La participation des États membres à la lutte contre le terrorisme en droit de l’Union européenne
p. 43-62
Texte intégral
1Il y a comme un oxymore ou un piège dans le rapprochement de la question de la participation de l’État à la lutte contre le terrorisme et l’action du droit de l’Union européenne, à la fois parce que l’idée consubstantielle à la construction européenne est de dépasser la notion d’État, même si le début du xxie siècle semble aller à contre-courant de cette conception initiale, et parce que dans le même temps le terrorisme dépasse ou défie, comme on ne le sait que trop, la notion d’État, au moins dans sa dimension territoriale. Pourtant, dans ce « grand [et] magnifique pays qui s’ignore » qui « s’appelle l’Europe1 », l’activité normative consacrée à la lutte contre le terrorisme ajoute un caractère supranational à la dimension transnationale de la menace terroriste dont elle suit la courbe exponentielle, foisonnement de textes qui témoigne, contrairement à ce que l’on pourrait croire d’emblée, d’une demande accrue de la part des États d’intervention du droit de l’Union européenne.
2Si le maintien de l’ordre public et de la sécurité nationale appartient toujours aux États membres, sans jamais que les traités aient porté atteinte à cette responsabilité, en revanche la question de la sécurité intérieure de l’Union européenne est devenue une compétence partagée entre l’Union et les États membres, quand bien même « ces derniers en assurent en l’état actuel 90 %2 ». C’est ce partage de compétences qui rend l’étude du droit de l’Union européenne en matière de terrorisme par le prisme de l’État difficile, car son évolution sur quelques décennies n’est évidemment pas linéaire et les enchevêtrements sont nombreux.
3Du fait de la prééminence originelle des États, c’est la méthode intergouvernementale qui a premièrement été retenue pour entamer un processus de coordination en matière de terrorisme, dont l’illustration la plus visible est la création du groupe TREVI (Terrorisme, radicalisme, extrémisme, violence internationale), constitué le 1er juillet 1975, dans un cadre informel qui réunissait les ministres de l’Intérieur et de la Justice des neuf États membres de la CEE, ainsi que ceux des États associés. Une véritable formalisation et officialisation de l’intervention européenne n’a eu lieu qu’avec la création des piliers dans le traité dit de Maastricht, permettant aux États, sur la base de l’un d’entre eux, de travailler de concert sur les questions de justice et d’affaires intérieures sans avoir à appliquer la méthode communautaire, ce qui permettait de respecter la souveraineté des États sur des questions touchant à leur sécurité nationale.
4Cantonnée d’abord au domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (titre VI du TUE), la lutte contre le terrorisme était néanmoins mentionnée dans le traité de Nice comme un moyen de contribuer à la construction de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice (ci-après ELSJ) et de participer à la réalisation d’un niveau de sécurité élevé dans l’Union. Les attentats de 2001 sur le sol américain et de 2004 sur le sol européen ont déclenché l’adoption d’un flux ininterrompu depuis lors de textes3, dont la décisive décision-cadre 2002/475/JAI4.
5L’abandon de la structure en piliers dans le traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009 maintient certaines particularités en matière de lutte contre le terrorisme, même si le passage à la procédure législative ordinaire, désormais applicable à la coopération judiciaire en matière pénale, est une évolution remarquable.
6La demande croissante de la part des États membres ou de certaines de leurs composantes pour une intervention efficace5 au niveau de l’Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme s’explique par le fait qu’un certain nombre d’entre eux, en particulier ceux qui ont été touchés sur leur sol par des actes terroristes, ont estimé, pour ne pas dire réalisé, que l’Union pouvait présenter un apport dans la recherche d’un niveau plus élevé de sécurité, ce qui correspond à la lettre du traité de Lisbonne, l’article 67 TFUE proposant des outils pour atteindre cet objectif, c’est-à-dire par des « mesures de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires ». La « nécessité de règles harmonisées à l’échelon européen » a ainsi permis, depuis plus d’une décennie, l’adoption de mesures en vue d’atteindre ces objectifs, qui ne pouvaient l’être « de manière suffisante unilatéralement par les États membres6 » dans le respect du principe de subsidiarité.
7La coordination et la coopération sont néanmoins complexes à organiser car elles font naître, au-delà des compétences stricto sensu, des enjeux différents, les questions de sécurité étant devenues de plus en plus liées par les pouvoirs publics à celles de la surveillance des frontières extérieures. Le contrôle aux frontières et les politiques migratoires ont été progressivement communautarisés, transferts de compétences à l’Union opérés surtout à partir du traité d’Amsterdam, sans une réflexion juridique suffisante pouvant anticiper l’ampleur des impacts et des interactions entre les différents domaines concernés. Cette aporie n’a pas empêché, ou même a favorisé, une exploitation politique ambiguë liant ou opposant le terrorisme à la politique migratoire, ainsi qu’à l’acquis de Schengen… A ainsi été amalgamée la multiplication des attentats à la question de l’entrée de ressortissants d’États tiers sur le territoire européen, et ladite crise des réfugiés a été dénoncée comme facilitant l’organisation d’entreprises et d’actions terroristes, quand bien même les acteurs des événements morbides étaient pour la plupart des ressortissants communautaires, n’ayant pas eu à franchir les frontières extérieures de l’Union pour commettre leurs actions. Nonobstant, l’argument de la lutte contre le terrorisme a été utilisé par plusieurs États membres pour justifier des restrictions nécessaires et l’application d’exceptions aux règles de libre circulation, entraînant le rétablissement temporaire de contrôles aux frontières intracommunautaires, dérogations permises par l’accord de Schengen lui-même.
8Ces intérêts nationaux qui ont resurgi conjoncturellement ne soustraient pourtant pas les États à leur participation à la prise de décisions collectives en droit de l’Union européenne7. L’implication des États dans l’identification du terrorisme par le droit de l’Union européenne (I) contribue à construire une représentation collaborative nécessaire à l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, qui trouve néanmoins ses limites dans l’effectivité de la responsabilité assumée (II).
I) l’implication des États membres dans l’identification du terrorisme par le droit de l’union européenne
9La question de l’implication des États membres dans l’identification du terrorisme par le droit de l’Union européenne est intéressante en ce qu’elle interroge les interactions entre les systèmes juridiques, dans les rapports verticaux tant ascendants que descendants. La difficulté principale cependant est que la place des États est variable selon leur influence dans l’Union européenne et selon qu’ils ont ou non émis des opt out dans l’ELSJ8.
10L’implication des États dans l’identification européenne du terrorisme peut être mesurée à partir de la « pierre angulaire9 » qu’est la décision-cadre fondatrice de 2002 posant un cadre juridique commun à tous les États membres en créant des « règles minimales concernant la définition des infractions et sanctions pénales dans le domaine des infractions terroristes » (A), mais aussi en ce qu’elle a suscité le renforcement d’une coopération pour l’échange d’informations dans le cadre de l’ELSJ en vue de prévenir le terrorisme (B).
A) Le rôle des États membres découlant de l’établissement de « règles minimales concernant la définition des infractions et sanctions pénales dans le domaine des infractions terroristes »
11Le rôle des États membres peut être mesuré à partir de la première tentative de définition européenne du terrorisme (1), et surtout à l’aune des obligations qui sont à sa charge en matière d’établissement de sanctions pénales en droit national (2). L’identification européenne du terrorisme a été formalisée pour la première fois dans la décision-cadre 2002/475/JAI, complétée par une décision-cadre de 2008 et modifiée par une nouvelle directive en 2017.
12Avant le traité de Lisbonne, seules des décisions-cadres du troisième pilier pouvaient être adoptées pour établir des « règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans les domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière… » avec un « besoin particulier de les combattre sur des bases communes » – article 31, e, TUE. C’est sur cette base juridique qu’une décision-cadre essentielle a été adoptée en 2002 (1) et est restée en vigueur jusqu’en 2017, alors même que depuis le traité de Lisbonne la coopération judiciaire en matière pénale a été intégrée au TFUE. C’est en application du nouvel article 83, § 1, TUE que, suivant la procédure législative ordinaire – souffrant une exception permettant à tout État membre de suspendre la procédure législative ordinaire en cas d’atteinte aux aspects fondamentaux de leur système de justice pénale10 –, des directives du Parlement et du Conseil peuvent désormais être adoptées suivant la procédure de codécision (2). Si les deux bases juridiques entraînent l’application de procédures très différentes sur le plan de l’implication des États membres, elles ont en commun de placer au premier plan le terrorisme11 parmi les domaines de criminalité concernés.
1) L’intégration dans les droits nationaux de la définition européenne des infractions terroristes
13Quelques jours seulement après les attentats du 11 septembre 2001, une proposition de décision-cadre a été présentée par la Commission européenne, négociée par la présidence belge et adoptée moins d’un an après, avec un accord politique très rapidement trouvé – en décembre. Même si les négociations ont été courtes, elles ont considérablement modifié la proposition initiale de la Commission, en l’élargissant12 – sans tenir compte de l’avis du Parlement européen, qui n’était alors pas colégislateur dans le domaine de la justice et des affaires intérieures –, pour aboutir à une longue liste d’incriminations13 – neuf principales dans le premier article, allant des « atteintes contre la vie d’une personne » à la « libération de substances dangereuses » mettant « en danger des vies humaines », en passant par la « capture d’aéronefs » et une multiplicité d’autres infractions complémentaires14. C’est ainsi que la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme15 a proposé pour la première fois16 une définition au niveau européen des infractions terroristes.
14Les États membres se sont donc vus dans l’obligation d’intégrer lesdites infractions dans leurs droits respectifs (article 1), en tenant compte tant des actes matériels eux-mêmes définis à l’article 1 que de leurs caractéristiques, à savoir la gravité et l’intentionnalité des actes, qu’ils soient commis de manière individuelle ou dans un cadre collectif (article 2), ainsi que d’infractions moins directes, mais qualifiées également par la décision-cadre de terroristes (article 317). L’incitation à commettre et la complicité sont également couvertes par la décision-cadre (article 4). Une déclaration annexe du Conseil à la décision-cadre précise que le texte « concerne les actes qui sont considérés par tous les États membres de l’Union européenne comme des infractions graves à leur législation pénale, commises par des individus dont les objectifs constituent une menace pour leurs sociétés démocratiques respectueuses de l’État de droit et pour la civilisation sur laquelle ces sociétés sont fondées ».
15Le caractère très vaste et général des incriminations mentionnées dans la décision-cadre a rendu ardue l’opération de transposition dans les droits nationaux, notamment dans les États ne disposant pas alors de législation antiterroriste18. En outre, le délai extrêmement court – d’un semestre19 – octroyé a entraîné de nombreux retards de transposition20, y compris dans les États qui disposaient déjà d’une législation antiterroriste21.
16La décision-cadre de 2002 modifiée en 2008 a été remplacée en 2017 à la fois pour l’adapter au nouveau cadre du traité de Lisbonne, mais aussi sous la pression du droit international et de situations internes traumatiques. Une proposition de directive a été rédigée dans le cadre de la Stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l’Union européenne 2015-2020, adoptée par le Conseil JAI le 16 juin 201522, à la suite des attentats de Paris de novembre 2015, et présentée par la Commission le 3 décembre 2015. La proposition de directive23 est un texte de compromis qui a pour objectif de renforcer et d’actualiser le cadre juridique de l’Union européenne, s’agissant de la prévention des actes de terrorisme, en tenant compte du respect des textes internationaux – notamment la résolution 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies, le protocole additionnel à la convention pour la prévention du terrorisme du Conseil de l’Europe du 22 octobre 201524, prenant pour cible les combattants terroristes étrangers, et les normes du GAFI relatives au financement du terrorisme25.
17Finalement adoptée le 15 mars 2017, la nouvelle directive26 ajoute une infraction à la liste des neuf « actes intentionnels » prévus depuis 2002 : l’atteinte illégale à l’intégrité d’un système d’information et à l’intégrité des données. S’agissant des « infractions liées » sont ajoutés dans l’exposé des motifs relatifs à la « glorification et l’apologie » des actes terroristes, et les déplacements hors de l’Union « à des fins de terrorisme » – pour participer à des entraînements par exemple. Enfin, le financement des actes terroristes ou groupes terroristes est expressément prévu, ce qui permet de combler la plus grande lacune du texte de 2002, à laquelle de nombreux États avaient pallié en ajoutant à la transposition de la décision-cadre des dispositions sur le financement dans leurs droits nationaux. Il faut en outre préciser que l’idée d’intentionnalité est renforcée et permet de rattacher des actes intentionnels classiques – comme l’établissement de faux documents – à une activité terroriste.
2) La prévision dans les droits nationaux de sanctions harmonisées applicables à des infractions terroristes communes
18Les obligations qui incombent aux États membres sont bien précisées à partir de la décision-cadre de 2002, pour que « soient considérés comme infractions terroristes les actes intentionnels » listés et « définis comme infractions par le droit national » et « qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays » lorsqu’ils sont commis dans le but de « gravement intimider une population », « contraindre indûment des pouvoirs publics »« à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque » ou « gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales, politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales ».
19Les mêmes obligations incombent aux États s’agissant des infractions relatives aux « groupes terroristes », ou aux infractions « liées » au terrorisme, comme le vol aggravé, le chantage, l’établissement de faux documents, les incitations, complicités, tentatives. La liste déjà longue a été complétée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre de 200227, qui a ajouté trois nouvelles « infractions liées aux activités terroristes », à savoir la « provocation publique à commettre une infraction terroriste », le « recrutement pour le terrorisme » et l’« entraînement pour le terrorisme ». Ces ajouts – souhaités dès 2002 par l’Espagne qui n’avait pas insisté pour ne pas faire échouer l’adoption du texte de 200228 – ont permis de compléter la définition de 2002 de manière conforme à celle de la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme du 16 mai 2005 et ont été approfondis par la nouvelle directive de 2017, prolongeant par exemple la provocation publique aux contenus en ligne.
20Les obligations pesant sur les États membres touchent tant à la nature qu’à l’intensité des sanctions consécutives aux infractions des articles 1 à 4, obligeant certains à une plus grande sévérité que ce qui était prévu dans leurs droits nationaux et à prévoir des peines planchers – ne pouvant être inférieures à quinze ans (§ 2a) ou huit ans (§ 2b) pour les infractions de l’article 2 par exemple.
21La directive de 2017 modifiant la décision-cadre de 2002 n’ajoute pas de nouvelles sanctions. En revanche, elle permet aux États d’étendre leurs compétences, notamment à l’égard de l’« entraînement au terrorisme » et de prévoir davantage de moyens, c’est-à-dire des outils d’enquête efficaces – tels que les perquisitions, la surveillance électronique… –, qui doivent être utilisés comme dans les cas de formes graves de criminalité, mais en tenant compte du principe de proportionnalité, de la nature et la gravité des infractions, du respect de la protection des données à caractère personnel. Les États doivent également prévoir des mesures de protection, de soutien, d’assistance immédiates et dans le temps aux victimes. Il faut enfin souligner que le texte insiste sur le respect nécessaire des droits fondamentaux dans la transposition des dispositions de droit pénal dans les droits nationaux.
B) Le renforcement de la coopération entre les États membres par l’échange d’informations dans le cadre de l’ELSJ
22L’échange d’informations dans le cadre de l’ELSJ est une question cruciale en matière de prévention des actes de terrorisme, dont l’importance est rappelée après chaque attentat. Le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, fonction créée après les attentats de mars 2004 de Madrid comme l’« aveu de l’échec d’une coordination efficace des actions préexistantes de lutte contre le terrorisme », n’exerce malheureusement toujours qu’un rôle marginal, « témoin d’une méfiance initiale de l’institutionnalisation d’une fonction venant nécessairement heurter des compétences et des prés carrés existants29 », c’est-à-dire à la fois des institutions de l’Union, des agences et bien sûr des États membres, qui disposent seuls de la volonté et de la capacité de transférer et partager des informations. L’efficacité de la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne dépend largement de la coopération des États avec les agences européennes incontournables en matière d’utilisation des données (1), ainsi que de la réalité à venir de la mise en œuvre du PNR européen (2), parallèlement aux PNR négociés avec les États tiers et conjointement au fonctionnement de PNR nationaux.
1) La coordination de l’échange et l’analyse des informations étatiques via les agences de l’Union compétentes en matière de lutte contre le terrorisme
23Les missions des agences les plus concernées par la question de l’échange de données en matière de lutte contre le terrorisme que sont Eurojust (2002), Frontex (2004) et Europol (2009) sont absolument dépendantes des États dont elles doivent appuyer l’action conformément au TFUE30. Le contexte de multiplication d’événements de la plus grande violence sur le sol européen a favorisé le renforcement de leurs missions et pouvoirs, dans le sens d’une plus grande interaction avec les États membres et d’une collaboration renforcée entre les agences elles-mêmes.
24C’est ainsi que l’agence Frontex a été transformée en Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes afin de fusionner la structure existante avec les autorités de gestion des frontières nationales31, permettant la mise en place d’équipes d’intervention rapide grâce à la contribution de tous les États membres et de leurs personnels. Cette proposition très ancienne datant du couple Kohl-Mitterrand, qui n’avait jusqu’alors pas été acceptée par certains États membres, permet à l’agence d’avoir accès à toutes les bases de données nécessaires, en collaboration étroite avec Europol, Eurojust et les États membres, pour améliorer l’efficacité de la surveillance des frontières.
25Des modifications substantielles ont également été appliquées à Europol qui, suivant l’article 3, § 1, du nouveau règlement de 2016, « appuie et renforce l’action des autorités compétentes des États membres et leur collaboration mutuelle dans la prévention de la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres, du terrorisme et des formes de criminalité qui portent atteinte à un intérêt commun qui fait l’objet d’une politique de l’Union, ainsi que dans la lutte contre ceux-ci32 ». Le règlement vient ainsi renforcer les pouvoirs de l’Office européen de police en plaçant en tête de ses missions et de la liste des formes de criminalités figurant dans sa première annexe le terrorisme : « Constituant l’une des principales menaces pour la sécurité de l’Union, Europol devrait aider les États membres à faire face aux défis communs en la matière. »
26Ainsi il est désormais possible à l’agence de créer des unités spécialisées pour réagir rapidement aux menaces émergentes, d’échanger des informations avec des entités privées – notamment des ONG, mais aussi et peut-être surtout avec les réseaux sociaux comme Facebook pour retirer plus vite des pages Web et limiter la diffusion de la propagande terroriste – ainsi qu’avec des pays tiers33. Mais, surtout, c’est la volonté d’un dialogue plus constructif avec les États membres qu’il faut souligner. Le règlement prévoit ainsi plusieurs dispositions très incitatives sur le transfert d’informations et de données personnelles à la demande d’Europol, avec des dispositifs de contrôle qu’il incombe aux États d’organiser34 et qui s’ajoutent au contrôle parlementaire « conjoint35 » impliquant opportunément les parlements nationaux.
27En outre, la création prévue, dans le Programme européen en matière de sécurité 2015-2020 de la Commission, du Centre européen de lutte contre le terrorisme – ou ECTC (European Counter Terrorism Centre) –, installé à Europol, entraîne la nécessité de coordonner les informations des cellules nationales de lutte contre le terrorisme, raison supplémentaire de faire fonctionner efficacement le partage du renseignement.
28Enfin, les agences Europol et Eurojust36, qui n’avaient jusqu’alors pas l’habitude de travailler de concert, disposent désormais des bases juridiques et des outils pour mettre en place un échange entre elles des données à caractère personnel, qui dépendent néanmoins toujours de la transmission et de l’autorisation des États37 auprès desquels elles sont collectées avant, le cas échéant, d’être analysées.
2) L’influence des États pour l’adoption du PNR européen permettant la collecte des informations relatives aux passagers aériens
29Alors même que de nombreuses bases de données ont été régulièrement créées depuis le début des années 200038, parallèlement aux discussions sur l’accord PNR exigé par les États-Unis à la suite du 11 septembre 2001, un accord européen sur l’utilisation des données des dossiers des passagers à des fins répressives dans l’Union a été rapidement proposé. La proposition de décision-cadre finalement présentée par la Commission en 2007, créée à l’image de l’accord avec les États-Unis, a suscité autant d’oppositions et de critiques que ce dernier, venant du Parlement européen39, comme cela a été souvent indiqué, mais également des CNIL européennes – regroupées dans l’organe appelé le G29 –, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et du contrôleur européen de la protection des données, qui ont émis des réserves dans tous leurs avis publiés.
30Sous la pression des événements, les deux PNR sont finalement devenus des outils miracles de la lutte antiterroriste, plébiscités par les États. Néanmoins, après l’adoption de l’accord avec les États-Unis en 2012, la nouvelle proposition de directive de la Commission – la proposition de décision-cadre étant devenue obsolète en application des règles du traité de Lisbonne – a également été bloquée par le Parlement européen en 2013. Les États membres, et en particulier la France40, n’ont pu faire céder l’Assemblée qu’à la faveur du « coup d’accélérateur41 » créé par les attentats de janvier 2015 et novembre 2015.
31La directive du 27 avril 201642 créant le PNR, adoptée finalement à une large majorité par le Parlement européen en session plénière43, est censée harmoniser auprès des compagnies aériennes – qui doivent les transmettre selon la méthode dite push – la collecte et les types de données – quasi illimitées44 – des passagers aériens empruntant les vols dits extra-UE, et potentiellement les vols intracommunautaires. L’idée défendue est celle de l’efficacité de cette méthode par rapport à l’éparpillement de PNR nationaux45 non interconnectés entre eux. La difficulté est cependant que l’harmonisation n’est à ce jour pas du tout acquise et que la compatibilité avec d’autres bases de données pose problème46. En outre, le champ d’application considérablement étendu de la directive interroge au-delà de l’opposition classique entre la protection de la vie privée et l’efficacité de la sécurité, parce que, à la différence de nombreux autres mécanismes, la collecte d’informations ne vise pas ici certaines personnes identifiées au moyen de critères spécifiques, mais elle vise tous les voyageurs aériens, dont les données seront collectées sans distinction, sans risque particulier47.
32Cette méfiance est justifiée parce que les États ont été soit trop loin, soit pas assez. Le PNR, dont la création n’a pas respecté de toute évidence les principes de nécessité et de proportionnalité48, aurait pu avoir une véritable valeur ajoutée par rapport aux bases de données et obligations existantes s’il avait créé un vrai fichier commun automatisé, ou tout du moins des obligations de transmission des données en temps réel d’une autorité nationale compétente à une autre. Or, il n’existe ni « pot commun » ni automaticité des transmissions d’informations de chaque État vers tous les autres.
33Le principe de confiance mutuelle est ici interrogé, voire mis à mal, interrogation qui peut être prolongée par l’idée d’une responsabilité des États dans la construction d’une politique antiterroriste commune.
II) la responsabilité des États dans le cadre de la lutte antiterroriste de l’Union européenne
34Au-delà de la remise en cause de l’existence elle-même des États par le terrorisme et de ses effets dans le cadre de l’Union européenne – avec la tendance au repli des États sur eux-mêmes –, deux questions sont intéressantes au regard de la responsabilité : d’une part, celle de la solidarité à travers deux dispositions précises du traité (A) ; d’autre part, celle de la violation des droits fondamentaux dans le contexte particulier où ce sont les États eux-mêmes qui viennent les remettre en cause et qui invoquent de surcroît la raison d’État pour s’assurer de la plus grande impunité (B).
A) La solidarité des États membres de l’Union mise à l’épreuve par le terrorisme
35Les clauses d’assistance mutuelle (1) et de solidarité (2) peuvent être présentées comme des illustrations des difficultés de l’Union européenne à s’imposer en matière de politique de sécurité et de défense commune (ci-après PSDC), ce qui contribue à poser d’emblée une « distance naturelle » entre la PSDC et la lutte contre le terrorisme49. Comme le rappelle l’article 42 TUE, la politique de sécurité et de défense commune continue de reposer sur les capacités civiles et militaires mises à disposition par les États membres. L’efficience de la solidarité européenne est incertaine, y compris lorsque le terrorisme est en jeu, car la libre appréciation des États est totale.
1) La clause dite de défense ou d’assistance mutuelle en cas d’agression armée sur le territoire d’un État membre
36D’inspiration très ancienne50, la clause n’a été intégrée dans le droit primaire que depuis Lisbonne à l’article 42, § 7 TUE qui dispose : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. »
37Cette disposition a été invoquée par le président français François Hollande, trois jours après les attentats du 13 novembre 2015, devant le Congrès, à la surprise générale, d’une part parce que cette disposition n’avait pas fait l’objet d’un intérêt scientifique et politique considérable depuis son insertion dans le traité de Lisbonne, d’autre part parce qu’il existe d’autres dispositions applicables à ce type de contexte. Nonobstant, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a réagi immédiatement. Cependant, ledit accord du Conseil n’entraîne aucune obligation, contrairement à ce que la forme impérative du texte pourrait le cas échéant laisser entendre : « Les autres États doivent aide et assistance. » Il s’agit davantage d’un « engagement politique que juridique51 », par définition non contraignant. L’« accord » donné par le Conseil à l’issue de sa réunion des 16 et 17 novembre 201552 n’a entraîné ni décision officielle ni décision collective, puisque seuls les États peuvent individuellement accepter ou non de soutenir l’État agressé… En l’occurrence, peu d’États ont concrétisé leur soutien moral par des décisions d’assistance, qui peuvent en théorie mobiliser des moyens civils ou militaires.
38Le Parlement européen, dans une résolution du 21 janvier 2016, a d’ailleurs demandé une implication accrue des institutions en cas d’activation de cette clause, qui n’a pas été entendue…
39En tout état de cause, l’invocation et l’utilisation de l’article 2, § 7 TUE peuvent ne pas emporter la conviction dans la mesure où il existe déjà la clause de défense mutuelle de l’OTAN, et surtout parce qu’une autre disposition du traité de Lisbonne prévoit spécifiquement ce type d’attaque dans un article à part, complet, constituant un titre à lui seul.
2) La clause de solidarité européenne applicable aux attaques terroristes dans un État membre
40Il existe une clause spécifique de solidarité en droit de l’Union, indépendante de la clause de solidarité peut-être plus connue de l’OTAN53 – invoquée pour la première fois, par les États-Unis, après les attentats du 11 septembre 2001.
41Conçue après les attentats de Madrid de 2004 et inscrite depuis le traité de Lisbonne à l’article 222, § 1 TFUE, la clause européenne prévoit expressément, à la différence de l’article 42 TUE, l’hypothèse d’une attaque terroriste sur le territoire d’un État membre : « L’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine. L’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour : – prévenir la menace terroriste sur le territoire des États membres ; – protéger les institutions démocratiques et la population civile d’une éventuelle attaque terroriste ; – porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d’une attaque terroriste ; […]. » L’État attaqué a alors la possibilité de demander aux autres États membres qu’ils « lui portent assistance à la demande de ses autorités politiques. À cette fin les États membres se coordonnent au sein du Conseil » (§ 2).
42Serait-ce parce que cette clause limiterait l’assistance au seul territoire de l’Union que le chef de l’État français ne l’aurait pas invoquée – au profit de l’article 42-7 TUE – en 2015 ? Elle n’aurait pu en tout cas justifier une quelconque intervention armée en Syrie ou ailleurs, répondant à la logique guerrière martelée par le chef de l’État… Ou est-ce parce que la vocation « horizontale » de la disposition, préfigurant la possibilité d’une politique commune de sécurité de l’Union54, serait un pari trop ambitieux ?
43En tout état de cause, la clause de solidarité doit être interprétée strictement, conformément aux indications données dans la déclaration no 37 ad article 222 TFUE annexée, qui laisse tout autant que la clause d’assistance mutuelle une large marge de manœuvre aux États membres55. Cette lecture restrictive est confortée par la décision du Conseil du 24 juin 2014 concernant les modalités de mise en œuvre par l’Union de la clause de solidarité, prévue au § 3 de l’article 222, qui précise que pour être mise en œuvre la clause doit faire l’objet d’une décision du Conseil – qui doit par ailleurs agir conformément à l’article 31, § 1 TUE en raison des implications dans le domaine de la défense – sur proposition conjointe de la Commission et du haut représentant, ce qui entraîne une certaine lourdeur et restreint la réactivité a priori attendue.
44Encore jamais utilisée, la non-invocation de cet article à l’occasion de l’hypothèse précise pour laquelle il avait été envisagé est un signe regrettable de défiance des États à l’égard des instruments de droit de l’Union en matière de lutte contre le terrorisme, qui violent en outre les valeurs qu’ils sont censés faire respecter au nom de ladite lutte contre le terrorisme.
B) La raison d’État invoquée par les États membres de l’Union complices de pratiques de contre-terrorisme contraires aux droits fondamentaux
45La raison d’État a été invoquée par des États membres de l’Union européenne pour ne pas endosser leur responsabilité s’agissant de leur complicité ou participation au programme américain, organisé par la CIA, officiellement détaillé par la Commission du renseignement du Sénat américain dans un rapport déclassifié en décembre 201456. Des restitutions dites extraordinaires de prisonniers et des détentions secrètes organisées sur le territoire européen ont en effet impliqué des États membres (1), en contrariété totale avec les valeurs et droits fondamentaux de l’Union européenne (2) à laquelle ils appartiennent, et qui font, partant, douter de la « contribution de l’Union européenne à une communauté mondiale de valeurs57 », et malheureusement renoncer à la belle idée que les droits fondamentaux puissent « former le noyau de l’identité constitutionnelle commune58 » aux États membres de l’Union européenne.
1) Les « restitutions extraordinaires » et détentions secrètes impliquant activement ou passivement des États membres de l’Union européenne
46La pratique américaine, consistant en le transfert, en dehors de toute procédure légale – en particulier des règles internationales en matière d’extradition ou de transfert des détenus –, de prisonniers considérés comme des terroristes vers certains États comme l’Égypte, la Syrie, vers Guantanamo ou des centres de détention secrets de la CIA, a impliqué un assez grand nombre d’États membres de l’Union européenne, qui ont été plus que « pris en défaut59 ». Certains d’entre eux, comme le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas, ont reconnu avoir accepté des transferts, opérés par les services de renseignement américains, de ressortissants égyptiens vers l’Égypte en échange des assurances diplomatiques que les détenus ne subiraient pas de tortures ou autres mauvais traitements, conditions qui n’ont pas été respectées, comme l’ont démontré postérieurement des enquêtes du Comité contre la torture des Nations unies et du Conseil de l’Europe.
47À la suite des enquêtes très approfondies du rapporteur Dick Marty en 200660 et 200761 pour la Commission des questions juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui a été la première à dévoiler de manière détaillée la participation de pays européens au programme secret américain en violation des principes de la convention européenne de sauvegarde des droits fondamentaux, certains États – en particulier l’Italie62, la Pologne63 et la Roumanie64, mais aussi le Royaume-Uni, l’Autriche, le Portugal, la Lituanie – ont invoqué le principe de sécurité nationale ou le secret d’État pour bloquer les investigations, sans pour autant pouvoir éviter des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme65.
2) La « responsabilité morale, juridique et politique » des États membres de l’Union européenne impliqués dans une « guerre contre le terrorisme » contraire à leurs valeurs et droits fondamentaux
48Au niveau stricto sensu de l’Union, seul le Parlement européen a inlassablement enquêté sur la participation des États membres au programme américain, au moyen de sa commission temporaire sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers (TDIP), créée en 200666, qui a rendu plusieurs rapports67 et résolutions depuis 2005 sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers68, ainsi que sur le rapport du Sénat américain sur l’utilisation de la torture par la CIA69, et de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures qui a produit études et enquêtes depuis 201570.
49Si l’impact de ces études et des résolutions adoptées est cependant extrêmement limité puisqu’elles n’ont par définition aucun effet contraignant et ont même été parfois adoptées à une courte majorité, il faut souligner que tous les travaux de l’Assemblée européenne convergent pour condamner le fait que certains pays européens aient « fermé les yeux » sur les vols pilotés par la CIA, au nombre de 1245 pendant quatre ans, et l’inaction des États membres et du Conseil. Elle a dénoncé les violations des droits de l’homme – résultant des détentions illégales, de l’utilisation de la torture, des disparitions forcées… –, rappelant constamment que « le respect des droits fondamentaux et de l’État de droit est un élément essentiel au succès des politiques de lutte contre le terrorisme », et s’insurgeant contre l’« apathie » des États membres, alors que nombre d’entre eux ont violé les valeurs de l’Union, en particulier les principes centraux de démocratie, de dignité…
50Finalement, c’est la question de la responsabilité qui est posée face à des violations manifestes de ce qui fait l’essence de l’engagement européen, y compris dans un contexte de lutte contre le terrorisme : « Les politiques de sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme se doivent de respecter le principe de responsabilité, et il ne peut être question d’impunité dans le cas de violations du droit international et des droits de l’homme. »
51Plus d’une décennie après le début des enquêtes, l’Union est donc impuissante face à la raison d’État en matière de lutte contre le terrorisme.
***
52Le foisonnement des normes en matière de lutte contre le terrorisme, adoptées au niveau de l’Union européenne, est étourdissant, allant de textes généraux à des dispositions spécifiques sur le transfert des données, comme vu supra, en passant par des actes nouveaux ou modificatifs concernant l’antiblanchiment, le mandat d’arrêt71, la détention d’armes, la lutte contre la radicalisation… Cette production se déroule incontestablement dans une dynamique de « circularité72 », notion de la plus grande pertinence en matière de lutte contre le terrorisme, sans pour autant que l’on soit encore dans une approche intégrée de lutte contre le terrorisme, ni que la « circulation » de ces normes ait permis l’aboutissement de propositions ambitieuses plus anciennes – comme celle de la création d’un Parquet européen73.
53Certes, comme l’a rappelé le président de la Commission, Jean-Claude Juncker : « L’Europe ne doit pas se laisser impressionner par le terrorisme. […] Et les États membres doivent construire une Europe qui protège. » Mais est-il suffisant de prôner que les « institutions européennes » ne doivent que « les aider à tenir cette promesse74 » ?
Notes de bas de page
1 R. Coudenhove-Kalergi, L’Europe unie, Suisse/Paris, Éditions paneuropéennes S. A. Glaris/Hachette, 1939, p. 11.
2 Audition de G. de Kerchove, dans, P. Bonnecarrère, S. Sutour, Rapport du Sénat, no 442, au nom de la Commission des affaires européennes, sur l’Union européenne et la lutte contre le terrorisme, 4 mars 2016, p. 51.
3 Voir la typologie exhaustive des textes classés en trois « générations » par J. Auvret-Finck, « Le cadre juridique de référence de la lutte contre le terrorisme », dans id., L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme. État des lieux et perspectives, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 21-39.
4 Voir infra, note 14.
5 Le rapport précité du Sénat consacré à l’Union européenne et la lutte contre le terrorisme déplore ainsi la « lenteur excessive des processus de décision européens dans les situations d’urgence » : Rapport du Sénat, op. cit., p. 39. Voir aussi la résolution du Sénat du 1er avril 2015 à la suite des attentats de Paris de janvier demandant l’adoption d’un acte pour la sécurité intérieure de l’Union européenne.
6 Considérant 18 de la proposition de directive de 2015 modifiant la décision-cadre de 2002.
7 Ne sera pas du tout abordée dans cette contribution la question de la participation des États à la mise en œuvre des mesures restrictives, qui est traitée ici : E. Saulnier-Cassia, « Union européenne et sanctions contre le terrorisme : l’exceptionnalité des mesures restrictives applicables aux personnes et soupçonnées de terrorisme », dans R. Maison, O. Mamoudy (dir.), Le droit politique d’exception. Pratique nationale et sources internationales. Autour de l’état d’urgence français, Paris, LGDJ, coll. « Colloques & Essais » de l’institut universitaire Varenne, à paraître, 2018.
8 Le cas du Royaume-Uni est particulier, même avant la décision découlant du référendum du 26 juin 2016, car cet État avait fait valoir son intention de « prendre part à l’adoption de toutes les propositions présentées au titre de l’article 75 du TFUE » – c’est-à-dire la possibilité prévue par le protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’ELSJ –, après avoir indiqué dans la déclaration annexe au traité no 65 que « le Royaume-Uni est totalement en faveur d’une action énergique en ce qui concerne l’adoption de sanctions financières visant la prévention du terrorisme et des activités connexes, ainsi que la lutte contre ces phénomènes ».
9 Considérant 3 de l’exposé des motifs de la directive de 2017 modifiant la décision-cadre de 2002.
10 Le § 3 prévoit qu’un État membre peut faire suspendre cette procédure s’il estime que le projet de directive « porterait atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale ». Dans ce cas, le Conseil est saisi et la procédure législative ordinaire suspendue, aboutissant soit à un consensus, soit à une coopération renforcée possible si neuf États membres y sont favorables.
11 Le premier des domaines cités par le deuxième alinéa de l’article 83, § 1, TUE est le terrorisme, avant la traite des êtres humains, l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, les trafics de drogue, d’armes…
12 Voir la description par A. Weyembergh, V. Santamaria, « Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux dans le cadre du troisième pilier. La décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme et le principe de légalité », dans J. Rideau (dir.), Les droits fondamentaux dans l’Union européenne. Dans le sillage de la Constitution européenne, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 208-209.
13 Sont listées au § 1 de l’article 1 :
a) les atteintes contre la vie d’une personne pouvant entraîner la mort ;
b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;
c) l’enlèvement ou la prise d’otages ;
d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptibles de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;
e) la capture d’aéronefs et de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;
f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport ou la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques et chimiques, ainsi que, pour les armes biologiques et chimiques, la recherche et le développement ;
g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;
h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;
i) la menace de réaliser l’un des comportements énumérés aux points a) à h).
14 Sont définies et listées aux articles 2 à 4 les infractions commises par un « groupe terroriste », « liées aux activités terroristes », ainsi que « complicité, incitation et tentative ».
15 Décision-cadre 2002/475 JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JOUE, 22 juin 2002, L 64/3.
16 A. Alcoceba Gallego, M. Quesnel, L. Rodriguez de la Heras Ballel, S. Sava-Albaladéjo, « Définir juridiquement le terrorisme dans le cadre international et européen », dans E. Saulnier-Cassia (dir.), La lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l’Union européenne, Paris, LGDJ, 2014, p. 21.
17 Par exemple le vol aggravé et le chantage en vue de commettre une infraction terroriste, l’établissement de faux documents…
18 Les actes relevant du terrorisme tombaient le cas échéant sous le coup d’incriminations classiques – association de malfaiteurs, crime organisé, faux et usage de faux…
19 La transposition devait être achevée le 31 décembre 2002 (article 11, § 1).
20 Par exemple, au Luxembourg, la loi du 12 août 2003 a créé un nouveau chapitre « Du terrorisme » dans le Code pénal, qui reprend les caractéristiques de la décision-cadre (gravité, intention), mais pas toute la liste des actes matériels, préférant faire référence à tout crime et délit punissable d’un emprisonnement […], ce qui a suscité des interrogations du Conseil d’État sur le caractère insuffisamment précis des dispositions, et de la Commission, considérant que l’État n’avait pas rempli correctement ses obligations découlant de l’article 1. En Belgique c’est la loi du 19 décembre 2003 qui a transposé la décision-cadre en reprenant largement ses termes et en ajoutant des dispositions sur le financement. Un recours en annulation a été rejeté devant la Cour constitutionnelle (13 juillet 2005), qui a considéré que la définition de l’infraction terroriste était conforme au principe de légalité – et partant qu’il n’était pas nécessaire de saisir la CJCE de questions préjudicielles. En France, la transposition a été faite par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
21 Seuls la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Portugal, l’Italie et l’Espagne disposaient alors de législations spécifiques, avec la particularité pour l’Espagne qu’elle n’a pas vraiment eu à transposer la décision-cadre puisque tout était déjà présent dans son Code pénal, les seules modifications lui ayant été apportées allant au-delà du texte européen…
22 La stratégie est articulée autour de quatre grands axes : la radicalisation, le recrutement et le financement, avec la question particulière des combattants étrangers ; prévenir et combattre la criminalité organisée ; la cybercriminalité (et renforcer la cybersécurité) ; la protection des infrastructures critiques ; renforcer et moderniser le système de gestion intégrée des frontières pour les frontières extérieures.
23 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre de 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, 2 déc. 2015, COM(2015) 625 final.
24 Le protocole était au 15 juillet 2017 signé par l’Union européenne et par 30 États : Belgique, Bosnie-Herzégovine, Estonie, France, Allemagne, Islande, Italie, Lettonie, Luxembourg, Norvège, Pologne, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Ukraine, Bulgarie.
25 La révision de la directive antiblanchiment entre dans le cadre du plan d’action de la Commission contre le financement du terrorisme du 2 février 2016.
26 Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil, JOUE, 31 mars 2017, L 88/6. Le délai ultime de transposition est le 8 septembre 2018.
27 Décision-cadre 2008-919/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme, JOUE, 3 décembre 2002, L 330/21.
28 A. Peyró Llopis, « La lutte contre le terrorisme en Espagne : des instruments internationaux au service des intérêts nationaux », dans E. Saulnier-Cassia (dir.), La lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l’Union européenne, op. cit., p. 434.
29 E. Saulnier-Cassia, « La coordination de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme : une mission pour un coordinateur ? », dans La lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l’Union européenne, op. cit., p. 89.
30 Voir, s’agissant d’Europol, l’article 88, § 1, TFUE : « La mission d’Europol est d’appuyer et de renforcer l’action des autorités policières et des autres services répressifs des États membres, ainsi que leur collaboration mutuelle dans la prévention de la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres, du terrorisme et des formes de criminalité qui portent atteinte à un intérêt commun qui fait l’objet d’une politique de l’Union, ainsi que la lutte contre ceux-ci. »
31 Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement et du Conseil du 14 septembre 2016, JOUE, 16 sept. 2016, L 251/1.
32 Règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/ JAI, JOUE, 24 mai 2016, L 135/53. Le règlement est applicable à partir du 1er mai 2017.
33 Considérant 32 du règlement (UE) 2016/794, op. cit. : « Les formes graves de criminalité et le terrorisme présentent souvent des connexions au-delà du territoire de l’Union. Il convient par conséquent qu’Europol puisse échanger des données à caractère personnel avec les autorités des pays tiers et avec des organisations internationales telles que l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol). » En fait, avant même l’adoption de ce nouveau règlement, Europol avait conclu avec de nombreux États tiers des accords. Par exemple, le 15 décembre 2015, un accord de coopération stratégique avec les Émirats arabes.
34 En plus du contrôle du CEPD (contrôleur européen de la protection des données), il incombe à chaque État membre de désigner une autorité de contrôle nationale chargée de se prononcer sur la licéité du transfert des données transmises à Europol par l’État (article 42 du règlement (UE) 2016/794, op. cit.).
35 Article 51 du règlement (UE) 2016/794, op. cit. Le Parlement européen ajoute en outre un contrôle propre, en créant pour une année (renouvelable) une commission spéciale sur le terrorisme (décision du 6 juillet 2017, 2017/2758/RSO).
36 Sur Eurojust et Europol, voir les communications de M. Quillé, N. Long, S. Sousa Pereira, X. Tracol, dans C. Chevallier-Govers, L’échange des données dans l’Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice, actes du colloque de Grenoble des 17 et 18 novembre 2016, Paris, Mare & Martin, 2017, p. 233, 239, 285, 483.
37 Articles 21 et 22 du règlement (UE) 2016/794, op. cit.
38 Près d’une dizaine de bases de données existent dans l’Union européenne – en plus des bases de données nationales et internationales comme la base SLTD d’Interpol (documents de voyages perdus ou volés), parmi lesquelles : le SIS, le VIS, Eurodac, ECRIS (European Criminal Records Information System), ce dernier, fondé sur la décision-cadre 2009/315/JAI et la décision 2009/316/JAI, est opérationnel depuis 2012 pour permettre aux États membres d’échanger des informations contenues dans les casiers judiciaires des citoyens européens, relatives à des condamnations prononcées par des juridictions pénales d’États membres de l’Union européenne.
39 L’opposition initiale s’étant manifestée au sein de la commission LIBE, et avec l’implication particulière de la députée néerlandaise S. In’t Veld.
40 Le Premier ministre français aurait écrit aux députés socialistes français le 1er décembre 2015 pour leur enjoindre d’adopter le PNR, estimant qu’un refus « serait injustifiable auprès de nos opinions publiques » (J. Quatremer, Libération, 21/12/2015). Les pressions de l’exécutif ont été confortées par les positions du Sénat dans différentes résolutions (5 mars et 1er avril 2015) qui ont souligné l’« urgence » à adopter la directive, car le mécanisme européen serait le seul à même d’« assurer une coordination efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensables pour la protection des données personnelles ».
41 Rapport du Sénat, no 442, op. cit., p. 39.
42 Directive (UE) 2016/681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l’utilisation des données passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, JOUE, 4 mai 2016, L 119/132.
43 Le 14 avril 2016, par 461 voix pour, 179 contre et 9 abstentions.
44 En plus des 19 données listées dans l’annexe 1 de la directive, les données sensibles peuvent être exceptionnellement concernées.
45 La France ainsi que d’autres États avaient parallèlement adopté des PNR nationaux.
46 Sur toutes les lacunes et apories du PNR européen, voir E. Saulnier-Cassia, « La directive (UE) 2016/681 : miscellanées sur l’utilisation des données des dossiers passagers dans l’Union européenne ou le PNR », dans C. Chevallier-Govers, L’échange des données dans l’Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice, op. cit.
47 Le règlement et la directive adoptés le même jour que le PNR européen et portant sur la protection des données personnelles en général ne sont pas applicables aux données des voyageurs. Les garanties offertes par la directive 2016/681 sont limitées, et la situation est très proche de celle dénoncée par la CJUE dans sa décision du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland (aff. C-293/12 et C-594/12), par laquelle elle avait prononcé l’annulation de la directive sur la conservation des données téléphoniques adoptée après les attentats de Madrid et Londres, parce qu’elle s’immisçait « de manière particulièrement grave » dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, n’était pas suffisamment encadrée afin de garantir que cette ingérence soit « effectivement limitée au strict nécessaire » et ne permettait « qu’aucune différenciation, limitation ni exception soient opérées en fonction de l’objectif de lutte contre les infractions graves ».
48 E. Saulnier-Cassia, « La directive (UE) 2016/681 : miscellanées sur l’utilisation des données des dossiers passagers dans l’Union européenne ou le PNR européen », art. cité, p. 207.
49 L. Balmond, « Politique de sécurité et de défense commune et terrorisme », dans J. Auvret-Finck, L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme. État des lieux et perspectives, op. cit., p. 201.
50 L’article V du traité de Bruxelles de 1948 modifié (en 1954) dispose : « Au cas où l’une des Hautes Parties Contractantes serait l’objet d’une agression armée en Europe, les autres lui porteront, conformément aux dispositions de l’article 51 de la charte des Nations unies, aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres. » Les fonctions de l’Union de l’Europe occidentale ont été transférées à l’Union européenne à partir de 2002, avec une intégration complète par le traité de Lisbonne et une disparition de l’UEO en juin 2011.
51 N. Fernandez-Sola, « Les clauses d’assistance mutuelle et de solidarité du traité sur l’Union européenne : contenu, délimitation et garanties politiques et juridiques », Mélanges en l’honneur du professeur Joël Molinier, Paris, LGDJ, 2012, p. 210.
52 Doc. 14120/15.
53 Article 5 du traité de l’Atlantique Nord de 1949 : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales. »
54 K. Abderemane, « Le principe de solidarité dans la lutte contre le terrorisme », dans E. Saulnier-Cassia (dir.), La lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l’Union européenne, op. cit., p. 75 et 79.
55 « Sans préjudice des mesures adoptées par l’Union pour s’acquitter de son obligation de solidarité à l’égard d’un État membre qui est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, aucune des dispositions de l’article 222 ne vise à porter atteinte au droit d’un autre État membre de choisir les moyens les plus appropriés pour s’acquitter de son obligation de solidarité à l’égard dudit État membre. »
56 Senate Select Committee on Intelligence, Committee Study of the Central Intelligence Agency’s Detention and Interrogation Program, rapport approuvé le 13 décembre 2012 et déclassifié le 3 décembre 2014. En ligne : http://www.intelligence.senate.gov/press/committee-releases-study-cias-detention-and-interrogation-program
57 S. Manacorda, « Les conceptions de l’Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme », dans Henry Laurens, M. Delmas-Marty (dir.), Terrorismes. Histoire et droit, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 204.
58 C. Grewe, « Les exigences de la protection des droits fondamentaux », dans J. Rideau, C. Grewe, L. Balmond, M. Arcari (dir.), Sanctions ciblées et protections juridictionnelles des droits fondamentaux dans l’Union européenne. Équilibres et déséquilibres de la balance, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit & Justice », 2010, p. 79.
59 A. Sgro, « Des États européens pris en défaut à propos du transport de prisonniers prétendus terroristes », dans J. Auvret-Finck, L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme. État des lieux et perspectives, op. cit., p. 131.
60 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Allégations de détentions secrètes et de transferts illégaux de détenus concernant des États membres du Conseil de l’Europe, Dick Marty, 7 juin 2006, 67 p. En ligne : http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2006/20060606_Fjdoc162006PartII-FINAL.pdf.
61 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des États membres du Conseil de l’Europe, 7 juin 2007. Ce deuxième rapport de Dick Marty insiste sur les cas de la Pologne et la Roumanie. En ligne : http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2007/FMarty_20070608_NoEmbargo.pdf.
62 Les condamnations par contumace d’agents de renseignement italiens accusés d’enlèvement – dont l’extradition des États-Unis n’a jamais été demandée par l’État italien – par la Cour d’appel de Milan en 2013 ont été annulées par la Cour de cassation italienne en 2014 (24 février 2014) au motif de la violation du secret d’État, après que la Cour constitutionnelle (arrêt 24/2014) a été saisie par le gouvernement pour « conflit de compétence entre pouvoirs de l’État », et a jugé que le secret d’État était en l’espèce applicable à condition que les actes aient été commis pour « protéger la sécurité de l’État »…
63 Après avoir conclu dans un premier temps à l’absence de prison secrète, la Pologne a reconnu l’existence d’un site de détention secret dénommé « Detention Site Blue » après deux décisions de la Cour EDH du 24 juillet 2014 établissant sa complicité et sa participation à des actes de torture appelés pudiquement « techniques renforcées d’interrogatoire » – simulacres de noyades, de mutilation à la perceuse… –, et sa condamnation pour violation de la convention EDH.
64 Comme en Pologne, l’existence de prisons secrètes a été niée par la Roumanie, qui a finalement reconnu l’ouverture de deux centres de détention à la demande des États-Unis – contre la promesse de rentrer dans l’OTAN – dénommés « Detention Site Black », à la suite du témoignage de l’ancien chef du service de renseignement roumain dans le rapport du Sénat américain.
65 La Cour EDH a ainsi condamné l’Italie pour violation du principe de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, droit à la liberté et à la sûreté, droit au respect de la vie privée et familiale, droit au recours effectif, suite à l’enlèvement en Italie de l’iman Abou Omar et à son transfert en Égypte, refusant l’« impunité » découlant de l’invocation par les autorités italiennes du « secret d’État » : 23 févr. 2016, Nasr et Ghali c/ Italie, no 44883/09. C’est le troisième arrêt condamnant un État membre du Conseil de l’Europe, après la Macédoine (Grd. Ch., 13 déc. 2012, El Masri c/ Ex-République yougoslave de Macédoine, no 39630/09) et la Pologne (24 juill. 2014, Al Nashiri c/ Pologne, no 28761/11 et Husayn (Abu Zubaydah) c/ Pologne, no 7511/13), et attribuant des dommages-intérêts au requérant.
66 Décision du Parlement européen du 18 janv. 2006, P6_TA(2006) 0012.
67 Parlement européen, Rapport sur l’utilisation alléguée de pays par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, Giovanni Claudio Fava, 30 janv. 2007.
68 Résolutions du 15 déc. 2005, 6 juill. 2006, 14 févr. 2007, 4 févr. 2009, 11 sept. 2012, 10 oct. 2013.
69 Résolution du 11 févr. 2015 (2014/2997/RSP) ; résolution du 8 juin 2016 sur le suivi de la résolution du Parlement européen du 11 février 2015 sur le rapport du Sénat américain sur l’utilisation de la torture par la CIA (2016/2573/RSP).
70 Audition publique du 13 octobre 2015, « Enquête sur des allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens » et Étude de la commission LIBE de 2015, « À la recherche des responsabilités ? Enquêtes de l’Union et des États membres sur le programme de transfert et de détention secrète de la CIA ».
71 Sur ces questions, se reporter aux différentes contributions des ouvrages collectifs de E. Saulnier-Cassia (dir.), La lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l’Union européenne, op. cit. ; et N. Catelan, S. Cimamonti, J.-B. Perrier, La lutte contre le terrorisme dans le droit et dans la jurisprudence communautaires, Marseille, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2012.
72 J.-A. Mazères, « Essai de réflexion sur la dynamique des normes de lutte contre le terrorisme : de la circulation à la circularité », dans C. Girard (dir.), La lutte contre le terrorisme : l’hypothèse de la circulation des normes, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 293.
73 La création de cet instrument d’entraide judiciaire, prévue par le traité (article 86 TFUE), a rencontré des oppositions nationales au motif de la très grande hétérogénéité des pratiques nationales. « Les définitions d’infractions, les règles procédurales, les garanties des droits de la défense et les recours sont loin d’être homogènes », quand bien même le Parquet européen « pourrait constituer un formidable instrument dans la lutte contre le terrorisme » (Rapport du Sénat, no 442, op. cit., p. 30 et 31). Contre toute attente, le Parquet européen a finalement été créé par le règlement no 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017, mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JOUE, 31 octobre 2017, L 283). Il sera compétent dans 20 États membres à partir de 2020, mais uniquement dans un premier temps pour poursuivre les auteurs d’infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. Ses compétences devraient ensuite être élargies à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
74 Discours sur l’état de l’Union 2016 du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen, « Vers une Europe meilleure. Une Europe qui protège, donne les moyens d’agir et défend », 14 sept. 2016.
Auteur
Professeur de droit public à l’université de Versailles-Saint-Quentin
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Environnement et santé
Progrès scientifiques et inégalités sociales
Maryse Deguergue et Marta Torre-Schaub (dir.)
2020
La constitution, l’Europe et le droit
Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Masclet
Chahira Boutayeb (dir.)
2013
Regards croisés sur les constitutions tunisienne et française à l’occasion de leur quarantenaire
Colloque de Tunis, 2-4 décembre 1999
Rafâa Ben Achour et Jean Gicquel (dir.)
2003
Itinéraires de l’histoire du droit à la diplomatie culturelle et à l’histoire coloniale
Jacques Lafon
2001
Des droits fondamentaux au fondement du droit
Réflexions sur les discours théoriques relatifs au fondement du droit
Charlotte Girard (dir.)
2010
François Luchaire, un républicain au service de la République
Jeannette Bougrab et Didier Maus (dir.)
2005