Chapitre 1. Présentation et analyse du corpus des Panégyriques latins
p. 25-58
Texte intégral
1Bien que les Panégyriques latins comptent parmi les sources familières de l’historien du monde romain tardoantique1 rares sont les lecteurs contemporains à s’être interrogés sur la nature précise de chacun des discours composant ce corpus, et moins encore sur l’histoire de sa réception. Ce travail, aux intérêts multiples, permet de distinguer les différentes étapes de la vie de chacun de ces discours, depuis leur réception au moment où ils furent prononcés, leur mise par écrit, leur collation au sein d’un même corpus, jusqu’aux lectures successives dont ils ont fait l’objet par des générations de savants et de lettrés depuis la Renaissance jusqu’à notre époque. La démarche historiographique permet d’identifier les jugements et les préjugés portés par chaque génération sur ces textes. Dans ce premier chapitre, nous souhaiterions rompre avec l’idée selon laquelle le recueil rassemblerait des discours tellement homogènes et impersonnels qu’ils en deviendraient presque interchangeables. Car sous le titre de Panégyriques latins sont classés des textes de composition, de nature et de fonction souvent très différentes. Il paraît donc nécessaire de ne pas se laisser piéger par ce titre, simple étiquette qui gomme ces fortes disparités.
Le corpus depuis sa découverte : remarques historiographiques
De la Renaissance au xixe siècle
2À la fin du xive siècle et au début du xve siècle, l’Église a été secouée par une série de graves crises qui aboutirent au Grand Schisme, divisant la chrétienté en deux parties chacune dotée d’un pape. La résolution du conflit entre le camp du pape romain et celui du pape avignonnais passa par la réunion de plusieurs grands conciles, à Pise (1409), à Constance (1414-1418), à Pavie et Sienne (1423), à Bâle (1430-1437), et enfin à Ferrare puis Florence (1437-1439). La durée des réunions, l’interruption fréquente des débats permirent aux hommes d’Église d’explorer les fonds anciens des bibliothèques monastiques et épiscopales des régions voisines des villes conciliaires. Cette quête des sources était exigée par le déroulement des débats eux-mêmes : il fallait retrouver, dans les livres de ces bibliothèques, les citations et les arguments que chacune des parties pourrait invoquer à l’appui de ses thèses. Mais sur ces préoccupations d’ordre théologique et ecclésiologique, se greffèrent, pour certains ecclésiastiques imprégnés par la pensée humaniste, d’autres soucis plus prosaïques. Constitués en véritables réseaux, entretenant une correspondance étroite les uns avec les autres, ces clercs intellectuels menèrent une véritable chasse aux manuscrits rares. Cette quête effrénée fut à l’origine de la découverte d’un grand nombre de manuscrits d’auteurs antiques perdus ou demeurés inconnus. Ces clercs les firent recopier et les diffusèrent dans leur entourage, contribuant ainsi à les conserver et à remettre au goût du jour des ouvrages tombés dans l’oubli2.
3L’humaniste florentin Giovanni Aurispa (1370-1459) comptait parmi les théologiens présents au concile de Bâle3. Homme de grande culture, il avait déjà effectué deux voyages en Grèce qui lui avaient ouvert la possibilité de repérer et de recopier plusieurs dizaines de manuscrits d’auteurs grecs classiques (238, selon son témoignage). Au moment du concile, il figurait dans l’entourage de l’un des évêques les plus puissants de l’époque, l’évêque de Ferrare, Giovanni Tavelli de Tussignano. À l’occasion d’une des nombreuses interruptions des débats, il quitta la cité helvète et descendit le Rhin jusqu’à Mayence, profitant du voyage pour s’arrêter à Cologne et mener une incursion à Aix-la-Chapelle. Sa peregrinatio lui permit de visiter des lieux saints et d’explorer les bibliothèques de la région. Dans le fonds de la bibliothèque épiscopale de la cathédrale Saint-Martin de Mayence, il fit la découverte de trois œuvres majeures : il recopia un commentaire inédit de Donat sur Térence, plusieurs livres perdus de l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien et, enfin, découvrit un manuscrit contenant douze discours en latin, douze panegyrici. En tête du volume, se trouvait le fameux discours de remerciement que Pline avait prononcé au Sénat en hommage à Trajan. Le reste du recueil était formé de discours adressés à des empereurs des iiie et ive siècles4. De retour à Bâle en juillet 1433, il écrivit à son ami florentin Jacob Thomas Thebalducci pour lui signaler cette nouvelle trouvaille. Aurispa quitta Bâle en décembre 1434, et Ton suppose qu’il rapporta dans ses bagages plusieurs copies du texte, car elles furent diffusées, dans un premier temps, dans le milieu humaniste florentin. Si Aurispa découvrit le premier le manuscrit des Panegyrici Latini, il fut suivi, peu de temps après, par d’autres humanistes présents au concile, venus comme lui découvrir de nouveaux textes antiques mais ignorant sa récente découverte. Francesco Pizelpasso ou Piccolpasso, évêque de Milan, figure parmi eux : bien qu’il mourût durant le concile, il disposa à un moment du manuscrit de Mayence5.
4Dans la seconde moitié du xve siècle, le manuscrit fut recopié à deux reprises, une première fois par le théologien allemand Johannes Hergot vers 1458-1460, une seconde fois par un inconnu dont l’exemplaire fut intégré aux fonds de la bibliothèque du British Museum au xviiie siècle. Par la suite, sa trace se perd dans les tourments qui frappèrent les régions rhénanes durant la Réforme et la guerre de Trente Ans. Impossible, dans ces conditions, de tirer le moindre renseignement paléographique des copies de première main, et il faut se contenter d’indications partielles portant sur des détails tels que la forme des lettres, d’excellente qualité aux dires de Pizelpasso (Opera elegantiae referta omnia)6.
5Entre les années 1440 et 1480, la diffusion et la connaissance du corpus progressèrent de manière significative. Les copies se multiplièrent, les mentions ou citations des discours, principalement du Panégyrique de Trajan, devinrent plus fréquentes. Le corpus était connu de gens célèbres comme Lorenzo Valla (1407-1457) ou Guarino de Vérone (1370-1460). Conséquence logique de cette diffusion, une première édition du corpus fut imprimée à Milan entre 1476 et 1482 : il s’agit de l’editio princeps dite de Puteolanus, du nom de l’éditeur ou de l’imprimeur (la chose n’est pas claire) italien7.
6Post Puteolanam multae fuerunt Panegyricorum Latinorum editiones [...]. Ce constat de Domenico Lassandro8, philologue italien auteur d’une remarquable édition critique du corpus parue en 1992, permet d’aborder la question de la diffusion des Panégyriques latins entre l’editio princeps et la fin du xixe siècle, moment où parut la première édition fondée sur les normes et les exigences scientifiques de la philologie moderne. En s’appuyant sur la liste des éditions recensées par Lassandro, il est permis de dresser le tableau suivant9 :
Éditions complètes ou partielles du corpus | Éditions où le discours de Pline figure séparément | |
xvie siècle | 3 (1513, 1520, 1599) | 4 (1501, 1506, 1508, 1542) |
xviie siècle | 3 (1607, 1651+1668, 1677) | 3 (1600, 1653, 1693) |
xviiie siècle | 5 (1703, 1708-19, 1753, 1779, 1790-97) | 4 (1738, 1739, 1746, 1796) |
xixe siècle | 1 (1828) | 5 (1805, 1822-23, 1834, 1844, 1853-1870) |
7Ainsi, entre l’editio princeps de 1476-1482 et l’édition partielle de Migne parue entre 1844 et 1848, qui précède l’édition canonique de la Teubner de Bährens parue à la fin du xixe siècle, on compte vingt-huit éditions du corpus. Dans le même temps, en plus de ces éditions, le Panégyrique de Trajan a fait l’objet de plusieurs publications séparées, trente et une en tout, publié seul ou associé à la correspondance. C’est ainsi qu’il apparaît, en 1853, dans l’édition Teubner des œuvres de Pline le Jeune.
8Quant aux traductions, il convient d’opérer une différence entre le discours prononcé par Pline et le reste du corpus. Le Panégyrique de Trajan a fait l’objet de traductions libres dès le xvie siècle, dans des langues aussi diverses que le danois, le français, l’italien ou l’allemand. En revanche, les onze autres discours datés des iiie-ive siècles contenus dans le recueil ne bénéficièrent pas d’un tel engouement : il faut en effet attendre l’édition de Patarol, parue en 1708, pour disposer d’une traduction italienne intégrale, fort médiocre par ailleurs10. Rappelons enfin qu’avant l’édition-traduction de la CUF par Édouard Galletier parue au milieu du xxe siècle, n’existaient que des traductions partielles, en français, en allemand et en anglais.
9Avant d’étudier la diffusion du corpus après le xixe siècle et d’analyser les utilisations qu’en ont fait les historiens, un bilan s’impose concernant d’abord le nombre des éditions du corpus. Même cumulées, les éditions partielles ou complètes des Panégyriques latins, avec ou sans le discours de Pline, demeurèrent peu nombreuses comparées aux éditions-traductions des autres auteurs classiques latins tels Cicéron, Tacite, Suétone ou, pour se limiter au ive siècle, Ammien Marcellin, Claudien ou l’Histoire Auguste. Ce constat souligne le faible intérêt que suscita ce corpus aux yeux des savants de l’époque moderne. Concernant ensuite l’intérêt des humanistes et de leurs successeurs pour ce corpus, on doit souligner avant tout que, même si une étude de la réception de ces œuvres n’a jamais été menée, il est possible de dégager sur la question quelques idées majeures en s’appuyant sur les travaux et commentaires d’Édouard Galletier et de Domenico Lassandro. Premièrement, il est frappant de constater à quel point Aurispa a arraché de l’oubli des discours qui n’étaient plus conservés que dans un manuscrit unique, de datation incertaine, relégué sur les rayons d’une riche bibliothèque épiscopale. Entre l’Antiquité tardive et la fin du Moyen Âge, soit une période de près de dix siècles, ces discours n’ont semble-t-il suscité qu’un faible intérêt de la part des hommes de culture et de pouvoir. Ce désintérêt paraît d’autant plus surprenant qu’ils auraient pu servir de modèles d’éloge aux orateurs de cour durant la Renaissance carolingienne par exemple. Mais il n’en fut rien, car les hommes du Moyen Âge firent porter leurs préférences sur le discours d’éloge en vers inspiré des œuvres de Claudien11. De la même façon, quand la pratique de l’éloge en prose réapparut au xiie siècle, ce regain d’intérêt ne conduisit pas à la redécouverte du corpus des Panégyriques latins, ou bien parce que ce corpus, connu par ailleurs, était jugé de peu d’intérêt, ou bien, et cela est plus probable, parce que le nombre d’exemplaires demeurait limité, entravant ainsi leur diffusion auprès d’un public éclairé. Mais même après leur découverte par Aurispa, leur audience demeura passablement limitée.
10Une seconde remarque, qui rejoint ce qui vient d’être évoqué, doit être ici introduite. Après la diffusion des copies du corpus au cours du xvie siècle, l’identité des lecteurs de ces discours et l’appréciation qu’ils en donnent méritent d’être explorées. Les humanistes reconnurent immédiatement la valeur historique et littéraire du corpus, qui témoignait d’un savoir et d’une pratique antique alors méconnus. Lorenzo Valla (1407-1457), dans une lettre adressée en 1443-1444 à Guarino de Vérone (1370-1460), qualifie d’admirabilis eloquentia le style adopté par Pline dans son Panégyrique (gratiarum actio) adressé à Trajan12. Cet intérêt littéraire se doubla vite d’un intérêt pédagogique, si cher aux contemporains. Plusieurs éditions furent imprimées aux xvie et xviie siècles à l’initiative de congrégations de jésuites, dont l’implication dans le système éducatif n’est plus à démontrer. L’édition française de 1676 dite « de La Barre », du nom du traducteur Jacques de La Barre, fut élaborée dans le cadre du programme éducatif ad usum Delphini, à l’usage du Dauphin, dont Bossuet était l’un des plus éminents collaborateurs13. La lecture et l’usage des Panégyriques latins se justifiaient alors par leur qualité de modèles pratiques, pour l’élite cultivée, dans l’apprentissage de l’éloquence. Outre ce rôle de modèles littéraires à suivre et à reproduire, les discours du recueil offraient, par les exempla qu’ils contenaient, des illustrations éclatantes d’actions vertueuses entreprises par de grands hommes du passé. Citons ici, relevée par Édouard Galletier, l’édition du corpus par François Baudouin (1529-1573), jurisconsulte et professeur de droit, qui publia de fameux textes comme les Institutes de Justinien ou l’Octauius de Minucius Felix. En 1570, il fit paraître une édition du corpus adressée au duc d’Anjou, le futur Henri III, dont le contenu est détaillé par Édouard Galletier : « Après une longue lettre au duc d’Anjou, où l’auteur propose au prince les exemples et les leçons que l’on peut trouver dans le discours de Pacatus et d’Eumène, il en donne le texte et le fait suivre de notes14. » Ces exigences pédagogiques et morales devaient figurer dans les discours de cour alors prononcés en l’honneur d’un Grand ou d’un membre de la famille royale. Il est cependant difficile de mesurer l’influence du corpus, peu diffusé, sur la composition et sur le genre du panégyrique prononcé en langue vernaculaire. L’étude reste à faire. Notons par ailleurs qu’à compter du xviiie siècle, on constate un intérêt croissant, portant sur les discours du recueil liés à l’histoire de la cité des Éduens, dans le milieu des érudits et des historiens bourguignons15, un phénomène relevant aussi bien d’un goût sincère pour l’histoire que d’un « patriotisme de clocher ».
11Pour terminer, quelques précisions peuvent être apportées sur les liens étroits entretenus entre la gratiarum actio de Pline et les autres discours du corpus. Dès la découverte du manuscrit de Mayence, l’attention et l’intérêt se portèrent en particulier sur le Panégyrique de Trajan en raison de la notoriété de l’auteur et de son œuvre. De là, les préjugés favorables à l’égard de Pline l’épistolier se reportèrent sur sa composition oratoire, puis la présence de ce texte en tête du recueil a garanti un succès relatif aux onze autres discours contenus dans le manuscrit. Dans les publications, le discours de Pline fut cependant vite séparé du corpus pour être rattaché et associé définitivement à la correspondance, au point de faire oublier son contexte originel de découverte. Par la suite, le prestige et la valeur accordés au style de l’écrivain d’époque antonine ont pu porter préjudice aux obscurs orateurs gallo-romains du ive siècle, dont l’éloquence pouvait souffrir de la comparaison avec d’autant plus de facilité que le Bas-Empire pâtissait déjà de nombreux préjugés.
12L’histoire du corpus des Panegyrici Latini, entre le moment de sa découverte et le milieu du xixe siècle, peut se résumer ainsi : recueil de discours qui suscitèrent un réel intérêt au moment de leur découverte, il fut lu dans des perspectives à la fois littéraires, pédagogiques et morales. Pour autant, l’influence qu’il exerça sur la littérature moderne ne doit pas être surestimée : sa connaissance fut confinée à un petit groupe de lecteurs et de savants éclairés, du moins jusqu’au xviiie siècle, à l’exception peut-être du fameux discours de Pline, reconnu autant pour la qualité de son auteur que pour celle de son destinataire. Mais par sa datation, son auteur, son contexte d’énonciation, son style, ce discours n’apparaît pas comme le plus représentatif du recueil.
Du milieu du xixe siècle à nos jours
13Le xixe siècle constitue une étape importante dans l’histoire de la réception du corpus des Panegyrici Latini. L’histoire de la lecture et de la réception de ces discours a suivi le mouvement plus large d’idées nouvelles et de courants de pensée qui apparurent alors. Les conditions nouvelles créées par le courant de pensée positiviste sur les sciences historiques et philologiques, ont modifié en profondeur le regard porté sur ces discours d’éloge. Pour résumer à grands traits, une lecture humaniste et pragmatique, envisageant ces discours comme des modèles de composition littéraire et de vertus, a laissé place à une lecture distanciée et scientifique, réduisant ces discours à de simples objets d’étude16.
14Les savants allemands, philologues au premier chef, ont joué un rôle majeur dans cette nouvelle approche, en particulier Émile Bährens et son fils Guillaume, premiers à avoir établi une édition critique moderne du corpus, fondée sur la collation de l’ensemble des manuscrits connus17. Dans ce contexte favorable, plusieurs études thématiques et philologiques furent entreprises, concentrant leur attention sur l’étude stylistique des discours et des modèles d’inspiration de leurs auteurs18. Ces travaux pionniers apportèrent de grands progrès dans la classification et la connaissance des informations contenues dans les discours.
15Dans le même temps, à côté de ces efforts d’analyse fructueux, ces travaux ont inauguré des préjugés tenaces, destinés à un bel avenir, qui s’expliquent par le contexte épistémologique. En un mot, les philologues, dans leur recherche de normes linguistiques, adoptèrent comme modèle le latin de Cicéron, à partir duquel tout auteur devait être considéré. Comparée au style de l’Arpinate, la langue des panégyristes du Bas-Empire souffrait de tous les maux : malgré des qualités reconnues mais concédées du bout des lèvres, ces discours épidictiques tardifs incarnaient la dégénérescence de la langue latine, elle-même reflet d’une décadence généralisée de Rome, dont le système politique était passé du Principat au Dominat19. Les panégyriques du corpus furent donc, du point de vue scientifique, critiqués et méprisés tant pour leur style, qualifié d’emphatique, de prétentieux, d’obscur, que pour leur contenu, considéré comme mensonger car tenu par des orateurs serviles, soumis aux volontés de commanditaires qualifiés d’« empereurs-soldats ». Cette relecture disqualifiante des discours à la fin du xixe siècle ne fut donc pas à leur avantage, et les préjugés qui en découlèrent jetèrent l’opprobre sur eux, créant pour longtemps un obstacle à leur bonne compréhension20.
16Ce mouvement de dénigrement fut relayé et consolidé par les historiens de l’Antiquité. Une attitude de désintérêt à l’égard de ces textes, partagée avec les philologues, se retrouve de manière indistincte chez des historiens français, anglais, allemands et italiens. Le nouveau statut de l’histoire, conçue alors comme une science à part entière, l’explique en partie21. En résumé, cette approche consistait à accorder un crédit exagéré aux archives et aux inscriptions considérées comme les seules sources qui, une fois mises en série, produisaient immédiatement une vérité historique, ce que des panégyriques, marqués par la personnalité de leur auteur et leur style encomiastique, ne permettaient pas d’atteindre. En privilégiant ainsi de manière exclusive les documents de ce type, les historiens limitaient l’intérêt porté aux sources dites littéraires, à plus forte raison celles imprégnées de rhétorique. Au mieux, était-il permis d’en tirer des indications ponctuelles, chronologiques, institutionnelles, sociales ou économiques. De ce point de vue, le corpus des Panégyriques latins n’apparaissait pas, de prime abord, comme une « bonne » source, et lui étaient préférées les sources historiques ou bien épigraphiques. Ces mêmes historiens enfin, en raison des contextes nationaux dans lesquels ils évoluaient, étaient portés à étudier certaines périodes au détriment d’autres : les historiens de la France de Napoléon III et ceux de la Prusse de Bismarck furent inspirés par la République et l’Empire romain, alors que les historiens de la IIIe République et ceux de l’Angleterre victorienne le furent par la cité athénienne du ive siècle. Dans tous les cas, peu de place était laissée au Bas-Empire romain, caractérisé par sa « décadence22 ». En France, la compréhension et l’étude des Panégyriques latins ont pâti de la disparition de la classe de rhétorique, dont l’enseignement était centré sur la pratique de l’ars bene dicendi23. Dans le nouveau contexte de l’école de la IIIe République, de tels discours avaient perdu la finalité pratique, sociale et morale qu’ils avaient revêtue tout au long de l’histoire. N’étant plus considérés comme des modèles littéraires ou moraux, en rupture avec les pratiques sociales car associés à une culture élitiste, ils furent relégués au point de devenir des repoussoirs et des contre-modèles.
17Dans cet océan de critiques et de mécompréhension, quelques voix ont su se faire entendre, apportant sur les panégyriques du recueil des réflexions originales et nouvelles, sans jamais cependant, il est vrai, s’affranchir des préjugés qui pesaient sur eux. Des historiens comme Otto Seeck ont su très tôt saisir leur intérêt historique pour établir par exemple une chronologie relative des événements de la Tétrarchie, compensant ainsi l’absence de chroniques et d’histoires qui caractérise la documentation de cette époque24. À côté des nombreuses études, de plus ou moins grand intérêt, consacrées aux modèles et aux auteurs des discours, il faut mentionner deux contributions en français : celles de Gaston Boissier25 et de René Pichon26. La première offre un compte rendu stimulant et mesuré de l’édition de Bâhrens, la seconde une étude d’ensemble du corpus, dont certaines réflexions et conclusions demeurent encore pertinentes.
18Au xxe siècle, les études historiques et philologiques consacrées aux Panégyriques latins se raréfient et s’inscrivent dans des questionnements restreints et rebattus, sur les modèles d’inspiration de leurs auteurs. Le recueil continue d’être utilisé de manière sélective par les historiens de la Tétrarchie et du ive siècle, sans jamais être considéré comme un sujet d’étude en soi. Des passages des discours sont cités et mis à contribution dans le cadre de travaux sur la chronologie (guerres de Maximien, de Constance ou de Constantin) ou sur des questions d’histoire institutionnelle, religieuse ou idéologique (la cité des Éduens, l’évolution du cérémonial impérial, la restauration des provinces, la conversion de Constantin, etc.)27.
19Le véritable renouveau s’opère dans les années 1940. En France, Édouard Galletier fait paraître en 1949 le premier tome des Panégyriques latins dans la Collection des Universités de France (CUF). Il s’agit alors de la première entreprise complète d’édition, de traduction et de commentaire de ces textes. Peu de temps avant, en 1946, William Seston a publié le premier volume de sa thèse, Dioclétien et la tétrarchie28. Ces deux parutions proches dans le temps, fruits de recherches entreprises au cours de la décennie précédente, témoignent du net regain d’intérêt porté alors à l’Empire romain des iiie et ive siècles et, en conséquence, aux sources qui les font connaître. De nouveaux champs d’étude s’ouvrent alors ou sont redécouverts, Otto Seeck ayant été un précurseur parfois oublié après sa mort. Et le Bas-Empire, négligé et méprisé, retrouve grâce aux yeux des historiens des institutions, sortant du domaine réservé des historiens du christianisme et de l’Église. Les ouvrages d’Édouard Galletier ou de William Seston, à l’avant-garde de ce mouvement de réhabilitation du Bas-Empire et de ses sources, ne doivent pas faire oublier les travaux des grands savants qu’étaient Henri-Irénée Marrou en France, Johannes Straub en Allemagne, Santo Mazzarino en Italie29.
20À côté de ce regain d’intérêt, un autre mouvement de pensée, né dans les années 1950, formé de deux courants proches, le rhetoric turn et le linguistic turn, dont le dénominateur commun est le questionnement sur les fonctions du langage, a ouvert de nouvelles perspectives de lecture et d’analyse du genre panégyrique. Il serait trop long et fastidieux de rappeler, dans les pages qui suivent, les principes qui les caractérisent. Par commodité, nous nous permettons de renvoyer au bref article que nous avons consacré à ces questions30. Notons simplement les faits suivants :
Ces deux courants, inspirés par les réflexions de philosophes et de philologues sur le langage, sur ses fonctions, sur ce qu’il révèle d’une pensée et d’une société, ont permis de renouveler les problématiques, en dépouillant toute analyse d’a priori moralisateur et en s’intéressant aux mécanismes même du langage. Dans cette perspective, la rhétorique de l’éloge, condamnée dès l’Antiquité pour son manque de vérité ou de retenue, a pu être réévaluée à sa juste valeur. Dépassant cette méfiance et ce rejet, il devint possible de dégager les mécanismes d’une telle rhétorique, montrant là qu’elle reflétait un mode de pensée propre à une société donnée. Par cette approche, ce qu’il est convenu de qualifier de « langue de bois » prend un tout autre relief, puisque même les conventions de langage révèlent certains traits des sociétés qui les produisent.
En plus de décloisonner et d’aérer l’approche philologique, ces deux courants de réflexion ont permis de repenser les fonctions du langage, les traits caractéristiques d’une langue, ou encore les rapports entre le langage et l’action.
21La conjonction de ces regards a permis de réévaluer l’étude des textes antiques de manière spectaculaire pour ce qui concerne des panégyriques, en les étudiant à la fois pour eux-mêmes mais aussi insérés dans la chaîne de production du discours. Autrement dit, l’analyse doit prendre en compte chaque étape de la vie du discours, de sa commande et sa conception jusqu’à sa réception immédiate et lointaine, en passant, bien entendu, par son cadre d’énonciation.
22Ces recherches sur le langage ont ouvert la voie à des réflexions approfondies sur les moyens de persuasion par le langage, procédés qualifiés par commodité mais à tort, de propagande, à une époque où les mass media et la publicité commençaient à envahir l’espace public des sociétés occidentales, à une époque témoin du développement de la propagande des régimes totalitaires et de leurs adversaires (celle des régimes fasciste et nazi dans les années 1930, communistes depuis les années 1920, et des États-Unis d’Amérique dans le cadre de la Guerre Froide). Les Panégyriques latins ont bénéficié d’un regard neuf peut-être aussi parce qu’ils posent aux historiens la question cruciale des rapports entre langage et pouvoir, à une époque de transformations de l’Empire romain.
23Ces nouvelles perspectives de recherche ont ainsi contribué à briser l’écran de préjugés qui occultait, depuis le xixe siècle, la compréhension des Panégyriques latins, donnant alors à ces textes le statut de source documentaire digne d’intérêt pour la compréhension globale du monde romain tardif.
24À partir des années 1960, plusieurs éditions critiques sont parues à la suite de celle d’Édouard Galletier (publiée entre 1949 et 1955), complétant cette dernière – sans pour autant la remplacer – en ajoutant, par exemple, des informations mineures tirées de manuscrits non recensés par Galletier. Dans l’ordre de parution, il faut mentionner celle de Roger Mynors (1964), de Valerio Paladini (1976) et enfin la dernière, de Domenico Lassandro (1992), la meilleure en raison de son caractère exhaustif31. Les traductions partielles ou complètes du corpus ont fleuri depuis les années 1970, à la faveur du regain d’intérêt dont il a bénéficié. Pour s’en tenir aux traductions intégrales, on mentionnera en premier lieu la traduction anglaise de Charles Nixon et de Barbara Rodgers (1994), la plus complète, mais aussi la traduction italienne de Domenico Lassandro et de Giuseppe Micunco (2000)32, dont les commentaires demeurent plus superficiels que la précédente. Plusieurs historiens ont consacré depuis une vingtaine d’années des travaux importants au corpus – monographies, articles-, mais il est impossible d’en rendre compte en détail ici33.
25En définitive, grâce à l’intérêt croissant porté au corpus pour l’ensemble des raisons invoquées plus haut, les historiens ont recours à ces discours non seulement pour en extraire des informations historiques ponctuelles, comme c’est le cas depuis des décennies, mais aussi pour mieux comprendre les transformations et les rituels du langage accompagnant le passage du Haut au Bas-Empire. Les Panégyriques latins ne sont plus un corpus documentaire entaché de valeurs négatives : ils ont acquis désormais la place qui leur est due, celle de sources documentaires fiables et incontournables, à condition toutefois de bien les décoder et les contextualiser34.
La logique interne de composition du recueil
Incipit et ordre de présentation des discours dans le manuscrit de Mayence
26Voici comment se présentaient les panégyriques dans le manuscrit de Mayence, qui reflétait l’ordre établi par le compilateur au moment de la constitution du corpus35. Dans la liste reproduite ci-dessous, figurent les numéros des discours, puis leurs titres latins en italique, selon la tradition manuscrite36. Entre parenthèses, le chiffre romain correspond à la numérotation adoptée par Édouard Galletier dans son édition de la Collection des Universités de France, qui suit l’ordre chronologique de composition. Viennent enfin plusieurs indications destinées à replacer chaque discours au sein du recueil. En dernier lieu sont indiqués avec précision les circonstances du discours, son destinataire, le lieu et l’année au cours de laquelle il a été prononcé.
271. Incipit panegyricus Plinii dictus Traiano (i)
Gratiarum actio pour le consulat (100)
282. Finit panegyricus Secundi Plinii. Incipit panegyricus Latini Pacati Drepani dictus Theodosio (xii)
Délivré à Rome à l’occasion de la défaite de l’usurpateur Maxime (389)37
293. Finitus panegyricus Latini Pacati Drepani dictus de nostro Theodosio in urbe eterna Roma. Incipit gratiarum actio Mamertini de consulatu suo Iuliano Imperatore (xi)
Gratiarum actio de Claudius Mamertinus (Mamertin) pour son consulat, délivré à Constantinople (362)
304. Explicit oratio Mamertini. Incipit Nazarii dictus Constantino (x)
Célébration des quinquennalia des fils de Constantin à Rome par Nazarius (321)
315. Panagericus (sic) Nazarii explicit. Incipiuntpanegyrici diuersorum VII (viii)
Orateur anonyme, prononce unt gratiarum actio pour remercier Constantin d’avoir accordé une importante remise d’impôts à sa cité, Autun (311)
326. Finit primus. Incipit secundus (vii)
Discours prononcé à Trèves en l’honneur de Constantin pour ses quinquennalia après la mort de Maximien (310)
337. Finit secundus. Incipit tercius (sic) (vi)
Discours épithalame prononcé à Trèves lors du mariage de Constantin et Fausta (307)
348. Finit tercius (sic). Incipit quartus (iv)
Discours prononcé à Trêves et adressé à Constance Ier le jour de son dies imperii, l’année qui suivit la reprise en main de la Bretagne (297)
359. Finit quartus. Incipit quintus (v)
Discours d’Eumène prononcé à Autun devant un uir perfectissimus afin de solliciter l’autorisation de restaurer des écoles de la ville (298)
3610. Finit quintus. Incipit sextus (ii)
Discours anonyme (attribué à tort à un certain Mamertin) prononcé à Trêves et adressé à Maximien à l’occasion de l’anniversaire de Rome (289)
3711. Item eiusdemmagistri memet genethliacus Maximiani Augusti (iii)38
Autre discours anonyme (attribué à tort à un certain Mamertin) adressé à Maximien pour son anniversaire, à Trèves (291)
3812. Hic dictus est Constantino filio Constantii (ix)
Panégyrique en l’honneur de Constantin après sa victoire sur Maxence (Trèves, 313)
39Explicit
40Sans entrer dans le détail du contenu des discours, cette liste appelle plusieurs remarques, déjà formulées par René Pichon il y a près d’un siècle dans un article mettant en cause les théories de Brandt et de Seeck sur l’agencement des discours dans le recueil39. L’un et l’autre attribuaient, avec quelques différences de fond, la plupart des panégyriques des années 280-310 au seul auteur dont le nom a été transmis par la tradition, à savoir le rhéteur Eumène40. La critique de Pichon revêt un double intérêt. En renonçant à attribuer la paternité de tel ou tel panégyrique, en se fondant sur des critères stylistiques et internes, il rejetait point après point des rapprochements forcés, soulignant avec perspicacité que peut-être « ces analogies peuvent s’expliquer par la ressemblance des sujets, par la communauté de pays, d’époque, de milieu social, par des habitudes enfin de la rhétorique41 ». Pichon, prolongeant sa réflexion, résolut cet épineux problème par une série de rapprochements entre le Panégyrique le plus tardif, celui prononcé par Latinius Pacatus Drepanius en l’honneur de Théodose (389), et les discours antérieurs présents dans le corpus. En déplaçant ainsi l’angle d’analyse, en reformulant la problématique sur l’attribution du corpus, Pichon aboutit à des conclusions originales, reprises ultérieurement et sans modifications majeures par la majorité des spécialistes de ces textes.
L’agencement interne du recueil : les théories de Pichon
41Les savants s’accordent à penser que le corpus, tel qu’il est constitué sous la forme que révèle le manuscrit (M), date de la fin du ive siècle. Le nombre même de discours, douze au total, implique un choix conscient de la part de l’éditeur, qu’il faut interpréter comme la volonté de mettre en avant un chiffre symbolique et significatif. Ce souci du détail incite à penser que le corpus est le fruit d’une création mûrie et élaborée avec soin : le chiffre trois et ses multiples, considérés comme des chiffres parfaits, possédaient une valeur morale, philosophique et esthétique très puissante42.
42Dans le détail, l’architecture du recueil semble guidée par la logique suivante : le discours de Pline le Jeune, le plus ancien et prestigieux de tous, a été positionné en tête, sa prééminence témoignant d’un souci de l’ériger au rang de discours type, de modèle générique, sous le patronage duquel les autres sont placés. Cette disposition atteste le prestige et l’autorité dont jouissait Pline au ive siècle et durant toute l’Antiquité tardive43. Vient en deuxième position le discours de Latinius Pacatus Drepanius prononcé en l’honneur de Théodose, suivi par deux discours, disposés en ordre chronologique inversé, qui renvoient le lecteur aux années 320. Le cinquième discours dans l’ordre du manuscrit (M) marque une césure dans la composition du recueil, reflétée par la formulation des incipit et des titres latins des discours. Au cinquième discours, on trouve ainsi : Incipiunt panegyrici diuersorum vii, puis, à partir du sixième et jusqu’au dixième panégyrique inclus, les incipit se répètent inlassablement sur le même modèle : Finit primus. Incipit secundus puis Finit secundus. Incipit tertius, etc. Le onzième incipit tranche par sa longueur et son formulaire énigmatique : Eiusdem magistri ! memet genethliacus Maximiani Augusti, comme le douzième qui n’entre dans aucun schéma, que ce soit par son titre ou sa datation.
43D’une manière générale, dans cette partie du corpus qui va du cinquième au douzième inclus et qui apparaît comme un véritable sous-corpus, l’ordre chronologique inverse est respecté, à trois exceptions près néanmoins : le huitième discours figure avant le neuvième, pourtant prononcé l’année précédente ; le dixième précède le onzième bien qu’il soit antérieur de deux ans ; le douzième discours, enfin, rompt avec cette logique puisqu’il se place durant le règne de Constantin et non sous la Dyarchie.
44René Pichon a été le premier à proposer une interprétation globale de cette architecture, appuyant son argumentation sur des rapprochements entre des passages du discours de Pacatus Drepanius et des autres panégyriques44. Selon lui, Latinius Pacatus Drepanius aurait été le créateur du recueil, bien qu’il soit impossible en la matière d’être absolument affirmatif. La mise en regard des mots et expressions employés par cet auteur avec ceux de ses prédécesseurs montre à l’évidence que Pacatus Drepanius a emprunté, parfois servilement, des tournures entières à ses modèles. Et ces analogies ne peuvent être imputées aux topoi propres au genre panégyrique : il s’agit bien de reprises mot à mot, à peine dissimulées. De ce constat s’éclaire peu à peu la logique guidant la disposition interne du corpus. Pacatus aurait composé son panégyrique avec à sa disposition des pièces oratoires prononcées dans les décennies précédentes, qui lui auraient servi de modèles d’inspiration. Une fois son propre discours achevé et prononcé devant Théodose, il aurait décidé de composer un florilège de panegyrici, pour des raisons qui seront détaillées plus loin. Aurait d’abord été placé en première position, avant son propre discours, celui de Pline à Trajan, en raison du prestige attaché à son auteur et à son destinataire. Placé sous ce vénérable patronage, Pacatus aurait pris le parti de faire figurer son propre discours en deuxième place, non sans orgueil, dans un acte d’autocélébration destiné à mettre en évidence sa prétention à devenir le seul digne successeur de Pline et des rhéteurs gallo-romains du ive siècle. Il aurait alors fait figurer d’autres discours, ceux qu’il avait à sa disposition et considérés par lui comme les meilleurs et les plus représentatifs : d’abord ceux de Mamertin et de Nazarius, deux orateurs issus comme lui des écoles bordelaises. Puis, à ce noyau initial, il aurait ajouté un second ensemble, lui-même composé de plusieurs sous-groupes. Mettons d’emblée de côté le douzième et dernier discours, ajout artificiel, qui rompt l’unité chronologique et dément le titre Panegyrici diuersorum septem puisqu’en le comptant, on atteint le total de huit. Ce dernier panégyrique, isolé et placé en fin de recueil, non numéroté, a pu être placé in extremis, selon Pichon, « pour un motif qui peut sembler aujourd’hui bien mesquin, mais qui était assez puissant alors : je veux dire le désir d’arriver au chiffre consacré de douze45 ».
45Comment comprendre alors l’agencement du sous-corpus constitué par ces sept panégyriques ? Les panégyriques numérotés de iv à ix inclus forment de toute évidence un corpus antérieur, cohérent, vraisemblablement repris en bloc. Constitué dans le milieu des orateurs originaires d’Autun, capitale d’une cité qui avait fourni de nombreux hauts fonctionnaires à l’Empire au début du ive siècle, ce sous-corpus, quoi qu’en aient dit certains comme Otto Seeck, ne peut être un corpus Eumenianum. Par ailleurs, comment comprendre que la disposition des discours iv et v rompe l’ordre chronologique inversé (le discours iv datant de 297, le v de 298) ? Si la réponse n’apparaît pas assurée dans ce cas précis, on peut se risquer à en fournir une en s’appuyant sur l’exemple des discours ii et iii, également placés dans l’ordre chronologique inverse dans les manuscrits, puisque le discours ii date de 289, le iii de 293. Car pour ceux-là, on dispose d’un indice intéressant : il s’agit de l’incipit du onzième discours, cité plus haut, qui laisse entendre, par le eiusdem suivi d’une lacune placé en son début, que le discours aurait été prononcé « par le même », en d’autres termes par le même auteur que le discours précédent. La communis opinio voit en lui un magister memoriae appelé Mamertin. Or, rien n’est moins sûr et la récente mise au point de Roger Rees démontre de manière définitive qu’il faut renoncer à cette interprétation46. Si le raisonnement qui précède est transposé aux discours iv(8) et v(9), il est permis, à titre d’hypothèse de travail, d’attribuer à Eumène la paternité d’un nouveau panégyrique, le Panégyrique latin iv(8). Une étude comparée du contenu de ces deux discours permettrait de vérifier cette proposition défendue dans une contribution récente47.
46En résumé, le corpus des Panegyrici Latini semble donc avoir été conçu selon le plan suivant : en tête de l’ouvrage fut placé un discours considéré comme un modèle, suivi immédiatement d’un discours rédigé de la main du second auteur, Latinius Pacatus Drepanius. Il se compose ensuite de trois sous-ensembles : le premier rassemble des discours prononcés par de célèbres rhéteurs issus du même milieu bordelais (Mamertin et Nazarius), le deuxième par des rhéteurs éduens (cinq discours prononcés par des anonymes et Eumène, entre 297 et 311), le troisième par des orateurs du début de la Tétrarchie, membres de l’entourage de Maximien Hercule (pseudo-Mamertin ii et iii). Ces deux derniers sous-groupes semblent empruntés à un corpus antérieur composé de sept discours et dont la constitution remonte au plus tôt aux années 311-31248. Relégué en dernière position, se trouve un panégyrique anonyme adressé à Constantin au début de son règne, placé à cet endroit pour diverses raisons49. L’agencement interne de ce corpus semble guidé par un grand souci de cohérence et d’attention aux détails. Il procède de choix successifs et progressifs apportés par le même auteur, certainement Latinius Drepanius Pacatus. Mais quelles raisons l’ont conduit à composer ce recueil ?
47Avant de répondre à cette question, il paraît nécessaire de s’interroger sur l’absence remarquée d’Ausone dans le corpus, pourtant considéré dans le milieu des hommes de lettres de la fin du ive siècle comme une figure majeure des écoles bordelaises. L’étude récente d’Anne-Marie Turcan-Verkerk offre une explication intéressante qui conforte, en retour, les théories de Pichon50. Cette absence s’expliquerait du fait que Pacatus, proche et ami d’Ausone, aurait publié ailleurs ces œuvres, en particulier les panégyriques. Cette fonction d’éditeur éclairerait au passage les soins déployés par Latinius Pacatus Drepanius pour retravailler son propre discours avant de l’intégrer dans le recueil.
Les fonctions assignées au recueil
48En l’absence de dédicace ou de préface au recueil – qui n’a peut-être d’ailleurs jamais existé ou, à défaut, n’a pas été transmise par la tradition manuscrite –, on ne peut que se risquer à formuler une série d’hypothèses fondées sur ce que l’on sait de l’utilisation de ce genre d’ouvrage, en particulier aux ive et ve siècles51. Rappelons d’abord que ce corpus, figé dans cette disposition, correspondait à tout ou partie des sources sur lesquelles Pacatus s’était appuyé pour rédiger son discours. Contraint de prononcer un éloge d’empereur (βασιλικòς λόγος), ce dernier avait conduit des recherches et rassemblé plusieurs textes susceptibles de servir de modèles d’inspiration, un dossier préparatoire en somme. L’affaire aurait pu en rester là si, une fois le panégyrique prononcé, il n’avait jugé digne d’intérêt de conserver par écrit ces discours, dans un recueil élaboré avec soin. Pourquoi cela ? Avant de répondre à la question, il convient de discerner les objectifs immédiats assignés au corpus au moment de sa composition des finalités ultérieures. Car malgré l’unité de ton qui règne dans le recueil, apparaissent de nombreuses différences dans les profils des auteurs et des empereurs honorés. De la même manière, il semble important de distinguer les niveaux de réception de ces discours, à la date où ils furent prononcés alors qu’ils s’inséraient dans l’actualité, puis ultérieurement, devenus de simples œuvres littéraires sans enjeux politiques immédiats. Le corpus pouvait ainsi, dans l’esprit de son créateur, revêtir cinq fonctions principales52.
Il a été constitué à une époque où le lien entre les Gaules et les empereurs légitimes de Rome avait de nouveau été rompu, à la suite de l’usurpation de Maxime (Magnus Maximus) entre 383 et 388. Le corpus peut ainsi être considéré comme la preuve, présentée à l’empereur, des liens unissant la Gaule à Rome. Un véritable plaidoyer de la défense, où la mise en avant de l’allégeance des Gaules servirait à minimiser l’épisode de la révolte de Maxime, simple incident dans une histoire sans nuages. Dans ces conditions, comme le fait remarquer Roger Rees, the collection would put the seal on this loyalty53.
Le corpus peut être considéré comme un cadeau offert à l’empereur, comme un honneur associé à une proclamation d’allégeance de la part des populations placées sous la domination d’un usurpateur. Le fait que Théodose apparaisse en deuxième place après Trajan dans la liste des empereurs honorés constitue un procédé habile de la part de Pacatus, qui le présente de la sorte comme un nouveau Trajan, comme un nouvel Optimus Princeps, originaire comme lui d’Hispania. Théodose se trouve inscrit dans une lignée de bons empereurs où, à côté de Trajan, figurent Maximien Hercule en dépit de sa fin tragique, Constance Ier, Constantin et Julien. Liste convenue à cette époque, car ces empereurs, bien que païens et même apostat en ce qui concerne Julien, passaient aux yeux des provinciaux du ive siècle, en particulier des Gallo-Romains, pour de bons empereurs, à la fois victorieux des barbares et bons administrateurs. Peut-être même le corpus a-t-il été commandé par Théodose lui-même à Pacatus, puisque l’empereur avait sollicité auprès d’Ausone, maître de Pacatus, un recueil de ses œuvres complètes54.
Le corpus a pu servir de faire-valoir à son créateur, lui donnant l’occasion d’étaler ses compétences rhétoriques et de s’ériger en modèle littéraire. Pacatus se présente en effet à la fois comme le nouveau Pline et le digne successeur de la tradition rhétorique gallo-romaine, apparaissant au point d’aboutissement d’une tradition et d’un genre. Ces prétentions ne semblent pas usurpées, du moins du point de vue des contemporains auprès desquels Latinius Pacatus Drepanius a été considéré comme l’un des plus grands hommes de lettres de son temps55.
Le corpus offre un témoignage de la fierté et du patriotisme des provinciaux gallo-romains, une preuve de la supériorité de cette province en matière d’assimilation et de romanisation. Il peut être interprété comme un monument érigé à la gloire des orateurs et des écoles gauloises du ive siècle, comme une anthologie d’œuvres de qualité destinées à égaler ou surpasser celles composées ailleurs, en Afrique ou en Italie56.
Eumène et d’autres panégyristes ont parfois justifié l’intérêt de coucher par écrit ces pièces oratoires et d’en conserver la mémoire en raison de leur fonction pédagogique. Lues et reproduites par les jeunes gens des écoles de rhétorique, elles étaient destinées à les instruire et à leur inculquer par imprégnation à la fois l’art de composer des discours officiels et l’amour des empereurs, au moyen d’exemples concrets puisés dans le passé57.
49En résumé, pour le récipiendaire de l’éloge, l’empereur Théodose, le corpus était un cadeau et un témoignage du retour des Gaules dans le giron impérial. À l’ordre politique rétabli par le prince répondait l’ordre des discours prononcés par le panégyriste, lequel participait à son tour à un retour à la stabilité et à la paix, en consolidant le consensus formé autour du prince58. Pour son créateur, le recueil permettait de se distinguer en apparaissant comme un nouveau Pline le Jeune, afin de bénéficier des faveurs impériales. Pour les provinciaux, le corpus constituait une anthologie des pièces oratoires prononcées par des compatriotes dans un passé récent, offrant une preuve éclatante de la proximité qu’entretenait la province avec Rome et du niveau culturel élevé des élites et de leur intégration dans la romanitas. Pour les étudiants de la fin du ive siècle, le recueil servait à des fins pratiques pédagogiques et morales, à la manière d’un livret d’instruction civique où l’on apprenait à connaître la geste des empereurs et les honneurs à leur adresser. Dans tous les cas, la mise par écrit de ce florilège trahissait un souci de conserver la tradition du discours d’éloge adressé au prince par les Gallo-Romains du ive siècle.
50Pour comprendre chaque panégyrique dans son contexte d’énonciation, il paraît nécessaire de s’affranchir de la logique interne d’agencement du recueil, au profit d’une étude détaillée de leur contenu et de leur nature. Car même s’ils sont qualifiés de panegyrici et ainsi soumis à une même catégorisation, chacun de ces discours comporte une originalité irréductible.
Des panegyrici ? Réflexions sur la nature de chacun des discours qui composent le recueil
51Le recueil des Panégyriques latins, bien que doté d’une forte cohérence interne, laisse apparaître, pour qui s’engage dans une lecture attentive, de profondes différences dans la nature des discours qu’il contient. Ce sont ces divergences qui vont être maintenant explorées, au moyen d’une analyse simple et rapide de la nature des douze Panegyrici Latini. La question, ainsi formulée, peut sembler incongrue dans la mesure où ces discours sont désignés, dans les incipit des manuscrits, comme des panégyriques. Pour autant, la taxinomie traditionnelle comporte sa part d’arbitraire puisqu’un terme comme panegyricus employé dans l’Antiquité ne peut pas être traduit mécaniquement par son équivalent français, « panégyrique ». De la même manière, un concept englobant comme celui-ci peut occulter des réalités beaucoup plus complexes.
La signification de panegyricus dans l’Antiquité
52Le terme « panégyrique », en français et dans les langues où il a été transposé, est chargé de connotations péjoratives et cristallise l’ensemble des reproches habituels adressés au genre de l’éloge pour le disqualifier, tels que la flagornerie, le mensonge, etc.59 En conséquence, il faut se garder de projeter la définition contemporaine du terme sur les passages des textes antiques où il figure60. Par ailleurs, le mot recouvre aujourd’hui un champ restreint, éloigné du sens que lui attribuaient les Anciens. Il paraît naturel que, sur une période de près d’un millier d’années allant d’Isocrate à Isidore de Séville, le mot ait pu revêtir des significations différentes, dans les deux langues où il fut employé, le grec puis le latin. L’objet de cette section est de retracer cette généalogie au cours de l’Antiquité, dans la langue grecque d’abord, puis dans la langue latine où il fut acclimaté longtemps après sa création61.
À l’origine du terme πανηγυρικòς : les panégyries et le Πανηγυρικός d’Isocrate
53Le mot πανηγυρικòς est un adjectif formé à partir de πανήγυρις, composé des mots grecs πᾶν (« tout, tous ») et ἀγορά (« place publique »)62. La πανήγυρις ou « panégyrie » désignait, à l’époque grecque classique, une fête religieuse publique et solennelle, réunissant l’ensemble des Grecs63. Parmi les plus connues, il faut mentionner celles organisées tous les quatre ans à Olympie à l’occasion des jeux panhelléniques, ou encore celles qui étaient célébrées, à intervalles réguliers, à Épidaure, Éleusis ou Delphes.
54Le mot prit un nouveau relief et s’enrichit d’un second sens au ive siècle avant notre ère, grâce à Isocrate (436-338). En 380 avant notre ère, le rhéteur prononça lors des jeux olympiques un important discours politique sur un sujet d’intérêt général concernant l’ensemble des Grecs. Isocrate n’adoptait pas alors une attitude originale puisque, auparavant, de célèbres sophistes comme Gorgias avaient profité de tels rassemblements pour prononcer des discours du même genre, sur des sujets proches. Le discours prononcé en 380 était le fruit d’un travail de maturation inspiré de ceux de Gorgias (prononcé en 392 avant notre ère) ou de Lysias (prononcé en 388 avant notre ère)64. Dans le contexte politique mouvementé du premier quart du ive siècle avant notre ère, Isocrate invoqua la concorde de l’ensemble des Grecs et chercha à les mobiliser dans la lutte contre l’ennemi barbare par excellence, les Perses, dans un discours doublé d’un appel en faveur de l’hégémonie athénienne. Il s’agissait donc d’un discours destiné à convaincre, délibératif (συμβουλευτικός), pour reprendre les catégories établies peu de temps après par Aristote65. Pour autant, dans ce discours comptant 189 paragraphes, 78 étaient consacrés à la louange d’Athènes afin de justifier ses mérites et de légitimer sa future prééminence66. Isocrate avait élaboré un éloge complet, louant d’abord l’ancienneté de la cité (21-25), les services rendus par le passé à ses voisines (26-50), ses titres guerriers acquis aux temps mythiques (51-71) et pendant les guerres médiques (71-99), avec au passage un hommage aux générations qui avaient précédé ces guerres (75-81).
55La célébrité du rhéteur et la rapide publication du texte firent la renommée de ce πανηγυρικòς λόγος (discours panégyrique), qui eut par la suite une forte influence littéraire car considéré comme un modèle du genre, reconnu par Isocrate lui-même comme sa plus belle œuvre. En somme, il s’agit d’un texte souvent lu, commenté, cité et imité sans interruption durant toute l’Antiquité67. Ce succès s’explique d’abord par ses qualités formelles, caractérisées par un style à la fois simple et ample. Mais surtout, il tire son origine du traitement interne du panégyrique (thèmes ou lieux et agencements), puisque sur la trame d’un discours délibératif classique, Isocrate a greffé des éléments propres à la rhétorique de l’éloge68. Pour la première fois, un orateur effectuait un rapprochement entre des genres rhétoriques qui ne se côtoyaient habituellement pas. La tradition l’a transmis sous l’appellation et le titre de Πανηγυρικός d’Isocrate, faisant disparaître la précision qu’il s’agissait d’un λόγος, tant il était convenu qu’il s’agissait de ce discours-là et de ce discours seul.
56Πανηγυρικός subit donc une évolution sémantique au ive siècle avant notre ère et, de simple adjectif se rapportant à tout ce qui concernait une panégyrie, en particulier au discours prononcé à l’occasion, appelé πανηγυρικòς λόγος, il se substantiva, entraînant du même coup la disparition de la précision λόγος. En se substantivant, son sens évolua et, de discours défini par les circonstances de son énonciation, il devint une catégorie, un genre à part entière, avec son contenu et son agencement propres, formalisés de manière empirique par Gorgias, Lysias puis Isocrate. À la suite de quoi, une définition précise du πανηγυρικòς s’établit en tant que discours délibératif prononcé par un grand orateur et destiné à débattre des affaires communes des Grecs.
57Dès le ive siècle avant notre ère, l’association de ce type de discours à celui d’Isocrate devint automatique : le Panégyrique était nécessairement celui de ce rhéteur69. De manière paradoxale, en raison de la présence d’éléments de rhétorique de l’éloge dans ce discours, il n’était pas le plus significatif ni le plus emblématique, d’autant qu’il en rompait les règles et entretenait une confusion des genres à une époque où ceux-ci devaient être circonscrits et respectés par les rhéteurs.
58De manière surprenante, le terme πανηγυρικòς ne fut jamais employé dans un sens technique et précis par les théoriciens de la rhétorique. Ainsi Aristote, dans sa Rhétorique, établit de manière tout à fait traditionnelle une classification des différents genres, sans jamais évoquer le mot70. L’évolution vers un troisième et dernier sens plus technique ne s’explique alors que par l’amalgame opéré par les Anciens entre le discours d’Isocrate et certains éléments de la classification aristotélicienne concernant la rhétorique de l’éloge. Mais cette évolution n’intervint que beaucoup plus tard.
L’évolution sémantique du terme πανηγυρικóς jusqu’à l’Antiquité tardive
59Retracer les étapes de l’histoire de πανηγυρικòς durant l’Antiquité permet d’opérer un lien entre les panégyriques prononcés dans le monde hellénophone au temps d’Aelius Aristide et les Panegyrici Latini du ive siècle de notre ère.
60La grande ambiguïté du terme, déjà observée du temps d’Isocrate, ne fut pas dissipée par la suite. L’histoire du mot suivit un cheminement heurté. À cela s’ajouta un autre facteur de complexité, les nouvelles définitions n’excluant pas nécessairement les précédentes, bien au contraire, puisque le sens variait selon les contextes, qu’il s’agît d’un discours pratique ou d’un traité théorique.
61Nous reprenons à notre compte les remarques et les réflexions formulées par Konrad Zingler et Laurent Pernot dans des travaux qui font désormais autorité71. Comme cela a été précisé plus haut, Aristote n’utilise jamais πανηγυρικός dans sa Rhétorique ni dans aucune autre de ses œuvres. Le terme ne figure dans aucun grand traité sur la rhétorique même si, de fait, dans la pratique, il désigne un type de discours au contenu et à l’agencement précis, prononcé à l’occasion d’une panégyrie.
62Ce n’est qu’aux iie et ier siècles avant notre ère que des penseurs épicuriens firent entrer πανηγυρικός dans le vocabulaire technique des théories de la rhétorique. Dans sa Rhétorique, Philodème de Gadara (v. 110-v. 40) l’emploie avec un sens nouveau : il ne désigne pas seulement un type de discours contenant une part importante de rhétorique de l’éloge, mais le genre de l’éloge tout entier, comme un équivalent du terme ἐπιδεικτικός72. Philodème inaugura une inflexion qui survécut à son œuvre et même bien au-delà, jusqu’à la fin de l’Antiquité, chez d’autres théoriciens de la rhétorique, mais pas de manière systématique. Ainsi, le Pseudo-Denys d’Halicarnasse (iiie siècle de notre ère) emploie indistinctement πανηγυρικός et ἐπιδεικτικός73, alors qu’Hermogène (seconde moitié du iie siècle de notre ère) n’utilise le mot que pour désigner le seul genre de l’éloge74.
63Une seconde évolution, associée à un changement de pratiques, peut être mentionnée. Avec la conquête romaine, les panégyries continuèrent d’être célébrées même si leur raison d’exister avait changé. Elles ne constituaient plus une occasion pour les Grecs de délibérer des grandes décisions politiques (guerres et alliances) à conduire, car les dirigeants de Rome prenaient dorénavant seuls en charge ces questions diplomatiques. Par conséquent, le discours prononcé à l’occasion de ces fêtes se transforma : la part d’éloge, déjà présente chez Isocrate, devint dominante. Et le panégyrique passa alors définitivement dans le champ de la rhétorique encomiastique, l’orateur devant faire l’éloge de la fête et de tout ce qui s’y rapportait : la cité, les dieux, les officiels romains et, bien entendu, l’empereur, présent ou non75. Dans ce contexte de changements, au terme πανηγυρικός fut ajouté le nom de la fête durant laquelle le discours était prononcé, comme dans l’expression πανηγυρικòς ὀλυμπιακός. L’adjectif se substantivant à son tour, on aboutit très vite à ὀλυμπιακός, sous-catégorie employée par Aelius Aristide76. C’est ainsi que durant la Seconde sophistique, le panégyrique vécut un nouvel apogée.
64En résumé, entre la fin de la République romaine et le Haut-Empire, dans les sources théoriques et pratiques de langue grecque, une même évolution semble s’être dessinée, conduisant πανηγυρικóς à devenir moins équivoque par son rattachement au domaine de la rhétorique de l’éloge. Pour autant demeurait une ambiguïté, puisque le même terme désignait à la fois un type oratoire purement laudatif et le genre encomiastique77. Πανηγυρικός enfin, en se fondant dans l’éloge, hérita également des critiques et des préjugés qui lui étaient attachés. Ces reproches d’ordre éthique et moral, adressés depuis longtemps par les philosophes, posaient le problème du rapport du langage à la vérité : le discours d’éloge, tourné vers le plaisir de l’auditoire, usant de figures fondées sur l’amplification et l’exagération ne pouvait, aux yeux des hommes de bien, qu’être source de flatteries, de manipulations et de mensonges78.
L’acclimatation du terme dans les textes latins
65L’acclimatation de πανηγυρικóς en latin, étudiée rapidement par Konrad Ziegler79, n’a jamais bénéficié d’une analyse détaillée, depuis son apparition jusqu’à l’Antiquité tardive80.
66À Rome, panegyricus fut employé avec parcimonie à la fin de la République81. Le mot fut translittéré en latin pour la première fois par Cicéron, mais de manière isolée, pour évoquer le discours d’Isocrate82. Le contexte dans lequel il se trouve employé est instructif : Cicéron constate que le panegyricus d’Isocrate n’entre dans aucune des catégories rhétoriques traditionnelles établies, inspirées de celles d’Aristote. Ce discours pouvait s’apparenter aussi bien au discours politique (deliberatiuum) qu’au discours d’éloge (demonstratiuum ou laudatiuum). Cette remarque sur l’ambiguïté du terme et son rattachement à la rhétorique de l’éloge s’inscrit dans le prolongement des réflexions engagées par les théoriciens grecs du ier siècle avant notre ère, connus de l’Arpinate83.
67Panegyricus n’est employé que plus tard, dans l’œuvre du plus fameux théoricien latin de la rhétorique, Quintilien, chez qui l’on relève cinq occurrences du terme, dont deux servent à désigner le discours d’Isocrate84. Quant aux trois autres passages, ils méritent que leur soit accordée une attention toute particulière85. Le panégyrique, désigné comme une catégorie de discours, semble rangé au sein du genre démonstratif-laudatif, et non au sein du genre délibératif, même si au fil du raisonnement, Quintilien commet quelques confusions et n’emploie pas toujours le mot dans le même sens. Ces hésitations manifestes semblent le signe du maintien de la polysémie du mot, héritée du grec. Pourtant, le glissement sémantique semble alors inexorable, panegyricus étant devenu un sous-genre de la rhétorique épidictique.
68Au cours des décennies suivantes, le terme apparaît rarement dans la littérature latine, excepté chez Fronton, Julius Victor et Porphyre. Chez ces auteurs, le changement de sens semble acquis : panegyricus désigne un discours d’éloge particulier et, à deux reprises, un discours d’éloge adressé à une personne. Dans ce dernier cas, les auteurs associent panegyricus au nom de la personne louée au génitif – Auguste, Vologèse86. Cette dernière définition, plus restreinte, correspond à un type de discours d’éloge bien connu : le discours du souverain ou βασιλικòς λόγος, codifié dans ses grandes lignes par le théoricien grec Ménandre à la fin du iiie siècle de notre ère87.
69Entre Cicéron et le début du ive siècle de notre ère, panegyricus demeure donc un mot peu employé, tant dans la littérature rhétorique spécialisée que dans les autres sources, à la différence de son équivalent grec. Il est utilisé ou bien pour désigner le discours d’Isocrate, ou bien pour qualifier un type de discours relevant de la rhétorique de l’éloge, à partir du ier siècle et surtout au iie siècle de notre ère. Mais même dans ce cas-là, les Latins préfèrent employer laus, laudatio et leurs dérivés88.
70Au ive siècle, l’usage de panegyricus, bien que peu fréquent, semble plus employé qu’aux siècles précédents89. S’il garde son sens premier (discours d’Isocrate, discours d’éloge adressé à une personne), un nouveau sens apparaît, selon lequel panegyricus ne désigne plus seulement un type d’éloge mais tout discours d’éloge. Par extension, il devient, aux côtés de laus et de laudatio, un nouveau concept unificateur. Malgré tout, panegyricus continue de désigner plus particulièrement un discours d’éloge en l’honneur d’une personne. Panegyricum Italiae est certes attesté, mais cet emploi demeure rarissime90.
71Dans la langue latine tardive, « panégyrique » apparaît sous la forme de l’adjectif panegyricus (élogieux, apologétique), ou bien du nom commun pour désigner le discours ou le genre de l’éloge (discours d’éloge, discours d’Isocrate). Panegyrista (ae, m.) désigne celui qui prononce le discours, sous le calame du seul Sidoine Apollinaire : il s’agit dans ce cas précis d’un néologisme né d’une translittération directe du grec au latin91.
72Il est impossible de déceler dans l’emploi de panegyricus des différences de sens, d’usage ou même de connotation entre les sources païennes et chrétiennes. Des deux côtés, le mot est utilisé de manière neutre, pour désigner un discours d’éloge, même si on relève une forte charge péjorative, chez les chrétiens en particulier, pour dénoncer les mensonges contenus dans des discours laudatifs, jugés immoraux. Mais le jugement est aussi partagé par l’auteur de l’Histoire Auguste que l’on peut difficilement suspecter de sympathie envers les adeptes de la nouvelle religion. Au fond, la critique chrétienne s’inscrit dans la lignée des réserves émises par Platon et Aristote sur le sujet92.
73Pour revenir au changement de sens du terme panegyricus, il semble s’expliquer pour deux raisons principales. D’abord, le phénomène prend sa source dans la pratique de l’éloge des individus, de plus en plus répandue dans l’Occident latinophone93 ; ensuite, cette mutation semble la conséquence de transferts culturels opérés entre les deux parties de l’Empire, facilités par la circulation des hommes de lettres (les gens de savoir, pour reprendre l’expression du médiéviste Jacques Verger94) et de leurs ouvrages tout au long de la période qui s’étend des Antonins à Constantin, malgré la « crise du iiie siècle ». Les rhéteurs et orateurs latins ont lu et repris à leur compte les réflexions des auteurs grecs de la Seconde sophistique95.
74Pour finir, si le mot a pris en latin une nouvelle définition plus englobante, il a hérité au passage des ambiguïtés posées par l’équivalence entre panégyrique et discours d’éloge en général (laus, elogium). Or, cette dénomination est source d’un autre problème, qui concerne très directement l’analyse du recueil des Panegyrici Latini : quand il est question de nos jours d’un « panégyrique », et déjà au ive siècle, le discours ainsi désigné est rattaché, à juste titre, à la rhétorique de l’éloge ; mais est-ce suffisant pour le caractériser avec précision ? Surtout, cette dénomination correspond-elle à celle employée par les rhéteurs au moment de la composition96 ?
La nature de ces « panégyriques »
75L’analyse de la nature de chacun des discours du corpus peut être conduite à partir de critères simples destinés à relever les différences les plus saillantes, à la fois dans le cadre d’énonciation du discours (date, événement, etc.) et dans le statut de l’orateur (au nom de qui parle-t-il ?).
76Les titres du manuscrit de Mayence ont fait l’objet d’un nivellement et d’une réécriture à une date indéterminée. Les trois discours de Pacatus Drepanius, Mamertin et Nazarius, contrairement aux autres panégyriques, sont précédés d’incipit longs et détaillés qui fournissent des indications très précises sur la nature et le contexte des discours97. La longueur des titres s’explique certainement par le fait qu’il s’agit d’œuvres inscrites dans une actualité proche de la date de composition du recueil, émanant d’un milieu que connaissait directement son créateur, Latinius Pacatus Drepanius. Quant aux autres discours, plus anciens, issus d’écoles rhétoriques du nord de la Gaule, la reproduction des titres originels, précis mais longs, a pu paraître inutile.
77L’interprétation se heurte cependant à plusieurs objections : on connaît d’abord le soin et la rigueur que les Romains cultivés mettaient à définir et à faire entrer dans des classifications reconnues les œuvres littéraires. Cette normalisation des titres contribuait par ailleurs à réduire la portée pédagogique de l’ouvrage, destiné également à servir de manuel scolaire. Peut-être faut-il envisager, en se fondant sur le titre corrompu mais détaillé du discours du Pseudo-Mamertin, que ce nivellement résulte d’une déperdition imputable aux erreurs des copistes médiévaux, lesquels pouvaient ignorer le sens technique de termes rares. Ce nivellement a touché en particulier les discours du sous-corpus éduen et trévire, dont les titres sont remplacés par une classification numérique. Seul a subsisté l’incipit du dernier discours du sous-corpus, inutile à numéroter car placé en septième et dernière position. Dans tous les cas, cette nouvelle numérotation a rendu obsolète et fait oublier l’intitulé originel des discours.
78La lecture de ces incipit apporte de précieuses informations. Le terme oratio est compris comme un équivalent du terme gratiarum actio dans l’incipit du discours de Nazarius – Panégyrique latin x(4). Un tel intitulé prouve qu’à l’époque tardive, oratio et panegyricus étaient synonymes et revêtaient un sens large. D’autres incipit fournissent des indications comparables : ainsi le Panégyrique latin xi(3), adressé par Mamertin à Julien, est qualifié de gratiarum actio, et le Panégyrique latin iii(2), attribué au Pseudo-Mamertin, de genethliacus.
79Une gratiarum actio, comme son nom l’indique, est une action de grâce au cours de laquelle l’orateur remercie, pour diverses raisons, le laudandus, à l’image de Mamertin remerciant Julien de l’avoir aidé à obtenir le consulat ordinaire98. Le remerciement s’accompagne d’un éloge complet du récipiendaire et cet éloge, ainsi conçu, ne constitue pas une fin en soi puisqu’il est subordonné à un but précis. Le discours de Pline à Trajan a été élaboré dans cette perspective et prononcé dans un contexte similaire, un1er janvier, mais près de deux siècles plus tôt99. L’un comme l’autre attestent l’importance accordée aux vieilles cérémonies républicaines d’entrée en charge des consuls.
80Quant au genethliacus, il constitue un discours d’un genre particulier, qui tire son étymologie du grec γένος, naissance100. Les orateurs latins de la Tétrarchie ont emprunté aux théoriciens grecs de la rhétorique ce terme technique. Dans un cadre politique, il ne s’agit pas à proprement parler d’un discours d’anniversaire qui fête la naissance d’un homme, mais plutôt d’un discours-anniversaire destiné à célébrer la date d’avènement des princes, appelée en latin dies imperii. Ce genre de discours prononcé lors des anniversaires d’avènement était très commun. Mais comme les précédents, il ne peut se réduire à un éloge en soi, dans la mesure où il offrait l’occasion, chaque année, de chanter et de mettre en avant les qualités du destinataire et ses actions glorieuses. Au moment du discours, l’orateur pouvait aussi introduire une requête en son nom, pour ses proches, sa cité, sa province, voire pour le groupe social qu’il représentait, dans le cas d’un sénateur.
81Les remarques précédentes peuvent être transposées à d’autres discours du corpus : le panégyrique de Constance Ier de 297, prononcé le 1er mars, jour du dies imperii de ce prince ; le discours de Nazarius, prononcé lors des quinquennalia des Césars Crispus et Constantin II, le 1er mars 321. D’autres encore, proches par leur contenu, ont été prononcés à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de villes alors considérées comme des centres importants du pouvoir : le 20 avril pour la Ville Reine (Panégyrique latin ii (10) de 288), ou encore début août pour la commémoration de la fondation de Trèves (Panégyrique latin vii (6) de 310). Dans ce dernier cas, les célébrations ne pouvaient avoir le même lustre que celles de Rome, mais elles possédaient l’avantage d’offrir à Constantin un contre-modèle aux cérémonies organisées par Maxence dans l’Vrbs.
82Sur ces questions, Guy Sabbah a proposé des interprétations originales, en tentant de rattacher les discours du recueil aux catégories forgées par Ménandre dans ses deux traités. Dans cette perspective, le discours d’Eumène pourrait être un προσφωνητικòς λόγος, discours adressé au gouverneur en tournée d’inspection. De la même façon, le discours de 310 pourrait être rangé dans la catégorie du κλητικòς λόγος ou discours d’invitation, puisque la péroraison contient un appel à Constantin pour rendre visite à la ciuitas Aeduorum101. Ces hypothèses ouvrent des perspectives nouvelles et sont séduisantes, bien qu’elles ne résistent pas à une lecture attentive des discours. Dans le cas d’Eumène, l’absence d’éloge du gouverneur en bonne et due forme, impensable dans cette situation, constitue un obstacle de taille pour le considérer comme un προσφωνητικòς λόγος102. La question sera abordée dans le chapitre consacré au Vir perfectissimus. Notons que tous les cas mentionnés s’inscrivent bien dans des sous-catégories du genre du βασιλικòς λόγος tel qu’il est défini par Ménandre le Rhéteur103.
83Dans ces conditions, comment qualifier les discours qui échappent aux classifications et dont la nature ne correspond ni à une gratiarum actio, ni à un genethliacus, ni à aucune commémoration précise ? À nouveau, les Traités attribués à Ménandre le Rhéteur sont d’un grand secours pour résoudre ces problèmes.
84Dans un premier temps, il paraît légitime d’envisager que le discours prononcé à l’occasion du mariage de Fausta et de Constantin – Panégyrique latin vi(7) – puisse être rangé dans la catégorie des discours epithalame, du grec ἐπιθαλάμιος, accompagnant les cérémonies nuptiales. C’est le nom que lui donne Édouard Galletier par exemple, même si le terme epithalame n’apparaît ni dans le texte ni dans l’incipit du discours. Mais à nouveau, la classification ne résiste pas à la lecture : alors que dans un discours epithalame, l’orateur devait louer, comme sujet principal, les deux mariés, l’Anonyme éduen passe sous silence Fausta, la jeune mariée, pour centrer l’attention de l’auditoire, de manière exclusive, sur l’alliance familiale nouée entre le jeune Constantin et le vieux Maximien, l’un et l’autre en bons termes avec Maxence à cette date.
85Au terme de ce rapide inventaire, plusieurs discours échappent à ces efforts taxinomiques : ce sont les Panégyriques latins ix(12) et xii(2) d’une part, et les Panégyriques latins v(9) et viii(5) d’autre part. Les premiers paraissent d’autant plus difficiles à classer que leur date précise d’énonciation demeure inconnue, bien que déductible : ces deux panégyriques sont des discours d’éloge classiques, relevant du genre du βασιλικòς λόγος, qui chantent le retour du prince dans sa résidence au lendemain d’une importante victoire militaire : à Trèves après la défaite de Maxence – Panégyrique latin ix(12) –, à Rome après la victoire de Théodose contre Maxime – Panégyrique latin xii(2). Quant aux Panégyriques latins v(9) et viii(5), ils rompent avec les schémas décrits plus haut : ces deux discours sont qualifiés l’un de postulatio104, l’autre de publicae gratulationis (oratio)105. Par ailleurs, leurs auteurs ne possèdent pas le même statut que ceux des autres discours, en particulier Eumène, seul rhéteur à prononcer un discours devant un représentant de l’empereur et à Autun même, alors que tous les autres sans exception le furent dans des capitales impériales. Ces particularités ressortent avec moins de clarté dans le Panégyrique latin viii(5), prononcé par un représentant de la ciuitas Aeduorum et non par un membre de la cour, qui remercie Constantin d’avoir fait bénéficier sa cité d’importants privilèges fiscaux le jour anniversaire de l’avènement du prince (dies imperii), le 25 juillet 311.
86Aucun terme latin n’existe pour désigner les catégories dans le quelles entrent ces deux discours. Pour autant, le délégué qui a pris la parole au nom des Éduens, dans deux situations différentes, a reçu un mandat officiel. Il était donc, du point de vue du droit romain, un legatus, un représentant, terme que l’on peut traduire par ambassadeur dans le cas où l’individu se trouvait en dehors de sa cité. En grec, l’ambassade est appelée πρέσβεια et le discours qui accompagne cet acte officiel πρεσβευτικòς λόγος106.
87Ce long détour par l’historiographie et la terminologie oblige à réviser de manière radicale la nature de plusieurs des discours contenus dans le recueil des Panegyrici Latini. La démarche permet d’abord de comprendre pourquoi ce corpus a été mal apprécié et mal étudié par plusieurs générations d’historiens, en démontrant qu’il a souffert de trois grands préjugés : du mépris à l’égard du genre épidictique suspecté d’être par essence mensonger, hérité de la philosophie antique puis entretenu par la pensée chrétienne ; d’un double préjugé historiographique reposant d’une part sur une forme de condescendance à l’égard de la production littéraire tardive, reléguée au rang de littérature secondaire (car prétendument ampoulée et obscure), et reposant d’autre part sur l’idée fausse que ces textes étaient les témoins d’une époque de déclin marquée par l’autocratisme d’un empereur devenu Dominus ; enfin, leur étude a souffert d’un manque de discernement à l’égard des titres figurant dans le recueil – et donc de la nature de chacun des discours. Or, leur apparente monotonie ne doit pas faire croire que ces panegyrici seraient conçus comme des discours d’apparat scolaires, calqués invariablement les uns sur les autres malgré de menues variantes.
88Ce dépoussiérage historiographique bouscule les certitudes anciennes et pose des problèmes inédits, car il offre la possibilité de réévaluer le contenu des deux discours du corpus les plus atypiques, à savoir les Panégyriques latins v(9) et viii(5). Car par bien des aspects, ces deux textes échappent aux canons classiques du discours d’apparat. Au point d’ailleurs qu’il faut les rattacher à un genre particulier, celui du πρεσβευτικòς λόγος ou « discours d’ambassadeur ».
Notes de bas de page
1 Sur les Panégyriques latins, des recensions bibliographiques complètes sont proposées par D. Lassandro, « Bibliografia dei Panegyrici Latini », InvLuc, ii (1989), p. 219-259 ; id., R, Diviccaro, « Rassegna generale di edizioni e studi sui xii Panegyrici Latini », Bollettino di Studi Latini, 28 (1998), p. 132-204. On complétera ces observations avec celles d’Andrea Giardina dans Lo spazio letterario, p. 462-468.
2 Sur les conciles et le contexte historique de ces événements, voir Histoire du christianisme des origines à nos jours. 6. Un temps d’épreuves (1274-1449), sous la direction de M. Mollat du Jourdin et d’A. Vauchez, J.-M. Mayeur éd., Paris, 1990.
3 Aucune biographie consacrée à Giovanni Aurispa n’est parue à ce jour. Se reporter à l’ouvrage de A. Franceschini, Giovanni Aurispa e la sua biblioteca, Padoue, 1976 (Medioevo e umanesimo, 25), et à Giardina, Silvestrini, « Il principe e il testo », p. 579, n. 1.
4 Sur les voyages d’Aurispa et sa participation au concile de Bâle : Galletier, 1, p. xxxviii-xl et Lassandro, xii Panegyrici Latini, p. xx-xxii, repris brièvement par Lassandro, Micunco, Panegirici Latini, p. 59.
5 Lassandro, xii Panegyrici Latini, p. xxi-xxii.
6 La citation est relevée par Domenico Lassandro dans un manuscrit conservé à Milan. Pour les références précises, voir Lassandro, op. cit., p. xxii.
7 Sur l’édition de Puteolanus, voir les commentaires de Lassandro, op. cit., p. xxix, et de Galletier, 1, p. lvi-lvii. Il s’agit d’un ouvrage au format in-4° imprimé à Milan en 1476 ou en 1482. Appelé Puteolanus par les spécialistes, son titre exact mérite d’être cite dans son intégralité : Epistola Francisci Puteolani ad reuerendum D. Iacobum Antiquarium ducalem secretarium. C. Plinii Secundi Nouocomensis Panegyricus Traiano Augusto dictus. Panegyricus Maximiano et Constantino Augustis dictus. Latini Pacati Drepanii Panegyricus Romae dictus Theodosio imperatori Augusto eius nominis primo. Panegyricus Constantino Augusto Constantii filio dictus. Gratiarum actio Mamertini de consulatu suo Iuliano imperatori. Panegyricus Nazarii dictus Constatino imperatori. Alter Panegyricus. Panegyricus Constantino filio Constantii dictus. Alter Panegyricus. Oratio pro restaurandis scholis. Panegyricus Maximiano Diocletianoque dictus. Eiusdem Mamertini Genethliacus Maximiniani Augusti. Iulii Agricolae uita per Cornelium Tacitum... composita. Petronii Arbitri satyrici fragmenta quae extant. Il apparaît comme l’un des premiers commentateurs à donner au discours d’Eumène le titre d’Oratio pro restaumndis scholis, déduit du contenu mais qui ne figurait pas dans l’incipit du manuscrit de Mayence. Cette extrapolation, par la suite, a été reprise de manière systématique par les éditeurs et commentateurs du texte.
8 Lassandro, op. cit., p. xxiii.
9 Liste relevée dans Lassandro, op. cit., p. xxix-xxxiii pour les éditions des Panégyriques latins et p. xxxiii-xxxvii pour les éditions du Panégyrique de Pline. L’Huiller, L’Empire des mots, p. 49-51, a accompli un travail analogue accompagné d’un bref commentaire. Les lieux de publication n’ont pas été ici pris en compte car ils révèlent, à cette date, aussi bien la géographie des grands pôles d’imprimerie que celle des foyers intellectuels où ces textes étaient diffusés et lus.
10 Lorenzo Patarol, Panegyricae Orationes ueterum oratorum, Venise, 1708. Cette édition fut rééditée, une fois corrigée, en 1719, puis réimprimée à Venise en 1743 et à nouveau en 1842.
11 Il semble que cette préférence pour l’éloge en vers, ayant pour modèle Claudien, était déjà affirmée dans l’Antiquité tardive : NHLL, 5, p. 188.
12 La citation est relevée par Lassandro, op. cit., p. xxii, n. 48. Notons au passage que Valla n’évoque pas les autres discours. Faut-il interpréter ce silence comme un signe de mépris et de désintérêt à l’égard de ces panégyriques d’époque tardive ?
13 Voir Galletier, 1, p. lix-lx. Cette entreprise éditoriale du xviie siècle a fait l’objet d’une synthèse récente : La collection ad usum delphini. L’Antiquité au miroir du grand siècle, C. Volpilhac-Auger éd., Grenoble, 2000. On lira en particulier l’introduction qui présente de manière synthétique la collection (p. 17-27). Du point de vue de l’histoire de la réception des textes antiques, il ressort de la liste des ouvrages traduits que les goûts des éditeurs, précepteurs du dauphin, n’étaient pas étroits et demeuraient ouverts aux ouvrages de l’Antiquité tardive. Ce n’est qu’à partir du siècle suivant que les auteurs tardoantiques furent relégués dans un long purgatoire (ibid., p. 90-93).
14 Voir Galletier, 1, p. lxii sur le personnage et son édition du discours d’Eumène en particulier.
15 On trouvera une bibliographie détaillée des ouvrages d’érudits d’époque moderne sur Autun dans Frézouls, Autun, p. 12-16. On doit à ce milieu des érudits autunois plusieurs traductions des discours d’Eumène, d’intérêt inégal cependant. Galletier, 1, p. lxv-lxvi, cite en particulier la traduction de C. Masson, publiée dans l’ouvrage de J. Rosny, Histoire de la ville d’Autun, Autun, 1802, p. 307-320. On retiendra surtout la traduction des abbés Landriot et Rochet parue en 1854, dont certains commentaires demeurent pertinents.
16 Sur l’histoire de la rhétorique, sur son poids dans la société et sur les transformations de sa réception au cours du xixe siècle, lire l’introduction de la table ronde organisée dans le cadre de l’école doctorale de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : Hostein, « Histoire et rhétorique », p. 221-234, ainsi que, toujours dans le même volume, les remarques conclusives de Laurent Pernot : « Clio et Calliope », Hypothèses 2002. Travaux de l’École doctorale d’Histoire, université Paris 1 Panthéon Sorbonne (2003), p. 281-287. Pour mémoire, on citera les ouvrages suivants, qui traitent de l’histoire de la rhétorique sur le long terme ainsi que de sa réception : Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne : 1450-1950, M. Fumaroli éd., Paris, 1999 ; G. A. Kennedy, A New History of Classical Rhetoric, Princeton, 1994 ; Pernot, La rhétorique dans l’Antiquité ; O. Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, 1991. Pour l’Antiquité, se reporter aux Actes du xie Congrès de l’Association Guillaume Budé, Pont-à-Mousson, 29 août-2 septembre 1983, 2 vol., Paris, 1985, ainsi qu’à la mise au point bibliographique dans Actualité de la rhétorique, L. Pernot éd., Paris, 2002, p. 155-170.
17 L’édition xii Panegyrici Latini. Recensuit Aemilius Baehrens, Leipzig, 1874 (Teubner) fut suivie, dans la même collection, d’une nouvelle édition xii Panegyrici Latini. Post Aemilius Baehrens iterum recensuit Guilielmus Baehrens, Leipzig, 1911, qui corrigeait les conjectures de la première édition et précisait certaines leçons grâce à la découverte d’un nouveau manuscrit.
18 L’article de Vereecke, « Le corpus des Panégyriques latins », p. 141-160, constitue une mise au point incontournable sur l’historiographie des travaux sur les Panégyriques latins. Voir en particulier les p. 141-142, n. 2-6, où l’auteur expose avec clarté les positions et les problématiques des uns et des autres.
19 Cette obsession de la décadence, héritée des historiens des Lumières, a trouvé son point d’aboutissement dans la recherche allemande de la fin du xixe et du début du xxe siècle. La thèse d’Otto Schulz sur le iiie siècle parue en 1919 fixe ainsi pour des décennies le paradigme d’une décadence justifiée scientifiquement par Theodor Mommsen et ses élèves quelques décennies plus tôt : O. Schulz, Vom Prinzipat zum Dominat. Das Wesen des römischen Kaisertums des dritten Jahrhunderts, Paderborn, 1919. Sur ce passage du Principat au Dominat, voir les remarques synthétiques de Carrié, dans Carrié, Rousselle, ERM, p. 54-55 et 651, et l’introduction de cet ouvrage, p. 9-25. Sur l’application de ce schéma à l’histoire des cités, voir par exemple C. E. Van Sickle, « Diocletian and the Decline of Roman Municipalities », JRS, 28 (1938), p. 9-18. Pour des critiques de ces positions : C. Lepelley, « Introduction générale. Universalité et permanence du modèle de la cité dans le monde romain », dans Ciudad y comunidad cívica en Hispania. Siglos ii y iii d.C. Cité et communauté civique en Espagne. Actes du colloque de Madrid, 25-27janvier 1990, Madrid, 1993 (coll. Casa de Velázquez, 40), p. 15 ; P. Le Roux, « Les cités de l’Empire romain de la mort de Commode au Concile de Nicée », Pallas hors-série (1997) [L’Empire romain de 192 à 325], p. 31-55.
20 Pour des exemples de jugements sévères : L’Huiller, L’Empire des mots, p. 51-53, et Chauvot, Panégyriques de l’empereur Anastase Ier, p. 228, n. 202. À titre d’illustration, on peut mentionner les préjugés en cours au xixe siècle en consultant certaines pages d’Ampère, pour qui la lecture des Panégyriques latins conduit le lecteur « au dernier degré de la dégradation littéraire et morale » : J.-J. Ampère, Histoire littéraire de la France avant le douzième siècle, t. 1, Paris, 1839, p. 195. L’auteur aligne une série de remarques acerbes dans les pages consacrées au corpus, en particulier p. 194-195, 197-199 et 202-204. L’opinion bienveillante et favorable de Gaston Boissier (Boissier, « Les rhéteurs gaulois », p. 5-18 et 125-140) à l’égard de ces discours constitue une exception et tranche avec celle de ses contemporains.
21 Sur la question, voir Hostein, art. cit., p. 225-227. L’Huiller, op. cit., p. 51, évoque brièvement le malaise des historiens depuis le xixe siècle face à ce genre de sources.
22 Le contre-héros né de la plume de Huysmans dans À rebours, Des Esseintes, ne s’intéresse pour sa part qu’à la littérature latine postérieure à Lucain, car elle était, à son goût, plus « élargie, déjà plus expressive et moins chagrine... » (éd. « Folio classique », Gallimard, p. 112). Ses modèles se comptent parmi des auteurs chrétiens et païens d’époque tardive, alors que ceux de la latinité classique, Cicéron, Ovide, Virgile, ne trouvent aucune grâce à ses yeux. Les penchants littéraires de Des Esseintes offrent l’exact contrepoint aux goûts alors en vogue, en particulier dans les milieux académiques et universitaires. Huysmans, dans son plaidoyer pour la littérature décadente, s’est nourri des ouvrages de catholiques progressistes et libéraux comme Ampère (cité supra), Ebert, Ozanam pour en prendre le contre-pied systématique (lire à ce sujet les remarques de Marc Fumaroli, dans l’édition de la collection « Folio classique », p. 397-405). Cette vision positive de la littérature tardive n’a cependant pas eu d’écho, sauf chez quelques dandys, rares dans le milieu académique. Les universitaires, imprégnés de positivisme, sont demeurés au mieux imperméables à cette littérature, au pire dédaigneux et critiques.
23 Sur la disparition de la classe de rhétorique et ses conséquences : Hostein, art. cit., p. 223.
24 Voir en particulier O. Seeck, « Studien zur Geschichte Diocletians und Constantins, 1. Die Reden des Eumenius », NJPhP, 137 (1888), p. 713-726, repris pour une large part dans l’article « Eumenius », dans RE, 6 (1909), col. 1105-1114. Cette approche n’empêcha pas Seeck de critiquer parfois vertement ces discours d’éloge, prisonnier qu’il était de la vision d’un Empire décadent.
25 Boissier, art. cit., p. 5-18 et 125-140.
26 Pichon, Les derniers écrivains profanes, p. 270-291.
27 Les principaux articles parus au cours des années 1930 et au début des années 1940 sont les suivants : L. C. Purser, « Notes on the Panegyrici Latini », Hermathena, 46 (1931), p. 16-30 ; W. S. Maguinness, « Some methods of the Latin Panegyrists », Hermathena, 47 (1932), p. 42-61 ; C. E. Van Sickle, « Eumenius and the schools of Autun », AJPh, 55 (1934), p. 236-243 ; W. H. Alexander, « The Professoriate in imperial Gaul », TRSC, sér. 3, sect. 2, 38(1944), p. 37-57.
28 Seston, Dioclétien et la tétrarchie.
29 Johannes Straub a utilisé avec acuité les discours du recueil des Panégyriques latins dans son ouvrage Vom Herrscherideal in der Spätantike, Stuttgart, 1939.
30 Hostein, art. cit., p. 227-229. En plus des références citées dans cette contribution, se reporter à l’essai stimulant de M. Meyer, Principia Rhetorica. Une théorie générale de l’argumentation, Paris, 2008.
31 xii Panegyrici Latini, recognouit breuique adnotatione critica instruxit Roger A. B. Mynors, Oxford, 1964 ; Panegyrici Latini, V. Paladini et P. Fedeli recensuerunt, Rome, 1976 ; Lassandro, op. cit.
32 Traduction intégrale du recueil, en anglais et en italien, par Nixon, Rodgers, In Praise of Emperors et Lassandro, Micunco, Panegirici Latini.
33 Voir en particulier la liste des ouvrages et articles importants sur le corpus mentionnée dans Hostein, « Le corpus des Panegyrici Latini », p. 373-385.
34 Voir à ce sujet les remarques de Sabbah, « De la rhétorique à la communication politique », p. 363-388 (en particulier p. 369-370 et surtout p. 388) et les réflexions quelles ont suscité dans Hostein, art. cit., p. 373-385, en particulier p. 378-380 et 385.
35 Sur la présentation des discours dans le manuscrit, voir Galletier, 1, p. ix-xvi, et L’Huiller, op. cit., p. 25-26.
36 Sont ici retenues les leçons du Manuscrit H (Londinensis Harleianus 2480), dont le texte se rapproche le plus fidèlement du manuscrit de Mayence (M) découvert par Aurispa.
37 Nouvelle datation du discours proposée par F. Chausson, « Une fête dans la Rome de Justinien », dans Epigrafia 2006. Atti della xive Rencontre sur l’épigraphie in onore di Silvio Panciera con altri contributi di colleghi, allievi e collaboratori, Caldelli M. L., Gregori G. L., Orlandi S. éd., Rome, 2008 (Tituli, 9), p. 955-974. L’auteur date ce discours, avec de solides arguments, du mois d’août 389 (p. 970-974).
38 Les leçons manuscrites du titre de ce discours ont suscité de vives discussions, dans la mesure où l’interprétation d’un passage corrompu du texte dévoile peut-être le nom de son auteur, un certain Mamertin. Nixon, Rodgers, In Praise of Emperors, p. 9-10, n. 35-36, dressent un bilan détaillé de ces discussions reprises par Rees, Layers of Loyalty, p. 193-204.
39 Pichon, op. cit., p. 270-291.
40 On trouvera un exposé commode sur la genèse du corpus et les grandes théories formulées par Brandt, Pichon, Klotz et Bahrens dans Galletier, 1, p. xv, n. 1. Édouard Galletier expose ses propres positions aux pages xiii-xvi. Voir aussi L’Huiller, op. cit., p. 24-26 ; NHLL, 5, p. 188 ; Nixon, Rodgers, op. cit, p. 3-7 ; Barnes, « Emperors, Panegyrics, Prefects », p. 539. Pichon a su le mieux défendre l’idée d’une constitution du recueil par Latinius Pacatus Drepanius (PLRE, 1, p. 272), qui semble désormais confortée par les analyses de Turcan-Verkerk, Latinius Pacatus Drepanius.
41 Voir Pichon, op. cit., p. 270-271.
42 Sur l’importance des chiffres et sur ce que Jean-Michel Carrié a appelé l’« arithmétique du pouvoir », se reporter à J.-P. Callu, « Réflexions sur un cycle vicennal au iiie s. de notre ère », dans Aiôn. Le temps chez les Romains, Chevallier R. éd., Paris, 1976 (Caesarodunum, 10 bis), p. 209-220, en particulier p. 219-220, et aux remarques formulées dans Hostein, art. cit., p. 375 et 381.
43 Symmaque aurait calqué l’architecture de l’édition de sa correspondance sur celle de Pline, considérée alors comme faisant autorité. Jean-Pierre Callu, dans son introduction aux œuvres de Symmaque (t. 1, CUF), avoue ne pas savoir avec certitude si Symmaque a bien lu les lettres de Pline et s’il s’en est, en conséquence, inspiré (p. 20). Il pense au contraire que l’œuvre de Symmaque, une fois publiée dans son intégralité, comptait plus de dix volumes. La fortune littéraire que connut Pline dans l’Antiquité tardive est cependant indéniable. Voir A. Cameron, « The Fate of Pliny’s letters in the Late Empire », CQ, 15 (1965), p. 289-298 (et CQ, 17 (1967), p. 421-422), ainsi que l’étude plus récente de N. Adkin, « The Younger Pliny and Ammianus Marcellinus », CQ, 48 (1998), p. 593-595.
44 Détail de ces analogies dans Pichon, op. cit., p. 286-289. Pichon les considère comme des retranscriptions presque serviles.
45 Ibid., p. 290.
46 Rees, op. cit., p. 193-204, et les commentaires de Hostein, art. cit., p. 373-385, en particulier p. 382. Déjà P. L. Schmidt, dans NHLL, 5, p. 190, émettait les mêmes réserves.
47 NHLL, 5, p. 191-193, soutient ce point de vue sans l’étayer suffisamment.
48 La datation est imposée par le terminus post quem que constitue le Panégyrique latin viii(5), prononcé le 25 juillet 311. La constitution de ce sous-corpus éduen peut se rapporter à la victoire de Constantin, le recueil étant entendu comme une œuvre de glorification et de remerciement adressée à Constantin et à son père, Constance. Il peut s’entendre comme la marque de fierté affichée des Gallo-Romains d’avoir soutenu ces nouveaux Flaviens et ainsi bénéficié de leurs faveurs.
49 Comme l’avait relevé Pichon, l’insertion de ce discours visait à atteindre le chiffre symbolique de douze, mais peut-être aussi à clore le corpus sur un panégyrique adressé à un bon empereur du passé, Constantin, de même qu’il s’ouvrait sur l’éloge de Trajan par Pline. Si cette hypothèse est la bonne, le recueil serait élaboré selon une structure annulaire, où à Traianus Optimus Princeps succéderait l’Imperator Constantinus Maximus.
50 Turcan-Verkerk, op. cit., p. 62-69 et 149-152.
51 Sur la question, les meilleures hypothèses ont été formulées par Galletier, 1, p. xvi ; L’Huiller, op. cit., p. 25-28 et 47 ; NHLL, 5, p. 187 ; Rees, op. cit., p. 21-23.
52 NHLL, 5, p. 188.
53 Rees, op. cit., p. 23. Même opinion dans L’Huiller, op. cit., p. 28 et 47. En revanche, certaines affirmations de Nixon et de Rodgers semblent discutables, notamment lorsqu’ils affirment que le corpus served no political or historical purpose (Nixon, Rodgers, op. cit., p. 7).
54 Hypothèse formulée par Galletier, 1, p. xv, et confortée par la récente démonstration de F. Chausson, art. cit., p. 970-974. Sur Pacatus, éditeur d’Ausone, voir désormais Turcan-Verkerk, op. cit., p. 65-69.
55 Sur Pacatus considéré comme une autorité littéraire dans les cercles cultivés de l’Occident romain : Turcan-Verkerk, op. cit., p. 83-85. L’auteur démontre que Claudien était un lecteur de Pacatus et se serait inspiré de lui dans ses œuvres.
56 En ce sens : Rees, op. cit., p. 23.
57 Cette finalité scolaire est admise par l’ensemble des éditeurs et commentateurs du texte. Ainsi Rees, op. cit., p. 22, affirme que the driving motivation for the Collection of the speeches seems to have been literary. Mais l’apprentissage de la rhétorique servait aussi à soutenir le sens civique, la fidélité à Rome et aux empereurs, en particulier l’imitation et la composition de discours d’éloge en l’honneur des princes. Voir Galletier, 1, p. xvi ; L’Huiller, op. cit., p. 27-28 ; NHLL, 5, p. 187 ; Nixon, Rodgers, op. cit., p. 7 ; Lassandro, Micunco, op. cit., p. 10 et 14. Voir sur le sujet les remarques des chapitres 5 et 8.
58 L’idée selon laquelle les discours constitueraient un mode de communication facteur d’ordre et de stabilité politique est développée par Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 609.
59 Sur ces préjugés, voir les remarques formulées supra, p. 31-35.
60 Il n’est pas anodin de traduire laus par « panégyrique », comme le fait Joseph Trabucco, éditeur et traducteur des Confessions de saint Augustin dans la collection Garnier-Flammarion : Aug., Conf., vi, 6 : Cum pararem recitare imperatori laudes, quibus plura mentirer et mentienti faueretur ab scientibus : « C’était le jour où je m’apprêtais à réciter le panégyrique de l’empereur ; les mensonges n’y devaient pas manquer, et ces mensonges étaient assurés d’avoir l’approbation d’auditeurs qui savaient la vérité pourtant. » Il apparaît clairement dans ces lignes que le choix de traduction est induit par la critique par Augustin de ce genre de discours. Le fait que « panégyrique » en français soit chargé de connotations négatives renforce l’idée de la phrase, mais la survalorise aussi beaucoup trop. Surtout, le lecteur pourrait penser que le terme panegyricus ne serait qu’une notion exclusivement négative, alors que tel n’était pas le cas dans l’Antiquité.
61 Le seul savant à avoir étudié avec précision le sens de ce terme à l’époque qui nous concerne est Russell, « The Panegyrists and their Teachers », p. 17-50 (en particulier p 17-24). Ses analyses, bien que succinctes, s’appliquent également aux Panégyriques latins.
62 Voir les articles « πανηγυρικός »et« πανήγυρις », dans ThGL, vii (1829), col. 144-145 et 146-147.
63 Sur la définition d’une panégyrie et sur ce sens premier de πανηγυρικός, voir en premier lieu K. Ziegler, « Panegyrikos », dans RE, 18-3 (1949), col. 559-560. Voir aussi les remarques formulées par les éditeurs d’Isocrate dans la CUF, Georges Mathieu et Émile Brémond, t. 2, p. 4. Voir enfin Pernot, La rhétorique de l’éloge, 1, p. 38 et suiv. ; id., La rhétorique dans l’Antiquité, p. 48. Sur l’origine du genre panégyrique, on se reportera aussi à Mac Cormack, « Latin Prose Panegyrics », p. 143-154, et à Chauvot, Panégyriques d’Anastase Ier, p. 108-113.
64 Voir aussi les remarques formulées par G. Mathieu et É. Brémond au t. 2 de l’éd./trad. de la CUF, p. 5 et 8.
65 Arstt., Rhet., i, 3. À l’origine, ce genre de discours avait vocation à conseiller une assemblée sur un sujet important, avant toute prise de décision. Sur la classification aristotélicienne des genres rhétoriques : Pernot, La rhétorique dans l’Antiquité, p. 285-286.
66 L’éloge occupe ainsi, au sein d’un discours délibératif, un peu moins de la moitié du texte (près des 2/5e).
67 Le discours fut souvent recopié durant l’Antiquité. Les Anciens nous ont légué plusieurs familles de manuscrits et de nombreux papyrus. Voir à ce sujet les remarques des éditeurs d’Isocrate, Georges Mathieu et Émile Brémond dans le tome 2 de l’édition de la CUF, p. 11.
68 Quint., ii, 10, 11. Isocrate a déplacé en réalité la question principale du discours, et a fait de ce discours délibératif un discours largement laudatif (ἐγκωμιαστικός) : « De là, l’évolution du genre et le glissement de sens », pour reprendre les termes employés par Georges Mathieu et Émile Brémond dans leur édition de la CUF, tome 2, p. 63, n. 1.
69 Sur la question, importante mais peu explorée, des titres des œuvres antiques, voir en premier lieu Titres et articulations du texte dans les œuvres antiques : actes du colloque international de Chantilly, 13-15 déc. 1994, Fredouille J.-C., Goulet-Cazé M.-O., Fioffman R, Petitmengin P. éd., Paris, 1997 (CÉAug, Série Antiquité, 152).
70 Sur cette classification, voir supra p. 47, n. 65.
71 K. Ziegler, « Panegyrikos », dans RE, 18-3 (1949), col. 559-581 ; Pernot, La rhétorique de l’éloge, 1, p. 38-41, 65, 92-94, 348-351 et 2, p. 507.
72 Philod., Rhet., t. 1, p. 92-93 (éd. S. Sudhaus, Teubner). L’œuvre a été traduite, mais avec un système différent de référence aux paragraphes, par H. M. Hubbel, « The Rhetorica of Philodemus. Translation and Commentary », Transactions of the Connecticut Academy of Arts and Sciences, 23 (1920), p. 243-382. Se reporter aux remarques de K. Ziegler, art. cit., col. 506-562.
73 Le Pseudo-Denys utilise principalement le terme πανηγυρικός et plus rarement ἐπιδεικτικός : Ps.-Denys, Rhet., t. 2, p. 255, 1. 3, 9, 1, 13, etc. (éd. H. Usener, L. Radermacher, Teubner) pour πανηγυρικός et p. 260, 1. 17 pour επιδεικτικώτερος. Une traduction anglaise de cet auteur est placée en appendice de Menander Rhetor. Edited with Translation and Commentary, Russell D. A., Wilson N. G. éd., Oxford, 1981, p. 362-381. Le titre de la partie consacrée à l’éloge des personnes est le suivant : Τέχη περὶ τῶν πανηγυρικῶν.
74 Sur les développements et les théories d’Hermogène sur le genre panégyrique (festif, d’apparat), voir l’édition de H. Rabe (Teubner), p. 386-395.
75 Pernot, op. cit., 1, p. 92.
76 Aelius Aristide a par exemple prononcé des panathénaïques ainsi que des panégyriques divers (de Cyzique, de l’eau pour l’inauguration d’un aqueduc). Une liste détaillée de ce genre de discours a été dressée par Pernot, op. cit., 1, p. 92-94.
77 Ibid., 1, p. 38-39.
78 Sur les critiques adressées contre l’éloge depuis ses origines, lire la partie de la thèse de Laurent Pernot intitulée « L’exigence de morale et de vérité » (ibid., 1, p. 499-515).
79 K. Ziegler, art. cit. ; Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 580, n. 4 en particulier ; Mac Cormack, Latin Prose Panegyric, p. 143-144 et n. 4-6, p. 193.
80 La consultation de l’article du ThLL, x-l (1982), col. 203-204, a permis d’effectuer une première recension. L’étude a ensuite été menée grâce à un dépouillement des sources et par l’interrogation par mot-clé des sources numérisées dans les Cd-rom contenant la Teubner, la Patrologie Latine et les Monumenta Germaniae Historica.
81 La réflexion est formulée pour la première fois par Boissier, art. cit., p. 5-6.
82 Cic., Or., 37 (éd./trad. A. Yon, CUF) : Sed quoniam plura sunt orationum genera eaque diuersa neque in unam formam cadunt omnia, laudationum et scriptionem et historiarum et talium suasionum, qualem Isocrates fecit Panegyricum multique alii qui sunt nominati sophistae [...] : « Mais puisqu’il y a plusieurs genres de discours, que ces genres sont différents et qu’ils ne se laissent pas réduire tous à un seul type, ce qui s’écrit sous la forme d’éloges, d’histoires et de suasoires du genre du Panégyrique d’Isocrate ou de ce qu’ont fait beaucoup d’autres écrivains auxquels on a donné le nom de sophistes [...]. »
83 D’une manière générale, le genre de l’éloge intéresse peu Cicéron, qui n’a de cesse de le critiquer vertement tout au long de son œuvre : par exemple, dans De Or., ii, 341 ; Brut., 62 ; Leg, ii, 63. Le discours noble par excellence est, selon lui, le discours délibératif ou le discours judiciaire. Ces réflexions sont tout à fait traditionnelles et conformes à la tradition grecque et romaine de critique et de méfiance à l’égard du genre épidictique. À ce sujet, Pernot, op. cit., 2, p. 512-513. Dans un autre ordre d’idée, il ne faut pas non plus oublier que Philodème est mentionné à plusieurs reprises dans l’œuvre de Cicéron, qui devait l’avoir rencontré ou connaître du moins ses principales œuvres. En tant que membre du cercle de Pison, Philodème est dénoncé et attaqué : Cic., Pis., 68-72. Mais ailleurs dans son œuvre, Cicéron considère le personnage comme l’un des plus grands penseurs de son temps (Opt., ii, 29).
84 Quint., iii, 8-9 et x, 44.
85 Quint., ii, 10, 11 ; iii, 4, 14 et iii, 8, 7.
86 Pour le premier sens, J.-Victor (éd. R. Giomini, M. S. Celentano, Teubner, p. 103). Pour le second sens, Front., Principia Historiae, 8 (éd./trad. P. Fleury, p. 330-331).
87 Mén. Rh., ii, 368, 1-377, 30. Par convention, on continue d’appeler sous le nom unique de Ménandre les auteurs différents, en réalité, de deux traités de rhétoriques écrits à la fin du iiie siècle et au début du ive siècle. À ce sujet, je renvoie à la mise au point de Russell, Wilson dans leur édition et traduction des traités, p. xxxiv-xl.
88 Un décompte réalisé à partir du Cd-rom des éditions Teubner pour les sources antiques et médiévales permet de mesurer les différences d’emploi entre ces termes. Il aboutit aux résultats suivants (qui ne possèdent aucune valeur exhaustive mais sont donnés à titre indicatif) : on relève pour panegyricus et ses dérivés 16 occurrences, alors que laus apparaît 395 fois.
89 Le terme panegyricus a été relevé dans les sources tardives suivantes (du ive au début du ve siècle) : Lact., Inst., i, 15, 13 ; Aus., Prof., i, 13 ; Symm., Ep., 2, 31 ; HA, Pesc., 11, 5 et Alex., 35, 1 ; Hier., Ep., 108, 21 et 118, 14 ; Hab., 2 ; Gal., 3 ; Ruf, 3 ; Aug., Doctr., iv, 25 ; Jul., v, 3 et Ruf., Hist.,praefatio.
90 Breuis expositio Vergilii Georgicorum, ii, v. 114 (éd. G. Thilo, H. Hagen, Teubner, t. III-2, p. 292) : In isto loco omnes regiones laudat, [...] ut cum ad panegyricum Italiae ueniat... : « Dans cette partie, il loue toutes les régions [...] de sorte que lorsqu’il arrive au panégyrique de l’Italie... »
91 Sidon., Ep., 4, 1, 2 (éd./trad. A. Loyen, CUF) : Si quid [...] orator declamationum, historicus uerum, satiricus figuratum, grammaticus regulare, panegyrista plausibile, sophista serium [...] multifariam condiderunt.
92 De même, chez les auteurs chrétiens, on relève des attaques contre l’éloge, dans des phrases où figure précisément le terme panegyricus. Voir à ce sujet Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 605-607. Voir, par exemple, Lact., Inst., i, 15, 13-14, ; Hier., Ep., 108, 21 ; Fort., Carm., iii, 4, 12, pour un dénigrement de bon ton, et enfin Isid., Etym., vi, 8, 7, pour une attaque définitive et lourde de conséquences car reprise régulièrement en Occident tout au long du Moyen Âge. Le sujet est abordé par Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 605-607. Cette critique du panégyrique comme source de mensonge a impliqué en contrepartie une revalorisation de l’histoire (historia) comme genre littéraire, car source de vrai. Voir les réflexions de Jérôme et de Fortunat citées plus haut. Mais dans ce cas encore, on rejoint les réflexions déjà formulées quelques siècles plus tôt par Lucien : Luc., H. conscr., 20, cité par Mac Cormack, art. cit., p. 152-153 et p. 196, n. 66. Sur l’histoire et la pratique du genre dans l’Antiquité tardive, H. Inglebert, Les Romains chrétiens face à l’histoire de Rome, Paris, 1996 (CÉAug. Série Antiquité, 145).
93 Au iie siècle, la pratique du discours d’éloge se répandit dans toute la société romaine et vécut alors son apogée, prolongé jusqu’au ive siècle au moins. C’est l’avis de Mac Cormack, art. cit., p. 148-154 (pour le développement au Haut-Empire) et p. 154-159 (pour l’Antiquité tardive). Cette dernière associe la multiplication de ces discours au contexte de la Pax Romana. La mise en place du Principat, régime d’essence monarchique, impliquait ce nouveau phénomène. Son point de vue est partagé par Pernot, op. cit., 1, p. 71-105, 230-238 et 244-257. Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 603, pensent que ce sont gli accidenti della documentazione qui sont à l’origine du très faible nombre de discours parvenus jusqu’à nous.
94 J. Verger, Les gens de savoir dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, Paris, 1997.
95 Peu de témoignages sur la vie « intellectuelle » du iiie siècle sont attestés, comparé aux époques sévérienne et antonine. Pour autant, les choses de l’esprit ne furent pas négligées en ces temps de troubles, marqués par un enrichissement de l’héritage de la Seconde sophistique. Plusieurs discours d’éloges sont connus, tels l’éloge de Philippe l’Arabe par un auteur anonyme, des fragments prononcés par le célèbre Callinicos de Pétra, et des noms de sophistes émergent des sources : Cassius Longin, Genethlios de Pétra. Pour la Gaule, on citera l’exemple du grand-père d’Eumène et de son prédécesseur à la tête des écoles. Par ailleurs, l’existence même des discours conservés dans le corpus des Panégyriques latins ne peut être envisagée sans postuler une continuité dans la pratique rhétorique en Occident au milieu du iiie siècle, et seules les lacunes documentaires empêchent de disposer de points de repères pour comprendre la transmission de cette culture et son implantation ; elles constituent également un obstacle à l’analyse de l’influence de la rhétorique grecque sur l’éloquence latine. Sur le sujet, lire Pernot, op. cit., 1, p. 104, qui conteste et balaye l’idée préconçue que le iiie siècle ne fut qu’un « siècle des Campistrons », idée défendue à nouveau dans deux contributions récentes : « Seconda Sofistica e Tarda Antichità », ΚΟΙΝΩΝΙΑ, 30-31, 2006-2007 (Forme della cultura nella Tarda Antichità. ii. Atti del vi Convegno dell’Associazione di Studi Tardoantichi, Napoli e S. Maria Capua Vetere, 29 settembre-2 ottobre 2003, U. Criscuolo dir.), p. 7-18. Lire également le court chapitre consacré aux orateurs et hommes de lettres de l’entourage des Tétrarques dans Corcoran, The Empire of the Tetrarchs, p. 92-94, qui récuse le lieu commun selon lequel les Tétrarques auraient été des princes moins cultivés que leurs prédécesseurs.
96 En ce sens, le constat dressé par Russell, « The Panegyrists and theirTeachers », p. 19-21.
97 Sur ces incipit et leur interprétation, voir supra p. 38-39.
98 Dès la première phrase de son discours – Panégyrique latin xi(3) – Mamertin emploie l’expression gratias agere. Dans ce cas, il remercie l’empereur Julien du beneficium accordé, en l’occurrence le consulat.
99 Sur la gratiarum actio, genre illustré par le fameux discours de Pline le Jeune, voir les remarques de Giardina, Silvestrini, art. cit., p. 581-587.
100 Une bonne définition du terme genethliacus, repris du grec γενεθλιακός, est donnée par Pernot, op. cit., 1, p. 100-101.
101 Sabbah, « De la rhétorique à la communication politique », p. 367.
102 Sur ces deux types de discours particuliers, voir Mén. Rh., ii, 414, 32-418, 3 (éd./trad. D. A. Russell, N. G. Wilson, p. 164-171) pour le προσφωνητικòς λόγος, et Mén. Rh., ii, 424, 3-430, 8 (éd./trad. D. A. Russell, N. G. Wilson, p. 182-193) pour le κλητικòς λόγος.
103 Mén. Rh., ii, 368, 1-377, 30. Sur le βασιλικòς λόγος, on lira en dernier lieu Pernot, op. cit., 1, p. 77, ainsi que le chapitre consacré à l’éloge des personnes, p. 134 et suiv.
104 Eumène considère son discours comme une postulatio (Panégyrique latin v(9), 2, 1) et emploie aussi une périphrase fondée sur le verbe postulare (siquidem id postulo, au § 3, 2). Néanmoins, le terme renvoie aussi à la demande pressante formulée par le peuple à Eumène, puis par Eumène au gouverneur, et qui vise à reconstruire les écoles. On retrouve ici le vocabulaire habituellement employé dans le cadre d’un acte d’évergétisme : Jacques, Le privilège de liberté, p. 400-404, pour un exemple de postulatio populi. Voir sur le sujet les remarques du chapitre 8.
105 L’auteur du discours se proclame publicae gratulationis orator (Panégyrique latin viii(5), 1, 3).
106 Une définition précise de ces termes est donnée dans les premières pages du chapitre 2.
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