. Enfin, toujours dans le domaine des pratiques d’adhésion au régime impérial, il faut rappeler le rôle essentiel exercé par la rhétorique enseignée dans les écoles municipales. Car cet art du langage était conçu à la fois comme un puissant outil de communication avec le pouvoir et comme un facteur d’acculturation et d’adhésion au modèle culturel gréco-romain. De la même façon, le droit romain, dont plusieurs rhéteurs éduens semblaient de bons connaisseurs sinon des spécialistes, remplissait ces fonctions. Sa maîtrise était devenue indispensable en un temps où Dioclétien engageait des réformes dont l’objectif avoué était précisément d’homogénéiser les statuts des cités, d’abolir les privilèges locaux et de gérer l’Empire selon des règles communes à l’ensemble des communautés civiques.
28Cette participation à la romanité passait donc, chez les Éduens, par l’adhésion complète à des valeurs de référence : παιδεία, urbanitas, romanitas. En plus de cette adhésion à des valeurs structurelles, transparaît des panégyriques étudiés une adhésion à des valeurs plus circonstancielles, autrement dit une adhésion au système de valeurs propre à l’idéologie des empereurs du moment. Ces discours révèlent combien les notables étaient réceptifs aux thèmes idéologiques chers à Dioclétien et à ses collègues (idéologie jovienne et herculienne, similitudo et concordia entre les princes, etc.), puis plus tard à Constantin (idéologie dynastique, importance de Sol-Apollon). Sans s’appesantir sur la question, on peut s’interroger sur les canaux par lesquels ces notables tenaient leurs informations : par les textes et directives qui leur étaient transmis (par exemple, les préfaces d’édits affichés dans la cité) ; par les images qui leur parvenaient (images monétaires ou peintes) ; par la chancellerie dont certains d’entre eux avaient été membres, comme Eumène ; par les Éduens qui faisaient carrière dans l’administration ou l’armée ; par ce que leur rapportaient les légats municipaux de retour de Trèves ? La réponse ne peut être univoque et il faut supposer des sources d’informations multiples. Pour autant, les discours sont particulièrement instructifs, surtout s’ils sont placés en regard des textes épigraphiques contemporains, sur l’habileté avec laquelle les notables locaux pouvaient se réapproprier ces thèmes généraux et les infléchir dans le cadre de situations de communication, en mettant l’accent sur les intérêts locaux et provinciaux : par exemple, en insistant dans les discours sur l’éloge de leur empereur, c’est-à-dire du prince le plus proche, celui dont la tâche était de gouverner et de défendre les provinces d’Occident, en l’occurrence Maximien, Constance, puis Constantin. Nous rejoignons ici le constat dressé par Roger Rees dans sa thèse.
29Il apparaît donc très clairement que l’attachement à l’Empire exprimé par les notables éduens était profond. Toutefois, ce légitimisme pouvait fort bien s’accommoder d’une identité locale prononcée. Les mentalités des notables éduens étaient à la fois imprégnées de l’universalisme romain et de particularismes exprimés à travers trois éléments bien caractérisés :
- des lieux, des éléments matériels qui consistent en un patrimoine architectural composé des ornamenta ciuitatis (basilique, forum, capitole, temples, murailles) et d’autres bâtiments remarquables (écoles, demeures privées). Ces particularismes s’expriment tout particulièrement dans le cas des temples (divinités locales comme Apollon, Capitole...) ;
- des références au passé et une mémoire collective qui retiennent de manière sélective des événements de l’histoire des Éduens. Cette mémoire est entretenue oralement ou par l’intermédiaire de textes écrits mais disparus, ou encore par l’érection et l’entretien de monuments chargés de commémorer le passé ;
- la recherche d’une distinction fondée sur la revendication d’une prééminence vis-à-vis des peuples et cités voisins, dans le cadre d’une forme de compétition agonistique qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle se livraient les cités de l’Orient romain19. Cette distinction s’exprimait par le rappel des hauts faits du passé, des titres et de la titulature civique, par une proximité entretenue avec les empereurs et les membres de la famille impériale. De ce prestige revendiqué de génération en génération découlait, dans le cercle des élites éduennes, un sentiment de supériorité particulièrement exacerbé, à la hauteur de la dignitas dont bénéficiait ce peuple aux yeux des Romains depuis des temps reculés.
30Notons pour terminer que l’une des caractéristiques distinguant les élites éduennes des notables des cités voisines réside dans les formes d’autocélébration pratiquées. En effet, l’affichage d’inscriptions dans des lieux publics ne semble pas avoir été un moyen privilégié par les élites locales pour affirmer leur identité et asseoir leur prestige. Si les inscriptions publiques sont nombreuses à avoir disparu en raison des remplois ou des destructions intervenues dès l’Antiquité, les méfaits du temps n’expliquent pas tout. En réalité, les élites éduennes semblent avoir adopté comme forme d’autocélébration privilégiée l’art oratoire et les cérémonies qui l’accompagnaient, de la même façon que certains membres de la haute société trévire du iiie siècle, sur leurs tombeaux familiaux, mettaient moins l’accent sur les inscriptions que sur les bas-reliefs pour célébrer leur gloire personnelle20. De ce point de vue, les discours qui constituent le noyau éduen du recueil des Panegyrici Latini doivent être considérés comme des monuments à part entière, au même titre que les bâtiments érigés au cœur de la cité : des monuments littéraires dressés à la gloire des empereurs, à la gloire de leurs auteurs, à la gloire de la cité qui fournissait à Rome de si fins lettrés et qui entretenait des relations privilégiées avec les princes. Autant de raisons qui expliquent en partie la conservation par écrit de ces discours à Autun même sous la forme d’un recueil, puis, un demi-siècle plus tard, leur insertion par Latinius Pacatus Drepanius dans un florilège représentatif des œuvres issues du milieu des rhéteurs gallo-romains du ive siècle.
31D’une certaine manière, ces traits formés par touches successives permettent d’esquisser la « couleur locale » (Paul Veyne), couleur locale qui donnait la tonalité d’ensemble à un patriotisme municipal s’exprimant à travers une éthique conservatrice et sentimentaliste où étaient exaltés l’amour des siens, le zèle envers sa patrie, le respect des traditions. Bien entendu, il ne faut pas oublier que ces discours permettent d’atteindre seulement les mentalités et les idéaux de ceux qui prenaient officiellement la parole, c’est-à-dire les élites dirigeantes et surtout la frange supérieure de l’ordo decurionum : les principales et les primores ciuitatis21. Dans ces conditions, les formes d’adhésion à la romanité du reste de la population, c’est-à-dire de la majorité des membres de la communauté civique, échappent entièrement à l’observateur. Par ailleurs, les témoignages des grands notables forment un prisme trop déformant pour que l’on puisse tirer quelque information des rares passages où ils daignent mentionner le populus.
32Ainsi, l’empreinte de Rome sur les Éduens fut tout sauf un vernis, tout sauf une greffe contre nature. Elle procédait d’un modèle éminemment politique à la fois imposé et accepté, celui de la ciuitas, dont la réussite dépendait de sa réappropriation et de son acclimatation à l’échelon local. Les habitants d’Autun, tout en étant attachés à leur patrie et à leur histoire, faisaient preuve à l’égard des Romains d’un grand loyalisme. De la même manière, les familles surent se réapproprier et intégrer les nouvelles institutions politiques imposées par le vainqueur. Enfin, bien que ces personnages aient adopté la culture gréco-latine, comme l’attestent de nombreux indices documentaires, certains d’entre eux entretinrent des traditions vivaces liées à la pratique de la langue celte22. La romanisation ne peut donc pas être envisagée sous un angle unique, car elle consiste en l’accumulation, la juxtaposition et l’interpénétration de tous ces phénomènes, qu’il faut systématiquement considérer ensemble et en contexte23.
33Le processus de romanisation constitua une belle réussite dans la ciuitas Aeduorum. La situation observée à la fin du iiie siècle témoigne d’un processus d’approfondissement et de consolidation des acquis des siècles passés.
La vie municipale en Gaule dans les années 290-310 : continuités et ruptures
34Si la question de la continuité ou de la rupture dans l’histoire de la vie municipale à Autun à la fin du iiie siècle ne peut être éludée, encore faut-il la poser dans les bons termes. Car une impression contradictoire ressort d’une étude au plus près des sources. D’un strict point de vue formel, les discours éduens contrastent avec les sources relatives à la vie municipale du Haut-Empire et sont très proches, dans leur esprit, d’autres sources tardives de nature épigraphique, juridique ou littéraire. Pourtant, les apparences sont trompeuses car, dans le détail, la majorité des pratiques institutionnelles rapportées dans ces textes s’inscrivent dans le prolongement de celles du Haut-Empire. De la même façon, le souvenir de titres et de statuts anciens inattendus à une date aussi avancée y est présent.
35Parmi les éléments de continuité attestés, une première série concerne plus spécifiquement les mentalités. À la fin du iiie et au début du ive siècle, les notables se pensaient comme les héritiers des Éduens d’avant la conquête. Ils étaient fiers de leur titre de fratres populi Romani et de la prééminence de leur cité, incarnée dans sa titulature officielle ; ils étaient fiers de la relation privilégiée entretenue avec plusieurs empereurs, depuis Claude II jusqu’à Constantin et même avant, avec César et Auguste. Des éléments de continuité apparaissent également dans des pratiques de gouvernement à l’échelon local qui s’inscrivent dans la plus stricte tradition du Haut-Empire : recours à l’envoi d’ambassades avec discours d’accompagnement ; intervention du pouvoir dans certains domaines particuliers mais délimités juridiquement pour relever la cité et éviter sa ruine financière ; souci d’assurer à l’échelon local un bon système éducatif ; contrôle exercé par le gouverneur dans le cadre de tournées, afin de garantir le bon déroulement de chantiers en cours et d’en autoriser de nouveaux en cas de sollicitation.
36Ces indices d’une continuité incitent à sortir des schémas traditionnels qui tendent à surévaluer la violence des crises qui frappèrent la Gaule et la cité au cours du iiie siècle. Certes, elles furent violentes et brutales ; mais il s’agit d’une succession de crises, surmontées avec plus ou moins de facilité selon les capacités de réaction des communautés civiques. Quant aux moyens du rétablissement, ils furent recherchés parmi les recettes qui avaient fait leurs preuves aux époques antérieures ; rien de neuf ni d’original ne peut être mis en évidence pour cet aspect.
37Concernant les éléments de nouveauté, les discours révèlent le souci constant des autorités centrales d’intervenir plus directement et d’exercer un contrôle plus pointilleux et scrupuleux sur les finances et la fiscalité des cités. Par-delà les circonstances locales et la volonté d’agir avec urgence, ces textes reflètent une tendance et semblent significatifs d’une époque durant laquelle Dioclétien et ses collègues cherchèrent, plus qu’auparavant peut-être, à mettre en œuvre effectivement les principes et les réformes qu’ils avaient eux-mêmes édictés, afin de garantir le rétablissement rapide de l’Empire.
38Un autre élément nouveau, propre au contexte des années 290, mérite d’être signalé : il s’agit de traits caractéristiques de l’idéologie du pouvoir conçue par Dioclétien dans le cadre de la Tétrarchie, qui touchent à l’image et à la représentation des princes et, par conséquent, à une nouvelle définition du régime impérial. Car, comme cela a été mis en évidence dans le chapitre 8, apparaît dans ces textes et dans les autres discours du recueil (qui sont de véritables discours d’apparat) une nouvelle image du pouvoir, qui puise à des traditions anciennes certes, mais qui se formalise dans une norme inédite. Ces principes nouveaux rendent mieux compte des évolutions du Principat en ne cachant plus – ou beaucoup moins – que le régime défini par Auguste était un système monarchique qui s’assumait en tant que tel, dans le cadre d’une idéologie rattachant plus qu’auparavant le prince tout-puissant au domaine des dieux et reléguant à la portion congrue les éléments qui entretenaient la fiction d’une continuité avec la République.
39Enfin, l’élément novateur le plus remarquable apparaît dans le style épidictique très fleuri dont font preuve les orateurs. Ce trait, plus que tout autre, ancre définitivement ces textes dans leur époque, puisque cette prolifération de superlatifs et de rhétorique encomiastique s’observe partout, en particulier dans le formulaire des textes officiels, juridiques ou épigraphiques24. Cette nouvelle forme de communication, si souvent critiquée par les commentateurs, ne doit pas être minorée tant elle est révélatrice de transformations profondes opérées dans la culture, dans les mentalités et dans les pratiques du pouvoir.
40Dans ces conditions, quelles conclusions d’ensemble tirer ? S’agit-il de textes inscrits dans la tradition du Haut-Empire ou de « textes tardifs » ? Il serait tentant d’affirmer qu’il n’est pas permis de trancher et qu’il serait plus judicieux de réorienter le questionnement en se demandant si, après tout, la période qui s’ouvre avec l’avènement de Dioclétien et qui se prolonge dans les premières années du règne de Constantin ne fut pas, pour les cités et leurs dirigeants, une période particulière de transformations où rien n’était joué d’avance, où le passé demeurait très vivace et pouvait entretenir l’espoir d’un retour à la situation qui prévalait avant la crise, malgré les réformes engagées (homogénéisation des statuts civiques, réforme fiscale et provinciale) et dont les effets commençaient à se faire sentir. Au final, les mutations de la cité des Éduens furent multiples et profondes, même si le processus s’accomplit par étapes et que s’observe en de nombreux domaines une évidente continuité avec le Haut-Empire. Pour autant, cette continuité est douloureuse car marquée par un coût social évident, trop souvent éludé par les tenants d’une Antiquité tardive heureuse. Si le système civique, dans cette communauté, semble avoir traversé vaille que vaille les troubles de la grande crise du iiie siècle, ce fut au prix de rapports sociaux plus tendus, plus brutaux car plus inégalitaires que par le passé, comme le montre l’analyse du dossier de la fiscalité locale dans les années 300-310.
41Des réflexions qui précèdent découle un ultime questionnement, incontournable : peut-on et doit-on extrapoler le cas d’étude de la ciuitas Aeduorum, sachant qu’il s’agit du seul point d’appui, du seul dossier aussi détaillé sur la vie municipale en Occident à cette époque ?
42À l’image des cités voisines de Gaule et des Germanies, la cité des Éduens subit les contrecoups directs et indirects de la grande crise du iiie siècle : invasions, destructions plus ou moins importantes, désordres sociaux et économiques. Localement, elle fut frappée par une grave crise, au moment de sa révolte et du sac d’Autun par les troupes de Victorin en 270. Ces deux crises cumulées, l’une structurelle, l’autre conjoncturelle, ont certainement grevé l’épanouissement de la ville et des campagnes éduennes durant les décennies suivantes. Mais par-delà ces difficultés profondes, le rétablissement fut somme toute rapide. Tout ne peut être imputé au seul interventionnisme impérial, et il faut compter sur la vitalité des élites locales qui surent surmonter les difficultés. Certains notables surent préserver leur pouvoir et maintenir leur rang et leur fortune, tel Glaucus. D’autres firent carrière en plein cœur de la crise, tel Eumène, chevalier romain devenu magister memoriae. Si, dans cette cité particulièrement touchée par la crise, une partie des élites municipales s’en sortit fort honorablement, pourquoi ne pas étendre la situation aux cités voisines ?
43Dans cette perspective, si l’on se place au milieu du ive siècle, à la veille de la révolte de Magnence et des troubles engendrés par les raids des Alamans sur la frontière rhénane, il est difficile d’affirmer que le rétablissement des années 290-300 n’a été qu’un feu de paille. Les arguments qui plaident en faveur d’une décadence d’Autun à cette époque demeurent très fragiles : Ammien Marcellin évoque les murs en mauvais état25 mais ne dit rien des écoles de la cité ; des fouilles récentes ont mis en évidence l’abandon de maisons et de secteurs artisanaux très actifs encore au début du iiie siècle26. On peut objecter que l’état de dégradation de l’enceinte augustéenne ne doit pas nécessairement être étendu aux autres monuments ; que le silence sur les écoles au ive siècle n’est pas plus éloquent que celui que l’on observe pour le iie siècle ; que les fouilles les plus sérieuses n’ont porté que sur des secteurs périphériques, laissant dans l’ombre le destin du centre politique et monumental d’Augustodunum à cette époque. Afin de nuancer ce tableau pessimiste, le dynamisme précoce du christianisme dans la cité doit être rappelé : la ville d’Autun était encore dans les années 350 le cadre d’événements de première importance (révolte de Magnence le 18 janvier 350, combats violents aux portes de la ville qui, assiégée, fut libérée par le César Julien à l’hiver 356-357). Enfin, le silence sur le destin des écoles ne signifie pas quelles déclinèrent mais peut-être simplement qu’elles furent éclipsées par d’autres plus illustres, qui bénéficiaient de la proximité d’une administration offrant des débouchés aux étudiants : écoles de Trèves au contact de la cour impériale, écoles de Bordeaux devenue capitale de diocèse27. Enfin, une étude récente sur les épingles en os à tête féminine datées de la fin du iiie et du ive siècle permet de démontrer que, dans le nord de la Gaule, la cité la plus réceptive à cette mode apparue à la cour impériale fut la ciuitas Aeduorum : c’est en effet dans le sous-sol d’Autun que les découvertes ont été les plus nombreuses28. En somme, selon le point de vue adopté, selon les sources analysées, les uns soutiennent l’idée d’un déclin d’Autun malgré les témoignages écrits, les autres défendent celle d’un vrai renouveau et d’un dynamisme retrouvé, maintenu durant la première moitié du ive siècle.
44En résumé, la cité des Éduens rétablie sous Dioclétien et Constantin connut alors une prospérité relative, même si le mode de vie et le fonctionnement municipal s’épanouirent dans des cadres différents de ceux du Haut-Empire. Le paysage urbain changea nécessairement, mais transformation n’est pas synonyme de déclin : la découverte récente d’un riche décor de stuc daté du début du ive siècle29 vient le rappeler avec éclat, de même que la thèse inédite de Michel Kasprzyk. La vie municipale se trouva modifiée en raison des réformes de Dioclétien, sur lesquelles Constantin et ses fils se gardèrent bien de revenir. Elle se maintint sur la base d’un nouveau contrat, dans le cadre duquel la communauté civique vit certains de ses avantages et de ses prérogatives rognés par l’État central.
45Le destin des campagnes éduennes s’intègre bien dans ce schéma d’interprétation : la crise décrite par l’Anonyme de 311 fut ponctuelle, frappant de manière inégale certaines micro-régions dans le contexte particulier du tour de vis fiscal qui caractérise les années 305-306. Dès lors, il paraît difficile d’extrapoler cette situation et, plus encore, d’en déduire un déclin généralisé des campagnes de l’Occident, ce que les travaux archéologiques récents remettent en question. Les recherches ponctuelles effectuées sur des sites ruraux permettent de dresser un tableau contrasté et nuancé de l’évolution des campagnes. Elles semblent avoir connu, dans les régions voisines du territoire de la cité des Éduens (peu de recherches archéologiques ayant porté sur le territoire éduen au cours des dernières années), un véritable renouveau et une prospérité générale dans la première moitié du ive siècle, mais dans le cadre d’une nouvelle occupation de l’espace rural et d’un système agraire transformé30. Assurément, ce renouveau a eu des conséquences directes sur la prospérité des villes elles-mêmes, tant les économies rurale et urbaine étaient étroitement imbriquées.
46Au terme de ce long détour, un retour au questionnement initial s’impose : le destin connu par la ciuitas Aeduorum à la fin du iiie siècle peut-il être transposé aux communautés voisines ? En raison de son antiquité et de son prestige, de ses relations privilégiées avec le pouvoir impérial, de sa prétention à la primauté, la ciuitas Aeduorum était une cité de premier plan, au destin exceptionnel. La singularité du passé éduen, la proximité entretenue avec les empereurs, le prestige des primores ciuitatis liés aux cercles les plus élevés du gouvernement impérial, leur conscience d’une supériorité due à leur brillant passé et à leur culture constituent des traits de caractère irréductibles de la cité, impossibles à transposer aux communautés voisines moins prestigieuses. En revanche, il est permis de rapprocher dans leurs grandes lignes les transformations que cette communauté subit à la fin du iiie et au début du ive siècle de celles de ses voisines. Elles aussi ont souffert de la crise, dans des proportions variables selon leur proximité avec les zones de combats ou d’incursions barbares. Le rétablissement de ces cités reposa sur leurs propres ressources, que le pouvoir impérial, par une politique volontariste voire autoritaire, avait reconstituées. Du point de vue de l’histoire du renouveau urbain et des institutions municipales, le cas éduen semble généralisable aux cités du nord de la Gaule.
47Gardons-nous donc de tout prophétisme et évitons les lectures téléologiques ou rétrospectives des Panégyriques latins. Gardons-nous également des préjugés et des généralisations abusives sur le déclin ou la prospérité des cités de la Gaule tardoantique. Ce dossier documentaire doit être considéré pour ce qu’il est, c’est-à-dire un témoignage unique, un véritable instantané qui, associé à l’observation et à l’interprétation attentive des sources archéologiques, permet de saisir des transformations mais aussi de nombreuses continuités. En somme, il permet d’observer une cité et son élite dirigeante dans toute leur complexité à un tournant de leur existence. À un moment où la prestigieuse ciuitas Aeduorum aurait très bien pu perdre son âme.
Notes de bas de page
1 Millar, ERW, p. 8-9, dont les conclusions sont reprises par Souris, Studies in provincial Diplomacy, p. 13-14.
2 Les discours éduens constituent ainsi un dossier documentaire essentiel, jamais étudié dans cette perspective. Sur la question des rapports entre le pouvoir central et les provinciaux, voir en dernier lieu Politica e partecipazione nelle città dell’impero romano, Amarelli F. éd., Rome, 2005 (L’Erma. Saggi di Storia Antica, 25), en particulier la préface d’Andrea Giardina et Aldo Schiavone (p. vii-ix), ainsi que la contribution de P. Porena, « Forme di partecipazione politica et cittadina e contatti con il potere imperiale », p. 13-92.
3 Les observations qui figurent dans ce paragraphe empruntent très largement aux propos tenus par Jean-Michel Carrié au moment de la soutenance, reproduits dans le rapport de thèse. Je profite de cette note pour le remercier à nouveau de toutes ces remarques éclairantes.
4 Le concept, sans être explicité, est défini en creux à travers l’étude de deux sources tardoantiques en particulier, l’Histoire Auguste et le De Rebus Bellicis : S. Mazzarino, Aspetti sociali del quarto secolo. Ricerche di storia tardo-romana, Rome, 1951, p. 47-136 (chap. 2, « I testi fondamentali »).
5 Rebourg, « L’urbanisme d’Augustodunum », p. 220-221.
6 Le personnage et l’inscription sont mentionnés supra, chapitre 5, p. 196, n. 53, p. 201, n. 69, p. 215, n. 105, et p. 216. Bibliographie, p. 13, n. 10.
7 Christol, « Le métier d’empereur », p. 355-368.
8 Par exemple, Drusus appuya certainement l’Éduen C. Iulius Vercondaridubnus lors de la première élection du sacerdos à l’Autel du Confluent, en 12 avant notre ère : Hostein, « D’Eporedirix à Iulius Calenus », p. 66.
9 E. Flaig, Ritualisierte Politik : Zeichen, Gesten und Herrschaft im Alten Rom, Göttingen, 2003.
10 G. Rowe, Princes and Political Cultures. The New Tiberian Senatorial Decrees, Ann Arbor, 2002.
11 Woolf, Becoming Roman, p. 1-23.
12 On trouvera un exposé commode de ces théories dans la synthèse coordonnée par H. Inglebert, Histoire de la civilisation romaine, Paris, 2005, p. 421-449, ainsi que dans des travaux scientifiques récents : P. Le Roux, « La romanisation en question », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 59-2 (mars-avril 2004), p. 287-311 ; Celtes et Gaulois. L’archéologie face à l’histoire. La romanisation et la question de l’héritage celtique, Paunier D. éd., Glux-en-Glenne, 2006 (Série Bibracte, 12-5) ; Sur le concept de romanisation. Paradigmes historiographiques et perspectives de recherche, Janniard S., Traina G. éd., dossier paru dans MÉFRA, 118-1 (2006) p. 71-166 (en particulier l’introduction et les contributions de Patrick Le Roux, Giusto Traîna, Giovanni A. Cecconi). Sur les liens entre romanisation et épigraphie, lire les contributions réunies dans Romanisation et épigraphie : études interdisciplinaires sur l’acculturation et l’identité dans l’Empire romain, Haussler R. éd., Montagnac, 2008.
13 C’est ainsi que S. Alcock « Vulgar Romanization and the Dominance of Elites », dans Italy and the West : Comparative Issues in Romanization, Keay S., Terrenato N. éd., Oxford, 2000, p. 227-230, parle du « R » word (du mot « romanisation ») comme d’un mot tabou dont il faudrait proscrire l’usage tant celui-ci a été manipulé, vidé de son contenu, par des générations d’historiens. Parmi les tentatives de substitution, on retiendra plus particulièrement celle de G. Woolf, « The Roman Cultural Revolution in Gaul », dans Italy and the West, op. cit., p. 173-186, qui préfère parler de « révolution culturelle » (on trouvera un exposé clair de sa théorie dans H. Inglebert, op. cit., p. 433-434, qui en souligne aussi les faiblesses et les limites). Sur les débats concernant l’emploi du terme « romanisation », on lira avec profit les réflexions nuancées de J. France, « État romain et romanisation : à propos de la municipalisation des Gaules et des Germantes », AC, 70 (2001), p. 205-212, et de J. Andreau, « Reflections on a one day conference ‘Italy and the West : Comparative Issues in Romanization’ », dans Italy and the West, op. cit., p. 231-233, qui insistent, chacun à leur manière, sur la nécessité de toujours prendre en compte dans les études sur la romanisation la diversité des contextes locaux, mais aussi la double dimension politique et culturelle du phénomène.
14 Le terme de « romanisation » et l’interprétation des processus qui lui sont liés ne peuvent être séparés du contexte historique dans lequel les historiens ont pu en faire usage : voir les remarques de S. Keay, N. Terrenato, « Preface », dans Italy and the West, op. cit., p. ix ; N. Terrenato, « Introduction », ibid., p. 1 ; H. Inglebert, op. cit., p. 421.
15 Il revient à Nicola Terrenato d’avoir formalisé ce modèle et de l’avoir appelé « The élite negotiation/convergence model » (voir ses travaux cités à la note précédente).
16 Par exemple, entre autres, P. Le Roux, « La romanisation en question », Annales. Histoire, Sciences sociales, 59-2 (mars-avril 2004), p. 287-311, et G. Woolf, op. cit., p. 173-186.
17 Titre du chapitre consacré à la question par H. Inglebert, op. cit., p. 451-482.
18 Jacques, Le privilège de liberté, p. 803, pensait effectivement que le maintien de l’Empire au plus fort de la crise du iiie siècle ne s’expliquait que par le profond ancrage du modèle civique dans le monde romain.
19 Sur les rivalités entre Nicomédie et Nicée, Robert, « La titulature de Nicée et de Nicomédie », p. 211-249 (repris dans Opera Minora Selecta. Épigraphie et antiquité grecques, 6, Amsterdam, 1989, p. 211-249) ; Heller, Les bêtises des Grecs, p. 357-367.
20 J. France, « L’inscription du monument d’Igel (CIL, xiii, 4206) », Annales de l’Est [La colonne de Igel. Société et religion au iiie siècle], 51-2 (2001), p. 43-54 ; M.-T. Raepsaet-Charlier, « Les Secundini d’Igel : onomastique et statut social dans la cité des Trévires », ibid., p. 93-112 ; J. France, « Les monuments funéraires et le “capitalisme” des élites trévires », dans Mentalités et choix économiques des Romains, Andreau J., France J., Pittia S. éd., Bordeaux, 2004 (Ausonius. Scripta An tiqua, 7), p. 154-168. Les historiens ont trop tendance à valoriser les témoignages des actes d’autocélébrations ayant résisté au temps ou ayant laissé une trace écrite : J. Andreau, « L’irrésistible célébration des élites locales », dans Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, textes, images (iie s. av.J.-C- iiie s. ap. J.-C.), Cébeillac-Gervasoni M., Lamoine L. éd., Clermont-Ferrand, 2004, p. 529-531.
21 Voir S. Alcock, art. cit., p. 227-230, dont les remarques valent aussi pour l’époque tardive.
22 Ce que démontrent sans ambiguïté les études de Monique Dondin-Payre consacrées aux fusaïoles en schiste bitumeux inscrites : Dondin-Payre, « Épigraphie et acculturation : l’apport des fusaïoles inscrites », p. 133-146.
23 Ibid., p. 143.
24 Il faut peut-être interpréter ces nouvelles inflexions de la rhétorique du pouvoir comme la volonté de formuler, dans des termes nouveaux, ce que l’ancienne rhétorique ne permettait pas en raison des traditions politiques qui lui étaient attachées. Autrement dit, la nouvelle rhétorique était mieux adaptée à l’expression d’un pouvoir qui assumait davantage son essence monarchique.
25 Amm., xvi, 2, 1-4.
26 Chardron-Picault, Pernot, Un quartier d’artisanat, p. 72.
27 Comme l’a démontré Chastagnol, « Le diocèse civil d’Aquitaine au Bas-Empire », p. 272-292, idée reprise en partie dans son introduction à Transformations et conflits au ive siècle ap. J.-C. Colloque organisé par la Fédération internationale des Études classiques. Bordeaux, 7 au 12 septembre 1970, Bonn, 1978 (Antiquitas. Reihe 1. Abhandlungen zur alten Geschichte, 29), p. 4-13.
28 I. Rodet-Belarbi, P. Van Ossel, « Les épingles à tête anthropomorphe stylisée : un accessoire de la coiffure féminine de l’Antiquité tardive », Gallia, 60 (2003), p. 319-368.
29 Sur la « Maison des stucs » découverte sur le site du nouvel hôpital d’Autun, non loin de la porte d’Andoche, P. Bet, « Le site gallo-romain du nouvel Hôpital d’Autun », Dossiers d’Archéologie, 316 (2006), p. 78-85 ; P. Bet, J. Boislève, « Un palais du Bas-Empire sur le site du “nouvel hôpital” d’Autun », dans Hommes de feu, hommes du feu. L’artisanat en pays éduen, p. 184-195. La datation n’est pas certaine ni définitive.
30 À propos du renouvellement de l’approche archéologique des vestiges antiques sur le territoire rural de la ciuitas Aeduorum, et des uillae au premier chef, P. Nouvel, « Luxe matériel et aménagements monumentaux dans les établissements ruraux de Bourgogne du Nord », dans Autour du trésor de Mâcon, p. 123-146.
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