Se dire militaire et ingénieur
Le parcours de professionnalisation des ingénieurs géographes (1691-1831)
p. 199-218
Résumé
Cette contribution analyse le lien entre le processus de professionnalisation des ingénieurs géographes militaires français et les enjeux linguistiques qui le caractérisent. En effet, les termes utilisés pour qualifier ce groupe et ces individus, situés au croisement des figures de l’ingénieur, du géographe et de l’officier militaire, constituent un élément crucial de la définition, de la revendication ou de la disqualification d’une identité professionnelle individuelle et collective. Le statut des ingénieurs géographes demeure précaire et incertain tout au long du xviiie siècle. Longtemps en effet, ils ne furent pas considérés comme des officiers militaires à part entière, alors même que leur titre d’ingénieur était de plus en plus contesté. Leurs perspectives d’avancement restèrent d’autant plus limitées que leur précarité traduisait leur difficulté à constituer un véritable corps. Il fallut attendre la Révolution et le Consulat pour que débute un processus de professionnalisation sur le modèle des « corps savants », soutenu par une quête de légitimation tant militaire que scientifique, qui aboutit pendant l’Empire, avec la formation d’un corps d’état. Les atermoiements autour de leur désignation - usages des pluriels et des singuliers, généricité ou singularité des termes utilisés - témoignent de l’histoire mouvementée de la constitution et du statut du corps des ingénieurs géographes tout au long du xviiie siècle.
Texte intégral
1Les ingénieurs géographes rattachés au ministère de la Guerre, puis au Dépôt de la guerre constituent un cas particulièrement significatif des enjeux linguistiques soutenant la construction du militaire. Les termes utilisés pour qualifier ce groupe, situé au croisement des figures de l’ingénieur, du géographe et du militaire, constituent en effet un enjeu crucial de la définition, de la revendication ou de la disqualification d’une identité professionnelle individuelle ou collective. Pendant l’Ancien Régime en effet, le service des ingénieurs cartographes militaires vivait aux marges de l’armée. Il s’agissait alors d’un groupe de non-combattants, étroitement liés au monde civil et pourvus de fonctions techniques. Ils revendiquaient cependant le statut de militaire, afin d’être pleinement intégrés à l’armée, et le titre d’ingénieur, dont le prestige demeure remarquable tout au long de la période.
2Il convient d’étudier ce groupe au regard d’autres corps d’officiers sans troupes comme ceux des ingénieurs du génie (responsables des fortifications) et des officiers d’état-major. Les ingénieurs géographes français étaient en effet issus d’un tronc commun d’ingénieurs et entretenaient avec le corps du génie des relations continuelles, particulièrement en temps de paix. Ils servaient par ailleurs dans l’état-major, notamment en temps de guerre. Force est de constater, cependant, que le statut des ingénieurs géographes demeurait précaire et incertain. Longtemps, ils ne furent pas considérés comme des militaires à part entière et eurent peu de perspectives d’avancement. Ils étaient donc plus vulnérables que les autres à l’inflation des effectifs pendant les guerres et à leur contraction drastique au retour de la paix. Cette vulnérabilité se traduisait dans la difficulté à dépasser l’horizon individuel pour entrer de plain-pied dans celui d’un corps de l’armée.
3 Se dire militaire, mais surtout être reconnu comme tel, devint alors un enjeu crucial de leur intégration pleine et entière dans la société militaire, et donc du gain d’un statut professionnel individuel primant sur toute autre considération de corps. Bien qu’ils aient obtenu cette reconnaissance en 1809, le corps des ingénieurs géographes resta marginal dans l’armée. La perspective d’une incorporation dans l’état-major suscita donc peu d’opposition lors de la Restauration. Cette incorporation réalisée en 1831 marqua pourtant à la fois la reconnaissance et la disparition des ingénieurs géographes, désormais militaires plutôt qu’ingénieurs.
4L’historiographie récente a profondément renouvelé l’étude classique du colonel Berthaut consacrée aux ingénieurs géographes1. Claire Lemoine-Isabeau, Josef W. Konvitz, Marie-Anne Corvisier de Villèle et Monique Pelletier ont ainsi rénové l’approche des activités cartographiques2. Anne Godlewska et Massimo Quaini ont centré leurs études sur les aspects géographiques3 et Patrice Bret a rédigé une série d’articles fondamentaux sur ces ingénieurs, leur formation et leur professionnalisation4. Patrice Ract leur a consacré une thèse d’histoire institutionnelle, sociale et culturelle, tandis que Valeria Pansini s’est concentrée sur leurs pratiques5, auxquelles s’intéressent également Michel Roucaud et Grégoire Binois6. Je me permets aussi de faire référence à mes propres travaux consacrés aux armes savantes, à leur évolution et à la construction parallèle des figures de l’officier d’artillerie, du génie et des ingénieurs géographes7. Malgré tout, force est cependant de constater que l’on ne possède pas de monographies équivalentes à celles consacrées au corps du génie pour les ingénieurs géographes8. Leur histoire est également mieux connue pour la seconde moitié du xviiie siècle que pour les périodes précédentes.
Une dénomination répandue, un statut incertain
5Le groupe des ingénieurs géographes a connu diverses dénominations au cours de son histoire. À celles d’« ingénieurs des camps et armées » et d’« ingénieurs géographes » s’ajoutent d’autres variantes, et même la combinaison « ingénieurs géographes des camps et armées ». Leur évolution témoigne d’une corrélation entre la professionnalisation et la visibilité de ce service. Le premier terme provenait des différents groupes d’ingénieurs qui s’étaient développés pendant les dernières guerres de Louis XIV. En ce temps-là, le terme « ingénieur » avait une connotation militaire marquée, qu’il perdit au siècle suivant avec l’affirmation de l’ingénieur civil9. Ceux de « camps et armées » renverraient dès lors à leur spécialisation. Ils s’occupaient en effet des levés de positions, d’itinéraires et des champs de bataille, ainsi que des reconnaissances. Peut-être même que ces termes avaient été adoptés en référence aux maréchaux des camps et armées, ou maréchaux généraux des logis, responsables des marches et des campements. On sait en effet que, entre la fin du xviie et le début du xviiie siècle, ces ingénieurs étaient liés à ces derniers10.
6La locution « ingénieurs géographes » pourrait, elle, provenir d’une association de savants géographes ainsi nommée dès la première moitié du xviie siècle11. En tout cas, le titre se confondait parfois avec celui de « géographe du Roi » et était adopté par plusieurs cartographes, civils et militaires. Cette dénomination n’appartenait donc pas exclusivement au groupe considéré, mais recouvrait, au contraire, « une réalité plurielle et mouvante12 » au sein de l’armée et dans la sphère civile. Si elle fut utilisée tout au long du xviiie siècle pour qualifier les ingénieurs attachés au ministère de la guerre, puis au Dépôt de la guerre, elle ne leur fut réservée qu’avec leur consécration comme corps d’état militaire au début du xixe siècle. Cette institutionnalisation s’accompagna de l’apparition d’un terme singulier et collectif pour désigner ce corps, celui de « génie géographe ».
7L’évolution de leurs désignations est également au cœur de la concurrence que se livrent les différents corps d’ingénieurs. Leurs querelles se nourrissaient tant de l’incertitude des statuts que de celle des dénominations. Les deux questions sont évidemment liées, puisque, au sein même de l’armée, des individus aux statuts différents étaient appelés « ingénieur géographe ». L’ancien ingénieur géographe Dupain de Montesson, dans son Vocabulaire de guerre de 1783, utilisait deux entrées pour distinguer les « ingénieurs géographes » au pluriel de l’« ingénieur géographe » au singulier. Si les premiers étaient des « Officiers », le second n’était qu’un « Particulier attaché en cette qualité à un Officier général pour lui faire les copies des dessins dont il a besoin »13. Une distinction s’opérait donc - trop nettement exprimée, mais pas fausse en principe - entre militaire gradé et dessinateur civil servant à l’armée. Or, ces deux figures pouvaient porter la même qualification. De plus, parmi les ingénieurs géographes - l’utilisation du pluriel démontre ici une certaine identité collective -, il existait des ingénieurs surnuméraires, c’est-à-dire des élèves ingénieurs14. Normalement sans grade, ils étaient eux aussi désignés parfois comme « ingénieurs géographes », d’autres fois comme « dessinateurs ». Évidemment, l’usage de ces termes reflète des enjeux identitaires forts pour ces individus.
L’Ancien Régime : des ingénieurs des camps et armées aux ingénieurs géographes militaires
8La fin du règne de Louis XIV joue un rôle crucial dans le développement du service topographique de l’armée, en relation avec la complexification de la « guerre de position » et la naissance de la « guerre de cabinet »15. Si l’on trouve alors des ingénieurs géographes, leur statut reste pourtant encore obscur. Ils étaient employés par les maréchaux généraux des logis comme par les généraux en chef, les autres officiers généraux ou directement par le secrétaire d’État à la Guerre16. Pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, Louvois en regroupa quelques-uns dans un service qui prit le nom d’« ingénieurs des camps et armées17 ».
9Leur rapport avec les ingénieurs du génie est d’autant plus évident que les deux services collaboraient dans des entreprises de nature topographique. Leur degré de séparation demeure d’ailleurs difficile à établir18. Le nombre d’agents du corps du génie, son influence et son prestige en firent toujours un « corps parent », encombrant et parfois hégémonique. Cependant, et jusqu’en 1743, ils relevaient de deux départements différents, celui de la guerre et celui des fortifications. Liés par leur statut d’officiers sans troupe, ces ingénieurs n’étaient pas considérés comme des militaires à part entière. Si certains ingénieurs géographes pouvaient avoir obtenu des commissions d’officiers auparavant, ils recevaient en général des grades d’officiers réformés d’infanterie (lieutenant ou capitaine) en complément de leurs brevets d’ingénieur19. Ils étaient donc seulement assimilés à la fonction d’officier, qui plus est au degré le plus bas. À cette époque, ils portaient l’uniforme de leur régiment d’infanterie.
10L’ébauche d’une organisation des ingénieurs des camps et armées survint avec la nomination d’un ingénieur en chef à l’occasion de la paix presque ininterrompue qui régna en France entre 1715 et 1733. Ils furent alors affectés à de nouveaux travaux sur les frontières du royaume, puis progressivement rattachés au Dépôt des cartes et plans. Cela pourrait expliquer l’apparition de la désignation « ingénieurs géographes des camps et armées20 ».
11Leur nombre augmenta ensuite à la faveur de la reprise des guerres, sans que le nombre d’officiers dépasse toutefois jamais une douzaine. Entre 1735 et 1741, ils obtinrent une visibilité nouvelle, dont témoigne leur mention dans l’Abrégé de la carte générale du militaire de France21. Leur dénomination continue toutefois de fluctuer. Ainsi, dans l’édition de 1735, ils sont appelés « Ingénieurs-Géographes du Roy, sous la direction du Ministre de la Guerre », tandis que dans celle de 1741 ils apparaissent comme « Ingénieurs ordinaires du Roy, sous la direction du Ministre de la Guerre, employés à la suite des camps et armées de Sa Majesté ». À côté d’eux, l’on trouve toujours le « Corps des Officiers Ingénieurs ordinaires du Roy » attachés au département des fortifications.
12En 1744, les deux groupes se rapprochèrent. Les ingénieurs géographes prirent l’uniforme des ingénieurs ordinaires, tandis que leurs organes respectifs de rattachement étaient réunis à Versailles22. Ce ne fut cependant qu’une mesure provisoire. En 1761, le Dépôt des cartes et plans fut en effet réuni à celui des Archives de la guerre, dans le Dépôt de la guerre, auquel les ingénieurs géographes furent rattachés. Les deux collections principales du Dépôt de la guerre déterminèrent une division du travail entre la section topographique, reliée au Dépôt des Cartes et plans et chargée de la cartographie, et la section historique, reliée au Dépôt des archives de la guerre, conservant le matériau nécessaire à l’élaboration de l’histoire des campagnes.
13Au milieu du siècle, notamment pendant la guerre de Sept Ans, la topographie militaire perfectionna ses techniques et gagna en importance et en prestige. Ce conflit provoqua une croissance considérable de l’effectif des ingénieurs géographes. Il atteignit alors une quarantaine avant de diminuer avec le retour de la paix. En 1769, ils n’étaient plus que vingt-huit. C’est justement à cette époque que naît un véritable corps de métier, sans qu’il constitue encore un corps militaire à part entière. La réduction des effectifs permit d’obtenir une protection relative avec des pensions de retraite pour les officiers restés en service23. Une formation fut également instituée au Dépôt de la guerre pour les surnuméraires, admis après un examen interne. Jean-Baptiste Berthier, chef des ingénieurs géographes entre 1758 et 1771, y poursuivit en effet une politique ambitieuse, abandonnée cependant après son départ24.
14Ces réformes causèrent des frictions avec le corps du génie, qui s’exacerbèrent avec la crise financière de la monarchie. L’écart entre les ingénieurs des camps et armées et les ingénieurs du génie, dont le corps s’était professionnalisé et militarisé grâce à des processus de sélection intellectuelle et sociale, devenait de plus en plus important. La création de l’École de Mézières en 1748 avait été accompagnée de la mise en place d’un concours d’entrée à l’école et d’un examen de sortie, qui classait les élèves par le mérite. Les deux examens étaient conduits par un académicien des sciences. Cette procédure, adoptée également par l’artillerie, conférait au corps du génie une légitimité scientifique et le consacrait comme « corps savant ». La militarisation et l’augmentation du prestige de ce corps passèrent également par l’institution d’un recrutement réservé de plus en plus à la noblesse. À l’inverse, les ingénieurs des camps et armées se recrutaient dans des milieux civils sans demander de preuves de noblesse, ce qui desservit leurs aspirations militaires jusqu’à la fin de l’Ancien Régime25.
15Alors qu’émergeait la figure de l’ingénieur civil, la concurrence entre corps était donc alimentée par des enjeux de professionnalisation. Le génie revendiquait l’exclusivité du titre d’ingénieur, tandis que l’écart entre les différents services prétendant à cette dénomination croissait avec leur spécialisation. En 1774, l’officier du génie Louis Le Bègue du Portail se plaignait ainsi :
C’est une chose étrange que l’abus qu’on a fait dans ces derniers tems du nom d’ingénieur. Ce titre honorable dans son origine a été prostitué à tant de gens qu’il en est presqu’avili. Le constructeur des ponts et chaussées, le géographe, le constructeur de vaisseaux, le machiniste, le faiseur d’instruments etc. tous lui emparent [sic], tous s’appellent ingénieurs, qu’est-ce que cela veut dire ? Le nom d’ingénieur est-il un nom générique qui convienne à tous ceux qui professent quelqu’art ? […] Les géographes, fiers de porter le même nom que des militaires, pensent aussi être un peu militaires, ils ne rêvent plus que cela, il leur faut des uniformes, des grades […]. Un ingénieur-géographe ne peut-il s’appeler tout uniment un géographe26 ?
16Les ingénieurs géographes souffraient de l’indéfinition de leur statut, de leur précarité et d’un recrutement peu sélectif. Les « officiers », sauf le général qui dirigeait le Dépôt, ne dépassaient qu’exceptionnellement le grade de capitaine27, pâtissant aussi de la « réaction nobiliaire ». C’est visiblement dans l’espoir d’asseoir leur statut professionnel et militaire qu’ils tentaient de faire valoir leur titre d’ingénieur, alors que naissaient les corps d’état cependant formés dans des écoles prestigieuses comme celle de Mézières ou des Ponts et Chaussées. Aucun acte royal ne mentionnait pourtant les ingénieurs géographes avant un règlement sur les uniformes datant du 2 septembre 1775. On leur prescrivait alors une tenue semblable à celle du génie, avec toutefois la coupe du parement et le chapeau conformes à ceux des officiers d’infanterie. Les ingénieurs gradés avaient, eux, droit aux épaulettes distinctives des officiers28.
17La concurrence avec le génie continua de transparaître des ordonnances du 31 décembre 1776 et du 26 février 1777. Dans la première, la majorité des vingt-quatre ingénieurs géographes étaient affectés dans les directions du génie, dont les membres étaient rebaptisés « officiers du corps royal du Génie ». Cette titulature marquait l’achèvement de leur processus de militarisation en les distinguant des autres ingénieurs. Les ingénieurs géographes protestèrent avec vigueur d’être ainsi subordonnés à des officiers d’un autre corps en présentant leur démission. Deux mois plus tard, une seconde ordonnance confirma pourtant la première. Elle reconnut néanmoins leur existence de plein titre par une titulature sans ambiguïté : « Les ingénieurs géographes des Camps et Armées, entretenus à la suite du département de la Guerre, seront à l’avenir désignés sous la dénomination d’ingénieurs géographes militaires. » En revanche, ceux qui exerçaient les mêmes fonctions sans disposer d’un grade « ne pourraient être désignés que sous la dénomination d’ingénieurs géographes29 ». On visait vraisemblablement les surnuméraires (écartés pour quelques années dans le cadre d’une réduction des effectifs) et les autres « dessinateurs » employés par le génie. D’ailleurs, cette désignation collective ne se traduisit pas dans la constitution d’un corps militaire à part entière30. Le pluriel restait de mise pour désigner les ingénieurs géographes, militaires ou non. Il faut également souligner la manière dont cette évolution tenait compte de l’usage prévalent pour les désigner (« ingénieurs géographes ») et de leurs revendications (« militaires »). Mais paradoxalement, au moment même où ils furent pleinement reconnus comme militaires, leurs missions devinrent plus civiles que jamais, s’apparentant à celles des topographes et des arpenteurs civils31.
18Certes, il faut distinguer le statut, les fonctions, la dénomination et les revendications. Mais la tendance était cependant de se présenter comme des militaires, en mentionnant par exemple ses fonctions en temps de guerre et en omettant les travaux topographiques effectués en temps de paix et exécutés parfois avec le génie. D’après des Mémoires de cette époque, les attributions du service étaient constituées par :
Les plans des marches, des terrains à reconnaître avant les marches, du camp et ses débouchés, les reconnaissances des positions de l’ennemi, les mouvements des batailles, et tous les cas imprévus pour le service des états-majors des armées, soit pour l’usage du général, du maréchal de logis, soit pour celui de Sa Majesté elle-même et de ses ministres32.
19La même tendance se retrouve chez Dupain de Montesson, qui préférait revendiquer en 1783 l’ancienne dénomination « ingénieurs des camps et armées », considérée « plus noble »33, visiblement parce qu’elle était liée au lexique et aux fonctions militaires. La militarisation obtenue, il s’agissait désormais de se démarquer des autres ingénieures géographes de la sphère civile en gommant l’association du service à la cartographie.
20En effet, le levé des cartes était au centre de la formation de beaucoup d’ingénieurs, y compris civils. Cette tâche ne pouvait donc pas légitimer seule l’existence d’un corps. En outre, la confection d’une carte générale nécessitait des données astronomiques et géodésiques que les ingénieurs géographes n’étaient pas en mesure de fournir. Ils revendiquaient cependant la primauté dans la pratique des reconnaissances, en tant que spécialistes du terrain. Elle avait l’avantage d’être réservée aux militaires et d’être essentielle au bon déroulement des opérations. Cette revendication reflétait leur aspiration à être considérés comme des officiers de l’armée34, affectés à l’état-major et donc affranchis de la tutelle du génie. À la fin de l’Ancien Régime, on proposa d’ailleurs plusieurs fois leur intégration au corps d’état-major qui venait d’être formé35.
21Génie et état-major ambitionnaient cependant tous deux un rôle consultatif auprès des hauts commandements. Dans les décennies 1770 et 1780, nombre de projets émanant du génie réclamaient ainsi la suppression des ingénieurs géographes et de l’état-major, considéré comme le lieu du favoritisme et des carrières faciles. Ce n’était évidemment pas le cas des ingénieurs géographes, vus et traités par ces deux corps comme des subalternes à cause de la modestie de leurs grades, de leurs origines sociales et de leurs fonctions. S’ils insistaient sur l’importance militaire des reconnaissances, leurs concurrents, forts d’une expérience militaire plus développée et/ou de meilleurs appuis institutionnels, critiquaient la technicité de leur spécialisation. Au début du xixe siècle, un projet d’organisation du corps des ingénieurs géographes considérait ainsi que
Le corps des ingénieurs-géographes […] n’a jamais été que faiblement organisé ; ses attributions étaient vagues, toutes relatives aux circonstances. Un petit nombre d’opérations marquantes firent distinguer quelques sujets : on les considérait presque toujours comme des instruments36.
22La rivalité entre le génie et les ingénieurs géographes se solda donc au profit du corps le plus professionnalisé, le plus instruit et le mieux protégé. Projetée dans les décennies précédentes, la suppression des ingénieurs géographes fut prononcée par l’Assemblée nationale constituante le 17 août 179137.
La Révolution : artistes et topographes
23L’éclosion des guerres révolutionnaires provoqua cependant un besoin d’ingénieurs géographes. Le service fut donc provisoirement recréé en 1793. Le général Étienne-Nicolas de Calon, conventionnel et directeur du Dépôt entre 1793 et 1797, procéda au recrutement. Il rétablit pour cela une formation pour ses subordonnés, qui obtinrent des grades provisoires aux armées, y compris des grades d’état-major. Calon poursuivit par ailleurs une politique ambitieuse en essayant de centraliser l’activité géographique au Dépôt général de la guerre et de la géographie, en instituant une Division de savants et en supportant l’entreprise du mètre38.
24La position précaire des ingénieurs géographes aux armées devint cependant patente lorsque le Directoire remit en question sa politique. Deux arrêtés du Directoire entre floréal et messidor an V (mai-juin 1797) maintinrent provisoirement ceux qu’on désignait comme « artistes employés à la partie Topographique » dans les armées, tout en les subordonnant au corps du génie, où ils devaient entrer comme adjoints39. Un autre du 13 prairial an VII (1er juin 1799) conservait, toujours provisoirement, les « topographes-dessinateurs », alors qu’ils n’étaient plus subordonnés au génie, mais affectés en campagne à l’état-major des armées. Si leur précarité est évidente et si leurs nouvelles dénominations témoignent d’un certain déclassement, la Révolution permit une ascension impensable auparavant pour des personnes d’origine sociale modeste. Quelques-uns devinrent des intermédiaires importants auprès du haut commandement.
25Aux dénominations imposées, ils continuèrent à préférer celle d’« ingénieurs géographes », le titre d’ingénieur conservant tout son prestige. Parfois, ils s’appelaient simplement « géographes », quoique ce terme soit utilisé également par leurs concurrents pour les stigmatiser. Le mot « topographes », qui paraît convenir aujourd’hui car jusqu’au Consulat les ingénieurs géographes ne s’occupaient que du « détail », apparut cependant tardivement. Son utilisation demeura limitée et fut principalement le fait d’acteurs extérieurs au service. Plutôt dépréciative à l’origine - associée à la peinture et au dessin40 -, cette désignation se répandit à partir des années 1780-1790 et jusque dans les premières années de l’Empire, période de la remise en question institutionnelle du service.
Le Consulat et l’Empire : la mise en place d’un nouveau « corps savant »
26Entre 1800 et 1802, trois projets alternatifs furent proposés pour régler la position des ingénieurs géographes, témoin des difficultés posées par leur statut. Le premier proposait de faire d’eux un corps militaire en conservant l’ancien nom d’« ingénieurs des camps et armées ». Le second les assimilait aux employés du ministère de la Guerre sous le nom d’« artistes topographes ». Le dernier enfin les rattachait à nouveau au Dépôt des fortifications41. Aucun n’aboutit. Le nouveau directeur, Nicolas-Antoine Sanson, issu du corps du génie, et le ministre de la Guerre Louis-Alexandre Berthier, ancien ingénieur géographe, élaborèrent alors un nouveau projet et choisirent le nom « topographes militaires42 ». Le terme était bien trouvé puisqu’il ménageait la susceptibilité du corps du génie tout en maintenant ce service, que d’autres ministères revendiquaient, au sein du ministère de la Guerre. Sanson considérait en effet qu’il fallait « dans cette partie des espèces de militaires artistes, savants et bien payés et rattachés au département qui en fait le plus grand usage, comme celui de la Guerre43 ». Entre 1803 et 1804, Sanson et Berthier firent présenter différents projets au Conseil d’État. La dénomination « ingénieurs géographes » fut finalement retenue. Ils n’étaient toutefois pas pleinement assimilés au corps des officiers, de crainte qu’ils n’abandonnassent leurs indispensables fonctions pour l’éclat de la carrière militaire. Il s’agissait donc de les maintenir dans la position de subordonnés, comme par le passé :
Le service des ingénieurs-géographes à l’armée est sans doute un service militaire ; cependant, s’ils étaient placés dans la hiérarchie des grades, leur ambition pour en acquérir leur ferait trop souvent méconnaître l’utilité moins brillante de leurs fonctions. C’est précisément parce qu’elles ont beaucoup de rapports avec celles des officiers d’état-major et du génie, qu’elles feraient naître sans cesse, sur leurs limitations respectives, des difficultés que la correspondance des grades ne manquerait pas de multiplier. On a donc cherché à établir d’une manière convenable le service des ingénieurs-géographes, sans en faire précisément un corps militaire : on a déterminé leurs fonctions de manière à conserver leur utilité et leur importance, sans les confondre avec aucune de celles des officiers de l’armée44.
27Les projets furent néanmoins ajournés, face aux oppositions tant des milieux civils, désireux de s’assurer ce service, que militaires, soucieux de conserver ces fonctions pour l’état-major45. Celui de 1803 avait été d’ailleurs âprement critiqué par les ingénieurs géographes eux-mêmes, justement sur les aspects concernant leur professionnalisation et leur rôle dans l’armée. N’étant pas assimilés pleinement aux officiers (par exemple en ce qui concerne les signes distinctifs et donc l’autorité qu’ils pouvaient exercer), ils craignaient aussi qu’on leur refuse les reconnaissances militaires. S’ils obtinrent un uniforme différent de celui de l’état-major en 1804, en recevant aussi les épaulettes qu’ils avaient revendiquées, leur situation ne fut cependant pas réglée puisqu’ils conservaient des grades provisoires46.
28Le Consulat peut néanmoins être considéré comme une étape cruciale dans le processus de professionnalisation des ingénieurs géographes. On assiste en effet à une croissance remarquable des effectifs qui passèrent de 60 en 1800 à 104 en 1804. Liée d’abord aux nécessités de la guerre, elle continua grâce aux efforts du Dépôt général de la guerre pour s’imposer comme l’institution de référence de la cartographie en France et en Europe. Le recrutement d’astronomes et l’attention portée à la géodésie permirent d’y centraliser toutes les phases de la production cartographique. On y établit des règles pour la confection de cartes valides pour l’ensemble des services, militaires et civils47, et des projets cartographiques de longue haleine furent entrepris. La nécessité de coordonner ces nouveaux travaux, unie à l’accroissement des effectifs, ouvrit les grades supérieurs aux ingénieurs. Il était désormais possible de dépasser celui de capitaine et de devenir chef d’escadron ou même colonel.
29Le Dépôt général de la guerre ambitionnait de s’affirmer comme une institution scientifique. Pour cela, encore fallait-il donner des gages quant à la préparation des ingénieurs géographes, qui avaient joui jusque-là d’une formation « artisanale » au sein du Dépôt. On insista pour que les élèves passassent par l’École polytechnique - afin d’y recevoir une formation d’ingénieurs - et on améliora la formation interne48. Maintenant, « suivant la qualité de géographe ajoutée à celle d’ingénieur, toute la Terre est leur domaine et ils doivent savoir représenter des fractions plus ou moins grandes de sa surface et même sa totalité49 ». Cela s’inscrivait dans une conception qui visait à faire de la topographie « l’intermédiaire entre la terre et la géographie50 », et de l’ingénieur géographe, envoyé sur le terrain, le médiateur par excellence entre le gouvernement et la population. Il aurait été en effet l’agent d’une « utopie de visibilité universelle ou de transparence » issue des Lumières51. L’influence des « idéologues », auxquels le Dépôt était lié, est repérable dans l’approche de la géographie comme science humaine. Dans les grands projets cartographiques, un nouvel accent était ainsi mis sur la statistique militaire. Les observations des enquêteurs révèlent une approche complexe de nature encyclopédiste dans laquelle se refaçonne, en quelque sorte, leur qualification d’ingénieurs géographes. Ils posaient en effet un regard analytique, critique et problématique sur le territoire. Ils le disséquaient à la fois en géographes - selon des approches nouvelles propres à de nombreuses autres sciences humaines comme l’histoire ou l’ethnographie - et en ingénieurs. Ils imaginaient ainsi son aménagement, son organisation et celle de sa population dans une logique administrative de long terme52. Dans cet « âge d’or », leurs pratiques sur le terrain contribuèrent à redéfinir la géographie, tant dans le domaine de la cartographie qu’au sens plus large. Le pluriel continuait d’être utilisé pour désigner ces « officiers », qui constituaient « moins un corps qu’une société53 ».
30Les ambitions du Dépôt général de la guerre ne furent que partiellement satisfaites pendant l’Empire. La participation aux campagnes favorisa cependant la pleine militarisation du service. Si des officiers avaient été commissionnés dans la ligne, la plupart ne possédaient que des commissions renouvelables. Ils furent tous confirmés dans leurs grades ou promus au grade supérieur le 23 novembre 1808, tandis que le « Corps impérial des ingénieurs géographes des camps et marches des armées » fut finalement constitué le 30 janvier 1809. Son nom entérinait une longue évolution et prenait acte de leurs fonctions cartographiques et militaires. Ses membres jouissaient désormais de la légitimité scientifique de l’ingénieur apportée par le passage obligatoire par l’École polytechnique et par la conversion de la formation offerte au Dépôt en école d’application - l’École impériale des ingénieurs géographes54. Cela signifiait la pleine intégration des ingénieurs géographes dans la filière des services publics militaires et leur consécration comme « corps savant ». Leur caractère « hybride » demeurait pourtant, car si leurs appointements étaient réglés sur ceux des officiers du génie, leurs retraites et indemnités correspondaient à celles des officiers d’état-major. En temps de guerre ils étaient directement subordonnés au général en chef et au chef de l’état-major55. Ils jouissaient désormais d’une certaine protection, mais leurs perspectives d’avancement s’améliorèrent peu, dans un corps qui comptait moins de quatre-vingt-dix officiers.
31Les campagnes de l’Empire imposèrent en outre aux ingénieurs géographes des rythmes de travail impossibles. Le Dépôt dut ralentir ou suspendre des opérations de longue haleine pour se concentrer sur les plus urgentes et plus nécessaires dans le contexte de guerres perpétuelles et d’extension des fronts à toute l’Europe. Une tension émergea alors entre les vocations scientifique et militaire du Dépôt de la guerre. Les chefs des bureaux topographiques régionaux se plaignaient constamment de ce que l’urgence nuisait à la perfection de leurs travaux. D’un autre côté, Napoléon et Berthier, visiblement attachés à des pratiques d’Ancien Régime, insistaient sur la réduction des échelles et se plaignaient du manque de résultats, en ayant peu d’égards pour le volume du travail demandé56. Cela pénalisa sûrement les efforts des ingénieurs géographes pour obtenir leur statut militaire avant 1809. Quoi qu’il en soit, leurs attributions glissèrent vers des fonctions plus strictement militaires et vers la pratique des reconnaissances.
La Restauration et l’incorporation des ingénieurs géographes dans l’état-major
32L’urgence cessa avec la paix. Si, avec la nouvelle entreprise de la carte de France, tout paraissait favorable au développement de ce corps savant, des questions politiques et institutionnelles freinèrent encore le processus. La mesure générale de licenciement de l’armée et la réduction des effectifs prises sous la seconde Restauration réduisirent plus encore les perspectives de carrière57. Entre-temps, un Corps royal d’état-major avait été créé en 1818, ainsi qu’une nouvelle école d’application, réservée aux élèves sortis de l’école d’officiers de Saint-Cyr, sauf pour trois polytechniciens. Des officiers de ce corps furent affectés au Dépôt de la guerre et participèrent aux travaux historiques, cartographiques et statistiques. L’interpénétration entre les deux corps devenait de plus en plus évidente. Les ingénieurs géographes apportaient leur légitimité scientifique et technique et les officiers de l’état-major leur instruction militaire. Leur réunion, ou plutôt l’incorporation des premiers dans l’état-major, fut opérée par l’ordonnance du 22 février 1831. Comme le remarque Berthaut, les officiers inférieurs auraient trouvé « un dédommagement à la perte de leur titre dans les chances d’avancement qui leur étaient offertes » dans un corps beaucoup plus vaste58. La Carte de France prit ainsi la dénomination de Carte de l’état-major, mais la partie géodésique fut assurée par des officiers de l’ancien corps, comme l’indique l’expression « triangulation des ingénieurs géographes ».
33Le parcours des ingénieurs géographes se terminait finalement par la reconnaissance de leur revendication primaire, celle d’être pleinement intégrés comme officiers. Celle-ci ne fut possible qu’au terme d’un long processus de professionnalisation parallèle, bien que plus tardif, à celui des corps savants et à l’occasion de la prise de pouvoir par un de leurs officiers, Napoléon. Elle demanda également l’acquisition d’une légitimité scientifique ; celle-là même qui, avec la promotion des sciences, des pratiques méritocratiques et de l’armée durant la Révolution, avait doté les autres « corps savants » d’une centralité remarquable. Dans le contexte antiscientiste de la Restauration, cette légitimité scientifique passa au second plan, comme le marque la renonciation à la formation et au statut d’ingénieur à partir de 183159. Entre 1809 et 1831, les ingénieurs géographes formaient un corps doté de ses procédures de recrutement et d’une protection des carrières, un corps d’État dans lequel l’horizon de groupe primait sur l’horizon individuel. Ce fut d’ailleurs alors qu’apparut pour la première fois, à côté du pluriel « ingénieurs géographes », le terme singulier et collectif « génie géographe ».
34Il s’agissait d’une véritable consécration en termes de prestige, de reconnaissance et d’autonomie par rapport au corps du génie. Les ingénieurs géographes avaient hérité de ce service leur titre d’« ingénieurs ». Ils tinrent à le conserver longtemps parce qu’il renvoyait à un statut militaire et professionnel. L’ancienne dénomination « ingénieurs des camps et armées » recule au profit de celle d’« ingénieurs géographes », composée par deux termes liés à des professions et à des disciplines en voie de définition aux xviiie et xixe siècles. Partagée par d’autres auparavant, elle s’affirma alors comme un monopole au moment où ce service connaissait son apogée. L’existence même des ingénieurs géographes contribua à l’utilisation - et donc à la redéfinition - de ces termes. La géographie se nourrit du terrain et la cartographie des militaires acquit une centralité inédite en Europe. L’essor de la figure de l’ingénieur civil changea également les enjeux de représentation. Ainsi à la fin du xixe siècle, quand on projeta de récréer un « corps d’officiers géographes » sur le modèle de celui de 1809-1831, on ne se passa pas de la formation, mais du titre d’ingénieur, « qui semblerait donner aux géographes une apparence de fonctions civiles et qui, du reste, a été prodigué dans ces derniers temps à des catégories d’individus trop divers60 ».
Notes de bas de page
1 Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires, 1624-1831, Paris, Imprimerie du Service géographique, 1902, 2 tomes ; Id., La Carte de France, 1750-1898. Étude historique, Paris, Imprimerie du Service géographique, t. 1, 1898.
2 Claire Lemoine-Isabeau, Les militaires et la cartographie des Pays-Bas méridionaux et de la principauté de Liège à la fin du xviie et au xviiie siècle, Bruxelles, Musée Royal de l’armée, 1984 ; Josef W. Konvitz, Cartography in France, 1660-1848 : Science, Engineering, and Statecraft, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 1987 ; Marie-Anne Corvisier de Villèle, « Les Naudin et la cartographie militaire française de 1688 à 1744 », dans Catherine Bousquet-Bressolier (dir.), L’œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen Âge à nos jours, Paris, Éditions du CTHS, 1995, p. 147-164 et Id., « Introduction », dans La France vue par les militaires, t. 1, Catalogue des cartes de France du Dépôt de la guerre, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 2002, p. iii-xxvi ; Monique Pelletier, « Formation et missions de l’ingénieur géographe militaire », dans Catherine Bousquet-Bressolier (dir.), L’œil du cartographe, op. cit., p. 73-92 ; Id., « L’ingénieur militaire et la description du territoire : du xvie au xviiie siècle », dans Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des lumières, Paris, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2002, p. 45-68.
3 Anne Godlewska, Geography unbound. French Geographic Science from Cassini to Humboldt, Chicago, University of Chicago Press, 1999 ; Massimo Quaini, « Identità professionale e pratica cognitiva dello spazio : il caso dell’ingegnere cartografo nelle periferie dell’impero napoleonico », Quaderni Storici, 90/3, 1995, p. 679-696.
4 Outre ceux cités par la suite, voir par exemple Patrice Bret, « Engineers and Topographical Surveys », dans Matthew Edney, Mary S. Pedley (dir.), The History of Cartography, t. IV, Cartography in the European Enlightenment, Chicago, University of Chicago Press, à paraître. Je tiens à remercier l’auteur pour la communication de ce dernier texte.
5 Patrice Ract, Les ingénieurs géographes des camps et armées du Roi, de la guerre de Sept Ans à la Révolution, 1756-1791. Étude institutionnelle, prosopographique et sociale, thèse de doctorat, École des chartes, 2002 ; Valeria Pansini, L’œil du topographe et la science de la guerre. Travail scientifique et perception militaire (1760-1820), thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales, 2002.
6 Michel Roucaud, Le renseignement dans les armées napoléoniennes, thèse de doctorat, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015. Grégoire Binois, « Penser l’espace en système : les usages des cartes du dépôt de la guerre au xviiie siècle », dans La carte fait-elle le territoire ? (http://www.atlas.historique.alsace.uha.fr/img/cms/pdf/binois-penser-lespace-en-systeme.pdf) et Id., « La concurrence entre ingénieurs, un élément pour comprendre le développement de la géographie militaire au xviiie siècle : le cas d’Antoine de Régemorte lors de la guerre de Succession de Pologne (1733-1735) », dans Philippe Boulanger (dir.), Géographie et guerre, de la géographie militaire au Geospatial Intelligence en France (xviiie-xxie siècle), Paris, Bulletin de la Société de géographie, hors-série, juin 2016, p. 23-30.
7 Lorenzo Cuccoli, Le armi dotte tra Francia e Italia 1796-1814, thèse de doctorat, Università di Bologna et université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012 ; Id., « Le armi dotte e la Rivoluzione francese : riformismo, elitismo, meritocrazia », Società e Storia, 135, 2012, p. 41- 63.
8 Anne Blanchard, Les ingénieurs du Roy de Louis XIV à Louis XVI. Étude du corps de fortifications, Montpellier, Centre d’histoire militaire et d’études de défense nationale, université Paul-Valéry (Montpellier 3), 1979 ; Janis Langins, Conserving the Enlightenment. French Military Engineering from Vauban to the Revolution, Cambridge (MA), MIT Press, 2004.
9 Hélène Vérin, La gloire des ingénieurs. L’Intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1993, p. 34-35.
10 Bertrand Fonck, « Cartographie, direction de la guerre et commandement des armées sous Louis XIV », dans Id., Nathalie Genet-Rouffiac (dir.), Combattre et gouverner. Dynamiques de l’histoire militaire de l’époque moderne (xviie-xviiie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 151.
11 Sicard, « Précis historique sur les ingénieurs géographes », Journal des sciences militaires, 16, 1829, p. 113.
12 Patrice Bret, « Du concours de l’an II à la suppression de l’École des Géographes : la quête identitaire des ingénieurs géographes du Cadastre de Prony, 1794-1802 », dans Ana Cardoso de Matos, Maria Paula Diogo, Irina Gouzévitch, André Grelon (dir.), Jogos de identidade profissional : os engenheros entre a formação e acção, Lisbonne, Colibri, 2009, p. 123. Voir aussi Patrice Ract, Les ingénieurs géographes…, op. cit., p. 245.
13 Louis Charles Dupain de Montesson, Vocabulaire de guerre ou recueil des principaux termes de guerre, de marine, d’artillerie, de fortification, d’attaque et de défense des places, et de géographie, Paris, Couturier fils, t. 1, 1783, p. 366.
14 Au xviiie siècle, il existe en effet des « ingénieurs surnuméraires » et des « élèves ingénieurs » à partir de 1793. Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 140-141.
15 Monique Pelletier, « Formation et missions de l’ingénieur géographe militaire », art. cité ; Marie-Anne Corvisier de Villèle, « Les Naudin et la cartographie militaire française », art. cité ; Bertrand Fonck, « Cartographie, direction de la guerre… », art. cité, p. 143-144.
16 Ibid., p. 148-149, 151.
17 « Observations sur ce qui a toujours été pratiqué en ce qui concerne les ingénieurs créés par M. de Louvois, pour être employés sous sa direction à la suite des armées du Roy », 1742, Vincennes, Service historique de la Défense [SHD], ms. A1 3073, pièce 81 bis. Un document interne aux ingénieurs géographes daté de 1788 mentionne la date de 1691, qui coïncide avec la mort de Louvois et la réunification des corps d’ingéneurs de la guerre et de la marine dans le département des fortifications. D’autres sources indiquent en revanche 1696. Joseph Sécret Pascal-Vallongue, « Notice historique sur le Dépôt général de la guerre », Mémorial topographique et militaire, 2, Paris, Imprimerie de la République, brumaire an X [1802], p. 6.
18 Si la thèse « classique » en fait un groupe séparé des ingénieurs des fortifications, Patrice Ract et Michèle Virol soulignent leur assimilation dans la première moitié du xviiie siècle. Michèle Virol, « La circulation internationale des ingénieurs », dans Pierre-Yves Beaurepaire, Pierrick Pourchasse (dir.), Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 67-82 et Id., « Du terrain à la carte : les ingénieurs du roi Louis XIV entre exigences et réalisations », dans Isabelle Laboulais (dir.), Les usages des cartes (xviie-xixe siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2008, p. 33-50.
19 Anne Blanchard, Les ingénieurs du Roy, op. cit., p. 113.
20 Le service géographique de l’armée. Son histoire, son organisation, ses travaux, Paris, Imprimerie du Service géographique de l’armée, 1938, p. 7 ; Sicard, « Précis historique sur les ingénieurs géographes », art. cité, p. 113.
21 Pierre Lemau de La Jaisse, Abrégé de la carte générale du militaire de France…, Paris, l’auteur, Quillau, Briasson, Jaillot, etc., 7 vol., 1735-1741.
22 Joseph Sécret Pascal-Vallongue, « Notice historique sur le Dépôt général de la guerre », art. cité, p. 7 ; Marie-Anne Corvisier de Villèle, « Introduction », dans Catherine Bousquet-Bressolier (dir.), L’œil du cartographe…, op. cit.
23 Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 31, 40. Ce serait d’ailleurs la première fois qu’un texte officiel, un règlement du ministre de la guerre Choiseul, mentionne un « corps des Ingénieurs Géographes des camps et armées » (Mémoires sur la Constitution des Ingénieurs Géographes Militaires, s.d., [probablement 1777], SHD, ms. 3M 377)
24 Berthier avait recruté un professeur de mathématiques et un maître de langues étrangères pour l’instruction des surnuméraires, mais l’école ne semble pas avoir survécu à son départ. Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre et la formation scientifique des ingénieurs-géographes militaires en France (1789-1830) », Annals of Science, 48, 1991, p. 122. Patrice Ract, Les ingénieurs géographes…, op. cit., p. 292.
25 Ibid., p. 320. Pour le corps du génie voir Anne Blanchard, Les ingénieurs du Roy…, op. cit., p. 236.
26 Louis Le Bègue du Portail, Mémoire sur le corps du génie, 13 août 1774, SHD, ms. AG, 1VC 15, p. 78-80.
27 Ce blocage s’accrut avec la contraction progressive du corps après la guerre de Sept Ans. Éloge historique et apologétique d’un homme en place, s.l., 1790, p. 31.
28 Règlement arrêté par le Roi, sur l’uniforme des officiers généraux et autres employés dans ses armées et dans les places. Du 2 septembre 1775, Paris, Imprimerie royale, 1775, cité par Patrice Ract, Les ingénieurs géographes…, op. cit.
29 Voir Ordonnance du Roi concernant le corps du génie, Paris, Imprimerie royale, 1777 et Henri-Marie-Auguste Berthaut, La Carte de France…, op. cit., p. 72-73, art. 1 (souligné dans l’original) et 5.
30 La première mention officielle dans un texte législatif du « corps des ingénieurs-géographes militaires » date de leur suppression en 1791, dans laquelle l’ordonnance de 1777 fut comptée comme constituant le corps. Voir Archives parlementaires de 1787 à 1860, 1/XXIX, Paris, Paul Dupont, 1888, p. 492.
31 Patrice Ract, Les ingénieurs géographes…, op. cit., p. vii, p. 371.
32 Mémoires sur la constitution des ingénieurs géographes militaires, SHD, ms. cité.
33 Dupain de Montesson, Vocabulaire de guerre…, op. cit., p. 366.
34 Valeria Pansini, « Pour une histoire concrète du “talent” : les sélections méritocratiques et le coup d’œil du topographe », Annales historiques de la Révolution française, 354/4, 2008, p. 5-27.
35 Notamment en 1783 lors de la fondation du corps de l’état-major et en 1787-1789 au Conseil de guerre. Avis de la Commission sur la réunion des corps des ingénieurs géographes et de l’état-major, Paris, 3 janvier 1831, SHD, ms. n° 16, 1M 1954.
36 Mathieu Dumas, Rapport et projets d’arrêtés Sur l’Organisation, 1.o Du corps des Ingénieurs-Géographes ; 2.o De l’École spéciale de Géographie et de Topographie ; 3.o Du Dépôt général de la guerre, 15 nivôse an XI (5 janvier 1803), (http://www.napoleonica.org/gerando/GER00409.html).
37 Archives parlementaires de 1787 à 1860, 1/XXIX, op. cit., p. 492 ; Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre… », art. cité., p. 116 ; Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 121.
38 Un cours d’instruction théorique et pratique, dirigé par un professeur de mathématiques, fut mis en place au Dépôt. À partir de l’an II, des ingénieurs géographes du Cabinet topographique du Comité de salut public furent envoyés aux armées. Les ingénieurs de ce Cabinet, qui passa au Directoire, furent rattachés au Dépôt de la guerre en 1797. Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 146-148 et 163. Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre… », art. cité, p. 117.
39 Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 151- 152, 168.
40 L’expression n’était cependant pas dépréciative dans la tradition italienne, et notamment piémontaise, qui influença la française.
41 Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 236.
42 [Nicolas-Antoine Sanson], Note confidentielle Sur un projet d’organisation des ingénieurs Geog.[raphes] De la république italienne, messidor an XI [juin-juillet 1803], SHD, ms. in 2M5.
43 Ibid.
44 Nous signalons. Mathieu Dumas, Rapports et projets d’arrêtés…, op. cit. Jean-Gérard Lacuée présenta l’année suivante le Projet de décret impérial relatif à la création, à la composition et à l’organisation du corps des ingénieurs-géographes, 17 prairial an XII [6 juin 1804], (http://www.napoleonica.org/gerando/GER00769.html).
45 Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre… », art. cité, p. 133.
46 Henri-Marie-Auguste Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires…, op. cit., t. 1, p. 252 ; Id., La Carte de France…, op. cit., p. 72.
47 Sur la commission des signes topographiques : Patrice Bret, « Le moment révolutionnaire : du terrain à la commission topographique de 1802 », dans Isabelle Laboulais (dir.), Les usages des cartes, op. cit., p. 81-97.
48 Des cours avaient été réintroduits en 1799, sans toutefois atteindre le niveaux d’autrefois. En 1801-1802, l’instruction fut réorganisée et confiée à trois ingénieurs géographes. Le général Sanson, qui siégeait au Conseil de perfectionnement de l’École polytechnique, introduisit ensuite des examens plus rigoureux en mathématiques et pilota la nouvelle organisation de l’enseignement.
49 « Projet de cours des mathématiques », cité dans Patrice Bret, « Le Dépôt général de la guerre… », art. cité., p. 147.
50 [Joseph Sécret Pascal-Vallongue], « Avant-propos », dans Mémorial topographique et militaire, 3, Paris, Imprimerie de la République, nivôse an XI [1803], p. xviii-xix.
51 Massimo Quaini, « Identità professionale e pratica cognitiva dello spazio… », art. cité, p. 690 (notre traduction).
52 Voir par exemple les nombreux mémoires et reconnaissances conservées au SHD. La référence pour ces mémoires était l’article de l’ingénieur géographe Joly « Carte militaire, Reconnoissance militaire », dans Encyclopédie méthodique…, Mathématiques, t. 1, 1784, p. 300-306. Des éléments de cette approche étaient certainement présents dès la fin de la guerre de Sept Ans. Patrice Ract, Les ingénieurs géographes…, op. cit., p. 219. Voir aussi Michel Roucaud, Le renseignement dans les armées napoléoniennes, op. cit., p. 88. L’association de l’histoire à la géographie était déjà habituelle. Sur le statut hybride de la géographie : Hélène Blais, Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Géographies plurielles. La géographie française au moment de l’émergence des sciences humaines, 1750-1850, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 16.
53 Ils ne bénéficiaient en effet pas de protection institutionnelle et demeuraient isolés comme le constate un rapport de 1807. Michel Roucaud, « Le Dépôt de la guerre sous le Consulat et l’Empire. De la conservation à la documentation », dans Correspondance générale de Napoléon, Paris, Fayard, 2009, t. 6, p. 1324.
54 L’enseignement était centré sur la géodésie, dont l’importance croissait également à l’École polytechnique. Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre… », art. cité, p. 137.
55 Jean-Gérard Lacuée, Projet de décret relatif à l’organisation du Corps des ingénieurs géographes, 22 décembre 1808 (http://www.napoleonica.org/gerando/GER01783.html).
56 Après avoir été officier d’artillerie, Napoléon avait travaillé au Cabinet topographique du Comité de salut public. Il était donc un fin connaisseur des cartes, habitué cependant aux anciennes mesures et échelles, abandonnées par le Dépôt au profit des mesures et échelles décimales.
57 72 en octobre 1817, ils étaient 69 en 1826. La majorité fut mise à demi-solde de 1815 à 1822. Henri-Marie-Auguste Berthaut, La Carte de France…, op. cit., p. 82, 85 et 92.
58 Ibid., p. 87-89 et 92. Voir Avis de la Commission sur la Réunion des Corps des Ingénieurs géographes et de l’État-major, op. cit.
59 À l’exception des polytechniciens passés par Saint-Cyr.
60 François Perrier, « La géodésie française. Réorganisation du service géographique dans l’armée », Journal des sciences militaires, 48e année, 8/2, 1872, p. 122, n. 2.
Auteur
Centre de recherche en histoire européenne comparée, Université Paris-Est Créteil
ATER à l’université Paris-Est Créteil et docteur en histoire des universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Institut d’Histoire de la Révolution française) et de Bologne. Sa thèse porte sur les ingénieurs militaires entre la France et l’Italie depuis la seconde moitié du xviiie siècle jusqu’au début du xixe. Il a été postdoctorant au CNRS dans le cadre du projet ANRACTAPOL pour la confection du Dictionnaire des Conventionnels, puis à la RGGU (Russian State University for the Humanities) pour un projet de recherche sur la recomposition de la hiérarchie militaire dans les armées révolutionnaires. Il est chercheur associé à l’université de Bologne, à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, au Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC) de l’EHESS et au Centre de recherche en histoire européenne comparée. Il a été également ATER aux universités de Lille 3 et d’Aix-Marseille. Il est notamment l’auteur de plusieurs articles dont « Gouverner le front : des politiques d’exception ? Les cas des commissaires politiques “extraordinaires” aux armées dans les révolutions française et russe », Michel Biard et Jean-Numa Ducange (dir.), L’exception politique en révolution. Pensées et pratiques (1789-1917), Rouen, 7-8 novembre 2017, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2019, p. 187-209 ; « Les traductions des textes techniques destinés aux officiers des armes savantes (France-Italie/Italie-France, 1750-1840) », Pratiques et enjeux scientifiques, intellectuels et politiques de la traduction (1660-1840), ANR Euroscientia, Paris 3-5 décembre 2012, La Révolution française, 13/2018, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/1940 ; et « Le armi dotte e la Rivoluzione francese : riformismo, elitismo, meritocrazia », Società e Storia, 135, 2012, p. 41-63.
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