Réformer le service de santé des armées françaises dans la seconde moitié du xviiie siècle
p. 391-453
Texte intégral
1Si, comme le rappelle Homère au chant xi de L’Iliade1, des guerriers possédant des connaissances chirurgicales étaient dès l’Antiquité présents sur les champs de bataille, et si sous l’Empire romain, des médecins comme des installations hospitalières étaient destinées aux armées2, ce n’est qu’au xvie siècle qu’est esquissée dans les armées européennes, une assistance médicale réelle des soldats. En effet, c’est l’époque moderne qui voit, notamment dans les armées françaises, à la pointe de ces évolutions, le passage d’une assistance ponctuelle aux blessés et malades à l’instauration d’un véritable système médical permanent destiné aux soldats. Ainsi, l’ordonnance du 24 juillet 1534, par laquelle François Ier crée les légions, prévoit d’une part le versement de leur solde aux blessés et malades, et d’autre part l’attribution à chacune des six bandes composant chaque légion d’un chirurgien et d’un apothicaire. C’est lors du siège d’Amiens de 1597 qu’Henri IV fait établir le premier hôpital de campagne, à Longpré-les-Amiens. Sous le règne de Louis XIII, les premiers hôpitaux sédentaires permanents sont mis en place à Calais (1621), mais surtout dans la place forte de Brouage (1628), et le Code Michau attache définitivement, en 1629, un poste de chirurgien à chaque régiment. Par la suite, Michel Le Tellier, secrétaire d’État de la Guerre de 1643 à 1677, fait construire sous la régence d’Anne d’Autriche des hôpitaux dans certaines places fortes frontalières, comme Dunkerque et Perpignan. Au début du règne personnel de Louis XIV, décisif dans ce domaine, les armées françaises disposent donc d’une ébauche de service de santé. Si le marquis de Louvois, qui succède à son père en 1677 au département de la Guerre, et le marquis de Vauban poursuivent la construction hospitalière par l’établissement d’un hôpital dans chaque place forte de la ceinture de fer, mise en place à partir de la guerre de Hollande (1672-1678), ce n’est qu’à la fin du règne qu’est véritablement instauré le service de santé militaire. Faisant suite à la grande ordonnance de Colbert de 1681, mais surtout à l’ordonnance de Seignelay de 1689, qui mettent en place les structures sanitaires de la marine de guerre, l’ordonnance du 17 janvier 1708 instaure, par la création d’un corps d’officiers de santé aux armées – personnel titulaire des régiments et des hôpitaux –, un véritable service de santé des armées, objet d’une administration centralisée reposant sur une armature hospitalière faite d’établissements royaux et d’un important personnel sanitaire. La très nombreuse législation de la première moitié du xviiie siècle ayant pour objectif de perfectionner l’organisation, mais surtout la réglementation de cet édifice sanitaire, victime d’abus coûteux de la part de ses administrateurs comme de ses usagers, est synthétisée dans l’ordonnance du 1er janvier 1747 portant règlement général sur les hôpitaux militaires.
2Aboutissement d’une première phase de production législative, cette ordonnance coïncide avec l’ouverture d’une deuxième période de l’histoire du service de santé militaire, qui se caractérise, comme plus généralement l’armée, par des débats centrés sur la nécessité de le réformer3. En effet, malgré le caractère victorieux de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), émerge, au regard des échecs militaires de ce conflit, la nécessité d’une réforme des armées françaises. Or, si ces échecs sont considérés avant tout comme le fruit de l’indiscipline des troupes4, l’improvisation qui caractérise le service de santé est tout autant mise en cause. Ainsi, à Dettingen, en juin 1743, l’hôpital ambulant n’est pas en place lorsque débute la bataille, et à l’issue de la défaite, certains blessés restent plus de 48 heures sur le champ de bataille. Au col de l’Assiette, quatre ans plus tard, le service de santé est dépassé : 2800 soldats et officiers sont évacués, mais 20 % des blessés ont été abandonnés5. Si le retour de la paix s’accompagne de réformes tactiques et en matière de formation des troupes, le service de santé, bien que critiqué, n’est alors l’objet que de peu de réflexions rénovatrices. Ainsi, comme l’indiscipline – dont la maraude est l’expression la plus frappante –, le service de santé et l’état sanitaire déplorable des troupes sont de nouveau au cœur du constat de faillite laissé par la guerre de Sept Ans (1756-1763), et notamment par la désastreuse année 1757, qui marque les contemporains par ses revers. Comme en témoigne les sources, une retentissante défaite comme celle Roßbach a ainsi été non seulement tactique, mais aussi sanitaire, 6000 blessés abandonnés étant faits prisonniers par les Prussiens avant d’être évacués vers les hôpitaux de Berlin et Magdeburg6. Évoquant « les horreurs de la campagne » dans l’Essai général de tactique, le comte de Guibert résume quelques années plus tard : « le brigandage étoit au comble ; les hôpitaux étoient des charniers »7.
3À partir des années 1760, deux questions dominent donc la réflexion sur le service de santé, d’une part celle, invariable, de la conservation des troupes, d’autre part celle, largement dominante, de l’amélioration de la structure hospitalière et de son administration. En effet, ce sont les hôpitaux militaires, pivots du service de santé, qui, notamment dans le contexte de dégradation des finances de la monarchie, focalisent l’attention. Armature de l’édifice sanitaire mis en place par Louis XIV, ils sont alors progressivement remis en cause comme à la fois coûteux et mortifères. Si dès 1762, sous le ministère du duc de Choiseul, il est envisagé de donner aux régiments la charge du traitement de leurs malades et blessés contre le versement d’un abonnement fixe, c’est Jean Colombier (1736-1789) qui pour la première fois, en 1772, dans son Code de médecine militaire8, affirme la nécessité de remplacer les hôpitaux militaires par des hôpitaux régimentaires, dont les chirurgiens et médecins du corps auraient désormais la charge. Soumis en 1777 au comte de Saint-Germain, alors secrétaire d’État de la Guerre, son projet est écarté après consultation des corps, qui s’y montrent très largement défavorables. Toutefois, une nouvelle répartition des tâches entre les officiers de santé des régiments et ceux des hôpitaux militaires se dessine. Les ordonnances du 26 février 1777, du 1er janvier 1780 et du 2 mai 1781 portant règlement sur les hôpitaux militaires mettent ainsi à la charge des chirurgiens majors des régiments les indispositions ou maladies simples et les blessures légères, les affections compliquées et les blessures graves restant prises en charge par les hôpitaux militaires. Les hésitations des ordonnances quant au traitement des galeux et vénériens, notamment dues à la classification des maladies en simples et compliquées – floue mais classique à l’époque –, témoignent cependant de débats persistants sur la structure hospitalière, débats qui s’intensifient dans les années 1780, dans le contexte de réforme du ministère du marquis de Ségur, secrétaire d’État de la Guerre depuis le 23 décembre 1780. Inspecteur général des hôpitaux, prisons et dépôts de mendicité depuis 1780, Jean Colombier bénéficie alors d’une assise institutionnelle pour la défense de son projet de substitution des hôpitaux régimentaires aux hôpitaux militaires, ainsi que du soutien de militaires comme Joseph Servan, qui dénonce dans son Soldat-citoyen les dilapidations et inhumanités des mouroirs que sont les hôpitaux militaires9.
4La mise en place du conseil de la Guerre, à partir du 9 octobre 1787, en vue d’une refonte complète de la législation et de l’organisation militaires, consécutive à l’arrivée du comte de Brienne au secrétariat de la Guerre en septembre, place la question de la réforme du service de santé au cœur des préoccupations ministérielles. Un Directoire des hôpitaux militaires, présidé par les comtes de Puységur et d’Esterhazy, membres du conseil de la Guerre, est alors mis en place. Il est composé, outre des officiers qui le président, de deux anciens officiers de santé ayant fonction de rapporteur et vice-rapporteur, ainsi que d’un commissaire des guerres. Le règlement du 18 mai 1788 adjoint à cette instance exécutive une instance consultative, appelée conseil de Santé, et composée de douze membres réputés du corps médical. Outre la présence de De Horne (1740 ?), médecin en chef des hôpitaux militaires, mais surtout éditeur du Journal de médecine militaire (1782-1788), le conseil de Santé compte parmi ses membres deux des plus illustres chirurgiens français de l’époque, à savoir Antoine Louis (1723-1792), inspecteur des hôpitaux militaires, mais surtout secrétaire perpétuel de l’Académie de chirurgie, et François Dézoteux (1724-1803), chirurgien consultant des armées du roi, fondateur et directeur de l’École de chirurgie militaire du régiment du Roi, et qui s’est fait connaître par ses travaux sur l’inoculation. Est aussi appelé au conseil de Santé, Jean-François Coste (1741-1819), le plus farouche défenseur des hôpitaux militaires10. Réputé depuis sa participation à la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783) en tant que médecin-chef du corps expéditionnaire du comte de Rochambeau, il est nommé à son retour premier médecin des armées du roi, puis inspecteur des hôpitaux du Nord et de l’Est en 1785. Collaborateur de Colombier, il rédige en 1787 à l’adresse du Directoire ses Considérations sur les hôpitaux militaires relativement à leur projet de réforme11. En effet, les partisans de la réforme régimentaire des hôpitaux militaires – au premier rang desquels Louis et Dézoteux – dominent très largement cet organe, dont le rapporteur n’est autre, depuis octobre 1787, que Jean Colombier. Il est assisté dans cette tâche par un vice-rapporteur, poste occupé par François-Joseph Majault (1730-1790), auteur des mémoires édités ici.
5Selon un modèle ordinaire, ce chirurgien militaire est issu d’une famille d’officiers de santé12, son père étant chirurgien major de l’hôpital militaire de Douai, et ses deux frères, Michel-Joseph Majault (1714 ?-1790 ?) et Antoine-Louis-Joseph Majault (1785 ?), étant médecins des camps et armées du roi, puis médecin de l’Hôtel-Dieu et docteur-régent de la Faculté de Médecine de Paris pour le premier, et chirurgien major et inspecteur des hôpitaux militaires pour le second. Majault entre ainsi en 1743 comme élève en chirurgie à l’hôpital militaire de Douai sous les ordres de son père. Durant la guerre de Succession d’Autriche, il prend part aux campagnes de Flandres de 1745 à 1748, en tant qu’élève en chirurgie au sein des hôpitaux, ambulants en campagne et sédentaires en hiver. À la fin de la guerre, il poursuit ses études à l’hôpital militaire de Douai de 1749 à 1757, année où il rejoint comme chirurgien aide major la réserve de l’armée du Bas-Rhin, sous les ordres du prince de Soubise, puis du marquis d’Armentières. En l’absence du premier médecin, Louis-Guillaume Le Monnier13, et du chirurgien major, Jacques Bagieu14, il exerce les fonctions de chirurgien major jusqu’en juillet. Il est alors nommé chirurgien major du régiment de cavalerie de la Reine, poste qu’il occupe durant quatre campagnes, de 1758 à 1761. En octobre de cette année, il succède à son père comme chirurgien major de l’hôpital militaire de Douai et reste en fonction vingt ans. Docteur de la faculté de médecine de Douai, il est nommé à la chaire d’anatomie et chirurgie en 1767. C’est sans aucun doute à cette époque qu’il fait la connaissance de Colombier, qui est docteur de la faculté de Douai en 1765. Après s’être vu décerner le brevet de chirurgien major de l’École royale d’artillerie de Douai, il obtient en 1777 un brevet de chirurgien consultant des camps et armées du roi, mais sans appointements15, ce à quoi il essaye de remédier par une demande de gratification en 177816, qu’il se voit cependant refuser17. Lors de la mobilisation des troupes en vue d’une descente en Angleterre, il occupe les fonctions de chirurgien major de l’armée de Normandie du maréchal de Broglie en 1778, puis de l’armée de Bretagne du comte de Vaux en 1779. C’est sans doute à cette occasion qu’il fait la connaissance du comte de Puységur, pour lors major général de l’armée de Bretagne. À l’apogée de sa carrière, il obtient enfin la reconnaissance de ses services par sa nomination, en octobre 1780, comme chirurgien major du corps de la gendarmerie.
6La disparition de ce corps, programmée par les réformes du conseil de la Guerre, doit cependant conduire à priver Majault de son poste au début de l’année 1788. C’est donc très probablement en prévision de cette réforme que ce dernier adresse au comte de Brienne, à qui il propose par la même occasion ses services, six mémoires relatifs au service de santé, signés pour l’un d’octobre 1787 et pour les cinq autres de février 1788. Les deux mémoires complémentaires portant sur l’administration des hôpitaux militaires en France et en Autriche18 sont les seuls à avoir été effectivement rédigés peu de temps avant cet envoi de février 1788, Majault y faisant d’ailleurs directement référence à la dissolution du corps de la gendarmerie comme le laissant sans emploi. Les quatre autres mémoires19 sont des versions remaniées de textes envoyés une première fois au Bureau des hôpitaux militaires en 1778 pour trois d’entre eux, et en 1780 pour le quatrième. Ces remaniements s’inscrivent ici dans une pratique courante de réemploi de mémoires envoyés à un précédent ministre : amendés et corrigés, ces mémoires ne font habituellement pas l’objet de modifications profondes en ce qui concerne le fond de leur argumentation. Ici, ils viennent appuyer un projet de réforme que Majault expose dans les deux mémoires rédigés en 1788. Ainsi, si l’absence de lettre d’accompagnement et la parfaite indépendance formelle de ces six mémoires techniques – abordant successivement les hôpitaux ambulants, les maladies vénériennes, l’organisation hospitalière, le régime alimentaire, et la formation du personnel de santé –, nous empêche de l’affirmer avec certitude, ils ont sans aucun doute été envoyés conjointement, et constituent très certainement un ensemble cohérent, panorama des compétences de leur auteur, envoyé en février ou mars 1788 en vue d’obtenir un autre emploi. Cette démonstration de compétence, doublée de liens unissant très probablement leur auteur à Colombier et Puységur, semble avoir abouti, puisque Majault obtient quelques temps plus tard le poste de vice-rapporteur honoraire du Directoire des hôpitaux militaires20.
7Traitant tous plus ou moins directement de l’administration hospitalière, ces six mémoires constituent un véritable plaidoyer en faveur d’une rénovation du service de santé militaire et de sa structure hospitalière sur une base régimentaire, au fondement de laquelle seraient les chirurgiens majors des régiments. Dans cette perspective, Majault s’appuie en particulier sur le modèle autrichien. Très comparable au système prussien, le service de santé autrichien ne connaît, en effet, pas d’hôpitaux militaires sédentaires, propres au système français, mais repose sur l’échelle du régiment, sous la responsabilité des officiers du corps, l’intervention directe de l’État dans son fonctionnement étant minimale21. Ainsi, à l’image de l’Autriche, Majault fait du chirurgien major le pivot central de son organisation sanitaire régimentaire, l’investissant d’un rôle clé, à la fois administratif et médical. S’inspirant également du modèle autrichien, il propose par ailleurs une réorganisation complète du corps des officiers de santé, elle aussi dominée par les chirurgiens. Une nouvelle hiérarchie doit ainsi voir le jour, structurée autour d’un chirurgien-chef placé à la tête de chirurgiens majors de départements, eux-mêmes contrôlant les chirurgiens majors des garnisons et régiments. Enfin, accompagnant une hiérarchisation accrue, le critère du mérite, remplaçant la cooptation et la faveur par le biais de la multiplication d’examens, mais surtout la création de concours − sur le modèle autrichien –, traduit, outre des évolutions qui traversent l’armée dans son ensemble à la même époque, une volonté de professionnalisation du service de santé des armées.
8Au-delà de ces réformes organisationnelles, le cœur du problème posé au service de santé concerne alors la manière d’optimiser la conservation des hommes en optimisant les coûts. Ainsi, dans un contexte de dégradation des finances de la monarchie, Majault défend l’efficacité économique d’une administration réformée combinant l’échelle régimentaire et l’entreprise. En effet, ses mémoires sont l’occasion pour lui de condamner, comme il est récurrent à son époque, le système de la régie, condamnation qui s’insère dans un débat plus général ouvert en France depuis les années 1760 sur la pertinence, quel que soit le domaine – du service des postes à celui des hôpitaux militaires –, d’une administration étatique fondée sur l’entreprise. Depuis leur création, à l’exception des hôpitaux de marine, les hôpitaux militaires sédentaires sont administrés de manière dominante sous le système de l’entreprise. Un entrepreneur adjudicataire rémunère alors le personnel non appointé par le roi – le directeur et les infirmiers –, et supervise l’achat des fournitures et remèdes pharmaceutiques, en contrepartie d’une indemnisation versée par l’État et calculée en nombre de journées d’hôpital, elles-mêmes partiellement financées par une retenue sur la solde des malades et blessés, selon leur grade, leur régiment et leurs états de service. Or le tarif de la journée, en constante augmentation au xviiie siècle, est multiplié par deux entre 1700 et 174822. Dans la seconde moitié du siècle, il s’élève ainsi à 20 sols pour l’hôpital des gardes françaises du Gros-Caillou à Paris23. Alors même que ce système s’accompagne de nombreux abus (journées fictives, fraudes sur les fournitures et remèdes, etc.) dommageables pour les soins, et malgré des tentatives de mise en régie, les secrétaires d’État successifs restent néanmoins convaincus que l’entreprise est préférable et que la solution réside dans le renforcement des contrôles et des sanctions – d’où l’importance de la législation. Ce point de vue est partagé par Majault qui souhaite que ce système entrepreneurial soit inséré dans un système régimentaire, cette combinaison étant la seule qui puisse permettre, selon lui, d’allier un optimum économique et un optimum médical, à savoir faire des économies sans conséquences préjudiciables pour les soins prodigués. Ainsi, en réduisant au nécessaire un personnel hospitalier très largement surnuméraire en temps de paix, les hôpitaux régimentaires doivent permettre de réduire la lourdeur administrative et les coûts des hôpitaux royaux, et donc de faire des économies substantielles, tout en favorisant l’esprit de corps et une meilleur discipline, par la surveillance et le contrôle exercés par les officiers sur leurs propres soldats. De plus, fondée sur l’intéressement, cette administration régimentaire doit permettre de dégager des surplus. Majault oppose néanmoins un excès d’économie autrichien à un excès de dépenses françaises, et propose ce qui est selon lui un juste milieu afin que l’intérêt ne porte pas préjudice aux soins. Il préconise pour cela une réglementation accrue et une multiplication des contrôles. Cependant, et c’est là une des faiblesses de son argumentation, il propose aussi de nouvelles dépenses – telles que l’augmentation de la solde d’un sol afin d’améliorer le régime alimentaire des soldats –, en arguant du fait que cette amélioration des soins, s’accompagnant a priori d’un accroissement du coût, se trouvera en réalité rentabilisée et compensée, par le fait même qu’elle permettra de réduire le nombre de malades.
9Support de son argumentation en faveur d’hôpitaux régimentaires, Majault consacre un mémoire aux maux les plus répandus et les plus permanents – avec les dermatoses – dans les armées d’Ancien Régime24, à savoir les maladies vénériennes. Ce choix reflète, en effet, la place que tient le cas des vénériens dans le débat relatif à l’organisation hospitalière. Dès 1768, le traitement des galeux simples est brièvement donné aux hôpitaux de garnison et caserne. Mais c’est surtout l’ordonnance du 26 février 1777 portant règlement sur les hôpitaux militaire qui confie aux officiers de santé régimentaires le traitement outre des indispositions, des gales et gonorrhées simples. Mesure sur laquelle revient l’ordonnance de 1780, confirmée par celle de 1781, qui, si elle confie les indispositions et blessures légères aux chirurgiens major des régiments, impose expressément que les gales compliquées et les maladies vénériennes, qui ne sont jamais simples, soient traitées dans les hôpitaux militaires. Or, c’est précisément ce à quoi s’oppose Majault, considérant qu’outre le coût de ce traitement dans les hôpitaux militaires, celui-ci est mauvais. Il recommande ainsi que les vénériens – galeux, gonorrhéens et vérolés –, soient confiés aux chirurgiens majors des régiments, mesure dont il cherche à démontrer qu’elle est moins coûteuse, meilleure du point de vue des soins – les soldats étant moins nombreux et les traitements personnalisables –, et enfin préférable pour éviter la récidive ou la désertion, les soldats restant sous le contrôle direct de leurs officiers. De plus, si en accord avec l’ensemble du corps médical Majault considère les prostitués comme des vecteurs complémentaires aux militaires dans la contagion vénérienne, il dénonce leur traitement, fait sous la contrainte dans les maisons de force où elles sont enfermées, ainsi que l’absence de sanctions en cas de récidive, qu’il met ici en cause. Dans le cas des prostituées comme dans celui des soldats, la récidive et sa sanction constituent ainsi un élément majeur de ses propositions pour lutter contre les maladies vénériennes.
10À côté de l’enjeu central des hôpitaux militaires sédentaires, Majault aborde enfin la question des hôpitaux militaires de campagne. Ainsi, son projet d’hôpital ambulant reflète-t-il ici la persistance d’un problème traité déjà depuis deux siècles, la première ordonnance instituant un « hospital ambulatoire » à la suite des armées étant l’ordonnance de Blois de 1550. Face aux difficultés soulevées par la réquisition de bâtiments inadaptés – notamment par leur dispersion et leur capacité réduite –, Majault propose de prévoir une série de tentes permettant d’installer un véritable hôpital démontable. Outre l’amélioration des capacités et conditions d’évacuation des malades et blessés, son principal objectif est de traiter rapidement les soldats et à proximité du front, témoignant ici du fait que la conservation des troupes constitue bien la fonction première assignée au service de santé.
11Au service d’une réorganisation du service de santé des armées, les propositions avancées par Majault tout au long de ses différents mémoires révèlent plus généralement à la fois les paradigmes et les caractéristiques du monde médical des Lumières. Ainsi, en accord avec les conceptions hygiénistes de son époque, ses principales préoccupations sanitaires concernent la salubrité, et en particulier la circulation de l’air, dont le renouvellement régulier constitue, à l’époque, un élément central de la lutte contre les contagions et pourritures, à l’origine de nombreux décès. De la même manière, Majault porte une attention particulière au régime alimentaire des malades. Traitant tout autant des questions de quantité que de qualité des aliments, ses propositions traduisent, outre la volonté de parer les abus, celle d’améliorer le contenu de ce régime considéré comme un élément essentiel des traitements prodigués. De plus, à côté de ces conceptions médicales, les propositions de Majault mettent en lumière des éléments structurels de sa discipline, en particulier la place essentielle de la chirurgie au sein des armées, où elle est née et a acquis sa reconnaissance disciplinaire. Clé de voûte du service de santé, elle y tient désormais un rôle prépondérant, à l’inverse de la médecine dont les praticiens dominent le monde civil. Reflet de cette dualité persistante entre médecine et chirurgie, et à l’image de beaucoup de praticiens militaires, Majault affirme, sur la base du modèle autrichien qui ne connaît pas de médecins militaires, leur quasi inutilité dans le service de santé, un chirurgien pouvant se substituer à un médecin, sans que l’inverse ne soit vrai. De plus, en tant que chirurgien-démonstrateur de l’hôpital militaire de Douai, il se montre particulièrement sensible à l’enseignement pratique et clinique qui caractérise alors le monde médical français, et particulièrement les hôpitaux militaires qui sont à l’origine de ce modèle sans équivalent à l’étranger25. Ainsi, à côté des hôpitaux-amphithéâtres mis en place par le règlement du 22 décembre 1775 pour la formation des officiers de santé, il propose la mise en place de démonstrations anatomiques dans les départements et garnisons. Enfin, en proposant d’ouvrir de tels enseignements aux praticiens civils, Majault rappelle le rôle véritablement moteur joué par les praticiens militaires dans les progrès de la chirurgie comme de la médecine.
12Révolutionnant la constitution sanitaire des armées françaises, l’ordonnance du 20 juillet 1788 – dont la paternité est notamment attribuée à Jean Colombier – supprime les hôpitaux militaires qui sont alors remplacés par des hôpitaux régimentaires administrés par leurs chirurgiens majors, ne conservant que les hôpitaux-amphithéâtres comme auxiliaires. À l’image de cette ordonnance, jamais vraiment appliquée et abrogée par le comité militaire de l’Assemblée nationale dès 1790, les mémoires envoyés par Majault révèlent les problématiques et les ambigüités du service de santé aux armées à la fin du xviiie siècle. Ils constituent ainsi un ensemble à la fois original – par leur cohérence et le panorama du service de santé qu’ils offrent, mais aussi, paradoxalement, du fait de la rareté, dans la sous-série 1 M, des mémoires relatifs à ces questions sanitaires –, et représentatif – par le parcours de son auteur, typique des officiers de santé dans les armées françaises de cette époque, mais surtout par les problématiques abordées, caractéristiques du service de santé à la veille des bouleversements révolutionnaires. Ainsi, illustrent-ils tout d’abord la dualité fondamentale du monde médical de l’époque, partagé entre chirurgie et médecine, dualité se superposant à une seconde en cours de définition, et opposant le civil au militaire. De même, le débat concernant la régie et l’entreprise met en opposition une logique médicale de soins face à une logique économique de profit, mettant en évidence le peu de prise du personnel de santé, relégué à sa fonction technique, sur l’administration des structures hospitalières26. Le système des hôpitaux régimentaires tel que le définit Majault cherche indirectement à y remédier en substituant à l’armature hospitalière une hiérarchie de praticiens, ici les chirurgiens. Plus généralement, le débat sur les hôpitaux militaires qui focalise alors l’attention met en opposition une conception du service de santé fondée sur la structure hospitalière comme pivot des soins et de l’enseignement – sa fonction militaire n’étant pas première –, et une conception traditionnelle de l’officier de santé inséré dans les corps et soumis aux logiques militaires. Ainsi, l’attachement que Majault témoigne à la définition et la standardisation de l’uniforme des officiers de santé, tout en insistant sur le fait que ces praticiens ne sont pas des militaires, traduit, comme ce débat sur l’organisation hospitalière, la dualité fondamentale du service de santé des armées, traversé en cette fin du xviiie siècle à la fois par les problématiques militaires et les problématiques médicales. Enfin, les mémoires de Majault mettent en lumière le paradoxe constitutif sur lequel repose le service de santé des armées, à savoir l’objectif de soigner et guérir des hommes dont le métier est de donner et recevoir la mort.
Réflexions sur les différentes administrations des hôpitaux militaires de France qui ont eu lieu depuis 1746 jusqu’à ce jour, et parallèle de ces administrations avec celle des hôpitaux de sa Majesté Impériale et Roïale27 [sic], par Monsieur Majault
13[Page 3] De tous les tems, il en a coûté fort cher au gouvernement français pour faire soigner les malades et blessés dans les hôpitaux militaires, en raison du grand nombre d’emploïés de tous les genres qui étaient au compte du roi en sus des journées des malades.
14Lorsque j’ai commencé l’étude de la médecine et de la chirurgie, et à suivre les hôpitaux, les journées des malades quelconques étaient à 14 sols. Je les ai vues portées à 16s au bail suivant, de là à 18 et ensuite à 20, toujours sans y comprendre les élèves en chirurgie, ceux de la pharmacie et les infirmiers, qui portaient une augmentation proportionnée, ce qui formait toujours une dépense considérable ; [Page 4] mais au moins on formait des états clairs, qui constataient par chaque année la dépense des hôpitaux. C’est en 1778 qu’ont fini ces entreprises. Le service des hôpitaux a été pris en 1779 en régie28 par le sieur Magnier29, pour tous ceux du roïaume, à la réserve des hôpitaux administrés depuis longtems par les religieuses. Monsieur Magnier était honnête homme, mais peu fait pour cette partie. Son travail, obscur et lourd, emploïait beaucoup de commis dans ses bureaux, qui n’avaient pas plus d’intelligence que le régisseur, qui de son côté n’avait pas de fond [sic] pour les acquisitions qui se faisaient à crédit avec un gros intérêt. Il en est résulté que tout compte fait, les journées des malades ont été portées à quatre francs au moins et que cet essai à coûté deux millions au roi. La mort de cet homme, qui a sacrifié ses jours au travail sans laisser à son héritier une fortune telle que l’on aurait dû croire, [Page 5] a fait passer la régie en d’autres mains qui, quoique moins onéreuses à l’État, ne laissent pas de doubler les frais de l’administration antérieure à la régie. Le résultat est que la régie actuelle coûte plus, sans comparaison, que la dernière entreprise finie en 1778, que le service des régisseurs n’a rien opéré de mieux que celui des entrepreneurs − cela est incontestable − et qu’enfin il est de toute impossibilité que l’on puisse connaître à combien montent les journées des malades, blessés &a. Mais on juge sans pouvoir se tromper, par le nombre des régisseurs grandement païés autrefois, par les entrepreneurs qui sont actuellement au compte du roi, on juge, dis-je, que les journées des malades dans l’état actuel doublent celle que l’on païait au dernier entrepreneur.
15[Page 6] Le détail suivant le prouvera. Il y a six régisseurs, qui ont chacun 30000lt d’appointemens, ce qui fait pour les six 180000lt. Ces Messieurs donnent chacun 150000lt, de laquelle somme ils doivent tirer pour intérêt 7500lt. En conséquence, ils ont net 22500lt, ce qui fait pour les six régisseurs la somme de 135000lt à ajouter aux journées. En outre les frais des bureaux de la régie et ceux des directeurs, commis des bureaux, les commis d’entrée − ces derniers emploïés sont actuellement au compte du roi de ce qu’ils étaient autrefois au compte des entrepreneurs. Et pour compliquer la recette, Messieurs les régisseurs ont joint les appointemens des officiers de santé, autrefois païés par les trésoriers des troupes, ce qui met dans l’impossibilité d’apprécier le montant juste des journées par l’administration actuelle des hôpitaux, beaucoup plus chère sans comparaison que les dernières [Page 7] entreprises finies avec l’année 1778. Et on le répète les malades n’y sont pas mieux. Je passe à l’administration des hôpitaux militaires de sa Majesté Impériale et Roïale.
16J’avais depuis quelques années été à même d’avoir quelques connaissances de l’administration des hôpitaux des régimens autrichiens en garnison dans les Païs Bas30. Cela ne suffisait pas pour en connaître toutes les parties jusqu’au plus petit détail. En conséquence, j’ai été parcourir les différentes provinces des Païs Bas les mois de décembre et de janvier, pendant lesquels j’ai suivi les hôpitaux des différens régimens, où j’ai pris les renseignemens nécessaires qui me mettent à portée d’en rendre le compte suivant. On ne connaît point de médecins dans les administrations des hôpitaux militaires de l’Empereur, ni en tems de guerre, ni en tems de paix. [Page 8] Les états de Sa Majesté sont divisés en départemens, tels que les Païs Bas, l’Autriche, la Bohême &a, dans les principales villes desquels réside un chirurgien d’état major − que l’on nommerait en France chirurgien major d’armée ; le chirurgien major a en tems de paix trois mil francs d’appointemens − et à Vienne, auprès de l’Empereur, son premier chirurgien − qui est le chef de la chirurgie militaire et se trouve à la tête des écoles de chirurgie théorique et pratique, d’où sont tirés tous les chirurgiens de département ou d’état major, ceux des régimens, de bataillons et de compagnies, placés d’après un concours où ils doivent mériter ces places.
17Chaque régiment d’infanterie, composé de trois mil hommes, à un chirurgien major, qui a cent louis d’appointemens, le feu et la lumière, deux chirurgiens de bataillon, qui ont 600lt d’appointemens, [Page 9] le feu et la lumière, et huit chirurgiens de compagnies, qui ont chacun dix écus d’appointemens par mois, le feu et la lumière ; et tous un logement en raison du grade. Dans les régimens de cavalerie, de dragons et d’hussards, les chirurgiens sont en proportion de la composition de chaque corps.
18Il y a dans chaque garnison des maisons religieuses supprimées dans lesquelles le chirurgien du département a fait former des établissemens plus vastes que ceux qui existaient autrefois dans des maisons où le service pour chaque régiment était plus reserré. C’est la Caisse de religion31 qui a païé les réparations nécessaires, et c’est la Caisse de religion qui les continue si le couvent est assés vaste pour contenir à l’aise tous les malades des régimens qui composent la garnison. On y établit ces différens hôpitaux sans mélange dans les salles. Les pharmacies [Page 10] et cuisines y sont aussi séparées, et chaque régiment est obligé de se fournir en économisant sur une partie de la païe de chaque grade des malades, les ustensilles − comme [les] marmites et les autres objets nécessaires à la cuisine et la pharmacie, les pots, écuelles, gobelets, assiètes [sic] et pots de chambre en étain pour les malades, ainsi que les linges de corps nécessaires, capottes [sic], bonets [sic] de nuit, pantalons et pantouffles [sic] − et d’entretenir tous ces objets. Et l’autre partie de la païe des malades est emploïée à leur nourriture. La pharmacie, le chauffage, la lumière et les fournitures de lit sont au compte de l’Empereur.
19Il n’y a aucun emploïé dans les hôpitaux de Sa Majesté Impériale et Roïale, hors les chirurgiens à département et des régimens, qui aïent des appoitemens pour le service. [Page 11] Pour 60 malades, c’est un sous lieutenant ou un enseigne qui en a l’inspection et la police. Dès qu’il y a cent malades, c’est un capitaine. Et on change ces officiers tous les mois. Par ce moïen, tous connaissent ce service.
20Les servans sont tous soldats. Le premier est nommé capitaine d’armes, qui est un grade entre le sergent et le caporal. Il est chargé des emplettes de viande, pain &a, d’après les ordres du chirurgien major du régiment. Ce premier a la police en dessous de l’officier commandant. Le second est un soldat écrivain, pour enregistrer les entrans, sortans, morts et dépense générale, hors celle de la pharmacie qui étant au compte de l’Empereur se traite directement par le chirurgien de département avec les chirurgiens majors des corps et l’apoticaire, choisi par le premier qui a fait avec l’apoticaire un marché pour la fourniture des médicamens pour tous les hôpitaux des régimens [Page 12] des garnisons du département, qui sont obligés, à telle distance qu’il soient, de venir s’y approvisionner en formant des états signés par les chirurgiens majors du corps, ou du bataillon s’il en est de séparé, visés par le chirurgien major du département et le chirurgien de compagnie, qui est témoin à la pesée des remèdes. Ces états restent chés l’apoticaire pour preuve des livraisons qu’il aura faites. À cet effet, il y a une pharmacopée militaire imprimée à Vienne, de laquelle les chirurgiens majors ne peuvent pas s’écarter. Il y a en outre des états formés par les chirurgiens majors des corps qui prouvent la consommation. Ces états sont formés d’après des feuilles pour chaque malade, sur lesquelles il est inscrit les jours de l’entrée, la datte [sic] du mois et de l’année, la maladie et, jour par jour, les médicamens qui ont été prescris, les doses &a. [Page 13] De ces feuilles, on en fait un état général, et la totalité des feuilles et des états sont envoïés tous les six mois, et tous les ans, aux chef de la chirurgie à Vienne.
21Le cuisinier et les infirmiers sont tous soldats, que l’on peut changer tous les mois si l’on veut. On a soin de choisir les plus maladroits aux exercices chés lesquels on connaît pourtant l’intelligence nécessaire pour la cuisine, garder et soigner les malades. On met un infirmier pour dix malades ordinaires et un pour cinq dangereux. Aucun de ces servans n’a d’autre récompense que la païe et les alimens qui sont de trop après les distributions finies.
22Il n’y a pas de médecins emploïés, ni en tems de paix, ni en tems de guerre. Le service se fait par les chirurgiens majors des régimens, des bataillons s’ils sont séparés, et les chirurgiens de compagnie, qui sont de garde à tour32, et l’un d’eux est chargé de la pharmacie du corps. [Page 14] C’est lui qui prépare les remèdes et les fait prendre immédiatement après la visite, qui s’écrit ainsi que je l’ai dit sur des feuilles particulières pour chaque malade, à la tête du lit duquel on pose un carton où le numéro est inscrit. On y ajoute le nom du soldat, son jour d’entrée et le genre de maladie, et à chaque visite on y marque les alimens qu’il doit avoir dans la journée. Tous les chirurgiens du régiment assistent à cette visite, qui est répétée le soir. Le chirurgien de garde, ou les chirurgiens de gardesa, ne peuvent s’écarter de la journée, et dès qu’ils sont deux ils se relèvent à tour pour veiller.
23Le chirurgien du département doit y faire une tournée de tems en tems, et mandé par le chirurgien major du régiment, il est aussi chargé de se rendre dans les différentes garnisons lorsqu’il y est requis et de répondre aux différentes [Page 15] consultations qu’on lui adresse. C’est aussi lui qui doit attester l’incurabilité des maladies et donner des certificats à ceux que les accidens empêchent de continuer le service − officiers et autres − pour obtenir la retraite, ce que l’on appelle invalide. Ceux de ce nombre, soit officiers, soit soldats, retirés pour l’ancienneté de service ou pour des indispositions qui leur permettent encore de faire quelque service, Sa Majesté en fait emploïer dans ses hôpitaux d’armée, qui sont pour lors tout à son compte, mais où l’on est tenu à la plus scrupuleuse économie.
24Par cet exposé, on juge que les chirurgiens majors des régimens et les subalternes sont emploïés utilement, ce qui les entretient constamment dans l’exercice de leur état. Nous ne voïons [sic] pas la même chose en France, où les chirurgiens majors des corps sont absolument inutiles en tems de paix quoique bien païés. [Page 16] Chés l’Empereur, chaque chef, même le chirurgien major du département, sont tenus de faire tous les ans pour les subalternes des cours d’anatomie et d’opération − qui sont précédés de la théorie des maladies chirurgicales qui les exigent −, et à chaque opération, [de] l’appareil nécessaire. Et au chef lieu du département, soit le chef, soit un des chirurgiens majors, fait le même travail, auquel assistent les chirurgiens des corps et les élèves qui aspirent à passer aux places de subalternes qui peuvent devenir vacantes, pour lesquelles il faut subir un concours auquel préside le chirurgien du département. Mais pour les places de chirurgien major, elles sont données au concours qui se fait à Vienne, où il y a un établissement considérable pour l’instruction, d’où sont donnés33 tous les chirurgiens majors de département [Page 17] et des régimens. Les premiers sont remplacés par les chirurgiens majors des régimens qui ont servi longtems, les seconds par les chirurgiens de bataillon qui ont mérité ces places par leur service et le concours, et ceux-ci par les chirurgiens de compagnie bien notés, qui auront dû subir aussi l’épreuve du concours.
25La dépense de l’hôpital pour la nourriture des malades leur procure en même tems les effets et les ustensiles nécessaires, et l’entretient [sic] de ces objets. Cette dépense, dis-je, est prise sur la païe de chaque individu en raison du grade, depuis le sergent jusqu’au tambour. Les cadets et les fouriers se font traiter à la chambre.
26Les sergens ont de paie par jour, le pain compris, le tout argent de France : 16s.
27Un caporal : 9.
28Un cavalier ou dragon : 8.
29Un grenadier, fusilier ou tambour : 6.
30[Page 18] Comme il y a sans comparaison plus de fusiliers que d’autres, on peut porter chaque journée à 7 sols, avec lesquels la nourriture et tous les objets déjà détaillés doivent être achetés et entretenus. Le corps commence par faire les avances, qu’il retire malheureusement sur l’économie préjudiciable aux malades34, et cette économie est portée si loin, qu’il n’est pas de régiment qui n’ait à la fin de l’année une somme quelconque de profit, malgré les dépenses énormes en proportion de ce que l’on reçoit, et encore trouve-t-on à donner à de certains malades du vin d’ordinaire et du vin de liqueurs.
31Il faut convenir que le régime est proportionné à la paie, et en tout je ne le trouve pas suffisamment nourissant [sic]. On en jugera par le détail suivant.
32La portion consiste [Page 19] en une soupe35. À dîner, composée de carottes, navets, poireaux, une demie livre de viande de bœuf, une certaine quantité de pommes de terre, carottes, navets &a, et à peu près 12 onces36 de pain blanc. Le soir, une soupe de lait de beurre37 ou de légumes sans bouillon, quelquefois du ris [sic] au lait.
33À la demie portion, une soupe pareille à celle de la portion, un quarteron38 de viande de bœuf ou de mouton, une portion de légumes et huit à dix onces39 de pain blanc. Le soir, de la soupe maigre.
34Le quart de la portion consiste en une soupe pareille aux autres du dîner, une assiète de légumes et à peu près six onces de pain. Le soir, une soupe maigreb.
35Et la diètte, deux ou trois bouillons gras par jour et quelque fois du vin en petite quantité.
36Le prix des alimens [Page 20], tout compris le dîner et le souper, porte à la portion par jour [à] à peu près 5s.
37La demie : 4.
38Le quart : 4 [sic].
39La diètte : 2.
40Comme il y a infiniment plus de dièttes que de portions, de demies et de quart, que la dépense se fait généralement, on se retrouve sur la totalité. Il y a quelque fois un supplément qui provient des soldats mis au prévost [sic], punis au pain et à l’eau : la paie passe à l’hôpital et continue jusqu’à ce qu’il en soit ordonné autrement.
41Ce détail suffit pour démontrer, en même tems le peu de frais qu’entraîne le service chés l’Empereur, en même tems que la grande économie que chaque chef de corps et les chirurgiens s’occupent à mettre dans son administration. Le parallèle de ces hôpitaux avec ceux de la France démontre une excessive économie d’une part [Page 21] et infiniment de dépense inutile de l’autre. En prenant en France un milieu, en donnant l’administration à chaque régiment, que le roi donne un supplément pour porter chaque journée à 12 solsc, la paie de fouriers, sergens, caporeaux [sic], grenadiers et fusiliers comprise, les médicamens à la charge des régimens. Que le reste du plan de l’Empereur soit suivi pour les emploïés pris parmi les soldats. Que le tout soit tenu comme chés l’Empereur par des états, desquels je fournirai quelques modèls [sic]. On trouvera aisément de quoi meubler les hôpitaux, se fournir des effets nécessaires, les entretenir et trouver à la fin de l’année un somme quelconque de laquelle on rendra compte. Et on trouvera le double avantage d’avoir des chirurgiens majors instruits et entretenus dans leur art, qui mettront autant de zèle que d’amour propre [Page 22] à donner des soins à leurs malades, et [pour] ceux ci de se trouver toujours entre camarades du même corps, du même païs, qui se prêteront mutuellement des secours et [s’]entretiendront dans un état de calme et de satisfaction qu’ils sont loin d’éprouver, étant tous confondus comme ils le sont dans les hôpitaux actuels avec d’autres régimens, souvent d’un esprit de corps opposé ou en querelle.
42Comme le plus grand nombre des chirurgiens majors des régimens est jeune, peu fait à la pratique, il sera bon de conserver les chirurgiens majors des hôpitaux actuels, plus faits sans contredit par l’habitude de suivre des maladies, qui les aideront et les dirigeront dans ce travail nouveau pour les jeunes. Les bâtimens existans des hôpitaux serviront pour former les nouveaux établissemens [Page 23], dans lesquels les chirurgiens majors placeront leurs malades blessés et vénériens dans des salles séparées, sans les confondre entre eux, ni avec ceux des autres régimens. Ils formeront des emplacemens pour leur pharmacie, et s’il est possible leurs cuisines seront séparées, hors qu’ils n’aient qu’un petit nombre de malades chacun. Ils auront le plus grand soin d’entretenir la propreté et un air libre. Dans tous les hôpitaux de l’Empereur, il y a un vantilateur [sic] pour renouveller [sic] l’air et des soupireaux dans toutes les salles.
43Comme il n’y a point de médecin militaire chés l’Empereur, je n’en parle pas. Il y aura, je crois, assés de membres de cette Faculté qui en démontreront la nécessité que je n’articule pas, quoique je sois gradué et exerçant aussi la médecine. Tout ce que je puis dire est qu’il existe constamment dans les hôpitaux un esprit de discorde [Page 24] entre les deux chefs des officiers de santé, que j’ai toujours reconnu pour être bien nuisible au service. Mais il est de la justice de conserver à ceux qui sont en place leurs appointemens, en supposant qu’on les juge actuellement inutile. Ce qu’il y a de vrai est qu’autrefois il n’existait que peu de médecins dans les armées, qu’ils n’étaient qu’au quartier général, que le service des hôpitaux se faisait par les chirurgiens aides majors, qu’il existe encore aujourd’hui des hôpitaux sans médecin. Les malades en sont ils mieux ou plus mal ? C’est un problème à résoudre.
44Il est possible que les emplacemens actuels des hôpitaux ne suffisent pas. Pour lors, on prendra des chambres dans les quartiers pour y établir un hôpital qui sera dirigé ainsi qu’il a été dit. Le feu et la lumière sont fournis par Sa Majesté [Page 25] Impériale. L’un et l’autre sont pris dans les chambrées40 des malades. Le feu est évalué à cinq livres41 de charbon pour chaque malade. Sa Majesté ne se refuse jamais à païer le surplus d’après l’état fourni par le chirurgien en chef du département.
45Les fournitures sont au compte de l’Empereur. Elles sont composées d’un bois de lit, d’une paillasse, d’un matelat [sic], d’un traversin, de deux ou trois paires de draps et d’une couverture. Tous les malades blessés &a couchent seuls. Les fournitures sont mauvaises. Cet objet forme encore une dépense considérable en France, soit pour les hôpitaux, soit pour les troupes.
46Les fournitures pour les hôpitaux en Franced font un objet séparé, ou des entreprises, ou de la régie. Le roi passe, je crois, aux régisseurs 15lt par fournitures, et 13lt aux religieuses chargées [Page 26] des hôpitaux, ce qui porte une somme considérable par chaque année.
47La fourniture que l’on appelle des lits militaires des provinces qui ne les fournissent pas aux troupes est donnée à bail à un prix si considérable que les traitans les ont sous traités à 18 ou 20000lt de profit, et les sous traitants doivent aussi gagner sur le marché. Ne serait il pas possible de charger de ces fournitures les abbaïes [sic] des provinces respectives, en les dédomageant de quelques pensions de moins à païer, et en charger les abbaïes de femmes, qui n’ont aucune pension sur leur revenu. Il existe des abbaïes assés riches dans les provinces de Flandre, du Cambrésis et du Hainault, et dans l’intérieur du roïaume, qui se trouveraient heureuses de venir au secours de l’État.
48Il reste à donner tous les projets de visite des malades, d’état des remèdes, [Page 27] d’état de situation des hôpitaux en particulier et l’état générale formé par les chirurgiens en chef du département. Je fais travailler à tous ces modèls, que j’aurai l’honneur d’adresser à Monseigneur le marquis de Brienne. Je me croirai heureux si mes réflexions et mes travaux peuvent être de quelque utilité. J’y joindrai l’offre de mes services, que je suis bien en état de rendre, soit pendant la paix, soit pendant la guerre. La perte que je viens d’essuïer par la suppression du corps de la gendarmerie me prive de la seule ressource que j’avais. Si le projet que j’expose avait lieu, j’aurai l’honneur de me proposer pour en faire la preuve, commençant par quelques régimens d’une garnison, en suppliant le ministre d’ordonner que je ne sois traversé par qui que ce soit dans l’exécution et que les chirurgiens majors soient soumis à tout ce qui leur sera prescrit pour ce service, que je connais depuis longtems et que j’ai trouvé [Page 28] établi au corps de la gendarmerie lorsque j’y ai été nommé premier chirurgien major. Rien ne peut m’être plus agréable que de rendre à l’État tous les services dont on me croira capable.
49À Douay42 ce 26 février 1788
50Majault
Suite du mémoire concernant les anciennes administrations des hôpitaux, l’administration actuelle en France et celle des hôpitaux de l’empereur, par Monsieur Majault43
51J’ai dit dans ce mémoire que l’on ne connaissoit dans les hôpitaux de l’Empereur que des chirurgiens pour officiers de santé et un chef de cette classe qui résidoit à Vienne, premier chirurgien du monarque et président d’un collège pour l’instruction, où tous ceux qui se destinent à la chirurgie, et particulièrement la chirurgie militaire, devoient passer un nombre d’années après lesquelles ils passaient à chaque grade par la voie du concours. Comme j’ai proposé dans ce mémoire d’établir des cours dans chaque chef lieu des départemens et dans toutes les garnisons, cette instruction étendue dans tout le royaume suppléra [sic] grandement à celle de la capitale qui, quoique très multipliée, ne suffisoit pas pour former les chirurgiens des villes, puisqu’il a été ordonné il y a quelques années d’établir [Page 2] dans chaque capitalle [sic] de provinces, des leçons et démonstrations publiques pour former les chirurgiens civils. Ceux ci profiteroient de l’instruction qu’il y auroit dans toutes les villes. On formeroit des bons chirurgiens pour les campagnes, où les malades les plus graves sont plus communs, les accidens plus multipliés et les chirurgiens actuels plus ignorans, quoique chargés de toutes les parties de l’art de guérir. Enfin, on ne connoît pas chez l’Empereur les médecins inspecteurs généraux et particuliers44 qui, en France, sans être employés, ont des appointements considérables, que l’on porteroit [à profit] sur des objets plus essentiels. Il est reconnu partout que la chirurgie est la base du service des hôpitaux, c’est une vérité incontestable. Un chirurgien major d’hôpital supplée dans l’état actuel des choses au médecin, quand il est malade ou absent. Celui-ci ne peut jamais remplacer le premier.
52Chez l’Empereur, les visites se font, ainsi que je l’ai dit, par le chirurgien major du régiment ou de bataillon, tous les matins à une heure fixe, tous les chirurgiens du régiment présens. Un ou [Page 3] deux chirurgiens de compagnie sont de garde selon le nombre des malades. On les continue ou on les change à volonté. Un autre fait les fonctions d’apoticaire, et c’est lui qui écrit ce que le chirurgien major ou celui de bataillon prescrit en remèdes et alimens, sur une feuille pour chaque malade conforme au modèle n° 145. On continue la visite sur la même feuille jusqu’à la sortie ou la mort du malade. Le soldat écrivain suit pour écrire les alimens de chacun. Il en extrait la totalité pour la donner au capitaine d’arme, qui fait les emplettes en conséquence pour le lendemain, ce qui est mal, d’autant que la maladie peut changer du matin au lendemain. Ce ne devroit être qu’à la visite du soir que l’on devroit prescrire les alimens pour le lendemain matin, et le matin pour le soir, en supposant qu’il n’y eût rien à changer, ce dont le chirurgien major s’assure en assistant à la distribution du soir pour y faire sa seconde visite. Cet état de la dépense pour les alimens, n° 2f, est fait en double par l’écrivain. Un est [Page 4] donné à l’officier inspecteur, sous lieutenant ou capitaine en raison de la quantité de malades, qui le signe et le porte au commandant du corps, l’autre reste au bureau de l’écrivain pour former son état général de chaque mois, que l’on envoie à Vienne au bureau établi à l’effet de vérifier les dépenses et les œconomies des hôpitaux. Le profit provenant de ces œconomies est mis dans la caisse du régiment, de laquelle somme les chefs des corps rendent compte tous les ans aux inspecteurs. Après la visite, le chirurgien de compagnie chargé de la pharmacie fait l’extrait des médicamens prescris sur ses feuilles. Il les prépare pour les donner aux heures réglées par le chirurgien major, qui avant son départ va goûter les alimens et voir la préparation des remèdes. Et autant que ses autres malades du corps lui en donnent le tems, il assiste aux distributions des alimens qui se font à des heures réglées, l’officier d’inspection de l’hôpital présent.
53Les médicamens étant à la charge de l’Empereur, pris chés un apoticaire de la ville capitale du département, d’après les prix convenus par le chirurgien en chef du département, [Page 5] les chirurgiens major des régimens, ou de bataillon quand ils sont séparés, forment des états de situation de leur pharmacie, n° 3, pour en former un autre, n° 4, des remèdes dont ils ont besoin, l’un et l’autre signés, comme je l’ai dit dans le mémoire46. Ces deux états seront inutiles si le roi donne douze sols, la paie des individus comprise, pour la totalité des alimens, médicamens &a. On évitera un travail inutilg [sic], ce qui le rendra aussi plus clair dans l’exposé des dépenses de tous les genres. Cela n’empêchera pas que les chirurgiens en chef des départemens ne s’assurent de la nature, de la bonté et des prix des médicamens, que l’on devra toujours prendre au chef lieu du département pour les avoir à un meilleur prix. Les chirurgiens majors des régimens seront tenus de faire porter dans la dépense celle des remèdes employés dans la journée. Ces médicamens seront demandés par les chirurgiens majors d’après une pharmacopée militaire faite par ordre du ministre, de laquelle on ne pourra pas s’écarter.
54Les chirurgiens majors feront cueillir dans la saison les [Page 6] feuilles, fleurs, racines et graines nécessaires aux décoctions, infusions et tisannes47 [sic] de toutes les espèces. Une partie des greniers des hôpitaux sera propre pour faire sécher les plantes, les serrer ensuite dans des sacs de papier fermés et étiquetés pour s’en servir au besoin.
55Le chirurgien major du département prendra à la fin de chaque année les états des remèdes pris chés l’apoticaire désigné par tous les chirurgiens majors du département, en y joignant l’état actuel de la situation de leur pharmacie, le tout signé des commandans des régimens et du chirurgien major du régiment, ou de bataillon, pour comparer les remèdes employés avec ceux qui restent, et du tout faire un état général pour envoier à Versailles, au bureau chargé de la vérification [de la] dépense de ces hôpitaux. Et d’après ces états vérifiés et arrêtés par le chirurgien en chef du département, les remèdes pris dans l’armée seront payés par les différens régimens à l’apoticaire désigné. Cette somme sera prise sur ce qui aura été payé en supplément [Page 7] par le roi pour chaque malade. De cette manière, le ministre s’assurera du juste emploi de la paie et du supplément pour chaque malade, et des sommes restantes aux caisses de chaque corps, par le moyen d’un état général de l’armée pour chaque département qui sera contrôlé au bureau des hôpitaux à Versailles.
56Chaque chirurgien major ou de bataillon est obligé de former tous les mois un état n° 5 des malades de son régiment, y spécifier les maladies, les jours d’entrée et de sortie, ou la mort, et à la fin le total des restans. Il envoie cet état au chirurgien en chef du département, qui d’après les états de chaque régiment du département forme un état général du mois n° 6, qu’il envoie à Vienne, qui est remis au bureau des hôpitaux.
57Chaque chirurgien major de régiment forme tous les ans un état n° 7, qui constate la naissance, le lieu d’étude, le tems du travail, les langues que parlent les chirurgiens en chef et subalternes, et la capacité des chirurgiens du régiment. Ils envoient ces états aux chirurgiens en chef du département, qui en forme un général [Page 8] de tous les chirurgiens du département, que je n’ai pas cru nécessaire de joindre à ce mémoire, d’autant que l’état particulier d’un régiment suffit pour connaître la forme de l’état général qui est envoyé au chef de la chirurgie à Vienne. D’après cet exposé, on voit que tout a été prévu tant pour le bien du service que pour la plus grande œconomie, portée trop loin chez l’Empereur, ce qui est préjudiciable aux malades. En supprimant en France les hôpitaux militaires, il restera beaucoup de chirurgiens aides majors, élèves et sous aides, que l’on pourra placer dans les régimens en qualité de chirurgiens de bataillon, d’escadrons et de compagnie, pour faire le service dans les hôpitaux des régimens. S’il arrivoit qu’il plût au ministre de conserver quatre grands hôpitaux, pour y former des chirurgiens, l’administration de ces hôpitaux pourrait être donnée aux régimens, pour éviter les inconvéniens du mélange et de l’ensemble dont j’ai parlé dans la première partie de ce mémoire, et y former les établissemens pour les amphythéâtres [sic], auxquels présideroient les chirurgiens en chef des départemens, tant pour les instructions que pour y suivre le service, comme aussi de faire [Page 9], lorsqu’il plairoit au ministre, des tournées dans des momens imprévus dans tous les hôpitaux du département. Si enfin ces quatre grands hôpitaux restoient au camps du roi, on pourrait donner les vénériens aux régimens et les traiter d’après mes principes, en donnant 12lt aux chirurgiens majors, avec moins de frais sans comparaison, plus sûrement guéris, et j’ose avancer que ce parti adopté, y joint l’année de service48, on verrait sensiblement diminuer cette maladie49.
58Si mon projet eût été suivi en 1779, comme je l’avois proposé, le roi eût gagné depuis ce tems plus de cent vingt mil [sic] louis, conservé peut être trente mil individus, ou eût guéri incomparablement plus de ces malades et, je le répète, on eût vu cette maladie considérablement diminuée.
59Quand j’ai avancé dans mon mémoire que la moitié des armées en était infectée, qu’il y avoit constamment plus de deux mil vénériens dans les hôpitaux, on a critiqué et nié ce que j’avancois50. Je donne actuellement la preuve de ce que j’ai dit. Il y a eu, depuis 1779, toujours passé 250 vénériens à l’hôpital de Douay, plus de 200 [à] Avesnes, et plus de deux cent [Page 10] tant à Calais qu’à Dunkerque, où on n’eût jamais dû en traiter à cause de l’air salin qui y règne sans cesse. Il y a donc eu constamment dans ces hôpitaux 650 vénériens. On doit bien admettre 14 ou 1500 dans le reste du royaume. Au prix de 20 sols par jour au moins, en mettant chaque traitement à 72 jours, ce qui fait 72lt, si le roi n’eût donné que 12lt, sa majesté gagnait 60lt. À 10000 vénériens par an, [qui] font 25000 louis, pour huit ans : 200000 que le roy eût gagné, avec le résultat d’un grand bien pour les individus.
60La santé des soldats, sur laquelle nous devons veiller sans cesse, tient beaucoup à la nourriture et à la vie oisive qu’ils mènent. J’ai parlé de cette dernière cause dans mon mémoire sur les maladies vénériennes. Pour la première cause, qui est la nourriture, le fond en est mauvais depuis longtems que le prix des denrées est augmenté dans toutes les provinces, particulièrement en Flandres, où les soldats ne peuvent mettre à la marmitte [sic] que des têtes décharnées de bœuf ou de vache de la plus petite qualité. Encore n’ont ils pas tous les jours [Page 11] cette resource. Le plus souvent, du lard en petite quantité et peu de gros légumes51, et pour boisson l’eau plus ou moins chargée de sélénite52. Enfin du pain qui n’est pas constament [sic] bien fait ni bien cuit, et pas assez pour chaque individu. Ce régime ne les soutiendroit guère s’ils ne trouvoient pas parmi eux des camarades qui travaillent et paient le service que les autres sont obligés de doubler, ce qui fait encore une cause de maladie. Si l’on donnait à chaque soldat un sol de plus par jour, il augmenterait sa nourriture de six deniers de pain de plus, et les autres six deniers par chaque homme leur procureraient assez de viande et de légumes pour se nourrir passablement. Cette augmentation paraîtra considérable, mais j’assure qu’il y aurait moins de malades, conséquemment une égalité dans la dépense générale de la guerre et un bien inappréciable, qui est la conservation des hommes qui se donnent au service de l’État.
61On sait combien le mouvement est nécessaire aux hommes de toutes les classes, et particulièrement à ceux de celle-cy. En conséquence, on devrait leur faire faire souvent [Page 12] des promenades militaires et des travaux quand il sera possible. L’un et l’autre les entretiendront en force et en santé, en les éloignant de la débauche.
62Quant au régime des hôpitaux de Sa Majesté Impériale, il n’est point du tout convenable. On s’en tiendra, s’il plaît au ministre, à celui qui fait le sujet d’un de mes mémoires53.
63Il y a chez l’Empereur, pendant la guerre, les grands hôpitaux généraux qui sont au compte de Sa Majesté. Le service s’y fait par des soldats invalides, commandés par un lieutenant colonel et des officiers invalides. Il y a un commissaire pour la comptabilité. Du reste, c’est le même service que dans les hôpitaux des régimens, [avec] des chirurgiens en chef et des subalternes en nombre suffisant, proportionné aux armées. Malgré ce, chaque régiment a derrière le camp un hôpital, pour y placer ses maladesh. Si ce ne sont que des indispositions, ils suivent sur des chariots. Si les maladies sont graves, on les fait passer aux hôpitaux généraux pour les évacuer ensuite sur les derrières, comme chez nous, à la différence que toujours ces hôpitaux sont au compte de l’Empereur.
64Douay ce 20 février 178854
65Majault
Projet pour la formation des chirurgiens des armées, donné au bureau des hôpitaux à Versailles au mois de novembre 177855 par Monsieur Majault, pour lors chirurgien de l’armée commandée par Monsieur le maréchal de Broglie56
66Il n’est pas moins intéressant, pour assurer la confiance de la nation au moment de commencer la guerre57, que de faire un bon choix des chirurgiens qui doivent aller au secours de tant de personnes de toutes les conditions qui vont exposer leur vie pour la deffence de l’État.
67De tous les tems, c’est la protection qui a disposé des places les plus importantes, je parle des chirurgiens des armées. Depuis le chef jusqu’au dernier des élèves, le mérite a toujours été oublié. Ces places ont été sollicitées et accordées comme celles des vivres et des fourages [sic], à la faveur, sans considérations des suites fâcheuses [Page 2] qui en devaient résulter pour les amis, les proches et peut-être même pour ceux qui les sollicitaient.
68Pour prévenir à l’avenir un abus si préjudiciable, qui a sacrifié des milliers d’hommes, on a proposé un plan qui a déjà été exécuté en partie, d’après mes réitératives représentations, en 1779, sous le commandement de Monsieur le comte de Vaux58, et à l’armée de Monsieur le comte de Rochambault59, en Amérique60. Le plan consiste dans le choix :
69D’un premier chirurgien, pris dans le nombre des chirurgiens consultans qui ont fait la guerrei.
70De quatre chirurgiens consultant, qui existent depuis le ministère de Monsieur de Saint Germain61 qui les a nommés. Deux de ces consultans seront à l’ambulance pour, au cas de division de l’armée en différens corps, [qu’]ils puissent les suivre pour y faire les fonctions de chef, toujours en correspondance avec le premier des chirurgiens de l’armée. Deux autres resteront à l’ambulance avec le chirurgien major pour être son conseil et le seconder dans les [Page 3] circonstances qui l’exigeraient. On pourrait augmenter le nombre de ces consultans au cas de besoins. Les uniformes des premiers et consultans seront les mêmes, ainsi qu’il est prescrit par l’ordonnance62.
71Ces chirurgiens seront secondés par 18 chirurgiens majorsj tirés des cinq amphithéâtres63 − où il existe des seconds chirurgiens majors − et les autres seront pris dans les hôpitaux du second ordre64 − les chirurgiens aides majors de ces hôpitaux rempliront leur fonction pendant leur absence. On les nommera chirurgiens majors des hôpitaux de l’armée. De ces chirurgiens majors, un tiers sera réparti dans les grands détachemens, avec un des chirurgiens consultans, et deux tiers resteront à l’ambulance pour [qu’]au cas de formation des hôpitaux sur les derrières, un tiers puisse aller les établir avec la quantité d’aides majors et d’élèves que l’on jugera nécessaire, en proportion du nombre de malades ou blessés, et qu’au cas d’une bataille ou d’un siège, ils soient répartis avec les consultans, aides majors et élèves dans les différens dépôts. [Page 4] Les uniformes des chirurgiens majors des hôpitaux de l’armée seront bordés d’un galon d’or uniforme de huit lignes65 sans boutonnières.
72Trente six aides, pris moitié parmi ceux des grands hôpitaux militaires et l’autre moitié dans les compagnons et premiers élèves de l’Hôtel-Dieu − les chefs de ces hôpitaux attesteront la capacité des sujets qu’ils donneront − et cent vingt élèves, dont moitié pris dans les amphithéâtres et hôpitaux militaires, et l’autre moitié dans celui des Invalides66 et l’Hôtel-Dieu67. Les uniformes seront ainsi qu’il a été réglé par l’ordonnance pour chaque grade, sans qu’il soit permis à aucun d’eux de jamais porter l’épée sous tel prétexte que ce puisse être. Leurs chefs auront soin de leur répéter que cet uniforme n’a rien de militaire68. Il n’a été donné que pour que les chirurgiens fussent connus et ne puissent se refuser à donner des secours lorsqu’ils seront mandés. Les chefs tiendront en outre la main à ce que les aides majors chirurgiens et les élèves [Page 5] ne se trouvent jamais ni au caffé, ni aux billiards [sic], encore moins dans aucun tripot, sous peine d’être révoqué. Leur état exige une application constante à l’étude et à la préparation des appareils69 auxquels ils seront assujettis, soit pour les pansemens journaliers, soit pour ceux que l’on doit disposer pour les jours de batailles. Il présidera à ce travail un chirurgien major des hôpitaux d’armée, tant pour l’ordre que l’économie dans la couppe [sic] du linge − qui leur sera confié − et la bonne exécution des différents appareils.
73Il serait à désirer, pour que tous les chirurgiens de l’armée et ceux des corps ne fussent pas bigarrés par les différentes nuances de la couleur ordonnée pour l’uniforme, qu’il plût au ministre d’ordonner la fabrication de draps couleur ardoise claire, et que l’on assigna [sic] un marchand à Paris qui en fût bien pourvu, pour que tous pussent s’en procurer. Les pareureus [sic : parures] de velour [sic] noir que prescrit l’ordonnance sont d’un mauvais usage. [Page 6] On supplierait le ministre d’y substituer des pareureus de draps cramoisi, que l’on prendrait aussi chés le même marchand, tant pour les pareureus que les vestes et culottes avec la doublure de même couleur, car celle pareille au drap, ardoise claire, n’est pas plus solide. Les boutonnières et boutons, ainsi que l’ancienne ordonnance l’a prescrit pour chaque grade.
74Ce nombre de chirurgiens est nécessaire pour une armée de cent mil homme, de laquelle il part souvent des avant gardes et de gros détachemens auxquels il faut fournir une ambulance relative au nombre de chaque corps séparé de l’armée. Il faut, pour que le service des chirurgiens se fasse exactement et avec sûreté, qu’ils ne soient pas surchargés. Il arrivera des circonstances où les chirurgiens manqueraient, si ceux des régimens ne viennent pas à leur secours.
75Le chirurgien en chef de l’armée [Page 7], les consultans et les chirurgiens majors des hôpitaux de l’armée se rassembleront le plus souvent qu’ils le pourront après leur service, pour conférer sur la répartition des chirurgiens, sur les maladies chirurgicales, les opérations qu’elles exigent. Chacun pourra faire ses observations qui y seront discutées pour le bien général. Ils admettront à leur conférence les aides majors qui auront donné des preuves de capacité et de zèle. Et plusieurs fois la semaine, les chirurgiens en chef et consultans [se réuniront] avec chacun un certain nombre de chirurgiens majors des hôpitaux, d’aides majors et d’élèves, pour les interroger sur les pansemens des opérations, les maladies qui les exigent et leur faire appliquer les appareils. Ces conférences et ces manœuvres fortifieront les uns et les autres dans le manuel des bandages, qui demandent et du génie, et de la pratique. C’est ainsi que se rempliront les intervalles des autres occupations, pendant que l’on sera en campagne, dans les tems [Page 8] de repos. Et pendant l’hiver, chaque chef dans son département fera un cours d’anatomie, de chirurgie théorique et pratique, suivi des opérations de chirurgie, pour ensuite les faire faire aux aides majors. Les élèves qui auront assisté à ces leçons aideront dans les opérations pour les pratiquer à leur tour. Lorsqu’ils auront donné des preuves de capacité, ils seront tenus à répéter, après chaque leçon d’anatomie, ce que le chef exigera d’eux sous la forme d’examen. Ils auront aussi de tems à autre des questions à résoudre sur les maladies chirurgicales et les remèdes à emploier [sic] avant de procéder aux opérations qu’il est quelque fois possible d’éviter.
76Lorsqu’il viendra à vaquer une place de chirurgien major des hôpitaux de l’armée, ou une place de chirurgien major de régiment, on fera un concours [Page 9] parmi les aides majors pour donner cette place au plus méritant [tant] en théorie qu’en pratique, car il faudra que ce concours soit terminé par les opérations proposées par le chef à chaque concurrent. Il en sera de même des élèves pour remplacer un aide major.
77Lorsque les troupes seront en quartier d’hiver, il sera nécessaire que quelques chirurgiens consultans fassent des tournées dans tous les hôpitaux de l’ambulance et sédentaires, pour s’assurer du service et des travaux des chirurgiens, et voir si les cours se font avec exactitude et si ceux qui sont faits pour assister sont assidus et profitent. Des plaintes réitérées des chefs forceraient à faire révoquer ceux qui se négligeraient sur tous ces devoirs. Les chirurgiens majors des hôpitaux de l’armée, les aides majors et élèves seront subordonnés au premier chirurgien et aux consultans lorsqu’ils seront sous leurs ordres, de même les [Page 10] chirurgiens majors des régimens, lorsqu’ils seront dans le cas de venir à l’ambulance pour y panser leur blessés.
78Pour la partie de la médecine : un chef, deux consultans et douze médecins ordinaires, qui seront pris dans les médecins des hôpitaux du second ordre. Ceux des amphithéâtres n’ont pas la pratique nécessaire pour être placé dans les hôpitaux de l’armée. On pourra en avoir le même nombre que celui des médecins ordinaires pour les suivre aux visites et les suppléer, au cas de maladie des médecins en exercice, en leur rendant compte matin et soir de tout ce qui sera survenu de nouveau. Les médecins des hôpitaux feront des cours de botanique l’été. Ils y joindront des leçons de matière médicale auxquelles les médecins surnuméraires et les élèves en chirurgie et pharmacie assisteront.
79Les appointemens des chefs et des subalternes chirurgiens [Page 11] doivent être au moins les mêmes que ceux des médecins. Les premiers ont sans contredit un état plus pénible que les derniers, ce qui exige de la considération.
80L’état des apoticaires [sic] de l’armée sera fait par l’apoticaire major.
81Douay le 1er février 1788
82Majault
Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens dans les hôpitaux militaires et ceux de charité où l’on reçoit les militaires. Par Monsieur Majaultk
83Dans toutes les ordonnances concernant le service des hôpitaux, il se trouve un article qui oblige les entrepreneurs de fournir une livre de viande poids de marc par jour70 pour chaque malade, infirmiers &ca indistinctement. Même [dans] l’ordonnance de 1781, quoi qu’il soit dit au titre 8 article 4 que lorsque les médecins et chirurgiens majors jugeront nécessaire de passer des malades ou blessés au régime végétal71, on soustraira la quantité de viande de chacun de ces malades ou blessés, pour y suppléer par l’entrepreneur par le régime prescrit par les officiers de santé, et à l’article sept du même titre, il est encore repris de mettre la livre de viande pour chaque malade, blessé, infirmier &a72, ce qui a toujours lieu dans les hôpitaux, ainsi que le partage du surplus de la viande entre les infirmiers qui la vendent aux malades avant de sortir de l’hôpital.
84[Page 2] Il est des saisons et d’autres tems de l’année où le nombre des malades excède de beaucoup celui des convalescens, et pour l’ordinaire, ces maladies sont putrides ou inflammatoires. Et pour la partie du chirurgien major, il y a des blessures accompagnées d’inflammations, de fièvre, de gangrène, des anciens ulcères, des affections scorbutiques qui sont la suite des traitements de la vérole, et quelque fois du long séjour des malades et blessés dans les hôpitaux. Toutes maladies qui exigent un régime bien opposé à celui prescrit par les ordonnances. D’après les causes de ces maladies, il n’est point de médecin et de chirurgien qui, dès les premiers momens, n’éloignent pour le régime toutes les substances animales, qui ne peuvent qu’augmenter la cause, et ne leur substituent des infusions les plus légères des plantes et des fruits. On n’est pas moins attentif à baisser les substances animales dans les premiers momens de convalescence de certaines maladies. Les végétaux fournissent de grandes ressources [Page 3] pour les premiers alimens : le ris, l’orge, l’avoine, les farines de froment, de maïs, avec lesquelles on fait des crèmes avec [de] l’eau et [du] sucre acidulé avec le sucre de citron73, qui en achevant de détruire la cause de la maladie, réparent autant qu’il le faut pour le moment les pertes que le malade a essuïé [sic] et disposent les organes de digestion à recevoir des alimens d’une autre nature, qui demandent plus de travail de la part de l’estomach. Il est des cas où il faut continuer le régime végétal jusqu’au parfait rétablissement.
85Dans le traitement des maladies vénériennes, on est souvent obligé de prescrire ce régime et du lait pour s’opposer à la dissolution des liqueurs. Rien n’est plus sage que cette conduite que l’on tient partout, hors dans les hôpitaux où l’on est arrêté par l’ordonnance et les chefs qui obligent à s’y soumettre.
86Il serait plus convenable de laisser aux officiers de santé la direction de ce régime et de les autoriser à régler, le matin et le soir après les visites, la quantité de viande et d’eau à mettre [Page 4] à la marmite, pour que le bouillon se trouve en quantité et qualité requise pour chaque distribution, en raison du nombre de convalescens qu’ils auront jugés en état de prendre du bouillon et manger de la viande. Il en serait de même pour les alimens légers et les bouillons d’herbes. Ils laisseraient au bureau de la direction une note de la quantité de viande et des autres alimens susdits qu’ils signeront, ainsi que leurs visites. Cette note serait portée chés le commissaire des guerres qui la viserait pour [la] faire exécuter à la prochaine distribution. La note de la visite du matin serait pour les alimens du soir et celle de la visite du soir serait pour les alimens du lendemain matin. Il résulterait de cet arrangement le bien que l’on vient d’exposer et celui d’abolir un commerce qui se fait des infirmiers avec les malades, parce que les premiers, auxquels on partage la viande qui se trouve de trop après chaque distribution, [Page 5] ainsi que le prescrivent toutes les ordonnances et celle de 178174, la vendent aux malades immédiatement après.
87Pour mettre une barrière sur ce commerce nuisible, les infirmiers n’auront que la livre de viande prescrite par les ordonnances et celle de 1781, et le reste serait distribué aux pauvres ou porté aussitôt hors de l’hôpital, accompagné d’un fusilier jusqu’à la porte, aux femmes des infirmiers. Par ce moïen, le reste de la viande ne sera plus haché et remis dans le bouillon pour lui donner plus de force pour ceux qui sont à la diètte, comme l’article xvi du titre viii de l’ordonnance de 1747 le prescrit75, ce qui était un abus nuisible. D’autant qu’après un certain degré de coction, la viande ne fournit plus de sucs gélatineux, il ne reste que de la terre. La liberté que l’on accorderait aux officiers de santé pour régler le régime comme on le propose mettrait leur délicatesse à l’abri d’être blessée par les soupçons que l’on porte quelque fois sur leur conduite, [Page 6] les malades en seraient mieux et l’on réformerait des abus causés par un commerce nuisible, funeste même, aux malades.
88C’est dans les hôpitaux dirigés par les religieuses ou de charité, dans lesquels on reçoit les militaires, qu’il est bon de jetter [sic] un coup d’œil. J’en excepte les maisons dans lesquelles les malades y sont parfaitement soignés sans intérêt76, je leur dois cette justice. Mais en Normandie et en Bretagne, il en existe que j’ai vu, lorsque j’étais chirurgien en chef des armées de Monsieur le Maréchal de Broglie et de Monsieur le comte de Vaux. Je n’y ai vu que rarement la marmite pour les malades. Le régime ordinaire consistait dans des potages aux choux, des ragouts faits des viandes de la desserte des tables des religieuses. On en donnait aux convalescens tant qu’ils en voulaient, aussi les soldats étaient là plus coûteux dans ces hôpitaux que dans les nôtres. La boisson était [Page 7] de mauvais cidre ou du vin de la plus mince espèce, le plus rarement possible. Le peu de remèdes, dans une pharmacie bien propre, était de la plus médiocre qualité et donné avec la plus grande économie. Aussi avons nous perdus beaucoup de malades, et ceux qui échapaient [sic] à ces régimes étaient longtems en convalescence. Il existait entre les religieuses et les officiers de santé attachés à ces maisons une intelligence intéressée, qui faisait prolonger dans ces hôpitaux le séjour des malades et blessés.
89L’article des ordonnances et [de] celle de 1781 qui règle les boissons des malades dans les hôpitaux des différentes provinces mérite aussi quelques réflexions77. Dans les païs de vignobles, on donne du vin rouge ou blanc : une chopine78 par portion. Dans la Bretagne et la Normandie du cidre : une bouteille par portion. Dans la Flandres, le Hainaut &c : de la bièrre [sic] : un demi pot79 à la portion [Page 8], la demie et le quart. En Normandie, en Bretagne et en Flandres, &ca, le cidre et la bièrre ne sont sûrement pas de la meilleure qualité, il s’en faut de beaucoup. En conséquence, ces boissons sont plus nuisibles que profitables aux malades et ne devraient pas être prescrites dans les convalescences. Le vin dans [ces] provinces n’est ordonné que comme cordial. En 1778, Monsieur Juby80, régisseur de l’ambulance de l’armée commandée par Monsieur le Maréchal de Broglie, s’était approvisionné de vin de Bourgogne d’une bonne qualité. En conséquence, les malades de cette armée qui venaient aux hôpitaux de cette ambulance ont eu du vin dès le moment de la convalescence ; les médecins et chirurgiens l’ont ordonné jusqu’au parfait rétablissement. Il en est résulté que les convalescences ont été incomparablement moins longues et les forces des malades beaucoup plutôt [sic] réparées, et que la quantité [Page 9] de vin que l’on a donnée n’a pas plus coûté que le cidre d’une qualité médiocre. La portion et la demie de vin étaient d’un demi septier81, et une roquille82 au quart et à la soupe.
90En 1779, je fus chargé pendant deux mois d’un hôpital que j’ai établi au Rosay83, près de Saint Servant84. J’ai fait donner du vin comme nous l’avions fait l’année précédente à Baïeux85. Les convalescences ont été également moins longues et le rétablissement plus prompt, sans comparaison que dans les autres hôpitaux de la Bretagne. C’était du vin de Bordeaux que le régisseur de l’armée de Monsieur le comte de Vaux avait cédé aux religieuses, qui m’ont assuré qui leur avait moins coûté que le cidre qu’elles auraient dû se procurer.
91D’après cet exposé, on est fondé de proposer d’ordonner le vin pour boisson dans tous les hôpitaux des différentes provinces [Page 10] de France, en réglant les quantités susdittes [sic] qui suffiront. À la portion et la demie, un demi septier dont les malades boiront moitié avec de l’eau et le reste pur. Au quart et à la soupe, une roquille que les malades pourront boire pur ou avec de l’eau, comme les médecins et chirurgiens majors le prescriront. Le reste de la journée, de la ptisanne ou de l’eau panée86, comme il est d’usage dans tous les hôpitaux. Il y a dans la Bretagne, la Normandie, la Picardie et les Flandres, des ports de mer par lesquels on peut se procurer des vins de Bordeaux à bon compte. On en fera des dépôts pour n’en pas manquer pendant la guerre et au cas que les vignes aient souffert. Ce vin peut se conserver longtems, et il en devient meilleur.
92Les entrepreneurs auront le soin de s’approvisionner de vin de Bordeaux blanc en moindre [Page 11] quantité que de rouge. Il est nécessaire qu’ils en aient pour de certains cas et préparations pharmaceutiques.
93Cette boisson sera sans aucune comparaison meilleure que le cidre et la bièrre, restaurera bien plutôt les malades et ne coûtera pas plus, sinon moins, soit aux entrepreneurs, soit aux régisseurs.
94J’ai païé en 1786 du vin de Bordeaux, tel que celui que je propose de donner dans les hôpitaux, la pièce − qui contient deux cent vingt bouteilles au moins − quatre vingt livres, le port compris, exempt de droits. Ce qui fait le prix de sept sols la bouteille. Encore m’a-t-on assuré que j’avais païé le vin assés cher. Quoi qu’il en soit, le demi septier que je propose de donner à la portion des malades &a ne reviendra qu’à un sol neuf deniers87. Sûrement la bièrre des [Page 12] hôpitaux de Flandres, et le cidre donné dans ceux de la Bretagne et la Normandie, coûte plus que cela et n’est pas sans inconvénient pour les malades, ainsi que je l’ai exposé.
95Douay le 1er février 1788
96Majault
Réflexions sur les maladies vénériennes des militaires et leur traitement, par Monsieur Majaultl, chevalier de l’ordre du roy, docteur professeur royal de la Faculté de médecine en l’Université de Douay, chirurgien consultant des armées et premier chirurgien major du corps de la gendarmeriem
97Rien n’annonce tant la bienfaisance et la magnificence de nos roys que les beaux et vastes établissemens, où les soldats, cavaliers et dragons, malades et blessés, trouvent dans l’instant tous les secours dont ils peuvent avoir besoin88.
98Si une partie de ces lieuxn n’étoit pas souillié [sic] par le séjour d’un nombre infini de militaire que la débauche infecte et que le vice y conduit, je ne me serois jamais distrait de la recherche des moyens de rendre les maux des premiers plus supportables et leur guérison plus prompte. Mais, détourné à chaque instant par l’affluence des derniers, dont le nombre augmente chaque jour, au point que l’on peut avancer que la moitié des troupes en est infectée89, je me suis cru obligé par état de chercher quelle pouvoit [Page 2] être la source de cette contagion, la barière [sic] que l’on pouvoit y opposer, et [comment] diminuer à l’avenir les frais énormes que les traitemens occasionent [sic].
99Trois causes m’ont paru concourir à rendre cette maladie90 plus commune dans le militaire. La première existe dans le peu de soin que l’on a pris, et que l’on prend encore, de faire traiter les femmes qui en sont infectées. La seconde, dans les différens remèdes que la cupidité et le charlatanisme ont fait imaginer. La troisième se trouve dans l’aisance que les militaires ont de s’en faire traiter.
100Jusqu’à ce jour, les filles publiques n’ont trouvé que de faibles et défectueuses resources [sic] pour se délivrer des maux causé par le libertinage.
101Le gouvernement, conveneu [sic] de cette vérité, a fait établir à Pariso des traitemens gratuits, et dans les villes capitales de chaque province des infirmeries ou maisons de force, dans lesquelles on traite cette maladie91. Mais comment les traitemens sont-ils conduits ? Quel interest [sic] prend-on à la guérison de ces femmes, hommes et enfans qui se présentent aux chirurgiens proposés à cet effet ? Les vues du gouvernement sont pleines de charité. Tout le monde [Page 3] répond-il à ses intentions ? Dans les infirmeries des provinces, où le plus grand nombre de ces malheureuses devroit être rassemblé, l’ignominie attachée à ce séjour, la force que l’on employe [sic] pour les y conduire, la liberté de laquelle elle sont privée, le deffaut [sic] d’expérience et le traitement arbitraire des chirurgiens de chaque maison de force ont été les causes de l’éloignement des trois quart des femmes qui en ont le plus grand besoin et du peu de bien qui est résulté de celui que l’on vouloit leur procurer.
102Si l’on prenoit l’inverse de cette conduite, si l’on formoit des établissemens dans toutes les villes aux frais des provinces, si les femmes attaquées de cette maladie y étoient reçues sans violence, qu’on les y laissa avec une certaine liberté, que le traitement y fût gratuitp et que l’on obligeât chaque chirurgien à suivre une méthode, tant pour l’administration des remèdes que pour le régime, conforme à celle que j’ai donné au bureau des hôpitaux − que l’on a suivie dans ceux de Bretagne et de Normandie pendant les années 1778 et les trois suivantes, avec tout le succès possible92 −, et si lors de la récidive, on infligeoit à ces femmes une peinne [sic] quelconque, on véroit [sic] dans peu diminuer la contagion ; ce qui a été sensible [Page 4] à Metz lors que Monsieur de Calonne93, pour lors intendant des Évêchés, ayant formé un pareil établissement, en chargeat [sic] le chirurgien major de l’hôpital militaire.
103Que les magistrats ne s’allarment [sic] pas de ce projet, toutes les femmes payeront par leur travail, auquel on les obligera, une grande partie des frais de traitement, qui consistera à une dépence modique pour les remèdes et peu de chose pour la nouriture, que l’on prendera [sic] par préférence dans le règne végétal, en banissant les gros légumes.
104Le grand avantage qui en résultera dédomagera [sic] les magistrats et les autres cytoiens [sic], dont les enfans sont constamment exposés, des frais que l’on sera obligé de faire pour ces établissemensq, qui sont de la plus grande nécessité pour détruire la source du mal, et il est plus que tems de s’en occuper sérieusement.
105Si les établissemens paroissent être une charge pour les villes, cela obligera les magistrats à veiller plus scrupuleusement sur la conduite de ces femmes.
106La seconde cause [est] produite par les différens remèdes que la cupidité et le charlatanisme ont fait imaginer.
107Lorsque l’on ne connaissoit qu’une seule méthode de traiter les maladies vénériennes, le nombre de ces malades étoit [Page 5] sans comparaison moins considérable. Le traitement était à la vérité cruel et effrayant, mais on est fondé à croire qu’il étoit un frein au libertinage. Car depuis les méthodes des dragées, du mercur [sic] sublimé corrosif, [les] sirops et autres soit disant antivénériens94, on a vu considérablement augmenter le nombre de ces maladesr.
108En 1749, et les deux années suivantes, mon père, pour lors chirurgien major de l’hôpital militaire de Douay, sous les ordres de qui j’étais employé, avoit seul le traitement des vénériens des garnisons de la Flandre, d’une partie du Hainault95, du Cambrésis, de l’Artois et de la Picardie. Sa méthode étoit cruelle et les vénériens peu nombreux − encore dans ce tems nous avions le passage des troupes qui avoient fait la guerre en Flandre96.
109Au commencement de 1762, j’étois pour lors chirurgien major du même hôpital, et comme mon père chargé du même traitement pour les mêmes provinces. J’emploiois [sic] plus méthodiquement les frictions, comme je l’ai fait depuis que Monsieur le Marquis de Monteynard97 a donné aux chirurgiens majors des hôpitaux la liberté d’employer le traitement qu’ils croiroient le plus convenable. Dans les premiers tems, je n’avois qu’environ trente à quarante malades. À la fin de 1762, qui est [Page 6] l’époque des dragées et des autres méthodes susdittes, le chirurgien major de l’hôpital militaire de Lille fut chargé de la guarnison [sic] de cette ville et l’on me conserva les autres. Je m’aperçus d’une augmentation sensible chaque année, et particulièrement aux changemens de garnison, au point que nous en avons vu dans les derniers mois de 1775 passé deux cent-trente. Et le nombre eût doublé, si l’emplacement l’eût permis.
110À quelle autre cause peut-on attribuer cette contagion, sinon au peu de soin que l’on a pris de faire traiter les filles et aux changemens de méthode qui a [sic] eu lieu depuis 176298, et même jusqu’au 4 janvier 177699. Depuis que chaque chirurgien major employe la méthode qui lui plaît, depuis qu’on les a laissé [sic] maîtres du choix, il en est résulté que beaucoup de malheureux en ont été la victime et que les autres n’ont été que pallié [sic], en effaçant les symptômes et laissant la cause pour ainsi dire endormie, pour en s’éveillant après plus ou moins de tems, se développer avec plus de furie, souvent sous des signes équivoques qui ne permettent plus de reconnoitre la véritable cause. Dans ces intervales [sic], beaucoup [Page 7] se sont mariés, d’autres ont vécu avec des femmes. Il en est résulté des générations nombreuses qui portent avec elles les traces du vice primitif. Nous voions [sic] communément des enfans rachytiques et scrophuleux100, maladies que l’on connoissoit à peine dans nos provinces il y a trente ans.
111La troisième cause existe dans la vie oisive des soldats &a, qui sont pendant les deux tiers de l’année dans l’inaction, et l’aisance qu’ils trouvent à se faire traiter de cette maladie.
112Si le soldat étoit plus ou moins occupé, il jouiroit d’une meilleure santée [sic], il seroit plus rigoureux et le travail l’éloigneroit malgré lui du vice et de la débauche, comme on le voit par ceux qui ont des métiers, qui ne paroissent que rarement pour cette maladie dans les hôpitaux.
113Il étoit de la bonté et de la justice des monarques de procurer des secours aux troupes pour réparer leur santé qu’ils exposent pour le service de l’État. Ces secours s’étendent dans les hôpitaux sur les malades, blessés et vénériens sans distinction. Ce ne devroit être qu’aux premiers que l’on donneroit des soins gratuits, mais les vénériens ne devroient être admis qu’en payant leur traitement par [Page 8] une année de service ajoutée au tems de leur engagement.
114Messieurs les officiers vont se récrier contre la punition que je propose et diront que les soldats n’auseront [sic] plus se plaindre quand ils seront pris de cette maladie, qu’ils préféreront laisser invétérer ce mal, plutôt que de s’exposer à subir la peine que le ministre aura portée. Pour parer à cet inconvénient, on obligera les chirurgiens majors des régimens, qui sont grandement payés et peu ou point occupés, à faire deux fois par mois la visite du régiment en entier, en présence d’un officier major. On aura aussi la plus grande attention de faire visiter tous ceux qui auront des semestress 101, qui en seront privés s’ils ont des symptômes vénériens. On fera avec le même soin une autre visite à leur retour. Avec cette précaution, on diminuera l’extension de cette maladie dans les provinces. On fera les plus expresses deffences à tous soldats chirurgiens de traiter aucune de ces maladies. On ordonnera à tous les bas officiers de rendre compte de ceux de leur compagnies qu’ils pourront connoître.
115La punition, que les malades de ce genre sont libres d’éviter, est nécessaire pour mettre des [Page 9] bornes à la dépravation des mœurs des soldats et assurer leur guérison. Rien n’arrête le soldat dans la débauche. S’il en est malade, il est sûr de trouver des secourst. Si on lui annonce une punition, surtout du genre de celle que je propose, il se livrera moins au libertinage.
116Monsieur le baron de Pirsche102, après la lecture de mon mémoire, employa les moyens que j’y expose. Mais il substitua à l’année de service une punition corporele [sic]u qui ne convient pas aux troupes françaises. Le colonel parvint, à moins d’un an, à éteindre les maladies vénériennes dans le régiment qu’il commandoit.
117La peine que l’on infligera aux soldats vénériens ajoutera au bien qui en résultera, soit pour les arrêter dans la débauche, soit pour les empêcher de récidiverv, celui de se soumettre entièrement aux secours qu’on leur administrera et à ne pas tromper comme ils le font tous les jours − en soustrayant malgré la plus scrupuleuse attention une grande partie des remèdes qu’on leur donne, en s’écartant du régime qu’on leur prescrit −, à ne vouloir pas rester le tems nécessaire pour obtenir leur guérison. Cette conduite, tout à fait opposée au bien que l’on désire, fait doubler la dépence [sic] et le traitement sans que l’on puisse s’assurer de leur guérison, et pour masquer leur fourberie, [Page 10] ils accusent les chirurgiens majors des hôpitaux de ne les avoir pas guéris [auprès de] Messieurs les chefs des corps, qui d’après leur raport [sic] nous condamnent et portent des plaintes au ministre.
118Si les soldats que l’on traite à la garnison sont indomptables, que doit-on penser de ceux qui le sont loing [sic] des drapeaux ? Aussi éprouve-t-on dans les hôpitaux qui sont chargés de ces traitemens tous les désagrémens [sic] possibles, et ce ne peut être qu’à force de menaces et de punition que l’on peut les contenir dans de certaines bornes, sans pouvoir parer à leur [sic] supercheries. Et malgré les plus grandes attentions, plusieurs s’évadent et accusent les chirurgiens majors de les laisser mourir de faim, le tout pour se soustraire au reste du traitement et passer ensuite dans un autre hôpital, où ils restent encore plus ou moins de tems, ce qui n’auroit pas lieu si l’on portoit une punition contre ceux qui seroient attaqué de cette maladie. Ils s’empresseroient de s’en faire guérir le plus sûrement possible.
119Quels sont les moyens que l’on pouroit employer pour diminuer les frais que le traitement des maladies vénériennes occasionent ? C’est ce qui va faire la dernière partie de ce mémoire.
120Le roy payoit en 1776 aux entrepreneurs des hôpitaux pour chaque malade, blessé ou vénérien, vingt sols par jours [sic], sur laquelle somme la paye du soldat faisoit [Page 11] une partie [du] payement. Le roy payoit de plus vingt sols par jours à chaque élève en chirurgie, dont un pour 25 malades, blessés ou vénériens. Mêmes appointemens à chaque élève en pharmacie pour 50 malades, blessés ou vénériens, et vingt sols par jours à chaque infirmier pour 15 malades, blessés ou vénériens. Ces différents gages faisoient une augmentation de trois sols à payer par le roy pour chaque malade quelconque. Il faut ajouter à cette augmentation celle des fournitures, qui formoit un objet séparé qui portoit trois sols par jour de plus à payer par le roy pour chaque malade &a. Ces deux objets rassemblés faisoient six sols à ajouter à chaque journée de malade, blessé ou vénérien.
121Exemple : un fourier [sic] des grenadiers qui a treize sols quatre deniers de paye par jour. La retenue pour l’hôpital est de 12 sols. Le suplément [sic] à payer par le roy pour compléter les 20 sols pour l’entrepreneur de l’hôpital étoit [donc] de huit sols. Et en ajoutant les six sols pour les différens employés et fournitures, un fourier des grenadiers coûtoit au roy 14 sols par jours à l’hôpital. Un fusilier qui a cinq sols huit deniers par jour : la retenue pour la journée de l’hôpital est de cinq sols. Le roy payoit pour suplément 15 sols et les six sols pour les employés et fournitures, [qui] faisoient 21 sols par jour que le roy payoit à l’entrepreneur de l’hôpital.
122Il résultoit que pour une maladie vénérienne simple comme une [Page 12] gonhorrée [sic], [où] le malade pouvoit rester trente six jours au moins à l’hôpital, il en coûtoit au roy pour un fourier 25lt 4s et pour un fusilier 34lt 6s.
123Les maladies décidées103, qui exigent un traitement plus long pendant lequel il ne survient aucun accident qui l’interompe [sic], subissent 13 jours de préparation, 43 jours de remèdes et dix jours de convalescence, qui font en tout 66 journées. Un fourier des grenadiers coûtoit au roy 46lt 4s et un fusilier 69lt 6s.
124On trouvera le traitement de la maladie vénérienne confirmée bien long, mais les raisons dans lesquelles je vais entrer feront voire [sic] qu’il n’est pas possible de donner moins de tems pour introduire à des distances nécessaires une certaine quantité de mercure − surtout dans un hôpital où il se trouve beaucoup de ces malades rassemblés dans une même salle − sans les exposer sinon à perdre la vie, du moins à des maux de poitrine, de la bouche, de la gorge, à la dissolution du sang, à des anéantissemens104, enfin à des tremblemens universels105, accidens qui rendent le traitement beaucoup plus long, parce qu’il faut attendre qu’ils aient cessé pour continuer les remèdes. Et malheureusement dans les hôpitaux, particulièrement à Douay, les accidens sont inévitables à l’aune du grand nombrew, et presque tous d’une constitution différente qui exigeroit un traitement particulier, que l’on s’occupe autant possible de leur administrer, mais sans fruit en raison de la grand quantité de mercur dont l’athmosphère [sic] de cette salle est constamment chargée, qui [Page 13] affecte plus ou moins chaque individu sans que l’on puisse l’éviter et déterminer la quantitée [sic] de mercure qu’on leur administrex.
125Nous avons des preuves incontestables de cette vérité dans les inflammations de la bouche et les salivations fréquentes aux chirurgiens et infirmiers, que l’on est obligé de changer de salle de tems à autres.
126Comme il est peu de malade qui n’éprouve quelques accidens dans le cours du traitement, ou qui n’ait des symptômes qui exigent des opérations avant de le commencer, ou après avoir fini lorsqu’il s’en manifeste pendant le traitement, ou enfin que les symptômes sont plus ou moins opiniâtres, il s’ensuit une augmentation de journée [sic] considérable, qu’il est possible d’évaluer en portant l’excédent de ceux qui restent longtems sur ceux qui restent moins. Chaque traitement portera 77 journées au moins, qui feront la somme de 78lt 17s pour un fusilier, sans compter les 2 sols par lieue pour arriver de la garnison à l’hôpital et ceux pour le retour au corpsy.
127Je crois avoir suffisament [sic] démontré l’impossibilité de traiter méthodiquement les maladies vénériennes dans les hôpitaux actuellement établis à cet usage et la dépense excessive de ces traitemens. Il reste, pour terminer, à proposer un moyen plus sûr et incomparablement moins coûteu [sic], qui est d’en charger les chirurgiens majors des régimens. Il est incontestable que chaque régiment étant chargé des vénériens, ils seront en plus petit nombre, que le traitement sera plus méthodique − en ce que [Page 14] l’on pourra évaluer la quantitée de mercure qu’on leur donnera et varier selon la constitution, et l’anciennetée [sic] de la maladie −, qu’étant dans les yeux de leurs officiers, ils n’auseront se refuser de prendre les remèdes qui leur seront prescris et à la quantitée nécessaire. On sera donc plus sûr de leur guérison. On ne sera plus exposé à en perdre par la désertion. Car souvent un soldat suppose une maladie vénérienne dont, dit-il, les symptômes sont effacés, pour, en demandant à aller se faire traiter, s’éloigner de la garnison et quiter [sic] le régiment. D’autres, qui ne se sont engagés que pour se faire guérir, profitent de leur sorties de l’hôpital pour déserter. Rien n’est plus commun que de voir des soldats hollandais qui ont la vérolle quiter leurs régimens, passer en France, s’engager dans des régimens étrangers pour se faire traiter, retourner ensuite en Hollande.
128Pour parer à ces inconvéniens et former les établissemens que je propose, on choisira dans chaque caserne deux chambres, les plus vastes pour que les malades y soient à l’aise, que l’on destinera au traitement, comme on a fait lorsque les chirurgiens majors des corps étoient chargés de traiter les galeux et les maladies vénériennes simples106. Il en sera de même pour les fournitures qui resteront attachées à cet hôpital. Le feu et la lumière seront fournies comme ils l’étoient dans le tems de ces établissemens. On se procurera 2 ou 3 baignoirs [sic] de bois qui ne coûteront pas plus de 10 francs chaqu’une. Cette somme modique sera avancée [Page 15] par les corps, qui la retrouveront sur l’œconomie que l’on poura faire sur la paye des maladesz. On véra la possibilité de retrouver cette avance, ainsi que je le dis dans ce faible exposé que je fais de ce qui se passe dans les établissemens des hôpitaux de l’Empereur107.
129On ne se servira des baignoires que l’hiver, l’automne et le printems. L’été, les malades se baigneront à la rivière, avec les précautions qu’aura le soin d’indiquer le chirurgien major, qui s’occupera aussi de ne faire faire qu’un feu modéré dans cet hôpital pendant l’hiver, d’autant que je conseil [sic] de faire faire le service du quartier dans cette saison pendant le jour à ceux qui n’auront pas d’accidens qui les retiendront à la chambre. On ne fera que très peu de feu pendant la nuit, ainsi que l’automne et le printems, dans les jours frais et humides, et le reste du tems on ne fera pas de feu.
130On donnera les frictions le soir, deux heures après le soupé, le chirurgien major présent, pour s’assurer de la fidélité des malades. Les tisannes et le pot au feu se feront sur le poêlle [sic], et lorsque l’on ne fera plus de feu dans les chambres de ces malades, on se servira du local dans lequel on aura chauffé l’eau des bains.
131C’est avec cinq livres de houille par jour pour chaque malade, que l’on donne pendant l’hiver, que l’on fait tous les feux des hôpitaux de l’Empereur.
132[Page 16] J’ai donné une méthode de traitement la plus étendue possible à laquelle on poura assujetir [sic] les chirurgiens majors des régiments, tant pour l’administration des remèdes, les pensemens [sic] des symptômes et accidens, que pour le régime. Les alimens seront fournis par la paye et le pain de chaque individuaa. La paye des fourriers et sergens sera plus que suffisante pour la nourriture. Tous les médicamens, tant internes qu’externes, le linge et les tisannes nécessaires seront fournies par les chirurgiens majors des régimens, auxquels on donnera 12lt pour chaque malade quelconque, soit gonorrhé [sic], soit maladie confirmée qui exigera le grand traitement. Ces malades seront auparavant visités par les chirurgiens majors des hôpitaux, en présence d’un officier, pour constater la nécessité du traitement, et à la fin visités de nouveau pour assurer la guérison. On formera des états qui seront signés des chirurgiens majors des corps et des hôpitaux, et visés par les commissairs [sic] des guerres. Les soldats attaqués de cette maladie qui n’auront pas d’accidens qui exigent le repos pouront, pendant l’été, l’automne et le printems, et le tems de leur traitement, faire le service du quartier pendant le jour, ce qui s’opposera à l’inflammation de la bouche et soulagera [Page 17] les camarades dans le service. Ceux qui n’auront que des gonorrhées feront le service dans tous les tems et toutes les saisonsbb. Les uns et les autres qui pouront manger, on leur donnera le pain de munition dont la quantité sera réglée par le chirurgien major.
133On poura objecter que lorsque les régimens quitteront la garnison, le traitement ne poura pas se continuer. Si la route n’est pas longue, l’été l’automne et le printems, et l’hiver même, ceux qui seront dans le 1er cas suiveront [sic] le régiment, à plus forte raison ceux du second. On ne laissera à la chambre des traitemens que ceux qui auront des accidens qui les exposeroient de souffrir en voiture, ou des ulcérations ou gonflement à la bouche et à la gorge. Ceux cy demeureront sous la conduite du chirurgien major de la garnison, ou celui de l’hôpital y suppléra [sic], ce qui aura lieu toutes les fois que les régimens seront dans le cas de faire une grande route. [Dans ce cas, ] tous les vénériens resteront, et chaque soldat guéri restera en subsistance, en attendant que tous soient guéris et en état d’aller joindre leur [Page 18] corps, sous les ordres d’un bas officier.
134Si enfin ce que je viens de proposer ne pouvoit pas s’exécuter, ce que je ne puis prévoir, on pouroit, non pour l’œconomie, car il n’en résulteroit que quelques journées et les deux sols par lieue de diminution sur les frais actuels, mais toujours dans la vue d’assurer la guérison de ces malades et éviter la désertion, on pourroit, dis-je, faire traiter dans tous les hôpitaux militaires, excepté ceux des ports de mer où le traitement de ces maladies devient fâcheu [sic] à cause de l’air salin, qui joint au mercure appauvrit singulièrement le sang − on [y] prescriroit la méthode générale que j’ai proposé [sic]− et obliger comme par le passé les religieuses chargées de l’administration des hôpitaux militaires à recevoir les malades de la garnison. Il en résulteroit une partie des avantages cy dessus énoncés. Il est impossible de rendre les désagrémens que causent les soldats vénériens étrangers à la garnison, et on ne peut se dispenser de convenir qu’il est impossible d’assurer leur guérison.
135[Page 19] Ne serais-je pas trop heureux si ces réflexions que j’expose dans ce mémoire, d’après une longue et panible [sic] expérience, pouvoient contribuer à la diminution, sinon à l’extinction, d’une maladie affreuse, qui telle qu’elle soit traitée, énerve les hommes, surtout de la classe de ceux dont il est question, les anéantit presque et laisse des impressions assez fortes pour passer aux générations [et] qui dégradent l’humanité. Ces tableaux ne sont que trop multipliés en France dans toutes les classes. Et quel bien il résulteroit si le gouvernement se sévissoit contre tous les inventeurs de remèdes quelconques, qui n’ont d’autre vue que de profiter du malheur des autres pour s’enrichir au prix de leur sang.
136Douay le 31 décembre 1787
137Majault
Projet d’un hôpital ambulant à la suite des armées, donné au bureau des hôpitaux à Versailles au mois de novembre 1778108 par Monsieur Majault, pour lors chirurgien en chef de l’armée commandée par Monsieur le Maréchal de Broglie
138Rien ne paraît plus intéressant que de s’occuper à former des projets d’établissement dans toutes les parties nécessaires à la suite des armées. Il faut surtout s’appliquer à joindre à l’aisance, le plus de célérité possible dans l’exécution.
139Les hôpitaux ambulants, [qui sont] des objets essentiels, trouvent à chaque campement des obstacles et beaucoup d’inconvénients inévitables, du côté du local et du côté du service. Pour le local, on ne trouve que des granges et des maisons peu spacieuses, où les malades de différentes maladies et les blessés de tout genre sont pour ainsi dire entassés. De là naissent [Page 2] les contagions qui ne tardent pas à infecter les hôpitaux, les officiers de santé et les servans, en s’étendant jusques dans le camp.
140Ces mêmes malades, établis dans des lieux spacieux et bien aérés, ne tarderaient pas à éprouver du soulagement et un mieux notable, aidés des mêmes moïens et du même régime qu’on leur administre dans ces chaumières, où l’air circulant à peine ne tarde pas à s’infecter. Au lieu que dans les établissemens que je vais proposer on aurait la satisfaction de ne voir que très peu de malades dans l’armée la plus nombreuse, nous avons vu le contraire dans la guerre de 1756109 : des maladies qui ne tenaient qu’au vice des premières voies110 devenaient putrides et contagieuses, en raison du rapprochement des malades dans des lieux dépourvus d’air libre.
141On a besoin à l’armée de deux [Page 3] espèces d’hôpitaux. Ceux que l’on appelle ambulans ne quittent jamais le quartier général, ou du moins le plus à portée possible. Les autres sont nommés sédentaires, ils s’établissent sur les derrières de l’armée. Les uns et les autres ont toujours le même inconvénient d’être trop reserrés [sic] et mal aérés. C’est dans la campagne de 1757111 que j’ai été chargé en chef, en l’absence de Messieurs Lemonier112 et Bagieux113, de l’ambulance de l’avant garde de l’armée commandée par Monsieur le Prince de Soubise114, ensuite par Monsieur le Marquis d’Armentièrez115. Étant à Blanquenove sur le Vezer116 pour passer le fleuve, nous avions un nombre de malades trop considérable pour les granges et baraques que nous pûmes trouver pour y établir les malheureux, qui étaient amoncelés les uns sur les autres, sans autre ressource pour les officiers de santé et les servans que de s’établir pour se [Page 4] coucher au dessus et à côté des aires de grange, dans la paille et le foin qui s’y trouvaient. Le service s’y faisait le moins mal possible et l’infection s’y établit. J’avais en outre la crainte du feu qui ne cessait de m’occuper, et tant que nous y sommes restés, j’y faisais surveiller avec le plus grand soin. Mais après notre départ pour le passage du Vezer [sic], quoique j’eusse bien recommandé d’y donner toute l’attention possible, un des malades en fumant y mit le feu. Quelques uns périrent dans les flammes et tout le reste de l’établissement fut consumé.
142Dès ce moment, je conçus le projet d’établir derrière le camp une ambulance composée de tentes assés vastes et multipliées pour y loger tous les malades et blessés, même Messieurs les officiers de l’armée, les y laisser jusqu’au décampement, pour ensuite [Page 5] faire passer sur les derrières ceux des plus malades qui auraient besoin de secours, et l’autre partie qui n’aurait eu besoin que d’être évacuée et d’un peu de diètte [sic] et de régime, les faire rentrer au corps. Cet établissement me paraissait dès lors très avantageux, tant pour la salubrité de l’air, la facilité du service exempt de toutes inquiétudes pour les incendies, que pour les indispositions légères, qui trouvant des secours prompts et bien entendus n’auraient pas eu de suite. Ces espèces de malades se seraient trouvés dans peu en état de joindre leurs régimens, ce qui n’arrive pas lorsqu’on les éloigne pour les rassembler − comme je l’ai dit −, rapprochés les uns des autres dans les hôpitaux sédentaires, établis loin de l’armée, d’où on les transporte encore plus loin pour recevoir ceux que l’on fait partir promptement des ambulances, à cause du défaut [Page 6] d’emplacement derrière les armées. Ajoutons encore que le soldat, éloigné de son corps, avec de la bonne volonté, ne rejoint qu’à la fin de la campagne. Et beaucoup d’autres sont perdus pour toujours, soit par la mort ou par la désertion. Pour éviter cet inconvénient, j’ai proposé de faire derrière l’armée un établissement avec des tentes ; et pour les hôpitaux sédentaires, les former dans les églises, les cloîtres des communautés religieuses ; enfin choisir tous les endroits les plus spacieux possible et mieux aérés. On ne tardera pas à reconnaître le grand bien qui en résultera, en donnant surtout le plus d’étendue possible à ces établissemens, pour éviter le rapprochement des malades, observant en outre de mettre toujours deux piés d’intervalle entre chaque lit des malades117, ce qui facilitera [Page 7] le service et s’opposera à la contagion. Cette distance aura aussi son utilité pour placer dans l’intervalle, et du côté de la tête, une planche de la longueur de deux piés, assés large pour y poser les pots et écuelles de chaque malade. Cette planche sera assujettie de chaque côté par un crochet de fer, qui tiendra à chaque bout de la planche, et un piton à visser, attaché à chaque côté du lit pour recevoir dans le trou de l’extrémité le crochet de la planche. La propreté, si nécessaire dans les salles, et les parfums seront prescris [sic] par les officiers de santé. Il sera dans leur intérêt d’y veiller avec soin.
143L’hôpital ambulant sera donc établi avec des tentes, lorsque l’on n’aura ni églises assés vastes, ni couvent pour y disposer l’établissement nécessaire.
144[Page 8] On aura vingt tentes de quatre vingt piés de long sur vingt de largecc 118, qui contiendront chacune quarante lits, dont vingt de chaque côté pour quarante malades. Ces vingt tentes seront dressées dans le besoin pour huit cent malades. Il y aurait deux de ces tentes pour Messieurs les officiers. Ces vingt tentes, ou moins si l’on veut, seront plus que suffisantes pour recevoir et garder − autant de jours que l’armée restera campée − les malades qu’il pourrait y avoir dans une armée de cent mil hommes, que l’on aura le tems d’évacuer sur les derrières plus commodément et plus promptement que lorsque ces malades seront épars dans des granges et des chaumières. Par ces établissemens, on évitera chés beaucoup de malade la longueur des maladies, en administrant aussitôt l’arrivée [Page 9] des malades les premiers remèdes, qui sont ceux qui réusissent [sic] le mieux, surtout chés les soldats qui à l’armée ont toujours l’estomach [sic] farci119. On empêchera, en les évacuant, le transport dans la masse des humeurs, celles qui séjournent dans les premières voies.
145Ces tentes seront d’une bonne toile, dont le toit sera enduit de la même manière que les guêtres noires des soldats, ou peintes à l’huile colorée comme on voudra, pour éviter qu’elles pourissent et tamisent par les grandes pluies. Elles auront quatre mâts et seront moins élevées qu’elles le sont par proportion à leur grandeur, pour éviter l’action des vents dans les ouragans. On pourra pratiquer aux toits des soupireaux [sic] qui se fermeront lors des tems de pluie par le moïen d’une espèce de store. Les murailles seront susceptibles [Page 10] de se décrocher pour établir le courant d’air nécessaire du côté que l’on voudra. Chaque tente pourra coûter six cent francs au plus, ce qui fera douze mil francs pour les vingt. Deux chariots couverts de toile peinte à l’huile, attelés de quatre chevaux, porteront les tentes, mâts, traverses et piquets. On placera ces tentes, lorsque l’on formera les établissemens, de manière à ce que les ouvertures soient du midi au nord. Il y règnera dans tous les tems un air libre. On aura, à une des extrémités de chaque tente ou sur le côté, une petite [tente] qui communiquera avec la grande et sera commune avec la voisine pour servir de latrinedd. On formera par ce moïen, à la suite de l’armée, un établissement aussi vaste que l’on jugera à propos et toujours très salubre. Si nous eussions eu dix de ces tentes [Page 11] au camp de Vaussieux120, nous n’eussions pas été forcé d’évacuer les malades sur les hôpitaux de charité, ils eussent été traité [sic] par les médecins de l’armée. Le nombre des morts eût été moins considérable.
146Pour meubler ces établissemens, les fournitures sans bois de litee ne pourront pas servir121, elles sont trop larges et il ne sera pas possible de les placer à barbette122 tantôt sur un terrain humide et tantôt sur un sol raboteux, quoique l’on prenne attention pour choisir le meilleur terrain à portée d’un village, pour y trouver de l’eau et autres objets de nécessité. En conséquence, je proposerais de[s] lits plïans comme ceux que nous avons eus à l’ambulance de Baïeux, larges de deux piés et demi123, longs de six124, élevés de terre de deux piés et demi à peu près lorsqu’ils sont tendus. Le fond, au lieu [Page 12] de sangles, est matelassé en cuir, formant deux pièces que l’on lasse et serre à volonté. La tête et les piés sont assujettis par deux traverses qui affermissent et donnent une assise suffisante. Le coucher est composé d’un matelat, d’un travers et d’une couverture. Le tout pèse 67 livres125, la paire de drap qui pèse cinq livres compriseff. En augmentant chaque lit d’un matelat, d’une couverture, et le traversin d’une livre de cuir, la totalité du poids irait à 80126 pour un lit. Mais on aurait l’avantage, dans un cas de presse127, de [pouvoir] donner un des matelats de chaque lit et une couverture. Le tout posé sur de la paille ferait une demie fourniture. Et dans les cas où il n’y aura que les nombres de malades, ils seraient mieux couchés et couvers [sic] selon la température de l’airgg. On peut assurer que les [sic : des] malades et blessés − que nous avons eu en assés grand [Page 13] nombre à Baïeux, et des blessures très graves de tous les genres − tous ont été parfaitement et sans s’en plaindre. Les fractures de cuisses et de jambes n’ont pas été gênées. Les succès dont toute l’armée a été témoin prouvent tout en faveur de ces lits.
147Pour les cuisines, bureau et logement des officiers de santé et emploiés, on trouvera dans le village à portée de quoi former ces établissemens à l’aise. Les chaudières pour le bouillon se poseront sur des trois piés128, ainsi que celles pour faire les ptisannes, dans des vergers ou jardins des maisons que l’on habitera.
148On portait dans les dernières guerres des demies fournitures d’un poids énorme et toujours malpropres. Les huit cent lits garnis comme il vient d’être dit seraient portés dans vingt quatre chariotshh couverts de grosse toile peinte à l’huile en rouge, atelés [sic] de quatre chevaux. Il n’en fallait pas [Page 14] moins pour transporter les demies fournitures, qui n’étaient pas si commodes ni si propres. Quoi de plus intéressant à l’armée que les secours pour les officiers et soldats malades et blessés. Les soins que nous ne cesseront de donner ne peuvent qu’augmenter le courage des uns et des autres, et chés tous l’amour pour le meilleur des princes.
149Monsieur de la Chaume129, premier médecin de l’armée française, a exécutéii le projet que j’ai proposé au mois de novembre 1778. Il a eu tout le succès possible130. Il dit qu’il regarde comme un grand bonheur qu’on n’ait pu se procurer des maisons en ville pour y transporter les malades. Le projet de les envoïer [sic] à Cadix eût, ajoute-t-il, coûté la vie à la plus grande partie de ces malades. On ne peut rien dire de plus en faveur de l’établissement que je propose, [Page 15] et je ne doute pas que l’exécution ne remplisse parfaitement mes vues.
150Douay le 1er février 1788
151Majault
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5 M. Lucenet, Médecine, chirurgie et armée…, op. cit., p. 40-41.
6 M. Lucenet, Médecine, chirurgie et armée…, op. cit., p. 56.
7 J.A.H. de Guibert, Essai général de tactique, Londres, Les Libraires Associés, 1772, t. ii, p. 302.
8 J. Colombier, Code de médecine militaire pour le service de terre, Paris, J. P. Costard, 1772.
9 J. Servan, Le soldat-citoyen, Dans le pays de la liberté (Neufchâtel), 1780, livre ii, section ii, § 1.
10 J. Guillermand (dir.), Histoire de la médecine aux armées, t. i : De l’Antiquité à la Révolution, Paris, Lavauzelle, 1982, p. 470-471.
11 J.-F. Coste, Du service des hôpitaux militaires ramené aux vrais principes, Paris, Croullebois, 1790, p. 1-116.
12 SHD, GR Ya 138, Majault (François-Joseph), états de service au 4 mars 1788.
13 SHD, GR Ya 137, Le Monnier (Louis-Guillaume).
14 SHD, GR Ya 132, Bagieu (Jacques).
15 SHD, GR Ya 138, Majault (François-Joseph), pièce datée du 18 mai 1777.
16 SHD, GR Ya 138, Majault (François-Joseph), pièce datée du 5 octobre 1778.
17 SHD, GR Ya 138, Majault (François-Joseph), pièce datée du 31 octobre 1778.
18 SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les différentes administrations des hôpitaux militaires de France qui ont eu lieu depuis 1746 jusqu’à ce jour, et parallèle de ces administrations avec celle des hôpitaux de sa Majesté Impériale et Roïale, par Monsieur Majault., 26 février 1788, 146 ; SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Suite du mémoire concernant les anciennes administrations des hôpitaux, l’administration actuelle en France, de celle des hôpitaux de l’empereur, par Monsieur Majault, 20 février 1788, 137-145.
19 SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les maladies vénériennes des militaires et leur traitement, par Monsieur Majault, chevalier de l’ordre du roy, docteur professeur royal de la Faculté de médecine en l’Université de Douay, chirurgien consultant des armées et premier chirurgien major du corps de la gendarmerie, 31 octobre 1787, 124 ; SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Projet pour la formation des chirurgiens des armées, donné au bureau des hôpitaux à Versailles au mois de novembre 1778 par Monsieur Majault, pour lors chirurgien de l’armée commandée par Monsieur le maréchal de Broglie, 1er février 1788, 125 ; SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Projet d’un hôpital ambulant à la suite des armées, donné au bureau des hôpitaux à Versailles au mois de novembre 1778 par Monsieur Majault, pour lors chirurgien en chef de l’armée commandée par Monsieur le Maréchal de Broglie, 1er février 1788, 126 ; SHD, GR 1 M 1172, Majault (François-Joseph), Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens dans les hôpitaux militaires et ceux de charité où l’on reçoit les militaires, par Majault, 1er février 1788, 127.
20 Une demande de brevet attestant de la pension qui vient de lui être accordée par le comte de Puységur – secrétaire d’État de la Guerre depuis le 30 novembre 1788 –, au titre de vice-raporteur honoraire du Directoire des hôpitaux militaires, nous confirme en effet qu’il a obtenu ce poste visant à assister Jean Colombier dans sa tâche réformatrice. Voir : SHD, GR Ya 138, Majault (François-Joseph), pièce datée du 29 mars 1789.
21 J. Moerchel, Das österreichische Militärsanitätswesen im Zeitalter des aufgeklärten Absolutismus, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1984 ; A. Köhler, Die Kriegschirurgen und Feldärzte Preussens und anderer deutscher Staaten in Zeit- und Lebensbildern, t. i, Kriegschirurgen und Feldärzte des 17. und 18. Jahrhunderts, Berlin, Hirschwald, 1899.
22 M. Lucenet, Médecine, chirurgie et armée…, op. cit., p. 49.
23 Ibid., p. 59.
24 M. Lucenet, Médecine, chirurgie et armée…, op. cit., p. 109.
25 J. Guillermand (dir.), Histoire de la médecine aux armées…, op. cit., p. 453-457.
26 J. Guillermand (dir.), Histoire de la médecine aux armées…, op. cit., p. 478.
27 Il s’agit de Joseph II (1741-1790) qui est à la fois empereur du Saint Empire romain germanique, roi de Hongrie et de Bohême, et enfin archiduc d’Autriche.
28 La législation relative à ce passage de l’entreprise à la régie n’a pu être identifiée. Cependant, il faut noter que les hôpitaux militaires relatifs à la marine sont en régie. De plus, une telle expérience de mise en régie des hôpitaux militaires est probable dans la logique des années 1760-1770, où les allers-retours législatifs entre l’entreprise et la régie sont fréquents. Dans le domaine militaire, le service des fournitures militaires, qui avait été mis en régie par le duc de Choiseul, est remis en entreprise en 1771, avant le rétablissement de la régie en 1776. En 1778, le service pour les étapes et convois militaires passe en régie générale. En ce qui concerne les hôpitaux militaires, le système dominant, à l’exception des hôpitaux de la marine, est celui de l’entreprise, sachant qu’en temps de guerre, les hôpitaux ambulants, en première ligne, sont toujours en régie. Majault indique dans ses mémoires 3 dates différentes du passage de l’entreprise à la régie : « 1781 ou 1782 » (1 M 1772-124) et ici 1779. Cependant, dans l’ordonnance du 1er janvier 1780, il est encore question des entrepreneurs. Il semble que ce soit avec l’ordonnance du 2 mai 1781 que ce passage en régie se fait. Toutefois, les hôpitaux militaires seraient passés en régie intéressée, c’est-à-dire un système mixte relevant plus de l’entreprise, mais où les surplus sont reversés à l’État.
29 Il semble que le sieur Magnier ou Mannier soit effectivement régisseur des hôpitaux militaires. Il n’a pu être clairement identifié, mais apparaît dans les inventaires de plusieurs fonds d’archives départementales dans les années 1780. De plus, une compagnie de gestion des hôpitaux militaires au nom de Magnier apparaît dans les sources révolutionnaires.
30 Pays-Bas autrichiens.
31 Par l’édit du 17 mars 1783, Joseph II décrète la suppression, dans les Pays-Bas autrichiens, des couvents jugés inutiles. Un Comité de la Caisse de Religion est alors mis en place afin de prendre en charge la gestion des biens et revenus des couvents supprimés, du payement des pensions des anciens conventuels, ainsi que de l’aide financière apportée aux hôpitaux, aux paroisses, et à la création des cimetières.
32 À tour de rôle.
33 Issus.
34 Par une économie préjudiciable aux malades.
35 Dans les hôpitaux, l’alimentation des malades est fixée à la journée et, selon les types de régimes, à la portion, au trois-quarts de portion, à la demi-portion dite aussi demie, au quart de portion dit aussi quart, et au demi-quart de portion ou à la soupe.
36 L’once équivaut à 30 grammes, ce qui portent 12 onces à 360 grammes.
37 Le lait de beurre désigne le lait fermenté issu de la fabrication du beurre par barattage de la crème.
38 Le quarteron équivaut à un quart de livre.
39 Cela équivaut donc à 240 à 300 grammes de pain blanc.
40 Une chambrée désigne l’ensemble des soldats, qu’ils soient malades ou non, qui logent ensemble.
41 Ce qui équivaut à 2,45 kilogrammes environ.
42 Douai.
43 Il existe deux versions quasi identiques – à quelques différences formelles près – de ce mémoire. Après une comparaison des écritures et signatures des mémoires avec les états de service de Majault (SHD, GRYa 138, états de service au 4 mars 1788) qui sont sans aucun doute de sa main, la version éditée ici (SHD, GR 1 M 1772, pièce 137-145) est très probablement de sa main. L’autre version (SHD, GR 1 M 1772, pièce 128-136) est du même transcripteur que les autres mémoires.
44 Les médecins inspecteurs existaient avant l’édit de 1708, mais celui-ci crée quatre offices de médecins conseillers inspecteurs généraux pour les départements de Franche-Comté, Allemagne, Flandre, Dauphiné-Provence, Guyanne et Roussillon. Supprimés en 1716, l’ordonnance du 1er janvier 1747 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) réinstaure officiellement un corps d’inspecteurs pour les hôpitaux militaires. L’ordonnance du 4 août 1772 établit une commission permanente de santé composée de médecins et chirurgiens inspecteurs, mais elle est abolie par l’ordonnance du 17 août 1774. Sont conservés un médecin inspecteur général et des inspecteurs particuliers rattachés à des départements d’exercice.
45 Tous les modèles et états mentionnés dans ce mémoire sont manquants.
46 Voir ci-dessus : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les différentes administrations des hôpitaux militaires…, op. cit.
47 La tisane (du grec ptisani), que les médecins appellent plus anciennement ptisane, est une potion rafraîchissante faite d’eau bouillie, d’orge et de réglisse. La plupart des infusions médicinales sont faites à base de tisane, agrémentée selon les effets voulus : ainsi, par l’ajout de chiendent, d’oseille et de séné, on obtient une décoction purgative. Pour tout malade ayant de la fièvre, on substitue généralement la tisane au vin.
48 « Y compris l’année de service » : Majault renvoie ici à sa proposition d’exiger des vénériens qu’ils remboursent leur traitement en allongeant d’une année de service supplémentaire leur temps d’engagement. Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les maladies vénériennes des militaires et leur traitement…, op. cit.
49 Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les maladies vénériennes des militaires et leur traitement…, op. cit.
50 Il est très difficile de vérifier ces estimations, mais il faut noter que ce chiffre est très élevé par rapport à ceux que proposent d’autres médecins contemporains de Majault, qui évaluent généralement le nombre de vénériens comme oscillant entre un dixième et un quart des soldats.
51 Les gros légumes correspondent le plus souvent à des légumes tels que les artichauts, les choux et les cardons.
52 Sel.
53 Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1172, Majault (François-Joseph), Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens…, op. cit.
54 Bien qu’il soit très certainement la suite du mémoire précédent daté du 26 février 1788, ce mémoire est daté du 20 février 1788. Cette incohérence de datation témoigne peut-être d’une première rédaction non identifiable dans le contenu.
55 Envoyé pour la première fois en novembre 1778, ce mémoire, dont la version éditée ici est signée du 1er février 1788, a donc été partiellement remanié. La mention de la participation française à la guerre d’Indépendance américaine (1776-1783) et du conseil de la Guerre (1787) en témoignent. De plus, il semble constituer avec le projet d’hôpital ambulant (pièce 126) et les réflexions portant sur le régime alimentaire (pièce 127) – deux mémoires eux aussi datés du 1er février 1788 –, un premier ensemble cohérent. Il semble, en effet, déjà en 1778, avoir suivi de quelques semaines l’envoi de ces deux mémoires au Bureau des hôpitaux militaires.
56 Victor François, duc de Broglie (1718-1804) : lieutenant général des armées du roi en 1748, il se distingue durant la guerre de Sept Ans où il commande une avant-garde de l’armée du Bas-Rhin sous les ordres du prince de Soubise, puis en 1759 partage avec le maréchal de Belle-Isle le commandement de cette armée d’Allemagne. Malgré ses différents avec Soubise, puis sa rivalité avec Belle-Isle, il est fait maréchal de France en 1759. Il commande en 1778 les armées de Bretagne et de Normandie en vue d’une descente en Angleterre. Partisan de la colonne, à la suite de Folard, de l’ordre profond de Mesnil-Durand et de l’organisation divisionnaire, il prend activement part aux importants débats tactiques de son époque, en particulier par les exercices de manœuvres réalisés au camp de Vaussieux. Il est brièvement secrétaire d’État de la Guerre lors des événements de 1789 (12-16 juillet).
57 Il s’agit de la guerre d’Indépendance américaine, à laquelle la France participe officiellement depuis le 6 février 1778.
58 Noël de Jourda, comte de Vaux (1705-1788) : lieutenant général des armées du roi depuis 1759, il seconde le maréchal de Broglie au camp de Vaussieux en 1778 et commande les troupes de Bretagne et de Normandie de 1779 à 1780, avant d’être promu maréchal en 1783.
59 Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau (1725-1807) : lieutenant général des armées du roi en 1780, il est alors nommé à la tête du corps expéditionnaire français de 6000 hommes envoyé par Louis XVI afin de seconder les troupes américaines de Georges Washington, sous le commandement duquel il se place durant la campagne de 1781. Il est fait maréchal de France en 1791. Absolument rien n’indique que Majault ait fait partie de ce corps expéditionnaire français.
60 Les historiens du service de santé militaire insistent sur l’importance pour celui-ci de l’intervention française durant la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). Le corps expéditionnaire de Rochambeau compte en effet un important service de santé (environ 160 médecins, chirurgiens et aides). Recommandé au duc de Choiseul par Voltaire, médecin-chef de l’hôpital militaire de Nancy – dont il dénonce les abus – puis de celui de Calais, c’est Jean-François Coste (1741-1819) qui est médecin-chef de ce corps expéditionnaire. Médecin-philosophe ayant toute la confiance de sa hiérarchie, il organise les soins selon un principe d’optimisation des procédures qu’il présente comme le reflet du combat pour la liberté que les troupes mènent en Amérique. À son retour en France en 1782, il est premier médecin des armées du roi, puis inspecteur des hôpitaux du Nord et de l’Est en 1785. Il est donc un des principaux collaborateurs de Jean Colombier auquel il s’oppose farouchement lors de la réforme de 1787-1788.
61 Claude-Louis-Robert, comte de Saint-Germain (1707-1778), lieutenant général des armées en 1748, il se fait alors connaître par sa réforme de l’infanterie et de la cavalerie danoises (1762-1768). Il est secrétaire d’État à la Guerre du 27 octobre 1775 au 27 septembre 1777, période où il entreprend une des réformes de l’armée d’Ancien Régime les plus importantes. C’est dans ce cadre réformateur, concrétisé par 98 ordonnances, que l’ordonnance du 26 février 1777 portant règlement sur les hôpitaux militaires est promulguée. L’article 17 mentionne, en effet, que le roi peut accorder aux chirurgiens majors méritant un avancement rapide un brevet de chirurgien consultant des camps et armées, seulement quatre de ces brevets pouvant être accordés.
62 Ce sont les chirurgiens qui les premiers, par l’ordonnance du 15 juillet 1757 sont dotés d’un uniforme avec un habit « gris d’épine » et des parements, une culotte et une veste écarlates. Il faut attendre le règlement du 2 septembre 1775 pour que les médecins de l’armée de terre soient dotés d’un habit « gris de fer foncé » avec un collet de velours noir. L’ordonnance du 26 février 1777 change la couleur du drap qui devient pour tous les officiers de santé « gris d’ardoise clair ». L’ordonnance du 2 mai 1781 ajoute pour les chirurgiens majors le même collet de velours noir que pour les médecins majors, ainsi qu’un même galon d’or. Mais c’est le chapitre xviii du règlement pour l’habillement des troupes du 1er octobre 1786 qui synthétise et fixe la législation concernant les uniformes des officiers de santé. Les médecins inspecteurs et les premiers médecins des armées ont un uniforme « gris de fer foncé » avec un habit doublé de serge, sans revers mais « garni d’un collet renversé de velours noir, et brodé aux deux extrémités de deux boutonnières en filés d’or passé ». L’habit et la veste sont brodés d’un galon d’or d’une largeur de huit lignes, les poches et les parements étant garnis d’un double galon de seize lignes. Les médecins ont le même uniforme mais n’arborent qu’un galon de huit lignes sur l’habit et la veste. L’habit des chirurgiens inspecteurs et des chirurgiens-majors des armées sera « gris d’ardoise clair » sans revers, mais garni de parements de velours noir et de trois boutons à la poche. La veste et la culotte sont de drap écarlate. Comme pour les médecins inspecteurs, un galon d’or de huit lignes orne l’habit et la veste, et un double galon de seize lignes orne les parements et les poches. L’habillement des chirurgiens-majors des hôpitaux, citadelles, forts et châteaux est identique mais sans galon, et arborant sur le devant douze boutonnières d’or de chaque côté ainsi que trois boutons à chaque parements et poche. Les chirurgiens majors des régiments ont le même uniforme à l’exception des boutons semblables à ceux de leur corps. Les chirurgiens aides majors n’ont que six boutonnières sur le devant. Les élèves-chirurgiens ont des boutonnières en poil de chèvre, avec un habit garni sur le devant de six boutonnières de part et d’autre. Les apothicaires ont les mêmes uniformes que les chirurgiens selon les classes précédemment définies, mais se distinguent par l’absence de parements de velours noir. Le port d’épaulettes, de dragonnes, de cocardes, et d’armes est expressément interdit aux officiers de santé, car réservées aux officiers militaires.
63 L’ordonnance du 4 août 1772 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) institue une commission devant mettre en place une « école d’instruction » dans le principal hôpital de chaque département. Sont ainsi créés, par le règlement du 22 décembre 1775, trois amphithéâtres dans les hôpitaux militaires de Strasbourg, Metz et Lille. Supprimés par l’ordonnance du 1er janvier 1780 (portant règlement sur les hôpitaux militaires), ils sont rétablis par l’ordonnance du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) qui en institue deux nouveaux, à savoir Brest et Toulon. Dès lors, l’enseignement conjoint de l’anatomie, de la médecine et de la chirurgie, les démonstrations – qui donnent leur nom d’amphithéâtres aux hôpitaux qui les accueillent –, ainsi que l’assise hospitalière de l’enseignement constituent les spécificités du service de santé militaire en France, qui généralise une pluridisciplinarité mêlant clinique et pratique.
64 L’ordonnance du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) réédite celle du 17 janvier 1747 et l’étend à 92 hôpitaux militaires, qu’elle répartit selon leur importance en cinq classes, dont les hôpitaux-amphithéâtres constituent la première et sont dits hôpitaux de premier ordre.
65 La ligne du roi équivaut à un douzième de pouce, soit 0,22 cm.
66 L’Hôtel royal des Invalides, dont la construction est ordonnée par l’édit du 24 février 1670, accueille dès 1674 des vieux soldats et invalides des armées de Louis XIV. Maison de retraite et de soins pour vétérans, il constitue le modèle de l’hôpital militaire.
67 L’Hôtel-Dieu de Paris, fondé au Moyen Âge, est le plus ancien hôpital de la capitale.
68 Les officiers de santé ont rang – mais pas grade – d’officiers dans les armées françaises. Ils sont simplement brevetés par le roi et le secrétaire d’État de la Guerre et ne sont pas des militaires.
69 Soins.
70 Il s’agit de l’article premier du titre viii sur les aliments et leur distribution des ordonnances du 1er janvier 1747 et du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires), et de l’article 4 du titre xiii sur les aliments et leur distribution de l’ordonnance du 1er janvier 1780 (portant règlement sur les hôpitaux militaires). Les ordonnances du 4 août 1772 et du 26 février 1777 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) ne donnent pas de précisions sur la composition du régime des malades.
71 C’est effectivement ce que précise l’article 5 du titre viii de l’ordonnance du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires).
72 L’article 7 du titre viii de cette ordonnance énonce que les pesées de la viande se font en présence du contrôleur ou du commis aux salles, qu’elles sont proportionnées au nombre des malades, blessés, infirmiers, et des chirurgiens et employés, puis que la viande est mise dans un lieu fermé à clé et surveillé par le sergent de garde, qui à l’heure définie l’ouvre et contrôle sa mise dans la marmite, une sentinelle postée à la cuisine surveillant sa cuisson.
73 Le sucre de citron est obtenu en frottant sur des écorces de citron des morceaux du sucre qui, ainsi imbibés de leurs huiles citronnées, sont ensuite triturés.
74 Il s’agit de l’article 18 du titre viii de l’ordonnance du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires). Cependant le titre viii de l’ordonnance du 17 janvier 1747 ne le préconise pas.
75 C’est effectivement ce que précise l’article 16 du titre viii de l’ordonnance du 1er janvier 1747.
76 Sans faire de profit.
77 Les articles des ordonnances concernant les boissons se trouvent dans les titres précédemment cités, concernant les aliments et leur distribution.
78 Une chopine équivaut à environ 0,47 litre.
79 La pinte, aussi appelée demi-pot, équivaut à environ 0,93 litre, soit deux chopines.
80 Il n’a pu être identifié.
81 Un setier équivaut à une chopine, soit environ 0,24 litre pour un demi-setier.
82 Une roquille équivaut à environ 0,12 litre.
83 Rosais. Il s’agit de l’hôpital du Rosais, fondé en 1709 et tenu par les sœurs de la Charité.
84 Saint-Servan-sur-Mer, à côté de Saint-Malo.
85 Bayeux.
86 Il s’agit d’eau dans laquelle on a fait tremper ou bouillir du pain, généralement grillé, pour lui donner du goût et la rendre plus nourrissante.
87 Rappelons qu’une livre tournois compte 20 sols et qu’un sol compte 12 deniers.
88 À l’image de la Suite du mémoire concernant les anciennes administrations des hôpitaux (pièce 137-145), ce mémoire est très probablement de la main de Majault.
89 Ce dernier chiffre avancé par Majault est sans aucun doute surévalué du fait de l’importance de ces malades à l’hôpital militaire de Douai. Ainsi, Jean-Stanislas Mittié (1727-1795), docteur de la faculté de Paris, avance dans son enquête de 1782 le chiffre d’un soldat sur dix (M. Lucenet, Médecine, chirurgie et armée…, op. cit., p. 110), et dans le cas des gardes françaises de Paris, Jean Chagniot évalue la proportion à un quart compte tenu des récidives (Paris et l’armée au xviiie siècle, Paris, Economica, 1988, p. 772).
90 Les terminologies médicales, et en particulier la dénomination des maladies, reste incertaine au xviiie siècle. Sous le terme de « maladies vénériennes » sont généralement rangées, outre les syphilis, à la fois les dermatoses contagieuses sans lésions vénériennes dites gales, mais aussi des dermatoses présentant de telles lésions vénériennes dites alors gales compliquées, ainsi que toutes les formes simples et compliquées de chancres et blennorragies, comprenant les gonorrhées, les chaudes-pisses, et les échauffements. Le terme de « vérolés » est aussi employé pour désigner les syphilitiques atteint de ce que l’on qualifie aussi de grande vérole.
91 Le vagabondage n’ayant pas disparu avec la mise en place des hôpitaux généraux, les maisons de force, ou dépôts de mendicité, sont créés par la déclaration royale du 4 août 1764 et l’arrêt du Conseil d’État du 27 octobre 1767. Chaque chef-lieu de généralité doit désormais accueillir au moins un de ces lieux d’enfermement qui accueillent mendiants et insensés, et en particulier les prostituées, qui y sont enfermées de force.
92 Voir ci-dessus : SHD, GR 1 M 1172, Majault (François-Joseph), Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens…, op. cit.
93 Charles Alexandre de Calonne (1734-1802) : maître des requêtes en 1763, il est intendant des Trois-Évêchés en 1766, puis intendant des Flandres et d’Artois en 1778. Au cœur de la crise financière de la monarchie, il est contrôleur général des finances en 1783 et rentre au Conseil d’État. Mais, face à une opinion de plus en plus défavorable, et outre ses opérations spéculatives, sa politique d’emprunts, la réforme monétaire de 1785 et enfin son plan de réformes structurelles proposé en 1786 entraînent son renvoi en 1787.
94 L’usage du mercure contre la syphilis est aussi ancien que l’apparition de cette maladie en Europe au xve siècle, et ce malgré une efficacité jamais démontrée. Il provoque des maux de gorge, des ulcérations buccales et stomacales, mais aussi la chute des dents, des cheveux, etc. Il est administré sous toutes les formes – frictions, lavages, emplâtres, fumigations, etc. – jusqu’à salivation du malade, afin d’extraire le « virus vérolique ». Les dragées antivénériennes sont des pilules faites d’acétate de mercure, ou sel mercuriel acéteux, mélangé avec de l’amidon et du sucre. Élaborées selon la recette d’un certain Keyser − dragées de Keyser –, elles sont le remède le plus usité, notamment dans les hôpitaux militaires où le duc de Choiseul, secrétaire d’État de la Guerre du 3 février 1761 au 24 décembre 1770, les introduit en 1762. Le principe le plus puissant du mercure est le sublimé corrosif, ou bichlorure de mercure, qui se présente sous forme de cristaux blancs : il est administré sous forme sèche (pilule, poudre, etc.), diluée, ou gazeuse.
95 Hainaut.
96 Il s’agit des campagnes de Flandres de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748).
97 Louis-François de Monteynard (1713-1791) : inspecteur général de l’infanterie en 1754 et lieutenant général en 1759, il succède au duc de Choiseul comme secrétaire d’État de la guerre du 26 janvier 1771 au 27 janvier 1774.
98 Dans l’article 20 de l’ordonnance du 4 août 1772 (portant règlement sur les hôpitaux militaires), il est énoncé qu’aucun nouveau remède ne pourra être employé sans un arrêté de la commission formée par les officiers de santé et un rapport d’un inspecteur. Tout remède est donc d’abord expérimenté avant d’être autorisé. Cependant, aucune législation ne porte directement sur les traitements employés. Ces instructions sont en effet généralement données par le biais de la correspondance, ce qui a sans aucun doute été le cas ici. Ainsi, le duc de Choiseul introduit en 1762, sans doute par une lettre, le traitement des dragées de Keyser dans les hôpitaux militaires, qui n’est cependant pas exclusif.
99 Il ne s’agit pas d’un texte législatif, mais sans doute d’une lettre de Saint-Germain autorisant un ou plusieurs nouveaux traitements qui élargissent alors la palette des méthodes curatives dont disposent les praticiens des armées pour traiter les maladies vénériennes.
100 Scrofuleux : ancienne dénomination pour désigner notamment les lésions syphilitiques en particulier dermiques.
101 Les congés de semestre dits aussi semestres sont des permissions de six mois − généralement du 1er octobre au 15 avril de l’année suivante –, avec demi-solde, accordées à certains soldats.
102 Johann Ernst, baron de Pirch (1744-1783), issu d’une famille de la grande noblesse prussienne de Poméranie, il est fait capitaine aide major au service de la Prusse avant de partir pour la France, où il devient capitaine de dragon dans la légion Corse en 1772, major du régiment d’Anhalt en 1773, lieutenant-colonel du régiment Royal-Bavière en 1778 et enfin mestre de camp de ce même régiment en 1780. Il est à l’origine de certaines réformes militaires introduites par le marquis de Monteynard, en particulier celle des points de vue pour régler l’agencement et le déplacement des troupes. Il était plus généralement réputé pour sa rigueur, considérée alors en France comme toute prussienne, et à laquelle Majault fait ici allusion.
103 Maladies déclarées.
104 Un état d’abattement, d’extrême faiblesse.
105 Tremblements sans cause connue.
106 Dès l’ordonnance du 1er mars 1768 (portant règlement sur le service dans les places et les quartiers), le paragraphe 70 du titre xxi énonce que les galeux atteint de la forme simple (forme cutanée légère non associée aux lésions vénériennes) seront traités dans les casernes, comme le sont les maladies légères et cutanées. Mais cette disposition aurait été rapidement supprimée. C’est l’ordonnance du 26 février 1777 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) qui confie de nouveau le traitement des gales simples et blessures légères aux chirurgiens majors des régiments, mais aussi les gonorrhées simples, soit ici les chancres et blennorragies divers. Les dispositions concernant les indispositions et blessures légères sont confirmées dans le paragraphe 13 de l’article premier de l’ordonnance du 1er janvier 1780, le paragraphe 14 interdisant expressément aux hôpitaux d’accepter ces malades, sous peine de sanction. En revanche, le paragraphe 16 précise que les gales compliquées seront traitées dans les hôpitaux militaires, mais surtout le paragraphe 21 interdit tout traitement des maladies vénériennes hors des hôpitaux militaires. Ce qui est confirmé par l’ordonnance du 2 mai 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires).
107 Voir ci-dessus : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les différentes administrations des hôpitaux militaires…, op. cit., et 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Suite du mémoire concernant les anciennes administrations des hôpitaux…, op. cit.
108 Comme indiqué par le mémoire proposant un projet d’hôpital ambulant (pièce 126), ce mémoire a déjà été envoyé avec ce dernier une première fois, en 1778, au Bureau des hôpitaux militaires. La version éditée ici, et signée du 1er février 1788, a été remaniée, en témoigne la mention des sièges de Minorque et Gibraltar (1782).
109 Il désigne ici la guerre de Sept Ans qui débute en 1756, et s’achève avec la signature du traité de Paris en 1763.
110 Les voies digestives.
111 Première campagne d’Allemagne de la guerre de Sept Ans, à laquelle Majault prend part.
112 Louis-Guillaume Le Monnier (1717-1799) : lors de la campagne de Westphalie de 1757, premier médecin de l’armée de Bavière puis de l’armée du prince de Soubise jusqu’en mai. Il est nommé peu après premier médecin ordinaire du roi.
113 Jacques Bagieu (?- ?), chirurgien major de la compagnie des gendarmes de la Garde et, lors de la campagne de Westphalie de 1757, chirurgien major de l’armée du prince de Soubise de mars à mai. Membre de l’Académie royale de chirurgie, il est connu pour ses travaux sur les amputations et fut un correspondant de Voltaire.
114 Charles de Rohan, prince de Soubise (1715-1787) : lieutenant général des armées du roi depuis 1748, il commande d’abord l’armée du Bas-Rhin sous les ordres du maréchal d’Estrées (1695-1771) lors de la campagne de 1757, puis est battu à Rossbach. Il est fait maréchal de France en 1758. À la tête de l’armée du Rhin en 1761, il connaît d’importants différents avec de Broglie, ce qui entraîne, outre des erreurs de commandement, la disgrâce de ce dernier.
115 Louis de Conflans, marquis d’Armentières (1711-1774) : lieutenant général des armées du roi en 1746, il commande, lors de la campagne de 1757, l’une des avant-gardes de l’armée du Bas-Rhin sous les ordres du prince de Soubise, auquel il succède à partir de juin. Il est fait maréchal de France en 1768.
116 Blankenau-sur-le-Weser, à l’ouest de Fulda.
117 Un pied dit du roi équivaut à environ 32 centimètres, soit 64 centimètres pour deux pieds.
118 Soit des tentes d’environ 25,6 mètres de long sur 6,4 mètres de large.
119 Plein.
120 Le camp de Vaussieux est organisé en Normandie en août 1778, à l’occasion des mouvements de troupes en vue de la descente envisagée en Angleterre. Le maréchal de Broglie, commandant en chef et partisan de l’ordre profond défendu par le baron de Mesnil-Durand, prend occasion de ce séjour forcé de l’infanterie pour confronter en pratique ce projet tactique avec l’ordonnance du 1er juin 1776 (réglant l’exercice de l’infanterie).
121 Les fournitures désignent ici spécifiquement les effets de couchage. Quand ceux-ci sont fournis en moindre quantité qu’à l’ordinaire, on parle de demi-fournitures.
122 Le terme de barbette vient des fortifications. Il s’agit d’un épaulement, d’une petite élévation de terre. Coucher à barbette signifie que le matelas est posé à même le sol, sans bois de lit.
123 Ce qui équivaut à environ 80 centimètres.
124 Ce qui équivaut à environ 1,92 mètres.
125 Ce qui équivaut à 32,8 kilogrammes.
126 Ce qui équivaut à environ 39,1 kilogrammes.
127 En cas d’affluence.
128 Trépieds.
129 Claude-Esprit Thion de la Chaume (1750-1786) : médecin militaire, d’abord nommé à l’hôpital militaire de Monaco (1773), puis à celui d’Ajaccio (1778). Dans le cadre des expéditions franco-espagnoles menées contre les Britanniques durant la guerre d’Indépendance américaine, il est médecin-chef du corps expéditionnaire commandé par le baron de Salekentjayer, qui met successivement le siège devant Minorque puis Gibraltar en 1782. À son retour, il reçoit une charge de médecin par quartier dans la maison du comte d’Artois et de médecin de la compagnie générale des Suisses et Grisons. Malgré une courte carrière – il meurt des séquelles du typhus contracté à Gibraltar –, les observations et les travaux de ce correspondant de la Société royale de médecine sont reconnus par ses pairs.
130 Après la chute de Port Mahon, en février 1782, les armées françaises débarquent en septembre dans la baie d’Algésiras et mettent le siège devant Gibraltar. C’est à cette occasion que Thion de la Chaume, médecin-chef des troupes françaises, traite une grave épidémie de typhus qui décime les troupes françaises. Il publie un important « Mémoire sur la maladie épidémique qui a régné dans les vaisseaux, parmi les troupes de France, faisant partie de l’escadre combinée à leur débarquement dans la baie d’Algésiras » (Journal de médecine militaire, tome ii, Lyon, 1783) auquel Majault fait sans doute référence ici. Cependant, rien n’indique qu’il ait appliqué le projet de Majault ni qu’il en ait eu connaissance.
Notes de fin
a En note : « En proportion du nombre des malades ou blessés ».
b En note : « La boisson pendant le dîner à la portion, le demie et le quart : quelques gobelets de bièrre légère, et dans le jour de la ptisanne ou de l’eau panée ».
c En note : « Lorsque je demande un supplément à ajouter par le roi à la paie de chaque individu pour former 12 sols par journée de chaque malade, la fourniture des médicamens comprise, c’est que la composition des régimens français n’étant pas si nombreuse que chés l’Empereur, il est à présumer que chaque corps n’aura des malades qu’en proportion, et j’ai vu dans les hôpitaux de l’Empereur qu’avec le nombre de malades &a au dessous de 60, il était impossible d’y suffir [sic], on était obligé d’avoir recours aux économies des années précédentes. Avec la journée que je propose, le service se fera bien, le régime dans le détail duquel je suis entré dans le mémoire qui en fait le sujet* sera observé dans nos établissemens, qu’enfin [d’après] le compte qui sera rendu par chaque corps au chirurgien en chef du département, et celui ci au chef général pour le ministre ou le conseil de la Guerre, on verra clairement l’état des dépenses, sur lesquelles il n’est pas possible de tromper. S’ajoute encore que si ce projet plaît au ministre je me ferai un devoir de l’exécuter, s’il [lui] plaisait de m’en charger ».
* Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1172, Majault (François-Joseph), Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens…, op. cit.
d En note : « La réforme du corps de la gendarmerie va laisser huit cent lits au moins, qui pourront servir pour la formation des établissemens que je propose ». Rappelons que dans le cadre de la politique d’économie engagée par la monarchie, qui se traduit en particulier par la suppression d’une grande partie de la Maison du roi, l’ordonnance du 2 mars 1788 dissout le corps de la gendarmerie.
e En note : « Celui concernant les chirurgiens de tous les grades du département, le tout formé et envoïé à Vienne par le chirurgien en chef du département ».
f « Le modèle n° 2 est fait d’après le régime que je propose dans le mémoire qui traite de cet objet*, et en raison des 12 sols que je crois nécessaires par journée de malade**, la paye et le supplément compris. En comparant le régime avec celui des hôpitaux de l’Empereur que j’ai détaillé dans la première partie de ce mémoire, on véra [sic] la différence ».
* Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1172, Majault (François-Joseph), Observations sur le régime des soldats, malades, blessés et vénériens…, op. cit.
** Voir ci-dessus : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Réflexions sur les différentes administrations des hôpitaux militaires…, op. cit.
g En note : « D’autant que dans le modèle du rapport de l’hôpital n° 2, je porte la dépense pour les médicamens de la journée ».
h En note : « Les hôpitaux formés avec des tentes auront du succès ».
i En note : « Au cas de maladie ou de mort du premier chirurgien, il sera remplacé par intérim par le plus ancien des consultans [en] attendant la décision du ministre ».
j En note : « Les chirurgiens nommés chirurgiens majors des hôpitaux, les aides majors et élèves pour l’armée seront pris parmi les chirurgiens de bataillon et des compagnies, s’il arrivait que le conseil de la Guerre adopta le projet de donner ces hôpitaux aux régimens. Et ceux des bataillons et des compagnies seront remplacés par les élèves qui seront distingués dans les différens départements du roïaume ».
k En marge : « Ce mémoire a été remis au Bureau des hôpitaux avec celui concernant l’établissement d’un hôpital ambulant avec des tentes* au mois de novembre 1778, par Monsieur Majault, pour lors chirurgien en chef de l’armée. Actuellement chirurgien major du corps de la gendarmerie. Ce projet peut avoir son exécution dans les hôpitaux des régimens s’il plaisait au ministre de la Guerre d’en ordonner ainsi** ».
* Voir ci-dessous : SHD, GR 1 M 1772, Majault (François-Joseph), Projet d’un hôpital ambulant à la suite des armées… op. cit.
** Ce mémoire est, en effet, une version remaniée de celui envoyé pour la première fois en 1778, les nombreuses références à l’ordonnance du 2 mai 1781 en témoignent.
l En note : « Ce projet a été donné à Saint Malo en 1779 à Monsieur le comte de Vaux, commandant l’armée de Bretagne, à Messieurs les comtes de Puységur* et de Jaucourt**, Monsieur de Veymerage*** et, en 1780, envoyé au bureau des hôpitaux. Ce projet ne peut avoir lieu qu’en cas que les hôpitaux restassent ou régis ou administrés par des entrepreneurs. Si les régisseurs sont chargés de cette administration, les vénériens seront compris dans le nombre des malades. ».
* Pierre-Louis de Chastenet, comte de Puységur (1726-1807) : après avoir pris part aux campagnes de Flandres de la guerre de succession d’Autriche et aux campagnes de la guerre de Sept Ans, il devient inspecteur général de l’infanterie en 1767 et lieutenant général en 1781. En charge des problèmes d’instruction, de formation et de manœuvre au comité de la Guerre (1781-1784) mis en place par le marquis de Ségur, secrétaire d’État de la Guerre du 23 décembre 1780 au 29 août 1787, il préside ensuite avec le comte d’Esterhazy le Directoire des hôpitaux militaires, instauré dans le cadre du conseil de la Guerre, en octobre 1787. Il est, à la suite du comte de Brienne, du 30 novembre 1788 au 12 juillet 1789, le dernier secrétaire d’État de la Guerre avant les événements révolutionnaires.
** Charles Léopold de Chazelles, marquis de Jaucourt (1736-1792) – et non comte comme indiqué par Majault – : maréchal de camp en 1770 et gouverneur de Blaye en 1776, il est, en 1779, maréchal général des logis de l’armée de Bretagne commandée par le comte de Vaux. Il devient inspecteur des troupes en 1780, et membre du conseil de la Guerre en 1787.
*** Gabriel-Claude Palteau de Veymérange (1738-1794) : intendant des armées du roi et commissaire ordonnateur des guerres en 1776, il rejoint l’armée du comte de Vaux en cette qualité. Il est connu pour avoir pris part aux spéculations de la fin du règne de Louis XVI. Proche du contrôleur général Calonne, qu’il conseille pour des opérations financières et boursières, celui-ci le recommande comme intendant des postes aux chevaux, relais et messageries de France en 1785. Il perd sa place d’intendant des postes puis d’intendant des armées à la chute de son protecteur en 1787.
m Envoyé à Monsieur le Marquis de Brienne* le 28 février 1788.
* Athanase-Louis-Marie de Loménie, comte de Brienne (1730-1794) : lieutenant général en 1780 et commandant en chef de la Guyenne en 1787, il devient secrétaire d’État de la Guerre du 24 septembre 1787 au 28 novembre 1788, par l’intermédiaire de son frère, archevêque de Toulouse et alors ministre d’État. Il réunit un conseil de la Guerre (1787-1789), qu’il préside et dont le comte de Guibert est le rapporteur, afin d’entreprendre une vaste réforme de l’armée. Ce travail aboutit aux grandes ordonnances du printemps 1788. Quelques années plus tard, Brienne est condamné par le tribunal révolutionnaire et guillotiné, en 1794.
n En note : « Un hôpital au moins dans chaque province ».
o En note : « Personne mieux que moy peut juger combien les traitemens de Bicêtre et de la Salpêtrière* sont infructueux, par les recruteurs et les recrues qui reviennent presque toujours de Paris avec la vérolle [sic], quoi qu’ils aient pour le plus grand nombre été traité dans le premier de ces hôpitaux. Et les femmes ne sont pas mieux traitée dans le second ».
* En 1690, le Parlement de Paris décide que les vénériens de l’Hôpital général seront traités dans la grande maison pour hommes de Bicêtre. Deux quartiers spéciaux – un pour les hommes et un pour les femmes – y sont aménagés. Cependant, la Salpêtrière, réservée aux femmes, soignent aussi les vénériennes. En 1780 est fondé l’hospice de Vaugirard, pour accueillir les femmes enceintes et les enfants vénériens.
p En note : « Il y a à Paris depuis quelques années, une distribution de remèdes à un prix assé haut pour que bien des malheureux n’en puisse pas profiter ».
q En note : « Une grande partie de ces emplacemens existe dans les villes. Il y a dans toutes un hôpital général, où le peuple indigent y est rassemblé. On peut y prendre quelques chambres, comme on a fait à Douay, où l’on traite les femmes attaquées de cette maladie. C’est à feu Monsieur de Calonne, premier président du parlement de Flandres, que j’ai été redevable de cet établissement. Il s’est donné la peine, à mes sollicitations, de voir les administrateurs de cet hôpital et de prendre lui même les arrangemens pour éviter le plus possible les frais. Le chirurgien en chef de cet hôpital a cent francs par an pour cet objet. Il traite d’après mes principes, et on voit avec satisfaction cette maladie sans comparaison moins commune parmy [sic] les soldats de cette garnison. Monsieur Gellez*, chirurgien major de l’hôpital militaire qui m’a remplacé, m’a confirmé il y a quelques jours, ce que j’avance ».
* Pierre-François Gelez (1725-1792) : chirurgien-major d’un régiment de dragons, il est nommé à la suite de Majault, en 1782, chirurgien-major de l’hôpital militaire de Douai.
r En note : « Je ne condamne ni les dragées, ni le mecur sublimé corrosif, mais je blâme la façon d’employer des remèdes dont la première impression se fait sur les membranes sensibles de l’estomach, que l’on prescrit dans tous les cas et pour toutes les constitutions sans distinction. Ces remèdes peuvent avoir un bon effet lorsqu’ils seront administré [sic] avec prudence et à de certains individus. Le soldat, dont la nourriture n’est rien moins que succulente [nourrissante], ne poura [sic] pas supporter le mecur sous la forme saline sans l’exposer à des maux d’estomach, des dissenteries [sic] &a, ainsi que nous ne l’avons que trop observé dans l’usage des dragées, à plus forte raison du mercur sublimé corrosif. Il n’est personne de l’art qui ne convienne de bonne foy [sic] que l’on donnera la préférence aux topiques pour le traitement des maladies vénériennes, sur les préparations mercur salines, et que si dans toutes les maladies on avoit la même resource pour les guérir, on ne préféra [sic] les topiques aux remèdes internes. La médecine faite de cette manière détruiroit moins de santé et d’individu, cela est incontestable, mais les médecins n’en conviendront pas.
On met à part les frais, toujours assez considérable [sic], que ces différens traitemens ont coûté au roy, surtout celui des dragées que le roy payoit au Sieur Keyser 13lt 10s par boette [boîte], en sus des journées payée [sic] aux entrepreneurs J’en ai employé [sic] pour près de 300000lt. Et combien les autres essais, tels que la poudre de Goderneau*, l’opium &a ont ils coûté sans autre résultat que le sacrifice des santés, sinon de la vie, des individus qui y ont été soumis ?
Je ne cesserais [sic] de le répéter, il seroit à désirer pour le bien de l’humanité que les innovateurs payassent de leur personne les maux qu’ils font aux autres. »
* La poudre du chevalier de Godernaux est une poudre antivénérienne à base de mercure, mais dont la formule, inconnue, a sans doute varié dans le temps. Destinée avant tout aux militaires, et vendue à partir des années 1770 par le dit chevalier de Godernaux, qui aurait servi sous le maréchal de Broglie durant la guerre de Sept Ans et fait sans aucun doute parti de ces charlatans enrichis grâce aux maladies vénériennes, elle fait l’objet de vives controverses dans les années 1780.
s En note : « Cela est ordonné depuis que ce mémoire a paru, mais les chirurgiens majors exécutent-ils cet article de l’ordonnance* ? ».
* Il s’agit de paragraphe 23 de l’article premier de l’ordonnance du 1er janvier 1780 (portant règlement sur les hôpitaux militaires).
t En note : « La dernière ordonnance favorise le libertinage des soldats*. Il est dit que ce ne sera qu’à la troisième fois qu’ils seront punis par une année de service. C’est comme si on eût dit : on permet à tous soldats &a de gagner deux fois la vérolle, mais à la troisième, il sera puni. Rien n’est plus mal vu, d’autant que les soldats énervés par la débauche, sont épuisés par des traitemens réitérés, surtout lorsqu’ils seront traités en grand nombre. J’avais donné cette notte dans celles qui m’ont été demandées pour faire l’ordonnance de 1781 ».
* Si l’article 5 du titre xii de l’ordonnance du 2 mai de 1781 (portant règlement sur les hôpitaux militaires) énonce effectivement une telle sanction, il est cependant dit que « tout soldat qui aura été traité trois fois d’une maladie vénérienne quelconque, soit condamné à servir deux ans au-delà du terme de son engagement », et non un. Cette punition doit être cependant infligée par les inspecteurs – pour éviter les injustices – lors des revues : ceux-ci pourront, en connaissance de cause, condamner, alléger ou dispenser de la peine.
u En note : « Des coups de bâton ».
v En note : « Il est commun de voire paroître les mêmes hommes dans la même année pour se faire guérir d’une maladie nouvelle. On peut en citer grand nombre d’exemples pour prouver l’abus qu’il résulte de l’aisance que les soldats ont à se faire traiter des maladies vénériennes ».
w En note : « Depuis 10 ans, il n’a cessé d’exister à l’hôpital militaire de Douay deux cent vénériens au moins par jours à traiter. Ce même nombre existe encore aujourd’hui 16 décembre 1787, quoique l’on traite ces malades à Avesne, à Calais et à Dunkerque, ce qui prouve que je n’hazarde [sic] rien en avançant qu’il existe 2000 vénériens à traiter par jours dans les hôpitaux du royaume où les malades sont reçus. Quelle énorme dépense ! Que l’on peut éviter en suivant le moyen que je propose à la suite de ce mémoire ! Et j’ajoute que ces malades seront plus sûrement guéris, avec incomparablement moins de frais, et l’espoir de voir diminuer chaque année cette maladie dans les troupes du roi ».
x En note : « On évitera aussi tous les inconvéniens, conséquemment les longueurs des traitemens, en adoptant ce que je propose pour terminer ce mémoire ».
y En note : « C’est en 1776 que je fis ce mémoire. Pour lors, les hôpitaux étoient donnés à des entrepreneurs à 20s par journées des malades, blessés, ou vénériens. Mais depuis 1781 ou 1782 que les hôpitaux sont en régie par tout le royaume, excepté quelques hôpitaux administrés par des religieuses, la plus grande partie administrée par six régisseurs qui ont 30000lt d’appointemens chaqu’un [sic]− qui donnent à la vérité 150000lt dont ils tirent, en outre des appointemens, un gros interest −, on ne craint pas d’avancer que les journées actuelles des hôpitaux coûtent au roy 40 sols par jours, ce qui double les frais des traitemens cy dessus. Et dans l’état actuel des choses, on peut assurer qu’en adoptant les moyens que je propose, le roy gagnera au moins cent mil écus par an, il y aura moins de vénériens, plus sûrement guéris, et moins de désertions*. »
* Si Majault précise ici que ce mémoire aurait d’abord été rédigé en 1776, la note ajoutée au titre nous informe qu’il n’a été soumis qu’en 1779 à Saint-Malo, lorsqu’il était attaché à l’armée du comte de Vaux. Il aurait été ensuite envoyé pour la première fois au Bureau des hôpitaux militaires en 1780, dans le cadre de la rédaction de la nouvelle ordonnance portant règlement sur les hôpitaux militaires du 2 mai 1781, là encore, si l’on en croit l’auteur. Si le texte a bien été présenté une première fois en 1779 avant d’être envoyé, les critiques relatives à l’ordonnance du 1er janvier 1780 tendent à confirmer que la version envoyée en 1780 était donc déjà potentiellement une deuxième version. L’ajout de notes critiquant l’ordonnance du 2 mai 1781 confirme que le mémoire édité ici, et signé du 31 octobre 1787, a été encore une fois remanié.
z En note : « Comme dans toutes les garnisons il y aura de ces établissemens, les régimens trouveront à chaque changement de garnison ce qu’ils auront laissé à ceux qui les remplacent ».
aa En note : « Par la connaissance que j’ai de l’administration des hôpitaux de chaque régiment de Sa Majesté l’Empereur− dans lesquelles [sic] la paye et le pain du soldat suffisent non seulement pour le régime, les vins étrangers que l’on donne dans les convalescences des malades ou blessés, le linge à pensement, mais [aussi] pour procurer les ustensilles [sic] nécessaires, les habillemens des malades et le linge attaché à chaqu’un de ces hôpitaux, et l’entretien diceux [sic] −, d’après, dis-je, m’en être assuré par moy même et avoir appris avec étonnement qu’il se trouvoit encore une somme quelconque de surplus à la fin de l’année, je dois croire que la paye du soldat français et le pain doivent suffir [sic] pour exécuter le projet que je propose. L’Empereur ne fournit aux hôpitaux que les remèdes et les fournitures des lits, le feu et la lumière pris dans les chambrées. La paye de 4 sols, le pain de 2s suffisent, ainsi que je viens de le dire, pour remplir tous les objets ».
bb En note : « Pendant la guerre de 1757, que j’ai faite en qualité de chirurgien major du régiment de cavalerie de la Reine, je n’ai envoyé aux hôpitaux de l’armée que les vénériens qui avoient des accidens qui les empêchaient de monter à cheval. J’ai traité les autres sous la tente, faisant le service dans toutes les saisons. Il n’en est résulté aucun accident. Les frais n’ont jamais été à douze francs que je propose [de] donner aux chirurgiens majors.
Plusieurs régimens, ayant eu connaissance de ce mémoire, ont chargés les chirurgiens majors du traitement de cette maladie qui a eu tout le succès possible* ».
* Les régiments qui auraient mis en œuvre un tel projet n’ont pu être identifiés. Comme Majault aurait initialement rédigé ce mémoire en 1776, certains régiments auraient pu en avoir eu connaissance et peut-être l’exécuter partiellement entre cette date et 1780, notamment dans le contexte de l’ordonnance du 26 février 1777 (portant règlement sur les hôpitaux militaires), et confiant le traitement des gales simples et blessés légers aux chirurgiens majors des régiments. À la date de 1780, où ce mémoire aurait été envoyé pour la première fois au Bureau des hôpitaux militaires, il est directement en opposition avec les dispositions de l’ordonnance du 1er janvier 1780, confirmées par l’ordonnance du 2 mai 1781.
cc En note : « On pourra les avoir moins longues si l’on veut. Pour lors, il faudra les multiplier pour former l’établissement que je propose, qui devra aussi avoir lieu dans les détachemens nombreux, comme aux avant-gardes de l’armée et aux différentes divisions. Et ce sera des magasins de l’ambulance que l’on prendra tout ce qui sera nécessaire pour chaque établissement ».
dd En note : « Un troisième chariot attelé de quatre chevaux portera les petites tentes, y joins les mâts, traverses et piquets ».
ee En note : « Les demies fournitures anciennes pesaient 50 livres [environ 24,5 kg] : le matelat [sic] : 30 [environ 14,7 kg], la couverture : 10 [environ 4,9 kg], le traversin : 6 [environ 2,9 kg], la paillasse sans paille : 4 [environ 1,9 kg]. ».
ff En note : « Poids des lits que je propose : Le bois de lit compris le fond et la ferrure : 47 livres [environ 23 kg], le matelat de cuir : 7 [environ 3,4 kg], la paire de draps : 5 [environ 2,4 kg], la couverture : 5, le traversin : 3 [environ 1,45 kg]. [Soit : ] 67livres [environ 32,8 kilogrammes]. Ce qui fait 17 livres [environ 8,3 kg] de plus que les demies fournitures, mais on a l’avantage d’avoir un bois de lit. ».
gg En note : « Dans le cas où on ne se servira que d’une couverture, la seconde sera posée dessous les matelats où, étant ploïée et bien étendue, [elle] donnera encore un meilleur couché [sic] ».
hh En note : « Ce nombre de chariot me paraît exagéré, j’ai dit plus que moins pour ne pas induire en erreur ».
ii En note : « En Espagne au mois de septembre 1782 à Algisire [sic] ».
Auteur
Agrégée d’histoire (2009) et diplômée de l’École normale supérieure de Cachan (2010). Elle est, depuis 2010, doctorante au Centre de recherche d’histoire moderne (CRHM – EA 127) de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et actuellement boursière de la Fondation Thiers (2013-2014). Elle prépare une thèse sous la direction d’Hervé Drévillon intitulée « Le feu et l’encre : publier la guerre. La “désolation du Palatinat” ou l’histoire croisée d’un événement (Angleterre – France – Provinces-Unies – Saint-Empire) ».
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