Chapitre 7. Fiscalité, désolation des campagnes et banqueroute financière sous Constantin
p. 251-284
Texte intégral
1Le Panégyrique latin viii(5) contient, derrière les fleurs de rhétorique, de nombreuses informations historiques sur les institutions civiques et la fiscalité de la ciuitas Aeduorum. Contrairement au discours d’Eumène, ces éléments sont formulés de manière plus explicite, ce qui explique l’abondante littérature sur la fiscalité antique suscitée par le texte depuis plus d’un siècle1. Par ailleurs, le Panégyrique latin viii(5) clôt le dossier des relations entre les Éduens et le pouvoir impérial inauguré par le Panégyrique latin iv(8). Il se démarque du Panégyrique latin v(9) en ce qu’il livre de précieuses indications sur l’aboutissement d’un processus circulaire de tractations, pétitions et réponses entre les décurions et l’empereur, alors que le discours d’Eumène se place à l’amorce d’un processus au résultat incertain.
Les clés pour « décoder » le Panégyrique latin viii(5)
2Le Panégyrique latin viii(5) est un témoin unique de la situation fiscale et financière d’une cité d’Occident durant la mise en œuvre des réformes tétrarchico-constantiniennes. Aucune source littéraire, aucun dossier épigraphique contemporain n’aborde ces questions avec autant de précision. En outre, il contient des informations essentielles sur la situation des campagnes éduennes et gauloises au tournant des années 305-310.
3Les deux thèmes ont très tôt retenu l’attention des commentateurs qui ont tenté d’établir, dans des contributions de portée inégale, les principes directeurs du fonctionnement du système fiscal tardoantique2. De la même manière, les historiens du monde rural ont échafaudé, à partir du sombre tableau des campagnes brossé par l’orateur, une théorie de la ruine du monde rural à la fin de l’Antiquité, élargissant à l’ensemble des Gaules et à l’Occident la situation décrite par l’Anonyme de 3113. La généralisation paraissait d’autant plus aisée à opérer que les historiens ne disposaient, à la fin du xixe siècle, d’aucune autre source sur la question. Quant aux archéologues, jusqu’aux années 1970, ils demeuraient prisonniers du paradigme et ne disposaient pas des méthodes modernes pour s’en affranchir4.
4Avant de s’engager dans le commentaire à proprement parler, il paraît nécessaire de fixer le cadre d’énonciation de ce pseudo-panégyrique, ainsi que les intentions précises de son auteur. Ce dernier, en effet, en raison des codes et conventions propres au genre épidictique, n’a fourni à son auditoire qu’un nombre limité d’informations techniques, et seulement celles jugées indispensables à sa démonstration5. Chaque indication donnée se trouve ainsi subordonnée à ces principes et tendue vers le même objectif : remercier l’empereur d’avoir accordé d’importants privilèges fiscaux. Dans ce contexte, il paraissait futile d’entrer dans les détails puisque l’auditoire, composé de hauts dignitaires civils et militaires et de représentants des cités, était versé dans ces questions administratives et fiscales.
5Par conséquent, un discours comme le Panégyrique latin viii(5) doit être lu comme « un témoignage codé6 ». L’orateur a volontairement laissé dans l’ombre de nombreux détails et fourni, pour le reste, des informations sinon erronées, du moins elliptiques et d’interprétation délicate. Il ne faut pas se méprendre sur la puissance de suggestion et d’évocation des descriptions de la désolation des campagnes ou du fardeau fiscal qui accablait les paysans : elle relève, pour une large part, de conventions attendues dans un discours presbeutique. Sur ce point, Ménandre le Rhéteur conseille de faire un usage régulier de la description (διατύπωσις ou descriptio) en exagérant les difficultés, en soulignant les contrastes, dans le seul but d’apitoyer le destinataire pour le rendre bienveillant7. Dans ces conditions, la bonne compréhension du contenu du discours passe par la mise en évidence de ces conventions de l’éloquence. A l’inverse, on prendra garde de ne pas adopter une approche hypercritique, qui nierait en bloc et discréditerait l’ensemble des informations contenues dans ce panégyrique, au prétexte qu’il ne s’agirait que de conventions rhétoriques. Il reste, pour terminer sur ce point, à attirer l’attention sur un élément essentiel dans l’interprétation du discours, même si les commentateurs en font traditionnellement peu de cas. L’Anonyme de 311 était un notable de premier plan, envoyé en délégation officielle auprès de Constantin pour défendre les intérêts de sa cité. Or, une lecture attentive du texte pose la question de l’écart entre les intérêts de la communauté civique et ceux de ses dirigeants, étroitement imbriqués dans cette affaire fiscale8.
Le cœur du problème : le poids de la nouvelle tarification fiscale
Les faits
6La meilleure manière d’aborder la fiscalité locale, thème se trouvant au cœur du Panégyrique latin viii(5), est de partir des mots employés par l’orateur et de suivre le fil de son propos.
Résumé
7L’objectif assigné au discours est sans ambiguïté : il s’agit pour le délégué éduen de remercier Constantin d’avoir accordé à sa cité un important privilège fiscal. Ce double beneficium a consisté d’abord en un rabattement des 7 000 capita correspondant au cinquième de la somme globale versée par la cité des Éduens au fisc impérial. À l’occasion de cette remissio capitum (terme employé au § 11, 1), le montant global de la taxation de la communauté est passé de 32 000 à 25 000 capita. Dans un second temps, Constantin a consenti une remise de l’arriéré d’impôts (remissio reliquorum au § 14, 3) pour le cycle quinquennal sur le point de s’achever en 311.
8Indulgentia et largitio, employés de manière récurrente, font partie du vocabulaire courant de la chancellerie impériale pour des affaires fiscales. L’acte de Constantin est présenté également dans le discours comme un beneficium récompensant des merita, le terme glissant ainsi d’un sens technique à une connotation morale.
9Le double privilège accordé aux Éduens a pu sembler d’autant plus remarquable qu’il était inattendu : son octroi paraissait discutable, puisque les ressources en terres et en hommes de la ciuitas Aeduorum avaient été recensées avec précision par les agents de l’État, puis reportées dans un registre appelé Gallicani census formula. L’orateur insiste cependant sur l’état d’épuisement de la cité, à bout de forces (defectio uirium) après l’établissement du nouveau census et l’estimation de nouvelles forces contributives qui s’appliquaient implacablement (acerbitas). Si les privilèges accordés ne se justifiaient pas d’un strict point de vue juridique et administratif, ils se trouvaient légitimés par le principe d’équité : ut quod non poteramus iure petere, iuste obtinuisse uideamur (§ 5, 6).
10Les conséquences de la pression fiscale sont soulignées par l’orateur, qui évoque à la fois les difficultés en cours et les menaces futures pesant sur le destin de sa ciuitas. En temps normal, la cité était riche et sans rivale (qui fortunis nemini possumus aequari, § 5, 5) ; le problème ne venait pas des bâtiments composant sa parure monumentale. En 311, ces derniers, qualifiés parfois d’ornements (ornamenta), semblaient en bon état et n’exigeaient pas de coûteux travaux de restauration. Les vraies difficultés se situaient ailleurs, dans les campagnes, puisque ce sont les populations rurales qui souffraient le plus de l’acerbitas du nouveau census. La pression fiscale empêchait les agriculteurs de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Accablés par le poids des dettes, dans l’incapacité d’investir ou tout simplement de mettre en valeur leurs terres, ils se trouvaient dans une situation d’endettement qui les contraignait à fuir leurs foyers, en s’exilant ou en se cachant dans les bois (mention de ces agri deserti au § 16, 3)9. En conséquence, les champs, faute d’entretien, se trouvaient dans un état calamiteux et certains terroirs, comme celui du pagus d’Arebrignus, pourtant réputé pour son vignoble, n’étaient plus cultivés qu’en certains points10. Les broussailles avaient repris leurs droits sur le plateau, l’ancienne plaine drainée de la Saône était devenue une véritable fondrière (§ 6, 4-8). Les voies abandonnées ne permettaient pas que la part des impôts payée en nature (les obsequia mentionnés au § 7,3), transportée par chariots, atteignît les greniers de l’État. Selon l’orateur, cette situation de crise frappait d’autres régions de la cité (regiones au § 7, 1), non précisées. Devant ce sinistre spectacle, l’empereur versa des larmes lors de sa visite.
11L’orateur apporte cependant une nuance à ce sombre tableau lorsqu’il précise que la description ne correspond pas à la situation des campagnes des communautés voisines, prospères. Et l’auteur de citer les territoires des Rèmes, des Nerviens, des Tricasses (§ 6, 1) ou des cités d’Aquitaine (§ 6, 8).
Un « modèle » de crise ?
12Pour comprendre l’enchaînement des faits ayant conduit à cette crise, il est nécessaire de rassembler et de résumer les informations disséminées dans le discours.
13Selon le point de vue – orienté – de l’orateur, la ciuitas Aeduorum était une cité prospère avant l’application de la réforme fiscale. Le recensement des hommes et des biens qui eut lieu à une date indéterminée – nous tenterons de la préciser plus loin – permit d’estimer les forces contributives de la collectivité, estimations sur lesquelles se fonda l’application du nouus census. Les habitants prirent néanmoins conscience qu’il leur était impossible de prélever et de payer ces impôts à l’État. Faute de capacités financières (uires), la cité fut conduite à la faillite. La dureté des prélèvements commença d’abord par se faire sentir dans les campagnes, là où le poids des impôts était le plus pressant car évalué à partir de déclarations actualisées. Cette pression fiscale entraîna une crise rurale qui, après avoir touché les hommes, se traduisit dans le paysage même. L’orateur suggère après coup qu’en l’absence de mesure politique, les campagnes éduennes auraient été définitivement ruinées, conduisant la communauté civique à sa perte. Fort heureusement, l’appel à l’aide lancé à Constantin fut entendu : le prince se rendit sur place pour prendre personnellement connaissance des difficultés et y mettre un terme en accordant des privilèges.
14Arrêtons-nous quelques instants sur ce qui vient d’être dit et qui résume la pensée de l’Anonyme de 311. De prime abord, la démonstration d’ensemble du Panégyrique latin viii(5) repose sur l’émotion suscitée par la sombre description de la situation de la cité ; elle vise aussi à frapper les esprits de l’auditoire et de Constantin. Car assurément, cette description de la ruine des campagnes paraît trop bien conçue pour être honnête. En fait, il faut la considérer non comme une simple description ou comme une photographie objective, mais bien comme un argument destiné à impressionner l’interlocuteur dans le cadre d’une stratégie persuasive11. Ainsi exposée, la description des faits s’apparente presque à un modèle de crise, à l’image de ceux élaborés par les économistes. L’orateur révèle un mécanisme implacable de causes et d’effets dont l’enchaînement ne peut qu’entraîner inéluctablement la ruine et la disparition de la cité. Si le panégyriste ne présente pas le processus d’une manière aussi simplifiée, il le distille progressivement dans les esprits de ses auditeurs et de son interlocuteur.
15Retenons à ce stade de la réflexion que le problème principal évoqué par l’orateur ne concernait pas la ruine des campagnes mais plutôt l’insolvabilité financière de la cité. Ce problème, inextricable au moment de la visite impériale de 310, justifie à lui seul l’intervention de Constantin, alors que dans les années 290 la ruine des bâtiments publics constituait la préoccupation principale des autorités locales : iacebat illa ciuitas non tam moenium ruinis quam uirium defectione prostrata (§ 5, 4)12. Quand l’orateur mentionne l’épuisement des forces de la cité, il n’emploie pas seulement une métaphore empruntée au vocabulaire de la mécanique ou des êtres vivants, mais bien un terme technique relevant du champ lexical de la comptabilité antique. L’utilisation de uires, au sens de « caisses » ou de « ressources financières » d’une cité (uires reipublicae), est en effet bien attestée dans les sources littéraires, épigraphiques et juridiques13. La capacité de la communauté civique à faire face à ses dépenses fiscales est en cause ici, l’orateur allant jusqu’à suggérer que les décurions se trouvaient dans l’incapacité de prélever les sommes réclamées par le fisc impérial.
16La ruine des campagnes est présentée comme une conséquence immédiate de cette banqueroute financière, potentiellement irréversible faute de réaction énergique. En d’autres termes, dans son discours l’Anonyme de 311 décrit le sombre avenir promis au territoire rural si rien n’est fait, en raisonnant par l’absurde puisque tout ce qu’il décrit n’a pas eu lieu, l’empereur étant intervenu à temps. En creux, le raisonnement permet de justifier les bienfaits et de valoriser le bienfaiteur.
17Se pose alors la question de la valeur et de la véracité à accorder à cette description des campagnes. Il est fort possible que les affirmations concernant le pagus d’Arebrignus soient justes. Mais le lien de causalité opéré entre le poids du nouveau census et la ruine de cette portion du territoire paraît douteux pour la raison suivante : le census en question est trop récent pour permettre à des champs de se transformer en fondrières ou en broussailles impénétrables, d’autant que la culture la plus précieuse car la plus rentable, à savoir le vignoble, continuait d’être exploitée. Le panégyriste décrit une véritable crise, dans sa définition stricte, à savoir un court moment de profondes difficultés, un paroxysme et non une situation structurelle. Bien que rétractée sur certains secteurs, l’agriculture en territoire éduen n’est pas ruinée, d’autant qu’il faut compter avec les silences du texte, sur l’élevage par exemple. Il est difficile, dans ces conditions, d’accorder crédit à ce témoignage lorsque les problèmes ainsi décrits sont étendus aux autres regiones de la cité, sans autre précision sur leur nature ou leur localisation. De la même manière, la description des paysans fuyant leurs terres pour y réapparaître, comme par miracle, à l’arrivée de l’empereur bienfaiteur, relève plus du topos littéraire destiné à toucher l’auditoire et à louer Constantin que du fait avéré14. En revanche, les agri deserti mentionnés (§ 16, 3) ont très bien pu exister, bien qu’il soit impossible de quantifier le phénomène.
18En définitive, si les propos de l’orateur semblent exagérés à plusieurs reprises, s’il use et abuse de procédés rhétoriques, il semble décrire une crise effective, enrayée en 311 au moment du discours, mais qui avait ébranlé les autorités civiques durant les années précédentes. Cette faillite tirait son origine de l’accroissement de la pression fiscale après l’application de la réforme accompagnée d’opérations de recensement. La nouvelle tarification qui découla de ces procédures fit l’effet d’un révélateur.
19Ceci dit, il paraît difficile désormais de suivre les commentateurs du texte tentés d’étendre cette situation particulière à l’ensemble des cités et des campagnes de la Gaule, voire de l’Occident15. Une telle généralisation, abusive, ne fait en réalité que relayer une vision moralisante de l’histoire des cités et de l’Empire, placée sous le signe de la décadence16. Or, crise n’est pas synonyme de déclin, et il est utile de rappeler les propos de Claude Raynaud sur les campagnes tardoantiques :
Cette histoire des travaux et des jours, du nombre des hommes, doit tenir sa place à mi-chemin de la lente histoire du milieu et celle des hommes, de leurs faits et gestes. Le bruit et la fureur qui agitent, dit-on, les derniers siècles de l’Antiquité, imposent singulièrement cette perspective braudélienne des temporalités distinctes, ces trois niveaux d’intelligibilité historique : le milieu comme soubassement de l’action humaine, la conjoncture comme niveau médian où se nouent les tendances du long terme, puis en surface l’écume de l’événement, de l’individu, mû par la conjoncture plus qu’il n’agit sur elle. À trop négliger cette stratification élémentaire, on a souvent brouillé les pistes, confondu et l’effet et la cause, perdu de vue le mouvement pour retenir la gesticulation. [...] dans quelle mesure, à quel rythme et surtout dans quel délai en [les évolutions politiques et les faits militaires] mesure-t-on les effets sur la société rurale ? Quand et comment se défait le tissu social laissé par des siècles de romanisation ? Voilà des questions embarrassantes auxquelles les collections de dates et de faits militaires n’apportent aucune réponse. Tentons d’observer calmement la stratigraphie : structure, conjoncture, événement17.
20Concernant les campagnes éduennes, un rapprochement avec les travaux des historiens modernistes spécialistes du monde rural aurait épargné bien des erreurs. Leurs recherches, fondées sur des archives abondantes qui font tant défaut à l’historien de l’Antiquité, ont permis de démontrer qu’une crise frappant le Languedoc ne concernait pas nécessairement la Bourgogne. Le constat vaut largement pour la situation des campagnes éduennes des années 300-310, d’autant que les travaux récents sur le sujet ont incité les archéologues à la prudence, afin de tenir compte des différences au sein même du territoire d’une cité, parfois composé de multiples « microrégions ». L’usage de cette dernière notion paraît d’autant plus pertinent en Gaule que les territoires des cités de ce secteur de l’Empire comptaient parmi les plus vastes18. Enfin, l’attention scrupuleuse que portent aujourd’hui les archéologues aux niveaux tardifs a permis d’affiner les critères de datation et de démontrer la prospérité relative des campagnes sur des fondements différents du Haut-Empire, jusque dans le dernier tiers du ive siècle en Germanie et en Gaule, plus tard en Aquitaine19. L’ouvrage collectif paru en 2001 sur les campagnes gallo-romaines20 contient des synthèses monographiques et thématiques qui, réunies, offrent un inventaire relativement complet et éclairant de la situation des campagnes des régions de l’actuelle Belgique21, des alentours de Trèves22, d’une partie de la Suisse23, de l’Île-de-France24, de l’Aquitaine25, du Languedoc26, du Sud de l’Angleterre27. La synthèse de ces travaux permet de souligner l’importance à accorder à la présence du bois dans toute enquête archéologique sur les campagnes tardives. Elle montre aussi que le ive siècle ne marqua pas un effondrement brutal mais plutôt une phase de transition, sanctionnant des évolutions parfois amorcées au seuil de la « crise du iiie siècle ». En fin de compte, l’Antiquité tardive marqua le terme du modèle romain d’exploitation rurale par les uillae, symboles de la romanitas, sans pour autant entraîner une décadence généralisée de l’agriculture et des campagnes.
21La seule faiblesse de l’ouvrage réside dans l’absence de contributions consacrées à la Gaule centrale et aux Germanies, lacune désormais comblée, pour les campagnes du territoire de la ciuitas Aeduorum, par la thèse inédite de Michel Kaspryk28. Fondée sur un dépouillement des archives de fouilles anciennes, sur des données inédites ou des observations directes, cette enquête minutieuse a permis de caractériser plusieurs évolutions majeures des espaces ruraux aux iiie et ive siècles de notre ère.
22Il ressort des cas d’étude choisis par l’auteur, exploitations ou microrégions, que le dernier tiers du iiie siècle fut marqué par une vague d’abandon de sites ruraux touchant massivement et prioritairement (60-80 % d’entre eux) les petits établissements des zones de potentialités agricoles limitées. Dans le même temps, les grands établissements constitués autour de uillae du Haut-Empire, en particulier celles implantées à flanc de vallée, ont structuré plus encore le peuplement rural et se sont maintenus avec un certain faste architectural, en particulier dans le nord de factuelle Bourgogne. Sur ce point précis, il existe un décalage important entre le prestige social des élites éduennes tel qu’il transparaît des textes littéraires et la modestie des découvertes archéologiques effectuées sur ces mêmes sites. L’écart peut s’interpréter, avec prudence, comme le déclin des modes ostentatoires du Haut-Empire (mosaïque, statuaire). Enfin, des changements considérés traditionnellement à travers la seule grille de la crise offrent des indicateurs fiables des mutations intervenues dans l’exploitation des campagnes : ainsi le dépeuplement des plateaux calcaires ou encore l’absence d’entretien des systèmes de drainage dans la vallée de la Saône, preuve d’un abandon pur et simple ou d’un regain de l’élevage au détriment de la céréaliculture et de la vigne. Comme pour l’évolution de l’urbanisme d’Autun, la rupture la plus profonde n’est intervenue qu’au milieu du ive siècle.
23En dernier lieu et pour revenir au Panégyrique latin viii(5), le lecteur retiendra qu’il faut apprécier le témoignage de l’Anonyme de 311 à sa juste valeur et admettre que l’auteur a transmis à la postérité le témoignage riche d’une crise ponctuelle de la cité gallo-romaine des Éduens, dans un contexte particulier.
Interprétation et traduction des termes techniques
24La consultation des principaux travaux sur la fiscalité tardive parus depuis le milieu du xxe siècle invite à suivre une interprétation en particulier, celle de Jean-Michel Carrié29. Outre qu’il s’agit de la plus récente, ce choix s’est imposé pour trois raisons principales : 1/ l’analyse de Jean-Michel Carrié est la plus érudite et la plus exhaustive, car elle est la seule à prendre en considération l’ensemble de la documentation et de la littérature sur le sujet. L’étude des sources occidentales et orientales, menée de manière constante et rigoureuse, se déploie dans le cadre d’une démarche analytique et pragmatique qui tranche avec celle qu’avaient adoptée les savants précédents, dont le défaut majeur était de soumettre la documentation à une construction théorique de la fiscalité définie a priori. 2/ Elle possède le mérite de lever des contradictions qui paraissaient insolubles. L’auteur résout en particulier le problème de la définition du mot caput en acceptant la polysémie du terme, dont les contours étaient mouvants déjà dans l’Antiquité. 3/ Enfin et surtout, l’analyse de Jean-Michel Carrié est la seule à reconnaître à la réforme fiscale de Dioclétien une cohérence profonde. Elle permet d’expliquer les différences relevées dans la variété des prélèvements fiscaux provinciaux, tout en les replaçant, à l’échelle de l’État, dans un cadre unitaire. Pourquoi le nouveau système fiscal tétrarchico-constantinien n’aurait-il pas été conçu de manière globale, sans négliger certaines traditions passées ? Ce système a été refondu en même temps qu’étaient appliquées les réformes des provinces, de l’armée ou de la monnaie, chacune de ces politiques interagissant avec les autres30. De fait, les réformes de Dioclétien témoignent du souci exprimé par les dirigeants romains de disposer d’informations générales et d’un tableau complet des ressources fiscales de l’État, sans pour autant gommer les particularismes locaux. Au final, il ressort de cette démonstration savante et exigeante un schéma simple et clair du système fiscal tardif.
Le « schéma Carrié » de la fiscalité du début du ive siècle31
• Évaluation des ressources et établissement du tarif de l’impôt
25Dans chaque cité de l’Empire, les opérations de recensement ou de dénombrement permettaient d’évaluer les biens-fonds et/ou les hommes, les surfaces et/ou les têtes imposables, d’après des éléments réels et concrets. Une fois ces opérations de cadastrage et de recensement achevées, les responsables du fisc romain, au niveau des bureaux centraux, convertissaient ces éléments imposables concrets en unités abstraites, selon un tarif propre à chaque partie de l’Empire.
26La situation particulière des Éduens peut s’envisager ainsi : dans un premier temps, à la suite des opérations de recensement, les représentants de l’État comptabilisaient les surfaces en iuga en tenant compte du lieu (locus), de la superficie (modus) et de la qualité (species) des terres32, ainsi que les hommes, imposés par tête (capita), demeurant sur le territoire de la cité. En Gaule, en effet, le schéma de répartition de la charge fiscale reposait sur la combinaison entre surfaces et têtes33. Dans un second temps, ces éléments réels étaient convertis en unités de répartition fiscale abstraites prenant la forme d’une fraction arithmétique. Ainsi, dans ce mode d’assiette mixte appliqué aux Éduens, s’opérait une fusion des têtes réelles avec les paramètres fonciers de l’assiette. Cette conversion en fraction arithmétique était pratiquée par l’administration impériale pour deux raisons : d’une part, elle permettait d’obtenir une péréquation entre les têtes et les jougs réels, d’autre part, elle permettait d’obtenir une péréquation entre les différentes collectivités fiscales de l’Empire. En Gaule en particulier, le procédé permettait d’établir une péréquation entre les impôts dus par les différentes cités. Le terme caput, employé à plusieurs reprises dans le Panégyrique latin viii(5), prenait donc un sens et une valeur différente au stade de la détermination de l’assiette et à celui de la perception : il signifiait « tête », « homme », « individu » concret au moment du recensement, avant de prendre le sens plus abstrait d’« unité de répartition » dans le cadre du tableau général de répartition de l’imposition de chaque cité, puis dans le cadre supérieur de la province. Chez les Éduens, l’unité de répartition fiscale se fondait sur la combinaison des surfaces cadastrées et des résidents recensés, raison pour laquelle on aurait attendu du panégyriste qu’il emploie dans son discours l’expression iuga siue capita, la seule acceptable juridiquement pour désigner ce mode d’imposition. Il préféra cependant à cette formule technique le terme ambigu de capitatio, commettant là une approximation courante dans les sources littéraires contemporaines34. Assurément, ce caput/fraction n’était pas une cote fiscale crée de manière abstraite, dans la mesure où s’intégraient dans cette unité des éléments réels. L’analyse permet ainsi d’écarter d’emblée une interprétation insatisfaisante selon laquelle les 32 000 capita du Panégyrique latin viii(5) correspondraient aux 32 000 individus imposables de la ciuitas Aeduorum. Les objections qu’on pourrait opposer à cette hypothèse sont nombreuses : le chiffre serait très insuffisant et rendrait mal compte de la population d’une cité dont le territoire était vaste. Comment expliquer que l’État aurait exempté un chiffre rond de contribuables, exactement 7 000 ? Enfin et surtout, selon quels critères les autorités auraient-elles désigné les heureux bénéficiaires de la déduction35 ?
27Dans le cadre de ce système fiscal refondé, Dioclétien a cherché en priorité à appliquer des principes communs aux mécanismes de la fiscalité dans l’ensemble de l’Empire. Dans le nouveau cadre ainsi établi, malgré la contrainte imposée, les différents systèmes d’assiette n’ont pour autant pas été uniformisés, et la diversité régionale en matière de prélèvements, déjà constatée, a été préservée pour deux raisons simples : le pouvoir, par conservatisme, cherchait à ménager les traditions locales ; cette variété, ensuite, correspondait à un classement des provinces selon leurs capacités productives, classement qui déterminait leur place dans le dispositif financier impérial. Là où l’État avait particulièrement besoin de numéraire, un système mixte de capitatio siue iugatio était maintenu, comme dans les Gaules et chez les Éduens. Là où les besoins en denrées prévalaient, les autorités privilégiaient un système séparant l’impôt foncier de l’impôt personnel, en opérant un prélèvement en nature dans le premier cas, en numéraire dans le second. L’Égypte illustre bien cette situation36. Des réquisitions pouvaient assurer encore plus de souplesse et parer aux besoins les plus urgents. Pour la Gaule, l’Anonyme de 311 fait allusion au phénomène lorsqu’il évoque les redevances en nature (obsequia) transportées par voie terrestre (§ 7, 3)37.
• L’enveloppe fiscale et le système de prélèvement aux différents échelons administratifs
28De même qu’il existait un tableau général de répartition de l’imposition gauloise, il faut postuler l’existence, à l’échelle de l’Empire, d’un tableau général de répartition de l’imposition. Ce tableau permettait d’unifier la comptabilité générale des finances impériales par-delà la diversité des systèmes en vigueur dans les provinces et laissait la liberté à l’État de fixer, en fonction des besoins, l’enveloppe des impôts à prélever, selon le principe de l’impôt de répartition. À l’échelle de l’État, une enveloppe globale était fixée. L’administration divisait cette somme globale par le nombre de parts (ou capita) dénombrées dans la formula fiscale globale : le produit obtenu était une fraction et correspondait au montant dû par chaque unité de base (ou caput). L’administration fiscale la répartissait ensuite entre les diverses communautés territoriales – diocèses (après 314), provinces, cités –, chaque communauté étant chargée in fine de le répartir et de le prélever jusqu’au plus petit échelon (uicus, pagus, domaine). À ce niveau précisément, la quote-part de chaque cellule fiscale était établie selon une répartition a priori juste, fondée sur des opérations de cadastrage et de recensement. Cette quote-part, quel que fût le montant de l’enveloppe décidé par l’État dans sa « la loi de finance », demeurait immuable et le tarif d’imposition de cette unité pouvait en conséquence être considérablement alourdi ou allégé. Dans les sources techniques ou juridiques, cette part est appelée sors en latin, parfois capitatio, mais jamais caput38. Dans ce système, un caput ne correspondait que rarement à la part due par un individu, puisque la somme, calculée au prorata de la base imposable, était la plupart du temps une simple fraction de ce caput ou, exceptionnellement, un multiple pour les plus riches des contribuables.
• La fiscalité de la ciuitas Aeduorum dans ce système
29D’après l’Anonyme de 311, la ciuitas Aeduorum était redevable de 32 000 capita au fisc impérial. Ces 32 000 capita correspondaient à une partie des capita dus par l’ensemble des cités de la province, inscrits dans la Gallicani census commuais formula (tableau général de répartition de l’imposition gauloise), tableau formant lui-même un sous-élément de la formida générale de l’imposition de l’Empire. Dans le cas de la cité éduenne, les opérations de cadastrage et de recensement, bien que difficiles à dater, se situent entre les années 295-298, marquées par la mise en œuvre des réformes, et 306-307, date d’entrée en vigueur de la nouvelle tarification fiscale. Le problème auquel était confrontée la communauté civique d’Autun dans les années 305-310 était double : il résultait, sur le moment, du tarif trop élevé exigé de chaque cellule contributive pour l’indiction quinquennale en cours, inscrite dans une période comprise entre septembre 306 et septembre 31139. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’expression acerbitas nouus census, que l’on peut traduire dans ce contexte par « la dureté du nouveau tarif » ou « de la nouvelle tarification ». L’enveloppe globale exigée par l’État à partir de l’année inaugurale du « cens » de Galère (306) était très supérieure à ce qui était exigé auparavant. La pression exercée était si forte que la cité n’était plus en mesure de payer les impôts dus pour cette période, les finances étant grevées par de lourds arriérés. Le premier acte officiel de l’empereur, sa première indulgentia, consista à effacer cet arriéré afin d’assainir les finances municipales.
30Les autres difficultés auxquelles étaient confrontés les Éduens provenaient du décalage entre les éléments d’estimation et les capacités contributives de la cité. Le nombre de capita, bien qu’établi à partir d’un recensement récent, était devenu obsolète pour des raisons qui nous échappent, et la cité ne pouvait plus contribuer à hauteur de 32 000 capita à la Gallicani census communis formula. Le second acte de l’empereur consista donc à dégrever la communauté d’un cinquième de ce qui avait été calculé après recensement, afin de réparer cette injustice involontaire. Grâce à cette seconde indulgentia impériale, promise en 310 et applicable dès septembre 311, la cité se trouva imposée à hauteur de 25 000 capita, chiffre qui correspondait mieux à ses capacités contributives réelles. Les deux indulgentiae impériales ont donc consisté en une série de réajustements visant à adoucir (iuste) l’application stricte de réformes conformes au droit (iure). L’empereur a fait office, à l’échelle de la cité, de peraequator, pour reprendre une expression de Jean-Michel Carrié40.
31Une question pour conclure : le dégrèvement de 7 000 capita accordé à la cité des Éduens a-t-il été purement et simplement retranché de la formula gauloise ? Ou bien a-t-il été reporté sur d’autres cités dont la contribution s’est trouvée alors alourdie ? Selon Jean-Michel Carrié, le montant a été partagé et reporté sur l’enveloppe globale due par les autres cités inscrites dans la gallicani census formula41. Le raisonnement s’appuie sur le fait que la fiscalité tétrarchique fonctionnait selon un principe commun, qui valait à chaque niveau de prélèvement de la pyramide fiscale : celui de la responsabilité commune et forcée entre les membres d’un domaine, d’un uicus, d’un pagus, d’une cité dans les sommes dues et exigées par l’État. Selon toute vraisemblance, cette solidarité devait fonctionner à l’échelle provinciale, entre les cités elles-mêmes42.
Conséquences de l’analyse sur la traduction du Panégyrique latin viii(5)
32La prise en compte – et l’acceptation – de ce schéma de la réforme fiscale de Dioclétien et ses collègues est lourde de conséquences pour la compréhension du Panégyrique latin viii(5). Elle oblige notamment à réviser la traduction de la majorité des termes et expressions techniques employés par l’Anonyme de 311.
33Acerbitas nouus census : l’orateur évoque ici la nouvelle tarification mise en place en 306 pour une durée quinquennale43. Le census en question était caractérisé par son acerbitas, que l’on peut traduire par « dureté », « âpreté ». Le terme census ne doit pas être traduit dans ce contexte par « nouveau taux » ou « nouvelle assiette », et encore moins par « nouveau recensement ». Au § 10, 5 le terme apparaît à nouveau dans l’expression numerum censum, ainsi qu’au § 11, 1. Il faut le traduire par « montant de la tarification, de l’imposition [sous-entendu « qui avait été calculée »]44 ». Le nouus census désigne ainsi à la fois la méthode d’enregistrement pour un calcul et le calcul établi.
34Capitatio : jusqu’au iiie siècle, le terme désigne l’impôt personnel par tête. À la suite des réformes de Dioclétien, le terme désigne le mode d’assiette de l’impôt par répartition entre les différents capita (voir caput)45.
35Caput (pl. capita) : le terme est polysémique et peut désigner aussi bien la part individuelle de chaque contribuable au moment du recensement (sens traditionnel hérité du Haut-Empire) que l’unité abstraite de répartition au moment de la perception. Dans les textes tardifs, le terme ne peut signifier « individu recensé », « tête » au sens actuel, ni « impôt par tête ». Il ne peut se traduire non plus par « fraction arithmétique » dans la mesure où il s’agit d’une opération fondée sur des observations réelles de cadastrage et de recensement. De ce constat, il faut accepter reconnaître au mot sa double signification et le traduire différemment selon les contextes46.
36Gallicani census communis formula : une formula désigne en latin une forme au sens de « matrice », de « registre consignant une liste officielle » dans le langage administratif et juridique. Formula est synonyme de tabula, matricula47. Quant à census, nous renvoyons aux analyses développées plus haut. L’expression peut se traduire par la formule suivante : « tableau général de l’imposition globale des Gaules ». Jean-Michel Carrié émet l’hypothèse qu’il existait une imperii census formula dont disposait l’administration fiscale et qui regroupait l’ensemble des informations contenues dans les formulae provinciales48.
37Indulgentia (et dérivés comme indulgere) : le terme est polysémique. Il signifie « indulgence » au sens de « vertu » et désigne, dans certains contextes, un acte officiel associé à une remise d’impôt ou à un bienfait particulier49. L’indulgentia de Constantin, qui consiste en un double privilège – remise d’arriéré accompagnée d’un dégrèvement du cinquième –, est conçue par l’orateur comme un beneficium impérial destiné à récompenser des merita50.
38Iugatio siue capitatio : impôt à assiette mixte combinant l’assiette foncière et la répartition des contribuables. Dans cet impôt double (siue n’ayant pas de fonction disjonctive mais indiquant au contraire une superposition) se fondent les surfaces cadastrées et les résidents recensés51.
39Iugum : étendue de terre dont la surface représentait environ 25 hectares, correspondant à 100 jugères romaines. Dans le discours, l’orateur mentionne également des agrorum modi (§ 7, l)52.
40Largitio : le pluriel largitiones a donné « largesses » en français. Il revêt parfois un sens plus officiel quand il désigne un privilège accordé sous la forme d’un avantage financier ou pécuniaire53.
41Munus : un munus était une charge obligatoire, d’importance inégale mais toujours accomplie au profit de la communauté civique, à laquelle pouvait être astreint chaque décurion dans sa cité. Il faut distinguer le munus des charges municipales (curae) accomplies dans le cadre de la carrière locale et source d’honos54.
42Obsequium : le terme signifie « devoir », « engagement contracté » à l’égard de quelqu’un. Il est proche en ce sens de munus. Au pluriel, il signifie « services rendus » à un tiers. Il exprime aussi l’allégeance d’une personne à l’égard d’une autre. Dans le discours, son sens est métonymique : il recouvre les biens que les Éduens devaient fournir à l’empereur, c’est-à-dire les impôts versés à l’administration fiscale55. Ce sens technique d’« impôt » ou de « redevance » apparaît dans plusieurs sources, juridiques en particulier56. Dans le contexte où il est employé (§ 7,3), il signifie très certainement « redevances en nature »57.
43Reliqua debitorum : les reliqua debitorum correspondent aux « dettes restantes » (traduction littérale), c’est-à-dire à l’arriéré d’impôts dû par les Éduens58.
44Remissio (remittere) : la remissio accordée par Constantin correspond à une « remise », le terme français puisant son sens dans celui du mot latin. L’orateur emploie aussi exonerare (§ 12, 2) qui renvoie à la notion d’« exonération », reprise dans le vocabulaire de la fiscalité moderne59.
45Sors : fraction de caput due par un contribuable et calculée au prorata de sa base imposable.
46Vires (defectio uirium dans le texte) : le terme est défini supra (n. 13) et renvoie aux ressources financières de la cité des Éduens dans le discours de 311.
Les bénéficiaires de l’exemption fiscale
47Une fois révélés dans leurs détails les mécanismes de la crise fiscale, il reste à préciser quels ont été les principaux bénéficiaires de la mesure impériale.
48Selon l’orateur, ces privilèges ont profité à tous les habitants de la cité, depuis les paysans jusqu’aux grands propriétaires terriens. Présentée ainsi, la politique fiscale de Constantin semble avoir assuré un retour à un équilibre financier garant d’une justice sociale. Il est cependant difficile de souscrire sans réserve à cette vision idyllique, d’autant qu’à l’origine de la remise se trouvaient certaines revendications et par conséquent les intérêts des élites dirigeantes éduennes, qui tiraient l’essentiel de leur richesse de l’exploitation de domaines ruraux.
49Un texte sur la situation des Gaules au milieu du ive siècle dévoile les enjeux réels – et prosaïques – de l’affaire de 310. Dans un passage de son histoire, Ammien Marcellin a brossé un portrait particulièrement flatteur de Julien, présenté comme un modèle de princeps ciuilis juste et mesuré à l’égard des provinciaux :
Enfin, nous savons que, jusqu’à la fin de son règne et de sa vie, il observa la règle profitable de ne jamais remettre les arriérés d’impôts par le moyen de ce qu’on appelle les « indulgences » (ne per indulgentias, quas appellant, tributariae rei concederet reliqua). Il savait en effet qu’en agissant ainsi, il ne ferait qu’améliorer la condition des riches (locupletibus), car c’est un fait universellement établi que les pauvres sont forcés de payer tous leurs impôts, sans aucun allègement, dès le début de l’indiction (cum constet ubique pauperes inter ipsa indictorum exordia soluere uniuersa sine laxamento compelli)60.
50La critique des indulgentiae par Ammien Marcellin jette une lumière crue sur ce qui aurait pu apparaître de prime abord comme un grand bienfait accordé par le pouvoir impérial aux habitants des cités. Or, il y a fort à parier que la situation des années 350 dénoncée corresponde à celle dans laquelle se trouvait la cité des Éduens un demi-siècle plus tôt.
51L’auteur du discours de 311, dans sa présentation des faits, insiste sur l’idée suivante : la communauté civique était accablée par le poids de la nouvelle tarification fiscale pesant sur l’ensemble des contribuables, en particulier sur les plus modestes. Deux ans avant le terme du paiement, fixé en septembre 311, les Éduens prirent conscience que le versement de la somme exigée par le fisc ne pourrait intervenir, ni dans les délais impartis ni ultérieurement. Or, à cette date, une partie des impôts avait déjà dû être prélevée et intégrée dans les caisses des percepteurs. Mais la somme demeurait insuffisante, et c’est sur cette estimation que se fondèrent les autorités municipales pour solliciter l’aide de Constantin. La pression exercée sur les individus situés au bas de la pyramide fiscale, devenue insupportable, contraignit ces derniers à abandonner leurs terres ou à s’endetter lourdement. La remise de l’arriéré de l’impôt (remissio debitorum) par Constantin permit ainsi, selon l’auteur du discours, de rendre vie à ces contribuables. Sans nier la véracité des propos tenus par cet orateur, il faut s’interroger sur ses intentions réelles.
52Car au fond, dans cette affaire, les véritables bénéficiaires du privilège impérial furent les grands propriétaires fonciers et les curiales, deux groupes dissociés ici pour des raisons pratiques mais qui, de fait, n’en formaient qu’un seul. Quelques rappels s’imposent. À cette époque, les curiales d’une cité possédaient nécessairement des terres sur le territoire de celle-ci, car les biens fonciers constituaient la seule garantie pour accéder à la curie. Le seuil fixé pouvait varier considérablement d’une cité à l’autre, et il faut opérer une distinction nette entre le curiale « pauvre », dont les biens atteignaient péniblement le seuil requis, et le très riche propriétaire foncier. Dans la ciuitas Aeduorum, au territoire rural immense61, les notables les plus puissants possédaient assurément des domaines très étendus62. Pour les curiales, le patrimoine foncier ne constituait pas simplement un moyen de fermer l’accès au groupe ; il avait une fonction pratique, puisque de lui dépendait le bon fonctionnement de la vie municipale et des institutions, les décurions étant redevables sur leurs biens fonciers des munera et curae qui leur étaient confiés63. Dans le discours d’Eumène par exemple, Glaucus, en sa qualité de curator operum (responsable des sommes allouées et affectées à la construction des écoles), aurait pu voir sa fortune hypothéquée en cas de problème financier lié au chantier64. Dans des cas extrêmes, les autorités pouvaient confisquer l’intégralité des biens du malheureux curiale.
53Dans le cadre de la réforme fiscale de Dioclétien, le pouvoir réaffirma le principe consistant à confier aux curiales la levée des impôts prélevés sur le territoire de leur propre cité65. Par la prise en charge de ce munus, lourd et impopulaire, le décurion courait le risque de perdre une partie de ses biens, hypothéqués s’il ne versait pas à temps la somme au fiscus. À ce stade, il était contraint d’exercer des pressions sur ses concitoyens. A contrario, dans bien des cas cette position d’agent du fisc pouvait occasionner abus et détournements en tout genre. Le percepteur malhonnête avait en particulier la possibilité de s’enrichir considérablement, en plaçant les sommes reçues afin d’en tirer des intérêts, en jouant sur les paiements en argent effectués en nature ou en consentant des prêts aux imposables, sources d’intérêts lucratifs66. Autant de procédés malhonnêtes éclairés crûment par une loi de Théodose II datée de 41567.
54Les responsables éduens chargés de la levée des impôts au cours des cinq années comprises entre 306 et 311 ont été confrontés à une situation délicate en raison, d’une part, de l’appréciation plus précise des ressources de la cité (rôle du census), d’autre part, du montant élevé de la nouvelle tarification (l’acerbitas du nonus census). Une fois enregistrés le montant exact du tarif du caput et le montant de l’enveloppe globale due par la cité au fisc impérial, les opérations de prélèvement pouvaient commencer en prévision de leur durée, étant entendu que les autorités municipales se trouvaient dans l’incapacité de lever cette somme en une seule fois. Si l’appel à l’aide ne fut lancé à Constantin qu’en 309, c’est qu’à cette date il était devenu évident pour les percepteurs qu’il serait impossible de fournir au fisc la globalité du montant attendu au terme de l’indiction en cours, qui s’achevait en septembre 311.
55Cette incapacité à prélever les impôts était lourde de conséquences. La cité risquait la banqueroute. Les habitants, les paysans en particulier, voyaient peser sur eux un fardeau extrêmement lourd qui les obligeait à s’endetter et à produire des biens à perte (certains d’entre eux ayant payé une partie des impôts). Quant aux curiales – ce qu’omet de préciser l’orateur –, ils risquaient eux-mêmes de perdre leur fortune hypothéquée.
56En conséquence, la remise d’arriérés et le privilège fiscal accordés par Constantin permirent de sauver la cité de sa banqueroute inéluctable, bien que l’intervention se fît au détriment des finances de l’État impérial et de celle des cités gauloises, collectivement responsables de l’imposition éduenne68. L’empereur en avait conscience, mais la gravité de la situation explique l’importance du privilège accordé. Impossible d’établir en revanche si la déduction de 7 000 capita correspondait exactement à la quantité de capita que les Éduens n’auraient jamais pu (ou difficilement) payer, ou si une part de ces capita correspondait à un vrai privilège, à une faveur exceptionnelle conçue comme une sorte de gratification supplémentaire, ramenant l’imposition éduenne à une situation comparable à celle du Haut-Empire69.
57Assurément, les grands bénéficiaires de l’affaire furent les curiales. En qualité de propriétaires fonciers, leur imposition globale s’en trouva considérablement diminuée et leurs revenus augmentés. Ceux qui étaient chargés de la collecte des impôts passèrent d’un extrême à l’autre, du statut de collecteur d’impôt insolvable, proche de la faillite personnelle, à celui de propriétaire bénéficiant d’un rabattement fiscal de 20 %. Et c’est à ce stade de l’analyse que la description d’Ammien Marcellin prend toute sa signification. Pendant cinq ans, ces curiales avaient perçu des revenus qui se révélaient soudainement non imposables, et les bénéfices engendrés devaient être très importants. Mais qu’étaient devenues entre-temps les sommes déjà prélevées auprès des petits contribuables ? Une partie a pu intégrer la caisse municipale, dans l’attente d’être versée au fisc impérial et, une fois acquise la remise d’impôts, l’argent a pu leur être restitué ou crédité pour des versements futurs. Mais il est probable qu’une part non négligeable a été captée par les collecteurs d’impôts eux-mêmes, c’est-à-dire les curiales. Ces derniers ont pu jouer sur les délais, soit en faisant fructifier les sommes pour en tirer des intérêts, soit en plaçant dans leur dépendance ceux des contribuables à qui des prêts avaient été consentis et dont les intérêts étaient attendus, convertissant par ce biais des dettes publiques amnistiées en dettes privées – priuata debita quae fuerunt publica, pour reprendre les formules d’une loi de Théodose II citée plus haut et dénonçant ces situations abusives70.
58Ce schéma semble conforté par le fait que l’auteur ne mentionne que le pagus d’Arebrignus qui, bien que touché par la crise, continuait d’être exploité. Si les propriétaires de ce terroir viticole demeurent inconnus, il paraît difficile de les associer avec les agri deserti, ces champs désertés par les paysans fuyant leurs créditeurs et le fisc. Dans ce secteur précis, pourtant considéré par l’Anonyme de 311 comme l’archétype du terroir en crise et choisi pour dresser un tableau sombre des campagnes éduennes et apitoyer le destinataire, la culture commerciale par excellence, celle qui apportait des profits, continuait d’être cultivée71. Les propos de l’orateur mériteraient d’être nuancés, dans la mesure où il défend, sans trop vouloir le montrer, les intérêts des gros propriétaires terriens, propriétaires de vignes en particulier. On sait à travers l’exemple d’Ausone, possesseur en Aquitaine, que ce genre de culture, facile à commercialiser, constituait une source importante de revenus pour les notables gallo-romains72. Par ailleurs, les récentes recherches des archéologues sur la viticulture ont souligné la permanence et le poids de la commercialisation du vin encore au ive siècle73.
59En creux, les perdants de l’affaire étaient précisément ceux qui avaient versé tout ou partie de leur impôt. Et ce sont, selon toute vraisemblance, les contribuables de la base, moins fortunés, que l’auteur du Panégyrique latin viii(5) présente pourtant comme les grands bénéficiaires de l’indulgentia impériale.
La crise des années 305-310 en perspective
60En dernier lieu, il convient de reconstituer le déroulement de cette crise, en tâchant de remonter à ses origines aussi loin que les sources le permettent. L’analyse ne doit pas se cantonner aux seuls propos de l’orateur de 311, mais au contraire s’élargir aux témoignages de l’Anonyme de 297, d’Eumène et de l’Anonyme de 310. La démarche vise à articuler entre elles les questions abordées par chacun de ces orateurs, de manière à montrer que leurs discours forment les éléments d’un puzzle et d’un même ensemble documentaire, comparable à un dossier épigraphique. Seule cette approche offre une clé de lecture satisfaisante, susceptible d’éclairer en détail les malheurs financiers des Éduens, hérités des difficultés des années 260-270.
Première phase : le cœur de la crise (années 269-280)
61Dans le dernier tiers du iiie siècle, la cité des Éduens, fut touchée par une série de crises liées aux incursions barbares, aux guerres civiles et à l’effort fiscal pour la défense de l’Empire. En cela, la crise subie par la communauté était partagée par l’ensemble des cités de l’Occident romain, en particulier celles qui étaient situées au nord de la Gaule, le long des régions frontalières (Germanies, Rhétie, Norique). Le destin de la ciuitas se distingue cependant par le siège subi en 270, consécutif à la révolte contre l’empereur Victorin et dont l’issue funeste a ébranlé la prospérité relative dans laquelle la cité avait pu se maintenir jusqu’à cette date. À compter de ce moment, la ciuitas Aeduorum fut confrontée à de graves difficultés et traversée par une grave crise sociale et économique, attestée de manière ponctuelle par des découvertes archéologiques récentes (forte présence militaire dans la ville, rétractation urbaine généralisée, quasi-disparition des activités d’artisanat intra muros).
Deuxième phase : réforme de l’État, rétablissement de l’Empire et rétablissement d’Autun (époque tétrarchique)
62L’empereur Dioclétien décida de réformer l’État romain en commençant par la fiscalité. Les grandes lignes de cette réforme furent posées dès 287, bien que son application n’ait été rendue possible immédiatement, en théorie du moins. En pratique, pour être en mesure d’appliquer une réforme de cette nature, il fallait que les territoires de l’Empire soient pacifiés et protégés des incursions barbares. En Gaule, cette situation intervint seulement en 296, année de la reconquête de la Bretagne.
63Les opérations de recensement des hommes et d’arpentage des terres furent engagées dans les années suivantes, avant 306, à une date qui peut être fixée, avec les précautions d’usage, entre septembre 296 et septembre 297, première année d’un nouveau cycle fiscal quinquennal74. C’est à ce moment aussi que furent établies, dans certaines provinces, des circonscriptions préfigurant les futurs diocèses, dirigées par un représentant des préfets du prétoire et dont la tâche principale était de prélever l’impôt. Eumène ne livre aucune indication sur ces opérations dans son discours prononcé en 298. Ce silence éloquent permet de supposer que ces opérations de recensement et de cadastrage eurent lieu entre 298 et 306, peut-être entre 301-302 et 305-306, dates d’un nouveau cycle quinquennal précédant l’application de la réforme fiscale sur le territoire éduen (le fameux « cens » de Galère de 306-307). D’autre part, la mise en œuvre de la réforme fiscale fut facilitée par l’uniformisation des statuts des cités, processus difficile à dater avec précision mais qui se place vraisemblablement entre le milieu du règne de Probus et les années 29075.
64Le rétablissement de la cité des Éduens intervint dans ce contexte. Dans un premier temps, les efforts de relèvement portèrent sur le caput ciuitatis, Augustodunum. La situation des campagnes et des agglomérations secondaires situées sur le territoire éduen est difficile à cerner, exception faite de la mention isolée du repeuplement des campagnes et de leur mise en valeur, sur un domaine, au moyen de barbares prisonniers. Au passage, ce témoignage rapporté par l’Anonyme de 297 révèle que la main-d’œuvre agricole faisait alors défaut.
65Les efforts de restauration furent pris en charge par l’État impérial, représenté par le César Constance dans cette partie de l’Empire. Le prince intervint directement dans certains domaines en fournissant de la main-d’œuvre, des conseillers techniques militaires pour la reconstruction des bâtiments publics et des infrastructures urbaines. Des notables furent prélevés dans les curies des cités d’Occident pour être transférés dans l’ordo de la ciuitas Aeduorum.
66Du point de vue financier, il n’y eut vraisemblablement pas de largesses directes de la part des empereurs, qui préférèrent avoir recours à la procédure des indulgentiae, consistant en une réattribution locale des ressources fiscales dues au fisc. Dans le Panégyrique latin v(9), les verbes employés par Eumène pour désigner l’intervention des princes sont sans ambiguïté et renvoient à des procédures juridiques bien attestées. Dans ce contexte, une affectation autoritaire des revenus municipaux peut être envisagée, procédure exceptionnelle avant la Tétrarchie mais banale à partir de Dioclétien76. Ainsi, les impôts sur la terre et les hommes dus au fisc, les taxes diverses (uectigalia, etc.) alimentant les caisses de la cité furent réinjectés pour la mise en œuvre de projets locaux et affectés autoritairement, pour une durée limitée, à la reconstruction du centre urbain d’Augustodunum. Ces opérations furent bénéfiques, puisque l’argent fut employé sur place pour le bien commun. Pour autant, ce cercle vertueux comportait des limites, puisque la procédure impliquait que les impôts et les taxes continuent d’être perçus. Cela signifie que des individus, au premier rang desquels figurent les habitants des campagnes, durent soutenir cet important effort financier. L’effort de reconstruction urbaine a donc pesé très largement sur les capacités productives du territoire rural de la cité, fragilisant son propre rétablissement77.
Troisième phase : retour à la normale avant l’application du nouveau système fiscal (seconde Tétrarchie et époque constantinienne)
67Entreprise en 296-297, bien engagée en 298, la reconstruction d’Augustodunum fut probablement achevée, dans ses grandes lignes, à l’orée du ive siècle. Dans le même temps, les opérations de cadastrage et de recensement des hommes étaient sur le point de s’achever, offrant la possibilité d’établir l’impôt sur une base plus juste. C’est dans ce nouveau contexte que fut appliqué, vers 306-307, le nouveau cens de Galère, marqué par une tarification plus élevée du caput.
68Au début de l’année 306, avant l’application de ce nouveau tarif, plusieurs curiales furent chargés de commencer le prélèvement des impôts dans le cadre de munera, conformément à la procédure mise en place par Dioclétien. Cette procédure impliquait une solidarité fiscale entre les curiales et la responsabilité, sur leurs biens propres, des prélèvements dus à l’État. L’apparition de ces pratiques inédites (nouveau système et nouveaux principes de prélèvement, nouvelle évaluation des biens et des hommes, nouvelle tarification fiscale) et la situation de précarité des campagnes à peine rétablies contribuèrent à rompre le fragile équilibre établi grâce à l’aide impériale des années 295-300. Le nouveau cens de Galère fut ressenti par les contribuables éduens comme un tour de vis fiscal.
69Autour de l’année 309-310, à l’approche de la fin du cycle quinquennal engagé en 306, les dirigeants éduens prirent conscience de l’insolvabilité de la cité et de l’impossibilité de verser les impôts dus à l’État. La pression fiscale joua l’effet d’un révélateur du caractère inachevé du rétablissement du territoire rural. Ceci entraîna en cascade une crise sociale, économique et financière marquée par l’endettement des particuliers, des paysans en particulier, par des difficultés de l’économie agricole, par la ruine annoncée des curiales responsables de la collecte. Ces derniers étaient d’autant plus menacés par la faillite qu’ils étaient eux-mêmes touchés dans leurs intérêts en tant que propriétaires fonciers. Le spectre de la banqueroute se profilait.
Quatrième phase : l’appel au prince et la résolution de la crise (310-311)
70Sans être irréversible, la situation n’en fut pas moins jugée grave. Les notables éduens, membres de l’administration impériale pour certains d’entre eux et dont les réseaux d’influence s’étendaient à l’ensemble du territoire des Gaules et des Germanies, firent directement appel à Constantin, dans une requête explicitement formulée à la fin du Panégyrique latin vii(6) prononcé à Trèves en juillet 310.
71La visite impériale, qui intervint entre la fin de l’été 310 et l’hiver 310-311, fit prendre conscience à Constantin des difficultés auxquelles la ciuitas Aeduorum se trouvait confrontée. À l’occasion de ce bref séjour à Autun, une double promesse fut faite de remettre les arriérés dus pour l’indiction en cours (celle commencée en 306) et d’accorder pour les indictions suivantes, de manière définitive, un privilège fiscal exceptionnel, qui consistait à réduire du cinquième le nombre de capita à partir desquels était calculé l’impôt personnel et foncier.
72À la veille du nouveau cycle quinquennal, débutant en septembre 311, les Éduens envoyèrent un ambassadeur à Trèves lors des festivités du dies imperii de Constantin, le 25 juillet. Le délégué éduen fut chargé de faire confirmer ces avantages devant témoins et de les justifier auprès des délégués des autres cités, puisque les 7 000 capita retranchés de l’imposition d’Autun devaient être reportés sur les prélèvements des communautés des Trois Gaules. Par ce biais, l’orateur souhaitait peut-être éviter, à la demande des autorités impériales, que le privilège accordé à sa cité ne fût sollicité par d’autres : il lui revenait donc le justifier, en montrant que son octroi était lié à la situation exceptionnellement grave traversée par la ciuitas Aeduorum les années précédentes. Il semble que la procédure, injuste du point de vue du droit mais équitable moralement (non iure, sed iuste), ait permis à la communauté civique et à son territoire rural en particulier de se rétablir rapidement, bien qu’il soit nécessaire de distinguer dans le discours les informations relevant de la pure rhétorique et des réalités.
73Après 311, les institutions et les problèmes fiscaux de la cité des Éduens, faute de sources, échappent à l’historien.
74Le Panégyrique latin viii(5) constitue un document exceptionnel sur la fiscalité romaine tardive et sur la situation des campagnes éduennes au début du ive siècle.
75En s’intéressant d’abord à la rhétorique et au contexte précis dans lequel le discours fut prononcé, plusieurs principes permettant d’en décoder la lecture ont pu être précisés, afin d’éviter de tomber dans une analyse superficielle ou hypercritique. C’est ainsi que le tableau saisissant de la ruine des campagnes éduennes brossé par l’orateur, qui a tant inspiré des générations d’historiens et d’archéologues pour échafauder une théorie de la « ruine des campagnes gauloises », conséquence de la « crise du iiie siècle » et des « invasions barbares », se révèle sous un nouveau jour.
76Il apparaît d’abord que l’orateur a noirci le trait, insistant sur la crise mais de certains terroirs seulement. Les armes traditionnelles de la rhétorique ont été mobilisées avec une grande efficacité, dans le but avoué de confirmer et de justifier devant témoins l’octroi d’importants privilèges dont la ciuitas Aeduorum venait de bénéficier. Compte tenu de sa vocation circonstancielle, cette description dramatisée ne peut être généralisée aux campagnes du reste de la Gaule. La crise dépeinte par l’orateur demeure pourtant bien une crise, entendue comme une situation difficile, ponctuelle et paroxysmique, touchant plusieurs lieux précis (le pagus Arebrignus et d’autres territoires non précisés) dans un contexte particulier : celui de la mise en œuvre d’une réforme fiscale dans une communauté en voie de rétablissement. Cette ruine des « campagnes gauloises » est démentie d’ailleurs par l’orateur lui-même, qui rappelle la prospérité des territoires ruraux situés dans les cités voisines. Le renouveau de la recherche archéologique durant les deux dernières décennies a confirmé cette appréciation, démontrant qu’il fallait, dans ce domaine, proscrire toute généralisation, tant les évolutions des campagnes ont pu diverger à l’échelle des provinces, des cités et parfois même des microrégions.
77Le destin des campagnes éduennes à cette époque est désormais mieux connu grâce aux travaux de Michel Kasprzyk et de Pierre Nouvel. Pour la période allant des années 250 au milieu du ive siècle, de grandes tendances se dessinent :
abandon massif des petits établissements et maintien des plus grands qui semblent perdre de leur faste pour certains d’entre eux, mais qui structurent seuls désormais l’occupation des campagnes ;
nouvelle trame de peuplement plus lâche, marquée par des vides dans les terres à moindres potentialités agricoles et des concentrations dans les vallées ;
redéfinition des activités, l’élevage s’imposant parfois au détriment de la céréaliculture, par exemple ;
redéfinition et recomposition des paysages et des terroirs.
78Aussi, en se fondant sur ces observations et sur les travaux récents consacrés au système fiscal d’époque tétrarchico-constantinienne (ceux de Jean-Michel Carrié au premier chef), deux questions plus spécifiques peuvent être reformulées : la première concerne l’identité des bénéficiaires du double beneficium impérial, la seconde les origines et la brutalité de la crise. Comment expliquer le décalage si important entre exigences de l’État et capacités contributives de la cité apparu entre 306 et 311 ?
79Il semble d’abord que le privilège ait profité, certes, à l’ensemble des contribuables éduens, mais avant tout, en réalité, au groupe des notables dont la puissance économique et sociale se fondait sur la possession de grands domaines. La tarification fiscale, accrue après 306, touchait leurs intérêts à deux titres : au titre de propriétaires, leurs revenus diminuaient brutalement après avoir bénéficié, du temps de Constance Ier, d’importants allègements fiscaux destinés à soutenir et à consolider le rétablissement du caput ciuitatis. La hausse de l’impôt foncier compliquait le prélèvement fiscal, lourd munus qui leur était confié en qualité de curiales. L’insolvabilité des contribuables situés au bas de la pyramide fiscale risquait de se répercuter, par rapprochement, à leur niveau, puisqu’ils étaient responsables sur leurs biens du versement des sommes exigées par l’État. La banqueroute financière se profilait, ainsi que la ruine de l’ensemble de la communauté, depuis les petites gens jusqu’aux élites dirigeantes. Le double privilège accordé par Constantin renversa la situation, renforçant la position sociale et les intérêts économiques de ces dernières.
80En prenant pour point de départ la situation de la cité telle qu’elle est décrite par Eumène, les problèmes semblent s’être déplacés durant la décennie 298-308 depuis le chef-lieu (caput) vers le territoire rural (ager). Les discours des orateurs éduens constituent de ce point de vue un dossier cohérent et unique, permettant de connaître en détail les différentes étapes d’un même processus. Pour restaurer une communauté civique en crise, le pouvoir relevait en premier lieu ce qui l’incarnait concrètement (reconstruction du centre monumental, civique, économique, religieux, doublé d’une réorganisation de l’ordo decurionum) avant de se consacrer, dans un second temps, au territoire rural, lieu de production des richesses, source des revenus des propriétaires et de l’État à travers les prélèvements fiscaux. Dans cette opération, l’État aida à relever successivement les moenia puis les uires reipublicae, ou les deux conjointement.
81En définitive, la crise des années 305-310 puise ses origines dans la situation de la cité à la fin du iiie siècle et dans la politique de restauration engagée alors par Constance Ier. La politique de rétablissement engagée par ce prince et ses collègues avait multiplié les avantages et les privilèges au profit des responsables éduens. Une fois la restauration bien engagée, la fin brutale de cette aide, associée à l’application d’une nouvelle fiscalité marquée par une tarification élevée du caput, révéla l’inachèvement du rétablissement et la fragilité des finances municipales. Considérés individuellement, ces problèmes n’étaient pas très graves ; leur enchaînement et leur accumulation, en revanche, pouvaient avoir des conséquences désastreuses.
82La banqueroute laissait présager de grandes difficultés sociales que seule une décision impériale, susceptible de résoudre les problèmes immédiats (remise de l’arriéré d’impôts) et de mettre en œuvre une solution durable (dégrèvement du cinquième), pouvait éviter. Faute de sources, les effets du privilège impérial sur le long terme demeurent inconnus.
83On retiendra donc que les difficultés rencontrées par la cité dans les années 305-310 étaient certes liées au tour de vis fiscal de 306, mais pas seulement. L’origine structurelle des problèmes remontait à la fragilité du rétablissement des années 290, fruit d’une mauvaise gestion dont les torts étaient partagés entre les autorités municipales et les autorités impériales.
84Une relecture du contenu institutionnel et juridique des Panégyriques latins v(9) et vii(5) aboutit à des résultats originaux et inédits. Ils conduisent d’une part à enrichir notre connaissance de la vie municipale en Gaule à la fin du iiie siècle, d’autre part à éclairer les relations complexes entretenues par une communauté civique avec le pouvoir central dans une époque de transition.
85À un premier niveau, ce riche dossier offre un cas d’étude très complet sur la politique de restauration municipale entreprise par les Tétrarques au moment du rétablissement général de l’Empire engagé au milieu des années 290 (chapitre 4). Dans ce domaine, les témoignages des orateurs font preuve d’une grande précision, obligeant à exclure que ces derniers aient manipulé la réalité à des fins de « propagande », en rapportant une restauration qui n’aurait pas eu lieu. Le rétablissement d’Augustodunum ne fut pas un mythe, même s’il demeurait inachevé en 298. Par ailleurs, l’analyse a permis d’établir que les interventions ordonnées par les Tétrarques s’inscrivaient dans le droit fil de la politique menée par leurs prédécesseurs du Haut-Empire. La remarque vaut aussi bien pour la gestion des aides financières et l’envoi d’artisans ou de soldats pour participer à la reconstruction, que pour la politique de repeuplement de l’ordo decurionum. De la même manière, chaque intervention décrite s’inscrit dans un cadre juridique qui en fixe très précisément les modalités. Dans cette affaire, la priorité a été donnée à la restauration du chef-lieu de la cité, Augustodunum, dans le but de rendre sa dignité à la communauté civique en restaurant les monuments publics officiels (ornamenta ciuitatis) et le conseil qui l’incarnaient. Quant au discours de l’Anonyme de 297, il présente un volet original de cette politique, à savoir le repeuplement et la mise en valeur des campagnes éduennes par des barbares vaincus et installés avec des statuts variés (colons, laeti, recepti in leges).
86À une échelle plus fine, Eumène décrit un acte d’évergétisme unique par son degré de précision : sur la question en effet, aucun dossier équivalent n’est attesté pour les Trois Gaules en cette fin de iiie siècle. Dans le même temps, en décrivant l’entreprise qu’il inaugure, Eumène dévoile indirectement une foule d’informations sur sa famille, son milieu social, sa carrière. Le personnage apparaît ainsi comme le notable gallo-romain de la fin du iiie siècle le mieux documenté, à l’image de Titus Sennius Solemnis, le fameux sacerdos d’époque sévérienne mentionné dans le « marbre de Thorigny ». Par sa culture, sa richesse, sa brillante carrière au service de l’Empire, son statut enfin, Eumène semble particulièrement représentatif de la frange supérieure des élites municipales. Sa nomination à la tête des écoles a constitué assurément l’un des volets de la politique impériale de restauration de la cité. Mais derrière cet objectif affiché, les empereurs ont probablement cherché à impliquer plus encore ce haut dignitaire retiré de la vie publique dans le rétablissement de sa patrie, alors qu’il pouvait, s’il le désirait, ne pas céder à ces incitations, car son statut de rhéteur municipal le mettait à l’abri des charges (munera) incombant aux décurions.
87À un troisième niveau, une analyse minutieuse du rôle joué par l’interlocuteur d’Eumène, le Vir perfectissimus, permet de comprendre les causes de l’intervention des autorités impériales dans cette entreprise évergétique (chapitre 6). Le discours d’Eumène offre à nouveau, sur ce point, un témoignage unique sur les tâches d’un gouverneur en visite d’inspection. Selon toute vraisemblance, le personnage était le praeses équestre de la Lyonnaise dans ses limites du Haut-Empire. L’hypothèse découle d’une lecture du texte lui-même et de rapprochements effectués avec des situations analogues repérées dans la documentation juridique. La démarche adoptée permet in fine d’établir la fonction précise du gouverneur dans cette affaire. Inspecteur, juge et rapporteur, il lui revenait d’apprécier la validité de l’entreprise dont Eumène sollicitait l’autorisation, à une époque où un chantier de construction confié aux autorités municipales menaçait de rompre les équilibres financiers et sociaux d’une communauté civique en voie de rétablissement. Par ailleurs, il revenait au Vir perfectissimus d’examiner la candidature du curateur des travaux pressenti pour superviser l’entreprise. Or, le nom de ce personnage clé nous a été transmis : il s’agit de Glaucus, un pair d’Eumène, membre comme lui du groupe des principales, c’est-à-dire des curiales les plus influents et les plus honorés de la ciuitas Aeduorum, dont les noms figuraient en tête de l’album decurionum.
88La quatrième et dernière observation concerne le Panégyrique latin viii(5). Ce discours constitue l’ultime pièce, essentielle, de ce dossier exceptionnel consacré à la vie municipale. Il est envisagé plus spécifiquement à travers la fiscalité locale, à un moment où l’État avait entrepris de réformer en profondeur le système des impôts (chapitre 7). Ce texte admirable a depuis longtemps retenu l’attention des spécialistes du sujet et, pour cette raison, le commentaire s’est concentré sur trois questions négligées. D’abord, il est établi que la crise des campagnes décrite dans ce discours ne devait être ni étendue à l’ensemble des espaces ruraux gallo-romains ni élevée au rang de paradigme d’une ruine des campagnes tardoantiques. Ensuite, il apparaît que les principaux bénéficiaires de l’affaire furent les curiales eux-mêmes, en leur double qualité de grands propriétaires terriens et de collecteurs d’impôts responsables sur leurs biens propres du versement dû par leur cité au fiscus. Enfin, il ressort que cette crise, apparue au grand jour dans les années 305-306, tirait son origine des défaillances de la politique impériale engagée dix années plus tôt, que décrivent l’Anonyme de 297 et Eumène. Car à partir des années 297-298, les problèmes de la cité semblent s’être progressivement déplacés depuis le chef-lieu vers le territoire rural. Ce glissement s’explique en partie par la politique de financement des travaux, qui consistait en des indulgentiae, c’est-à-dire en une réattribution locale des prélèvements fiscaux versés en temps normal à l’État. L’apport de financements extérieurs destinés à soutenir le rétablissement était minime, et ce sont les richesses du territoire rural de la ciuitas Aeduorum qui ont supporté la reconstruction du caput ciuitatis. Dans ces conditions, la crise des campagnes, une fois les privilèges fiscaux abolis, semblait inévitable. L’arrêt de cette aide artificielle, suivi de l’application immédiate d’une nouvelle fiscalité accompagnée d’une tarification élevée du caput, révéla crûment l’inachèvement et la fragilité du rétablissement de la cité. Considérés individuellement, ces problèmes n’étaient ni graves ni insurmontables ; leur enchaînement et leur accumulation l’étaient bien plus. C’est la raison pour laquelle en 310, Constantin, maître de ces provinces, jugea nécessaire d’intervenir et de mettre un terme à ces difficultés structurelles.
89En définitive, qu’ajouter sinon que ces Panegyrici Latini, si souvent considérés avec dédain en raison de leur prétendu style ampoulé, constituent un dossier documentaire exceptionnel sur la vie d’une cité gallo-romaine dans les années 290-310, à condition de les scruter avec attention et de bien les décoder ? De ce point de vue, ces discours, pour emprunter une formule à l’épigraphiste Hans-Georg Pflaum, apparaissent « aussi importants que les inscriptions78 ».
Notes de bas de page
1 Comme pour le discours d’Eumène, les commentateurs adoptent parfois une attitude contradictoire face à ce témoignage, oscillant entre une approche positiviste, confiante dans son contenu fiscal en particulier, et une approche hypercritique, rejetant la véracité des informations données par cet orateur au prétexte que le genre panégyrique serait par essence mensonger. Sur ces questions : Baglivi, « Nota a Paneg. viii(5), 13, 4 », p. 137, n. 9. Commentaire détaillé et essentiel du discours dans Rönning, Herrscherpanegyrik unter Trajan und Konstantin, p. 189-290.
2 Sur la fiscalité durant le iiie siècle, jusqu’au règne d’Aurélien inclus : E. Lo Cascio, « Dinamiche economiche e politiche fiscali fra i Severi e Aureliano », dans Storia di Roma. iii/1. L’età tardoantica. Crisi e trasformazione, Momigliano A., Schiavone A. éd., Turin, 1993, p. 247-282 ; réflexions utiles pour le Principat dans J. France, Quadragesima galliarum. L’organisation douanière des provinces alpestres, gauloises et germaniques de l’Empire romain : ier s. av. J.-C.-iiie s. ap. J.-C., Rome, 2001 (CÉFR, 278). Sur la fiscalité d’époque tétrarchique et constantinienne, on lira au premier chef Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 33-64 (résumé avec quelques nouveautés dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 190 et suiv., 593 et suiv.) ; id., « Le riforme economiche da Aureliano a Costantino », dans Storia di Roma, iii/1. L’età tardoantica, op. cit., p. 283-322 ; id., « L’incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l’Empire tardif », AARC, xiii (2001), p. 309-331 ; en dernier lieu, M. Mirkovic, « Foreshadowing Later Development of existing practise : Diocletians’s Fiscal Reforms and Changes in the first three Centuries », dans Proceedings of the 24th Int. Congress of Papyrology, Helsinki, 1-7 aug. 2004, ii, Frösén J., Purola T., Salmenkivi E. éd., Helsinki, 2007, p. 743-756. Pour la bibliographie plus ancienne, on se reportera également à : Chastagnol, « Problèmes fiscaux du Bas-Empire », p. 127-140 (repris dans Aspects de l’Antiquité tardive, p. 331-347) ; Faure, « Étude de la capitation de Dioclétien », p. 1-153 ; Messina, « Alcuni aspetti fiscali della Gallia », p. 41-77 ; Kuhoff, Diokletian und die Epoche der Tetrarchie, p. 484-514. Principales études concernant la fiscalité tardoantique et le Panégyrique latin viii(5) : Jullian, Histoire de la Gaule, 8, p. 33 et suiv. ; A. Piganiol, L’impôt de capitation sous le Bas-Empire, Chambery, 1916 ; id., « La capitation de Dioclétien », RH, 176 (1935), p. 1-13 (repris dans Scripta Varia, 3, Bruxelles, 1973, p. 279-292) ; id., « La fiscalité du Bas-Empire », JS (1946), p. 128-139 ; Seston, Dioclétien et la tétrarchie, p. 276-277 ; S. Mazzarino, Aspetti sociali del quarto secolo. Ricerche di storia tardoromana, Rome, 1951, p. 259-269 ; id., Trattato di storia romana, Rome, 1956, p. 385-386 et 315 (repris aux p. 588-591 et 642-643 de l’édition de 1973) ; id., Antico, tardoantico ed era costantiniana, 1, Bari, 1974, p. 130-150 ; F. Lot, Nouvelles recherches sur l’impôt foncier et la capitation personnelle sous le Bas-Empire, Paris, 1955 ; M. Pallasse, « La capitation et le problème du Bas-Empire », Revue historique de droit français et étranger, 36 (1958), p. 67-77 ; R. Rémondon, La crise de l’Empire romain de Marc Aurèle à Anastase, Paris, 1964 (Nouvelle Clio, 11), p. 287-290 (tableau du schéma traditionnel – et désormais obsolète – de cette fiscalité tardive) ; A. Cérati, Caractère annonaire et assiette de l’impôt foncier au Bas-Empire, Paris, 1975 (compte rendu par A. Chastagnol dans Latomus, 30 (1971), p. 495-501) ; A. Giardina, « Aspetti del fiscalismo tardoantico », Studi Storici, 18-3 (1977), p. 151-161 ; T. Spagnuolo Vigorita, « Nuovi indirizzi politica fiscale nella legislazione di Costantino », dans Società Romana e Impero tardoantico, 1, Giardina A. éd., Bari, 1986, p. 71-80 et 645-650. Sur l’image laissée par la politique fiscale de Constantin dans les sources antiques : H. Brandt, « La politica fiscale di Costantino nelle opinioni tardoantiche », dans Costantino il Grande dall’Antichità all’Umanesimo. Colloquio sul cristianesimo nel mondo antico, Macerata 18-20 dicembre 1990, 1, Bonamente G., Fusco F. éd., Macerata, 1992, p. 213-218.
3 Au préalable, il paraît utile de rappeler l’influence négative exercée par certains grands historiens, en particulier Camille Jullian, sur l’historiographie jusqu’au début des années 1960. Ce dernier, tout en admettant que les provinces gauloises avaient été rétablies au temps de Constance Ier et Constantin (Jullian, op. cit., 7, p. 88-98 ; 8, en particulier dans les chapitres 1, 3 et 4), consacrait malgré tout un chapitre complet de son ouvrage (vol. 7, chap. 1) à « La Gaule en ruine » (sic), dans lequel il était question de « la ruine des campagnes », de « la ruine des villes », de « la dépopulation » et de « misères de toutes sortes ». Malgré les nuances apportées dans la suite de son ouvrage, ses lecteurs n’ont retenu que les traits les plus noirs du tableau.
4 Sur l’abandon des campagnes en Gaule au début du ive siècle, l’article pionnier de V. A. Sirago, « L’agricoltura gallica sotto la tetrarchia », dans Hommages à Marcel Renard, 2, Bibauw J. éd., Bruxelles, 1969 (coll. Latomus, 102), p. 687-699, est désormais dépassé. Sur le phénomène des agri deserti, voir en dernier lieu, Jaillette, « Les terres abandonnées », p. 332-404.
5 Comme l’a souligné Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 532-534.
6 L’expression est formulée par J.-M. Carrié (ibid., p. 532). En revanche, on ne doit pas suivre l’interprétation de J.-L. Desnier, La légitimité du prince. iiie-xiie siècles. La justice du fleuve, Paris, 1997, p. 103-109, à l’exception des remarques formulées dans certaines pages de l’ouvrage, qui, sans rien apporter de neuf, demeurent justes (p. 103-105). Réflexions nuancées dans Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon, 1-B, p. 311-314.
7 L’analyse détaillée de la structure rhétorique de ce discours est menée supra, chapitre 2, p. 62 et suiv. Le passage de Ménandre le Rhéteur dont il est question est extrait du Traité ii : Mén. Rh., Traité ii, 423, 6-424, 2.
8 Dans les pages qui suivent, l’analyse de la fiscalité repose principalement sur : Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 33-64 ; id., « Le riforme economiche da Aureliano a Costantino », dans Storia di Roma, iii/1. L’età tardoantica, op. cit., p. 283-322 ; id., « L’incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l’Empire tardif », AARC, xiii (2001), p. 309-331 ; Faure, « Étude de la capitation de Dioclétien », p. 1-153. Ce choix est justifié à plusieurs reprises dans le développement. Sur les campagnes, la bibliographie a fait l’objet d’un renouvellement récent. Nous nous sommes appuyé principalement sur P. Van Ossel, Établissements ruraux de l’Antiquité tardive dans le nord de la Gaule, Paris, 1992 (Suppl. Gallia, 51) ; Ouzoulias, « La déprise agricole du Bas-Empire », p. 10-20 ; P. Van Ossel, P. Ouzoulias, « Les mutations des campagnes de la Gaule du Nord entre le milieu du iiie s. et le milieu du ve s. Où en est-on ? », dans Belgian Archaeology in a European Setting, vol. 2, Lodewijckx M. éd., Louvain, 2001, p. 231-245 ; Les campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité·, à compléter, pour la Narbonnaise, avec Antiquité tardive, haut Moyen Age et premiers temps chrétiens en Gaule méridionale.2e partie : monde rural, échanges et consommation, Guyon J„ Heijmans M. éd., Gallia, 64 (2007), p. 1-189. Un état des lieux bibliographique a été établi par A. Chavarría, T. Lewit, « Archaeological Research in the Late Antique Countryside : A Bibliographic Essay », dans Recent Research on the Late Antique Countryside, Bowden W., Lavan L., Machado C. éd., Leyde, 2004, p. 3-51. On ajoutera à ces travaux généraux la thèse inédite de Michel Kasprzyk consacrée en partie aux campagnes de la ciuitas Aeduorum à la fin de l’Antiquité : Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon, 1-b, p. 243 et suiv., 371-372. Voir également P. Nouvel, « Luxe matériel et aménagements monumentaux dans les établissements ruraux de Bourgogne du Nord », dans Autour du trésor de Mâcon, p. 123-146.
9 Le phénomène correspond à ce que les textes juridiques contemporains qualifiaient d’agri deserti. Voir en dernier lieu Jaillette, art. cit., p. 332-404 ; Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 610. ERM
10 Le pagus (terme souvent traduit maladroitement par « canton ») d’Arebrignus était situé sur Factuelle Côte-d’Or, selon Jullian, op. cit., 6, p. 188, n. 4 ; 7, p. 18, n. 6, localisation reprise par Galletier, 2, p. 80-81. Bibliographie plus récente dans Frézouls, Autun, p. 127 (qui emprunte beaucoup à Galletier et à Jullian). Selon M. Tarpin, Vici et pagi dans l’Occident romain, Rome, 2002 (CÉFR, 299), le pagus est un district territorial rural (p. 181) mis en place par l’État impérial pour faciliter le contrôle des populations rurales (p. 190-191). Sa raison d’être principale était fiscale, en particulier à l’époque tardive (p. 195-196), ce qu’attestent des documents épigraphiques détaillés comme la Table de Trinitapoli (AÉ, 1984, 250), étudiée par A. Giardina et F. Grelle dans MÉFRA, 95 (1983), p. 249-303, document cité par Michel Tarpin, p. 196, η. 11. Le pagus d’Arebrignus est absent de sa liste des pagi de Gaule. Sur ce lieu, des informations intéressantes peuvent être glanées dans F. Meynet, « Limitations et centuriations des plaines de la Saône », DHA, 18-2 (1992), p. 320-323. Selon l’auteur, qui a consacré sa recherche à l’occupation de la plaine de la Saône et à sa centuriation à l’époque romaine, le pagus Arebrignus correspondait au secteur de l’actuel Beaunois et du Nuiton. F. Meynet déplore l’impossibilité de démontrer, en l’état des connaissances, un système de centuriation unique et uniforme de la plaine de la Saône (on peut s’interroger d’ailleurs sur l’existence systématique du phénomène en Lyonnaise). En revanche, dans le détail, il existe pour le pagus Arebrignus, dans le secteur de l’actuelle Beaune, les traces d’un parcellaire fossile correspondant au mode de centuriation à la romaine (p. 321, n. 2 en particulier).
11 En ce sens, Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 532, pense que « le tableau que dresse en 312 le rhéteur anonyme chargé par Autun de remercier Constantin pour l’allégement d’assiette fiscale consenti en faveur de cette cité est de ceux qui ont impressionné les historiens ».
12 La mention conjointe des moenia (monuments publics) et des uires (capacités financières, voir discussion infra) apparaît dans le formulaire d’une inscription africaine de l’époque de Sévère Alexandre mise au jour à Perdices (AE, 1966, 593) : Infatigabili indulgentia / dom(ini) n(ostri) Seueri [[Alexandri]] / pii felicis Aug(usti) auctis uirib/us et moenibus suis, castellani / Perdicenses muros exstruxe/runt, curante Licinio Hie/roclete procuratore Aug(usti) praeside prouinciae. / A(nno) p(rouinciae) clxxxviii. Pour le rédacteur de l’inscription, ce qui constituait d’un strict point de vue matériel une communauté civique, était d’une part ses finances et ses ressources, d’autre part son patrimoine monumental, composé principalement des ornamenta du caput ciuitatis. La bonne santé de la communauté se lisait dans l’état de ces deux éléments. Au passage, on notera que les mêmes préoccupations absorbaient les dirigeants éduens et leurs pairs de Maurétanie. Sur cette inscription : M. Christol, « Les troubles en Maurétanie Césarienne sous le gouvernement de T. Licinius Hiéroclès », dans L’Afrique, la Gaule, la Religion à l’époque romaine. Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Le Bohec Y. éd., Bruxelles, 1994 (coll. Latomus, 116), p. 258-261. Au ive siècle, le terme de moenia désigne toujours les monuments publics ou les bâtiments à usage collectif de la cité. À titre d’exemple, on peut citer le cas de Fabius Maximus (PLRE, i, Fabius 35, p. 587), uir clarissimus, praeses du Samnium dans les années 352-357, honoré de quinze inscriptions en raison notamment de sa forte activité édilitaire et de ses liens de patronat avec plusieurs cités de la région. Précisément, dans quatre inscriptions, il est qualifié d’instaurator (CIL, ix, 2463 de Saepinum ; CIL, ix, 2639 = ILS, 1248 d’Aesernia), de restaurator (CIL, ix, 2956 = ILS, 5341 de Iuuanum), ou encore de conditor (CIL, ix, 2337 = ILS, 1247) moenium publicorum.
13 Vis, uim, f. (pl. uires, uirium) signifie d’abord « force vitale, force physique ». Le terme a progressivement intégré le vocabulaire des finances pour désigner les « ressources, l’assise financière » d’un particulier ou d’une collectivité. Consulter l’OLD, p. 2074-2076, pour le sens qui nous intéresse ici. L’emploi du terme était courant dans des contextes divers, dans les sources littéraires (comme Apul., Μ., iv, 13), juridiques (Dig., xxxv, 3, 1, 12) et épigraphiques (comme le financement d’une construction par les uiribus rei p(ublicae) à Macomades, en Numidie, sous la Tétrarchie : CIL, viii, 4766 – 18700). Le terme apparaît dans le Panégyrique latin v(9) dans les passages concernant la source du salaire d’Eumène. Il signifie alors, dans l’expression uires reipublicae, « caisses de la cité », éventuellement « budget municipal ». Dans les sources épigraphiques figurent d’autres expressions comme pecunia publica, reipublicae ou sumptus publicus, reipublicae. Ces deux dernières semblent désigner de manière plus concrète les caisses de la cité, alors que uires, plus abstrait, semble renvoyer, de façon plus large, aux capacités financières. Les terres des cités étaient par ailleurs appelées fundi iuris rei publicae. Pour une étude approfondie de ce vocabulaire : M. Christol, art. cit., p. 254-266, en particulier p. 258-261, qui établit plusieurs rapprochements suggestifs avec le vocabulaire employé par Pline dans sa correspondance officielle avec Trajan à propos des finances des cités de Bithynie. Sur le terme respublica dans ce contexte financier : É. Lyasse, « L’utilisation du terme respublica dans le quotidien institutionnel des cités. Vocabulaire politique romain et réalités locales », dans Le quotidien municipal dans l’Occident romain, p. 187-202, en particulier p. 189-191.
14 Nous suivons en ce sens l’opinion de Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 533.
15 Les mêmes commentateurs négligeaient les passages dans lesquels les orateurs rappelaient la prospérité de cités et de provinces voisines : le territoire rural des Rèmes, des Nerviens, des Tricasses au § 6, 1, celui de cités indéterminées d’Aquitaine au § 6, 8.
16 Cette vision des campagnes en ruine a connu une grande fortune car elle se pliait bien à la vulgate universitaire selon laquelle le Bas-Empire n’aurait été qu’une sombre époque au cours de laquelle l’agriculture aurait été dévastée par les barbares et ruinée par les prélèvements d’un régime avide et autoritaire (le Dominat). Voir Ouzoulias, art. cit., p. 10-15, pour une mise au point sur ces questions.
17 Citation relevée dans l’introduction de l’article de C. Raynaud, « Les campagnes languedociennes aux ive et ve siècles », dans Les campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité, p. 247-278.
18 Voir l’analyse de Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 533, sur la notion de microrégion, et p. 533-536 sur la nécessité d’éviter toute forme de généralisation en matière de crise ou de prospérité agricole.
19 P. Van Ossel, op. cit., et Ouzoulias, art. cit., p. 10-15, ont permis, en France du moins, de renouveler l’approche des campagnes en Gaule en abolissant les a priori et les blocages historiographiques accumulés par plusieurs générations de savants. Plus généralement, la série de documents de travail sur la région actuelle d’Île-de-France, qui compte six volumes parus entre 1994 et 2003, permet d’affiner les données pour ce secteur. L’ouvrage pionnier à l’origine d’une remise en cause fondée sur des critères scientifiques et archéologiques rigoureux de la crise des campagnes de l’Empire au ive siècle est celui de T. Lewit, Agricultural Production in the Roman Economy, A.D. 200-400, Oxford, 1981 (BAR, International Series, 568).
20 Le colloque, déjà cité, apporte une somme d’informations intéressantes sur les évolutions des campagnes au cours du ive siècle. Les différentes contributions qu’il contient, parce qu’elles portent sur des régions diverses et sur des échelles variées, permettent de dresser un tableau nuancé et très différencié, à travers plusieurs indicateurs (transformations des formes d’habitat, analyses des pollens, de la céramique, mise en évidence de parcellaires dans le cadre de fouilles, etc.). Dans le volume des actes, aucun article n’est consacré aux campagnes situées en territoire éduen.
21 F. Vermeulen, « Les campagnes de la Belgique septentrionale et des Pays-Bas méridionaux aux ive et ve siècles », p. 45-68, démontre que les campagnes de ces régions frontalières ont connu très tôt une véritable régression de l’habitat rural de type gallo-romain, pour laisser place, dès le début du ive siècle et surtout après 360-370, à des implantations de type germanique.
22 Autour de Trèves, à l’exception du massif ardennais abandonné au iiie siècle, le modèle agricole romain a survécu à la « crise du iiie siècle » : beaucoup de sites, de uillae en particulier, continuent d’être occupés et de prospérer, même s’il s’agit de la dernière phase d’une histoire commencée au Haut-Empire. Ils furent, en effet, presque tous progressivement abandonnés à partir du milieu du ive siècle (M. Polfer, « Occupation du sol et évolution de l’habitat rural dans la partie occidentale de la cité des Trévires au Bas-Empire (ive-ve siècles), p. 69-112).
23 En Suisse, seulement un tiers des établissements ruraux du Haut-Empire continuent d’être occupés au début du ive siècle, chiffre qui diminue encore après 350 même si, il est vrai, l’occupation de moins de la moitié des sites peut être datée selon des critères modernes (J. Monnier, « Les établissements ruraux de l’Antiquité tardive en Suisse », p. 173-199).
24 Dans les limites actuelles de l’Ile-de-France, P. Ouzoulias, P. Van Ossel, « Dynamiques du peuplement et formes de l’habitat tardif : le cas de l’Ile-de-France », dans Les campagnes de l’Île-de-France de Constantin à Clovis. Colloque de Paris, 14-15 mars 1996. Rapports et synthèses de la deuxième journée, Ouzoulias P., Van Ossel P. éd., Paris, 1997, p. 147-172, soulignent les différences d’occupation et d’évolution de microrégions voisines : certaines (rares) étaient dépeuplées et vides dès le ive siècle, comme le secteur situé autour de Marne-la-Vallée. D’autres ont maintenu un bon niveau d’occupation, marqué par des structures gallo-romaines, au moins jusqu’au milieu du ive siècle puis ont progressivement disparu (majorité). D’autres secteurs enfin (rares) sont caractérisés par la création de nombreux sites à la fin de l’Antiquité, comme la Plaine de France. Les trois grandes tendances concernant l’évolution des campagnes de ces secteurs dans l’Antiquité tardive sont les suivantes : diminution progressive des points de peuplement, effacement progressif du modèle de la uilla, développement d’autres formes d’habitat (souvent en bois).
25 En Aquitaine, selon C. Balmelle, C. Petit-Aupert, P. Vergain, « Les campagnes de la Gaule du Sud-Ouest aux ive-ve siècles », p. 201-224, le ive siècle marque l’apogée de la uilla, qui garde sa double répartition au sein d’un même ensemble entre bâtiment résidentiel et bâtiment d’exploitation. Cet apogée est à mettre en rapport avec l’élévation de Bordeaux au rang de capitale de diocèse. Des nuances sont à apporter cependant : les niveaux de richesse varient entre les habitats, les grandes villas aristocratiques ne représentent qu’un tiers des sites, et il existe de grandes différences entre des secteurs très densément peuplés (vallée de la Garonne, de l’Adour, pays d’Armagnac, vallée de la Dordogne, du Tarn) et d’autres peu peuplés (autour de Toulouse, piémont pyrénéen), voire quasiment vides (actuel Médoc, Landes, Pays Basque).
26 Dans le Languedoc, les secteurs côtiers et de la plaine ont subi une évolution inattendue : les secteurs considérés a priori par les savants comme des paluds se sont révélés être des lieux de vie, d’agriculture et d’échange prospères (ce qui explique l’importance de bourgs comme Agde, érigé en évêché), alors que le système d’exploitation des plaines par les villas, à son apogée au début du iie siècle, n’a cessé de décliner pour connaître un étiage au iiie siècle, marqué par une restructuration des systèmes agraires. C. Raynaud, « Les campagnes languedociennes aux ive et ve siècles », p. 247-274, conclut que les campagnes de Narbonnaise première vivent une « période de mutation sereine » dans l’Antiquité tardive.
27 Sur l’autre rive de la Manche, le tableau des campagnes du diocèse de Bretagne que brosse S. Esmonde Cleary, « The countryside of Britain in the 4th and 5th centuries : an archaeology », p. 23-43, est fort instructif : dans ce secteur, la crise du iiie siècle se fait moins sentir qu’ailleurs (on constate en effet une paix relative dans cette partie de l’Empire, défendue par des usurpateurs qui tiraient leur légitimité de la défense des Bretons) et il est permis de parler d’un « beau ive siècle », caractérisé par la construction de villas spectaculaires par leur taille, par la somptuosité de leur décor, même si les années 375-425 marquent une rupture brutale et une disparition du modèle romain d’exploitation des campagnes. Cependant, il faut distinguer entre les secteurs situés au nord et à l’ouest d’une part (habitations moins belles, structures en bois mais prospérité palpable grâce aux nombreuses découvertes d’objets d’or et de trésors monétaires), et les secteurs du sud et de l’est (secteur des villas romaines en dur). Enfin, il faut opérer une distinction au sein de ces secteurs entre microrégions. Les productions agricoles semblent alors exportées à destination des armées d’Occident, la Bretagne fournissant une aide matérielle et fiscale pour soutenir les efforts de défense sur le limes rhénan. En ce sens, la situation bretonne est plus proche de celle de l’Afrique ou de l’Aquitaine que des provinces proches de la frontière rhénane.
28 Kasprzyk, op. cit., 1-b, p. 243-317 et 371-372, à compléter avec les analyses de P. Nouvel, art. cit., dans Autour du trésor de Mâcon, p. 123-146, pour les territoires les plus septentrionaux de la ciuitas.
29 Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 593-615. L’auteur est le seul à avoir abordé de front ce sujet. Son analyse a été reprise dans des ouvrages de synthèse parus en français, notamment B. Rémy, Dioclétien et la Tétrarchie, Paris, 1998, p. 74-79 ; Christol, L’Empire romain du iiie siècle, p. 210-211 ; Y. Modéran, L’Empire romain tardif, 235-395 ap. J.-C., Paris, 2003, p. 83-91.
30 Sur la chronologie des réformes tétrarchiques, voir Christol, op. cit., p. 210-211, 216. Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 192, que nous suivons en partie ici, propose de fixer à l’année 287 les débuts de la réforme de la fiscalité, à 296 la réforme monétaire et à 297 la création des diocèses.
31 Le résumé repose sur Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 37-47, 57-63 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 593-611).
32 Autant d’éléments qui apparaissent très concrètement dans le cadastre d’Orange : sur ce document édité par André Piganiol, Les documents cadastraux de la colonie romaine d’Orange, Paris, 1962 (Suppl. Gallia, 16), voir en dernier lieu les travaux de M. Christol, « Interventions agraires et territoire colonial : remarques sur le cadastre B d’Orange », dans Autour des Libri Coloniarum. Colonisation et colonies dans le monde romain, Gonzalès A., Guillaumin J.-Y. éd., Besançon, 2006, p. 83-92 ; id., « Les outils de la fiscalité : l’arrière-plan romain », dans De l’estime au cadastre en Europe (xiiie-xviiie siècle), i. Le Moyen-Âge, Rigaudière A. éd., Paris, 2006, p. 25-58.
33 Cette situation ne prévalait pas dans toutes les provinces de l’Empire. À cette époque en effet, en Égypte, la répartition de la charge fiscale reposait uniquement sur les surfaces. La diversité du système fiscal provincial est décrite par Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 603-604.
34 Ce défaut des auteurs tardifs est relevé ibid., p. 600.
35 Objections formulées par Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 39, ainsi que dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 596, réitérées p. 601. L’auteur prend le contrepied des analyses d’A. H. M. Jones, « Capitatio and iugatio », JRS, 47 (1957), p. 88-94, p. 92 sur ce point (repris dans The Roman Economy. Studies in Ancient Economy and Administrative History, Brunt P. A. éd., Oxford, 1974, p. 280-292, en particulier p. 287-288), selon lequel il existait une équivalence entre caput et chef de famille contribuable.
36 Interprétation proposée par Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 604-605, reprise avec quelques remarques inédites dans « L’incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l’Empire tardif », AARC, xiii (2001), p. 330.
37 Plusieurs lignes sont consacrées à la définition de ce terme plus loin dans l’analyse.
38 Sors est défini ainsi par Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 45 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 600).
39 Sur le système indictionnel : B. Rémy, op. cit., p. 76 ; Barnes, NE, p. 226-237 (en particulier le chapitre xiv : « The imperial census ») ; Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 153 (sur l’arithmétique du pouvoir), 192 (sur les premiers cycles indictionnels) et 199.
40 Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 59.
41 Ibid., p. 62 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 605).
42 Aucun témoignage direct sur cette solidarité n’est attesté. Jean-Michel Carrié présente des avantages et inconvénients d’un tel système fondé sur un impôt de répartition, garanti par l’astreinte des contribuables : ibid., p. 62-64. Le principal inconvénient du système à l’échelon local est qu’il contribua à l’exacerbation des tensions entre contribuables, mais aussi entre les percepteurs curiales et ces mêmes contribuables. Cette opposition ouvrit la porte à toutes sortes d’abus de pouvoir. Elle permit en particulier un renforcement du patronicinm. Ce système constitua aussi une rupture dans les rapports entre les classes dirigeantes locales et le pouvoir impérial. Par ailleurs, l’adscriptio des individus dans des registres catégoriels devint une véritable astreinte et parfois une obstruction à la mobilité physique et sociale. L’avantage pour le pouvoir est que s’ouvrait la possibilité d’effectuer des prélèvements fiscaux au montant connu par avance, dans le cadre d’un budget prévisionnel. Le système pouvait paraître aussi plus égalitaire en apparence, puisqu’il soumettait aux intérêts de l’État, en principe du moins, aussi bien les puissants que les faibles.
43 Ce cycle quinquennal courait de septembre 306 à septembre 311 : ibid., p. 39.
44 Ibid, p. 38-39 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 595).
45 Ibid., p. 43-47 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 599-601 [p. 600, sur le sens tronqué dans les textes littéraires] et p. 763 pour la définition du glossaire).
46 Ibid., p. 44-45 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 594, 599-601).
47 Telles sont les définitions données par J. Kapp, « Formula », dans ThLL, vi (1912-1926), col. 1113-1117, et par l’OLD, p. 724.
48 Carrié, art. cit., p. 61 (repris dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 603) ; id., « L’incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l’Empire tardif », AARC, xiii (2001), p. 317 et suiv.
49 Carrié, « La munificence du prince », p. 411-430 ; M. Corbier, « Indulgentia principis : continuità e discontinuità nel vocabolorio del dono », dans Politicica, retorica e simbolismo del primato : Roma e Constantinopoli (secoli iv-vii). Omaggio a Rosario Soraci, Atti del Convegno internazionale di Catania (4-7 ottobre 2001), Elia F. éd., Catane, 2004, p. 259-277 ; Pietanza, Indulgentia. Voir à ce sujet les remarques formulées supra, chapitre 4, n. 56.
50 Sur le terme de beneficium, OLD, p. 230 ; « Beneficium », dans ThLL, ii (1900-1906), col. 1878-1889. Sur meritum et son pluriel, merita, OLD, p. 1103.
51 Carrié, « Dioclétien et la fiscalité », p. 61 (repris Carrié, Rousselle, ERM, p. 599-603 et 765) ; id., « L’incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l’Empire tardif », AARC, xiii (2001), p. 317 et 329-330.
52 Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 198, 596, 600, 602-603.
53 Sur la notion de largitio, Carrié, « La munificence du prince », p. 411-430 ; Delmaire, Largesses sacrées et res privata, p. 4 et suiv.
54 Définition claire et synthétique de munus dans Jacques, Le privilège de liberté, p. 352-537.
55 Définition du terme par H. Van Kamptz, « Obsequium », dans ThLL, ix (1971), col. 180-185. Voir également l’OLD, p. 1221.
56 Des lois d’époque tardive font mention d’obsequia publica, au sens de « devoirs, charges à remplir par le citoyen envers sa communauté et l’État » (CTh., xvi, 2, 6 et CJ, vii, 5, 2, 1). C’est le sens à donner au terme dans ce passage : « charges, devoirs fiscaux ».
57 Au passage, la mention des routes dégradées a peut-être pour objet de rappeler à Constantin que la cité n’était plus en mesure d’assumer la charge d’entretien des voies impériales qui en traversaient le territoire. Sur la question : R. Rebuffat, « Via militaris ? », Latomus, 46 (1987), p. 52-67.
58 Définition de reliqua dans l’OLD, p. 1608.
59 Remissio : OLD, p. 1611. Exonerare : Beutler, « Exonerare », dans ThLL, v (1909-1939), col. 1545-1548 ; OLD, p. 645.
60 Amm., xvi, 5, 15 (éd./trad. J. Fontaine, E. Galletier, CUF). Voir aussi, dans cette même édition, les notes 299 et 300 où sont citées plusieurs lois relatives à ces questions : CTh., xi, 12, 2 ; xi, 28, 11 ; v, 12, 3. On attirera ici l’attention sur le contexte évoqué par Ammien : le passage correspond en effet à une longue digression où l’auteur dresse le portrait idéal du princeps ciuilis. Le procédé est subtil : en relatant des faits, Ammien énumère en réalité des res gestae, transformant progressivement, par glissements successifs et sans que le lecteur n’en prenne immédiatement conscience, son récit d’historien en un panégyrique ou mieux, un miroir du prince.
61 Le territoire de la cité des Éduens était immense (se reporter aux cartes publiées dans Peyre, Goudineau, Bibracte et les Éduens, p. viii et ix, p. 143). Il recouvrait plusieurs départements français actuels : la presque totalité de la Nièvre, de la Saône-et-Loire (à l’exception d’une partie située à l’est de la Saône), une large moitié de la Côte-d’Or (dans sa partie occidentale). Par ailleurs, il empiétait sur le sud de l’Yonne et le nord-est de l’Ailier. Bonne mise au point sur les débats anciens et récents relatifs à la question par J.-L.Voisin dans CAG, 89-1, p. 175-178 ; B. Debatty, « Les limites de la cité gallo-romaine des Sénons. Perception et réalités », Hypothèses 2004. Travaux de l’École doctorale d’Histoire, université Paris 1 Panthéon Sorbonne (2005), p. 85-94, en particulier p. 90-92 ; Kasprzyk, op. cit., 1-a, p. 59-75.
62 La mention de grands domaines, l’importance accordée par les élites éduennes à la terre ainsi qu’au mode de vie qui s’y rattachait apparaissent dans le Panégyrique latin iv(8) et dans les Laudes Domini. Sur le panégyriste anonyme de 297, voir l’annexe regroupant la liste des notables éduens du iiie siècle (Anonyme 5).
63 Importante mise au point sur ces questions dans J. Dubouloz, art. cit., p. 15-35.
64 Glaucus fait l’objet de longs développements supra, chapitre 6, ainsi que dans la fiche qui lui est consacrée dans l’annexe.
65 Sur le rôle joué par les curiales dans la levée de l’impôt, on lira les pages essentielles de Corbier, « Cité, territoire et fiscalité », p. 659-660, pour le Haut-Empire, et de Lepelley, Les cités, 1, p. 213-216, pour les époques tardives. Ce dernier s’appuie sur la documentation papyrologique et littéraire, mais surtout sur des lois conservées dans le Code Théodosien (promulguées entre le règne de Constantin et celui de Valentinien III), fort disertes sur le sujet. Bonne mise au point sur la question par Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 63-64, 605-611. On lira également R. Delmaire, « Cités et fiscalité au Bas-Empire. À propos du rôle des curiales dans la levée de l’impôt », dans La fin de la cité antique, p. 59-70, même si ce dernier s’intéresse plutôt à la situation des bouleutes d’Égypte et d’Orient à des périodes postérieures. L’auteur souligne bien que le curiale n’était qu’un des maillons de la chaîne des responsables de la collecte, le plus bas (collecteur) ou au niveau médian (exacteur), mais jamais au sommet, rôle dévolu à des membres de l’administration impériale. Il résultait de cette situation qu’il pouvait être soit l’oppresseur des contribuables qui dépendaient de lui, soit la victime des fonctionnaires impériaux qui étaient ses supérieurs (p. 65-66).
66 Mireille Corbier aborde ces questions pour le Haut-Empire seulement, même si elle formule à l’occasion des remarques valables pour le Bas-Empire : Corbier, « Cité, territoire et fiscalité », p. 659-662.
67 CTh., xi, 28, 10, qui répond à une situation d’abus engendrée par une immunité impériale (iindulgentia consistant en une remise d’arriérés des quarante années passées !) évoquée dans CTh., xi, 28, 9. Ce dernier texte, qui bénéficie d’un bref commentaire de M. Corbier, art. cit., p. 661, éclaire bien la critique des indulgentiae par Ammien mentionnée supra, p. 271.
68 Sur cette responsabilité collective, voir supra, n. 42.
69 Ces 7 000 capita correspondent-ils exactement à la surcharge fiscale entraînée par la nouvelle tarification après census ? Ou bien s’agit-il en réalité d’un montant surévalué à dessein par les empereurs, désireux d’ajouter un bienfait supplémentaire en faveur d’une communauté civique qu’ils choyaient tout particulièrement ?
70 Loi mentionnée supra, n. 67.
71 La dévastation partielle des terroirs du pagus d’Arebrignus n’est peut-être pas le fruit du hasard. Ce territoire, placé sur un lieu de passage fréquenté, en l’occurrence la vallée de Saône, axe majeur entre le nord et le sud de la Gaule, constituait un véritable sentier des invasions, par lequel les armées romaines accédaient aux frontières rhénanes vers l’est, à la Bretagne par l’ouest. Le secteur n’est pas si éloigné d’ailleurs des fameux champs Catalauniques, théâtre de la confrontation entre les troupes de Tétricus et celles d’Aurélien en 274. Certains secteurs ont du être dévastés car fortement exposés, et il fallut du temps pour les remettre en état. En revanche, l’idée d’une crise générale de ce secteur est à nuancer.
72 Sur les biens et propriétés d’Ausone situés dans les campagnes d’Aquitaine, en particulier le domaine paternel de Bazas, voir Étienne, Ausone, p. 26-37 (commentaire accompagné des références aux sources et d’une carte) ; Sivan, Ausonius, p. 66-73 (n. 92-140 et carte 3, p. 67) ; Coşkun, Die gens Ausoniana, p. 91-92, 124-125 (n. 41 en particulier).
73 Sur l’archéologie de la viticulture gallo-romaine, on consultera les différentes contributions rassemblées le dossier sur La viticulture en Gaule, Brun J.-P., Laubenheimer F. éd., publié dans Gallia, 58 (2001), p. 1-260. Sur la crise de la viticulture au iiie siècle (incontestable mais à relativiser), sur la politique volontariste de Probus en ce domaine, sur le maintien de cette culture au ive siècle, on lira plus attentivement J.-P. Brun, F. Laubenheimer, « Introduction », p. 7-11, et « Conclusion », p. 214-219. Si le maintien de la viticulture fut bien réel au ive siècle, il apparaît plus difficile à identifier sur le terrain, en raison des changements techniques majeurs intervenus entre les iie etive siècles (en ce sens, la « crise » ne constitue donc pas la raison unique de ce changement structurel opéré en l’espace d’un siècle) : emploi de tonneaux pour la commercialisation au détriment des amphores, multiplication de l’outillage en bois, distinction moins nette dans le bâti agricole entre les bâtiments à fonction viticole et les autres.
74 Les cycles fiscaux quinquennaux établis entre le début du règne de Dioclétien et le début des années 310 (date de la mise en place du système d’indiction de 15 ans) furent les suivants, toujours de septembre à septembre : 286-287 (années des premières mises en application de la réforme fiscale) à 290-291 ; 291-292 à 296-297 ; 296-297 à 300-301 (avec, en 296-297, la mise en place de « proto-diocèses ») ; 301-302 à 305-306 ; 306-307 à 310-311 (306-307 étant l’année du « cens » de Galère).
75 Sur l’homogénéisation des statuts civiques, phénomène dont la chronologie est mal assurée, voir supra les réflexions du chapitre 6, n. 17.
76 Sur la procédure : C. Lepelley, « Témoignages épigraphiques sur le contrôle des finances municipales par les gouverneurs à partir du règne de Dioclétien », dans Il capitolo delle entrate, p. 242-247.
77 Sur la question de l’exploitation des campagnes par le caput ciuitatis, sur la question des inégalités à l’intérieur de la cité entre la ville et le territoire rural, voir les remarques de M. Corbier, art. cit., p. 659-662, en particulier p. 633, 646-650.
78 Cette remarque, formulée par Hans-Georg Pflaum au sujet des testimonia glanés dans l’œuvre de saint Augustin par Claude Lepelley, est rapportée par ce dernier dans l’avant-propos de son recueil de scripta varia : Aspects de l’Afrique romaine, p. 6. Voir en ce sens les propos que tenait en 1960 Louis Robert dans un article cité supra, chapitre 4, n. 55.
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