Les finances publiques, une mise en perspective de la réaction de l’État face au terrorisme
p. 231-252
Texte intégral
1L’analyse du terrorisme sous l’angle financier paraît devoir se limiter à l’évaluation du coût des actes terroristes. Depuis le début des années 2000, l’impact du terrorisme sur l’économie mobilise l’essentiel des recherches de science économique consacrées au phénomène terroriste1. La tendance est particulièrement visible dans le monde anglo-saxon2, mais aussi en France, où l’intérêt pour ce sujet est un peu plus récent3. La plupart de ces écrits traitent aussi du coût budgétaire de la menace terroriste – c’est-à-dire de son incidence sur les masses budgétaires –, considéré comme l’un des aspects du coût économique4. L’évaluation du coût budgétaire est également au cœur des grands rapports consacrés aux conséquences économiques du terrorisme5, et constitue l’un des principaux angles de vue des articles de presse6.
2Tout en informant sur certaines répercussions du terrorisme, cette approche apparaît réductrice. Elle véhicule en outre l’idée selon laquelle le terrorisme produirait mécaniquement des effets sur les budgets des États, comme l’exprime la formule : « Les attaques terroristes […] accentuent les tensions budgétaires7. » Or, si les actes terroristes peuvent engendrer directement une baisse de l’activité économique susceptible de retentir sur les ressources de l’État, les tensions budgétaires procèdent en réalité, essentiellement, de décisions discrétionnaires du pouvoir politique.
3Face au terrorisme, les réactions de l’État sont nombreuses8. La menace terroriste peut être regardée comme un péril imminent, réclamant des mesures immédiates et, le cas échéant, une réécriture du budget de l’État en urgence, selon une logique proche de celle qui justifie par ailleurs le recours aux régimes d’exception. D’autres réactions de l’État s’inscrivent dans des perspectives plus longues, face au terrorisme perçu comme une menace durable, voire l’expression d’une situation de guerre. Cette stratégie de lutte contre le terrorisme peut se borner à la mise en place de mesures pénales spécialement adaptées9. Elle peut également amener à consacrer de nouveaux moyens budgétaires à des politiques publiques progressivement reconfigurées afin de prendre en compte les multiples expressions de la menace terroriste.
4L’approche du terrorisme à partir des finances publiques permet de faire la part de ces réactions de l’État, en dépassant le seul enjeu des coûts. Mettant en rapport menace terroriste, décision du pouvoir politique et budget, elle conduit à mesurer l’incidence du droit budgétaire sur la réaction de l’État face au terrorisme, mais aussi à identifier les effets de la lutte contre le terrorisme sur le budget et les politiques publiques qui le structurent. Cette analyse révèle, d’une part, que le droit budgétaire permet une réaction adaptée de l’État face au risque terroriste (I) et, d’autre part, que la menace terroriste exerce une emprise croissante sur le budget de l’État (II).
I) Des règles budgétaires permettant une réaction adaptée de l’État face à la menace terroriste
5Le droit budgétaire comporte des règles de forme et de fond qui déterminent en grande partie l’aptitude de l’État à réagir face au risque terroriste. Elles offrent actuellement les conditions d’une réaction adaptée. Plusieurs procédures permettent effectivement une modification du budget en fonction de la menace terroriste (A). Quant aux marges de manœuvre budgétaires de l’État, elles ne sont pas restreintes par les normes applicables au point de compromettre la lutte contre le terrorisme (B).
A) Des procédures permettant la modification du budget de l’État en fonction de la menace terroriste
6Chaque année, la loi de finances initiale permet de tirer les conclusions budgétaires pour l’année à venir des nouveaux choix effectués en matière de lutte contre le terrorisme10. Face à des circonstances imprévues, il peut cependant apparaître indispensable d’adapter le budget de l’État sans attendre cette échéance annuelle. Le droit budgétaire, conciliant la réactivité de l’État et la règle de l’autorisation préalable des dépenses publiques par le Parlement, permet une révision du budget en cours d’année en fonction de la menace terroriste. Les possibilités de modifications sont d’intensité progressive. Plusieurs procédures permettent une correction du budget de l’État sans bouleversement de son économie générale (1), tandis que d’autres autorisent à revenir sur l’équilibre même du budget (2).
1) La modification du budget sans bouleversement de son économie générale
7Plusieurs procédés permettent une adaptation du budget de l’État en cours d’année sans bouleversement de son équilibre. Tous ne sont pas adaptés aux besoins d’une réaction rapide de l’État face au terrorisme. Ainsi les décrets de transfert, qui modifient la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts sans changer l’objet de la dépense, présentent surtout un intérêt en termes d’« optimisation de la gestion publique11 ».
8D’autres techniques sont plus adaptées. Il est d’abord envisageable d’ouvrir des crédits supplémentaires à hauteur des recettes de fonds de concours. À la suite des événements du 11 septembre 2001, de telles ouvertures avaient été décidées afin de permettre l’achat, le stockage et la livraison de traitements pour les pathologies résultant d’actes bioterroristes12. Toutefois, ces possibilités sont à présent plus limitées, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF)13 ayant procédé à une rationalisation de l’usage des fonds de concours14, et ce procédé n’a plus été mobilisé en réaction à la menace terroriste.
9Les décrets de virement constituent une autre modalité de révision du budget adaptée à l’urgence, quoique non réservée à ce type de situation. Ils permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère – autrefois entre chapitres au sein d’un même titre d’un même ministère –, afin de les employer pour financer d’autres actions que celles auxquelles les destinait la loi de finances de l’année15. Immédiatement après le 11 septembre 2001, pour faire face aux besoins les plus urgents concernant le financement du plan gouvernemental Biotox de lutte contre le bioterrorisme, un décret de virement avait ainsi permis l’annulation de crédits sur le chapitre Couverture maladie universelle et aide médicale du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, et l’ouverture de crédits sur deux autres chapitres, pour la mise à niveau organisationnelle des centres antipoison et des centres nationaux de référence16. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, les décrets de virement ont cependant perdu de leur intérêt du fait du recul de la spécialité des crédits17 et n’ont plus été utilisés dans un contexte de réaction à la menace terroriste. Néanmoins, en présence d’une situation nouvelle, ils demeurent, selon la Cour des comptes, l’une des premières modalités d’adaptation des crédits pour le gouvernement18.
10Le mécanisme institué par les articles 7 et 11 de la LOLF est également regardé par la Cour des comptes comme une voie à emprunter en priorité face à une situation d’urgence19. Ces dispositions prévoient la mise en place d’une dotation spéciale contenant des crédits « pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles20 ». Elle « vise à permettre le financement en cours de gestion de dépenses urgentes comme, par exemple, des catastrophes naturelles en France ou touchant directement des intérêts français21 ». Les crédits qu’elle rassemble sont « en tant que de besoin […] répartis par programme, par décret pris sur le rapport du ministre des Finances22 ». Ledit décret est préparé sur instruction directe du cabinet du Premier ministre, sur la demande des ministères concernés, et la mise à disposition effective des crédits intervient en moins de vingt-quatre heures23.
11Ce mécanisme a été mis en œuvre en lien avec la réaction de l’État à la menace terroriste au début des années 2000. Après le 11 septembre 2001, afin de « faire face aux besoins les plus urgents » concernant le financement du projet Biotox de lutte contre le bioterrorisme, un décret24 avait « abondé les crédits du programme civil de défense inscrits au chapitre 57-93 de près de 7 M€25 ». Depuis lors, ce procédé n’a plus été sollicité afin de permettre une réaction au terrorisme. La pratique montre, en effet, que les crédits pour dépenses accidentelles ou imprévisibles « ne sont plus utilisés principalement pour couvrir les risques […] auxquels ils étaient destinés selon les travaux préparatoires de la LOLF26 ». Ils servent en réalité à « traiter des questions budgétaires de faible montant pour lesquelles [leur] souplesse […] est jugée plus pratique (attribution rapide des fonds spéciaux, achat d’immeubles en crédit-bail)27 ».
12Enfin, la technique des décrets d’avance permet l’ouverture de crédits supplémentaires pendant l’année « en cas d’urgence28 ». Compte tenu de l’atteinte qu’ils portent à l’autorisation budgétaire, les décrets d’avance sont soumis à un « ordre budgétaire légal [renforcé]29 ». Selon l’article 13 de la LOLF, leur ratification doit être demandée au Parlement lors du vote de la plus prochaine loi de finances. Il leur est interdit d’« affecter l’équilibre budgétaire » défini par la loi de finances, si bien que les ouvertures de crédits auxquels ils procèdent doivent être gagées par l’annulation d’autres crédits ou par le constat d’un montant de recettes plus élevé que prévu.
13Les décrets d’avance sont adaptés aux situations imposant une certaine réactivité de l’action publique. Ils permettent, en effet, dans les cas les plus rapides, une mise à disposition effective des crédits supplémentaires en deux semaines seulement. En 2015, dans le cadre de la lutte antiterroriste, deux décrets d’avance sont ainsi intervenus afin de faire face à des besoins nouveaux30. Les décrets de virement constituent toutefois un procédé susceptible d’être utilisé en dernière analyse seulement. Ils ne peuvent intervenir, suivant la Cour des comptes, que lorsque « le montant du besoin supplémentaire excède les facultés » offertes à l’administration par les virements ou transferts de crédits, ou par la dotation de dépenses accidentelles ou imprévisibles, et qu’il ne peut être satisfait dans des délais « compatibles avec la préparation, le vote et la promulgation d’une loi de finances rectificative31 ».
2) La révision du budget entraînant un bouleversement de son équilibre
14D’autres procédés offrent à l’État la faculté de modifier le budget sans être tenu au respect de son équilibre économique et financier. Il s’agit, d’abord, des lois de finances rectificatives. En dépit de la relative lenteur du procédé, leur intérêt dans la lutte contre le terrorisme est réel. Les lois de finances rectificatives permettent de modifier les crédits. Elles permettent également de revoir les plafonds d’autorisation des emplois spécialisés par ministère associés aux autorisations de dépenses de personnel32, c’est-à-dire de réorienter la politique de gestion des emplois compte tenu des nécessités de la réaction au terrorisme. Elles offrent, en outre, la possibilité d’agir sur les ressources budgétaires, non fiscales et fiscales33. Dans l’optique de la réaction de l’État au terrorisme, une loi de finances rectificative peut, par exemple, augmenter certains prélèvements obligatoires afin de couvrir une création nette de dépenses. Elle peut instituer ou modifier des dépenses fiscales jugées indispensables pour faire face à la menace terroriste. La loi de finances rectificative pour 2015 a ainsi prévu des allègements des droits de donation au profit des victimes d’actes terroristes ou de leurs proches pour les dons intervenus à compter du 1er janvier 2015, et étendu le régime d’exonération des droits de succession des victimes du terrorisme34. Une loi de finances rectificative peut également affecter le produit d’un impôt à une autre personne morale que l’État. C’est ainsi que la même loi de finances rectificative a modifié l’affectation de la taxe sur les spectacles de variété afin que cette imposition alimente pendant trois ans le nouveau fonds d’intervention d’urgence en faveur des entreprises de spectacle vivant35. Cette mesure vise à soutenir les salles de spectacle face aux difficultés de fonctionnement consécutives aux attentats et au financement de nouvelles mesures de sécurité et de sûreté des salles.
15Deux autres dispositifs, réservés à des situations d’exception éventuellement provoquées par des actes terroristes, permettent au président de la République de modifier le budget en bouleversant si nécessaire les grandes lignes de son équilibre. Ce sont d’abord les décrets d’avance justifiés par l’urgence et par une « nécessité impérieuse d’intérêt national », prévus à l’article 13, alinéa 4, de la LOLF. Ils permettent l’ouverture de crédits supplémentaires sans compensation par des annulations de crédits, ni par des recettes plus élevées que prévu initialement. Aucun plafond ne leur est imposé, à la différence des décrets d’avance de droit commun. Compte tenu de l’importance de l’atteinte portée ici à l’autorisation budgétaire, la LOLF prévoit que pareils textes doivent être pris en Conseil des ministres. C’est donc au chef de l’État qu’il revient d’apprécier l’existence d’une « nécessité impérieuse d’intérêt national », justifiant la révision de l’équilibre budgétaire défini par le Parlement. La loi organique impose également qu’« un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits [soit] déposé immédiatement ou à l’ouverture de la plus prochaine session du Parlement ». Ces instruments étant réservés à des situations exceptionnelles, seuls trois décrets d’avance de cette catégorie sont intervenus depuis 1959, sans que cette modeste pratique éclaire la notion de « nécessité impérieuse d’intérêt national ». Une menace terroriste imminente de grande ampleur pourrait susciter un tel impératif.
16Les pouvoirs exceptionnels exercés par le président de la République sur le fondement de l’article 16 de la Constitution permettent, eux aussi, une profonde révision du budget voté. Le président, agissant dans le domaine de la loi, peut prendre des mesures affectant aussi bien les crédits que les ressources budgétaires, sans être tenu au respect de l’équilibre défini par la loi de finances. La mise en œuvre de ces pouvoirs suppose néanmoins l’apparition d’une menace grave et immédiate pour les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels étant interrompu. Une telle situation n’aurait que rarement pour origine des actes terroristes. Il importe en outre d’observer qu’en 1961, lors de l’unique application de l’article 16 de la Constitution, le président de la République n’a visiblement pas pris d’acte relevant du domaine de la loi afin de modifier le budget de l’État. Les modifications des crédits qui sont intervenues en cours d’année ont suivi les procédures de droit commun, alors prévues par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959.
17De nombreux instruments, plus ou moins adaptés et de portée variable, permettent donc de réécrire le budget de l’État en cours d’année ou d’une année sur l’autre, afin de faire face aux nécessités de la lutte contre le terrorisme. Compte tenu de ses marges de manœuvre budgétaires, l’État apparaît tout à fait en mesure de tirer profit de ces différentes possibilités si nécessaire.
B) Un pouvoir budgétaire de l’État permettant de faire face aux besoins de la lutte contre le terrorisme
18Le pouvoir budgétaire de l’État est déterminé par des facteurs tels que la dynamique des recettes fiscales ou la possibilité d’emprunter à de bonnes conditions, la rigidité des dépenses publiques ou encore la faculté de bénéficier de l’aide et de l’assistance d’autres États36. Les marges de manœuvre budgétaires de l’État sont également déterminées par la mise en œuvre de règles exerçant des « contraintes sur la politique budgétaire [en limitant] le niveau de certaines variables comme le déficit, la dette ou les dépenses37 ». Si de telles restrictions au pouvoir budgétaire de l’État s’accordent avec la mise en place d’une politique de lutte contre le terrorisme (1), elles sont, en tant que telles, inadaptées aux besoins d’une réaction urgente face à un péril immédiat. Ces règles budgétaires sont toutefois assorties de dérogations visant les situations exceptionnelles (2).
1) Des restrictions au pouvoir budgétaire de l’État s’accordant avec la mise en place d’une politique de lutte contre le terrorisme
19Les exigences de discipline budgétaire, de source européenne ou interne, s’accordent avec la mise en place d’une politique durable de lutte contre le terrorisme. Les traités sur l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne, complétés par le pacte de stabilité et de croissance, de même que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), prévoient que les États poursuivent l’« objectif budgétaire à moyen terme » d’une position proche de l’équilibre ou excédentaire38. La maîtrise des dépenses publiques étant considérée comme la meilleure voie pour assurer le redressement des finances publiques et atteindre ces objectifs d’équilibre, des règles de gouvernance budgétaire complémentaires ont été adoptées en France comme dans de nombreux pays39. Ces règles, énoncées par les lois de programmation des finances publiques, sont « faiblement contraignantes », mais le gouvernement s’astreint à les respecter. Or elles apportent d’importantes restrictions au pouvoir budgétaire de l’État. Outre les « normes de dépenses », il convient de souligner l’importance du principe d’auto-assurance40, qui vise à imposer un strict respect des plafonds de crédits alloués aux différentes missions du budget général de l’État41. Ces plafonds ne doivent être révisés ni en cours d’année ni « dans le cadre [du projet] de loi de finances » de l’année42. En d’autres termes, « en construction budgétaire comme en gestion, ce principe implique que les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d’une mission soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits, soit par redéploiement […], soit par la réalisation d’économies43 ». La loi de programmation en vigueur ajoute que « ces redéploiements ou économies doivent être mis en œuvre prioritairement au sein du programme qui supporte les aléas ou les priorités nouvelles. À défaut, ils doivent être réalisés entre les programmes de la même mission ou, le cas échéant, sur l’ensemble des missions et programmes relevant d’un même ministre44 ».
20Ces différentes contraintes, en dépit d’un niveau d’exigences élevé, préservent suffisamment le pouvoir budgétaire de l’État pour lui permettre de mener une politique de lutte contre le terrorisme. Les règles européennes reviennent seulement à interdire que des besoins nouveaux soient financés par une augmentation nette de la dépense publique, c’est-à-dire un creusement du déficit et un recours à l’emprunt. Les États conservent donc de véritables marges de manœuvre budgétaires. Une hausse nette des dépenses des administrations publiques centrales (État et organismes divers d’administration centrale), afin de faire face à la menace terroriste, peut être compensée par un effort des autres sous-secteurs des administrations publiques, permettant de préserver le niveau du solde public d’ensemble. Les exigences européennes laissent aussi la possibilité de couvrir de nouvelles dépenses par la hausse des prélèvements obligatoires. Enfin, des marges de manœuvre peuvent être obtenues par le redéploiement des moyens, c’est-à-dire en arbitrant la répartition des crédits au sein d’un périmètre ministériel, entre ministères ou entre politiques publiques.
21La règle d’auto-assurance permet, elle aussi, de ménager les exigences d’équilibre des comptes publics et les besoins liés à la lutte contre le terrorisme. Pour faire face à de nouvelles priorités gouvernementales, il est en principe exclu d’augmenter les moyens d’une mission. Toutefois, la hausse des crédits d’une mission peut être compensée par la réduction des crédits d’autres missions ou programmes relevant du même ministre. En d’autres termes, si les marges de manœuvre budgétaires de l’État sont restreintes, cette limitation n’empêche pas de réaliser de nouveaux arbitrages au profit de la politique de lutte contre le terrorisme.
22Les règles budgétaires ne restreignent donc pas le pouvoir de l’État au point de l’empêcher de développer une politique de lutte contre le terrorisme. Elles apparaissent, en revanche, trop restrictives pour lui permettre de faire face à un danger immédiat. Il existe toutefois des dérogations aux principes mentionnés qui permettent de garantir à l’État des marges de manœuvre budgétaires suffisantes en pareilles circonstances.
2) Des marges de manœuvre plus étendues face à un péril terroriste immédiat
23L’urgence suscitée par un danger terroriste imminent peut imposer de prendre des décisions incompatibles avec le redressement des comptes publics. Cette nécessité est reconnue par les traités européens comme par les lois de programmation des finances publiques. Ces textes prévoient, en effet, qu’en cas de circonstances exceptionnelles les restrictions qu’ils énoncent sont écartées.
24La Commission européenne a ainsi rappelé que « la souplesse autorisée par le pacte de stabilité et de croissance permet de tenir compte des dépenses supplémentaires liées, pour une année donnée, à des circonstances inhabituelles indépendantes de la volonté de l’État, aussi bien dans le cadre du volet préventif que dans celui du volet correctif45 ». Elle s’est dite « disposée à appliquer les dispositions » relatives à la prise en compte des circonstances exceptionnelles à propos des « coûts supplémentaires nets imposés par la crise des réfugiés », expliquant que, dans le cas où un écart serait constaté entre la situation d’un État et son objectif à moyen terme, la procédure définie dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance « ne passerait pas à l’étape suivante », si cet écart découlait « uniquement et directement de dépenses liées à la crise des réfugiés46 ». La Commission européenne a indiqué que cela « [vaudrait] également pour l’ouverture d’une procédure de déficit excessif47 ». Cette analyse paraît s’étendre au cas de la menace terroriste. La Commission européenne a précisé, à l’occasion d’une réponse à une question parlementaire : « Le pacte de stabilité et de croissance [contenait] des dispositions permettant de prendre en compte des circonstances exceptionnelles comme les actes terroristes48. » À la suite des attentats commis au mois de novembre 2015, le président de la Commission européenne a d’ailleurs estimé que « les dépenses de sécurité de la France devraient être exclues des calculs entrant dans le champ des règles de l’Union européenne sur les déficits49 ». En d’autres termes, « la Commission européenne [n’a pas demandé] de compenser par d’autres économies les dépenses entraînées par la situation sécuritaire50 ». Cette tolérance au regard de la discipline budgétaire, compte tenu des circonstances, n’a toutefois pas trouvé matière à s’appliquer, dans la mesure où les engagements supplémentaires inscrits dans le budget de l’État pour 2016 en raison du péril terroriste n’ont pas entraîné de dégradation de la trajectoire des finances publiques.
25Le TSCG prévoit, pour sa part, qu’en cas de circonstances exceptionnelles les États qui ont atteint leur objectif à moyen terme peuvent s’en écarter temporairement, les autres étant autorisés à s’éloigner provisoirement de leur trajectoire d’ajustement51. De tels écarts sont conditionnés par l’existence de « faits inhabituels, indépendants de la volonté de [l’État] et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques52 ». Cet assouplissement de la contrainte budgétaire est décliné dans la procédure de contrôle confiée, en France, au Haut Conseil des finances publiques53. À ce jour, il n’a cependant pas eu à faire application des dispositions concernées en cas de réaction de l’État au terrorisme.
26La discipline budgétaire européenne permet donc aux États confrontés à des circonstances exceptionnelles, telles qu’un danger terroriste immédiat, de prendre des mesures se traduisant par une hausse nette des dépenses. Il ne s’agit pas pour autant de permettre une fragilisation de la situation des finances publiques au-delà des besoins d’une réaction à une situation d’exception. Des limites viennent ainsi modérer ces possibilités. Le TSCG précise que « l’écart temporaire de la partie contractante concernée ne [doit pas mettre] en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme54 ». Concernant le pacte de stabilité et de croissance et son volet correctif, il est précisé qu’un écart par rapport à la trajectoire est admis « à condition que le déficit des administrations publiques reste proche de 3 % du PIB en cas de dépassement de ce seuil55 ».
27S’agissant du principe d’auto-assurance, il convient d’abord de souligner que le « gel » systématique d’une partie des crédits ouverts en loi de finances56 procure au gouvernement des marges de manœuvre lui permettant de faire face à des aléas importants en cours d’année sans manquer aux règles de gouvernance budgétaires. Un « dégel » de crédits57 au sein d’une mission augmente en effet les crédits disponibles, mais ne rehausse pas le niveau des crédits alloués à cette mission. De même, lorsque l’ouverture de crédits supplémentaires en cours d’année est gagée par l’annulation de crédits non disponibles car « gelés », elle s’apparente pratiquement à une création nette de dépense, alors même que le niveau des crédits ouverts en loi de finances n’a pas augmenté. Ces instruments ont montré leur intérêt dans le cadre de la réaction de l’État aux actes terroristes commis en 2015. Une « levée de réserve [c’est-à-dire un dégel de crédits] de 80 M€ sur la mission Sécurités58 » a ainsi permis de financer en partie le plan gouvernemental annoncé après les attentats de janvier 201559. Quant au décret d’avance du 27 novembre 201560, il a gagé certaines ouvertures de crédits par l’annulation de crédits mis en réserve.
28Ces marges de manœuvre, aménagées de façon anticipée, ne peuvent cependant suffire à couvrir toutes les situations imprévues de péril imminent. L’apparition de circonstances exceptionnelles constitue toutefois une limite à l’application du principe d’auto-assurance. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 affirme ainsi que « la mise en œuvre du principe d’auto-assurance [réserve] aux seules situations exceptionnelles les ajustements susceptibles d’affecter en cours d’année les plafonds définis par mission ou leur révision dans le cadre des projets de loi de finances ». En d’autres termes, dans de telles circonstances, les plafonds de crédits des missions peuvent être dépassés, ce qui revient à autoriser des hausses nettes de dépenses.
29L’État a fait usage de cette possibilité de déroger à l’auto-assurance en 2015, à la suite des attentats commis en France et de la montée des tensions dans plusieurs pays. Cette menace immédiate a été analysée comme une situation exceptionnelle, justifiant l’extension du pouvoir budgétaire de l’État. Le gouvernement a jugé nécessaire « que soient renforcés en urgence les moyens de lutte contre le terrorisme » et que les mesures prévues pour 2015 soient « mises en œuvre sans délai61 ». Des ouvertures de crédits ont alors été opérées par décret d’avance du 9 avril 201562 sur la mission Justice (108 M€ en AE et CP) et sur la mission Sécurités (203 M€ en AE et 110 M€ en CP), mais elles n’ont été gagées par aucune annulation de crédits sur la mission Sécurités et par une annulation de 1,55 M€ seulement sur la mission Justice. Les hausses n’ont pas été compensées par des réductions des crédits d’autres missions ou programmes relevant du même ministre. Des annulations servant à compenser ces ouvertures de crédits ont, en effet, principalement porté sur les missions Recherche et enseignement supérieur (86,6 M€ en AE et CP) et Écologie, développement et mobilité durables (24,76 M€ en AE et CP)63. En d’autres termes, les exigences procédant normalement du principe d’auto-assurance ont été écartées compte tenu de circonstances exceptionnelles liées au danger terroriste. Dans le même sens, un autre décret d’avance du 27 novembre 2015 a permis d’ouvrir des crédits supplémentaires liés au renforcement en urgence de l’opération de sécurité Sentinelle à la suite des attentats de novembre. Or ces nouvelles dépenses ont été compensées par certaines annulations de crédits sur la même mission (Défense), mais aussi par la « solidarité ministérielle », c’est-à-dire par l’annulation de crédits de missions relevant d’autres ministres que celui de la Défense64.
30L’application normale du principe d’auto-assurance a également été écartée lors du vote de la loi de finances pour 2016, en raison d’un contexte marqué par un péril terroriste immédiat. Le président de la République a explicitement annoncé devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre que les moyens supplémentaires liés à la lutte contre le terrorisme « se traduiraient nécessairement […] par un surcroît de dépenses65 », c’est-à-dire « ni par des économies sur les autres administrations, ni par des prélèvements supplémentaires66 ». Les évolutions du budget de l’État entre 2015 et 2016 ne se sont donc pas tenues aux exigences d’auto-assurance. Un montant de 800 M€ a été « ajouté sur les budgets de la police, de la gendarmerie, de la justice, de la défense et des douanes », afin de permettre la création de postes supplémentaires et le « renforcement des moyens de fonctionnement alloués à la lutte contre le terrorisme67 ». Le montant des crédits a donc nettement dépassé les plafonds inscrits dans la loi de programmation68. L’impact de ces mesures sur le solde budgétaire est néanmoins resté limité69.
31En définitive, les règles budgétaires de forme et de fond permettent à l’État de réagir rapidement et de façon proportionnée à un péril terroriste imminent, mais aussi de construire une politique plus durable visant à combattre le terrorisme. Le financier demeure, à juste titre, l’accessoire du politique.
II) Une emprise croissante de la menace terroriste sur le budget de l’État
32L’usage de ces possibilités se traduit par une emprise croissante de la menace terroriste sur le budget de l’État. D’une part, les techniques permettant d’adapter le budget en cours d’année sont, de plus en plus souvent, mobilisées en raison de la lutte contre le terrorisme. Autrement dit, la menace terroriste justifie plus fréquemment une réécriture du budget (A). D’autre part, la lutte contre le terrorisme prend une place de plus en plus importante parmi les politiques publiques qui structurent le budget de l’État (B).
A) Une réécriture plus fréquente du budget en cours d’année justifiée par le risque terroriste
33Un bilan des trente dernières années montre que, face à l’existence d’une menace terroriste, l’État français n’a pas toujours jugé nécessaire de corriger immédiatement son budget. C’est seulement depuis le début des années 2000 qu’il fait appel régulièrement aux mécanismes de révision du budget en cours d’année pour financer des mesures prises face à un danger immédiat ou la politique de lutte contre le terrorisme.
34La vague d’actes terroristes commis à Paris et en France en 1985 et 1986 n’avait pas entraîné de modification du budget par voie réglementaire. Aucun décret d’avance, ni aucun virement de crédits ou décret sur crédits pour dépenses accidentelles n’avaient été pris en lien avec la réaction au terrorisme. De même, ni la loi de finances rectificative du 30 décembre 1985 ni les deux lois de finances rectificatives pour 1986 n’avaient corrigé la loi de finances initiale afin de tirer les conclusions de décisions intervenues en réaction au terrorisme. Tout au plus trouve-t-on la trace d’une proposition d’amendement au second projet de loi de finances rectificative pour 1986 – finalement rejetée –, visant à étendre l’application du régime de réparation des dommages corporels résultant d’actes terroristes aux victimes de faits postérieurs au 31 décembre 1984.
35À nouveau, s’agissant des attentats commis en France en 1995 et 1996, il n’est relevé aucun décret d’avance, ni virement de crédits ou décret pour dépenses accidentelles, justifié par le danger terroriste. Seule la loi de finances rectificative du 30 décembre 1995 contenait des ouvertures de crédits supplémentaires au profit du ministère de la Défense, mais pour un montant limité à 3,2 M€, lié à la participation des forces militaires au plan Vigipirate activé le 6 octobre 1995.
36Un changement marquant est intervenu à la suite des attentats du 11 septembre 2001 commis aux États-Unis. Si aucun décret d’avance n’a été pris du fait de ces événements70, plusieurs autres textes sont venus actualiser en cours d’année le budget pour 2001, compte tenu de la menace terroriste. Le plan interministériel Biotox contre le risque biologique, créé en 1999, a été réactivé à l’automne 2001. À cette fin, un décret de virement et un décret sur crédits pour dépenses accidentelles ont été pris le 31 octobre 200171. La loi de finances rectificative du 28 décembre 2001 a, pour sa part, augmenté les crédits de paiement sur les budgets du ministère de l’Intérieur, de la Santé et du Secrétariat général de la défense nationale (le SGDN, devenu SGDSN, voir infra), ouvertures en partie compensées par des annulations de crédits72. S’agissant du budget du ministère de la Défense, au titre du renforcement de la lutte contre le terrorisme, la loi de finances rectificative a ouvert des autorisations de programmes d’un montant de 457 M€. Au total, les ouvertures de crédits – crédits de paiement et autorisations de programmes – consécutives aux événements du 11 septembre 2001, inscrites dans le collectif budgétaire, ont atteint près de 550 M€, ces nouvelles dépenses étant compensées en partie seulement.
37Par la suite, si les crimes terroristes commis en 2012 à Toulouse et Montauban n’ont pas conduit l’État à prendre des mesures nécessitant de réviser son budget, des modifications budgétaires sont intervenues à la suite des attentats commis en 2015. Après les attaques menées en janvier à Paris, et compte tenu de l’augmentation des risques pesant sur la France, le décret d’avance du 9 avril 2015 a procédé à des ouvertures de crédits supplémentaires d’environ 300 M€, en lien avec la menace terroriste, au profit des missions Justice et Sécurités. Un second décret d’avance, intervenu peu après les attentats du 13 novembre 2015, a permis d’ouvrir des crédits supplémentaires afin de faire face au surcoût de 171 M€ de l’opération de sécurité Sentinelle en 201573. Par la suite, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 a procédé à des « ouvertures de crédits hors décrets d’avance qui s’expliquent par des annonces visant à renforcer la sécurité du territoire national et à intervenir dans certaines zones de conflit au travers de la mise en œuvre d’un plan de lutte contre le terrorisme annoncé le 14 janvier 201574 ». Elle a également créé un fonds d’urgence pour le soutien au spectacle vivant, au financement duquel l’État prend part75.
38En définitive, le budget est de plus en plus souvent réécrit en raison de la réaction de l’État au terrorisme. Les causes de cette plus forte variabilité du budget de l’État sous l’effet de la menace terroriste sont difficiles à identifier. Cette évolution s’explique certainement par les nécessités de l’action face à une menace terroriste en mutation et de plus forte intensité. Elle tient peut-être aussi au fait que cette menace est ressentie plus fortement et autrement investie politiquement.
B) Une diffusion plus étendue des enjeux de lutte contre le terrorisme au sein du budget de l’État
39La seconde manifestation de l’emprise croissante de la menace terroriste sur le budget de l’État réside dans la diffusion de plus en plus étendue des enjeux de lutte contre le terrorisme au sein du budget. Il convient de rappeler que le budget de l’État est, depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, un budget de résultats76, structuré par les politiques publiques77. En conséquence, le projet de loi de finances est accompagné chaque année de projets annuels de performances (PAP), détaillant les objectifs que se propose d’atteindre le gouvernement à partir des moyens qu’il sollicite pour chacune de ces politiques78. Or, ces documents font apparaître une diffusion de plus en plus large de l’objectif de lutte contre le terrorisme dans les politiques publiques, déclinées en missions et programmes qui structurent le budget de l’État.
40Dans le projet de loi de finances pour 2006 – le premier à être obligatoirement présenté selon les exigences de la loi organique de 2001 –, la lutte contre le terrorisme apparaissait dans les projets annuels de performances de 14 programmes sur les 126 programmes du budget général, soit 11 % d’entre eux. Dans le projet de loi de finances pour 2016, des développements liés à cette question se retrouvent dans les projets annuels de performances de 27 programmes sur 122, c’est-à-dire 22 %.
41De même, alors qu’en 2006 les programmes concernés relevaient de 7 missions du budget général sur 34 – soit 20,6 % d’entre elles – et du périmètre de cinq ministères, dans le projet de loi de finances pour 2016, des développements liés à la lutte contre le terrorisme apparaissent dans les projets annuels de performances de programmes relevant de 12 des 31 missions du budget général – soit 38,7 % – et du périmètre de sept ministères79, ainsi que, pour deux d’entre eux, des services du Premier ministre.
42Certaines missions du nouveau budget présenté par politiques publiques ont été impliquées dans la réaction de l’État au terrorisme dès 2006. Il s’agit d’abord, évidemment, des missions Sécurité, Justice, Défense et Action extérieure de l’État, ainsi que de la mission Anciens Combattants.
43Deux autres missions contribuaient également, quoique plus marginalement, à la politique de lutte contre le terrorisme dès 2006. D’une part, la mission Recherche et Enseignement supérieur assurait le financement d’actions de recherche liées au risque terroriste par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire80 et le Commissariat à l’énergie atomique81. Toutefois, cette participation était limitée dans son objet et dans le volume des crédits mobilisés. Elle a peu progressé depuis.
44La mission Administration générale et territoriale de l’État, d’autre part, entretenait peu de liens en 2006 avec la lutte contre le terrorisme. Tout au plus comprenait-elle des crédits destinés à la constitution d’un pôle Renseignement réunissant sur un même site les services concourant à l’activité de renseignement de la Police nationale, justifiée par la recherche d’économies budgétaires autant que par l’objectif de « renforcer l’efficacité des politiques de lutte contre le terrorisme en favorisant la mutualisation des informations et des analyses et, par là même, la position de la France vis-à-vis de ses partenaires82 ». Par la suite, et jusqu’en 2015, la question du terrorisme est restée à peu près absente de cette mission. Mais, à partir de 2016, l’objectif de lutte contre le terrorisme est devenu beaucoup plus pressant au sein de cette mission budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2016 a ainsi explicitement précisé que le plan de lutte antiterroriste arrêté en 2015 aurait un « effet structurant sur l’ensemble de la mission83 ». La part de la lutte contre le terrorisme dans les moyens et objectifs de la mission a été encore accrue en 2017, avec des accroissements d’effectifs des préfectures justifiés par le contexte des attaques terroristes, « ciblés sur les missions de lutte contre la fraude documentaire, de gestion des armes, de prévention de la radicalisation », mais aussi d’« éloignement des étrangers en situation irrégulière84 », domaine a priori assez éloigné de la question terroriste.
45D’autres missions ont été mises à contribution dans la lutte contre le terrorisme au début des années 2010 seulement. En ce qui concerne la mission Direction de l’action du gouvernement, des liens sont apparus essentiellement après 201385 et restent assez limités. Ainsi, depuis 2014, le projet de loi de finances précise que les crédits de fonctionnement du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (le SGDSN, ex-SGDN) permettent de couvrir le financement d’activités interministérielles dans ces domaines, dont le Secrétariat général assure la coordination, et notamment l’élaboration et la diffusion de plans gouvernementaux contre le terrorisme ou la réalisation d’exercices nationaux de simulation de gestion de crise. Le projet de loi de finances détaille également, chaque année, les moyens et objectifs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la loi du 13 novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme l’ayant chargée de contrôler la régularité des demandes de blocage des contenus des sites Internet se livrant à l’apologie des actes de terrorisme. Enfin, le projet de loi de finances pour 2016 a précisé qu’une dotation de 1 M€ serait destinée à contribuer au cofinancement public de projets innovants de recherche appliquée, notamment dans le domaine de la protection contre le terrorisme.
46Plusieurs autres missions, à première vue moins proches des enjeux de sécurité, ont été elles aussi rattachées à la politique de lutte contre le terrorisme au cours des dernières années. L’emprise est plus ou moins marquée. Après les attentats du 11 septembre 2001, « l’idée que l’aide au développement puisse contribuer à lutter contre le terrorisme s’est répandue. Si le lien entre aide au développement et lutte contre le terrorisme n’a pas été prouvé, cela n’a pas empêché certains États d’agir dans cette optique86 ». La mission Aide publique au développement ne s’est pas inscrite dans cette perspective. Ses rapports avec la lutte contre le terrorisme résultent uniquement de la décision prise par l’État français en 2008 de participer à un fonds fiduciaire créé par le Fonds monétaire international (FMI) et consacré à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les crédits correspondants, d’un montant limité – 100000 € puis 150000 € par an –, permettent de financer les évaluations des dispositifs nationaux menées par le FMI, ainsi que les missions d’assistance technique apportée aux pays en développement ayant des difficultés à se conformer aux standards internationaux dans ce domaine87.
47De même, la mission Relations avec les collectivités territoriales contribue secondairement à la lutte contre le terrorisme. Seul le Fonds interministériel de prévention de la délinquance est concerné. Créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il a pour objet de financer la « réalisation d’actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance définis à l’article L. 2215-2 du Code général des collectivités territoriales et dans le cadre de la contractualisation mise en œuvre entre l’État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville. En 2015, dans le cadre du renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme, le gouvernement a décidé d’augmenter les moyens du fonds de 60 M€ sur trois ans, notamment en vue du renforcement des actions de prévention de la radicalisation.
48La mobilisation en vue de la lutte contre le terrorisme est plus marquée s’agissant de deux autres missions. Les documents budgétaires font d’abord apparaître un renforcement de la sécurité sanitaire en réaction à la menace terroriste. Des moyens consacrés à la coordination et l’animation du réseau Biotox – programme mis en place en 2001 – ont été intégrés à la mission Santé. Par la suite, à compter de 2009, le projet annuel de performances de la mission prend soin de préciser que l’une des fonctions importantes de la Direction générale de la santé est la réponse aux alertes et aux situations sanitaires exceptionnelles, et, notamment, à l’élaboration des plans de prévention et de lutte contre les menaces sanitaires d’origine terroriste. C’est dire qu’une partie des moyens de la mission Santé est consacrée à la lutte contre le terrorisme.
49La mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines montre elle aussi l’essor de la lutte contre le terrorisme. Depuis 2008, elle contribue à cet objectif par plusieurs de ses actions. D’une part, le service Tracfin88, impliqué dans la lutte contre le financement du terrorisme depuis 200689, est rattaché au programme Conduite et pilotage des politiques économique et financière au sein de cette mission. D’autre part, le projet de loi de finances montre l’orientation des missions de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) vers la lutte contre le terrorisme. Depuis 2008, la DGDDI est associée au dispositif de sûreté que le développement du terrorisme a conduit à renforcer. Elle est, depuis 2014, chargée d’assurer le portage administratif et financier des investissements nécessaires à la mise en place du Passenger Name Record, plateforme interministérielle d’exploitation des données des passagers aériens. Le projet de loi de finances pour 2017 recense encore d’autres contributions des douanes à la lutte contre le terrorisme90. Quant au projet de budget pour 2016, il a explicitement souligné l’emprise des objectifs de sécurité sur les missions des services des douanes : « Confrontée aux enjeux du terrorisme, de la criminalité organisée transnationale, de la fraude, des menaces et des risques multiples, la DGDDI a pour mission d’assurer la protection du territoire et des citoyens91. »
50Les domaines d’action de l’État impliqués dans la lutte antiterroriste deviennent ainsi plus nombreux. Le phénomène tend à gagner les politiques publiques les plus éloignées des enjeux de sécurité. Le chef du gouvernement a par exemple déclaré au mois de juin 2016 que, dans ce « moment de menace terroriste [et] d’inquiétudes […], nous avons besoin plus que jamais de la culture », annonçant en conséquence la fin des coupes budgétaires et la « [remise] à la hausse » des crédits du ministère de la Culture92. De tels engagements rappellent l’initiative du gouvernement italien, décidant que, en réaction à la menace terroriste, 2 Md€ de dépenses supplémentaires seraient partagés à part égale entre culture et sécurité, l’idée étant que, « pour chaque euro supplémentaire investi dans la sécurité, un euro de plus [serait] investi dans la culture93 ».
51La démarche peut sans doute se recommander de nombreux arguments, notamment de la volonté d’appréhender le terrorisme dans toutes ses dimensions. Dès lors que ses auteurs recherchent, en plus de la destruction de vies humaines, un « dérèglement politique et social », une « corrosion du support étatique » et une remise en cause des « structures mêmes […] de la société94 », l’accès à la culture peut apparaître comme une réponse adaptée, source de cohésion sociale. Elle participe cependant d’un mouvement global qui voit les enjeux de sécurité exercer leur ascendant sur un nombre croissant de politiques publiques, sans que le bien-fondé et les limites de cette tendance semblent véritablement questionnés au sein de l’État.
52Il faut souligner que la stratégie de lutte contre le terrorisme n’est pas débattue globalement lors du vote du budget. Elle ne s’identifie ni à une mission ni à un programme budgétaire, et n’est donc pas isolée dans la loi de finances. En outre, aucun des documents de politique transversale annexés au projet de loi de finances n’est consacré à cette « macropolitique publique ». Ils ont pourtant précisément pour vocation d’apporter au Parlement une vision d’ensemble concernant des « politiques publiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes n’appartenant pas à une même mission95 ». La liste des documents de politique transversale à communiquer au Parlement, fixée par la loi de finances rectificative pour 200596, et qui n’a cessé d’être étendue depuis, gagnerait à être complétée par un nouveau fascicule portant sur la stratégie de lutte contre la menace terroriste et livrant une présentation consolidée de la politique de sécurité face au terrorisme.
53Une mise en lumière devrait aussi porter sur l’influence de la lutte contre le terrorisme dans les processus qui structurent la préparation du budget de l’État, tant la construction de l’action publique contribue elle aussi à la production de l’ordre politique. Compte tenu de la diffusion des enjeux de lutte contre le terrorisme, il importerait par exemple de déterminer si, comme aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001, « le label terroriste est devenu » en France, pour des administrations ou des opérateurs « placés dans une situation de compétition », un « moyen de justifier l’attribution des budgets97 ».
Notes de bas de page
1 Plus occasionnellement, d’autres travaux proposent une analyse du phénomène terroriste par les outils de l’économie (T. Sandler, W. Enders, « An economic perspective on transnational terrorism », European Journal of Political Economy, 2002, p. 301) ou traitent des causes économiques du terrorisme (par ex., A. B. Kruger, J. Maleckova, « Education, poverty and terrorism : Is there a causal connection ? », Journal of Economic Perspective, 17, 2003, p. 119) et des stratégies économiques de lutte antiterroriste (par ex., A.-S. Novel, Les leviers et stratégies économiques utilisés par les États-Unis pour lutter contre le terrorisme transnational, 1968-2006, thèse dirigée par T. Verdier, IEP de Paris, 2009).
2 Voir notamment R. H. Ward, « Les aspects économiques du terrorisme », Forum sur le crime et la société, Éditions Nations unies, 4, 2004, p. 19 ; W. Enders, E. Olson, « Measuring the economic costs of terrorism », dans M. R. Garfinkel, S. Skaperdas (dir.), The Oxford Handbook of the Economics of Peace and Conflict, New York, Oxford University Press, 2012, p. 362 ; S. Mehlmood, « Terrorism and the macroeconomy : Evidence from Pakistan », Defence and Peace Economics, 25, 2014, p. 509 ; P. Egger, M. Gassebner, « International terrorism as a trade impediment ? », Oxford Economic Papers, 67, 2015, p. 42.
3 Voir par ex. E. Lahille, « Terrorisme et politiques économiques : les États-Unis après le 11-9 », Politique étrangère, 2005, p. 387 ; D. Mirza, T. Verdier, « Are lives a substitute for livelihoods : Terrorism, security and US bilateral imports », Journal of Conflict Resolution, 58, 2014, p. 943 ; D. Rigoulet-Roze, « Le coût économique du terrorisme : l’équation impossible ? », Géoéconomie, 80, 2016, p. 228.
4 Voir les références citées supra. La question n’apparaît que rarement dans les travaux des juristes, lors de l’analyse sectorielle d’une loi de finances (voir par ex. M. Léna, « Le budget de la justice pour 2016 », AJ pénal, 2015, p. 456).
5 Voir OCDE, « Conséquences économiques du terrorisme », Perspectives économiques de l’OCDE, 1, 2002, p. 147 ; Moody’s, Terrorism has a Long-lasting Negative Impact on Economic Activity and Government Borrowing Costs, Special Comment, 2015 ; Institute for Economics and Peace, Global terrorism index, 2015.
6 Voir par ex. : « Attentats : l’opération Sentinelle coûte 1 million d’euros par jour », Le Parisien, 8 févr. 2015 ; « Lutter contre le terrorisme coûte… 27 euros par Français », Le Figaro, 18 nov. 2015 ; « The economic costs of terrorism », New York Times, 17 nov. 2015.
7 Moody’s, Terrorism has a Long-lasting Negative Impact on Economic Activity and Government Borrowing Costs, op. cit., p. 1.
8 Elles relèvent soit de la réponse à un péril immédiat, soit de la stratégie de lutte contre le terrorisme. Voir F. Saint-Bonnet, « Le terrorisme djihadiste et les catégories juridiques modernes », JCP G, 2015, 50, 1348.
9 Par exemple, la loi no 92-1336 du 16 déc. 1992, relative à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, a fait des actes terroristes des infractions spécifiques plus sévèrement sanctionnées ; la loi no 95-125 du 8 févr. 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, a prolongé le délai de prescription des crimes et des délits terroristes ; la loi no 2006- 64 du 23 janv. 2006, relative à la lutte contre le terrorisme, a prévu une garde à vue d’une durée de six jours en cas de risque d’attentat ; la loi no 2012-1432 du 21 déc. 2012 a notamment prévu que la loi pénale française s’étende aux actes de terrorisme commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français.
10 Elle peut fortuitement tenir lieu de procédure d’urgence lorsque des événements surviennent au moment même de la discussion budgétaire, comme ce fut le cas à l’automne 2015.
11 P. Dautry, « L’article 12 de la LOLF », dans J.-P. Camby (coord.), La réforme du budget de l’État, Paris, LGDJ, 3e éd., 2011, p. 92.
12 Un article avait été introduit dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 afin de prévoir que l’assurance maladie participerait de façon exceptionnelle en 2001, à hauteur de 0,2 M€, au financement de ces opérations. Un fonds de concours créé à cette fin était abondé par l’assurance maladie et avait permis au gouvernement d’ouvrir des crédits supplémentaires.
13 Loi organique no 2001-692 du 1er août 2001.
14 Voir M. Bouvier, M.-Ch. Esclassan, J.-P. Lassale, Finances publiques, Paris, LGDJ, 15e éd., 2016, p. 379-381.
15 Voir LOLF, article 12.
16 Voir D. Migaud, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001, Ass. nat., 3427, 28 nov. 2001, p. 27. Le virement portait sur un montant réduit, de l’ordre de 1 M€ (voir décret no 2001-991 du 31 oct. 2001, JORF, 1er nov. 2001, p. 17172).
17 Voir P. Dautry, « L’article 12 de la LOLF », art. cité, p. 91.
18 Voir Cour des comptes, Rapport sur les crédits du budget de l’État ouverts par décrets d’avance, nov. 2015, p. 13-14.
19 Voir ibid., p. 14. Selon le gouvernement, « l’utilisation de cette dotation doit […] impérativement constituer un dernier recours quand tous les autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles ont été mobilisés, et que les marges de manœuvre du programme ou de la mission concernée seraient épuisées » (projet de loi de finances pour 2015, projet annuel de performances de la mission Provisions, p. 21).
20 LOLF, article 7.
21 Projet de loi de finances pour 2016, projet annuel de performances de la mission Crédits non répartis, p. 21.
22 LOLF, article 11.
23 Voir Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015. Mission Crédits non répartis, mai 2016, p. 6.
24 Décret no 2001-990 du 31 oct. 2001 portant ouverture et annulation de crédits, JORF, 1er nov. 2001, p. 17171.
25 D. Migaud, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001, op. cit., p. 27.
26 Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2014. Mission Provisions, mai 2015, p. 9.
27 Ibid., p. 8. Au cours de l’année 2015, trois décrets non publiés sont venus annuler des crédits sur la dotation pour les ouvrir sur le programme Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du gouvernement, avec comme principal bénéficiaire probable la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Cet usage n’apparaît toutefois pas lié à la lutte antiterroriste, les montants concernés étant sensiblement les mêmes que les années précédentes.
28 LOLF, article 13.
29 R. Hertzog, « La loi organique relative aux lois de finances dans l’histoire des grands textes budgétaires : continuité et innovation », RFAP, 117, 2006, p. 26.
30 Décret no 2015-402 du 9 avr. 2015 et décret no 2015-1545 du 27 nov. 2015.
31 Cour des comptes, Rapport sur les crédits du budget de l’État ouverts par décrets d’avance, op. cit., p. 14.
32 V. LOLF, article 7, III, et dernier alinéa. Les décrets de transfert permettent également une telle révision à titre exceptionnel (voir LOLF, article 7, dernier alinéa, et article 12, II).
33 Une loi autre qu’une loi de finances peut également comporter des dispositions relatives aux impositions, pour autant qu’elles ne bouleversent pas les grandes lignes de l’équilibre économique et financier du budget. Des dispositions ayant pour effet de bouleverser l’équilibre du budget en cours d’année doivent figurer dans une loi de finances rectificative (voir Conseil const., déc. no 91-298 DC, 24 juill. 1991, loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, § 7 et suiv.).
34 Voir loi no 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 94.
35 Ibid., article 119.
36 Au mois de novembre 2015, la France a ainsi sollicité l’application de l’article 42, alinéa 7, du traité sur l’Union européenne, disposition dont la mise en œuvre était « demandée pour la première fois » (L. Clément-Wilz, F. Martucci, C. Mayeur-Carpentier, « Chronique de droit de l’Union européenne et droit administratif », RFDA, 2016, p. 577). Cette clause a été activée, entraînant un engagement militaire supplémentaire de la part de plusieurs États (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Hongrie, Irlande, Luxembourg, République tchèque, Roumanie et Royaume-Uni).
37 C. Mathieu, H. Sterdyniak, « Faut-il des règles budgétaires ? », Revue de l’OFCE, 126, déc. 2012, p. 312.
38 Le pacte de stabilité et de croissance prévoit que les États membres présentent un objectif à moyen terme spécifique se situant entre moins 1 % du PIB et l’équilibre ou l’excédent budgétaire (voir règlement (UE) no 1175/2011 du « Six Pack »). Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) indique que l’objectif budgétaire à moyen terme correspond à un solde public structurel en excédent ou accusant au maximum un déficit de 0,5 % (voir TSCG, article 3-1-b). Voir notamment F. Martucci, « Aspects de droit de l’Union », dans D. Berlin, Le traité sur la stabilité la coopération et la gouvernance, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2013, p. 28-29.
39 Voir notamment Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2015, mai 2016, p. 142 sq.
40 La loi de programmation pour 2011 à 2014 avait mis en place un premier « mécanisme d’auto-assurance » (loi no 2010-1645 du 28 déc. 2010). Les deux suivantes, adoptées en application de la loi organique no 2012-1403 du 17 déc. 2012, ont consacré un « principe d’auto-assurance » (loi no 2012- 1558 du 31 déc. 2012 de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017 ; loi no 2014-1653 du 29 déc. 2014 de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019), également affirmé par la circulaire du Premier ministre du 14 janv. 2013, relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques (JORF, 15 janv. 2013, p. 960).
41 Ces plafonds, fixés pour trois ans par la loi de programmation des finances publiques, sont souvent relativement stables. Par exemple, pour 2015, 2016 et 2017, le plafond de la mission Sécurités a été fixé à 12,15 Md€, puis 12,18 Md€ et enfin 12,18 Md€.
42 Annexe 2 à la loi de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019, citée supra.
43 Annexe à la loi de programmation des finances publiques pour 2011 à 2014, citée supra ; annexe à la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017, citée supra ; annexe 2 à la loi de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019, citée supra.
44 Ibid. Seule la dernière loi de programmation prévoit la possibilité de redéploiements ou d’économies « sur l’ensemble des missions et programmes relevant d’un même ministre ».
45 Communication de la Commission européenne du 16 novembre 2016 relative à l’évaluation globale des projets de plan budgétaire pour 2016. Concernant le volet préventif, voir le règlement (UE) no 1173/2011 du 16 nov. 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, article 4. S’agissant du volet correctif, voir le règlement (CE) no 1467/97 du Conseil du 7 juill. 1997 modifié par le règlement (UE) no 1177/2011 du Conseil du 8 nov. 2011, article 2.
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Réponse de Mme Georgieva, vice-présidente, au nom de la Commission européenne, 8 mars 2016, no E-015264/2015.
49 Cité par Fabienne Keller, « Le financement européen de la lutte contre le terrorisme et la protection des frontières extérieures », Sénat, Rapport d’information, no 397, 11 févr. 2016, p. 33.
50 C. Caresche, M. Herbillon, L’examen annuel de croissance pour 2016 et l’avis de la Commission européenne sur les projets de budgets nationaux pour 2016, Ass. nat., 3365, 16 déc. 2015, p. 29.
51 TSCG, article 3-1-c.
52 Ibid., article 3-3-b.
53 L’article 3 du TSCG prévoit l’instauration d’un mécanisme dit de « correction automatique » déclenché lorsqu’un « écart important » apparaît entre la situation d’un État et son objectif à moyen terme ou sa trajectoire d’ajustement. La mise en œuvre du mécanisme repose, en France, sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le solde structurel public présenté chaque année dans le projet de loi de règlement du budget de l’année écoulée. Lorsque le Haut Conseil constate un « écart important », le gouvernement doit adopter des mesures de correction au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année. Dans cette appréciation, la loi prévoit que le Haut Conseil des finances publiques « tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles […] de nature à justifier les écarts constatés » (voir loi organique no 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, article 23).
54 TSCG, article 3-3-b.
55 Ibid.
56 Une partie des crédits ouverts sur les programmes du budget général dotés de crédits limitatifs sont mis en réserve ou « gelés » et ainsi rendus indisponibles.
57 Les crédits mis en réserve peuvent être « rendus disponibles par décision du ministre du Budget », indique la circulaire du secrétaire d’État du Budget du 15 décembre 2015 relative à la mise en œuvre des mesures visant à assurer le respect en gestion du plafond de dépenses global de la loi de finances initiale pour 2016.
58 Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2015, op. cit., p. 93.
59 Voir Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015. Mission Sécurités, mai 2016, p. 24 sq.
60 Décret no 2015-1545.
61 « Rapport relatif au décret du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance », JORF, 10 avr. 2015.
62 Décret no 2015-402 du 9 avr. 2015.
63 Voir Cour des comptes, Rapport sur les crédits du budget de l’État ouverts par décret d’avance, op. cit., p. 22.
64 Le même décret contenait des ouvertures de crédits réalisées à d’autres titres. Elles ont été gagées dans le strict respect des prescriptions résultant du principe d’auto-assurance, démontrant qu’elles n’étaient pas, pour leur part, concernées par des « situations exceptionnelles ».
65 Discours du président de la République devant le Congrès, Versailles, 16 nov. 2015.
66 Rappelé par Michel Sapin, Ass. nat., 1re séance du 11 décembre 2015.
67 Ibid.
68 Voir A. de Montgolfier, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2016, 1, Sénat, Commission des finances, 164, 19 nov. 2015, p. 114 sq.
69 Voir C. Pierucci, « La loi de finances pour 2016 », RFFP, 134, 2016, p. 213.
70 Sur deux décrets d’avance intervenus en 2001, seul le décret no 2001-918 du 8 octobre 2001 était postérieur aux attentats de New York. Ce texte est toutefois sans lien avec la réaction de l’État au 11 septembre. Il a ouvert 0,52 Md€ de crédits supplémentaires, essentiellement afin de pallier la sous-budgétisation chronique des opérations extérieures (voir Cour des comptes, Rapport relatif à l’exécution des lois de finances 2001, juin 2002, p. 54).
71 Il s’agit respectivement du décret no 2001-991 et du décret no 2001-990, cités supra.
72 Les crédits de l’aviation civile ont également été rehaussés afin d’indemniser les compagnies aériennes suite à la fermeture du ciel américain pendant les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001.
73 Décret no 2015-1545 du 27 nov. 2015, cité supra.
74 V. Rabault, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, Ass. nat., Commission des finances, 3282, t. 1, 26 nov. 2015, p. 12. D’autres modifications ont concerné les moyens alloués aux opérations extérieures, mais elles sont moins l’expression d’une réaction renforcée de l’État au terrorisme que d’une sous-budgétisation chronique de ces crédits en loi de finances initiale.
75 Voir loi du 29 déc. 2015 de finances rectificative pour 2015, article 119, précitée. Voir V. Eblé, A. Gattolin, Communication devant la Commission des finances sur les conséquences budgétaires des attentats du 13 novembre sur le secteur du spectacle vivant, Sénat, 1er juin 2016.
76 Voir M. Bouvier, « Loi organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances », AJDA, 2001, p. 876.
77 Selon l’article 7 de la LOLF, « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » (nous soulignons).
78 Voir LOLF, article 51.
79 Affaires étrangères, Affaires sociales et santé, Défense, Écologie, développement durable et énergie, Finances et comptes publics, Intérieur, Justice (les ministères nouvellement concernés sont en italiques).
80 En 2006, l’Institut a repris ses recherches sur la résistance des emballages à une attaque terroriste, du fait de la persistance du risque terroriste.
81 Actions menées dans le cadre du programme de recherche du Commissariat à l’énergie atomique sur les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques « NRBC », financées par la subvention pour charges de service public du programme Recherche duale civile et militaire.
82 Projet de loi de finances pour 2006, Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État, p. 85.
83 Ibid., p. 8. Le budget prévoyait la sécurisation et la modernisation des réseaux et des télécommunications, la réalisation de travaux pour la sécurisation des préfectures et des sous-préfectures, la protection des agents et des usagers, ainsi que l’amélioration des capacités opérationnelles de gestion de crise des préfectures et le financement d’études universitaires en sciences islamiques et de diplômes universitaires pour la formation des imams.
84 Voir le projet de loi de finances pour 2017, Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État, p. 35 et 45.
85 Dès 2006, le projet annuel de performances de la mission Direction de l’action du gouvernement détaillait les moyens et les objectifs de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) rattachée à ce périmètre. La Commission exerçait bien avant le premier budget présenté selon les prescriptions de la LOLF une mission en relation avec la lutte contre le terrorisme, la loi no 91-646 du 10 juillet 1991 la chargeant de contrôler les mesures d’investigation demandées en vue de la prévention et du renseignement, notamment en matière de terrorisme.
86 J. Serre, « Aide au développement et lutte contre le terrorisme », Politique étrangère, 4, 2012, p. 891.
87 Voir notamment le projet de loi de finances pour 2016, Projet annuel de performances de la mission Aide publique au développement, p. 30.
88 Créée par décret du 9 mai 1990, la cellule administrative de coordination chargée du traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) a été érigée en service à compétence nationale par le décret no 2006-1541 du 6 déc. 2006.
89 Le Code monétaire et financier prévoit depuis 2006 que le service Tracfin prend part à la lutte contre le financement du terrorisme (voir ancien article R. 562-4, issu du décret no 2006-1541 du 6 déc. 2006, aujourd’hui article R. 561-33, issu du décret no 2009-1087 du 2 sept. 2009).
90 Projet de loi de finances pour 2017, Projet annuel de performances de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, p. 134.
91 Projet de loi de finances pour 2016, Projet annuel de performances de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, p. 158.
92 Libération, 10 juin 2016.
93 Le Figaro, 27 nov. 2015.
94 A. Blin, La terreur démasquée. 11 septembre entre discours et réalité, Paris, Le Cavalier Bleu, 2006, p. 103.
95 Loi no 2005-1720 du 30 déc. 2005 de finances rectificative pour 2005, art. 128.
96 Ibid.
97 P. Bonditti, « L’organisation de la lutte antiterroriste aux États-Unis », Cultures & Conflits, 44, 2001, p. 76.
Auteur
Maître de conférences de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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