Le mémoire comme projet de réforme au siècle des Lumières
Introduction aux mémoires techniques du xviiie siècle conservés dans la sous-série 1 M
p. 23-112
Texte intégral
1Dans le tableau qu’il consacre en 1773 aux « Rêves politiques », Louis-Sébastien Mercier affirme que la France recèle encore « plus de têtes qui se fatiguent pour l’art du gouvernement que pour l’art de la poésie »1. Chaque jour voit son lot de productions plus ou moins fantasques, « depuis le projet de mettre en ports de mer toutes les côtes du royaume, jusqu’à celui de mettre une capitation sur les chiens », au point qu’au dépôt des affaires étrangères a été créée « une chambre où l’on a jeté tous les papiers que les esprits à système ont envoyé aux ministres. On a écrit au-dessus de la porte : Projets des têtes fêlées. Tous ces projets disent en substance : si l’on ne fait pas ce que je dis, la France est perdue ».
2Si la plume de Mercier est ironique, elle ne doit pas masquer l’importance du phénomène qu’il décrit. Le xviiie siècle voit en effet se multiplier les écrits adressés au pouvoir par des sujets désireux de contribuer aussi bien à l’amélioration des finances qu’à la situation politique de la France. Cette inflation touche en particulier le domaine militaire. Ainsi, l’article « mémoire » du supplément de l’Encyclopédie Méthodique, paru en 1797, rappelle qu’aucun siècle ne fut plus fertile en mémoires que le xviiie siècle2. Un constat que confirme un simple survol des archives de la Guerre3. Du lendemain de la guerre de Succession d’Autriche jusqu’à la Révolution, c’est par centaines qu’affluent des projets touchant à des questions tant techniques que tactiques, disciplinaires, organisationnelles, logistiques ou autres, ces derniers constituant aujourd’hui une partie essentielle des documents conservés dans la sous-série 1 M, sous l’appellation de « mémoires techniques »4.
3Cette production accrue, qui se retrouve dans d’autres secteurs comme la police ou la maréchaussée5, est avant tout le résultat d’une lente maturation de l’État moderne et de son souci croissant de « compter, de vérifier, d’archiver, d’évaluer, de répartir, de récolter, d’exploiter, de classer l’information »6. Afin d’assurer au mieux la gestion du territoire, s’est progressivement constitué un savoir administratif destiné à rendre possible la prise de décision. La connaissance du royaume, de sa population, de ses productions, de sa géographie, est devenue un élément déterminant de la formation du prince, ce dont témoigne dès 1697 la fameuse enquête lancée par le duc de Beauvillier pour l’éducation du dauphin, le duc de Bourgogne7. De telles pratiques ne font que s’accentuer au siècle suivant, la monarchie multipliant questionnaires et formulaires devant lui permettre de mieux connaître son territoire et ses sujets. Le règne de Louis XV voit en particulier l’amélioration tant de la méthode que de la précision des résultats de ces enquêtes, commandées aussi bien par les contrôleurs généraux que par les autres ministres8. Dans son ensemble, le xviiie siècle se caractérise ainsi par la conviction qu’il faut connaître pour agir, connaître pour moderniser9. Siècle des « Lumières administratives »10, il voit le mémoire devenir un instrument essentiel et quotidien du savoir et de l’action des administrations.
4Dans le cas de l’armée, cette évolution s’accompagne cependant d’une autre mutation essentielle : la sollicitation croissante des militaires par le secrétaire d’État de la Guerre afin de contribuer aux réformes en cours. Dès le lendemain de la guerre de Succession d’Autriche, un vaste travail de rénovation de l’armée est en effet entamé. Considérés comme détenteurs d’un savoir-faire, les officiers sont particulièrement interrogés au sujet des décisions prises ou à prendre. Cette place croissante qui leur est accordée contribue notamment à l’inflation d’une production écrite destinée à répondre aux attentes de ministres de plus en plus contestés et fragilisés par l’échec relatif des réformes menées jusqu’à la veille de la Révolution.
5À cette demande d’expertise, ces militaires sont d’ailleurs d’autant plus sensibles que domine alors une paix relative en Europe. De fait, avant la période révolutionnaire, seule la guerre de Sept Ans mobilise en France des effectifs importants11. La forte mortalité liée aux campagnes s’estompant, les grades se libèrent moins vite, tandis que la possibilité de se distinguer par un acte de bravoure sur le champ de bataille s’amenuise. Dès lors, l’écrit apparaît comme un moyen alternatif de montrer ses talents et d’accélérer sa carrière. Outre les mémoires commandés par l’État, se multiplient ainsi ceux envoyés spontanément par des officiers soucieux de faire valoir leurs connaissances. Ces derniers sont du reste d’autant plus incités à écrire que règne alors une véritable incertitude quant aux principes fondamentaux de l’organisation de l’armée. Face à la multiplication des innovations introduites, la présentation de ses idées, de même que la critique des mesures adoptées, sont alors d’autant plus aisées.
6Au croisement d’enjeux multiples qui favorisent leur inflation à l’époque des Lumières, les mémoires techniques conservés dans la sous-série 1 M et qui font l’objet de ce premier volume posent ainsi la question de leur spécificité comme mode d’écriture au pouvoir et comme outil mobilisé au service d’une réforme de l’armée12.
Les mémoires « techniques » : genre ou effet de source ?
7Écrit destiné aussi bien à rappeler, qu’à justifier, informer ou défendre, le mot « mémoire » est par définition polysémique. Se pose donc avant toute chose, la question de la spécificité comme genre des mémoires dits « techniques » de la sous-série 1 M, non pas au sens classique de genre littéraire13, mais comme écrits caractéristiques des pratiques administratives de l’armée d’Ancien Régime. Une question qui implique en particulier de prendre en compte l’origine de la sous-série 1 M, et plus précisément du sous-ensemble des mémoires techniques. Son contenu est en effet le produit d’une classification archivistique dotée de modalités propres. Dès lors, la constitution des mémoires techniques comme genre relève-t-elle des seules modalités de la conservation ou repose-t-elle sur une unité formelle ou conceptuelle qui justifierait la réunion de ces écrits en une même catégorie ?
Une illusion archivistique ?
8Insérés à l’intérieur de la sous-série 1 M, dite des Mémoires et reconnaissances, les « mémoires techniques » font partie des archives du dépôt de la Guerre, qui constituent l’actuelle série M du Service historique de la Défense14. Censé avoir été fondé par Louvois en 168815, ce dépôt avait pour mission première de récupérer et de garder les archives du département de la Guerre, jusque-là conservées de manière fort aléatoire. Au moment de sa création, seuls les papiers postérieurs à la paix des Pyrénées de 1659 sont en effet présents dans les bureaux, le reste des documents étant conservé en vrac par un ancien commis de Michel Le Tellier, Monsieur de Préfontaine16. Avec le dépôt de la Guerre, se met ainsi en place une première politique d’archivage, de classement et de copie des pièces les plus importantes, afin de préserver la mémoire du ministère.
9Installé dans l’hôtel de Louvois avant de gagner les Invalides en 1701, le dépôt est initialement confié à un premier commis, organisation qui se maintient jusqu’en 1756, date à partir de laquelle il est placé sous la tutelle d’officiers généraux pourvus du titre de directeur. L’année 1761 marque une double rupture dans son histoire, puisqu’il quitte d’une part les Invalides pour l’hôtel de la Guerre, situé à Versailles, et qu’est nommé d’autre part à sa tête le lieutenant général Pierre-Eugène de Vault. L’arrivée de ce dernier s’accompagne d’un nouveau but assigné au dépôt, celui de rédiger des mémoires historiques sur les campagnes militaires de la France, en s’appuyant pour ce faire sur les archives gardées en son sein. Il ne s’agit donc plus seulement de conserver, mais également de rédiger une histoire officielle devant permettre d’éclairer les entreprises militaires contemporaines17.
10Cette nouvelle fonction influe considérablement sur la manière dont l’institution assure son travail de conservation. D’importantes destructions d’archives sont opérées afin de ne préserver que les pièces utiles à la rédaction de cette histoire officielle. La correspondance du département concernant les affaires disciplinaires, les dépenses de vivres et de fournitures, les requêtes personnelles et les affaires protestantes est largement détruite. Quant aux documents conservés, ils sont classés et reliés par ordre chronologique, intégrant ce qui constitue l’actuelle sous-série A1, dite de la « correspondance militaire ». À côté de ce fonds au service d’une histoire officielle, le dépôt conserve par ailleurs ses propres archives, actuellement rassemblées dans la série M. S’y retrouve en particulier un ensemble de « mémoires », formant la sous-série 1 M, et aujourd’hui divisé en trois catégories principales. Celle des « mémoires historiques » produits par le dépôt de la Guerre, celle des « reconnaissances » effectuées à sa demande, en France ou à l’étranger18, et celle des « mémoires relatifs à l’organisation, l’administration et l’art militaire », qui regroupe les cotes 1 M 1701 à 1 M 211819. C’est parmi ces derniers cartons que se retrouvent ceux réunissant les « mémoires techniques » (1 M 1701 à 1 M 1789).
11L’époque exacte de ce classement tripartite et de la constitution de l’ensemble des « mémoires techniques » est incertaine20. Cette classification intervient en effet de manière progressive entre la fin du xviiie et celle du xixe siècle21. Elle s’accompagne par ailleurs d’un travail de regroupement largement arbitraire. À côté des ensembles relativement homogènes que forment les mémoires historiques et les reconnaissances, la catégorie des mémoires relatifs à l’art militaire réunit de fait tous les documents collectés par le dépôt de la Guerre − à partir de reversements effectués par les bureaux de la Guerre ou de fonds privés −, qui n’ont pas trouvé place dans la série A, mais qui ont été conservés afin d’assurer le travail d’écriture de l’histoire et de renseignement dont le dépôt était investi. Il résulte de cette réunion artificielle une hétérogénéité documentaire qui se retrouve dans le cas particulier des « mémoires techniques ». S’y côtoient en effet pêle-mêle des documents qualifiés de mémoires, mais aussi des ordonnances, commentées ou non, des projets réglementaires, des extraits de journaux ou de livres, des vestiges de correspondance, des résidus d’affaires judiciaires, des lettres circulaires, des notes sur le fonctionnement des corps, des notes administratives, des rapports sur les exercices pratiqués ou encore des pièces sur les manœuvres effectuées lors de camps.
12Les « mémoires techniques » rassemblent ainsi une variété de documents qui tirent leur dénomination commune et générique de « mémoire » de l’abondance en leur sein de pièces effectivement désignées comme telles22. Face à cette hétérogénéité, cette qualification générique doit cependant être ramenée à son sens véritable, finalement très large, de documents divers réunis par le dépôt de la Guerre dans le cadre de sa mission historique23. Au sein d’un fonds de « mémoires » qui n’en sont pas tous, se pose dès lors la question de pouvoir délimiter une catégorie de documents à laquelle un tel vocable puisse être effectivement appliqué, ainsi que celle du sens qu’il convient de conférer à cette dénomination24.
À la recherche d’une cohérence
13Avant même toute tentative de définition précise du terme, les documents qui, parmi les mémoires techniques de la sous-série 1 M, se présentent plus spécifiquement comme des « mémoires » frappent par leur hétérogénéité formelle25. La qualité de leur présentation varie considérablement : présence ou non d’une reliure, qualité du papier, de l’écriture ou de l’orthographe forment autant d’éléments qui changent d’un texte à l’autre. Ainsi les mémoires des inspecteurs, souvent produits dans le cadre de leurs fonctions, sont-ils généralement plus sobres d’aspect que ceux de simples officiers particuliers soucieux de retenir l’attention par leurs écrits26.
14Au-delà du soin inégal dont ils font l’objet, et qui se retrouve également dans la qualité des illustrations27, ces mémoires empruntent par ailleurs des formes extrêmement diverses. Rares sont ceux qui se conforment aux pratiques administratives en usage, notamment en ce qui concerne la présentation à mi-marge, qui doit permettre au destinataire de porter ses annotations. Dans la plupart des cas, y compris chez les officiers supérieurs, une telle disposition est absente, signe d’une lente uniformisation des habitudes sous l’influence des normes administratives28. Les mémoires prennent ainsi des aspects très divers. Certains ne sont que de simples lettres de quelques pages, d’autres des manuscrits pouvant en contenir plusieurs centaines29, d’autres enfin des commentaires d’ordonnances recopiées à mi-marge et annotées article par article. Dans quelques cas, le mémoire emprunte même la forme d’une correspondance privée, envoyée telle quelle au ministre que l’on cherche à persuader de ses capacités en lui restituant un débat épistolaire où l’on pense s’être illustré30.
15Cette diversité formelle se conjugue à une grande variété des contenus. Alors que certains mémoires sont de portée très générale, proposant des plans de réforme pour l’ensemble de l’armée, d’autres s’intéressent à des points plus techniques. De la lettre-note faite sur le vif et centrée sur un point de détail, qu’il soit la forme des chapeaux ou la longueur des sabres, au mémoire-dissertation produit de plusieurs années de travail, en passant par les mémoires centrés sur le traitement d’un thème particulier, tel que la désertion ou l’entraînement, la hauteur du point de vue et le degré d’élaboration de la réflexion diffèrent ainsi considérablement.
16Ces écrits, qui justifient la dénomination générique de « mémoires techniques » attribuée à l’ensemble de la masse documentaire à laquelle ils appartiennent, posent donc la question de leur unité et de leur définition comme mémoire. Un tel travail a déjà été entrepris par Vincent Milliot pour les mémoires policiers31. À travers l’analyse des dictionnaires de l’époque, l’historien a relevé trois sens caractéristiques du mémoire : l’idée d’une collection de faits dont on ne veut pas perdre trace ; celle d’une adresse à une autorité, judiciaire ou académique, portant une demande ou une proposition ; celle enfin d’un espace de communication, « celui de l’écrit pour instruire »32, qui est celui de la sociabilité intellectuelle et de l’utilité publique. Le mémoire se caractérise ainsi à la fois par sa dimension conservatoire, par la relation spécifique qu’il établit entre un individu et une institution érigée comme juge, et par l’information et les projets dont il est porteur. Dans cette optique, il s’oppose notamment au texte réglementaire − ordonnance, circulaire, règlement ou instruction −, dans la mesure où ce dernier, loin de proposer ou d’informer, commande et impose33.
17Cette définition assez large résulte de la variété des documents auxquels les contemporains attribuaient le nom de mémoire. Il pouvait être une note, une demande, un rapport ou encore un projet. La seconde moitié du xviiie siècle voit cependant se détacher une conception plus restreinte du mémoire, qui associe ce dernier à une « volonté effective de peser sur un certain ordre des choses »34. Dans l’article qu’il consacre à la notion de mémoire, le quatrième volume de l’art militaire de l’Encyclopédie méthodique distingue ainsi les mémoires comme demande de grâce de ceux ayant pour but de conserver ou de donner des instructions sur quelque objet militaire35. À l’intérieur de cette dernière catégorie, il sépare les mémoires historiques, ceux relatifs à la guerre et ceux touchant à l’art militaire. Ce sont ces derniers auxquels l’essentiel de l’article est consacré. Or, aux yeux de l’auteur, ce type de mémoires se caractérise avant tout par sa portée réformatrice. Il regroupe des textes qui ont pour but d’instruire, mais également de contribuer à améliorer l’appareil militaire. S’affirme ici une définition spécifique du mémoire comme écrit réflexif qui se distingue à ce titre de la simple demande, de la note ou du rapport.
18À l’époque des Lumières, se construit ainsi une conception plus spécifique du mémoire, étroitement associée, non à la simple compilation d’informations, mais à l’idée d’écrit critique adressé à une autorité et destiné à contribuer aux réformes en cours. Cette définition permet de circonscrire les mémoires militaires techniques en tant que genre, non pas déterminé par ses qualités formelles, mais par sa finalité, et ce en dehors de leur seul cadre archivistique. Elle a ainsi présidé aux choix des textes présentés dans ce volume consacré aux mémoires techniques36.
Le mémoire, une parole militaire
19Les lacunes de la sous-série 1 M rendent difficile l’identification des auteurs des mémoires. Nombre de ces textes sont en effet dépourvus de la lettre ou de la note avec laquelle ils furent envoyés37. Si ce manque est parfois compensé par une signature finale, par la présence du nom de l’auteur rapporté en marge par les commis ou encore par une possible identification graphologique pour les cas les plus célèbres, une part conséquente de ces textes reste néanmoins condamnée à l’anonymat38. Sur 630 mémoires étudiés dans le cadre d’un travail de doctorat, 40 % n’ont ainsi pu être attribués39. Du reste, quand bien même un nom est effectivement présent, il ne s’accompagne souvent d’aucune information complémentaire. Si un tel silence n’est pas préjudiciable dans le cas d’officiers généraux aisément identifiables, sauf cas d’homonymie, il condamne cependant certains auteurs moins connus à demeurer dans l’ombre. L’étude de quelques 200 rédacteurs de mémoires effectuée à l’occasion de notre thèse permet néanmoins, si ce n’est de prétendre donner une image définitive ou exhaustive de ces auteurs, du moins d’en établir un premier profil.
Des écrivains militaires
20La parole portée par les mémoires techniques est avant tout une parole militaire40. Les écrivains extérieurs à l’armée stricto sensu sont rares et disposent souvent d’un statut qui les y rattache, à commencer par les commis de la Guerre, dont la présence parmi les auteurs de mémoire ne saurait surprendre outre mesure. Associés à la sphère militaire par leurs fonctions, ils l’étaient également pour nombre d’entre eux en raison de leur origine, puisque la plupart étaient d’anciens commissaires ordonnateurs des guerres41. La décision de Saint-Germain d’intégrer les premiers commis dans la hiérarchie militaire en les nommant commissaires des guerres employés à Versailles ne fit d’ailleurs que renforcer les liens unissant ce personnel administratif à l’armée42. Une même proximité avec le militaire se retrouve par ailleurs dans le cas des auteurs issus de la maréchaussée, institution militaire bien que ne faisant pas partie de l’armée régulière, des commissaires des guerres, également liés par leurs fonctions aux troupes et dont le corps, civil jusqu’en 1767, intègre la hiérarchie militaire à cette date43, des ingénieurs, passés sous la direction du secrétaire d’État de la Guerre en 1743 et qui intègrent définitivement l’armée royale en 177644, ou encore des médecins et chirurgiens militaires, organisés militairement depuis 170845.
21Moins nombreux encore, les auteurs n’appartenant pas à ces branches connexes de la hiérarchie militaire insistent pour leur part sur l’existence d’un lien qui les rattache à l’armée46. Soucieux de légitimer par ce biais leur intervention dans des questions d’ordre militaire, ces individus s’expriment du reste sur des sujets généralement situés à la croisée de la sphère militaire et de la sphère civile, comme la désertion ou la milice47. Les points plus spécifiquement militaires, tels que l’exercice, la discipline ou la tactique, ne sont que très rarement l’objet de leur intérêt, ce qu’explique sans doute leur moindre compétence en la matière48. Se détache ainsi un espace réservé où seule la parole d’experts militaires fait autorité.
22La plupart des mémoires, en particulier dans les domaines ayant trait à la constitution même du militaire, sont donc le fruit d’hommes du métier. Une particularité qui ne relève pas de la seule institution militaire, mais qui se retrouve dans d’autres administrations, notamment dans la maréchaussée et la police, témoignant de l’affirmation de « l’identité de corps qui tendent de plus en plus à se spécialiser, à se professionnaliser »49, à travers notamment une réflexion accrue de leurs membres, tant sur leurs pratiques, que sur les différents moyens d’améliorer l’entité dont ils font partie. L’ensemble de la hiérarchie militaire ne participe cependant pas à une telle réflexion. Dans la série des mémoires conservés par le dépôt de la Guerre, le soldat brille en effet par son absence. Un auteur comme le sieur Vial, qui se dit ancien soldat du régiment de Monsieur, relève ainsi de l’exception50. De fait, cette faible représentation de la parole du rang, qu’elle soit celle du soldat ou du bas-officier, s’explique aisément, tant par l’analphabétisme qui y prévaut51, que par le fossé culturel et institutionnel séparant ces hommes du corps des officiers52.
23Ces derniers sont par conséquent les premiers producteurs de mémoires. Au sein de ce corps, deux catégories se détachent : celle des officiers généraux d’une part, celle des officiers particuliers de l’autre53. De par leur position au sein de l’institution militaire, ces deux groupes n’étaient pas appelés à jouer le même rôle dans les réformes entreprises par le département de la Guerre. Les premiers, et plus particulièrement les inspecteurs, avaient naturellement vocation à conseiller le ministre, en particulier au travers des comités militaires, dont la présence s’affirme et se pérennise à partir du ministère d’Argenson, et aboutit en 1787 à la création du conseil de la Guerre54. Face à eux, les officiers particuliers occupaient pour leur part une position en marge de l’administration militaire. Cette opposition a conduit Claudia Opitz-Belakhal à distinguer « auteurs internes » et « auteurs externes » parmi les auteurs de mémoires55. Aux premiers, qui écrivent depuis l’intérieur de l’administration militaire, et auxquels elle associe les inspecteurs et les commis des bureaux de la Guerre, elle oppose ceux qui n’y appartiennent pas, essentiellement issus du corps des officiers particuliers.
24Une telle distinction, quoique pertinente, mérite néanmoins d’être nuancée. La frontière entre auteurs internes et externes ne saurait se résumer dans l’opposition entre inspecteurs et officiers particuliers. En effet, si les ministres de la Guerre recourent avant tout aux premiers pour mettre sur pied les réformes entreprises et juger de leurs effets, les seconds sont également de plus en plus consultés sur un certain nombre de points spécifiques. Sous le ministère du comte d’Argenson, les commandants de corps et les majors des régiments sont ainsi autorisés à adresser leurs commentaires et critiques sur les différentes instructions adoptées en matière d’exercice56. Leurs mémoires, est-il précisé, seront utilisés pour l’élaboration d’une ordonnance définitive en matière de formation des troupes57. Colonels et majors doivent-ils dès lors être considérés comme des auteurs externes ? D’autant qu’au-delà de ce rôle officiel qui leur est reconnu, certains d’entre eux sont également consultés par le département de la Guerre à titre individuel, et ce bien qu’ils ne soient ni inspecteur, ni même officier général. Guibert, pour ne citer que lui, participe ainsi largement aux réformes mises en place par Saint-Germain entre 1775 et 1777, alors même qu’il n’est que colonel. De même devient-il rapporteur au conseil de la Guerre comme simple brigadier58.
25Les officiers généraux ne sont donc pas les seuls auxquels les ministres sont prêts à reconnaître une capacité d’expertise, ce dont témoignent d’ailleurs les écrits des officiers. En 1753, le marquis de Saint-Herem, colonel du régiment de Montmorin, affirme ainsi dans son mémoire-lettre avoir été interrogé par le comte d’Argenson sur ce qu’il pense du nouveau pas de l’infanterie59. Si de telles assertions méritent d’être parfois prises avec prudence60, il n’en demeure pas moins que de simples officiers particuliers peuvent jouer un rôle similaire à celui des inspecteurs. À côté du poids de la hiérarchie, les relations personnelles et la compétence ont en effet une influence non négligeable dans le choix de leurs collaborateurs par les différents secrétaires d’État61.
26Si la distinction entre auteur interne et auteur externe recouvre bien l’existence de deux groupes aux statuts différents, il est donc essentiel de souligner qu’elle ne correspond pas nécessairement à celle entre mémoire commandé et mémoire spontané62. De même qu’un inspecteur peut librement envoyer ses opinions en dehors du cadre de ses fonctions, de même un simple officier particulier peut-il être sollicité par le ministre pour donner son avis sur une réforme en cours. Les différences de carrière et de profil sociologique étant cependant grandes entre les officiers particuliers, qui tendent du reste à appartenir majoritairement à la catégorie des auteurs externes envoyant des mémoires spontanés, et les officiers généraux, souvent plus proches de la catégorie des auteurs internes dont les mémoires sont produits dans le cadre de leurs fonctions, il apparaît néanmoins nécessaire d’étudier séparément ces deux groupes afin de pouvoir dresser le portrait des officiers adressant un mémoire.
Les officiers auteurs : esquisse d’un profil
27Sur les quelques 200 auteurs identifiés, 97 occupent un emploi d’officier particulier au moment de la production de leur mémoire et 98 un poste égal ou supérieur à celui de colonel. L’analyse détaillée de ces deux groupes permet d’établir les principaux traits caractéristiques de ces militaires écrivains63.
28Par bien des aspects, les officiers particuliers ayant rédigé un mémoire apparaissent ainsi comme les représentants d’une petite noblesse provinciale militaire par vocation et qui occupe l’essentiel des grades d’officier à l’intérieur des régiments64. Ce sont en effet des militaires de carrière qui servent en moyenne, lorsque leur parcours peut-être retracé, plus de trente ans. La très grande majorité d’entre eux obtiennent d’ailleurs à terme la croix de Saint-Louis, récompense qui sanctionne alors moins les actions glorieuses que l’ancienneté, en particulier entre la guerre de Sept Ans et la Révolution, où les conflits sont peu nombreux65. Rares sont donc ceux qui quittent le service, un tel abandon n’impliquant pas, du reste, le retrait systématique de la vie militaire66.
29Cet investissement dans l’armée n’exclut pas les aléas de carrière et les possibles revers. Plus du tiers de ces individus connaissent à un moment ou à un autre une période de réforme. Au moins un est par ailleurs victime d’une reconversion forcée dans les gardes du corps du comte d’Artois67. La continuité des services peut ainsi masquer certains incidents de parcours. Il n’en reste pas moins que la carrière des armes s’affirme chez ces hommes comme une vocation, ce qu’atteste d’ailleurs l’âge précoce de leur entrée au service : un peu plus de seize ans en moyenne.
30Militaires de profession, ces officiers-auteurs sont du reste pour la plupart des officiers-nés, comme le prouve la répartition de leur premier grade, lorsque ce dernier est connu :
Premier grade occupé par les officiers particuliers auteurs de mémoires68
Capitaine | 1 |
Lieutenant | 23 |
Sous-lieutenant, cornette et enseigne | 20 |
Elève-officier, cadet, aspirant | 10 |
Volontaire et surnuméraire | 19 |
Soldat ou bas-officier | 4 |
Maison du roi et page | 6 |
Inconnu | 2 |
Total | 85 |
31Nombreux sont ceux qui accèdent directement à l’épaulette, les volontaires et les surnuméraires pouvant au demeurant être considérés comme des officiers en puissance, dans la mesure où ce service s’effectue généralement dans l’attente d’une commission69. L’écrasante majorité de ces auteurs n’est donc jamais passée par le rang et très peu d’entre eux appartiennent par conséquent au groupe des officiers de fortune, parvenus à l’épaulette par l’intermédiaire des grades subalternes70. Au même titre que les soldats, ces derniers ne semblent guère s’adonner au luxe d’écrire, et ce probablement pour les mêmes raisons71. Inversement, rares sont les officiers particuliers auteurs dont les débuts s’effectuent dans un corps prestigieux. S’ils sont officiers-nés, ils n’appartiennent pas pour autant à l’élite nobiliaire, dont la plupart des enfants effectuent leurs premières armes dans les unités de la maison du roi ou dans l’école des pages72.
32Si les officiers particuliers rédigeant un mémoire se rapprochent par ces différents traits de la petite noblesse provinciale formant l’ordinaire des cadres des régiments, ils se distinguent néanmoins sur un point essentiel, la qualité de leurs services passés ou à venir au moment de l’écriture de leur texte. Celle-ci transparaît en particulier dans les emplois qu’ils occupent à la fin de leur parcours. En effet, pour trois cinquième des cas connus, le grade de major est au moins atteint73. Un cinquième de ces officiers auteurs accède par ailleurs à l’emploi de brigadier ou d’officier général. Certes, il ne saurait être question dans leur cas d’une ascension fulgurante, comparable à celle dont bénéficie au même moment la noblesse de cour. Généralement, ils n’atteignent en effet ces grades élevés qu’après de longs et laborieux services. Il n’en reste pas moins que cette réussite, et plus largement les emplois supérieurs auxquels se hissent nombre d’entre eux en fin de carrière, témoigne des talents de ces hommes, au même titre d’ailleurs que leur passage fréquent au sein d’un état-major de régiment durant leurs années de service. Les emplois de sous-aide-major, d’aide-major et de major sont en effet alors uniquement attribués au mérite et non à l’ancienneté. Que ces officiers aient couramment occupé de telles fonctions atteste donc d’une reconnaissance institutionnelle de leurs compétences, outre que cela explique en partie leur intervention dans les débats menés sur l’armée. De par leurs missions, les membres des états-majors des régiments étaient en effet plus particulièrement amenés à s’interroger sur l’organisation et le fonctionnement des troupes.
33Officiers de carrière distingués pour plusieurs d’entre eux par leur mérite − ce que confirment encore les appréciations souvent laudatives portées sur eux par les inspecteurs74 −, les officiers particuliers auteurs d’un mémoire prennent enfin la plume alors qu’ils ont déjà accumulé une indéniable expérience. S’ils sont peu nombreux à écrire une fois quitté le métier des armes75, leur âge et la durée de leurs services au moment de la rédaction de leur texte atteignent en revanche respectivement 39 et 22 ans en moyenne. Cette maturité se retrouve dans les emplois occupés lors de l’expédition de ces écrits. Les capitaines sont en particulier surreprésentés, au détriment des premiers grades (sous-lieutenant et lieutenant), de même que les majors et lieutenants-colonels, postes qui ne peuvent être obtenus qu’en raison de services conséquents76. Si l’envoi précoce d’un mémoire n’est pas totalement inexistant, il apparaît ainsi que le choix de rédiger, et surtout d’adresser, un tel texte s’effectue souvent au terme de plusieurs années passées dans la carrière.
34De même que pour les officiers particuliers, ceux qui s’attèlent à la rédaction d’un mémoire avec un grade égal ou supérieur à celui de colonel apparaissent à bien des égards représentatifs de la frange militaire à laquelle ils appartiennent, en l’occurrence la noblesse de cour qui monopolise les premiers emplois de l’armée. Ils sont en particulier nombreux à être passés par la commission de colonel, vénale, attribuée à la faveur par le monarque et qui permet à ses détenteurs d’accéder précocement au poste de brigadier, puis à ceux d’officiers généraux77. Déterminée par la position sociale, la fortune et les liens tissés avec la cour, l’obtention d’une telle commission témoigne généralement d’un rattachement à la haute-noblesse, ce que confirme pour les auteurs ici considérés une appartenance fréquente à des familles présentées78. Les débuts dans la carrière militaire de ces individus corroborent au demeurant le caractère classique de leur parcours :
Premier grade occupé par les officiers supérieurs auteurs de mémoires
Capitaine | 3 |
Lieutenant | 19 |
Sous-lieutenant, cornette et enseigne | 24 |
Elève-officier et cadet | 4 |
Volontaire et surnuméraire | 5 |
Maison du roi (mousquetaires et gardes françaises) | 29 |
Page | 6 |
Garde de la marine | 3 |
Autre (officier sans précision, service étranger, aide de camp) | 3 |
Total | 96 |
35Entrés jeunes au service, puisqu’ils embrassent le métier des armes dès 14 ans en moyenne, ces officiers supérieurs ont pour une large partie d’entre eux commencé dans la Maison du roi, aux pages ou dans le prestigieux régiment d’infanterie du Roi, qui sert également de pépinière pour les cadres de l’armée. Des débuts habituels pour une haute-noblesse qui se destine aux premiers emplois. Par ailleurs, si nombre d’entre eux ont néanmoins fait leurs premières armes dans des régiments ordinaires, au même titre que la majorité des officiers particuliers, aucun n’est en revanche passé par le rang et ils sont assez peu nombreux à avoir commencé comme simple volontaire.
36Comme pour les officiers particuliers, ce parcours et ce profil sociologique somme toute classiques doivent néanmoins être nuancés par la qualité apparente des services de ces officiers, celle-ci pouvant déjà être attestée lors de l’envoi du mémoire ou se dévoiler par la suite. Plus de la moitié d’entre eux occupent à un moment donné de leur carrière un poste au sein des états-majors de régiment ou d’armée79. Les deux tiers sont par ailleurs investis tôt ou tard des fonctions d’inspecteur ou de commandant de province, de brigade ou de division, responsabilités théoriquement confiées à des officiers généraux faisant preuve de talents reconnus. Ces signes de leur capacité s’accompagnent du reste comme pour les officiers particuliers, d’une indéniable expérience accumulée au moment de la rédaction de leur texte. Ils écrivent en effet à un âge relativement avancé, 45 ans en moyenne, et alors qu’ils ont déjà passé quelques 32 années au service.
37Pour les deux groupes étudiés, des conclusions communes peuvent ainsi être tirées. D’une part, le profil somme toute classique de ces hommes au regard de la catégorie socio-professionnelle à laquelle ils appartiennent. D’autre part, les talents dont au moins un certain nombre d’entre eux témoignent à un moment donné de leur carrière et l’expérience accumulée dont ils disposent au moment de l’écriture de leur mémoire. Ces traits saillants ne doivent pas masquer la variété des situations et des parcours, pas toujours brillants. Ils ne doivent pas non plus occulter la diversité des grades occupés au moment de la rédaction. Dans le cas des officiers particuliers, les capitaines sont ainsi spécialement nombreux à côté des majors et des lieutenants-colonels. Dans celui des officiers supérieurs, si les inspecteurs sont surreprésentés, puisqu’ils forment un tiers des individus étudiés – proportion élevée qui s’explique notamment par leur rôle central dans l’élaboration des réformes ministérielles80 −, la disparité des intervenants est néanmoins réelle, comme l’atteste notamment la présence de nombreux colonels et brigadiers, qui représentent à eux seuls presque 40 % des auteurs. Il apparaît ainsi que la rédaction d’un mémoire n’est pas le fait d’une élite militaire qui se distinguerait, soit par la détention des premiers grades, soit par l’exercice de fonctions spécifiques liées à l’état-major ou au travail d’inspection. Il s’agit au contraire d’une activité diffuse, qui témoigne d’une participation généralisée des officiers au travail de réforme de l’armée et qui révèle par la même occasion le rôle central que l’écrit joue désormais chez ces derniers. Pour ces hommes, manier l’épée ne suffit plus, il faut également maîtriser les fondements théoriques de leur métier et savoir en faire montre.
Justifier la prise de parole : le poids des compétences
38Si un auteur écrivant à la demande du secrétaire d’État ou dans le cadre de ses fonctions n’a guère besoin de justifier son intervention, les mémoires envoyés spontanément sont en revanche souvent assortis d’un travail de légitimation. Inscrit dans le corps du mémoire ou réalisé dans le cadre d’une lettre d’accompagnement, ce dernier s’efforce de donner du poids à une participation que ne justifie pas à lui seul le statut de l’auteur. Produit en bonne partie par des officiers particuliers, cet effort d’argumentation permet de compléter l’examen du statut des auteurs précédemment mené. L’identité de ces derniers ne saurait en effet être entièrement révélée par la seule analyse de leur condition sociale. C’est à travers la manière dont eux-mêmes se définissent dans leurs écrits qu’elle peut être pleinement saisie81.
39Or la revendication de cette légitimité apparaît fondamentalement liée à la notion d’utilité. Être utile relève effectivement chez les auteurs d’une prétention universelle, que ce soit au profit du roi, de l’État ou de la patrie82. Il n’est pas de lettre qui n’affiche une telle ambition, à commencer par celle du capitaine Marassé, où l’audace ayant conduit cet officier à présenter ses réflexions au ministre est justifiée par une comparaison au modèle romain, caractéristique du goût de l’époque pour l’Antiquité :
Un obscur citoyen de Rome, eût autrefois le bonheur d’être utile à sa patrie, en présentant un projet au chef de la République ; le but de ce bon Républicain et le mien sont le même ; […] mon seul objet, est le bien de l’État : que j’en sois inconnu pourvu que je le serve, que j’en sois même oublié, pourvu que j’augmente son bonheur, sa grandeur, et votre gloire83.
40Si ces auteurs peuvent prétendre servir l’État, c’est cependant en raison d’un critère bien précis, couramment mis en exergue : la connaissance qu’ils ont de leur métier et qu’ils opposent régulièrement à la recherche du style et à la beauté de l’expression, qualités propres à l’écrivain dont la figure renvoie chez eux à l’image de la futilité et de la vaine rhétorique84.
41Réservée selon eux aux militaires, cette connaissance de l’art n’est cependant pas l’apanage des plus hauts grades. Il est ainsi courant de trouver sous la plume des officiers particuliers la revendication d’une connaissance des parties de détail, point dont l’importance ne cesse de croître au xviiie siècle, et dont ils estiment mieux maîtriser les enjeux que leurs supérieurs85. Dans une réponse au discours préliminaire des Rêveries du maréchal de Saxe, un auteur anonyme affirme à ce titre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir parcouru les nations, ni commandé des armées pour donner une forme aux troupes selon les principes de la guerre. C’est en effet dans les éléments de détail que résident selon lui toutes les règles de l’art. Pour les connaître, « il suffit de les avoir fréquemment médités dans les batailles et les combats »86. Ainsi, si la guerre, « art sans principes », exige d’être né avec des talents pour être menée à bien, la constitution des troupes, affaire de détail, ne demande pour sa part que réflexion et expérience militaire. Dans cette perspective, l’officier particulier a cet avantage sur l’officier général de pouvoir se targuer d’une connaissance directe des troupes, qu’il est amené à voir quotidiennement, du moins en théorie.
42Cette connaissance du rang est d’ailleurs largement mise en avant par les auteurs qui se fondent sur elle pour justifier leurs propositions. Le baron de Maltzan, entre autres, revendique à ce sujet trente années « passées à exercer des soldats et des officiers, à les suivre, à causer avec eux et à chercher à les connaître »87. Plus généralement, la seule durée des services rendus suffit souvent à légitimer la prise de parole : 23 années de réflexions faites à l’armée enhardissent à ce titre le sieur de Beuvrigny à présenter ses réflexions au ministre88. L’ancienneté justifie dans cette perspective l’envoi d’un mémoire qui fait parfois figure de bilan – ou devrait-on parler de testament ? – dressé au terme d’une vie consacrée au service du roi89.
43Au siècle des Lumières, le temps écoulé suffit cependant de moins en moins à garantir seul la qualité du propos. Si elles ne sont accompagnées d’aucun apprentissage, les années passées ne sont que des années perdues ; les écrivains militaires du xviiie siècle en sont pour une large part persuadés90. Dès lors, joindre une réflexion théorique à l’expérience du terrain devient un point capital du parcours de l’officier. De ce fait, les mémoires envoyés ne sont souvent que l’aboutissement d’un travail de formation entamé des années auparavant. Le capitaine Filhol affirme ainsi que ses maximes, envoyées en 1753, sont le fruit de remarques accumulées durant les deux dernières guerres91. Desbournay, pour sa part, annonce avoir passé trois ans de recherches pour mettre en règles les maximes de la guerre92. Dans un cas comme dans l’autre, le mémoire apparaît comme l’aboutissement d’un travail préparatoire fait de la réunion de différents matériaux, de la prise de notes et de l’accumulation de données. Autant d’« infra-mémoires », écrits plus ou moins formalisés qui permettent la rédaction du texte définitif93.
44La production d’un mémoire s’inscrit donc dans une durée qui dépasse le simple travail de rédaction, dans le cadre d’une volonté de s’instruire qui s’affirme parfois de manière précoce. Sa première campagne à peine achevée, le chevalier de Folard rédige déjà un manuscrit sur les « partis de guerre », dans lequel il s’efforce de tirer les leçons de son baptême du feu. À 19 ans seulement, le futur auteur des Nouvelles découvertes sur la guerre et des Commentaires sur Polybe, qui lui vaudront une renommée internationale, se distingue ainsi par son besoin de théoriser ce que l’expérience du combat lui a appris94. Cette importance croissante accordée à la théorie favorise dans la seconde moitié du siècle la remise en cause récurrente du poids de l’ancienneté au profit de la qualité de la réflexion, appuyée notamment sur la géométrie. C’est particulièrement le cas chez un auteur anonyme qui affirme que :
Lorsqu’il est question de nouveaux préceptes, ce n’est pas toujours au grade ni à l’âge qu’on doit s’en rapporter uniquement ; c’est la solidité des principes, la force des démonstrations, et non l’ancienneté des usages ou des services qui doivent faire adopter ou rejeter un système. […] les officiers consommés […] ne sont cependant pas ceux qui entendent le mieux la partie à laquelle les colonels zélés s’attachent aujourd’hui95.
45De tels propos inscrivent pleinement leur auteur dans le cadre des « Lumières militaires »96 qui s’épanouissent au xviiie siècle et se définissent par la foi en une guerre conçue comme une science, ayant ses règles et ses principes que seule la démonstration peut permettre de découvrir. S’il convient de rappeler avec John Lynn que les écrivains militaires des Lumières furent rarement des théoriciens en fauteuil, la plupart d’entre eux ayant connu l’expérience du feu et ayant conscience du nécessaire travail d’adaptation des règles aux réalités du combat, il n’en reste pas moins que l’affirmation d’une telle approche scientifique de la guerre contribue alors à la délégitimitation de l’âge au profit de la spéculation théorique97. Aux officiers associant ancienneté et expérience s’opposent ainsi ceux qui tendent à dissocier qualité de la réflexion et états de service, bien que ces deux groupes ne soient pas nécessairement exclusifs l’un de l’autre.
46Qu’ils justifient leur prise de parole par leur ancienneté, leur expérience ou leurs connaissances théoriques − ou plus souvent encore par l’association des trois −, tous les auteurs de mémoire se retrouvent cependant dans l’affirmation d’une forte identité militaire qui légitime selon eux leur intervention. Comme l’affirme une lettre adressée au marquis de Monteynard, datée du 16 mars 1771, « le rétablissement du militaire en France est un ouvrage réservé à un ministre militaire »98. À une époque de militarisme croissant en Europe, dont la traduction en France passe notamment par l’arrivée de militaires au département de la Guerre à partir de 1758, cette mainmise des officiers sur l’armée ne surprend guère99. Elle témoigne de l’affirmation au sein de ce corps d’une forte identité professionnelle qui se traduit chez les auteurs par la mise en exergue de leur grade et du temps passé dans l’armée, et qui se retrouve par ailleurs dans l’idée couramment affichée sous leur plume qu’écrivains militaires et ministres-généraux appartiennent au même corps, celui des officiers100.
47Pour autant, si la revendication d’un savoir et d’une identité militaires est essentielle dans la présentation que les auteurs font d’eux-mêmes et dans l’idéal qu’ils défendent d’une réforme du militaire par le militaire, il serait erroné de ne voir en eux que de simples officiers obnubilés par l’armée. À l’époque du « soldat-philosophe », leur intérêt pour le renouveau de l’armée ne saurait être dissocié d’une curiosité plus large propre aux Lumières. Belles lettres, sciences naturelles, physique, astronomie intéressent ces hommes dont une partie au moins fréquente les académies et les salons101. Loin de se cantonner à la seule sphère militaire, ils n’hésitent pas à intervenir dans des domaines éloignés de leurs compétences professionnelles. Jacques-Antoine d’Hérouville de Claye, lieutenant général et auteur d’un mémoire sur la discipline de l’infanterie publié par la suite sous le nom de Traité des Légions, a ainsi fourni des mémoires aux auteurs de l’Encyclopédie, non pas sur les questions militaires, mais sur la minéralogie, en particulier le cuivre, l’alun, le vitriol, la couperose, ou encore la botanique, notamment le colza et la garance102. Dagobert de Fontenille, futur général républicain, mais simple capitaine au moment où il rédige la plupart de ses mémoires dans les années 1780, écrit pour sa part tant des réflexions militaires sur l’exercice et les manœuvres qu’un projet pour combattre le méphitisme dans les hôpitaux et un autre pour lutter contre la peste103.
48Nombre d’officiers s’intègrent donc dans la passion de leur temps pour le déchiffrement scientifique du monde. La démultiplication des mémoires militaires ne saurait être comprise en dehors de ce contexte, de même qu’elle doit être interprétée à la lueur du travail de réduction en art progressivement étendu aux différents savoirs depuis la fin du xve siècle104. À une époque où paraît l’Encyclopédie, aboutissement de cette vaste opération de reformulation et de réorganisation des connaissances humaines, le désir d’expliquer et de comprendre la guerre en tant que science ne constitue effectivement qu’un des surgeons d’une quête plus globale. Fondamentalement, il s’agit d’éradiquer les traditions arbitraires, les préjugés, le désordre et la confusion afin de laisser place à une investigation critique des principes et des règles fondant les différentes connaissances. Dans le domaine militaire cette approche guide le passage de la pratique vers la recherche d’une véritable discipline au contenu théorique assuré105. Au-delà de ses motivations professionnelles immédiates, l’attachement de nombre d’officiers particuliers pour la théorie s’inscrit ainsi dans à une évolution plus large des modalités de la connaissance à l’époque moderne.
Mémoire et carrière militaire
49Parole militaire, le mémoire est le produit d’un travail d’expertise présenté librement ou mené à la demande de l’État. Ses enjeux dépassent cependant la seule question de la compétence. Derrière le discours de l’utilité, d’autres motivations peuvent être décelées. Les lettres d’accompagnement permettent notamment de percevoir la diversité des intentions qui animent les officiers, en particulier dans le cas de mémoires envoyés spontanément. Elles témoignent, avec les dossiers personnels des auteurs, de l’existence d’intérêts privés à côté du désir de servir le roi. Ainsi le mémoire s’inscrit-il parfois dans une véritable stratégie de carrière en même temps qu’il répond à une culture du mérite renouvelée où la production d’écrits théoriques occupe une place croissante.
Envoyer un mémoire, un acte désintéressé ?
50Marassé se disait prêt à demeurer inconnu pourvu qu’il serve l’État, à en être oublié, pourvu qu’il augmente son bonheur106. Une telle déclaration, pour autant qu’elle ait été sincère, était loin d’être partagée par l’ensemble des écrivains militaires. En effet, si le discours de l’utilité était commun à tous, d’aucuns n’étaient pas hostiles à l’idée de tirer un léger bénéfice de leur contribution au bien public. Une aspiration qui apparaît en particulier dans les lettres d’accompagnement. Ces dernières sont parfois de véritables suppliques, au point que le mémoire qui leur est joint semble en être le prétexte plutôt que l’objet107. Malartic, major des provinciaux de Dôle, saisit par exemple l’occasion de son mémoire pour marquer son étonnement auprès du marquis de Monteynard de voir son confrère, Monsieur de Thuricq, avoir reçu le brevet de lieutenant-colonel avec un an de service de moins que lui, tandis que lui-même n’a rien reçu, quoique ses inspecteurs en aient fait la demande pour lui. Confiant, il réclame les bontés du ministre108. Le capitaine Barisien de Marne, pour sa part, dit espérer que son zèle et son exactitude détermineront le secrétaire d’État à lui être favorable, « soit qu’il plaise au roi d’augmenter ses troupes, ou que Sa Majesté juge convenable de placer des colonels à la tête de quelques uns de ses bataillons de milice »109. Des raisons particulières lui ôtent en effet tout espoir de pouvoir sortir de l’état subalterne où il est placé sans l’aide du ministre110. Dans les cas les plus extrêmes, le bien de l’État que le mémoire prétend servir n’est en fait qu’un moyen de promouvoir ses propres intérêts. Le comte de Jumilhac défend à ce titre le grade de major en second, voué à la suppression en 1790, pour la seule raison que son fils en occupe un111.
51Occasion d’exprimer des requêtes singulières, le mémoire est également, pour des auteurs ayant subi des revers de carrière, qu’ils aient été mis à la retraite, réformés ou mutés dans des régiments provinciaux, le moyen de solliciter un emploi dans l’armée de ligne. C’est notamment le cas de Desfugerais, qui, bien qu’il signe comme lieutenant-colonel d’infanterie, n’occupe aucun grade effectif lors de l’envoi de son manuscrit, ayant été réformé avec le régiment de recrue de Rouen qu’il commandait en 1766. Aussi profite-t-il de son mémoire pour réaffirmer son aptitude à servir encore longtemps le roi112. Le capitaine Fauville, pour sa part, dit avoir été poussé par quelque dégoût à demander sa retraite, obtenue difficilement en 1767 après 34 ans de bons et loyaux services. À l’en croire, sa grande franchise serait cause d’une telle disgrâce. S’il regrette son métier, il ne désespère cependant pas entièrement et attend un moment plus heureux pour mériter les faveurs du ministre113. Dans chacun de ces cas, le mémoire apparaît comme un moyen plus subtil que le simple placet pour témoigner de son zèle et obtenir une réintégration dans l’armée active114.
52La plupart des auteurs ne réclament cependant pas ouvertement un emploi ou une promotion ; leurs attentes sont souvent plus discrètes. L’objectif premier est de se faire connaître, de sortir de la masse des anonymes115. « Faire sa cour », « mériter la protection du ministre », de telles expressions reviennent de manière récurrente116. Le mémoire est l’occasion d’établir un lien que l’on veut direct avec un secrétaire d’État dont on vante à loisir les qualités. La flagornerie est en effet courante, comme le montre par exemple la lettre de Constantin de Marans, véritable panégyrique à la gloire de d’Argenson, « restaurateur de l’état militaire » et dont l’un des traits de génie consiste à ne pas dédaigner les idées des autres, à commencer par celles de l’auteur, peut-on supposer117.
53Ceux qui ont la chance d’avoir un lien, même ténu, avec le ministre, n’hésitent d’ailleurs pas à le rappeler. Lamé, lieutenant au régiment de Bourbonnais, souligne ainsi avoir été présenté au marquis de Breteuil par son major, en même temps qu’il n’hésite pas à rappeler la protection que lui accorde le cardinal de Fleury118. Constantin de Marans évoque, pour sa part, les bontés que le ministre semble avoir déjà eu à l’égard de sa famille119. Le moindre contact, même fugace, peut servir de faire-valoir, comme c’est le cas pour Reneaume de La Tache qui rappelle à d’Aiguillon lui avoir servi de guide dans les dédales d’un château où il lui fut présenté pour la première fois120.
54Moyen de se rappeler au bon souvenir du ministre, le mémoire est surtout l’occasion de lui démontrer ses qualités, voire de contester l’image négative que d’autres, en particulier les chefs de corps et les inspecteurs, ont pu donner de soi. Le phénomène est particulièrement visible chez Didelot, capitaine réformé du régiment des Volontaires de Soubise, qui espère par son écrit mériter l’estime du ministre, ce qui l’aiderait à supporter :
le malheur de n’avoir pu, le croirez-vous, Monseigneur, avec une sage conduite, des talents pour mon métier, avec une parfaite estime de mes camarades et des actions de guerre dont je joins ici la preuve, de n’avoir pu avec tout cela, dis-je, trouver le secret de plaire à M. le prince de Soubise121.
55Privé de l’appui de son ancien chef de corps, Didelot n’a d’autre solution que de s’adresser directement au duc de Choiseul pour espérer retrouver un poste dans l’armée active. Quant au baron d’Agailliers, n’est-ce pas pour répondre à la critique de son inspecteur, qui le jugeait en 1771 et 1772 doté de « beaucoup d’esprit et de connaissance » mais « léger et peu appliqué », qu’il se décide pour sa part à rédiger et envoyer son Discours aux soldats français en 1773 ? Une telle interprétation ne semble pas tout à fait incongrue et contribuerait même à expliquer pourquoi l’observation de 1774 le concernant n’évoque ni légèreté, ni manque d’application, mais seulement des talents propres à faire de lui un bon major122.
56Dans la plupart des cas, l’enjeu du mémoire n’est cependant pas tant de rectifier une image négative de soi que de faire simplement montre de ses capacités aux yeux de l’institution. En témoignent les états de services remis par le comte de Carcado à d’Argenson en 1754. Conscient que son manque d’ancienneté ne lui permet pas d’espérer un des gouvernements accordés aux plus anciens lieutenants-généraux, ce dernier affirme vouloir s’appliquer à mériter la place d’inspecteur en donnant plusieurs mémoires au ministre123. Le mémoire agit ainsi comme un révélateur de compétences124. Cette dimension performative est particulièrement marquée dans les textes qui se proposent de définir les devoirs d’un grade supérieur à celui présentement détenu par l’auteur. Le mémoire n’a alors d’autre enjeu que de témoigner d’une aptitude à occuper un jour un tel emploi. C’est sur le mode de la prétérition que Frémicourt, capitaine aide-major au régiment de Provence, avoue ainsi son désir de devenir un jour lieutenant-colonel. Son discours sur ce grade commence en effet par annoncer qu’il a travaillé sur un poste que vraisemblablement il n’occupera jamais, mais qu’étant persuadé que « dans notre métier il faut avoir toujours pour objet, un but plus éloigné que celui où l’on est, [il] croi[t] aussi qu’il est bon de savoir comment on doit s’y comporter, lorsque le hasard, les talents, ou la fortune nous y ont conduit »125. Manière élégante de montrer qu’il s’est efforcé d’acquérir les compétences propres à cet emploi sans afficher pour autant une ambition déplacée126.
57Le mémoire apparaît donc comme un lieu où peuvent être exprimées des revendications spécifiques, mais aussi comme un moyen de se faire connaître, d’améliorer son image au sein de l’institution militaire, de démontrer ses compétences. Une stratégie d’autant plus importante que la paix relative comme par la France après 1763 offre peu d’occasion de se distinguer par une action d’éclat sur le champ de bataille. Ce contexte favorise le passage de la prouesse guerrière à l’œuvre littéraire, ce que l’auteur anonyme d’un projet militaire résume en disant qu’« à défaut d’occasion de répandre [s]on sang pour le bien du service [il] donne des projets »127. En période de paix aussi, il faut savoir se distinguer.
Mémoire et stratégie de carrière : le cas du vicomte de Flavigny
58Pour certains auteurs, la production de mémoires dépasse cependant le seul souci de se détacher de la masse des officiers pour atteindre la dimension d’une véritable entreprise. C’est notamment le cas du vicomte de Flavigny, incarnation de ces auteurs prolixes qui passèrent autant de temps, si ce n’est plus, à manier la plume que le sabre. Né en 1740 dans une famille de noblesse militaire, il commence à servir dès l’âge de 7 ans comme lieutenant dans le régiment de Touraine. Réformé à la paix en 1749, il n’est remplacé qu’en 1756128. Il semblerait qu’il démissionne en 1759, vraisemblablement en raison de son incapacité à payer les 9000 livres demandées pour une compagnie et du fait de l’attribution à un autre de la sous-aide-majorité qu’il était en droit de recevoir à défaut d’une commission de capitaine129. Par la suite, il sert comme aide-de-camp avant de se trouver sans emploi à la fin de la guerre. Il devient alors volontaire dans la légion de Hainaut, en 1762. Nommé sous-aide-major des recrues de Bourges en 1766, il est à nouveau réformé avec son corps la même année. En 1773, il est fait capitaine attaché aux dragons, puis obtient le rang de lieutenant-colonel en 1777. Il meurt finalement en 1783, à l’âge de 43 ans.
59Relativement modeste, cette carrière se distingue par ses nombreuses discontinuités, et surtout par le faible nombre d’années de service véritablement effectuées dans un régiment par Flavigny. La clé de sa compréhension réside dans l’activité scripturale du vicomte. C’est elle qui lui permet en effet de se distinguer et d’être promu sans passer pour autant par un cursus classique au sein d’une unité régimentaire. Son premier mémoire, portant sur la désertion et rédigé semble-t-il entre 1762 et 1767, alors que Flavigny n’a pas 30 ans130, lui vaut ainsi d’être remarqué par le duc de Choiseul qui lui octroie en conséquence la place d’aide-major du régiment de Bourges131. À la réforme de son corps, à la fin de 1766, il reçoit par ailleurs une pension de 720 livres par an en raison de sa naissance, de son application et de son zèle, pension dont la cause réside selon lui dans le succès de son ouvrage132. Cet état de grâce ne dure cependant que peu de temps. Une note de mai 1767 rejette sa demande d’une commission de capitaine, en raison de sa conduite passée, et le menace de le priver de son traitement s’il ne s’amende pas promptement133. Les raisons de sa disgrâce sont incertaines : il est possible que Flavigny ait mal géré des fonds confiés dans le cadre d’une mission de recrutement134. Quoi qu’il en soit, le vicomte semble avoir été mis à l’écart, ce qui explique probablement sa décision en 1769 de partir visiter la Hollande, la Prusse et l’Autriche135.
60Son retour sur le devant de la scène s’effectue sous le ministère de Monteynard. Ayant réussi à se faire remarquer du ministre136, Flavigny est mis en relation par ce dernier avec le marquis de Langeron137. Travaillant conjointement avec le lieutenant général, il produit alors différents mémoires qu’il fait parvenir par son intermédiaire au secrétaire d’État, en particulier un discours sur la désertion accompagné d’observations flatteuses, vraisemblablement dues à son protecteur138. Ses travaux sont apparemment appréciés du ministre qui l’envoie en voyage en 1773 afin d’étudier les milices suisses et piémontaises, lui octroyant par la même occasion la commission de capitaine139. De son séjour, Flavigny rapporte des mémoires qui sont, à ses dires, immédiatement pillés par l’administration de la Guerre, le tout pour une gratification ne couvrant que le cinquième de ses frais140. Après un épisode espagnol d’ordre diplomatique plus que militaire, le vicomte est par la suite employé dans les divisions de Picardie et de Flandres sous les ordres du comte de Maillebois, entre 1777 et 1778. Il livre alors divers mémoires sur les ports, places et canaux de la région qui lui valent l’éloge de son supérieur. En 1778, il remet encore au prince de Montbarey deux dissertations politiques et militaires. Sa production se tarit ensuite, probablement en raison de la réouverture de sa blessure qui lui vaut alors plusieurs mois d’alitement141.
61Au-delà de ces nombreux mémoires manuscrits produits tout au long de sa carrière, Flavigny trouve par ailleurs le temps de publier divers imprimés, à commencer par son manuscrit initial sur la désertion qu’il fait paraître en 1768142. Il effectue ensuite plusieurs traductions, sur la question de la poudre en 1773, celle des fortifications en 1774, sur l’histoire de l’Espagne en 1776, et sur la correspondance de Cortes en 1779143.
62Ces multiples travaux, principalement ses mémoires manuscrits, forment le moyen par lequel le vicomte parvient à sortir de la masse des anonymes, à se faire remarquer de différents ministres et à effectuer une ascension en marge de l’appareil militaire, comme capitaine attaché, puis avec le rang de lieutenant-colonel. Un parcours original pour lequel il sacrifie une large partie de son temps, mais également de ses ressources. Dans une lettre du 29 décembre 1771, adressée au comte de Langeron, il annonce ainsi avoir déjà dépensé bien au-delà de ses forces pour produire quelque chose qui en vaille la peine et cela en y mettant l’économie la plus sévère. Ses divers ouvrages le forcent en effet d’employer un second, deux copistes, un dessinateur et un graveur qui lui coûtent, à l’en croire, plus qu’il ne possède en totalité144. Des frais d’autant accrus qu’il est obligé de résider à Paris, au lieu de séjourner dans sa province, la capitale étant seule à même d’offrir les facilités et les ressources nécessaires à son travail145. Les difficultés financières liées à ses travaux sont ainsi une constante des lettres de Flavigny. En 1772, il affirme ne « pouvoir même suspendre son ouvrage actuel sans secours »146. Aussi demande-t-il une avance de 100 louis qu’il s’engage à rembourser avec le prix qu’il doit toucher de la vente de son patrimoine. Même démarche en 1773 pour obtenir de quoi couvrir les frais du séjour de deux ans qu’il a dû faire dans la capitale en vue de produire ses mémoires147. En 1775, il sollicite une nouvelle grâce au comte du Muy, soulignant que son dernier ouvrage lui a coûté beaucoup à graver et à imprimer, et qu’il a dû de surcroît en distribuer 200 gratuitement à titre de présents148. Ce tableau particulièrement sombre renvoie évidemment à une stratégie de sollicitation classique dont il convient de se méfier149. La réalité des difficultés financières du vicomte importe cependant moins que les sommes qu’il se révèle prêt à investir dans ce qui constitue une véritable entreprise d’ascension sociale fondée sur l’écrit.
63À l’effort financier consenti correspond au demeurant le travail entrepris pour faire reconnaître la qualité de ses écrits. Ainsi Flavigny n’hésite-t-il pas à multiplier les destinataires, quitte à envoyer le même texte à plusieurs personnes afin d’en assurer le succès. Les deux dissertations politiques et militaires présentées à Montbarey en 1778 ont par exemple été également remises à Maurepas150. Au premier, il envoie en outre ses Considérations politiques et militaires précédemment adressées à Monteynard151. Le roi lui-même fait l’objet de ses attentions : en 1774, il envisage de lui faire parvenir un mémoire sur la désertion152.
64Multipliant les destinataires, le vicomte s’attache de surcroît à diversifier ses protecteurs. Langeron lui sert ainsi de relecteur et d’intermédiaire avec le marquis de Monteynard auquel il transmet ses mémoires153. Le comte de Maillebois, sous les ordres duquel il est un temps employé, intercède pour lui auprès de Montbarey et lui obtient notamment sa place de lieutenant-colonel attaché et la croix de Saint-Louis154. Le comte de Caraman, qui eut également l’occasion de l’observer à l’œuvre, loue ses travaux auprès du marquis de Ségur155. À ces différents rapports de protections fondés sur des liens professionnels s’ajoute par ailleurs la mobilisation des liens familiaux. La parenté de sa femme avec un des premiers lieutenants de la compagnie aux gardes françaises du baron de Besenval n’est à ce titre pas indifférente au soutien que ce dernier accorde au vicomte156. La promotion de ses écrits passe ainsi par le recours à un système classique de protection où se mêlent relations personnelles et surtout professionnelles157.
65Dans quelle mesure ce choix d’une carrière résolument liées à la production de mémoires bénéficia-t-il finalement à Flavigny ? En matière de promotion, celui-ci obtint une commission de capitaine puis une de lieutenant-colonel qu’on lui accorda pour retraite, ainsi que la croix de Saint-Louis. Sur le plan financier il reçut une pension de 720 livres, montée à 1200 livres en 1778158. S’y ajoutent six gratifications extraordinaires obtenues entre 1772 et 1783 pour différents travaux, dont le total cumulé se monte à 7000 livres159. Sans être dérisoires, de telles récompenses restent néanmoins limitées. De fait, outre ses multiples demandes financières demeurées lettre morte, Flavigny n’obtint jamais ce qu’il désirait probablement le plus, sa réintégration dans l’armée active160. Sans fortune lui permettant de progresser par le jeu de la vénalité, refusant un avancement au seul rythme de l’ancienneté, le vicomte s’est néanmoins efforcé, avec un succès mitigé, de s’élever par le biais d’une troisième voie, celle de la production de mémoires. Son exemple témoigne du rôle nouveau que ces derniers purent jouer dans la carrière de certains officiers, des soins qui étaient apportés à leur confection et à leur transmission, de l’existence enfin dans l’armée de véritables professionnels de l’écrit pour qui le service des armes résidait avant tout dans un travail de production scripturale161.
Les limites d’une lecture instrumentale
66Certains auteurs s’affirment ainsi comme de véritables aventuriers de l’écrit, parfois prêts à aller jusqu’à proposer leurs réflexions aux puissances étrangères, si celles-ci ne trouvent pas preneur en France162. Un phénomène loin d’être à sens unique puisque les militaires étrangers n’hésitent pas, de leur côté, à venir vendre leur savoir à l’armée française. Le baron de Pirch en est sans doute l’exemple le plus fameux, lui qui, accueilli comme capitaine dans la légion Corse, devint rapidement major avant de finir mestre de camp, ayant eu le mérite de divulguer en France l’usage que la Prusse faisait des points de vue163. D’autres moins célèbres furent également reçus, à l’instar de Woedtke, ancien officier de cavalerie prussienne, qui intégra l’armée française comme capitaine en 1774. Longtemps aide de camp du général Seydlitz, disgracié, sans qu’il en précise les raisons, et ayant eu connaissance du traitement avantageux fait au baron de Pirch pour les connaissances qu’il avait apporté sur l’infanterie, il se persuada qu’il pourrait donner les mêmes avantages à la France pour la cavalerie. Accueilli par le marquis de Castries à Strasbourg, il fut fait capitaine à la suite, pourvu de 1200 livres d’appointements et chargé de faire la tournée des garnisons pour comparer le service prussien au français. Soit que ses mémoires n’emportèrent pas l’adhésion, soit qu’il estima sa promotion trop lente, soit que ses dettes l’y incitèrent, il quitta cependant le service de France pour l’Amérique en 1775164.
67Les mémoires ne sauraient pour autant être réduits au seul rôle de faire-valoir, ce que révèle notamment la lecture des états de services d’auteurs de projets. Présentes dès le xvie siècle, les listes de services rendus permettaient de justifier l’obtention d’une grâce ou d’une aide matérielle165. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, leur contenu se renouvelle avec l’apparition, au milieu des faits d’armes énumérés, de la mention des mémoires produits. Récapitulant ses services en 1761, Baurans d’Orson évoque ainsi longuement ses 10 campagnes, les 17 sièges, les deux expéditions et les deux affaires auxquels il fut présent. Il rappelle également la blessure qu’il a reçue au bras gauche à Charleroi en 1746. Mais il consacre aussi un long paragraphe à l’évocation de ses ouvrages donnés sur la tactique et les notions militaires entre 1750 et 1754, lesquels ont été applaudis par Monseigneur le comte d’Eu, le comte d’Argenson et Monsieur de Crémilles, ainsi que tous les inspecteurs généraux de l’infanterie, du moins si l’on en croit ses dires166. Loin d’être considérés comme de simples moyens d’adresser une requête ou de se signaler aux yeux du ministre, les travaux des officiers sont ainsi conçus comme une partie intégrante de leur carrière, comme un acte méritoire au même titre qu’une action guerrière.
68Les mémoires s’inscrivent à ce titre dans le cadre d’une culture renouvelée du mérite qui accorde une large place aux connaissances théoriques167. « Intelligent », « instruit », « appliqué », « zélé », « s’occupe de son métier », « homme d’esprit », « des connaissances », « écrit sur le militaire » sont autant de commentaires revenant régulièrement sous la plume d’inspecteurs qui prêtent plus attention aux facultés intellectuelles des officiers et à leur désir de s’instruire qu’à leurs aptitudes guerrières168. Dans cette perspective, le mémoire apparaît comme un des lieux où s’affirment les nouvelles compétences exigées par l’institution, en même temps qu’il s’impose comme une catégorie à part entière de l’action militaire, cette dernière ne reposant désormais plus sur la seule pratique du combat169.
69Élément devenu inhérent au métier des armes, le mémoire constitue par ailleurs le cadre dans lequel s’affirme une véritable réflexion militaire qui ne s’associe pas nécessairement à la recherche de gains matériels, même si elle ne l’exclut pas toujours. Ce désintéressement apparaît avec le plus de clarté dans le rôle joué par l’anonymat. Si la plupart des mémoires actuellement anonymes le sont en raison des limites de la conservation des sources, certains d’entre eux révèlent l’existence d’un anonymat ouvertement revendiqué. Des réflexions sur l’exercice portent ainsi en marge que « ce mémoire a été remis au comte de Maillebois par une personne qui paraît désirer de n’être pas nommée »170. Un tel anonymat relève parfois de la pure coquetterie. Que penser d’un mémoire signé le comte de ***, capitaine de cavalerie au régiment du comte d’Artois ? La simple consultation des contrôles d’officiers du régiment laisse aisément supposer qu’il s’agit du comte de Dampierre171. Dans la plupart des cas, les motifs présidant à ce choix sont cependant difficiles à discerner. Il peut s’agir de cacher l’extrême jeunesse de l’auteur et son peu d’expérience, ce qui lui ôterait une large part de sa légitimité à écrire172. Ou bien d’éviter le ridicule et la honte de voir ses idées rejetées173. L’anonymat peut également être le moyen d’affirmer son refus du statut d’auteur au profit de celui de citoyen ou de patriote174. Mais il est également le moyen de critiquer virulemment des réformes qui déplaisent, ainsi que le fait l’auteur de Remarques, « petit particulier peu avancé en grade et qui ne demande rien », qui dénonce les grimaces ridicules, les manœuvres inutiles et l’avilissement que l’on impose au troupe175. La longue tirade acrimonieuse de l’auteur laisse moins supposer la recherche d’une amélioration de son sort, que la dénonciation d’une transformation de l’armée jugée particulièrement inepte. Compagnon classique de la dénonciation176, l’anonymat témoigne ici du rôle des mémoires comme vecteur de contestation, et non comme simple instrument de promotion.
70Il ne constitue d’ailleurs pas le seul mode sur lequel sont exprimées les critiques des officiers177. Les mémoires, qu’ils soient anonymes ou non, révèlent en effet une volonté de participer aux réformes en cours qui ne cesse de croître au cours du siècle. Une position que résume Scallier en soulignant que « si l’art de la guerre exige une obéissance aveugle, c’est pour l’exécution de ses lois, non pas lorsqu’il est question de les porter »178. À travers les projets des officiers, et au-delà des intérêts personnels, s’esquisse ainsi une opposition à tout despotisme ministériel et la revendication, chez ces auteurs, de pouvoir défendre leur conception de l’armée et protéger les intérêts de leur corps179.
Le mémoire, un accélérateur de carrière ?
71Quels que critiques qu’ils soient, les mémoires restent néanmoins fréquemment liés à des attentes fortes en termes de récompense et de promotion. Pour un officier comme Joly de Saint-Valier, ces dernières expliquent d’ailleurs l’essor de ce type d’écrits au lendemain de la guerre de Succession d’Autriche. Quelques gratifications, pensions et brevets qui furent alors distribués à certains auteurs contribuèrent selon lui à échauffer les esprits et à dégoûter tout un chacun de rester cantonné au grade de simple capitaine180. Une analyse également appliqué par Dagobert de Fontenille au lendemain de la guerre de Sept Ans181.
72De fait, ces attentes en matière de récompense sont d’autant plus fortes que certains mémoires ont impliqué un investissement conséquent. Outre le cas de Flavigny, précédemment évoqué, le projet sur la chaîne de Preudhomme de Borre est ainsi le fruit d’une course de dix mois dans le pays de Liège pour lutter contre la désertion, au cours de laquelle l’auteur prétend avoir sauvé plus de 10000 hommes à la France182. Or, affirme-t-il, non seulement son mémoire lui fut enlevé et remis au baron de Salis, qui l’exploita pour la mise en place de la chaîne générale183, mais il ne reçut en outre, pour le dédommager de ses frais, ni gratification, ni son remplacement comme lieutenant-colonel dans un régiment, ni le grade de brigadier qu’il demandait. Après un échange de courrier de plus de quatre ans avec trois ministres différents, plus de 38 voyages à Versailles, et grâce à l’insistance de Sartine, lieutenant général de police, Preudhomme de Borre obtient cependant un total de 3961 livres de gratifications. Un montant jugé néanmoins trop maigre, puisqu’il en espérait au moins 6000. Le remboursement des sommes investies par un officier pour la rédaction d’un mémoire plus ou moins officiellement commandé par le ministère était ainsi l’occasion de fréquentes querelles entre des auteurs soucieux de tirer profit de l’opération et une administration désireuse de réduire le montant des grâces accordées184.
73Plus généralement, l’absence de frais engagés dans le cadre d’une commande de l’État n’empêchait pas certains auteurs d’attendre une récompense considérée comme légitime. En 1786, Baurans d’Orson, se plaint de n’en avoir encore touchée aucune pour ses découvertes sur la marche effectuées trente ans auparavant185. Relingue, pour sa part, demande pour la seconde fois en août 1785 une gratification pour son mémoire sur la tactique rédigé quatre mois plus tôt186. Si les auteurs mobilisent à cette occasion une rhétorique fondée sur le mérite et l’utilité, ils n’hésitent pas à faire aussi appel à des stratégies plus classiques de sollicitation. La philanthropie du ministre, à laquelle Flavigny recourt abondamment, est ainsi mobilisée, au même titre que les relations clientélaires. À ce titre, Relingue, s’il met en exergue les mérites de son travail, n’hésite pas à rappeler au secrétaire d’État qu’il servit également comme aide de camp de son père187. Les cas de réclamation pécuniaire ouverte sont néanmoins rares. La plupart des auteurs se contentent en effet d’exprimer leur déception de n’avoir pas été reconnus, à l’exemple du capitaine Richard, qui affirme n’adresser qu’après bien des hésitations son nouveau mémoire au vu du jugement particulièrement négatif du ministre sur son premier écrit intitulé Café Turc188.
74Cette frustration exprimée par plusieurs officiers fut sans doute le lot d’une large partie d’entre eux. En effet, de nombreux mémoires jugés sans intérêt donnent lieu pour toute réponse à des lettres stéréotypées qui louent tout au plus l’application de l’auteur, quand elles ne lui conseillent pas de tourner son zèle vers d’autres tâches189. Si elles n’étaient pas toujours goûtées de leur destinataire, ces réponses, généralement courtoises et souvent laudatives, permettaient d’encourager à peu de frais un officier à continuer de servir avec distinction, tout en entretenant l’illusion d’un lien personnel entre l’auteur du mémoire et le ministre, au nom duquel ces courriers étaient généralement adressés. Un moyen de préserver un lien d’homme à homme dans un État devenu de plus en plus abstrait et d’encourager le zèle d’officiers qui, à défaut d’avoir le bonheur d’être constamment sous les yeux de leur souverain, pouvaient croire que le ministre lui-même les lisait190.
75Tous les officiers ne tirèrent donc pas profit de l’envoi d’un mémoire. D’aucuns y trouvèrent cependant quelques avantages, comme l’attestent les gratifications et pensions reçues par certains auteurs191. L’analyse de ces gains est difficile à mener, dans la mesure où de telles grâces occupaient une place complexe au sein de la société d’Ancien Régime192. À la fois récompense, indemnité et compensation, elles intervenaient dans des cas aussi divers que le remboursement de frais de campagne, la perte d’équipages, les blessures, les actions glorieuses, la maladie, la réforme ou la retraite. Ainsi, si les auteurs de mémoires semblent avoir fortement bénéficié de ces largesses, il apparaît difficile d’établir systématiquement à quel degré leurs écrits y ont contribué, puisque le motif de ces gratifications et pensions est loin d’être toujours spécifié. Au demeurant, ces grâces, et plus particulièrement les pensions, récompensaient rarement un unique service rendu. La multiplicité des critères pris en compte pour une même récompense rend par conséquent d’autant plus difficile l’évaluation du poids des mémoires.
76Malgré ces difficultés méthodologiques, une approche indiciaire témoigne du fait que le mémoire constituait effectivement une source possible de récompense pécuniaire. En 1753, le sieur d’Aurel est ainsi gratifié de 200 livres sur l’avis de son inspecteur, le comte de Graville, qui le dit fort entendu pour les évolutions et auteur d’un assez bon mémoire, en considération de quoi il demande cette grâce pour lui193. Baurans d’Orson, pour sa part, et malgré ses récriminations, a touché 800 livres en 1759 pour ses mémoires sur la tactique et un travail dont il a été chargé à Versailles pour le corps Royal de l’artillerie194. Quant au baron de Vietinghoff, le fait d’avoir été mandé à la cour et d’avoir travaillé quatre mois à différents mémoires concernant le militaire lui vaut la somme de 3000 livres195. À ces exemples de gratifications se joignent par ailleurs des cas où de la production scripturale d’un officier intervient explicitement dans l’évaluation de sa pension de réforme, comme pour Didelot. En 1766, moins d’un an après avoir envoyé au ministre son mémoire sur la peine de mort pour les déserteurs dans lequel il se plaint de l’ingratitude du prince de Soubise196, ce capitaine voit ses appointements de réforme augmentés de 200 livres, avant d’être à nouveau accrus de 200 livres en 1767, Choiseul rapportant à cette occasion qu’il n’a pas laissé ignorer au roi les preuves que Didelot continue à donner de son zèle et les connaissances que son application lui a acquise relativement au bien du service197. Par ses écrits, l’officier est ainsi passé de 500 à 900 livres de réforme en deux ans seulement198.
77Pris en compte lors de l’évaluation globale des services d’un officier, le mémoire peut par ailleurs contribuer à justifier une pension sans lien avec une retraite ou une réforme. Celle de 6000 livres que reçoit le baron de Vietinghoff en 1769 tient ainsi tant à la qualité de son régiment, qu’aux services qu’il a rendu comme gentilhomme d’ambassade à Saint-Pétersbourg, au fait qu’il a préféré le service de France au service étranger et aux différents mémoires qu’il a produit199. Par ailleurs, certains mémoires suffisent à eux-seuls pour obtenir une pension. C’est notamment le cas du nouveau canon inventé par Joseph-Philippe Rostaing, alors capitaine de bombardier, qui lui vaut 1000 livres de pension200. C’est aussi celui du mémoire sur l’instruction de la cavalerie de Drummond de Melfort, lu dans une assemblée d’inspecteur en 1747, et qui fut trouvé assez utile pour engager le ministre à demander pour lui une pension. Quelques années plus tard, l’heureux auteur obtient ainsi la coquette somme de 3 000 livres annuelles201. C’est enfin le cas du fameux baron de Pirch qui reçoit avec sa commission de major une gratification annuelle de 3000 livres en raison de ses services et de ses connaissances militaires202.
78Source de grâces pécuniaires, les mémoires eurent-ils un rôle en matière de promotion ? C’est en particulier l’avis de Joly de Saint-Valier pour qui plusieurs officiers généraux, à commencer par les sieurs de Vieux, de Bourlamaque et d’Arcambal, ne le devinrent qu’en raison de leurs écrits203. Une telle assertion, venant de la part d’un officier dont la carrière fut marquée par de cruelles déceptions, doit être considérée avec prudence204 ; elle rejoint cependant la conviction largement répandue au lendemain de la guerre de Succession d’Autriche d’un lien existant entre promotion et innovations règlementaires205. Si les mémoires seuls ne suffisaient probablement pas à faire un officier général, leur rôle ne fut certainement pas nul dans l’évolution d’une carrière. Pour Dupuy-Lauront, sa promotion au grade de major à seulement 31 ans est due ainsi autant à son application qu’à ses ouvrages militaires qui ont attiré l’attention des différents ministres206. Une note du marquis de Saint-Herem, colonel de Montmorin, défend pour sa part la nomination du marquis de la Rochelambert au grade de colonel, car il est homme de condition et bon officier « qui a fait un traité sur les moyens de perfectionner l’infanterie française »207. Exemple plus célèbre, le comte de Saint-Germain doit sa nomination comme secrétaire d’État de la Guerre à la redécouverte par Turgot de son mémoire sur l’armée autrefois adressé au comte du Muy208.
79Le mémoire constituait donc un critère de promotion, bien qu’il ne fût pas le seul. L’activité, le zèle et l’instruction déployés par un officier, en particulier en présence de son inspecteur, étaient aussi des moyens de parvenir. Ce fut le cas pour Bourlamaque, repéré au camp de 1752 par le marquis de Brézé à qui il fut d’un grand secours. Ce n’est que par la suite que l’officier produisit ce qui fut vraisemblablement son premier mémoire, consacré à la batterie cadencée209. Dans la pratique comme dans l’écrit, les qualités en jeu restent cependant similaires : étude, goût pour le métier, application... Ainsi s’explique que le mémoire ait pu jouer le même rôle en matière de promotion que le zèle déployé à l’occasion d’un camp ou d’une manœuvre, les deux allant d’ailleurs souvent de pair. Son influence était cependant loin d’être toujours immédiate. Bien que son inspecteur l’ait jugé digne d’une promotion dès 1768, en raison des observations qu’il avait faites sur la Prusse, le chevalier de Beuvrigny doit ainsi attendre encore sept ans avant d’être nommé major en 1775, après avoir été vingt ans capitaine et avoir passé 29 années au service210. Moyen de distinction, le mémoire n’effaçait pas entièrement les pesanteurs d’une promotion déterminée en premier lieu par l’ancienneté, l’argent et le statut social.
Circulation et réception : le poids des mémoires
80Le rôle des mémoires dans la carrière des officiers pose indissociablement la question de leur reconnaissance par l’administration militaire. Les récompenses octroyées aux auteurs impliquaient en effet que leurs travaux soient lus et jugés par le pouvoir. Bien que les indices permettant d’analyser la réception de tels écrits soient rares et disséminés, l’existence d’annotations ponctuelles en marge des textes ou la présence, plus rare, d’une note de synthèse, permettent néanmoins d’en reconstituer le parcours, depuis leur rédaction, jusqu’à leur traitement. À partir d’une telle analyse, il est possible de constater que loin d’être considérés comme anecdotiques, les mémoires occupaient une place essentielle dans la réflexion menée au xviiie siècle sur la réforme de l’armée.
Les circuits de transmission
81Les revers de la guerre de Sept Ans conduisirent à un renforcement de la subordination, en particulier du rôle de la voie hiérarchique comme passage obligé des demandes des officiers et a fortiori des soldats. Ainsi, les instructions aux inspecteurs de l’infanterie et de la cavalerie de 1759 spécifient-elles :
Qu’il ne sera dorénavant reçu aucun mémoire des officiers, que par la voie de leur chef ; et que les lettres, ou mémoires de tous ceux, qui s’adresseront directement au ministre ; demeureront sans réponse, et seront regardés comme non avenus211.
82Un tel article semble avoir limité aux seuls officiers généraux la possibilité de s’adresser directement au ministre. Les projets de réforme envoyés par les officiers, y compris ceux des grades subalternes, ne paraissent cependant pas avoir été inclus dans cette obligation212. En effet, ces mêmes instructions précisent que les inspecteurs joindront à leur rapport d’inspection « les mémoires qu’ils auront reçus pour toutes les grâces »213. Furent donc concernées les demandes de pensions, de gratifications ou de retraites, mais pas nécessairement les projets techniques rédigés par les officiers. Une interprétation incidemment confirmée par le chevalier de Chabo, qui approuve peu de temps après la décision du ministre de ne pas répondre aux demandes transmises par d’autres que les chefs ou inspecteurs. Dans la définition qu’il donne de cette interdiction, le chevalier ne comprend effectivement pas les différents mémoires portant sur la réforme de l’armée214.
83Aucune règle explicite ne régissait donc véritablement la transmission des mémoires techniques, les officiers restant libres de présenter directement au ministre leurs projets. C’est d’ailleurs à ce dernier que s’adressent la plupart des lettres d’accompagnement215. Le secrétaire d’État était cependant loin d’être le seul destinataire de ce type de textes. Plusieurs sont ainsi envoyés à des officiers généraux, comme celui du chevalier de Montaut adressé au maréchal de Belle-Isle alors que ce dernier n’est pas encore ministre216. De même d’Astin envoie-t-il ses évolutions au bruit de la caisse à Hérouville de Claye, lieutenant général et inspecteur217. De manière générale, les inspecteurs semblent d’ailleurs particulièrement sollicités. Le renforcement de leur rôle au sein de l’appareil militaire les érige en effet comme interlocuteurs privilégiés des officiers désireux de faire adopter et récompenser leurs idées218. Dans un mémoire justificatif destiné à son protecteur, le lieutenant de police Sartine, Preudhomme de Borre, souligne ainsi avoir envoyé différents mémoires à messieurs les inspecteurs et obtenu leur approbation219. Dagobert, pour sa part, adresse un mémoire au comte de Caraman, membre du comité des inspecteurs généraux220. Sollicités par les auteurs, les officiers généraux jouaient du reste aussi le rôle de commanditaire auprès de leurs subordonnés, à l’exemple du comte de Broglie, commandant des Trois-Evêchés, qui demande notamment un projet de réforme de la cavalerie à Dubuysson, capitaine dans un des régiments placés sous son autorité221.
84Une intense circulation de mémoires existait donc entre officiers subalternes et supérieurs sans que le ministre ne soit directement concerné. Pour autant, ce dernier restait souvent l’ultime destinataire visé. Dans bien des cas, les officiers généraux jouaient en effet un rôle de filtre et de caution. Cambis d’Orsan, colonel du régiment de son nom, fait ainsi remettre les deux versions de son mémoire par le comte de Lorges, et par Monsieur de Monconseil, tous deux inspecteurs222. Un auteur anonyme se tourne de son côté vers l’inspecteur ayant effectué la revue de son régiment pour qu’il juge ses réflexions et, s’il les trouve bonnes, qu’il les transmette au comte d’Argenson223. Au-delà du cas de ces écrits spontanés, nombre de mémoires commandés par des officiers généraux finissent également sur le bureau du secrétaire d’État, comme celui envoyé à Broglie par Dubuysson. Le texte se retrouve tel quel dans les cartons de la sous-série 1 M, simplement dépouillé de son introduction qui s’adressait directement au comte224. Si Dubuysson a pu prendre sur lui d’envoyer un double de ses observations au ministre, il est aussi très plausible que Broglie ait transmis aux bureaux de la Guerre les idées de son protégé.
85Ce rôle de transmission et de conseil n’était pas réservé aux seuls officiers généraux. Beuvrigny, capitaine au régiment de Cambrésis, fait par exemple passer son projet par l’intermédiaire du comte de Bethisy, son colonel225. D’autres, préférant s’adresser à ses saints qu’à Dieu, se tournent vers les commis, comme d’Agailliers qui adresse son Discours à Monsieur Baudard, premier commis en charge des déserteurs, en le priant de le transmettre à Monteynard226. Le marquis de Lambert envoie pour sa part ses idées à Sainte-Rheuse, à la tête du bureau des routes, en le laissant libre de les transmettre au ministre, selon qu’il les jugera utiles ou non227. Ces cas témoignent des multiples canaux qui reliaient la base de la pyramide militaire à son ultime sommet.
86Plurielles, ces voies d’accès au pouvoir n’étaient au demeurant pas exclusives, comme en témoigne à nouveau le cas de Dubuysson. Dans un autre mémoire sur les remontes adressé au comte du Muy en 1775, ce dernier justifie l’audace qui le conduit à écrire directement au ministre228. Celle-ci trouve son origine dans un précédent travail envoyé en premier lieu à son oncle, le marquis de Monestay229, ainsi qu’à quelques officiers généraux. Face à leurs louanges, Dubuysson se décida à en transmettre une copie à Monsieur Charlot230 et au duc d’Ayen231. Un exemplaire parvint finalement sous les yeux du ministre, sans que l’auteur ne le lui ait apparemment adressé232. L’approbation que du Muy donna au zèle du capitaine explique la témérité avec laquelle ce dernier lui adresse cette fois-ci directement son nouveau projet sur les remontes. L’exemple de Dubuysson témoigne ainsi, tant de la capacité à mobiliser des relations familiales, clientélaires et hiérarchiques pour faire connaître ses travaux, que de la facilité avec laquelle les officiers osent également écrire directement au secrétaire d’État. Que l’approche soit directe ou indirecte, son principal objet reste généralement le même : faire connaître ses idées et son zèle au ministre, véritable maître des décisions et des grâces233. Une stratégie qui fut payante dans le cas de Dubuysson, qualifié de mou et de peu instruit dans les années 1760, et présenté dans les années 1770 comme bon sujet et zélé. En 1779 il est d’ailleurs finalement nommé major du régiment des dragons du Roi234.
87Alors que se renforce la hiérarchie des réseaux de communication au sein de l’appareil militaire, l’envoi des mémoires techniques reste donc relativement libre, au moins jusqu’au ministère de Ségur qui marque un certain durcissement en la matière235. La sollicitation d’officiers généraux, de commis ou autres personnages relève d’une démarche spontanée plus que d’une obligation236. Pour autant, celle-ci semble avoir été très fréquente, certains officiers s’en faisant presque un devoir. C’est notamment le cas de d’Autichamp qui affirme en 1775 au marquis de Castries, commandant de la gendarmerie, qu’il ne se permettrait pas d’envoyer au ministre un mémoire sans le lui avoir préalablement présenté237. Le recours à un supérieur comme intermédiaire s’impose à la fois comme une stratégie et comme une forme de respect tacite des exigences de la subordination. Les officiers conservent cependant, au moins sur le plan théorique, la possibilité d’établir un dialogue direct avec le secrétaire d’État238. Ce qui explique d’ailleurs que les mémoires puissent être utilisés comme un moyen d’adresser une demande déguisée au ministre. En associant celle-ci à l’envoi d’un mémoire technique, il devient en effet possible de la faire parvenir directement à ce dernier, alors qu’adressée seule, elle serait déboutée, selon les termes des instructions aux inspecteurs de 1759.
Le travail des bureaux de la Guerre
88Si tous les mémoires ne sont pas destinés au ministre, nombre d’entre eux finissent néanmoins sur son bureau. Au terme d’une évolution pluriséculaire entamée dès la fin du xvie siècle, le secrétaire d’État de la Guerre est en effet devenu le principal maître des questions militaires239. Au xviiie siècle, il fait figure d’intermédiaire obligé entre le roi et l’armée et apparaît notamment comme le véritable détenteur des grâces, au moins jusqu’à l’établissement du conseil de la Guerre en 1787. Il est en conséquence le juge ultime des mémoires dont il est le plus à même d’appliquer et de récompenser les idées. Constamment sollicités, il est cependant peu vraisemblable que les ministres aient lu tous les mémoires qui leur furent adressés. Se pose dès lors la question de connaître le traitement réservé au flot de projets qui inondait quotidiennement le département de la Guerre.
89Il est difficile de déterminer avec certitude les auteurs des annotations portées en marge des mémoires, et en particulier de savoir si un ministre lut en primeur tel ou tel projet qui lui était adressé240. Différents indices permettent néanmoins de supposer que ce fut parfois le cas241. Le secrétaire d’État devait ainsi assurer personnellement le dépouillement d’une partie des mémoires avant de les communiquer, le cas échéant, au bureau afférent, avec ou sans restriction. Cet accès privilégié au ministre ne devait cependant pas constituer la norme, et dépendre d’un rapport de proximité, qu’il soit institutionnel ou de circonstance242. La plupart des mémoires faisait en effet vraisemblablement l’objet d’un premier traitement par les bureaux de la Guerre243.
90Bien que ces derniers aient été au cœur d’investigations ponctuelles, ils restent encore assez mal connus244. Leur véritable création peut être attribuée à Michel Le Tellier et à Louvois, cinq bureaux dotés d’attributions précises étant mis en place dès 1659245. Par la suite, si leur nombre varia dans le temps246, leur structure interne demeura en revanche presque inchangée247. Chacun d’entre eux disposait d’une réelle autonomie, les diverses tentatives faites pour les regrouper en divisions hiérarchisées n’ayant en effet jamais parvenu à s’imposer durablement248. S’y afférait toute une série de commis, progressivement distingués en premiers commis, assurant la direction des différents bureaux, et simples commis. Au total, ils sont une centaine à travailler pour l’administration de la Guerre dans les années 1750, presque 200 à la fin du règne de Louis XV, époque où leur nombre atteint son apogée249. Recrutés initialement dans l’entourage du ministre, ces commis sont de moins en moins choisis en raison de liens familiaux et clientélaires au profit du seul critère de la compétence250. S’affirme ainsi progressivement un personnel administratif caractérisé par sa stabilité et son efficacité. Un phénomène particulièrement marqué à la fin de l’Ancien Régime où les commis assurent la continuité de la gestion des affaires face à des ministres qui se succèdent à toute vitesse. Dans le même temps, la progressive rupture des liens personnels qui unissaient ces hommes aux ministres conduit ces derniers à s’entourer d’un cercle de familiers regroupés à partir de 1749 au sein du secrétariat du ministre251. Composé de différents personnages désignés généralement sous le terme de « secrétaires », il pourrait être comparé à nos actuels cabinets ministériels, réunissant les proches conseillers du secrétaire d’État252. Aux bureaux stables, qui traitaient le détail des opérations courantes, s’opposait ainsi le secrétariat, chargé de la correspondance personnelle du ministre et dont la composition variait d’un titulaire à l’autre.
91Les mémoires adressés au ministre parvenaient vraisemblablement à son secrétariat avec le reste de la correspondance qui lui était adressée253. Ceux dont il se réservait la lecture devaient lui être conservés tandis que les autres étaient renvoyés au bureau compétent. On relève ainsi ponctuellement en marge d’un mémoire une apostille désignant tel ou tel premier commis à qui le mémoire était destiné254. Parmi les noms griffonnés à la hâte, certains reviennent de manière récurrente, à commencer par celui de Dubois255. Véritable « secrétaire général » du département de la Guerre sous Choiseul, ce dernier assiste largement le ministre dans l’administration des affaires et l’étude des projets en cours256. C’est en particulier lui qui assure le dépouillement et la synthèse des avis des inspecteurs sur les projets de règlement de 1760 concernant la promotion des bas-officier dans l’infanterie et dans la cavalerie257. Autre nom très présent, celui de Fumeron258. D’après les dates des mémoires sur lesquels il est porté, il s’agit pour l’essentiel de Jean-Jacques-François, plus que de Jean-Jacques-Pierre, son fils. Premier commis des bureaux de la Guerre à partir de 1748, chef du bureau de la correspondance à partir de 1761 avant de prendre sa retraite en 1771, Jean-Jacques-François de Fumeron était, tout comme Dubois, un personnage central de l’administration de la Guerre. Membre d’une des plus importantes dynasties de commis de la Guerre, celle des Le Vasseur, il était notamment apparenté à Briquet, ancien premier commis du bureau de la correspondance et auteur du code militaire, dont il avait pris la relève259. Homme d’expérience, il fit parti des commis sur lesquels Choiseul s’appuya et à qui il délégua largement la gestion du détail administratif260. À côté de ces noms qui apparaissent régulièrement, auxquels il faudrait ajouter celui de Charles-Antoine d’Heu de Sainte-Rheuse, premier commis à la tête du bureau des routes261, d’autres surgissent plus ponctuellement, tels ceux de Marie262 ou de Baudard263, qui se succédèrent à la tête du bureau des déserteurs. Cette inégale représentation n’est pas seulement liée à la nature des affaires dont les premiers commis sont en charge, elle tient également à leur charisme personnel. En effet, si le transfert d’un mémoire à un commis donné est en partie déterminé par les compétences du bureau qu’il dirige, comme en témoigne le renvoi de mémoires sur la désertion à Marie ou Baudard, l’aura personnelle de ces hommes et la qualité des liens qui les unissent au ministre contribuent également à augmenter le nombre de dossiers qui leur sont confiés, ainsi que l’atteste l’omniprésence d’un Fumeron ou d’un Dubois, proches collaborateurs de Choiseul, à qui sont renvoyés des mémoires au contenu fort diversifié264.
92Une des principales tâches des premiers commis, assistés en cela de leurs commis265, consistait visiblement à résumer les mémoires qui leur parvenaient, comme en témoignent les rares notes de synthèse, allant de quelques lignes à plusieurs pages, qui ont été conservées266. Si la plupart d’entre elles se contentent de condenser les idées de l’auteur, quelques-unes en jugent également le contenu. Le mémoire du sieur Parizet, lieutenant au régiment de Limousin, dont Monsieur de Fumeron a été chargé de faire l’examen, est ainsi accompagné de volumineuses observations détaillées en 16 points267. Loin de se borner à une simple mission de synthèse, certains commis pouvaient donc être appelés à jouer un rôle important dans la promotion comme dans l’ensevelissement d’un projet268. Une mission en adéquation avec l’essor d’une monarchie administrative qui, centralisant et exploitant une information toujours plus riche, s’est peu à peu transformée en une « monarchie féodale d’officiers-commis »269.
93Dès le règne de Louis XIV, et malgré les prétentions et le travail considérable de ce souverain, le roi se vit en effet dans l’incapacité de contrôler l’ensemble des décisions prises en son nom270. Bien qu’il exigeât de signer le moindre passeport, le Roi Soleil n’en était pas moins tributaire du travail réalisé par ses ministres et leurs bureaux. Même les documents amenés à passer sous ses yeux échappaient en parti à son contrôle. La manière dont les dossiers lui étaient présentés limitait en effet son initiative au profit de ceux qui les lui préparaient. Les ministres, et dans leur foulée les commis, eurent ainsi tôt fait de s’approprier une parcelle de l’autorité que les souverains se virent de plus en plus contraints de leur déléguer, dans le cadre d’une monarchie dont l’absolutisme était tout relatif271. Ce rôle joué par les commis explique que certains officiers s’efforcent de les gagner à leur cause, avant même de s’adresser au ministre de la Guerre, dont il y a fort à parier qu’il ne soit de toute façon pas le premier à lire leur mémoire. D’autres n’hésitent pas à se tourner pour leur part vers le premier commis chez qui leur mémoire a été renvoyé afin de s’enquérir de son sort, comme le capitaine Lecointe dont le mémoire, initialement envoyé au duc de Choiseul sur les conseils du prince de Beauvau, a atterri chez Monsieur de Foulon272, auquel il écrit afin de savoir s’il doit en espérer quelque succès273.
94L’importance acquise par certains commis se retrouve au demeurant dans leur participation à l’élaboration des ordonnances274. À côté du travail de synthèse qu’ils effectuent sur les opinions d’autrui, en particulier celles des officiers généraux consultés sur les projets d’ordonnance, ils sont en effet appelés à exprimer leur propre point de vue sur les réformes envisagées. On retrouve ainsi, disséminés parmi les mémoires d’officiers, les avis de Fumeron, de Sainte-Rheuse, de Sévin ou de Baudard tant sur la désertion que la manière de choisir les bas-officiers275. La réponse de Sainte-Rheuse à une lettre du marquis de Lambert sur les questions de quartiers et d’instruction de la cavalerie témoigne d’ailleurs de cette mission de conseil. Le commis y affirme partager les mêmes vues que le marquis et lui assure en avoir déjà parlé succinctement au ministre, à qui il envisage de remettre prochainement un mémoire sur la question276. Sainte-Rheuse n’occupe pas ici le rôle de simple relais entre Lambert et le chef du département de la Guerre, mais s’affirme bel et bien comme un collaborateur à part entière du dernier, capable de sélectionner et valoriser certaines idées, comme d’en rejeter d’autres. Simples scribes autrefois, les commis jouent ainsi au xviiie siècle un rôle essentiel dans le travail de conception et d’élaboration des ordonnances, et donc d’évaluation des mémoires277.
Le rôle de la hiérarchie militaire
95La place occupée par les commis dans le processus d’évaluation des mémoires ne doit pas être pour autant surestimée. Tous ne disposaient pas de la même influence, et ils n’étaient en outre pas les seuls dont l’opinion fut sollicitée. Divers documents témoignent en effet de la mobilisation par les secrétaires d’État d’un autre type de personnel, les officiers généraux. Outre le fait que ces derniers étaient les destinataires naturels de nombreux mémoires et des intermédiaires classiques entre les officiers subalternes et le ministre, ils étaient aussi largement consultés par ce dernier pour évaluer la qualité de projets que leurs compétences militaires les mettaient à même de juger. Car les commis, aussi influents fussent-ils, restaient des civils, et continuèrent à être considérés comme tel, même après leur militarisation en 1776278.
96C’est vers le marquis de Langeron, lieutenant général, que le marquis de Monteynard se tourne ainsi en 1772 pour obtenir de l’aide dans son travail de dépouillement des mémoires :
Dans l’opinion que j’ai, Monsieur, que dans les différents mémoires militaires qui me sont présentés, il peut se rencontrer des idées utiles, je ne crois pas devoir refuser d’y donner attention. Mais comme je n’ai pas le temps de les examiner moi-même ; je m’adresse à vous pour me suppléer, avec d’autant plus de confiance que je suis persuadé qu’il n’est pas d’officier qui par ses connaissances soit plus en état d’apprécier ces ouvrages, et qui par son goût pour le travail se prête plus volontiers à se charger de ce soin279.
97Langeron ne semble pas ici sollicité pour assurer la lecture de projets et d’observations liés à un thème spécifique, mais pour contribuer plutôt au dépouillement général des mémoires reçus par le secrétariat280. Dans d’autres cas, des officiers généraux se voyaient en revanche confier le traitement d’une question particulière et des mémoires qui pouvaient y être liés. C’est notamment le cas du marquis de Barbançon281, auquel est confié en 1763 la réforme de l’exercice et des manœuvres. Une note souligne en effet que le bureau des mouvements, de qui une telle question relevait, ne disposait pas des compétences nécessaires pour traiter ce sujet282. D’où le nécessaire recours à un spécialiste militaire, en l’occurrence Barbançon. Chargé de la rédaction des ordonnances touchant à l’exercice et aux manœuvres de la cavalerie, ainsi que de la supervision, à partir de 1764, des écoles d’équitation de Douai, Metz et Besançon283, ce dernier devait être l’examinateur naturel des mémoires touchant à ces questions284. Pour ce faire, il disposait notamment de l’aide du sieur Bomé, simple officier particulier. Ainsi, les officiers généraux n’étaient-ils pas les seuls à être mis à contribution, de simples capitaines ou aides-majors pouvaient également l’être selon leurs compétences285.
98Le faible nombre d’annotations indiquant par qui l’analyse des mémoires a été faite ainsi que l’anonymat des comptes rendus de lecture rendent malheureusement difficile toute évaluation quantitative du rôle respectif des commis et des militaires. D’autant que l’examinateur appartenait parfois aux deux groupes, à l’instar de De Vault, à la fois directeur du dépôt de la Guerre et lieutenant général. Celui-ci fut régulièrement sollicité sous Ségur, sans qu’il soit possible d’établir si ce fut comme officier ou comme chef du dépôt286. Il semblerait néanmoins que les commis aient perdu de leur influence au lendemain du ministère de Choiseul287. La défiance de Monteynard à l’égard de l’ancien personnel des bureaux de la Guerre le pousse alors à diminuer quelque peu le pouvoir acquis par certains d’entre eux. Dès 1771, il se défait des principaux collaborateurs de Choiseul et met fin à l’expérience des divisions initiée par son prédécesseur en restituant à chaque bureau son autonomie288. Quelques années plus tard, Saint-Germain semble également avoir fait preuve d’une certaine réserve à l’égard des commis. Dans son mémoire sur les réformes menées par ce ministre, le comte de Scallier rapporte ainsi qu’il n’aurait pas recouru à eux pour la rédaction de ses ordonnances, ce qui expliquerait leur manque de clarté289. Des propos que confirme le prince de Montbarey pour qui Saint-Germain, mécontent de ses commis, aurait recouru à des faiseurs de projets afin de coucher par écrit ses réformes290. Le ministre se serait en cela conformé à l’avis du comte de Guibert qui lui écrivait au même moment :
À propos des bureaux, je ne puis me dispenser de répéter à M. le comte de Saint-Germain qu’il est important de ne pas les admettre à la connaissance et encore moins à la confection de son plan. Ils sont incapables de lui être d’aucun secours. Ils sont bercés dans tous les préjugés de la routine et de l’ignorance, et ennemis nés de tout ce qui peut tendre à rendre la constitution vraiment militaire. Leur politique est d’accabler les ministres d’écritures, de calculs, de prétendues difficultés. C’est ainsi qu’ils les ont successivement tous gouvernés291.
99La décision de Saint-Germain de procéder à la militarisation des commis relève ainsi probablement de l’aversion des militaires vis-à-vis d’un personnel civil qu’ils estimaient trop influent292. Malgré cette indéniable répugnance, il convient néanmoins de nuancer l’idée d’un affaiblissement du rôle des commis. L’accélération de la valse ministérielle à la fin de l’Ancien Régime n’a pu que favoriser un certain renforcement des bureaux de la Guerre et de leur personnel, destiné à assurer la continuité des affaires face à des secrétaires d’État en perpétuellement renouvellement. Même si certains ministres ne discutèrent sans doute que peu du fond de leurs projets de réforme avec leurs subordonnés, ils ne purent pour autant s’en passer293.
100Si l’importance des commis a pu varier selon les ministères et aller en diminuant, il est certain en revanche que le poids des militaires dans l’analyse et la mise en œuvre des projets de réforme a été important et n’a cessé de se renforcer depuis la guerre Succession d’Autriche jusqu’à la Révolution. De d’Argenson à Ségur, les inspecteurs et autres officiers généraux sont en effet particulièrement sollicités, que se soit à titre personnel, comme Langeron, dans le cadre du travail des bureaux de la Guerre, comme Barbançon, ou à travers les comités chargés de débattre les réformes projetées294. Réunis selon un rythme accru à partir des années 1770, ces derniers s’affirment progressivement comme un des organes essentiels de l’évaluation des écrits militaires295. En 1774, sont ainsi dressées des listes des mémoires reçus par les bureaux de la Guerre où sont indiqués en marge ceux devant être transmis aux assemblées des inspecteurs de l’infanterie et de la cavalerie296. Nombre de mémoires sont écartés, pour la plupart parce qu’ils ne traitent pas des questions devant être évoquées par ces comités, pour quelques uns en raison de leur réflexions jugées sans intérêt ou hétérodoxes. Un premier travail de sélection a ainsi été effectué, sans qu’il soit possible de déterminer s’il fut exécuté par les commis ou par des officiers généraux sollicités à titre individuel. Malgré ces exceptions, une centaine de mémoires sont retenus et envoyés pour examen aux comités. Apparaît ainsi clairement le rôle confié à ces derniers de juger et d’exploiter cette masse documentaire.
101Ce rôle essentiel se retrouve au demeurant dans le cadre du conseil de la Guerre établi en 1787. Un projet d’organisation du travail du comité sur les évolutions de la cavalerie révèle ainsi que le conseil de la Guerre a chargé ce dernier de lui rendre compte de l’ensemble des observations ayant été faites en la matière. Pour ce faire, le comité offre de confier à l’un de ses membres le dépouillement des différents mémoires dont il rendra compte au fur et à mesure. Le chevalier d’Estresse est proposé pour la tâche et l’on demande que sa nomination soit confirmée au plus vite, cette lecture exigeant un assez long travail297. Une pièce jointe au projet indique en effet que 17 mémoires ont été transmis au comité sur les évolutions avec un contenu allant de 8 à 84 pages et un total de plus de 500 pages à dépouiller. Parmi les auteurs, se trouvent tant des personnages occupant des fonctions importantes au sein de l’armée, tel que le duc de Castries, mestre de camp général de la cavalerie, le duc du Châtelet, lieutenant général, le comte de Custine, le duc de Liancourt ou le marquis de Toulongeon, maréchaux de camp, que de simples officiers particuliers comme Monsieur de Boisdeffre, major de Bourgogne-cavalerie298, ou d’Anglars, capitaine au Mestre-de-camp-cavalerie299. À la veille de la Révolution, si le rôle des commis n’a pas entièrement disparu, l’analyse des mémoires, produits pour l’essentiel par des militaires, est ainsi également effectuée en grande partie par les militaires eux-mêmes.
Le poids des mémoires
102« Le cardinal de Fleury riait de tous les projets qui lui étaient offerts ; et voilà tout ce qu’il pouvait répondre »300. À en croire Mercier, les « rêves politiques » envoyés au cardinal-ministre ne trouvaient que peu d’écho auprès de lui. Pour autant que cette assertion soit vraie, elle ne semble guère s’appliquer aux mémoires des officiers. Mesurer l’influence de chacun d’entre eux sur les réformes ministérielles est loin d’être évident. Nombre de ces documents ne possèdent ni annotations, ni commentaires permettant de connaître le jugement dont ils ont fait l’objet. L’analyse de leur réception montre néanmoins que si tous n’eurent pas une influence déterminante sur la marche des affaires, tous au moins furent lus et pris en considération. Le temps que demandait un tel dépouillement, des affirmations comme celle de Monteynard se disant persuadé de pouvoir y trouver des choses utiles301, témoignent du fait que ces écrits ne prêtaient pas seulement à rire. Même un mémoire aussi curieux que celui du sieur Relingue, ingénieur en chef, proposant d’équiper l’armée française à la macédonienne avec pique de fer, bouclier et casque, fit ainsi l’objet d’une analyse qui relève, très sérieusement, qu’une telle ordonnance paraît un peu pesante pour le soldat, le seul poids du bouclier atteignant les 20 livres302.
103Le fait que les mémoires aient été lus avec sérieux n’empêche d’ailleurs pas une large partie d’entre eux d’avoir fini aux oubliettes, en particulier parmi ceux envoyés spontanément. De fait, il est fréquent de retrouver des annotations plus ou moins laconiques telles qu’« il n’y a rien à tirer de ce mémoire. Tout ce qui serait bon est très connu et il y a beaucoup de raisonnement inutile »303, « ne vaut rien et ne mérite aucune attention »304, ou encore « rien à faire, seulement remettre le mémoire s’il est réclamé »305. Le principal reproche alors exprimé est celui du manque d’originalité, voire du simple plagiat306. Le mémoire n’apporte aucun élément nouveau qui puisse être mis à profit par l’administration militaire. Ce risque de répétition est alors d’autant plus fort que les mémoires parviennent au ministère dans des proportions croissantes à partir du ministère d’Argenson. Ainsi, ce n’est pas sans un certain agacement que le lecteur du Prospectus de Tableaux Encyclopédiques sur la guerre, envoyé par le baron de Maltzan en 1778, souligne qu’« on a déjà trop écrit sur ces objets » et « que l’on doit mettre un frein à toutes ces écritures qui tout au moins sont inutiles pour l’instruction, et qui tourne la tête des jeunes officiers, excitent leur prétentions et leur donne du dégoût pour les grades subalternes »307. Trop multipliés, les mémoires en viennent parfois à être considérés comme une gêne plutôt que comme un atout.
104Ces critiques n’empêchent pourtant pas certains mémoires de se distinguer. Aux remarques négatives répondent en effet les positives qui soulignent que le mémoire « contient quelques observations exactes »308, « quelques bonnes idées au travers de beaucoup de fatras »309 ou encore « des réflexions générales mais solides et sensées »310. Les listes des mémoires dressées en 1774 par les bureaux de la Guerre permettent surtout de constater l’intérêt réel suscité par les idées de nombre d’auteurs. Une large partie des textes alors recensés voient effectivement leurs propositions valorisées. Évaluer l’utilisation réelle ayant été faite des différents mémoires annotés positivement s’avère cependant difficile. D’autant qu’un certain nombre de commentaires peuvent autant renvoyer à un simple accessit accordé à l’auteur qu’à un intérêt véritable pour le fond du projet. À quoi s’ajoute le fait que la qualité d’un mémoire ne détermine pas seule la possibilité ou non de l’exploiter. Ainsi les moyens développés par le sieur Sylvestre de Bellonsus pour dresser les soldats sont-ils jugés très bons, et il aurait été souhaitable, affirme leur examinateur, de pouvoir les donner lorsque l’ordonnance sur l’exercice fut envoyée. Mais celle-ci ayant été adoptée il lui apparaît dès lors plus prudent de ne plus faire de changement, au risque de susciter du dégoût dans les troupes311. Comme toute innovation, l’application des projets des officiers dépend d’autres facteurs que ceux purement techniques, en particulier des choix politiques et des attentes de l’opinion312.
105Si une analyse d’ensemble s’avère impossible, divers exemples témoignent cependant d’une mise en œuvre concrète des idées défendues par certains mémoires. Ainsi apprend-t-on au détour des états de services de Chapuy de Tourville, capitaine d’infanterie, que son nouveau système de feu a été essayé au camp du Havre de 1756313. Baurans d’Orson, quant à lui, se voit reconnaître par Crémilles la primauté de l’invention d’une cadence graduée du pas. À en croire le lieutenant général, les différents travaux de l’aide-major furent employés au travail des inspecteurs-généraux pour régler les exercices et les évolutions de l’infanterie314. Le chevalier de Forbin, auteur d’observations sur le maniement des armes du 7 mai 1750315, connut pour sa part un succès encore plus prononcé. D’après le comte de Maillebois, il parvint en effet, « à force de peine et de géométrie », à composer un nouveau projet d’exercice qui fut envoyé comme instruction en 1753316. Ce que confirme le marquis de Brézé, son inspecteur, en rappelant à l’occasion de sa revue de 1753 que le chevalier de Forbin a travaillé depuis deux ans « avec une assiduité, un zèle et une intelligence peu commune aux plans et aux arrangements qui ont servi de base à l’instruction de l’infanterie, particulièrement pour ce qui regarde la formation du soldat »317. Sa capacité, ses talents, et son « imagination vive qui lui fait concevoir des projets qu’il est capable d’exécuter »318 permirent ainsi à ce simple major d’être le principal auteur de l’instruction du 29 juin 1753. Quelques années plus tard, le baron de Pirch, remporta le même succès. Le Mémoire raisonné sur les parties les plus essentielles de la tactique qu’il remit en 1773 au marquis de Monteynard, dans lequel il exposait le système des points de vue utilisé en Prusse, fut transformé presque textuellement en l’instruction du 11 juin 1774 sur l’exercice de l’infanterie319.
106Au sein d’une masse documentaire partiellement vouée à l’oubli, certains mémoires produits par des officiers de rang relativement modeste connurent donc un véritable succès et eurent une influence réelle sur les réformes menées. Ils confirment le fait « que l’on était disposé alors à puiser dans les différents mémoires […] tout ce qui pouvait concourir [au bien de l’État] et se trouvait susceptible d’exécution »320, et ce, quel que soit le grade de leur auteur321. Les mémoires les plus importants étaient critiqués, discutés, et donnaient parfois lieu à de véritables échanges entre leur rédacteur et divers officiers généraux, avant d’être éventuellement adoptés, tout ou en partie322. D’aucuns faisaient d’ailleurs l’objet de copies conservées par des particuliers, comme le marquis de Langeron, qui possédait plusieurs recueils de mémoires manuscrits parmi lesquels se trouvent ses écrits, mais aussi ceux de Keralio ou encore de Drummont de Melfort323. Ces documents constituaient ainsi pour le ministère et les comités d’officiers généraux un réservoir d’idées qu’il était toujours possible de mobiliser324. Au centre de ce travail d’exploitation de l’information, la notion de compétence était fondamentale. Elle légitimait la prise en compte de la parole des officiers, y compris celle des officiers subalternes.
107Considérés pour leur apport technique, les mémoires ne l’étaient cependant pas comme témoins d’une opinion militaire naissante. À ce titre, la dénonciation de certaines dispositions très impopulaires dans le corps des officiers, comme l’octroi de la lieutenance-colonel au mérite et non plus à l’ancienneté, la suppression de la possession de leur compagnie par les capitaines ou les coups de plat de sabre, fut sans effet325. Rançon de leur compétence administrative et technique, les hauts-fonctionnaires en charge des réformes de l’armée, comme ceux œuvrant au même moment à la réforme globale des institutions, firent en effet preuve d’une « faiblesse de la sensibilité politique »326, ce qui conduisit une partie des officiers à chercher dans d’autres supports le moyen d’exprimer leurs critiques et leurs aspirations.
Du manuscrit à l’imprimé
108Les mémoires techniques envoyés par les officiers au département de la Guerre et conservés dans la sous-série 1 M participaient des « mystères de l’État »327, savoir constitué au profit de la monarchie seule et de son administration. C’est à un travail de réforme interne qu’ils cherchaient à contribuer. S’il existait une indéniable circulation de ces écrits, soumis pour les plus intéressants d’entre eux à différents lecteurs, voire à une discussion au sein d’un comité d’inspecteurs, ce trafic restait contrôlé par le pouvoir lui-même. Il s’inscrivait ainsi dans les pratiques d’une monarchie absolue pour laquelle n’existait d’autre autorité légitime que celle du roi. Toute diffusion publique de documents touchant à l’administration du royaume était dans cette perspective infondée, et l’on sait le scandale que provoqua à ce titre la publication par Necker de l’état des finances de la monarchie328.
109Or, si le nombre des mémoires manuscrits augmente durant la seconde moitié du xviiie siècle, il est rejoint en cela par le fort accroissement de la production imprimée. Entre 1748 et 1789, plus de 125 titres concernant la littérature militaire sont publiés, un chiffre bien supérieur à celui des époques antérieures329. Depuis Enée le Tacticien, et bien que le Moyen Âge ait longtemps été considéré comme une période de déclin de la réflexion théorique, la rédaction d’ouvrages militaires n’avait jamais véritablement cessée en Occident330. La spécificité des Lumières ne tient donc pas à l’apparition d’une littérature imprimée, mais au formidable essor de cette dernière ainsi qu’à l’appel croissant à l’opinion publique. La discipline, la tactique, les châtiments, pour ne citer que ces exemples, deviennent les objets d’une libre discussion sous l’action d’officiers qui ne se contentent pas de mettre leurs compétences au service de l’État, mais qui s’efforcent de plus en plus d’obtenir les suffrages du public331. À la veille de la Révolution, une tension naissante s’affirme ainsi entre un registre de l’expertise, dominé par la présence du mémoire, et un appel au débat public à travers le recours à l’imprimé. C’est ce rapport entre deux registres d’écriture distinct qu’il convient d’analyser en dernier lieu, afin de mettre pleinement au jour la spécificité et les limites des mémoires techniques.
Manuscrits et imprimés : les fondements d’un essor commun
110À un siècle où triomphe la « fureur d’écrire »332, l’accroissement de la littérature militaire s’inscrit dans un contexte plus général de multiplication des imprimés en tous genres333. La veille de la Révolution est en effet marquée par une nette augmentation tant des livres produits que du lectorat, un phénomène dont l’analyse a déjà été largement menée334. L’essor de l’imprimerie, le recul relatif de l’analphabétisme, l’accroissement de la consommation forment autant de facteurs contribuant à expliquer une telle évolution. Elle trouve également son origine dans une volonté nouvelle de rendre compte de l’ensemble des savoirs humains. L’attention renforcée au déchiffrement scientifique du monde, qui explique en partie l’essor des mémoires manuscrits, participe aussi, à ce titre, à la multiplication des livres militaires335. Au fondement de ces deux types d’écrits se trouve un désir commun, celui d’investir un savoir militaire conçu comme une science à part entière336.
111Bien que le premier soit destiné au prince et le second au public, manuscrit et imprimé partagent ainsi un but commun : instruire337. Aux yeux de nombre d’auteurs, passer de l’un à l’autre n’implique donc guère plus que d’élargir leur auditoire. Le cas est notamment visible dans la genèse de l’Art de la guerre du maréchal de Puységur. Les parties sur les motions militaires et les marches furent en premier lieu rédigées sous forme de mémoires adressés respectivement au duc de Bourgogne et à Louis XV338. Ce n’est qu’ensuite que Puységur songea à former un corps de science militaire fixe et utile, dont la publication n’est d’ailleurs effectuée qu’après sa mort. Savoir initialement destiné au roi, le mémoire est transformé dans un second temps en livre mis au service du public. Ce passage du manuscrit à l’imprimé se retrouve pour différents ouvrages, comme le Traité des légions d’Hérouville de Claye, envoyé comme mémoire avant de paraître en 1753339, ou les réflexions sur la désertion de Flavigny, adressées à Choiseul avant d’être imprimées en 1768340.
112Deux situations méritent néanmoins d’être distinguées selon que la décision de publier le mémoire a été prise avant ou après son envoi au département de la Guerre. Dans le premier cas, outre le désir de faire part de ses connaissances au pouvoir, s’affirme fréquemment une démarche intéressée. Il s’agit pour l’auteur de devancer la censure et d’obtenir la caution ministérielle à l’égard du livre qu’il se propose d’imprimer, ainsi que de bénéficier d’une éventuelle aide financière à la publication. En adressant son manuscrit, Vaultier espère par exemple recevoir l’approbation du ministre, mais également « les moyens de le faire imprimer, ne pouvant par [lui-même] en faire la dépense »341. Si la démarche de ce commissaire d’artillerie échoue, le lieutenant-colonel Mondésir parvient pour sa part en 1780 à faire imprimer au frais du roi son manuel militaire342. De tels auteurs s’inscrivent dans une stratégie classique de recours au mécénat étatique qui perdure dans les premiers temps de la Révolution, même si l’instance ciblée n’est plus nécessairement le département de la Guerre. Dans une lettre adressée en 1790 au président de l’Assemblée nationale, Roullin de Launay demande ainsi que son mémoire y soit lu « et qu’elle en ordonnât l’impression si elle le juge digne de son attention »343. La décision d’imprimer le mémoire ne précède cependant pas toujours son envoi. Elle est parfois la conséquence de l’accueil favorable qui a pu lui être réservé. Barisien de Marne affirme à ce titre que l’approbation donnée par le ministre à ses réflexions l’incite à les rendre publiques et à en faire imprimer un exemplaire344. Dans un cas comme dans l’autre, le mémoire s’affirme néanmoins comme un « écrit pour instruire »345 dont la publication doit servir à l’édification des officiers, dans le cadre d’un travail mené sous le contrôle et au service de l’État346.
113Cet idéal commun de service du prince à travers la participation aux progrès et à la diffusion de la science militaire justifie, aux yeux de leur auteur, que le livre soit susceptible des mêmes gratifications que le mémoire. Dans une note adressée au duc de Choiseul, Lecointe souligne ainsi avoir composé plusieurs ouvrages militaires qu’il a eu l’honneur de présenter au roi et que les ennemis mêmes ont traduits ; travail pour lequel il n’a reçu aucune grâce, alors que plusieurs officiers en ont obtenues pour de semblables entreprises. Cette réclamation, jointe au fait qu’il n’a pas obtenu de pension au moment de sa réforme, lui vaut finalement la coquette somme de 1000 livres annuelles347. Source de récompenses, l’imprimé constitue par ailleurs le moyen par lequel certains officiers espèrent accélérer leur carrière, au même titre que le mémoire pour d’autres. Le phénomène est particulièrement flagrant chez Louis de Boussanelle, auteur prolixe ayant publié de multiples ouvrages militaires348.
114Dans son travail d’écrivain, cet officier ne fut pas conduit par le seul amour de la science ; l’ambition le guida également, comme en témoigne un étonnant poème où il lie sans vergogne ses travaux au désir de devenir colonel349. Une telle conception de l’écrit comme instrument de promotion se retrouve d’ailleurs dans le choix des dédicataires de ses deux premiers ouvrages. Il s’agit du marquis de Castries, mestre de camp général de la cavalerie, et du comte de Caraman, maréchal de camp350. Si le premier ne semble pas avoir eu de lien spécifique avec Boussanelle, le second contribua visiblement à sa formation et à sa nomination en 1761 au rang de mestre de camp351. Les publications de Boussanelle s’inscrivent ainsi à l’intérieur d’un système de patronage militaire mobilisé pour promouvoir ses travaux et favoriser sa carrière352. Une stratégie qui s’est avérée payante, comme l’auteur le reconnaît lui-même dans l’avant-propos de ses Réflexions, parues en 1764353. De fait, ses activités littéraires furent remarquées, puisque les observations portées sur lui en 1763 relèvent, outre son esprit, sa volonté et sa valeur, qu’il écrit également sur le militaire354. Par ailleurs, sa promotion deux ans plus tôt au rang de mestre de camp est non seulement liée à ses blessures reçues à Rossbach, mais aussi aux connaissances qu’il a acquises par une étude suivie de son métier355. Ses livres, tout du moins le premier, ne furent donc pas anodins dans son élévation356. Soulignons en outre que Boussanelle sut également mobiliser le registre des mémoires pour se faire connaître. Les archives du dépôt de la Guerre possèdent de lui au moins trois mémoires manuscrits, au demeurant beaucoup plus techniques que ses ouvrages imprimés357. Il se montra ainsi capable de conjuguer les effets, tant de la production de mémoires envoyés au ministre de la Guerre, que de celle d’imprimés destinés à l’ensemble de la communauté militaire, en particulier ses hauts gradés, pour faire reconnaître ses compétences.
L’appel à l’opinion publique
115Conçu comme un moyen d’instruire les officiers, l’imprimé pouvait être cautionné et même encouragé par le pouvoir. Il constituait le volet public d’un travail d’amélioration de la science militaire mené initialement dans le cadre des mémoires. Cette diffusion n’était cependant acceptable qu’à condition de na pas aller à l’encontre de la politique et des ordonnances royales358. Le ministère était notamment sensible aux dangers de la parution d’ouvrages pouvant disqualifier ses décisions, comme en témoigne le commentaire porté sur les Observations politiques du vicomte de Flavigny, qualifiées d’écrit :
outré, plein de sophisme et faux presque en tout point […] Tout ce que dit l’auteur est une déclamation insupportable. On espère qu’il n’a pas dessein de faire imprimer cet ouvrage qui serait un libelle contre l’administration et un libelle plein de faussetés démontrées359.
116La censure, exercée conjointement par le département de la Guerre et la Librairie360, guettait ainsi tous les livres, y compris ceux a priori anodins, comme le Montecuccoli de Turpin de Crissé, dont sont dénoncés les « principes de politique qui n’ont point de rapport aux objets militaires […] et que le gouvernement ne peut laisser imprimer »361. À ce titre, la fin du siècle voit en particulier se multiplier les interdictions, à l’image de celle qui frappe l’Essai général de Tactique de Guibert, jugé trop critique vis-à-vis de l’armée et de certains de ses principaux officiers, ce qui n’empêche d’ailleurs personne de le lire, ni l’ouvrage de servir grandement à la réputation de son auteur362. Le recours à un anonymat de circonstance et aux presses étrangères, ou du moins prétendues telles, permettent en effet une large circulation d’imprimés que la censure ne parvient pas à interrompre363.
117L’attention portée aux livres reste néanmoins d’autant plus importante que leur diffusion pose également la question du dévoilement de connaissances intéressant la sûreté de la monarchie. Substituer l’imprimé au manuscrit adressé au ministre n’est en effet pas sans risque. Si les réflexions de l’auteur sont justes, il ne convient pas nécessairement que l’ennemi en soit informé, si elles ne valent rien, elles ne peuvent que répandre de mauvais principes dans le corps des officiers. Comme le rappelle un auteur anonyme : « Le bon écrivain est fort indiscret et le mauvais est téméraire »364. Une affirmation que n’aurait pas désavouée Frédéric II, dont les principaux ouvrages sont transmis à ses généraux sous le sceaux du secret le plus absolu365.
118Pourtant, à une époque où les officiers, et avec eux les innovations militaires, circulent librement d’une armée à l’autre, la rupture du secret est de moindre conséquence que la remise en cause croissante de l’autorité monarchique qui l’accompagne366. Introduisant ses Fragments de tactique publiés en 1774, le baron de Mesnil-Durand affirme ainsi qu’il dirait bien « tout cela à [sa] Nation, et à deux ou trois de ses Amies, sans le dire en même temps à toutes les autres. Mais elle ne l’entendrait pas, si je lui disais à l’oreille »367. Bien qu’ils ne l’expriment pas ouvertement, de tels propos rejettent clairement le recours au mémoire comme moyen de réformer l’armée au profit d’une nécessaire publicité, seule à même de garantir la réception des idées de l’auteur, au risque d’informer l’ennemi de ses plans. L’oreille à laquelle Mesnil-Durand fait allusion est en effet celle du ministre, dans laquelle il n’a que peu confiance. Quelques pages plus loin, il nous apprend de fait que deux des six mémoires présentés dans son ouvrage ont été rédigés dès 1766, peu après la publication de l’ordonnance sur l’exercice, et qu’il prévoyait de les adresser au duc de Choiseul. Il y renonça néanmoins au motif :
que le ministre n’aurait pas assez de loisir pour les examiner lui-même, qu’il devait être ennuyé des changements, que je [Mesnil-Durand] n’étais point au nombre des faiseurs, que cette production d’un homme à système serait une vision. En un mot je revins à mon idée habituelle, que tout ouvrage de science et susceptible de discussion, s’il a la fantaisie de se produire, ne doit pas se montrer à huis clos, mais tout bonnement se présenter au public […] qui finit toujours par mettre chacun à sa place368.
119La même défiance à l’égard de toute circulation interne des idées se retrouve sous sa plume quelques mois plus tard, dans un mémoire manuscrit pouvant être daté de 1776, où il affirme à nouveau que :
les vraies lumières sont dans les écrits publics ; où la vérité se montre à découvert où le mensonge craint d’être surpris. Les mémoires secrets, les projets particuliers, ne sont guères que l’ouvrage des esprits adroits et intéressés, qui s’insinuent dans les cabinets des administrateurs, par des routes obscures, obliques, et détournées369.
120La position tranchée de Mesnil-Durand ne doit pas tromper. Il fut un des premiers à s’efforcer d’obtenir la reconnaissance de ses travaux par le pouvoir370. S’il décide dès 1755 de faire imprimer son premier ouvrage, le Projet d’un ordre français, au motif qu’il était trop long pour n’en faire que de simples mémoires manuscrits, il se tourne immédiatement vers le comte d’Argenson pour obtenir l’examen de ce livre et l’essai des idées tactiques qu’il contient. La disgrâce du ministre intervient néanmoins avant qu’une telle expérience n’ait pu avoir lieu. Mesnil-Durand se tourne alors avec résolution vers les divers successeurs du comte afin que soient essayées ses plésions, colonnes d’infanterie qu’il oppose aux tenants de l’ordre mince371. Ce n’est cependant qu’en 1778, lors du camp de Vaussieux, que ses propositions sont finalement mises en œuvre et confrontées au modèle linéaire dominant. Ce délai explique son amertume à l’encontre d’un pouvoir qui ignora si longtemps ses idées, alors même qu’elles étaient soutenues par différents officiers généraux, dont le maréchal de Broglie. S’ajoute à cela le sentiment de n’avoir pas été récompensé à hauteur de ses mérites. Espérant le brevet de colonel dès la fin des années 1750, il n’obtient que péniblement une commission de capitaine à la suite en 1760, celle de lieutenant-colonel en 1765 et celle de colonel en 1767. Outre qu’elles interviennent trop tard à ses yeux, ces diverses commissions ne lui octroient aucun grade effectif. Ayant commencé sa carrière comme ingénieur avant de quitter cette fonction en 1753 pour se consacrer à ses écrits, Mesnil-Durand est en effet dépourvu d’emploi réel depuis cette date. Lorsqu’il publie ses Fragments, en 1774, et bien qu’il ait été employé pour différentes missions372, il n’exerce donc aucun commandement effectif. Il cherche dès lors naturellement dans le public une reconnaissance et une consécration que les ministres s’obstinent d’après lui à lui refuser. Cette déception contribue par ailleurs à expliquer sa décision de ne pas adresser ses mémoires au duc de Choiseul en 1766, bien que dans ce dernier cas sa situation personnelle ait également joué. En effet, son principal protecteur, le maréchal de Broglie, est alors toujours la victime de la disgrâce dont il fut l’objet en 1762373. Si Mesnil-Durand, qui fut initialement inclus dans ce discrédit, a réussi à se disculper grâce au maréchal d’Estrées et au prince de Beauvau, il ne peut cependant compter en 1766 sur l’appui du duc pour soutenir ses projets auprès de Choiseul. Sans protecteur puissant, l’espoir de voir triompher ses idées contraires à l’ordre tactique dominant est dès lors ténu.
121Au-delà de sa déception et des déboires de son principal protecteur, un autre motif justifie cependant le choix fait par Mesnil-Durand de recourir en 1774 à l’imprimé plutôt qu’au mémoire : l’Essai général de tactique que le comte de Guibert vient de publier en 1772. C’est pour répondre à ce dernier, dont le livre rudoie sans ménagement les faiseurs de système, au premier rang desquels Mesnil-Durand, que le baron se décide notamment à recourir à la publication374. Dans les années 1770, la querelle tactique entre ordre profond, défendu par Mesnil-Durand, et ordre mince, prôné par Guibert, prend en effet la tournure d’un véritable débat national échappant en large part au ministère. C’est ainsi bien en vain que le comte de Saint-Germain demande en 1775 au comte de Broglie, frère du maréchal, de recommander à Mesnil-Durand « d’attendre avec plus de tranquillité le jugement que Sa Majesté portera […] et de s’abstenir de répandre dans le public des écrits qui peuvent déplaire et avoir des suites désagréables pour lui »375. La décision royale importe désormais moins aux yeux des auteurs engagés dans cette querelle que celle du public, comme en témoigne la parution en 1779 de la Défense du système de guerre moderne du comte de Guibert. Alors que le camp de Vaussieux, tenu en 1778, voit le triomphe de ses idées, ce dernier ressent néanmoins le besoin de faire publier, un an plus tard, un traité exposant la justesse de l’ordre mince. L’avant-propos de l’ouvrage en justifie l’impression au nom de la nécessité de rallier au parti vainqueur le maréchal de Broglie, resté partisan de l’ordre profond malgré les expériences du camp. Au-delà de la personne du maréchal, c’est cependant le public dans son ensemble que Guibert vise, ce public sous les yeux duquel il dit vouloir « mettre toutes les pièces de ce grand procès »376. Au moment même où les tribunaux tendent à se transformer en arène politique, le choix d’une telle métaphore juridique ne saurait être considérée comme anecdotique377. Elle témoigne du glissement que connaît alors la question tactique du domaine régalien vers la sphère publique378.
122Cette question n’est d’ailleurs pas la seule que les militaires exposent à leurs contemporains. La peine de mort infligée aux déserteurs en vertu de l’ordonnance du 2 juillet 1716 fait également l’objet d’un vif débat dans les années 1760-1770379. Pour défendre le soldat contre une peine de plus en plus critiquée, les officiers savent manier la plume à côté des écrivains. Les Loisirs d’un soldat des gardes françaises, attribués à Ferdinand Desrivières, soi-disant soldat-auteur, sont ainsi probablement écrits par les officiers des gardes françaises qui ont vite compris les avantages qu’ils pouvant être tirés des nouveaux modes d’expression380. Plus largement, l’opinion publique s’affirme dans la seconde moitié du xviiie siècle comme une autorité concurrente de celle de l’État et le livre comme un moyen alternatif au mémoire pour faire triompher ses opinions. En 1752, le capitaine Douazac fait ainsi paraître une Dissertation sur la subordination dont le comte d’Argenson rapporte qu’elle tend à montrer qu’il en faut peu ou point381. À l’en croire, son auteur, « caractère singulier et rempli d’humeur » était ennemi de toute discipline, en particulier de celle de son colonel, le marquis de Lugeac382. De fait, Douazac y dénonce les abus d’une subordination excessive que certains officiers généraux mettraient en œuvre afin de compenser leur manque de charisme personnel383. Terminant son ouvrage, le capitaine annonce avoir déployé tous ses efforts pour faire parvenir ces abus à la connaissance de ceux qui peuvent y remédier384. Or, Douazac avait déjà envoyé, quelques années plus tôt, un mémoire sur les évolutions militaires385. Sa décision de se tourner vers l’imprimé résulte probablement du peu de cas que le ministère avait fait de son manuscrit, en même temps qu’elle témoigne de sa conviction que le public constitue une autorité pouvant être opposée à celle des bureaux de la Guerre.
123Cette assimilation de l’opinion publique à une autorité supérieure à celle des bureaux et des comités d’officiers généraux se radicalise dans les années précèdant la Révolution, alors que les décisions du ministère sont de plus en plus ouvertement contestées et que s’aiguisent les frustrations de nombreux « Rousseaux du ruisseau » militaires386. L’avis précédant le Mémoire sur l’éducation et la discipline militaire de Charleval, paru en 1785, fait ainsi figure de véritable déclaration de guerre. L’éditeur y annonce qu’un exemplaire a été envoyé à ces Messieurs du comité militaire387. Ils pourront, nous dit-il, « tirer quelques idées d’un ouvrage très éloigné du système qu’ils ont adopté »388. Certes, poursuit-il, tout le monde ne sera pas satisfaisait de la publication de cet opuscule, mais l’ouvrage a l’armée entière pour lui, excepté quelques maréchaux de France, qui n’en font pas une partie très essentielle. La dernière promotion a en effet donnée de l’indifférence pour le bâton de maréchal en y nommant Ségur et Castries qui ne sont que deux sots389. Les premiers mois de la Révolution voient s’accentuer un tel transfert de légitimité du pouvoir vers le tribunal de l’opinion. Dans la troisième édition de son De l’esprit militaire, parue en 1789, Leissac rappelle ainsi qu’à sa première publication en 1783, son livre fut proscrit sévèrement par le ministre sur l’opinion de la personne chargée de l’examiner390. Néanmoins, affirme-t-il :
ce qui doit avoir plus de poids que l’opinion personnelle de l’examinateur, sur laquelle un ministre trompé le condamna, c’est celle du public qui l’a absous et qui même a paru l’estimer391.
124L’aval du prince Henri de Prusse, du maréchal de Broglie et de Turpin de Crissé constituent à ce titre les garanties que l’auteur offre de son travail392.
125Dans les dernières années de l’Ancien Régime, les officiers assimilent de plus en plus l’opinion au moyen d’acquérir une renommée que la production de mémoires ne permet pas nécessairement d’obtenir393. Le public s’affirme également pour eux comme une autorité conjointe, et progressivement concurrente, à celle de l’État394. Une importance que le pouvoir lui-même tend d’ailleurs à lui reconnaître à la veille de la Révolution. Dans une note portant sur son travail, le conseil de la Guerre annonce ainsi avoir détaillé dans les préambules de ses ordonnances les idées nouvelles qu’il se proposait d’introduire, au titre que :
dans un siècle de lumière et de raisonnement, on ne commande pas aux opinions par de simples actes de volonté dépourvus de motifs et des principes nouveaux ont besoin d’être présentés avec les raisons qui les ont fait adopter395.
126Cette importance nouvelle accordée au public ne remet cependant pas en cause le rôle reconnu par la plupart des auteurs à la compétence technique. L’opinion prise en considération est en effet essentiellement celle des militaires396. Pour l’éditeur des écrits de Charleval, comme pour Leissac, la valeur des travaux qu’ils présentent réside ainsi dans l’intérêt que leur portent l’armée et certains de ses plus hauts représentants. Cette position rejoint la proposition de création d’une académie militaire défendue au même moment par nombre d’officiers397. Conçu comme un moyen de favoriser l’instruction et l’émulation, ce projet s’inscrit à l’intérieur d’une nouvelle ingénierie du mérite caractéristique des Lumières398. Il doit permettre d’associer à la production d’idées neuves une récompense certaine et donc de lier le bien public et l’ambition individuelle. Mais il atteste également de la conviction que seuls les militaires réunis en corps sont à même de trancher les questions intéressant l’organisation et la constitution de l’armée.
127Cette certitude apparaît en dernier lieu dans la synthèse que l’article « mémoire » de l’Encyclopédie méthodique donne de la question399. Servan y propose de former une académie destinée à juger de la qualité des travaux des officiers. Les mémoires stratégiques, dont le contenu ne doit pas être divulgué afin d’éviter d’en donner connaissance à l’ennemi, verront néanmoins leur auteur publiquement récompensés. Ceux simplement utiles à l’instruction seront pour leur part imprimés. Au-delà de ces modalités en matière de récompense, l’essentiel réside cependant dans le choix des examinateurs. Ceux-ci, souligne Servan, ne seront en aucun cas les commis de la Guerre, qu’il tient en aversion. Seuls les pairs des officiers sont en effet à même de juger de leur production. C’est à eux qu’il revient naturellement d’évaluer le mérite des auteurs et de leur accorder une récompense bien supérieure aux grades et aux pensions distribués par le département de la Guerre : l’admiration du public.
128À la veille de la Révolution, ce n’est donc pas l’idée d’un monopole des militaires en matière d’expertise qui est remis en cause, mais celle du droit du département de la Guerre à décider exclusivement des réformes de l’armée. À des mémoires dont la valeur est évaluée par la seule administration militaire s’opposent dès lors des imprimés qui fondent dans l’affirmation d’une opinion publique militaire leur légitimité400.
Notes de bas de page
1 L. S. Mercier, « Rêves politiques », Tableau de Paris, t. vi, Amsterdam, s.n., 1783, p. 126-130.
2 « Mémoire », dans Encyclopédie méthodique, Art militaire, t. iv, Paris, Agasse, 1797, p. 769-771.
3 Pour donner un ordre de grandeur, la rubrique « organisation et tactique » de la sous-série 1 M (cartons 1 M 1701 à 1 M 1718) ne contient qu’un seul carton pour la période 1589-1732, deux pour la période 1733-1749, et 15 pour 1750-1792.
4 Cartons 1 M 1701-1789 : sur leur place exacte dans la sous-série, voir infra.
5 V. Milliot (dir.), Les mémoires policiers, 1750-1850 : écritures et pratiques policières du siècle des Lumières au Second Empire, Rennes, PUR, 2006, C. Denys, B. Marin, V. Milliot (dir.), Réformer la police : les mémoires policiers en Europe au xviiie siècle, Rennes, PUR, 2009, et P. Brouillet, La Maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, thèse de doctorat, EPHE, 2002. Voir aussi V. Denis, Une histoire de l’identité : France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008, p. 90-98.
6 J.-P. Genet, « L’État moderne : un modèle opératoire ? », dans Id. (dir.), L’État moderne, genèse : bilans et perspectives. Actes du colloque tenu à Paris les 19-20 septembre 1989, Paris, CNRS, 1990, p. 270. Sur l’affirmation de cette production écrite que Joël Cornette qualifie de « mémoire de l’État », voir : J. Cornette, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand siècle, Paris, Payot, 2000 [1re édition : 1993], p. 169-173.
7 Voir pour une approche générale L. Trénard, Les Mémoires des intendants pour l’instruction du duc de Bourgogne (1698) : introduction générale, Paris, Bibliothèque nationale, 1975 et E. Esmonin, Études sur la France des xviie et xviiie siècles, Paris, PUF, 1964, p. 113-130. Pour un exemple d’enquête antérieure, voir M. Morineau, « L’Enquête du surintendant d’Effiat, 1630 », dans Mélanges offerts à Jacques Dupâquier, Paris, PUF, 1993, p. 407-422 et Id., « La marine de commerce française de Colbert à Seignelay », dans J. Cornette, H. Méchoulan (dir.), L’État classique, 1652-1715, Paris, Vrin, p. 239-259. Pour une synthèse sur la question des enquêtes et du dénombrement des populations : E. Brian, La mesure de l’État. Administrateurs et géomètres au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1994, p. 153-179.
8 M. Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1991, p. 321-322, et pour le cas spécifique de l’armée : L. Laugier, Un Ministère réformateur sous Louis XV : le Triumvirat, 1770-1774, Paris, la Pensée universelle, 1975, p. 565-570.
9 Pour un bilan : D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1999, p. 11-38.
10 L’expression est reprise de Catherine Denys : C. Denys, B. Marin, V. Milliot (dir.), Réformer la police…, op. cit., p. 12.
11 La conquête de la Corse comme la participation française à la guerre d’Indépendance américaine ne mobilisent qu’une partie des effectifs de l’armée.
12 Nous reprenons la notion d’« écrits au pouvoir » de la journée d’étude organisée par Antoine Lilti et Jean-Luc Chappey : Écrits au pouvoir. Enjeux, pratiques et acteurs, Journée d’étude tenue à l’université Paris 1 le 23 juin 2010.
13 Sur la remise en question du mémoire comme genre littéraire, voir en particulier : C. Jouhaud, D. Ribard, N. Schapira, Histoire, Littérature, témoignage. Écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, 2009, p. 23-88.
14 Pour la présentation générale du fonds, voir l’introduction de Bertrand Fonck et Michel Roucaud.
15 Sur le mythe de la fondation du Dépôt de la guerre par Louvois : T. Sarmant, « Mars archiviste : Département de la guerre, Dépôt de la guerre, archives de la guerre, 1630-1791 », Revue historique des armées, 222 (2001), p. 113-123.
16 L. André, Michel Le Tellier et l’organisation de l’armée monarchique, Genève, Slatkine Reprints, 1980 [1re édition : 1906], p. 647-648.
17 J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État à la guerre et ses bureaux », RHA, 162 (1986), p. 88-98, et T. Sarmant, « Mars archiviste… », op. cit.
18 1 M 1 à 1 M 943 pour les premiers et 1 M 944 à 1 M 1700 pour les seconds : L. Tuetey, « Avertissement », dans Manuscrits des archives du ministère de la guerre, Paris, Plon, 1912, p. i-iv et J.-C. Devos, M.-A. Corvisier de Villèle (dir.), Guide des archives et de la bibliothèque du service historique, Château de Vincennes, 2001, p. 161-190.
19 Une quatrième catégorie réunissant les cartons 1 M 2119-2404 constitue pour sa part un supplément composé de documents entrés par voie extraordinaire et dont la constitution comme fonds distincts a été respectée.
20 Ces mêmes mémoires techniques ont été pour leur part classés de manière thématique au cours du xixe siècle.
21 Sur le classement progressif du fonds, encore mal connu, voir notamment : J.-C. Devos, M.-A. Corvisier de Villèle (dir.), Guide des archives…, op. cit., et M. Roucaud, « Le dépôt de la Guerre sous le consulat et l’Empire. De la conservation à la documentation », dans Napoléon Bonaparte. Correspondance générale publiée par la Fondation Napoléon, t. vi, Vers le grand Empire, Paris, Fayard, 2009, p. 1319-1328.
22 En ce qui concerne l’appellation de « technique », elle doit être considérée par opposition à celle d’historique qui qualifie les mémoires retraçant les opérations passées. Les mémoires dits techniques s’intéressent pour leur part à tout ce qui touche à l’organisation et au fonctionnement de l’armée.
23 Ce qui vaut aussi pour la désignation plus large de « mémoires relatifs à l’organisation, l’administration et l’art militaire », pour les cotes 1 M 1701 à 1 M 2118.
24 Par ailleurs, si les « mémoires techniques » contiennent des pièces de nature variée qui ne se réduisent pas au « mémoire », soulignons que l’ensemble des mémoires produits par les militaires n’est pas entièrement contenu dans la seule sous-série 1 M. Nombre de ces documents sont conservés dans d’autres séries, en particulier dans la sous-série A1, dans la sous-série Ya, dite des archives administratives, mais aussi dans des sous-séries plus surprenantes comme la sous-série Xb des archives régimentaires. On en trouve par ailleurs tant dans des fonds privés que dans d’autres bibliothèques, comme celle de l’Arsenal.
25 Le même phénomène se retrouve dans d’autres secteurs de l’administration, en particulier pour les mémoires policiers, voir à ce sujet V. Milliot, « Écrire pour policer : les “mémoires” policiers, 1750-1850 », dans Id., Les mémoires policiers, op. cit., p. 15-40.
26 Comparer par exemple : SHD, GR 1 M 1709, Rochambeau (comte de), Observation sur l’ordonnance de la nouvelle formation de l’infanterie, s.d., 44 et SHD, GR 1 M 1709, Guerchy (comte de), Observations de M. le comte de Guerchy sur le projet de règlement que le roi veut qui soit exécuter dans tous les régiments de son infanterie française, 1760, 12, pour les premiers, et SHD, GR 1 M 1705, Baurans d’Orson, Observations militaires sur les exercices et le feu de l’infanterie, 1753, 24 et SHD, GR 1 M 1711, Plantade (de), Réflexions militaires, 1766, 27, pour les seconds. Soulignons par ailleurs la présence dans certains cas de deux versions inégalement présentées d’un même mémoire, par exemple : SHD, GR 1 M 1725, Filhol, Maximes pour rendre la cavalerie française supérieure à l’étrangère sans en augmenter la dépense ou « École de cavalerie », 1753, 11, et Id., Maximes pour rendre la cavalerie française supérieure à l’étrangère pendant la guerre, 1753, 11 et 11bis. Ces doublons peuvent s’expliquer par la provenance depuis deux fonds distincts d’un même mémoire adressé sous une forme différente à deux destinataires. Il est possible également qu’ils soient le produit d’un travail de mise au propre effectué dans les bureaux de la Guerre, afin de pouvoir soumettre le mémoire en question à un examinateur chargé de le lire et de l’annoter.
27 Le recours à des illustrations se retrouve en particulier pour les mémoires ayant trait aux évolutions ou aux exercices, voir entre autres SHD, GR 1 M 1713, Boulard, Manière de faire tirer trois rangs de soldats sans que le premier mette genou à terre, 1774, 35 ou SHD, GR 1 M 1706, Constantin de Marans, Essai sur le service et l’état actuel de l’infanterie, s.d., 4.
28 Prévoyant, l’auteur du Mémoire raisonné sur la situation militaire du royaume… indique ainsi avoir fait son mémoire à mi-marge « afin que l’on puisse noter les choses qui paraîtront mériter attention » : SHD, GR 1 M 1714, Mémoire raisonné sur la situation militaire du royaume, relativement à son gouvernement politique, où sont traités les moyens que l’on croit les plus propres à assurer une constitution militaire vraiment solide, s.d., 23.
29 Le record en la matière est détenu par le mémoire du chevalier de Chabo qui, avec ses 1582 pages, occupe un carton à lui seul : Chabo (chevalier de), Mémoire du chevalier de Chabo sur la cavalerie, s.d.
30 Voir le cas du comte de Beaujeu qui n’hésite pas à transmettre au comte d’Argenson ses échanges de lettres avec un personnage que la décence lui interdit de nommer. Beaujeu espère que cet envoi montrera à d’Argenson, outre ses capacités militaires, son désir de servir utilement le roi quand il plaira au ministre de l’employer : SHD, GR 1 M 1707, Débat entre le comte de Beaujeu et le chevalier de ***, 1754, 47-50.
31 V. Milliot, « Écrire pour policer… », op. cit., p. 20-21.
32 D. Roche, Le Siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, EHESS, 1989, cité par V. Milliot, « Écrire pour policer… », op. cit., p. 21.
33 L’hétérogénéité de la sous-série 1 M rend cependant parfois difficile la distinction entre texte normatif et mémoire dans la mesure où certains documents intitulés « règlement » ou « instruction » peuvent aussi bien renvoyer à un texte réglementaire qu’à un simple projet proposé par un officier ou un particulier.
34 C. Denys, B. Marin, V. Milliot, « Introduction », dans Id., Réformer la police…, op. cit., p. 7-18, voir p. 7.
35 « Mémoire », dans Encyclopédie méthodique, op. cit.
36 Cette définition n’est cependant pas exempte de limites. La sous-série 1 M étant fortement lacunaire en raison de pertes liées à des choix de conservation ou à des destructions accidentelles, il est en effet parfois difficile de considérer comme mémoire un document dépourvu de pièces annexes éclairant son contexte de production. Pour ne donner qu’un exemple, un « Projet d’ordonnance » peut aussi bien être la minute d’une ordonnance effectivement adoptée qu’un véritable projet proposé par un particulier.
37 Soulignons par ailleurs que la présence d’une lettre d’accompagnement peut être plus trompeuse qu’utile. De fait, certaines d’entre elles ont pu être jointes artificiellement à un mémoire par l’archiviste. Pour ne citer qu’un exemple, celui du lieutenant réformé Maccaferri qui annonce dans sa lettre un traité sur les évolutions en italien et dont le mémoire qui lui est associé est en français : Voir SHD, GR 1 M 1705, Méthode pour former une troupe, s.d., 25-29.
38 Les noms rapportés en marge sur les mémoires doivent par ailleurs être pris avec précaution car ils peuvent renvoyer à la personne qui ayant le mémoire et non à son auteur. En 1 M 1733 se trouve ainsi un mémoire attribué par une annotation à Boisdeffre, ancien lieutenant-colonel de Dauphin. L’auteur serait donc René-Jean Le Mouton de Boisdeffre, qui fut lieutenant-colonel de Dauphin-cavalerie en 1774-1782. Il s’agit en fait d’une version manuscrite des Principes de cavalerie de Jean-François Le Mouton de Boisdeffre, un de ses fils. Le mémoire a probablement simplement été remis par son père, René-Jean et non rédigé par lui : SHD, GR 1 M 1733, Boisdeffre, Mémoire concernant l’instruction du cavalier, 1781, 53 et J.-F. Boisdeffre, Principes de cavalerie, Paris, Didot, 1788. Un double manuscrit du livre se trouve également en : Bibliothèque de l’Arsenal (BA), Ms 3245, Mémoire concernant l’instruction d’un régiment de cavalerie, s.d. Sur la famille de Boisdeffre, voir : G. de Contades, « Une famille de soldats. La maison de Boisdeffre », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, xv (1896), p. 405-416.
39 Sur le détail de la constitution du corpus et de son traitement, voir plus particulièrement : A. Guinier, L’honneur du soldat. La discipline militaire en débat dans la France des Lumières (ca 1748-ca 1789), thèse dactylographiée, université de Poitiers, 2012.
40 Sur l’ensemble de notre échantillon, 15 auteurs seulement sont extérieurs à la hiérarchie militaire. Cette proportion est néanmoins peut-être sous-évaluée en raison de la nature des cartons qui ont été dépouillés dans le cadre de nos recherches qui concernaient avant tout les questions de tactique, formation, discipline et police. Pour le détail, voir : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., p. 49-50.
41 S. Gibiat, La militarisation des commissaires des guerres à la fin de l’Ancien Régime (1767-1791). Étude prosopographique, institutionnelle et sociale, thèse dactylographiée, École des chartes, 1996, p. 177-181.
42 A. Buot de l’Epine, « Les bureaux de la Guerre à la fin de l’Ancien Régime », Revue historique de droit français et étranger, 99 (1976), p. 533-558.
43 S. Gibiat, Hiérarchies sociales et ennoblissement : les commissaires des guerres de la Maison du roi, 1691-1790, Paris, École des chartes, 2006, p. 157-163.
44 A. Blanchard, « Le corps des ingénieurs du génie, évolution et missions », dans A. Corvisier (dir.), Histoire militaire de la France, Paris, PUF, 1992, t. ii, p. 129-150.
45 M. Lucenet, Les problèmes de santé dans l’armée de terre française au xviiie siècle, thèse dactylographiée, université Paris 4, 1986.
46 Ainsi, un personnage comme d’Echeverry souligne-t-il avoir servi dans les fourrages des armées, dans un emploi supérieur selon ses propres dires, et être fils d’un trésorier général de l’armée des Pyrénées : SHD, GR 1 M 1783, d’Echeverry, lettre au Ministre du 19 janvier 1776, 1776, 125. Joubert de Marcroix, pour sa part, met en avant son ascendance − il se dit fils d’officier de cavalerie − son expérience comme volontaire au cours de la guerre de Succession d’Autriche et les missions qu’il a effectuées en matière de remontes et pour l’entreprise des boucheries de l’armée : SHD, GR 1 M 1709, Joubert de Marcroix, Projet concernant le service militaire, 1761, 23.
47 SHD, GR 1 M 1783, d’Echeverry, Projet pour punir sévèrement les déserteurs, en leur conservant la vie sans constituer le roi en aucune dépense, au contraire en procurant à sa majesté une grande économie, 1776, 238 et SHD, GR 1 M 1709, Joubert de Marcroix, Projet…, op. cit. Pour un autre exemple : SHD, GR 1 M 1784, L. Serrier, Projet pour diminuer la désertion des soldats sans augmentation de dépense au compte du roi, ni sans jeter aucun nouvel impôt sur le peuple, cotisé à la taille et à la subvention, s.d., 24.
48 Une audace qui n’est du reste que peu appréciée comme en témoigne la critique acerbe faite à la méthode pour le maniement des armes de l’infanterie présentée par le sieur Leroux. On y lit que « l’auteur de cette méthode aurait pu s’épargner la peine de dire qu’il n’est pas militaire, car il était impossible de ne pas s’en apercevoir à la proposition ridicule qu’il fait, et qui ne mérite d’autre réponse que celle-ci ne ultra calcidem sutore » : SHD, GR 1 M 1710, Réponse à la nouvelle méthode ci-jointe pour le maniement des armes de l’infanterie, 1765, 96.
49 V. Milliot, « Écrire pour policer… », op. cit., p. 16.
50 SHD, GR 1 M 1711, Vial, Ouvrage sur l’état militaire contenant différentes dispositions relatives au bien du service de l’armée française, s.d., 100. Il est à noter que ce dernier fait véritablement parti de la catégorie des faiseurs de projets puisqu’il a écrit plusieurs mémoires sur la religion, l’armée et les finances du royaume : SHD, GR A1 3753, pièces no 193-194. On trouve aussi en 1 M 1715 une lettre de Lappel, soldat au régiment de Flandres, qui propose d’exposer ses idées sur l’attaque des fortifications et le duel : SHD, GR 1 M 1715, Lappel, Lettre au ministre, s.d., 7.
51 Pour une tentative d’évaluation du degré d’alphabétisation des soldats : A. Corvisier, L’armée française de la fin du xviie siècle au ministère Choiseul. Le soldat, Paris, PUF, 1964, p. 497-498.
52 Sur le désintérêt apparent des soldats pour les questions théoriques : J. Chagniot, Paris et l’armée au xviiie siècle : étude politique et sociale, Paris, Economica, 1985, p. 510. Quelques-uns n’hésitaient pourtant pas à rédiger des mémoires sur l’exercice, voir par exemple le cas de Thomas, soldat aux gardes françaises : SHD, GR Ya 450 : Note concernant le sieur Thomas du 9 avril 1769.
53 Au sens étroit, l’expression « officier particulier » renvoie à l’époque aux grades allant du sous-lieutenant au capitaine. Au sens large, qui est celui que nous lui donnons ici, il inclut également ceux de major et de lieutenant-colonel, le colonel occupant une place à part entre ces officiers particuliers et les officiers généraux.
54 Cet établissement permanent, composé pour l’essentiel d’officiers généraux choisis pour leur compétence, est destiné à apporter au chef du département de la Guerre « les idées et les secours de plusieurs militaires éclairés » : SHD, GR X1 62, Règlement fait par le roi, portant établissement d’un conseil d’administration du Département de la guerre sous le titre de Conseil de la guerre du 9 octobre 1787. Voir par ailleurs : R. Blaufarb, « Le conseil de la guerre (1787-1788) : aspects sociaux de la réforme militaire après l’édit de Ségur », RHMC, 43/3 (1996), p. 446-463.
55 C. Opitz-Belakhal, Militärreformen zwischen Bürokratisierung und Adelsreaktion. Das französische Kriegsministerium und seine Reformen im Offizierskorps von 1760-1790, Sigmaringen, Jan Thorbecke Verlag, 1994, p. 22.
56 Voir par exemple : SHD X1 35, Instruction sur l’exercice de la cavalerie du 29 juin 1753, SHD X2 13, Instruction sur l’exercice de la cavalerie du 14 mai 1754, ou encore : SHD X1 36, Projet d’instruction sur l’exercice de l’infanterie du 14 mai 1754. Ces différents règlements autorisent ou évoquent l’autorisation donnée aux commandants de camp de recevoir les observations des officiers et aux commandants de corps de faire leurs observations. Certains auteurs revendiquent ouvertement cette autorisation comme justification de leur mémoire, voir par exemple SHD, GR 1 M 1706, Lugeac, Observations sur les exercices de l’infanterie, s.d., 126. À partir du ministère de Choiseul une telle permission n’est plus formulée explicitement. Ce n’est qu’avec le conseil de la Guerre que les commandants de province de division et de régiment sont à nouveau explicitement sollicités, voir entre autres BNF, F4771 (60), Instruction provisoire arrêtée par le roi concernant l’exercice et les manœuvres de l’infanterie, du 20 mai 1788. Notons néanmoins que les ministres continuent de recourir largement aux instructions provisoires, ces instructions ayant toujours pour but de permettre aux officiers de faire leurs remarques et observations, comme l’atteste par exemple une note des inspecteurs de 1774 : SHD, GR Ya 166, Travail du roi à la Muette le 11 juin 1774. Il est possible de supposer que, sans renoncer à la possibilité de solliciter les militaires, la monarchie se soit efforcée de restreindre l’ampleur de la consultation en retirant des préambules de ses ordonnances une allusion trop explicite au rôle de la vox populi. Une telle mesure devait permettre de limiter le sentiment de liberté des officiers vis-à-vis de règlements qui malgré leur caractère provisoire avaient néanmoins force de loi.
57 Ce mode de consultation est déjà présent sous d’Angervilliers : BA, Ms 6032, Recueil de pièces relatives à l’armée et à l’administration militaire, f° 61-62.
58 Sur Guibert, voir entre autres : M. Lauerma, Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert (1743-1790), Annales Academiae Scientiarum Fennicae, série B, 229, 1989, L. Poirier, Guibert (1743-1790), Paris, Fondation pour les études de défense nationale, 1977 et E. Groffier, Le stratège des Lumières : le comte de Guibert (1743-1790), Paris, Champion, 2005.
59 SHD, GR 1 M 1705, Saint-Herem, Observations sur les nouvelles évolutions de l’infanterie, 1753, 32.
60 Comparer à ce titre l’affirmation de Lecointe qui dit envoyer son projet à la demande de Choiseul et la correspondance du ministre qui révèle que celui-ci s’est contenté d’autoriser le capitaine à lui présenter ses idées, à la requête de Lecointe lui-même : SHD, GR 1 M 1709, Lecointe, Projet d’un code sur les délits militaire, 1764, 59 et SHD, GR A4 38, Lettre du duc de Choiseul à Lecointe, capitaine au régiment de Conty, 17 septembre 1764.
61 Sur l’importance des liens personnels unissant le ministre à certains de ses agents, voir en particulier Y. Combeau, le Comte d’Argenson (1696-1764), ministre de Louis XV, Paris, Mémoires et documents de l’École des chartes, 1999, p. 301-305. Léon Mention n’hésite pas à parler pour sa part d’un véritable dédain pour la voie hiérarchique, voir L. Mention, Le comte de Saint-Germain et ses réformes (1775-1777), Paris, Clavel, 1884, p. 114-115.
62 La distinction entre mémoire commandé et spontané n’est elle-même pas sans poser problème. Les commentaires d’ordonnances par les officiers majors étaient certes suscités par le pouvoir, mais leur rédaction et leur envoi relevaient de la seule initiative des intéressés. Le passage du mémoire commandé au mémoire spontané pouvait par ailleurs être rapide. La Porterie dans ses Observations sur la cavalerie écrit ainsi qu’il lui a été permis, les années précédentes, de faire ses réflexions sur les instructions de la cour. Cette année, 1754, il prend l’initiative de les adresser sans en avoir été prié, encouragé par les modifications qu’on a bien voulu faire sur son avis : SHD, GR 1 M 1732, La Porterie, Observations sur la cavalerie par le sieur de la Porterie, 1754, 6.
63 Sur le détail des conclusions présentées dans cette partie et sur les chiffres obtenus, voir : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., p. 55-66.
64 L’existence dans l’armée de différentes carrières liées au statut social à fait l’objet de nombreuses études, voir entre autres : A. Corvisier, « Hiérarchie militaire et hiérarchie sociale en France à la veille de la Révolution », dans Id., Les hommes, la guerre et la mort, Paris, Economica, 1985, p. 177-190, G. Bodinier, Les officiers de l’armée royale combattants de la guerre d’Indépendance des États-Unis : de Yorktown à l’an ii, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 1983, en particulier le chapitre premier sur la hiérarchie militaire, L. Tuetey, Les officiers sous l’ancien régime. Nobles et roturiers, Paris, Plon, 1908, L. Mention, Le comte de Saint-Germain, op. cit., notamment p. 90-102, D. D. Bien, « La réaction aristocratique avant 1789 : l’exemple de l’armée », Annales ESC, 29/1 (janvier-février 1974), p. 23-48 et 29/2 (mars-avril 1974), p. 505- 534, Id., « The Army in the French Enlightenment : Reform, Reaction and Revolution », Past and Present, 85 (1979), p. 68-98 et R. Blaufarb, The French Army, 1750-1820 : Careers, Talent, Merit, Manchester, Manchester University Press, 2002.
65 Son obtention est fixée à 28 ans de services pour un capitaine en 1781, les années de guerre comptant double : SHD, GR X1 58, « Le roi accorde la croix de Saint-Louis… », juin 1781.
66 Voir par exemple le cas du baron d’Arros qui ne quitte le service de la France que pour rejoindre les gardes du corps du roi d’Espagne : SHD, GR 1 Ye 588, d’Arros (Jean Denis).
67 Il s’agit de Claude La Chenaye. Voir son dossier en SHD, GR 2 Ye, La Chenaye (Claude François Bernardin).
68 Le total de 85, et non 97 − nombre d’individus de l’échantillon −, tient au fait que la carrière de tous les officiers particuliers auteurs n’a pu être retracée intégralement.
69 Voir notamment J. Chagniot, « La formation des officiers à la fin de l’Ancien Régime », RHA, 228 (2002), p. 310. Tous les volontaires ne finissaient cependant pas officiers, voir par exemple le cas de Charles-Joseph Jolly devenu lieutenant au bout de 20 ans seulement : SHD, GR Xb 25 Bourbonnais, SHD, GR Yb 721, officiers des régiments de recrue, et SHD, GR Ya 111, places du royaume : états de service de tous les officiers, 1763-1786.
70 Dans le cas de notre échantillon, cela est d’autant plus vrai que sur les trois ayant débuté comme soldat, l’un d’entre eux, Souillac de Saint-Martin, a commencé à servir dès l’âge de 14 ans et atteint le grade de lieutenant 8 ans après ses premiers services, soit à 22 ans. Ce cursus en fait moins un officier de fortune qu’un gentilhomme ayant été obligé, ou ayant fait le choix, de servir un temps dans le rang. En ce qui concerne le sergent de milice, rien n’indique qu’il ait servi auparavant comme simple soldat, et par ailleurs, il est fait lieutenant à peine 4 ans après son entrée au service, deux facteurs qui vont contre sa définition comme officier de fortune.
71 Un mémoire comme celui de Mervans, fils de laboureur devenu porte-étendard dans Royal-Picardie au bout de 19 ans de services, après avoir été successivement cavalier, brigadier et fourrier, fait ainsi figure d’exception : SHD, GR 1 M 1725, Mervans, Études sur la cavalerie, 1777, 45 et SHD, GR Yb 555 et 579, contrôles du régiment Royal Picardie.
72 J. Chagniot, « La formation… », op. cit.
73 À titre de comparaison, Gilbert Bodinier relève que seulement 8,6 % des officiers d’infanterie ayant servi pendant la guerre d’Amérique sont parvenus dans leur carrière à un poste équivalent : G. Bodinier, Les officiers de l’armée royale…, op. cit., p. 73. Rappelons par ailleurs que si les premiers grades d’officiers sont alors attribués à l’ancienneté, en particulier dans l’infanterie, les emplois de major et de lieutenant-colonel sont accordés au mérite au lendemain de la guerre de Sept Ans, période qui nous intéresse ici au premier chef.
74 Les qualificatifs de « bon », « très bon », « excellent », « distingué » ou « de mérite » reviennent en particulier régulièrement. Voir à ce sujet : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., p. 62.
75 En ce qui concerne notre échantillon, environ 8 % des individus sont des officiers particuliers retirés au moment de l’envoi de leur mémoire. Soulignons néanmoins que parmi ceux considérés comme en activité se retrouvent des officiers réformés, à la suite ou détachés qui représentent 13 % des cas. Par ailleurs, l’essentiel des officiers employés lors de la rédaction de leur texte le sont dans l’armée régulière, les officiers de régiments provinciaux ou de recrue étant très peu nombreux.
76 L’ordonnance du 25 mars 1776 exige ainsi 12 ans de service pour être major et 15 pour être lieutenant-colonel, celle du 1er juin 1781 fixe à 20 et 25 ans ces seuils : BNF, F5002 (1758), Ordonnance du roi portant règlement sur l’administration de tous les corps tant d’infanterie que cavalerie, dragons et chasseurs à cheval…, du 25 mars 1776, Paris, Imprimerie royale, 1776, p. 55 et SHD, GR X1 58, Extrait des dispositions faites et arrêtées par le roi concernant la nomination aux emplois d’officiers supérieurs de l’infanterie française et étrangère, de la cavalerie, des chevau-légers, des hussards, des dragons et des chasseurs à cheval…, 1er juin 1781.
77 15 % seulement de ces auteurs sont passés par le grade de lieutenant-colonel contre 75 % par celui de colonel. Les autres sont généralement passés par le corps de la Maison du roi avant de devenir officier général. Sur la vénalité dans l’armée, voir en particulier : J. Chagniot, H. Drévillon, « La vénalité des charges militaires sous l’Ancien Régime », Revue historique de droit français et étranger, 86/4 (2008), p. 483-522.
78 Ils sont 54 dont la famille a reçu les honneurs de la cour. Calcul réalisé à partir de F. Bluche, Les honneurs de la cour, Paris, Château d’eau, 1957.
79 Les postes dans les états-majors d’armée pouvaient être liés à la faveur. Le mérite et les qualités individuelles n’étaient pas pour autant ignorés dans leur attribution, voir G. Bodinier, Les officiers de l’armée royale…, op. cit., p. 100, C. Duffy, Military Experience in the Age of Reason, Londre/New York, Routledge/Kegan Paul, 1987, p. 176-182 et E. A. Lund, War for the Every Day. Generals, Knowledge, and Warfare in Early Modern Europe, 1680-1740, Westport (Connecticut)/ Londres, Grennwood Press, 1999, en particulier p. 143 et 159.
80 Les postes d’inspecteurs étaient relativement peu nombreux, Claudia Opitz-Belakhal relève environ 25 inspecteurs d’infanterie et cavalerie sous le ministère Choiseul tandis que Monteynard les fait passer à 36, une partie d’entre eux étant alors actifs, l’autre non : C. Opitz-Belakhal, op. cit., p. 59-60.
81 Voir sur ce point : C. Jouhaud, D. Ribard et N. Schapira, Histoire…, op. cit., p. 16-17.
82 Ce discours classique est celui plus largement de tous ceux qui participent alors au travail de réduction en art des différents savoirs, tant militaires que civils : P. Dubourg-Glatigny, H. Vérin, « La réduction en art, un phénomène culturel », dans Id., Réduire en art. La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2008, p. 59-94, voir p. 64-65.
83 SHD, GR 1 M 1708, Marassé, Lettre du 21 avril 1759 au ministre, 90. Ce thème de l’utilité est extrêmement récurent, le capitaine Richard met ainsi en exergue de son mémoire qu’« un officier ne mérite ce nom qu’autant qu’il s’occupe sans cesse des moyens d’être utile à son prince », voir SHD, GR 1 M 1783, Richard, Le Patriote ou moyen de diminuer la désertion dans les troupes de France, 1784, 269.
84 Par exemple : SHD 1 M 1708, Langeron (comte de), Mémoire sur l’infanterie, 1758, 72 ou SHD, GR 1 M 1708, Barisien de Marne, Différentes réflexions morales et militaires, 1756, 31. Pour Azar Gat, ce refus du statut d’auteur témoigne de la réminiscence d’un ethos chevaleresque hostile à toute assimilation de l’officier au monde des érudits et des universitaires : A. Gat, A History of Military Thought : from the Enlightenment to the Cold War, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 33. On retrouve notamment cette vision chez Montluc qui dit avoir haï toute sa vie ces « escritures » : A. Thierry, « Montluc et d’Aubigné », Bibliothèque d’humanisme et de renaissance, xxxiii (1971), p. 505-524, voir p. 515. Sur le topos du rejet par les militaires du titre d’auteur, voir également : E. A. Lund, War for the Every Day…, op. cit., p. 157-158 et dans un contexte différent : Y. N. Harari, « Military Memoirs : a Historical Overview of the Genre from the Middle Ages to the Late Modern Era », War in History, 14/3 (2007), p. 289-309.
85 Sur les parties de détail, Maurice de Saxe donne le ton dans ses Rêveries en affirmant que « quoique ceux qui s’occupent du détail passent pour des gens bornés, il me paraît pourtant que cette partie est essentielle, parce qu’elle est le fondement du métier, et qu’il est impossible de faire aucun édifice ni établir aucune méthode sans en savoir les principes », cité par J.-P. Bois, Le Maréchal de Saxe, Paris, Fayard, 1992, p. 188-189, qui souligne la nouveauté d’une telle approche.
86 SHD, GR 1 M 1708, Réponse au discours préliminaire qui se trouve à la tête des rêveries de M. de Saxe, s.d., 23. Un tel discours est courant, voir par exemple Lecointe, Commentaires sur la Retraite des Dix-mille de Xénophon ou Nouveau Traité de la Guerre, à l’usage des jeunes officiers, Paris, Nyon, Desaint et Saillant, 1766, p. xxxii-xxxiii.
87 SHD, GR 1 M 1786, Maltzan (baron de), Lettre du 5 juin 1776 au ministre, 25. Voir également SHD, GR 1 M 1783, Reneaume de la Tache, Lettre du 1er juillet 1774 au ministre, 195 et SHD, GR 1 M 1725, Mervans, Étude…, op. cit.
88 SHD, GR 1 M 1709, Beuvrigny, Projet d’augmentation d’une compagnie par bataillon pour la levée et l’instruction des recrues et qui servirait de dépôt, s.d., 24.
89 Pour ne donner que quelques exemples, on se réfèrera à SHD, GR 1 M 1718, d’Avrainville, Projet militaire ayant pour but la refonte générale de l’armée existante, 1790, 84, SHD, GR 1 M 1718, Roullin de Launay, Lettre au président de l’Assemblée nationale du 18 août 1790, 90bis, SHD, GR 1 M 1783, Richard, Lettre du 22 août 1784, 268.
90 La dénonciation de l’ignorance et de l’oisiveté de certains officiers fait ainsi figure de stéréotype, voir entre autres, SHD, GR 1 M 1708, La Rochelambert (chevalier de), Mémoire ou observations sur l’ignorance actuelle de l’infanterie de France et sur les moyens d’y remédier, 1757, 66.
91 SHD, GR 1 M 1725, Filhol, Lettre du 8 août 1753 au ministre, 11ter. Même discours chez le capitaine de Wouves : SHD, GR 1 M 1715, de Wouves, Considérations générales sur le militaire, 1778, 14.
92 SHD, GR 1 M 1702, Desbournay (présumé de), Réflexions…, op. cit. Pour un autre exemple, voir le cas du baron de Vietinghoff qui recourt aux états de signalement de la maréchaussée pour étayer son mémoire sur la désertion : SHD, GR 1 M 1783, Vietinghoff, État des Déserteurs d’après les signalements envoyés à la maréchaussée depuis 1776 jusqu’à 1783, 1783, 267.
93 V. Milliot (dir.), Les mémoires policiers…, op. cit., p. 21-23. Pour un exemple de la production des ces infra-mémoires, voir notamment les divers brouillons du maréchal de Broglie sur un projet de constitution permanente : BNF, Français 11303, Papiers du maréchal de Broglie.
94 J. Chagniot, Le Chevalier de Folard, Paris, le Rocher, 1997, p. 34.
95 SHD, GR 1 M 1705, Réflexion sur les évolutions militaires, s.d., 15. La même démonstration se retrouve chez de nombreux auteurs : SHD, GR 1 M 1718, Vallier (Louis, baron de), Mémoire relatif aux moyens d’établir une bonne constitution militaire, s.d., 66 et SHD, GR 1 M 1731, Drummond de Melfort (comte de), Essai sur les évolutions de la cavalerie, 1749, 6, ou encore Guibert, Défense du système de guerre moderne, Neuchâtel, 1779, t. ii, p. 74-77.
96 Sur les lumières militaires voir entre autres : J. Lynn, De la guerre : une histoire du combat des origines à nos jours, Paris, Tallandier, 2006 [1re édition en anglais : 2003], p. 190-193 et A. Starkey, War in the Age of Enlightenment, 1700-1789, Westport (Connecticut)/Londres, Praeger, 2003.
97 Ibid. Hervé Coutau-Bégarie voit dans ce renforcement du rôle de la théorie l’origine d’une démocratisation de l’écriture militaire, la prétention d’écrire au nom de la raison et non de l’expérience permettant à un nombre croissant d’officiers de prendre la plume : H. Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, Economica, 2008 [1re édition : 1999], p. 211-212.
98 SHD, GR 1 M 1783, Lettre du 16 mars 1771 au marquis de Monteynard, 100. Il s’agit vraisemblablement d’une lettre du vicomte de Flavigny ou du comte de Langeron.
99 Pour un panorama général sur la question de la militarisation en Europe : M. S. Anderson, War and Society in Europe of the Old Regime, 1618-1789, Leicester, Leicester University Press, 1988, p. 167-179.
100 Le baron d’Arros adresse ainsi son mémoire à l’officier général le plus expérimenté qu’est censé être le marquis de Ségur : SHD, GR 1 M 1715, d’Arros (baron), Observations militaires présentées à Monseigneur le marquis de Ségur, Ministre et Secrétaire d’État au département de la Guerre, 1782, 70. La même connexité entre l’auteur et le ministre est revendiquée par le baron d’Agailliers qui s’adresse à Monteynard en tant que « général rempli de talents, de capacité et d’expérience » : SHD, GR 1 M 1783, d’Agailliers (baron), Lettre du 17 février, op. cit. La revendication de cette identité militaire commune se retrouve d’ailleurs pour les rares soldats-auteurs : Vial s’adresse au marquis de Ségur comme vrai soldat et père des militaires : SHD, GR A1 3753, Vial, Lettre du 27 mars 1785, 193.
101 Voir notamment : J. Chagniot, Paris…, op. cit., p. 463-465 et p. 633-634, D. Roche, Le Siècle des Lumières…, op. cit., t. 1, p. 214 et t. 2, p. 226, P. Roux, Société militaire, société civile à Toulouse au xviiie siècle : de l’Ancien Régime à la Révolution (vers 1740-1799), thèse dactylographiée, université Toulouse 2, 1998, p. 445-496, et D. A. Bell, La première guerre totale. L’Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2010 [1re édition en anglais : 2007], p. 32-34.
102 « Discours préliminaire des éditeurs » dans D. Diderot et d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Stuttgart et Bad Cannstatt, F. Frommann Verlag, 1988 [1re édition : 1751-1780], vol. i, p. xliv.
103 A. Chuquet, Le Général Dagobert (1736-1794), Paris, Fontemoing, 1913, p. 50-52. Ces différents projets son repris dans le livre qu’il publie en 1790 : Dagobert de Fontenilles, Nouvelle méthode d’ordonner l’infanterie pour le choc ou contre la cavalerie combinée d’après les ordonnances grecques et romaines, pour être particulièrement l’ordonnance des Français, par un major d’infanterie, Paris, Veuve Hérissant, 1790.
104 Sur la réduction en art comme mode de formalisation des savoirs caractéristique de l’époque moderne : P. Dubourg-Glatigny, H. Vérin (dir.), Réduire en art…, op. cit.
105 A. Gat, A History of Military Thought…, op. cit., p. 28-31.
106 SHD, GR 1 M 1708, Marassé, Lettre…, op. cit.
107 Voir notamment le mémoire du sieur Joubert, précédemment évoqué, qui sur une douzaine de pages en consacre cinq à exposer ses péripéties, SHD, GR 1 M 1709, Joubert de Marcroix, Projet…, op. cit. Dans quelques cas ce n’est d’ailleurs pas la demande qui accompagne le mémoire mais le mémoire qui vient en plus de la demande, voir par exemple SHD, GR 1 M 1786, La Rivière-Sémur, Mémoire sur le duel, 1790, 30.
108 SHD, GR 1 M 1713, Malartic, Lettre au ministre du 24 février 1774, 12.
109 SHD, GR 1 M 1708, Barisien de Marne, Différentes réflexions…, op. cit.
110 Ibid. Dans un style plus dramatique, voir : SHD, GR 1 M 1718, Desdorides, Vœux militaires, 78 et SHD, GR A1 3724, Desdorides, Lettre du 20 mars 1782, 39. Voir aussi le cas du capitaine Ganot qui sollicite un emploi de major : SHD, GR A4 37, Lettre de Ganot au ministre, 17 décembre 1763, 102.
111 SHD, GR 1 M 1718, Jumilhac (comte de), Mémoire adressé à Monsieur le comte de la Tour du Pin, par M. le comte de Jumilhac, relativement aux majors en second et aux lieutenants-colonels, 1790, 72. Même démarche chez le baron d’Arros qui prône la conservation des officiers à la suite alors que lui-même est pourvu d’un tel emploi, voir SHD, GR 1 M 1715, d’Arros (baron), Observations…, op. cit.
112 De fait, il n’est alors âgé que de 53 ans : SHD, GR 1 M 1715, Desfugerais, Lettre du 4 août 1778, 27.
113 SHD, GR 1 M 1711, Fauville, Réflexion militaire, s.d., 96.
114 Outre les cas cités, voir également SHD, GR 1 M 1784, Flavigny (vicomte de), Réflexions sur la désertion et sur la punition des déserteurs en forme de lettre à Monseigneur le duc de Choiseul, s.d., 63, SHD, GR 1 M 1783, Reneaume de la Tache, Lettre…, op. cit., SHD, GR 1 M 1729, Spindeler, Mémoire des propositions à Monsieur Du Portail, s.d., 42 et SHD, GR 1 M 1783, Didelot, Lettre au ministre du 19 août 1765, 46.
115 Une nécessité qui n’est nouvelle que par la forme qu’elle emprunte. Sur l’impératif de faire connaître sa valeur au xviie siècle : H. Drévillon, « “Publier nos playes et valeurs”. Le fait d’armes et sa notoriété pendant la guerre de Trente Ans (1635-1648) », dans J. Pontet, M. Figeac, M. Boisson (dir.), La noblesse de la fin du xvie au début du xxe siècle : un modèle social ?, Biarritz, Atlantica, 2002, t. ii, p. 289-308.
116 Voir entre autres : SHD, GR 1 M 1711, Fauville, Réflexion…, op. cit., SHD, GR 1 M 1713, Desfugerais, Lettre du 19 juin 1774, 31 ou SHD, GR 1 M 1732, Soupire (chevalier de), Lettre du 28 février 1754 au ministre, 2.
117 SHD, GR 1 M 1706, Constantin de Marans, Essai…, op. cit. Un tel procédé est fréquent, voir entre autres : SHD, GR 1 M 1713, Souliart, Lettre de Souliart, sous-aide-major au régiment de Condé, au Ministre, du 27 juillet 1774, 34, SHD, GR 1 M 1786, Mémoire sur l’importance de détruire une des branches du dangereux luxe qu’on a toléré jusqu’à présent dans les troupes du roi, s.d., 53, B. de la Courtelle, Lettre du 1er juillet 1789 au ministre, 30. La palme en la matière revient sans doute à Cadenel pour son sizain au roi : SHD, GR 1 M 1783, Cadenel, « Au roi », 1773, 191.
118 SHD, GR 1 M 1710, Lachèze, Lettre au ministre du 2 janvier 1765, 99.
119 SHD, GR 1 M 1706, Constantin de Marans, op.cit.
120 SHD, GR 1 M 1783, Reneaume de la Tache, Lettre…, op. cit. Voir également : SHD, GR A1 3766, Lettre de Poutier au ministre du 16 mai 1786, 61.
121 SHD, GR 1 M 1783, Didelot, Lettre…, op. cit.
122 Voir SHD, GR Yb 199 et Yb 309, contrôles des officiers du régiment de Forest et SHD, GR 1 M 1783, d’Agailliers (baron), Discours au soldat français, 1773, 190. La même question peut être posée pour le sieur Brossard qui en 1763 est dit intelligent mais paresseux et mol et qui envoie un mémoire l’année d’après, date à laquelle le marquis de Caraman note simplement « peut devenir bon ». Par la suite toute référence à une quelconque paresse disparaît entièrement, ne reste que l’intelligence et l’application, voir SHD, GRYb 610, contrôle d’officier du régiment Colonel général des dragons et SHD, GR 1 M 1783, Brossard (de), « De tous temps la désertion… », 1764, 95. Dans une perspective similaire, soulignons que Servan voit dans l’évaluation de mémoires par une académie militaire le moyen d’évaluer avec justice les mérites d’un officier et de le faire connaître du ministre, là où les rapports des inspecteurs lui semblent parfois injustes : J. Servan, Le soldat-citoyen, ou vues patriotiques sur la manière la plus avantageuse de pourvoir à la défense du royaume, Dans le pays de la liberté, 1780, p. 543.
123 SHD, GR 3 Yd 1093, Carcado (Louis Gabriel Le Sénéchal, comte de). Même démarche chez Joly de Saint-Valier qui ajoute à l’occasion de l’envoi d’un de ses mémoires qu’il parle aussi italien et allemand afin de mieux se faire valoir : SHD, GR A1 3631, Joly de Saint-Valier, Lettre du 12 avril 1763, 137bis.
124 Erik Lund souligne à ce titre que les nombreuses inventions adressées au pouvoir n’ont pas nécessairement pour but d’être mises en œuvre mais seulement de montrer ses qualités comme mécanicien et mathématicien : E. A. Lund, War for the Every Day…, op. cit., p. 112.
125 SHD, GR 1 M 1707, Frémicourt, Lettre du 21 juin 1755 au ministre, 11. La même démarche peut être sans doute attribuée à Joly de Saint-Valier qui écrit comme capitaine sur les qualités d’un major, voir SHD, GR 1 M 1786, Joly, Réflexion sur les qualités d’un major et sur les moyens d’établir une bonne discipline dans les troupes, s.d., 60.
126 Ce genre d’écrits rejoint par ailleurs la tradition des traités militaires sur les devoirs respectifs des différents grades, tradition dont on retrouve d’ailleurs trace dans certains mémoires manuscrits qui ne s’intéressent pas à un grade spécifique, mais à l’ensemble de la hiérarchie militaire.
127 SHD, GR 1 M 1709, Projet d’un militaire, s.d., 54. Même constat chez Didelot qui dit que le calme de la paix l’a engagé à entreprendre ce petit essai, voir SHD, GR 1 M 1783, Didelot, Mémoire raisonné sur la nécessité de commuer la peine de mort pour déserteurs, 1765, 99.
128 Sur la carrière de Flavigny : SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny (Jean, Baptiste, Louis, Gratien, vicomte de). Voir également : SHD, GR A1 3682, pièces 63-67.
129 SHD, GR 1 Ye 9379, Note sur Gratien Jean Baptiste Louis vicomte de Flavigny, 26 mars 1782.
130 Dans un seul document, Flavigny date son mémoire de 1767 et affirme qu’il fut postérieur à sa nomination comme sous-aide-major, toutes les autres pièces insistent au contraire sur l’antériorité de ses travaux par rapport à sa nomination : SHD, GR 1 Ye 9379, Mémoire pour la croix de Saint-Louis, 20 août 1776.
131 Sur la réflexion menée par Flavigny au sujet de la désertion : J. Chagniot, Paris…, op. cit., p. 622-626.
132 SHD, GR 1 Ye 9379, Avis de pension du 25 décembre 1766 et Note sur Gratien…, op. cit.
133 SHD, GR 1 Ye 9379, Note du 27 mai 1767 au vicomte de Flavigny.
134 Nous disposons en 1 M 1711 d’Observations politiques et militaires qu’il est possible d’attribuer à Flavigny. Une analyse de ce texte, rédigée par le vicomte à l’intention de Montbarey, se trouve en effet en 1 M 1715. Or les annotations portées sur ces observations soulignent que leur auteur a été arrêté en raison de la mauvaise gestion des fonds qui lui ont été confiés pour son travail de recrutement, le ministre ayant été obligé de débourser 2000 livres sans objet. Là se situe peut-être la raison de la disgrâce de Flavigny. Voir SHD, GR 1 M 1711, Flavigny (présumé de), Observations politiques et militaires, s.d. et SHD, GR 1 M 1715, Flavigny, Analyse d’un ouvrage manuscrit qui a pour titre considérations politiques et militaires, 1779.
135 SHD, GR 1 Ye 9379, Note sur Gratien…, op. cit.
136 Probablement par la lecture de ses Considérations politiques et militaires écrites en 1768 et dont il nous apprend qu’elles ont été goûtées de Monteynard, sans que puissent être connues les circonstances dans lesquelles ce dernier les reçues, voir SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny, Lettre du 29 avril 1773 à Monteynard et Flavigny, Mémoire pour la croix de Saint Louis, 1er mai 1773.
137 Langeron, Charles-Claude Andrault de Maulevrier (comte puis marquis de). Né en 1720, lieutenant-général à partir de 1762, voir : SHD, GR 3 Yd 1007, Langeron.
138 SHD, GR 1 M 1783, Flavigny, Discours sur ce que l’on doit faire pour arrêter la désertion, et pour la punir dans les circonstances présentes, s.d. La liste des travaux alors déjà effectués par Flavigny se trouve en : SHD, GR A1 3682, Notes pour M. de Flavigny, 66. Ce dernier ne revendique pas moins de 16 productions manuscrites ou imprimées.
139 SHD, GR 1 Ye 9379, Note sur Gratien…, op. cit. Voir également l’extrait de son rapport : SHD, GR A1 3682, Extrait du voyage militaire du comte de Ruppiere, colonel d’infanterie, et du vicomte de Flavigny, capitaine de dragons, en Suisse et en Piémont, en 1773, 67.
140 Ibid.
141 Voir notamment SHD, GR 1 Ye 9379, Lettre du 28 mai 1779 et Note pour le vicomte de Flavigny, lieutenant-colonel de dragons et chevalier de Saint-Louis, 22 mai 1779.
142 Flavigny (vicomte de, attribué à), Réflexions sur la désertion et sur la peine des déserteurs : en forme de lettre à Monseigneur le duc de Choiseul, par M. de ***, en France, 1768.
143 Flavigny (vicomte de), Examen de la poudre, Amsterdam, Genève et Paris, 1773, Id., Principes fondamentaux de la construction des places, Londres et Paris, 1775, Id., Introduction à l’histoire naturelle et à la géographie physique de l’Espagne, Paris, Cellot et Jombert, 1776 et Id., Correspondance de Ferdinand Cortès avec l’Empereur Charles-Quint, sur la conquête du Mexique, en Suisse, 1779.
144 SHD, GR 1 M 1783, Flavigny, Lettre au marquis de Langeron du 29 décembre 1771, 181. Si Flavigny semble avoir multiplié à l’extrême le nombre de ses collaborateurs, il n’est pas le seul à en employer : le baron d’Espagnac regrette par exemple de ne pouvoir payer quelqu’un qui supplée à son griffonnage mal écrit, voir SHD, GR 1 M 1703, d’Espagnac, Lettre au ministre du 6 février 1745, 26.
145 SHD, GR 1 M 1783, Flavigny, Lettre…, op. cit.
146 SHD, GR 1 Ye 9379, « Monsieur de Flavigny ajoute à la lettre de M. de Langeron… », s.d.
147 SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny, Lettre au marquis de Monteynard du 29 avril 1773.
148 SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny, Addition de mémoire, s.d.
149 L’appel à la philanthropie du monarque constitue une des meilleures stratégies de sollicitation, héritée notamment du modèle de la supplique, et qui se retrouve dans le cas des écrivains : J.-L. Chappey, A. Lilti, « Les demandes de pensions des écrivains, 1780-1820 », RHMC, 57/4 (2010), p. 156-184. Sur la rhétorique de la nécessité et de la compassion qu’appelle la rédaction des suppliques voir également : D. Fassin, « La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence », Annales. Histoire, sciences sociales, 55/5 (2000), p. 955-981.
150 SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny, Lettre au prince de Montbarey du 28 janvier 1778. Flavigny n’est pas le seul à recourir à une telle stratégie. Dans une lettre probablement adressée à un commis, Lamé demande ainsi à ce dernier de parler de son ouvrage au marquis de Breteuil à qui il l’a déjà envoyé, mais dont il craint qu’il ne l’ait jamais reçu : SHD, GR 1 M 1703, Lamée, Essai sur l’art militaire, 1741, 9.
151 Bien qu’aucune certitude n’existe, l’examen des Observations politiques et militaires contenues en 1 M 1711, celle de l’Analyse en 1 M 1715 et celle du dossier de Flavigny laisse fortement imaginer que les Observations politiques et militaires et ce que Flavigny désigne dans ses écrits comme ses Considérations politiques et militaire forment un seul et même texte, envoyé aux deux ministres à quelques années d’écart. Il est difficile en revanche de savoir si les dissertations politiques et militaires envoyées à Maurepas et Montbarey renvoient également à ce mémoire. La même stratégie se retrouve chez Reneaume de la Tache qui, après avoir déjà adressé au marquis de Monteynard un ouvrage intitulé Considérations sur l’état actuel du soldat français, en détache le chapitre sur la désertion pour l’adresser au comte du Muy en 1774 : SHD, GR 1 M 1783, Reneaume de la Tache, Lettre…, op. cit. Pour un exemple d’insistance proche de l’acharnement, voir les multiples versions d’un mémoire anonyme conservées en 1 M 1725 et 1 M 1727 : SHD, GR 1 M 1725, Observations d’un zélé citoyen, s.d., 12, SHD, GR 1 M 1725, Observations d’un zélé citoyen, s.d., 13, SHD, GR 1 M 1725, Réflexions d’un ancien militaire, s.d., 14, SHD, GR 1 M 1727, Réflexions d’un ancien militaire, s.d., 20.
152 SHD, GR 1 M 1783, Flavigny, Lettre au marquis de Monteynard du 1er juillet 1774, 118.
153 SHD, GR 1 M 1783, Flavigny, Lettre au marquis de Langeron du 7 janvier 1772, 101 et SHD, GR 1 M 1783, Monteynard, Lettre au marquis de Langeron du 11 janvier 1772, 102.
154 SHD, GR 1 Ye 9379, M. de Maillebois. Avis de la commission de lieutenant-colonel de dragons accordé à M. de Flavigny pour retraite, 28 novembre 1777 et M. de Maillebois, Avis de la croix de Saint-Louis pour M. de Flavigny, 29 décembre 1777.
155 SHD, GR 1 Ye 9379, Caraman (comte de), Lettre du 17 février 1783.
156 SHD, GR 1 Ye 9379, Besenval (baron de), Lettre au maréchal de Ségur du 10 mai 1783. Il est courant que la femme d’un officier soit mobilisée pour défendre les intérêts de son mari, voir par exemple la lettre de Madame d’Arros adressée le 13 août 1784 à Ségur, SHD, GR 1 Ye 588, op. cit. et celle de Madame Dagobert à Montbarey du 7 novembre 1780, dans laquelle cette dernière prend soin de souligner sa parenté avec le ministre, SHD, GR 7 Yd 44, Dagobert de Fontenilles (Luc-Siméon-Auguste).
157 Sur le rôle des clientèles à l’intérieur de l’armée, voir notamment : A. Corvisier, « Clientèles et fidélités dans l’armée française aux xviie et xviiie siècles », dans Id., Les hommes…, op. cit., p. 191-214, H. Drévillon, L’impôt du sang : le métier des armes sous Louis XIV, Paris, Tallandier, 2005, p. 79-95 et G. Rowlands, « Louis XIV, Aristocratic Power and the Elite Units of the French Army », French History, 13/3 (1999), p. 303-331. La question du clientélisme dans la société d’Ancien Régime a fait l’objet de multiples analyses, voir parmi une abondante bibliographie : R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, 1598-1789, Paris, PUF, 2005 [1re édition : 1973], p. 85-93, A. Jouanna, Le Devoir de révolte : la noblesse française et la gestation de l’État moderne : 1559-1661, Paris, Fayard, 1989, p. 65-90, S. Kettering, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-century France, New York et Oxford, Oxford university press, 1986.
158 SHD, GR 1 Ye 9379, « Monsieur le vicomte de Flavigny, lieutenant-colonel attaché au corps des dragons… », 2 décembre 1778.
159 SHD, GR 1 Ye 9379, « Monsieur le baron de Besenval représente que… », 13 juin 1783.
160 Les commissions qui lui furent accordées ne constituaient pas des grades en pied. Sur ses aspirations, voir entre autres SHD, GR 1 Ye 9379, Flavigny, Lettre au ministre du 3 juin 1775. Voir également son projet sur plusieurs abus dans lequel il propose d’occuper le poste d’inspecteur général des recrues dont son mémoire propose la création : SHD, GR 1 M 1783, Flavigny (vicomte de), Projet pour remédier à plusieurs abus, s.d., 106. Cette démarche consistant à créer un emploi qu’on se propose de pourvoir ne lui est pas réservée, voir notamment : SHD, GR 1 M 1713, Bouzols (marquis de), « L’uniformité étant la base du militaire… », 1774, 3 et SHD, GR 1 M 1786, Mazuros, Mémoire, s.d., 9.
161 Pour d’autres cas, voir notamment Petel de Scallier, qui outre un ouvrage réunissant les différentes parties de la guerre se propose de remettre au ministre des mémoires sur la ville de Paris, la destruction de places fortes et le recrutement : SHD, GR 4 Yd 3153, Petel de Scallier (Jean-Baptiste), ou le comte de Lambertye qui revendique des écrits sur pas moins de dix sujets différents : SHD, GR 1 M 1784, Lambertye (comte de), Extrait des différents mémoires que le comte de Lambertye a donné depuis la paix à Messieurs les ministres et inspecteurs, s.d., 70. Voir également le cas de Dagobert : A. Chuquet, Le Général…, op. cit., en particulier p. 47-52.
162 Voir le cas d’un officier de maréchaussée français dans E. Martinez-Ruiz, « Pour la modernisation de la police : projets de corps nationaux de sécurité dans l’Espagne de la fin de l’absolutisme », dans C. Denys, B. Marin, V. Milliot (dir.), Réformer la police…, op. cit., p. 191-207. Sur la question plus large de la circulation des savoirs administratifs, voir notamment : C. Lebeau, « Circulations internationales et savoirs d’État au xviiie siècle », dans P.-Y. Beaurepaire et P. Pourchasse (dir.), Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Rennes, PUR, 2010, p. 169-179 et V. Denis, « La circulation des savoirs policiers en Europe dans la seconde moitié du xviiie siècle », dans Ibid., p. 213-221. Sur la figure de l’aventurier dont la production d’écrits multiples et variés constitue une des caractéristiques essentielles sans être pour autant la seule : A. Stroev, Les aventuriers des Lumières, Paris, PUF, 1997, en particulier p. 27.
163 Il est difficile de savoir si Pirch était déjà admis ou non comme capitaine lors de l’envoi de son premier mémoire. Jean Colin lie sa reconnaissance en France à l’envoi d’un mémoire d’observation sur l’exercice des troupes légères de 1769. Il ne précise pas la date du mémoire, qui de fait nous est inconnue, mais laisse entendre qu’il a été envoyé au début des années 1770. Or Pirch n’obtient sa commission qu’en 1772. Il est donc possible qu’elle ne lui fut octroyée qu’après l’envoi de son mémoire et qu’elle en fut la récompense. Voir SHD, GR 1 M 1711, Pirch (attribué à), Observations sur l’instruction contenant l’exercice des troupes légères du 1er mai 1770, s.d., 75, SHD, GR Yb 168 contrôle des officiers du régiment d’Anhalt, SHD, GR Yb 347, contrôle des officiers du régiment d’Hesse-Darmstadt, SHD 1 Yf 7540, SHD, GR 1 Ye 20274, J. Colin, L’Infanterie au xviiie siècle, la tactique, s.l., 1907, p. 68-70 et R. S. Quimby, The Background of Napoleonic Warfare : the Theory of Military Tactics in Eighteenth Century France, New York, Columbia University Press, 1957, p. 201.
164 SHD, GR 1 Ye 25789, Woedtke et A1 3688, Lettre du comte du Muy au maréchal de Soubise du 6 mars 1775, 8. Voir aussi l’exemple du baron de Phulle, lieutenant général au service du Wurtemberg : SHD, GR A1 3766, Lettre du 29 novembre 1784, 20.
165 Y. N. Harari, « Military Memoirs... », op. cit.
166 SHD, GR 1 Ye 1378, Baurans d’Orson (Jean Théodore). Pour d’autres exemples, voir les cas de Desdorides et d’Arros : SHD, GR 8 Yd 165, Desdorides (Jean, François, Louis Picault) et SHD, GR 1 Ye 588, op. cit. Il est révélateur également de relever dans la chronologie de Pinard, longue énumération des services des différents officiers généraux, des remarques comme celle qui clôture la notice biographique du comte de Bombelles dont il nous dit qu’il « avait des talents supérieurs pour la tactique et les ouvrages qu’il a laissés sur cette partie ont mérité les suffrages et l’approbation des plus expérimentés militaires » : Pinard, Chronologie historique militaire, Paris, Claude Hérissant, 1760-1778, t. 5, p. 273.
167 Sur le renouvellement de la culture du mérite, voir en particulier J. M. Smith, The Culture of Merit : Nobility, Royal Service, and the Making of Absolute Monarchy in France, 1600-1789, Ann Arbor, Michigan University Press, 1996. Celui-ci n’implique cependant pas la simple disparition des anciennes vertus militaires, voir notamment : D. C. O’Brien, « Traditional Virtues, Feudal Ties and Royal Guards : the Culture of Service in the Eighteenth-Century Maison militaire du roi », French History, 17/1 (2003), p. 19-47.
168 C’est le cas de nombreuses annotations portées sur les auteurs de mémoires. Sur l’importance alors accordée aux qualités intellectuelles des officiers, voir également : C. Croubois (dir.), L’Officier français : des origines à nos jours, Saint-Jean-d’Angély, Bordessoules, 1987, p. 46-47.
169 La notion de l’écrit comme « catégorie d’action » est reprise de Vincent Milliot : V. Milliot, « Écrire pour policer… », op. cit., p. 19.
170 SHD, GR 1 M 1706, Réflexions sur l’exercice de l’infanterie, s.d., 6. Voir également SHD, GR 1 M 1723, Projet pour rétablir un aide-major par régiment, s.d., 38.
171 SHD, GR 1 M 1725, Mémoire sur l’état actuel de la cavalerie et les changements à y faire par M. le comte de *** capitaine au régiment de Monseigneur le comte d’Artois-cavalerie, 1778, 47, et SHD, GR Yb 529 et Yb 559, contrôles des officiers du régiment d’Artois-cavalerie. La pratique de la publication anonyme est alors chose commune, mais les auteurs s’empressent en général de se dévoiler, voir le cas de Guibert : M. Lauerma, Guibert…, op. cit., p. 63.
172 C’est l’hypothèse faite par Hervé Coutau-Bégarie pour Mesnil-Durand : H. Coutau-Bégarie, « Un tacticien à la suite : le baron de Mesnil-Durand », dans Combattre, gouverner, écrire : études réunies en l’honneur de Jean Chagniot, Paris, Economica, 2003, p. 289-298.
173 Voir notamment SHD, GR 1 M 1731, Lettre anonyme du 19 novembre 1752, 16.
174 Par exemple : SHD 1 M 1714, Considérations vagues sur la constitution militaire de la France, s.d., 37. Cet idéal citoyen est particulièrement renforcé à partir des défaites de la guerre de Sept Ans qui conduisent à un sursaut patriotique : E. Dziembowski, « Guerre en dentelle ou guerre cruelle ? La représentation de la guerre de Sept Ans dans la littérature du xviiie siècle », dans A. Corvisier et J. Jacquart (dir.), Les malheurs de la guerre : de la guerre ancienne à la guerre réglée, Paris, CTHS, 1996, p. 313-320.
175 SHD, GR 1 M 1707, Remarques et réflexions sur la nouvelle façon d’exercer les troupes, sur leurs habillements, équipements, comme aussi sur les inconvénients qui en résultent, adressées à Monseigneur le comte d’Argenson par un ancien militaire, petit particulier peu avancé en grade et qui ne demande rien, 1755, 9.
176 Voir par exemple le cas des précepteurs du duc de Bourgogne, Fénelon, les ducs de Beauvillier et de Chevreuse : O. Chaline, Le règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005, p. 93.
177 Voir notamment la critique virulente du sieur La Borde face aux réformes entreprises en 1750 : Y. Combeau, le Comte d’Argenson…, op.cit., p. 319.
178 SHD, GR 1 M 1714, Scallier, Mémoire sur les changements introduits dans notre constitution militaire par le comte de Saint-Germain, 1777, 52.
179 Sur le rôle des mémoires comme moyen d’intervenir dans la sphère décisionnelle, voir également : E. Dziembowski, « Les enjeux politiques du patriotisme français pendant la guerre d’Amérique : les dons de vaisseaux de 1782 », dans B. Cottret (dir.), Du patriotisme aux nationalismes (1700-1848), Paris, Créaphis, 2002, p. 43-73.
180 SHD, GR 1 M 1786, Joly de Saint-Valier, Traité sur la discipline militaire et sur les évolutions, s.d., 20.
181 Ce dernier affirme qu’à la fin de cette guerre, on sentit que faire des mémoires était un moyen d’avancement : SHD, GR 1 M 1715, Dagobert de Fontenilles, Réflexions…, op. cit.
182 Pour les différentes pièces du dossier : SHD, GR 5 Yd 586, Preudhomme de Borre (Philippe, Hubert).
183 Sur cette question, voir : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., p. 442-443.
184 Pour un autre exemple de remboursement contesté voir : SHD, GR 3 Yd 1251, Vietinghoff (Georges-Michel). Sur la volonté de réduire les grâces : L. Tuetey, Les officiers…, op. cit., p. 25. Dans le cas de la Maison civile du roi, la tentative de remise en ordre des pensions à la fin de l’Ancien Régime a été étudiée par Pauline Lemaigre-Gaffier : P. Lemaigre-Gaffier, « Transformer les “pensionnaires du roy” en administrés ? Les bénéficiaires de pensions et la constitution de leurs “dossiers” (Maison du Roi, 1778-1789) », intervention orale lors de l’atelier : Écrits au pouvoir. Enjeux, pratiques et acteurs, Paris, université Paris 1, 23 juin 2010.
185 SHD, GR 1 Ye 1378, Baurans d’Orson, Mémoire en demande d’être conservé en la place occupée depuis 1766, 27 décembre, 1786.
186 SHD, GR 1 Yf 6490, Relingue (Balthazar).
187 Ibid.
188 Richard, Lettre…, op. cit. Voir aussi : SHD, GR 1 M 1783, Bruni (de), « Discours expositif d’un projet concernant le choix et l’éducation des hommes destinés à faire des soldats », 1790, 276.
189 Pour un exemple d’accusé de réception laconique : SHD, GR A1 3720, Lettre au chevalier Preudhomme de Borre du 10 février 1781, 56. Pour une incitation à plutôt « employer son esprit et son talent à bien exécuter ce qui est ordonné » : SHD, GR 1 M 1715, Note du 11 septembre 1783, 75.
190 Sur l’éloignement progressif entre les officiers et le monarque et l’importance de la fiction du regard posé par le roi sur sa noblesse : J. M. Smith, The Culture of Merit…, op. cit. et J. Cornette, Le roi…, op. cit., p. 177-214. De telles réponses semblent cependant ne pas avoir toujours été envoyées avec exactitude, et quelques auteurs se plaignent parfois de ne pas savoir ce que sont devenues leurs productions. Voir par exemple : SHD, GR 1 M 1784, Réflexions d’un militaire sur les peines portées contre les déserteurs, s.d., 54, SHD, GR A1 3631, Lettre de Baussel au ministre du 21 février 1762, 104 et SHD, GRA1 3753, Vial, Lettre…, op. cit. Le délai de réponse du ministère était par ailleurs parfois assez long. Celle pour le mémoire du baron d’Agailliers, envoyé le 17 février 1773, n’est ainsi expédiée que le 17 avril : SHD, GR 1 M 1783, d’Agailliers (baron), Lettre du 17 février, op. cit. S’affirme aussi parfois la volonté délibérée de ne pas répondre à l’auteur, comme c’est le cas pour le baron d’Arros, voir l’apostille portée sur la note critique de son ouvrage : SHD, GR 1 M 1716, Ouvrage du baron d’Arros, 1784, 7.
191 Sur la présentation plus détaillée de cette question, voir : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., p. 86-93.
192 « Pensions et gratifications », dans L. Bély (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 2006 [1re édition : 1996], p. 982-983 et pour le cas plus précis des pensions : I. Woloch, The French Veteran from the Revolution to the Restoration, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1979, p. 12-14. Sur les multiples gratifications voir également le cas des gouverneurs : G. Lasconjarias, « Comme si nous étions présents en notre personne » : Gouverneurs, lieutenants généraux et commandants pour le roi dans la France d’Ancien Régime. L’exemple des provinces de l’Est au xviiie siècle (Alsace, Lorraine et Trois Évêchés), thèse dactylographiée, université Paris 1, 2007, p. 174-175.
193 SHD, GR Xc 25, Lénoncourt.
194 SHD, GR Yb 666, contrôle des officiers du régiment Royal-Artillerie.
195 SHD, GR 3 Yd 1251, op. cit. Voir aussi le cas de Bousquet dans L. Tuetey, Les officiers…, op. cit., p. 345. Le mémoire de Parizet, pour sa part, porte une annotation, probablement de la main du ministre, demandant de donner avis à M. le Tourneur du mémoire que cet officier a envoyé. Le Tourneur étant alors à la tête du bureau des grâces, l’indication témoigne d’une prise en compte des mémoires dans le cadre des récompenses accordées : SHD, GR 1 M 1708, Observations sur le mémoire du sieur Parizet…, op. cit.
196 Voir supra.
197 SHD, GR 1 Yf 3277, op. cit.
198 Par la suite, il continue d’obtenir de nombreuses gratifications extraordinaires : SHD, GR 1 Ye 6904, Didelot (Claude Louis).
199 SHD, GR 3 Yd 1251, op. cit.
200 SHD, GR 3 Yd 1254, Rostaing (Joseph-Philippe).
201 SHD, GR 3 Yd 1109, Melfort (Louis de Drummont, comte de). Le baron d’Espagnac n’hésite pas pour sa part à envoyer un mémoire en 1745 pour rappeler que M. de Breteuil lui a promis une pension par rapport à plusieurs détails militaires qu’il a communiqué aux bureaux, voir SHD, GR 3 Yd 1064, d’Espagnac (Jean-Baptiste-Joseph Damarzil de Sahuguet).
202 SHD 1 Yf 7540, op. cit.
203 SHD, GR 1 M 1786, Joly de Saint-Valier, Traité sur la discipline…, op. cit.
204 Sur les déboires de Joly de Saint-Vallier : SHD, GR 1 Ye 11959, Joly de Saint-Valier (Nicolas), SHD, GRA1 3626, pièce no 7-9, 18 et 42, SHD, GRA1 3632, pièce no 7-10 et 22, SHD, GRA1 3634, pièce no 13, SHD A1 3682, pièces no 21-25, 27-33, 39 et 41, et SHD, GR A1 3689, pièce no 59. Ce dernier sut se rendre assez importun à Choiseul pour que le ministre annote une de ses lettres de réclamation d’octobre 1763 d’un simple « me débarrasser de cet homme ».
205 Par exemple : Douazac, Dissertation sur la subordination, avec des réflexions sur l’exercice et sur l’art militaire, Avignon, aux dépens de la compagnie, 1752, p. 89-92 et 185-192.
206 SHD, GR 4 Yd 3722, Dupuy-Lauront (Louis-François-Elbra).
207 SHD, GR 4 Yd 2777, La Rochelambert (Gabriel-Armand-Benoît, marquis de). Pour un autre exemple, voir le cas du baron de Wimpffen, remarqué par ses travaux sur les exercices et les évolutions qui lui valent en 1754 une gratification de 800 livres et qui assurent sa réputation. Saint-Pern obtient ainsi de le faire passer du régiment de Bergh, où il servait, à celui des Grenadiers de France, où il lui octroie une place de capitaine puis d’aide-major. Wimpffen est par la suite promis à une belle carrière puisqu’il finit maréchal de camp et est chargé de l’inspection des troupes juste avant de mourir : SHD, GR 4 Yd 2573, op. cit. À défaut de promotion immédiate, le mémoire sert au moins à se faire distinguer et employer, c’est notamment le cas de du Portail, auteur d’un mémoire sur le génie envoyé en 1773, qui est appelé en 1776 par le comte de Saint-Germain pour participer à la nouvelle ordonnance réformant ce corps : T. Sarmant (dir.), Les ministres de la guerre…, op. cit., p. 513.
208 Général Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre, Paris, Perrotin, s.d., t. 6, p. 36-85.
209 Voir les commentaires portés sur lui par le marquis de Brézé, SHD, GR Xb 42, Dauphin-infanterie. Pour son mémoire : SHD, GR 1 M 1708, Bourlamaque (de), Mémoire sur la batterie cadencée, s.d., 64 (le mémoire évoque le camp de la Meuse et est vraisemblablement de 1753 contrairement à la date de 1757 avancée en marge). Sur sa carrière : R. Martin, « Le chevalier de Bourlamaque, ses origines : la famille de Bourlamaque », Bulletin de la société littéraire et historique de la Brie, 33 (1976), p. 17-46.
210 SHD, GR 1 Ye 12980, La Gonivière de Beuvrigny (Olivier).
211 SHD, GR X140, Instruction que le roi a fait expédier aux inspecteurs généraux de ses troupes pour les revues qu’ils doivent faire en 1759, 20 mai 1759. L’instruction antérieure, celle de 1752, ne dit rien sur la nécessité de passer par les inspecteurs pour adresser un mémoire et n’évoque que la question des demandes de grâces pour laquelle elle renvoie à la lettre du 10 mai 1750 : SHD, GR X1 35, Projet de lettre à Messieurs les inspecteurs d’infanterie, 13 mai 1752.
212 Malgré Naoko Seriu : N. Seriu, Faire un soldat. Une histoire des hommes à l’épreuve de l’institution militaire (xviiie s.), thèse dactylographiée, EHESS, 2005, p. 16 et N. Seriu, « Formation des opinions militaires face aux autorités dans la seconde moitié du xviiie siècle », dans L. Quetin, J.-J. Tatin-Gourier (dir.), La destination de l’œuvre ou l’œuvre adressée, Cahiers d’Histoire Culturelle, 19 (2008), p. 63-71.
213 SHD, GR X1 40, Instruction…, op. cit.
214 SHD, GR 1 M 1709, Chabo (chevalier de), « En recevant vos ordres… », 1764, 56.
215 Soulignons néanmoins que l’appellation « Monseigneur », fréquemment en tête des mémoires ou des lettres, qui semble devoir renvoyer au ministre peut être trompeuse. C’est en tout cas vrai pour le mémoire de Mervans qui demande au destinataire de sa lettre, qualifié de « Monseigneur », de transmettre son écrit au ministre, il est donc peu probable que cette lettre ait été adressée au comte de Saint-Germain comme le prétend une annotation portée au crayon : SHD, GR 1 M 1725, Mervans, Études…, op. cit. Par ailleurs, il convient de noter le biais que peut introduire la source ici utilisée. Il n’est pas toujours possible de savoir dans quelle mesure exacte les mémoires techniques conservés en 1 M proviennent des bureaux de la Guerre ou de fonds privés. Il est donc difficile de savoir s’ils sont représentatifs des seuls mémoires envoyés département ou d’une pratique plus large intégrant les mémoires adressés aux officiers supérieurs.
216 SHD, GR 1 M 1703, Montaut (chevalier de), Réflexions sur la manière de former de bons soldats d’infanterie avec un essai sur la conduite politique d’un lieutenant-colonel envers son régiment, s.d., 32.
217 SHD, GR 1 M 1705, d’Astin, Évolutions militaires exécutées au son de la caisse suivant la méthode de M. d’Astin, capitaine aide-major du régiment de Cambrésis, 1751, 17. Voir également : SHD, GR 1 M 1706, Réflexions sur l’exercice de l’infanterie, op. cit., SHD, GR 1 M 1710, Parguès, Lettre du 29 septembre 1762, 14 et SHD, GR 1 M 1713, Desgarest, Copie d’une lettre écrite de la citadelle de Strasbourg le 4 décembre 1774 par M. Desgarest, brigadier, à M. D…, maréchal de camp, inspecteur d’infanterie, 1774, 44.
218 Sur le renforcement du statut des inspecteurs au sein de la hiérarchie militaire : C. Opitz-Belakhal, op. cit., p. 56-78.
219 SHD, GR 5 Yd 586, op. cit.
220 A. Chuquet, Le Général…, op. cit., p. 48-49.
221 AN, K 1365, t. 1, Dubuysson, Observations sur l’ordonnance de la cavalerie, s.d., 8. Sont aussi probablement une commande les divers mémoires envoyés par Sylvestre de Bellonsus au prince de Salm et conservés en 1 M 1712. Voir par ailleurs le mémoire produit par le comte de Montrevel, colonel du régiment de Berry, à l’intention du marquis de Talaru, inspecteur, en 1764 : SHD, GR A1 3642, La Baume (comte de Montrevel), Mémoire sur la composition de l’infanterie et sur tous les objets relatifs à son service, 1764, 3.
222 SHD, GR 1 M 1705, Cambis d’Orsans, Mémoire sur les éléments de l’école du soldat, les principes de la marche militaire, avec quelques observations sur la manière de mettre en joue et de charger, 1753 et s.d., pièces 22 et 23. Voir également le cas de Ganot de Récicourt qui remet au chevalier Pelletier, maréchal de camp et inspecteur, un mémoire avec un modèle d’affut marin : SHD, GR 4 Yd 3451, Ganot de Récicourt. Le vicomte de Sarsfield prend pour sa part sur lui de transmettre le mémoire de Bienassise, lieutenant-colonel du régiment de Normandie, ce dernier n’osant l’adresser à la cour : SHD, GRA1 3642, Extrait d’un mémoire détaillé sur l’infanterie et sur sa constitution présente en France depuis l’époque de sa nouvelle formation, 1764, 12.
223 SHD, GR 1 M 1731, Lettre anonyme…, op. cit. Voir également : AN, K 1365, t. 2, Observations sur des objets militaires par le sieur Desdorides, 26 septembre 1775, 33, ou encore le le cas de Dagobert dont le mémoire de 1783 fut lu par son inspecteur, de la Luzerne, qui lui conseilla de l’adresser au ministre, tandis que celui de 1786 fut soumis au comte de Murinais, qui le félicita d’écrire sur la guerre mais lui déconseilla d’envoyer cette nouvelle production au secrétaire d’État : A. Chuquet, Le Général…, op. cit., p. 47-49.
224 SHD, GR 1 M 1727, Dubuysson, Réflexions sur la constitution actuelle de la cavalerie, s.d., 64.
225 SHD, GR 1 M 1709, Beuvrigny, Projet d’augmentation d’une compagnie par bataillon pour la levée et l’instruction des recrues et qui servirait de dépôt, s.d., 24. Desdorides recourt également à son colonel, le marquis d’Avaray, pour présenter en 1775 deux de ses mémoires au comité d’inspecteurs et au duc de Broglie, voir SHD, GR 8 Yd 165, op. cit. Plus original, le sieur Ricard fait intervenir son colonel, le marquis de Crénolle, afin de récupérer son manuscrit remis un an auparavant à Dubois : Manuscrits de la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, Ms 978, Crénolle (marquis de), Correspondance avec le ministre commencée le 1er janvier 1766, f° 82, en date du 3 mai 1768.
226 SHD, GR 1 M 1783, d’Agailliers (baron), Lettre du 22 mars 1773 au ministre, 189.
227 SHD, GR 1 M 1732, Lambert (marquis de), Lettre du 10 mai 1772 à Sainte-Rheuse, 66 et à nouveau en 1777 : SHD, GR 1 M 1733, Lettre du marquis de Lambert à Sainte-Rheuse, Béthunes, 18 juin 1777, 46. Même démarche chez le marquis de Boufflers : SHD, GR 1 M 1711, Boufflers (marquis de), Lettre du 31 décembre 1767 à Sainte-Rheuse, 55.
228 SHD, GR 1 M 1726, Dubuysson, Mémoire sur les remontes et les recrues de la cavalerie et des dragons, 1775, 49.
229 Maréchal de camp et lieutenant des gardes du corps.
230 Charles Charlot, chef du bureau des grâces.
231 Il peut s’agir de Louis de Noailles, lieutenant général, ou de Jean Louis Paul François de Noailles, maréchal de camp.
232 Soulignons le caractère classique d’une rhétorique qui vise à présenter son texte comme si remarquable que des amis bienveillants se sont empressés de le diffuser, voire de le faire imprimer. Elle se retrouve par exemple pour Flavigny : « Avis des éditeurs » dans Flavigny (vicomte de), Réflexions sur la désertion, op. cit., ou encore chez Pierre Augustin de Varennes : P. A. de Varennes, Réflexions morales, relatives au militaire français, Paris, Cellot et Jombert, 1779, p. 5. Sur l’utilisation des liens de parenté et d’amitié comme moyen de diffusion d’un mémoire, voire également : F. El Hage, « Dénoncer un commandement d’armée en France sous l’Ancien Régime », Hypothèses, 2008, p. 141-150, voir p. 146-147.
233 Soulignons néanmoins que dans certains cas l’envoi d’un mémoire au secrétaire d’État de la Guerre peut être un moyen indirect de toucher d’autres membres de la hiérarchie militaire. Drummond de Melfort affirme ainsi avoir envoyé un mémoire en 1749 pour obtenir l’estime du maréchal de Saxe : Drummond de Melfort, Traité sur la cavalerie, Paris, G. Desprez, 1776, p. ix.
234 Yb 543, Noailles et Yb 640, Dragons du Roi.
235 Quelques indices pointent alors dans le sens d’un renforcement de la voie hiérarchique. Dans une lettre adressée à un général anonyme, Dagobert s’excuse ainsi en 1786 d’avoir présenté son projet d’ordonnance au ministre sans l’avoir préalablement soumis à son destinataire. Cet habitué des mémoires annonce qu’il ignorait la marche à suivre en la matière, ce qui semble indiquer une évolution récente des pratiques : SHD, GRA1 3766, Dagobert, Lettre du 18 mars 1786, 53. Trois ans plus tôt, l’auteur d’un livre sur la guerre s’était déjà vu sommé de faire connaître ses idées en les adressant au ministre par le biais de ses supérieurs qui doivent seuls juger si elles méritent attention. S’il ne s’agit pas ici du cas d’un mémoire manuscrit mais d’un projet de livre, l’exemple converge néanmoins dans le sens renforcement de la voie hiérarchique : SHD, GR A4 50, Note à M. Lenoir du 31 octobre 1783, 80. Sur la relative souplesse de la voie hiérarchique jusqu’à la veille de la Révolution, voir par ailleurs : G. Lasconjarias, « Comme si… », op. cit., p. 235.
236 Dans la majorité des cas, les personnes sollicitées, tant en matière de transmission que de conseil, sont des militaires ou des membres de l’administration de la guerre. Certains sujets précis pouvaient néanmoins justifier la consultation de civils. Ainsi La Porterie, major du régiment Mestre de camp général des dragons, joint-il à son mémoire sur les leçons qu’il donne dans ce régiment les jugements élogieux portés par six écuyers ou anciens écuyers sur ses principes : SHD, GR 1 M 1731, La Porterie, Extrait des leçons et des instructions militaires, 1750, 4. Par ailleurs d’autres réseaux que le réseau militaire pouvaient être mobilisés. D’Elbée, ancien capitaine, fait ainsi remettre son mémoire par le comte de Vergennes : SHD, GRA1 3740, Lettre de d’Elbée au marquis de Ségur, 27 juin 1782, 42.
237 SHD, GR 1 M 1760, d’Autichamp, Correspondance avec M. le marquis de Castries, commencée le 10 novembre 1775, 98, f° 2.
238 Ainsi trouve-t-on parfois la mention « pour vous seul » adressé au ministre, voir par exemple SHD, GR 1 M 1725, Observations d’un zélé citoyen, s.d., 13. Voir aussi la demande de Créqui d’être lu par le seul ministre, SHD, GR 1 M 1727, Créqui, Mémoire sur l’organisation de la cavalerie, s.d., 41.
239 Sur ce point : T. Sarmant (dir.), Les ministres de la guerre…, op. cit., p. 81-138.
240 Pour un exemple d’attribution erronée, voir les Réflexions de Joly dont l’annotation est attribuée par l’archiviste à Monteynard, ce qui est impossible au vu du parcours de l’auteur qui envoie son mémoire comme capitaine, soit entre 1748 et 1756, alors que Monteynard n’est pas ministre : SHD, GR 1 M 1786, Joly, Réflexions…, op. cit., et SHD, GR 1 Ye 11347, Joly (Nicolas), SHD, GR 1 Ye 11959, Joly de Saint-Valier (Nicolas) et SHD, GR Xb 52, Ile-de-France. La difficulté d’attribution est renforcée par le fait que certaines annotations ne sont pas d’époque mais postérieures, ce qui n’est pas toujours aisé à déterminer, voir par exemple : SHD, GR 1 M 1714, Scallier, Mémoire…, op. cit.
241 Pour des exemples : SHD, GR 1 M 1783, Custine, Mémoire sur le détail et le service de l’infanterie, 1744, 24, SHD, GR 1 M 1704, Maillebois (comte de), Mémoire sur les manœuvres, s.d., 118 et SHD, GR 1 M 1731, Turpin (comte de), Mémoire donné à M. le comte d’Argenson par M. le comte Turpin sur le service des hussards, 1753, 30. On trouve régulièrement des annotations à la première personne attribuées par l’archiviste à un ministre ou l’autre. Si l’exemple de Joly montre que de telles attributions sont à prendre avec précaution, elles sont néanmoins probablement souvent justes. Voir par exemple SHD, GR 1 M 1732, Fumel (comte de), Mémoire, 1754, 8.
242 Le fait que le mémoire soit commandé ou non devait en particulier influer dans son traitement.
243 Ce dont les officiers, malgré la fiction de l’adresse directe au ministre, avaient sans doute conscience. Voir par exemple SHD, GR 1 M 1705, Réflexions sur les évolutions militaires, s.d., 15. L’auteur s’y dit « trop heureux » si le ministre fait lui-même l’examen de son ouvrage.
244 Sur cette lacune historiographique : T. Sarmant (dir.), Les ministres…, op. cit., p. 29-33.
245 L. André, Michel Le Tellier…, op. cit., p. 640-646.
246 Ils sont ainsi 10, y compris le dépôt de la Guerre, en 1743 lors de l’arrivée de d’Argenson, 14 en 1758, 8 sous Saint-Germain et 5 sous Brienne : Y. Combeau, le Comte d’Argenson…, op. cit., p. 275-279, A. Buot de l’Epine, « Les bureaux de la guerre… », op. cit. et J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État… », op. cit.
247 Pour une synthèse de l’évolution des bureaux, on se reportera notamment au tableau de l’inventaire de la sous-série Ya : J.-C. Devos, S. Gibiat, P. Waksman, Inventaire des archives de la Guerre : sous-série Ya, Vincennes, Service historique de la Défense, 2000.
248 Choiseul s’y essaya notamment sans succès : J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État… », op. cit.
249 B. Barbiche, « Le roi de guerre et son gouvernement, xvie-xviiie siècle », dans T. Sarmant (dir.), Les ministres…, op. cit., p. 21-28.
250 Voir E. Pénicaut, « Les commis et premiers commis des bureaux du département de la Guerre sous Michel Chamillart », Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, 2002, p. 77-130.
251 J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État… », op. cit.
252 Avant l’existence de ce secrétariat, les ministres disposaient déjà de leurs propres secrétaires, mais ce n’est que progressivement que la distinction entre ces derniers et les commis se fit : M. Antoine, « L’entourage des ministres aux xviie et xviiie siècles », dans Origine et histoire des cabinets des ministres en France, Genève, Droz, 1975, p. 15-21 et E. Pénicaut, Michel Chamillart…, op. cit., p. 235-236.
253 La circulation du courrier dans le département est assez mal connue, surtout pour le premier xviiie siècle en raison des pertes de documents. Dans son règlement de 1708, Chamillart avait imposé que toutes les lettres passent en premier lieu par le bureau de la correspondance qui faisait office de secrétariat du ministre, signe d’une volonté de centralisation dont il est peu probable qu’elle ait pu se maintenir dans le temps, voir J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État… », op. cit., p. 94 et E. Pénicaut, Michel Chamillart, op. cit., p. 236-243. Quoi qu’il en soit, la correspondance privée du ministre, dont les mémoires qui lui étaient adressés devaient faire partie, était vraisemblablement dépouillée par son secrétariat avant renvoi, le cas échéant, aux bureaux : T. Sarmant (dir.), Les Ministres…, op. cit., p. 107. Le rôle du secrétariat est mieux connu pour les affaires étrangères : J.-P. Samoyault, Les bureaux du secrétariat d’État des affaires étrangères, Paris, Pedone, 1971, p. 29-34.
254 Dans la plupart des cas néanmoins, une telle apostille est absente, ce qui laisse penser, soit que le mémoire a été ignoré, soit que le ministre ou son secrétariat en ont assuré eux-mêmes le traitement sans renvoi aux bureaux, soit que le nom du commis à qui le mémoire était destiné a été écrit sur la lettre d’accompagnement du mémoire ou sur une note qui lui était adressée et que ces documents ont été perdus. Pour un exemple sur ce dernier point, voir le cas du mémoire intitulé Infanterie en 1 M 1712. Il existe un double de ce mémoire anonyme dans la sous-série Ya signé de Puységur. Sur la lettre que ce dernier a envoyée en accompagnement de son mémoire est mentionné au crayon le nom de Sainte-Rheuse qui a dû être chargé de son analyse : SHD, GR 1 M 1712, Infanterie, 38 et SHD, GR Ya 166, Puységur, Infanterie, 1771. Cet exemple rappelle par ailleurs qu’un certain nombre de mémoires de la sous-série 1 M ne sont probablement que des doubles faits par les bureaux dont les originaux, et leur lettre d’accompagnement, ont été perdus ou sont conservés ailleurs.
255 Julien-François Dubois, secrétaire du comte d’Argenson et premier commis de la Guerre, avant de devenir chef des bureaux de la Guerre entre 1759 et 1768. Il fait l’objet d’au moins une vingtaine de mentions.
256 S. Gibiat, « Étienne-François de Choiseul-Stainville », dans T. Sarmant (dir.), Les ministres…, op. cit., p. 417-418.
257 Voir les différentes pièces du dossier en 1 M 1709 et en 1 M 1732.
258 Plus de 25 renvois à Fumeron, père et fils, ont été trouvés.
259 Les Fumeron s’inscrivaient ainsi au sein de pratiques clientélaires courantes dans le monde des commis jusqu’au milieu du xviiie siècle, voir notamment J. C. Rule, « The commis of the Department of Foreign Affairs, 1680-1715 », Proceedings of the Western Society for French History, 8 (1980), p. 69-80 et D. C. Baxter, « Premier commis in the War Department in the Later Part of the Reign of Louis XIV », Ibid., p. 81-89, ou encore M. Antoine, « L’entourage des ministres… », op. cit., p. 17-19.
260 S. Gibiat, « Étienne-François de Choiseul-Stainville… », op. cit., et S. Gibiat, La militarisation…, op. cit., p. 315 et 678-680.
261 Une vingtaine de mentions a pu être retrouvée.
262 François-Louis Marie de Cernay, chargé du bureau des déserteurs de 1761 à 1766.
263 Louis Baudard, chargé du bureau des déserteurs de 1766 à 1775.
264 Denis Richet l’a souligné, sous l’Ancien Régime, l’« homme créait sa fonction dans des proportions aujourd’hui impensables » : D. Richet, La France moderne : l’esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1973, p. 79. L’étendu des fonctions d’un commis était déterminée par la confiance du ministre, et non par les seules attributions traditionnelles de son bureau qui furent longtemps loin d’être nettement établies, voir par exemple le cas de Jean-François Fumeron : E. Pénicaut, Michel Chamillart, op. cit., p. 231-232. Certains bureaux avaient néanmoins un rôle prépondérant, comme celui de la correspondance, héritier de l’ancienne secrétairerie du temps de Louvois, à la tête duquel se succédèrent entre autres les sieurs Pinsonneau, Briquet et Jean-Jacques-François de Fumeron, qui eurent tous une influence déterminante. Sur celle de Pinsonneau, on se réfèrera notamment à : R. Martin, « The marquis de Barbezieux as secrétaire d’État de la guerre (1691-1697) », Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, 6 (1979), p. 67-75.
265 Il est impossible de savoir au sein de chaque bureau si les premiers commis assuraient personnellement la lecture des projets reçus. Il est probable que les mémoires portant une apostille telle que « À M. *** pour m’en parler » étaient directement lu par le premier commis avec qui le ministre voulait en discuter, voir par exemple : SHD, GR 1 M 1707, Ganot de Récicourt, Démonstration de la nécessité qu’il y a de faire ajuster l’infanterie pour tirer avantage de son feu et de rejeter à ce sujet toute méthode générale, s.d., 29 et SHD, GR 1 M 1725, d’Escouloubre (marquis), Projet de M. le marquis d’Escouloubre sur la cavalerie, 1760, 59. Ce type d’apostille reste cependant rare et il est peu vraisemblable que tous les mémoires aient fait l’objet d’une lecture systématique par les chefs des bureaux.
266 Par exemple : SHD, GR 1 M 1783, Notes sur le mémoire ayant pour titre « Discours sur ce que l’on doit faire pour arrêter la désertion, et pour la punir dans les circonstances présentes », 1772, 185 et le précis du mémoire de la Garrigue : SHD, GR 1 M 1702, La Garrigue, Mémoire sur la nécessité d’appliquer les officiers à s’instruire et étudier l’art militaire, 1736, 43. Précisons que la plupart de ces notes sont anonymes. Rien ne garantit qu’elles aient été systématiquement produites par les commis, même si une telle hypothèse semble vraisemblable.
267 SHD, GR 1 M 1708, Observations sur le mémoire du sieur Pariset lieutenant de grenadiers au régiment de Limosin, 1758, 78.
268 Il est ainsi fréquent que le ministre demande son avis à un commis au sujet de tel ou tel mémoire, voir par exemple SHD, GR 1 M 1707, Tressan (attribué à), Observations sur le projet de M. de Rostaing, 1756, 57, SHD, GR 1 M 1708, La Rochelambert (chevalier de), Mémoire…, op. cit. ou encore SHD, GR 1 M 1783, Bussenne de Schlagberg, Mémoire sur la désertion, 1780, 263.
269 D. Dessert, Louis XIV prend le pouvoir : naissance d’un mythe ? : 1661, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 131.
270 O. Chaline, Le règne…, op. cit., p. 90.
271 Mercier écrit ainsi que « la monarchie est divisée en bureaux, et régie par eux », L.-S. Mercier, « commis », dans Tableau de Paris, t. i, Amsterdam, 1772, p. 308. Sur l’importance des commis dans d’autres branches de l’administration : J. Félix, « Les commis du contrôle général des finances au xviiie siècle », dans L’administration des finances sous l’Ancien Régime, Paris, CHEFF, 1997, p. 81-102, J.-P. Samoyault, Les bureaux…, op. cit., p. 35-76 et C. Piccioni, Les premiers commis des affaires étrangères au xviie et xviiie siècles, Paris, Boccard, 1928, p. 48-60.
272 Joseph François Foullon, chef du bureau de l’intendance de 1761 à 1771.
273 SHD, GR 1 Ye 15500, Lecointe (Jean, Louis de Marcillac).
274 Le même rôle est joué par les commis du contrôle général des finances, J. Félix, « Les commis… », op. cit., p. 98.
275 Par exemple : SHD, GR 1 M 1783, Sainte-Rheuse, Observations sur l’ordonnance concernant la désertion, s.d., 226, ou SHD, GR 1 M 1725, Fumeron, Mémoire sur les lieutenants de cavalerie, les sergents et les maréchaux des logis de la cavalerie et des dragons, 1759. Fumeron intervint aussi sur d’autres projets comme la réforme du corps des commissaires des guerres : S. Gibiat, Hiérarchie…, op. cit., p. 158-160. En 1749, c’est lui qui est chargé de l’étude du projet d’abolition de la peine de mort pour les déserteurs : SHD, GR 1 M 1783, Mémoire sur le projet d’ordonnance concernant les forçats de terre, 1764, 90.
276 SHD, GR 1 M 1732, Sainte-Rheuse, Réponse à la lettre du sieur Lambert du 4 mai 1772, 8 mai 1772, 68.
277 T. Sarmant (dir.), Les ministres…, op. cit., p. 86, J.-C. Devos, « Le secrétariat d’État… », op. cit., p. 93, et A. Buot de l’Epine, « Les bureaux… », op. cit.
278 S. Gibiat, La militarisation…, op. cit., p. 105-108 et S. Gibiat, « De plumes et d’épée : malaises et réformes du corps des commissaires des guerres au siècle des Lumière », RHA, 209 (1997), p. 310.
279 SHD, GR 1 M 1783, Lettre du marquis de Monteynard au marquis de Langeron du 9 janvier 1772, 182.
280 Des traces du travail d’analyse effectué par des officiers généraux se retrouvent disséminées dans les mémoires, voir par exemple la lecture faite par Villemeur du mémoire d’un aide-major de Poitou : SHD, GR 1 M 1706, Villemeur, Mémoire, s.d., 5.
281 Louis Antoine du Prat, marquis de Barbançon, lieutenant général.
282 SHD, GR 4 Yd 3667, Bomé (Charles-Thomas), Mémoire, 23 juin 1766. Sur les compétences du bureau du mouvement, voir notamment le détail qui en est fait pour l’année 1787 en SHD, GR 1 M 1790, Bureau du sieur d’Avrange, désigné sous le nom de Bureau du mouvement : extrait des détails qu’il renferme, 1787, 11.
283 SHD, GR X1 43, Instruction que sa majesté a fait expédier à chacun des commandants des 5 écoles que le roi juge à propos d’établir pour l’instruction de sa cavalerie et de ses dragons, 21 août 1764, p. 2.
284 Un rôle similaire est joué par le père du comte de Guibert. En 1768, Choiseul lui obtient un traitement de 12000 livres en dédommagement de la lieutenance de roi de Perpignan qu’il lui demande d’abandonner afin de rester à proximité de la cour. Le ministre désire en effet profiter de l’ensemble de ses connaissances sur les diverses parties du service militaire. Jean-Benoît de Guibert participe ainsi à l’élaboration de multiples ordonnances dont celles concernant le service des places : SHD, GR 3 Yd 1187, Guibert (Jean-Benoît, comte de).
285 Voir également à ce titre l’exemple de Mopinot de la Chapotte, capitaine à la suite du régiment de Dauphin-cavalerie et employé par Monsieur de Brézé au lendemain de la guerre de Succession d’Autriche pour la refonte des ordonnances militaires liées au service des places et des camps : SHD, GR travail du roi, Yd 176, 10 avril 1762. Le chevalier de Chabo pour sa part a travaillé avec le comte d’Estrée au projet d’exercice pour apprendre aux cavaliers à monter à cheval : L. Tuetey, Les officiers…, op. cit., p. 347. Voir également la demande en 1775 du comité des manœuvres de la cavalerie de s’adjoindre des officiers particuliers pour la gestion du détail : SHD, GR 1 M 1733, Comité des manœuvres, Compte-rendu des séances du 29 décembre 1774 au 23 avril 1775, 7, p. 29-30.
286 Voir notamment, SHD, GR 1 M 1715, d’Arros (baron), Observations…, op. cit., SHD, GR 1 M 1715 Dagobert, Réflexions militaires sur l’exercice, les manœuvres, la manière de combattre qui convient le plus à la nation et autres, 1783, 73, ou encore SHD, GR A1 3766, Lettre de Poutier…, op. cit. Voir également la demande que lui fait Ségur en 1781 d’examiner différents mémoires : SHD, GR A1 3720, Billet adressé par le ministre à M. de Vault, 28 février 1781, 65.
287 Choiseul avait, sans doute à tort, la réputation de prendre les idées de ses commis : G. Chaussinand-Nogaret, Choiseul (1719-1785) : Naissance de la gauche, Paris, Perrin, 1998, p. 87 et 216 et A. Baschet, Histoire du Dépôt des Archives des Affaires étrangères, Paris, Plon, 1875, p. 440.
288 S. Gibiat, « Étienne-François de Choiseul-Stainville », op. cit., p. 418.
289 SHD, GR 1 M 1714, Scallier, Mémoire…, op. cit. Scallier n’a d’ailleurs guère d’estime pour les commis, lesquels, nous dit-il, ne sauraient imaginer les projets, ni les juger, mais savent seulement rédiger clairement un texte de loi.
290 Montbarey (prince de), Mémoires autographes, Paris, Eymery et Rousseau, 1826, t. ii, p. 153-155. Lui-même n’avait guère d’estime pour les commis dont il écrit qu’« ils étaient devenus, par l’incurie des ministres, les véritables ordonnateurs, chacun dans leur partie ; ils donnaient des audiences, où ils recevaient même quelquefois avec morgue et hauteur des officiers généraux qui avaient besoin d’eux […] et profitant souvent des grandes affaires dont [le ministre] était occupé, […] ils ne faisaient, pour la plupart, que lui présenter à signer leurs propres décisions », Ibid., p. 152.
291 SHD, GR 1 M 1791, Guibert (attribué à), Projet de travail relatif aux vues de M. le comte de Saint-Germain, s.d., 15.
292 L. Mention, Le comte de Saint-Germain, op. cit., p. 12-23 et AN, K 1365, t. 1, Observations sur l’État actuel de l’infanterie française, septembre 1771, 6, voir la conclusion.
293 Montbarey souligne d’ailleurs que malgré son aversion pour les commis, Saint-Germain en était tributaire pour se mettre au courant des faits : Montbarey (prince de), Mémoires…, op. cit., p. 153-154.
294 Le renforcement des fonctions des inspecteurs et la mise en place de comités d’inspecteurs peuvent être attribués à d’Argenson : Y. Combeau, Le comte d’Argenson, op. cit., p. 311-312. Par la suite, les inspecteurs continuent d’être sollicités jusqu’à l’établissement final du conseil de la Guerre. Voir notamment pour le ministère Choiseul : S. Gibiat, « Étienne-François de Choiseul-Stainville », op. cit., p. 420-421 et pour une synthèse plus générale, C. Opitz-Belakhal, op. cit., p. 67-78. Le rôle des inspecteurs comme intermédiaires entre le ministre et les rédacteurs des ordonnances apparaît notamment dans le cas du chevalier de Forbin, voir : SHD, GRYa 165, chevalier de Forbin, Lettre à d’Argenson du 27 décembre 1752 et SHD, GRYa 165, Lettre du marquis de Brézé du 29 décembre 1752.
295 Sur l’idée d’un renforcement du rôle des inspecteurs au début des années 1770 : C. Opitz-Belakhal, op. cit., p. 67-68. Cette dernière souligne qu’il est difficile de dater la mise en place de séances de travail commun chez les inspecteurs. Plusieurs indices montrent l’existence d’une discussion collective antérieure au début des années 1770. Par ailleurs, les comités d’inspecteurs sont présents dès le ministère d’Argenson, voir note précédente. Il n’en reste pas moins que le procédé semble se renforcer après le ministère de Choiseul, en particulier sous d’Aiguillon qui met en place, en 1774, deux assemblées d’inspecteurs, une pour l’infanterie, l’autre pour la cavalerie, afin de rétablir l’uniformité dans l’armée : A. Latreille, L’Armée et la nation à la fin de l’ancien régime, Paris, Chapelot, 1914, p. 44-49. L’expérience est en particulier renouvelée sous le marquis de Ségur avec la création du comité de la Guerre en 1781. Sur ce dernier, voir notamment : C. Dehaudt, « Le Comité de la Guerre (1781 – 1784) : Une institution méconnue de la fin d’Ancien Régime », Revue historique, 302/4 (2000), p. 869-894.
296 SHD, GR 1 M 1782, pièces 67-72.
297 SHD, GR 1 M 1728, Projet proposé à M. le comte de Schomberg, sur la forme du travail du comité relatif à l’examen de l’ordonnance concernant l’instruction de la cavalerie et qu’il est supplié de vouloir bien mettre sous les yeux du conseil de la Guerre s’il en approuve les dispositions, s.d., 74.
298 Il s’agit ici de Louis René Le Mouton de Boisdeffre, major dans Royal-Bourgogne depuis 1782.
299 SHD, GR 1 M 1728, État des mémoires d’observations qui ont été envoyées au conseil de la Guerre sur le règlement des manœuvres des troupes à cheval, s.d., 73. Dans un mémoire d’observations que l’on peut attribuer à Montbarey, est évoqué également un comité assemblé pour discuter du plan tactique proposé par le baron de Pirch et M. de la Chapelle durant l’hiver 1773-1774 : SHD, GR 1 M 1713, Montbarey (prince de, attribué à), Observations sur l’instruction provisoire du 11 juin 1774 sur l’exercice de l’infanterie, s.d., 26.
300 L.-S. Mercier, « Rêves politiques », op. cit.
301 SHD, GR 1 M 1783, Monteynard, Lettre au marquis de Langeron…, op. cit.
302 SHD, GR 1 M 1713, Relingue (de), Projet…, op. cit. et SHD, GR 1 M 1713, « L’ordonnance à la macédonienne… », 1774, 15.
303 SHD, GR 1 M 1713, Exposé de moyens simples et naturels pour mettre nos troupes sur le meilleur pied de celles de toutes les puissances de l’Europe, et porter l’honneur de la nation au degré le plus éminent, 1774, 10.
304 SHD, GR 1 M 1710, Lincé (de), Mémoire sur les parties de détail de l’infanterie, 1764, 29.
305 SHD, GR 1 M 1783, Richard, Le patriote…, op. cit.
306 Le mémoire du sieur Lincé est ainsi décrit comme une compilation de Polybe, des règlements prussiens et d’un auteur ancien dont on ignore le nom : SHD, GR 1 M 1710, Lincé (de), Mémoire, op. cit. Voir également la critique portée contre le mémoire du baron d’Arros, tissu de lieux communs : SHD, GR 1 M 1716, Ouvrage du baron d’Arros, op. cit.
307 SHD, GR 1 M 1786, Note, 22.
308 SHD, GR 1 M 1714, Mémoire pour la cavalerie, 18.
309 SHD, GR 1 M 1702, La Garrigue, Mémoire…, op. cit.
310 SHD, GR 1 M 1707, Frémicourt, Lettre…, op. cit.
311 SHD, GR 1 M 1712, « Les principes… », s.d., 2.
312 Sur ce point : K. Alder, Engineering the Revolution : Arms and Enlightenment in France, 1763-1815, Princeton, Princeton University Press, 1997, p. 12-19 et J. Black, European Warfare (1660-1815), Londres, University College London, 1994, p. 49-54.
313 SHD, GR Xb 9, Grenadiers de France et SHD, GR 1 Yf 9962, Tourville (Joseph Marie de Chapuis).
314 Pour l’ensemble du dossier : SHD, GR 1 Ye 1378, op. cit.
315 SHD, GR 1 M 1704, Forbin, Observations sur le maniement des armes prescrit par l’ordonnance du 7 mai 1750,s.d., 130. L’auteur y est seulement désigné comme M. de Forbin, l’étude des états de service et du dossier du chevalier laisse néanmoins penser sans trop d’incertitudes qu’il en fut bien l’auteur : SHD, GR 1 Ye 9571, Forbin (Gaspard, François, Anne) et SHD, GRXb 56, Royal Vaisseaux.
316 SHD, GR 1 M 1704, Maillebois (comte de), Mémoire sur les manœuvres, op. cit.
317 SHD, GR Xb 56, Royal Vaisseaux.
318 Ibid.
319 J. Colin, L’infanterie…, op. cit., p. 93-99.
320 La phrase est tirée de la réponse faite, sans doute par Saint-Germain, au baron de Vietinghoff au sujet de son mémoire sur la désertion : SHD, GR 1 M 1783, Lettre au baron de Vietinghoff du 12 novembre 1783, 266. Sur l’importance des mémoires, voir également la présentation par Guibert du travail que doit mener le conseil de la Guerre : il y souligne que seront pris en compte les plans et projets rassemblés au département de la Guerre, les mémoires des comités d’inspecteurs et tous ceux qui ont été envoyés par les officiers généraux ou particuliers : SHD, GR 1 M 1790, Guibert (comte de), Instruction du roi pour le conseil de la Guerre, s.d., 14, p. 12-13.
321 Ce qui confirme le constat dressé par Claudia Opitz-Belakhal qui souligne que les réformes menées ne furent pas seulement discutées par les élites, mais bien par une plus large partie du militaire : C. Opitz-Belakhal, op. cit., p. 22.
322 Pour des exemples de discussion, voir le cas du feu de Tourville, SHD, GR 1 M 1708, pièces no 56-62 et les observations faites sur le projet de légion de Rostaing : SHD, GR 1 M 1707, Tressan (de), Observations…, op. cit. et SHD, GR 1 M 1707, Réflexions sur le projet de M. de Rostaing, 1758, 56 ou encore la réponse donnée par le marquis de Nangis aux observations faites sur son projet, SHD, GR 1 M 1702, Nangis (marquis de), « Après avoir examiné scrupuleusement… », s.d., 72. Voir également en 1 M 1710 l’ensemble des observations adressées par des officiers généraux sur l’ordonnance du 20 mars 1764 accompagnées des réponses faites à ces mêmes observations par le rédacteur de l’ordonnance. Apparaît ici clairement un travail dialogué de critique et d’argumentation. Il est enfin courant de trouver sous la plume d’un auteur mention de tel ou tel mémoire qu’il a lu, pour ne donner qu’un exemple : Bohan (baron de), Examen critique du militaire français, Genève, 1781, t. ii, p. 92.
323 Voir les divers recueils de mémoires manuscrits ayant appartenu au marquis de Langeron actuellement conservés à la bibliothèque Richelieu : BNF, NAF 360-386, Mémoires militaires du marquis de Langeron.
324 Le phénomène est notamment visible pour l’abolition de la peine de mort pour les déserteurs, envisagée dès 1749 et réalisée en 1776 seulement, pour laquelle on ressort régulièrement les dossiers précédemment constitués, voir notamment SHD, GR 1 M 1783, Forçats de terre, 44-50. Il semblerait par ailleurs que les mémoires des auteurs les plus prolifiques aient fait l’objet d’un archivage et d’un classement minutieux comme en témoigne le cas du baron de Wimpffen. Son dossier comporte une liste en trois pages de ses manuscrits dressée par le dépôt de la Guerre : neuf textes y sont référencés et assortis de commentaires jugeant de leur qualité et soulignant si le document doit être ou non censurée en raison de sa trop grande liberté. Une telle pièce témoigne bien de la constitution d’une mémoire de l’État qui archive, classe et annote en vue d’une possible exploitation des mémoires : SHD, GR 4 Yd 2573, Wimpffen (Christian, baron de).
325 Sur ces questions, voir : A. Guinier, L’honneur du soldat…, op. cit., parties 4 et 5.
326 D. Richet, La France moderne…, op. cit., p. 161.
327 J. Cornette, Le roi…, op. cit., p. 170.
328 Sur l’importance de la circulation interne des documents, voir notamment K.M. Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 42/1, 1987, p. 41-71. Repris dans Id., Au tribunal de l’opinion : essais sur l’imaginaire politique au xviiie siècle, Paris, Payot, 1993 [1re édition en anglais : 1990], p. 219-267 (voir également l’introduction, p. 9-44 et le chapitre iv, p. 155-182). Sur l’effet produit par la publication des comptes de la monarchie : J. Egret, Necker, ministre de Louis XVI, Paris, Honoré Champion, 1975, p. 169-178.
329 A. Gat, A History of Military Thought…, op. cit., p. 27. À titre de comparaison, il souligne qu’environ 70 ouvrages ont vu le jour au cours du xviie siècle, et une trentaine entre 1700 et 1748 contre les 125 qui paraissent entre 1748 et 1789. Par ailleurs, l’accroissement connu à partir du milieu du siècle ne sera pas dépassé avant la fin du xixe siècle. Le même accroissement est relevé pour la littérature portant sur l’art militaire équestre par Daniel Roche : D. Roche, « Le livre d’équitation du xvie au xviiie siècle : esquisse d’une réflexion », dans Le livre et l’historien, études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997, p. 187-196. Sur la multiplication des imprimés militaires et leur diffusion, voir également : D. Hohrath, « Die Beherrschung des Krieges in des Ordnung des Wissens. Zur Konstruktion und Systematik des militarischen Wissenschaften im Zeichen der Aufklärung », dans T. Stammen, W.-E. J. Weber (dir.), Wissenssicherung, Wissensordnung und Wissensverarbeiterung : das Europäische Modell der Enzyklopädien, Berlin, Akademie Verlag, 2004, p. 371-386. Sur le rayonnement de la production française, consulter par ailleurs H. Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, op. cit., p. 204. Soulignons que si la seconde moitié du xviiie siècle marque l’accroissement de la production imprimée, le réveil de la littérature militaire est perceptible dès le début du siècle : E. G. Léonard, L’armée et ses problèmes au xviiie siècle, Paris, Plon, 1958, p. 102-103.
330 P. Contamine, La guerre…, op. cit., p. 351-353. Pour un survol rapide de l’évolution de la production militaire du Moyen Âge au xviiie siècle : J.-P. Bois « Plaidoyer pour une histoire tactique de la guerre au xviiie siècle », dans Goubier-Robert (dir.), L’armée au xviiie siècle (1715-1789), Aix-en-Provence, Publication de l’université de Provence, 1999, p. 19-28. Sur l’essor de la production imprimée dès le xvie siècle : J. R. Hale, War and Society in Renaissance Europe, 1450-1620, Baltimore, John Hopkins University Press, 1991 [1re édition : 1985], p. 56-57 et F. Tallett, War and Society in Early Modern Europe, 1495-1715, Londres/ New York, Routledge, 1992, p. 39-41.
331 Soulignons par ailleurs que les officiers s’investissent de manière croissante dans la vie littéraire au sens large. Robert Darnton relève ainsi 38 auteurs officiers en 1757 contre 109 en 1784 : R. Darnton, « Littérature et Révolution », dans Id., Gens de lettres, gens du livre, Paris, Odile Jacob, 1992 [1re édition en anglais : 1990], p. 99-137, voir p. 118.
332 F. Bluche, La vie quotidienne de la noblesse française au xviiie siècle, Paris, Hachette, 1973, p. 232.
333 Pour les ouvrages traitant d’économie par exemple, Jean-Claude Perrot a mis en exergue une forte inflation des titres à partir de 1750 jusqu’à la Révolution, voir J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, Paris, EHESS, 1992, p. 75-76.
334 Au sein d’une bibliographie nombreuse, voir entre autres : H.-J. Martin et R. Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, t. ii, Le livre triomphant, Paris, Promodis, 1984, R. Chartier, « Du livre au lire. Les pratiques citadines de l’imprimé 1660-1780 », dans Id., Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987, p. 165-222 et F. Furet (dir.), Livre et société dans la France du xviiie siècle, 2 vol., Paris/La Haye, Mouton, 1965 et 1970. Sur les limites que rencontre néanmoins le marché du livre : R. Darnton, « Dans la France prérévolutionnaire : des philosophes des Lumières aux “Rousseau des ruisseaux” », dans Id., Bohème littéraire et Révolution : le monde des livres au xviiie siècle, Paris, Seuil, 1983, p. 7-43.
335 A. Gat, A History of Military Thought…, op. cit., p. 27-31 et J. Lynn, De la guerre, op. cit., p. 190-193. Sur la généralisation de la diffusion des savoirs à la même époque : P. Dubourg-Glatigny, H. Vérin, « La réduction en art… », op. cit.
336 Voir notamment le discours préliminaire de Pierre Augustin de Varennes qui souligne qu’un officier doit non seulement chercher à approfondir son métier mais aussi communiquer ses idées : P. A. de Varennes, Essai d’une morale relative au militaire français, Paris, Durand, 1771, p. iv et Id., Réflexions morales…, op. cit., p. 2.
337 La volonté d’instruire le militaire est un véritable topos de la littérature imprimée du xviiie siècle, voir entre autres : Lecointe, Commentaires sur la Retraite des Dix-mille…, op. cit., p. xxiii-xxxii, Drummond de Melfort, Traité sur la cavalerie, op. cit., p. xii et C. Delhay, « Rhétorique et argumentation dans les traités d’équitation du xviiie siècle », dans D. Roche (dir.), Les Écuries royales, du xvie au xviiie siècle, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, 1998, p. 213-233.
338 « Avertissement », dans Puységur (maréchal de), Art de la guerre par principes et par règles, Paris, C.-A. Jombert, 1748.
339 Voir note supra. Bien que non daté, ce mémoire fut vraisemblablement produit durant la guerre de Succession d’Autriche qu’il évoque, voir notamment SHD, GR 1 M 1705, Mémoire sur la discipline…, op. cit., p. 3.
340 Voir supra. Ce passage du manuscrit à l’imprimé s’accompagne parfois d’une plus grande modération dans la version publiée, voir sur ce point : J.-P. Bois, « Le baron d’Espagnac (1713-1783), gouverneur des Invalides et écrivain militaire », dans J.-P. Bardet et al. (dir.), État et société en France aux xviie et xviiie siècles. Mélanges Y. Durand, p. 121-133, voir p. 127.
341 SHD, GR 1 M 1702, Vaultier, Observations sur l’art de faire la guerre suivant les maximes des plus grands généraux, 1733, 2.
342 SHD, GR A4 48, Lettre à M. de Mondésir, lieutenant-colonel du régiment de dragons d’Orléans, 1er avril 1780. Voir aussi les cas de Flavigny et Mopinot qui s’efforcent en vain d’obtenir l’impression de leurs ouvrages à l’imprimerie royale : SHD, GR 1 Ye 9372, Note du 8 février 1772 et SHD, GR A1 3720, Lettre de Mopinot au ministre du 29 janvier 1781, 49 et Lettre à M. Mopinot du 16 février 1781, 57.
343 SHD, GR 1 M 1718, Roullin de Launay, Lettre…, op. cit.
344 SHD, GR 1 M 1708, Barisien de Marne, Lettre du 13 août 1756 au ministre, 32.
345 D. Roche, Le Siècle des Lumières…, op. cit.
346 Sur le rôle de l’État dans le travail de diffusion des connaissances militaires, J. Cornette, Le roi…, op. cit., en particulier p. 172. L’existence de mémoires envisagés avant tout comme des écrits destinés à la formation des officiers, plus qu’à contribuer au travail de réforme mené par l’État, apparaît bien dans le cas de Desbournay. Son mémoire se veut « une porte pour entrer, une espèce de guide dans la carrière ». Il est accompagné d’une « liste des livres principalement nécessaires à l’homme de guerre » et du « choix des cartes qu’il est obligé indispensablement d’avoir » : SHD, GR 1 M 1702, Desbournay (présumé de), Réflexions sur la guerre et sur l’homme de guerre, s.d., 51. Bien que Desbournay ne parle pas d’impression, elle apparaît comme le prolongement naturel d’un tel écrit. La parution dans les années 1770 de journaux militaires, l’Encyclopédie militaire par une société d’officiers militaires et de gens de lettres diffusé entre 1770 et 1772 et le Journal militaire et politique créé en 1778, relève en partie du même souci d’instruire les officiers : A. Babeau, La vie militaire sous l’Ancien Régime, t. ii, Les officiers, Paris, Firmin-Didot, 1890, p. 331-334. Elle connaît un bien moindre succès en France qu’en Allemagne : A. Gat, A History of Military Thought…, op. cit., p. 66-68.
347 SHD, GR 1 Ye 15500, op. cit. Il est notamment l’auteur d’un traité de fortification et d’un autre à l’usage des officiers : Lecointe, La science des postes militaires ou traité de fortifications de campagne, à l’usage des officiers particuliers d’infanterie qui sont détachés à la guerre, Paris, Desaint et Saillant, 1759 et Lecointe, Commentaires sur la Retraite des Dix-mille…, op. cit.
348 L. de Boussanelle, Observations militaires, Paris, Jombert et Cellot, 1761, Id., Réflexions militaires, Paris, Duschesne et Durand, 1764, Id., Le bon militaire, Paris, La Combe, 1770 et Id., Aux soldats, Paris, Delaguette, 1786.
349 SHD, GR 5 Yd 103, Boussanelle, « À Monseigneur le duc de Choiseul », s.d.
350 L. de Boussanelle, « Épître dédicatoire », dans Observations militaires, op. cit. et Id., « Épître dédicatoire », dans Réflexions militaires, op. cit.
351 Voir notamment l’avis adressé à ce dernier de la commission reçue par Boussanelle : SHD, GR 5 Yd 103, L. de Boussanelle, M. le comte de Caraman. Commission de mestre de camp accordée au sieur de Boussanelle, 24 juin 1761.
352 L’approbation d’un officier général apparaît notamment comme la meilleure caution pour un livre militaire. Pour ne donner qu’un exemple, Lecointe place en tête de son traité des fortifications une lettre à lui adressée par le maréchal de Lautrec qui le félicite de son travail : J. Lecointe, La science des postes militaires…, op. cit.
353 Boussanelle y souligne tous les bienfaits qui le comblèrent à la suite de ses premiers écrits : L. de Boussanelle, Réflexions militaires, op. cit., p. xiv.
354 SHD, GR 5 Yd 103, Boussanelle (Louis de).
355 SHD, GR 5 Yd 103, M. le comte de Beauvillier. Commission de mestre de camp pour le sieur de Boussanelle, 24 juin 1761.
356 En 1765, le prince de Beauveau évoquant le cas de Mesnil-Durand le compare avec celui de Boussanelle dont il souligne qu’il a été fait colonel pour un livre certainement pas meilleur que celui du premier : SHD, GR 4 Yd 2999, Mesnil-Durand (baron de), Lettre du prince de Beauveau au ministre du 22 mars 1765.
357 SHD, GR 1 M 1729, Boussanelle, Mémoire pour prouver l’utilité de l’établissement d’une compagnie de carabiniers dans chaque régiment de cavalerie des troupes du Roy présenté à Monseigneur le comte d’Argenson ministre de la guerre, s.d., 47, SHD, GR 1 M 1734, Boussanelle, Formation de l’escadron à la guerre comme dans les exercices proposée à Monseigneur le comte d’Argenson ministre et secrétaire d’État de la guerre, s.d., 98 et SHD, GR 1 M 1734, Boussanelle, Observations faites par le sieur de Boussanelle capitaine de cavalerie au régiment de cavalerie de Beauvillier, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, au camp de la Saare commandé par Monsieur de Chevers et présentées à Monseigneur le comte d’Argenson ministre et secrétaire d’État de la guerre, 1754, 99.
358 Voir notamment sur ce point les approbations royales portées sur les ouvrages de Boussanelle qui souligne leur conformité avec les ordonnances, en particulier : L. de Boussanelle, Observations militaires, op. cit.
359 SHD, GR 1 M 1711, « Ce mémoire est outré, plein de sophismes… », s.d., 63.
360 La Librairie prenait en effet en compte l’avis des ministères concernés : R. Birn, La censure royale des livres dans la France des Lumières, Paris, O. Jacob, 2007, p. 100-101. Concernant le département de la Guerre, des fragments de sa correspondance avec la Librairie se retrouvent couramment, en particulier sous les ministères de Montbarey et Ségur. Ils montrent que la publication des ouvrages militaires n’était autorisée qu’avec l’accord du département qui s’appuyait pour ce travail de censure sur des officiers généraux chargés de donner leur avis et de soumettre d’éventuelles corrections ; ce que rappelle une note de 1783 adressée à Lenoir soulignant qu’il est contre le bon ordre que des officiers publient sans ordre ou aveu du gouvernement : SHD, GR A4 50, Note à M. Lenoir…, op. cit. Pour un exemple concret, voir le cas de l’ouvrage de Cessac : SHD, GR 1 M 1716, Note d’après l’examen qui a été fait du manuscrit adressé et recommandé par M. le comte de Caraman ayant pour titre des connaissances militaires qui sont nécessaires aux officiers particuliers et composé par le sieur de Cessac capitaine au régiment d’infanterie de M. le Dauphin, 1784, 15 et 16, SHD, GR 1 M 1716, Lettre à M. de Villedeuil du 23 décembre 1784, 18, SHD, GR 1 M 1716, Lettre de M. de Villedeuil au ministre du 31 décembre 1784, 19 et SHD, GR 1 M 1716, Ouvrage adressé par M. de Villedeuil, s.d., 17. De nombreux autres exemples se trouvent dans la sous-série A1.
361 SHD, GR 1 M 1786, Notes sur le livre de M. Turpin sur Montecucculi, s.d., 37. Au-delà des attaques portées contre la monarchie, l’action ministérielle, la religion et la morale, les censeurs s’attachent en particulier à déceler les critiques adressées à des officiers généraux vivants ou morts depuis peu et à dénoncer les récits de batailles ou d’événements politiques fallacieux.
362 M. Lauerma, Guibert…, op. cit., p. 64.
363 Sur les limites de la censure à la fin de l’Ancien Régime, voir notamment : H.-J. Martin, R. Chartier (dir.), Histoire de l’édition…, op. cit., R. Chartier, Les Origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 1990, p. 61-98 et D. Roche, Les Républicains des lettres, Paris, Fayard, 1988, p. 29-46. Le succès des ouvrages militaires garantit en particulier leur circulation : l’Essai général de tactique est ainsi traduit en allemand et en anglais, et aurait connu une quantité innombrable de contrefaçons : M. Lauerma, Guibert…, op. cit., p. 62-70. Les auteurs anonymes trouvent d’ailleurs des soutiens dans la hiérarchie militaire elle-même, comme le baron de Bohan dont l’Examen critique est défendu par le duc de Liancourt qui en demande la libre circulation : SHD, GR A1 3766, Lettre de Vidaud au marquis de Ségur du 12 juillet 1786, 78. En publiant à l’étranger, l’officier s’il était reconnu prenait néanmoins le risque de s’exposer à l’ire du secrétaire d’État comme put s’en rendre compte le sieur Poutier, lieutenant-colonel, qui se voit sèchement rappeler en 1786 la nécessité d’obtenir une permission avant de procéder à toute impression : SHD, GR A1 3766, pièces 64 et 65.
364 SHD, GR 1 M 1707, Observations sur l’infanterie, s.d., 28.
365 C’est notamment le cas de ses Principes généraux achevés en 1748 et distribués en 1753 aux officiers généraux qui devaient le cacher de leurs servants mêmes. Quant à son Testament politique de 1752, il est encore conservé comme un des documents les plus secrets de la monarchie prussienne un siècle après la mort du souverain. On retrouve cette politique du secret pour les camps de manœuvres d’automne : C. Duffy, Frederick…, op. cit., p. 77-81. En France, Montalembert se voit déconseiller en 1761 par le duc de Choiseul d’imprimer ses idées en matière de fortification au nom du secret d’État. Déçu de ne pas se voir confier la fortification de l’île Maurice en 1774, il décide néanmoins de publier ses idées en 1776 : C. Duffy, Siege Warfare : The Fortress in the Age of Vauban and Frederick the Great, vol. ii, Londres/Boston/ Melbourne/Henley, Routledge/Kegan Paul, 1985, p. 157-158.
366 Sur l’impossibilité pour un État de retenir le monopole des connaissances militaires, voir notamment : F. Tallett, War and Society…, op. cit., p. 40-42.
367 Mesnil-Durand (baron de), Fragments de tactique, Paris, Jombert, 1774, t. i, p. xl.
368 Ibid., p. xlv.
369 SHD, GR 1 M 1714, Mesnil-Durand (attribué à), Observations sur l’ordonnance pour l’exercice de l’infanterie de 1776 dans lesquelles on compare, autant qu’on l’a cru nécessaire, ses dispositions et manœuvres, à celles de l’ordre français proposé, s.d., 26, voir l’avant-propos. Il s’agit d’une citation qu’il tire de l’abbé Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Amsterdam, 1773, t. v, p. 39. Sur le rôle de l’opinion publique comme juge voir l’approche sociologique de Jürgen Habermas et ses réinterprétations en termes de constructions politiques et idéologiques : J. Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1978 [1re édition en allemand : 1962], K. M. Baker, Au tribunal de l’opinion…, op. cit., M. Ozouf, « Le concept d’opinion publique au xviiie siècle », dans K. M. Baker (dir.), The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, Oxford, Pergamon Press, 1987, « Esprit public », dans F. Furet et M. Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 711- 719, et S. Maza, Private Lives and Public Affairs : The Causes Célèbres of Prerevolutionary France, Berkeley, University of California Press, 1993.
370 Sur le paragraphe qui suit, voir : SHD, GR 4 Yd 2999, Mesnil-Durand (baron de), SHD, GR A13631, pièces 97-98 et H. Coutau-Bégarie « Un tacticien à la suite… », op. cit.
371 L’ordre mince qui domine alors privilégie une disposition des troupes en ligne afin de favoriser le feu tandis que l’ordre profond, défendu notamment par Mesnil-Durand, prône l’usage de la colonne, plus adaptée pour l’assaut à l’arme blanche. Sur la querelle entre les deux ordres : M. Lauerma, Guibert…, op. cit., p. 133-174 et R. S. Quimby, The background…, op. cit., p. 210-290.
372 Notamment de reconnaissance : BNF, Français 11312, Papiers Broglie, f° 48-53.
373 Le maréchal avait eu le tort de reprocher à Choiseul, qui ne l’appréciait déjà pas, la défaite de Willinghausen.
374 Son sixième mémoire est ainsi présenté comme une réponse en forme à l’auteur de l’Essai général de Tactique : Mesnil-Durand (baron de), Fragments de tactique, op. cit., t. i, p. liv-lxii.
375 SHD, GRA4 43, Lettre de Saint-Germain au comte de Broglie du 21 novembre 1775, 96. Ce souci de limiter la diffusion des productions des officiers se retrouve sous la plume de Montbarey et Ségur quelques années plus tard. Ces ministres rappellent alors au directeur de la Librairie la nécessité de réfréner la parution d’ouvrages militaires qui ne se sont que trop répandus dans le public : SHD, GR A1 3720, Lettre de Néville au prince de Montbarey, 13 février 1780, 1 et Lettre à M. de Néville du 1er avril 1781, 86. Des mesures inefficaces qui témoignent de la place croissante que l’imprimé occupe dans les débats militaires et des inquiétudes qu’il donne au pouvoir.
376 Guibert (comte de), Défense…, op. cit., t. i, p. 2.
377 S. Maza, Private Lives and Public Affairs…, op. cit.
378 L’intérêt que l’opinion publique prêta au débat est notamment attesté par les mémoires secrets de Bachaumont : Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en France, Londres, John Adamson, 1777-1789, t. xii, p. 141, 3 octobre 1778 et p. 156, 19 octobre 1778 et t. xiv, p. 22, 13 avril 1779, cité dans J. Chagniot, Paris…, op. cit., p. 544.
379 Voir notamment Ibid., p. 621-628 et M. Cicchini, « Sa majesté voulant pourvoir d’une manière digne de sa sagesse et de son humanité à la punition des déserteurs... », Crime, histoire et sociétés [En ligne], 5/1 (2001), mis en ligne le 2 avril 2009 [URL : http://chs.revues.org/index781.html].
380 F. Desrivières, Loisirs d’un soldat des gardes françaises, Paris, C. Saillant, 1767. Sur l’utilisation par les officiers des gardes françaises de l’imprimé comme moyen de propagande : J. Chagniot, Paris…, op. cit., p. 27 et p. 526-527.
381 Douazac, Dissertation sur la subordination…, op. cit.
382 « Notes secrètes du comte d’Argenson », dans L. Tuetey, Les officiers…, op cit, p. 344. N’ayant pas de preuve formelle de la paternité de Douazac, qui avait pris garde de publier anonymement son ouvrage, d’Argenson se refuse à sévir, mais prévoit d’ores et déjà que le capitaine ne sera jamais promu à la tête d’un régiment. En 1753, Douazac se retire, probablement en raison de ses écrits : SHD, GR Yb 176, contrôles du régiment de Beauvaisis.
383 Douazac, Dissertation…, op. cit., en particulier p. 203-208.
384 Ibid., p. 208.
385 SHD, GR 1 M 1703, Douazac, Idées sur les évolutions militaires, 1745, 26.
386 L’expression, de Louis-Sébastien Mercier, est notamment reprise par Robert Darnton : R. Darnton, « Dans la France prérévolutionnaire… », op. cit. Pour un exemple de ces Rousseaux du Ruisseau voir également : Id., « Heurs et malheurs d’un pauvre diable », dans Id., Gens de lettres…, op. cit., p. 11-46. À la différence de ces écrivaillons, les écrivains militaires ont souvent l’avantage de bénéficier d’un poste ou d’une pension qui les éloigne du spectre de la misère.
387 Il s’agit du comité militaire instauré par le maréchal de Ségur et qui ne doit pas être confondu avec le conseil de la Guerre établi en 1787.
388 Charleval (attribué à), Mémoire sur l’éducation et la discipline militaire, Villefranche, 1785, p. iii.
389 Ibid., p. iv-vi.
390 Leissac, De l’esprit militaire, Bruxelles, 1789 [1re édition : 1783], p. i-vii.
391 Ibid., p. ii.
392 Pour d’autres exemples de l’appel à l’opinion au début de la Révolution : Dagobert de Fontenilles, Nouvelle méthode…, op.cit. et Romanet (marquis de), Essai sur la discipline et la subordination et sur la hiérarchie militaire dans les régiments, s.l., 1790.
393 La recherche de la gloire littéraire est indéniablement un des critères qui poussent les officiers à publier. Mesnil-Durand le souligne, ce sont ses livres qui ont rendu Folard célèbre, pas ses mémoires manuscrits : Mesnil-Durand (baron de), Projet d’un ordre français de tactique, Paris, A. Boudet, 1755, p. xvi. Sur le succès rencontré par les œuvres de Folard : J. Chagniot, le Chevalier de Folard, op. cit., notamment p. 94-100 et J.-J. Langendorf, « “Des diamants au milieu du fumier”, Folard en Allemagne (1750-1800) », dans Combattre, gouverner, écrire…, op. cit., p. 475-485. L’écrit constitue un moyen d’acquérir une reconnaissance que la lourdeur de la hiérarchie militaire empêche d’obtenir au sein de l’armée, voir notamment le cas de Mottin de la Balme : F. Magnin, Mottin de la Balme, cavalier des Deux Mondes et de la Liberté, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 126-128, ou celui de Jean-François de Boisdeffre qui fait le choix d’une production imprimée en 1788 tout en annonçant avoir quitté la carrière militaire à cause du peu de cas fait à ses opinions : J.-F. Boisdeffre, Principes de cavalerie, op. cit., p. 6-8.
394 À ce titre, on relèvera l’apparition en 1789 de la question suivante posée par l’académie de Dijon : « Est-il avantageux à un État tel que la France qu’il y ait des places fortes sur ses frontières ? ». Pour la première fois, un concours académique pose ouvertement une question intéressant des questions d’ordre spécifiquement militaire, alors que ce domaine n’avait été abordé jusqu’à présent par les académies qu’à travers l’angle de l’éloge du souverain et de ses principaux serviteurs. Or, il est à noter que ce prix est financé par Lazare Carnot, alors capitaine dans le génie et impliqué dans la querelle opposant ce corps au conseil de la Guerre. Domaine exclusif de l’administration militaire, la question de l’armée intègre ainsi le monde des concours académiques sous l’influence d’un officier particulier. Sur la question des concours académiques : J.-L. Caradonna, « Prendre part au siècle des Lumières. Le concours académique et la culture intellectuelle au xviiie siècle », Annales. Histoire, sciences sociales, 64/3 (2009), p. 633-662. Je remercie vivement ce dernier de m’avoir communiqué ses travaux en cours à partir desquels une telle remarque a pu être tirée.
395 SHD, GR 1 M 1790, Résumé de la première division du travail du conseil de la Guerre, s.d., 17, p. 12. Cette importance accordée par le conseil de la Guerre à l’opinion publique confirme l’interprétation de Keith M. Baker sur le rôle de l’opinion publique non comme simple phénomène sociologique mais comme catégorie politique et réseau parallèle d’autorité : K. M. Baker, Au tribunal de l’opinion…, op. cit., p. 35, voir également le chap. vi. Sur la volonté du pouvoir de gagner l’opinion publique, voir aussi : D. Hudson, « In Defense of Reform : French Government Propaganda during the Maupeou Crisis », French Historical Studies, 8/1 (1973), p. 51-76.
396 Pour un exemple de rejet du monde des salons comme espace possible de discussion des questions militaires : F. Magnin, Mottin de la Balme…, op. cit., p. 181-182.
397 La création d’une académie militaire fait l’objet d’une réflexion collective dès 1752 : S. Picaud-Monnerat, La petite guerre au xviiie siècle, Paris, Economica, 2010, p. 556. L’idée se maintient par la suite dans de très nombreux écrits, voir par exemple : SHD, GR 1 M 1781, Prospectus et précis du plan présenté des académies militaires, s.d., 21, SHD, GR A13766, Dumoustier de la Fond, Projet d’une académie militaire, 1785, 41, J. Servan, Le soldat-citoyen…, op. cit., p. 170 et note 73, p. 542-543 ou encore « Académie », dans Encyclopédie méthodique, Art militaire, t. i, Paris, Panckouke, 1784, p. 9-14. Conçu comme une assemblée à même d’évaluer le mérite, ce projet se double progressivement de l’ambition d’en faire également un lieu d’élaboration de la législation militaire, voir : « Compagnies auxiliaires » dans Encyclopédie méthodique, op. cit., t. iv, p. 179-180, ou : Dagobert de Fontenilles, Nouvelle méthode…, op. cit., p. xvi-xviii.
398 O. Ihl, « “Gouverner par les honneurs”. Distinctions honorifiques et économie politique dans l’Europe du début du xixe siècle », Genèses, 55 (2004), p. 4-26.
399 « Mémoire », dans Encyclopédie méthodique, op. cit.
400 Au moment où éclate la Révolution, l’affirmation de cette opinion publique militaire s’exprime par ailleurs dans la nouvelle dimension qu’acquiert le mémoire. De projet individuel, ce dernier devient aussi écrit collectif mis au service de la défense des intérêts de l’armée. L’automne 1789 voit en effet se multiplier les mémoires produits par l’ensemble des officiers subalternes d’un régiment ou d’une garnison. Le mémoire s’affirme alors lui aussi comme un lieu où s’exprime l’opinion de l’armée, même si, à la différence de l’imprimé, il s’adresse encore au pouvoir, en l’occurrence à l’Assemblée nationale. Voir ces différents mémoires en : SHD, GR 1 M 1718 et SHD, GR 1 M 1907, ainsi que 1K 440 : Lettres d’officiers (1788-1790) et R. Blaufarb, The French Army…, op. cit., p. 52-57, D. Reichel, Le maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl (1770-1823), Delachaux et Niestlé, Neuchâtel et Paris, 1975, p. 105 et Buttet (colonel de), « Le comité de cavalerie en garnison à Strasbourg, août 1789 », Actes du 92e Congrès national des sociétés savantes, Paris, 1970, t. iii, p. 364-394.
Auteur
Agrégé d’histoire et ancien élève de l’École normale supérieure. Actuellement pensionnaire à la Fondation Thiers et rattaché à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, il est l’auteur de L’honneur du soldat. Éthique martiale et discipline guerrière dans la France des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014 et de différents articles portant sur la formation et la construction du militaire à l’époque des Lumières.
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