La générosité comme liberté dans l’Éthique de Spinoza
p. 225-238
Texte intégral
1Dans cette étude consacrée à la vertu de générosité, je propose une solution alternative à la difficulté présentée par Daniel Garber dans son étude sur sociabilité et liberté dans l’Éthique de Spinoza. Garber repère une tension dans la doctrine de Spinoza, selon laquelle : 1. la liberté est la capacité d’être cause adéquate de ses propres actions et 2. la liberté implique un désir d’amitié, de compagnie et d’entraide1. La liberté en tant que causalité adéquate semble impliquer l’auto-suffisance, mais Spinoza lie fréquemment le désir de sociabilité à notre manque inévitable d’auto-suffisance. Dans le Traité politique, Spinoza observe que « c’est en vain que chacun tenterait à soi seul de se garder de tous2 » et que, pour cette raison, nous redoutons tous l’isolement3. Dans l’Éthique, immédiatement après une référence à l’adage selon lequel « l’homme est un dieu pour l’homme », les réflexions de Spinoza s’attachent à l’expérience commune : « [L]es hommes savent par expérience que par une aide mutuelle ils se procurent beaucoup plus facilement les choses dont ils ont besoin et que c’est en joignant leurs forces qu’ils peuvent éviter les dangers qui les menacent partout4. » La société semble ainsi être une réponse à notre vulnérabilité et à notre finitude. Spinoza présente souvent le désir de société en termes négatifs, comme une manière de se protéger contre la violence, contre les éléments et les privations, protection que rendent nécessaires les capacités limitées des individus5.
2 Mais Spinoza établit aussi, dans l’ensemble de ses écrits, un lien positif entre liberté, rationalité et sociabilité. Il affirme que quiconque pratique la vertu – comprise comme la puissance et la liberté propres à sa nature – met nécessairement ses efforts au service de la société et du bien-être d’autrui. « Le bien que chacun de ceux qui pratiquent la vertu recherche pour lui-même, il le désirera aussi pour tous les autres hommes, et cela d’autant plus qu’il aura une plus grande connaissance de Dieu6. » Guidé par la raison, chacun persévère dans son être et recherche par là même la jouissance partagée de biens communs7. Quoique Spinoza affirme à plusieurs reprises que la rationalité implique la sociabilité, Garber considère qu’« il n’apporte pas véritablement d’arguments à l’appui de cette conclusion8 ». Garber propose donc l’interprétation suivante : la sociabilité, la coopération et l’interdépendance sont des effets du désir de liberté, non de la réalisation de ce désir. La sociabilité est un moyen nécessaire à la liberté, elle n’en est pas une conséquence. Puisque la sociabilité implique la dépendance à l’égard des autres plutôt que l’auto-suffisance, elle doit selon lui exprimer les besoins auxquels nous sommes assujettis plutôt que notre puissance.
3Si l’on prête attention à la générosité en tant qu’expression de la liberté, il me semble qu’apparaît une autre manière de résoudre ce dilemme. Il est certainement vrai que Spinoza prend souvent argument de notre finitude pour affirmer la nécessité et le caractère indissoluble de l’ordre social en général. Mais le besoin n’est pas le seul fondement de la sociabilité. Dans la mesure où nous sommes rationnels, libres et vertueux, nous exerçons des aptitudes sociales qui ne s’acquièrent pas sans peine, comme la générosité. Définie comme le désir par lequel chacun s’efforce sous le seul commandement de la raison d’aider les autres hommes et de les joindre à lui d’amitié9, la générosité est un art puissant de s’associer à d’autres qui n’est ni moins difficile ni moins rare que d’autres manières de mettre en pratique la science naturelle. Je voudrais montrer que la générosité ne doit pas être comprise seulement comme une alliance de forces, nécessaire aux êtres mortels dont le temps est compté et les capacités restreintes. La sociabilité en tant que générosité dépasse le domaine des besoins et découle directement de la force de nos âmes (fortitudo), parce qu’elle exprime un pouvoir positif de surmonter les passions antisociales comme la haine, la jalousie et le désir de vengeance. Spinoza affirme que les âmes généreuses résistent aux forces hostiles et aux affects débilitants, et les surmontent par leur sagesse, leur clairvoyance et leur amour10. La sociabilité qu’engendre la générosité n’est donc pas une simple forme de coopération dont nous aurions besoin pour survivre et pour trouver le loisir nécessaire à l’étude et à la contemplation. La générosité n’est pas un simple moyen, mais une expression positive de la liberté, parce qu’elle est l’activité par laquelle une âme forte (et un corps fort) fait de ses ennemis des amis. Elle n’est pas l’expression d’un manque, mais celle d’une puissance acquise qui communique à ceux qui l’entourent un amour et une joie qui les renforcent, en créant des accords de nature et de puissance là où il ne s’en trouvait pas auparavant. L’étude de la générosité révèle non seulement l’existence de vertus propres à la conception spinozienne de la liberté, mais aussi que la liberté elle-même est nécessairement sociale.
4Des difficultés se posent à l’interprète d’une part parce que la conception spinozienne de la vie finie comme immanente et inéluctablement relationnelle implique que la liberté ne soit pas un phénomène binaire, quelque chose que nous aurions ou que nous n’aurions pas, mais quelque chose qui vient compliquer les oppositions de l’activité et de la passivité, de l’affecter et de l’être-affecté. Prêter attention à la générosité permet de mieux appréhender la complexité de la liberté en tant, d’une part, qu’elle procède de la nécessité et, d’autre part, qu’elle admet des degrés. Je ne peux proposer ici qu’un aperçu limité de l’ensemble des questions que pose le rapport de la sociabilité à la liberté, mais je m’efforcerai d’en examiner deux en particulier. La première, métaphysique, est la principale difficulté qui se pose pour Garber : comment comprendre que l’on puisse tout à la fois agir « par sa seule nature » et agir avec d’autres ? Comment réconcilier causalité adéquate et action par communauté (convenientia) ? La seconde est sans doute plus phénoménologique : l’ensemble des vertus sociales qui, pour Spinoza, expriment la fortitudo suggèrent la limitation de soi : la générosité, la modestie, la clémence et la chasteté. Comment ces vertus chrétiennes traditionnelles sont-elles conciliées avec la conception activiste ou machiavélienne de la vertu défendue par Spinoza ? Je m’attacherai successivement à ces deux questions.
Agir par soi-même avec d’autres
5Spinoza définit la vertu comme la « puissance » ou « l’essence même ou la nature de l’homme, en tant qu’il a le pouvoir de faire certaines choses qui peuvent se comprendre par les seules lois de sa nature11 ». Puisque seule une substance agit absolument sans le concours d’autres causes, Dieu seul, autrement dit la Nature seule, peut être considéré comme entièrement auto-suffisant, comme l’unique cause de ses effets. Ces individus complexes que nous appelons des « humains » ne causent rien en un sens absolu, même s’ils sont les « causes adéquates » de certaines de leurs actions12. Spinoza précise : « J’appelle cause adéquate celle dont l’effet peut être perçu grâce à elle clairement et distinctement. Et je nomme inadéquate ou partielle celle dont l’effet ne peut être compris grâce à elle seule13. » Selon l’interprétation proposée par Daniel Garber, l’action humaine n’est adéquate que si elle est en quelque manière « isolée causalement du reste du monde », de telle sorte que le sujet de cette action en affecte d’autres sans être, dans le même temps, affecté par eux. Puisque les étants finis ne sont jamais entièrement exempts d’affects causés par d’autres, ils ne peuvent jamais être que partiellement libres et rationnels. Il suggère donc que la figure spinozienne de la vertu – un homme dont les actes puissent être compris par les seules lois de sa nature – ne peut s’incarner en aucun individu réel14. Lorsque Spinoza lie la raison, la liberté et la vertu à la sociabilité – comme c’est le cas avec la notion de générosité –, la sociabilité doit, selon Garber, être comprise comme liée au désir de liberté, non à sa réalisation15.
6Il est indéniable que la sociabilité soit une condition de possibilité de la liberté, de la vertu et de la raison. Nous naissons radicalement dépendants, ignorants et fortement exposés aux aléas de la fortune. Nous ne pourrions vivre sans l’aide de ceux qui prennent soin de nous, qui eux-mêmes ne pourraient nous nourrir et nous inculquer les passions nécessaires à la vie s’ils ne se trouvaient au centre de réseaux plus ou moins complexes de relations sociales. Nous avons besoin d’éducation, d’ordre social et d’une division du travail pour devenir ces individus qui tendent à un degré croissant de « conscience de soi, de Dieu et des choses16 ». Sans sociabilité, il n’y aurait certainement ni liberté, ni puissance de produire les effets qui suivent de nos natures. La sociabilité est une condition nécessaire, quoique non suffisante, de la liberté. Nous ne pouvons devenir libres isolément. Les enfants qui grandissent parmi les loups, qui subissent de mauvais traitements ou des privations sévères ne développent pas les puissances nécessaires pour faire ce qui suit des « lois » d’une nature que Spinoza considérerait comme humaine. Il n’y a cependant aucune imprécision de sa part lorsqu’il affirme que la sociabilité est aussi un résultat de la vertu. Car la générosité est bien un exemple de la manière dont le fait d’agir « sous la seule conduite de la raison » implique immédiatement d’être sociable.
7La générosité apparaît à la fin de la troisième partie de l’Éthique, lorsque Spinoza y aborde les affects actifs. Tandis que la vie humaine est invariablement caractérisée par l’assujettissement aux passions et à l’ordre commun de la nature17, nous nous efforçons nécessairement, avec plus ou moins de succès, de faire les choses qui suivent de nos natures particulières et les renforcent18. Mais que signifie faire ce qui « suit de sa propre nature » ? Est-il nécessaire pour agir, selon Spinoza, d’être absolu, c’est-à-dire sans lien et entièrement détaché du reste du monde ? Je ne le crois pas. De fait, nous ne pourrions agir si nous étions seuls ou sans relations avec d’autres. L’activité humaine n’est pas la pure auto-activité de Dieu ou de la Nature dans son ensemble. Nous produisons des affects actifs (autrement dit, nous agissons) pour autant que nos corps et (par conséquent) nos esprits sont organisés de telle manière qu’ils peuvent produire des effets à partir de leurs propres ressources. Il me semble, autrement dit, que pour Spinoza les affects actifs expriment la vertu parce que ce sont des activités qui procèdent d’un rapport de forces interne à l’individu composé, de même que ces puissances qui « s’accordent avec » la nature de l’individu. Un affect actif est, selon Spinoza, toujours lié à la joie ou au désir19, ce qui signifie qu’il indique un accroissement de notre puissance. Plutôt que d’expliquer cet accroissement de notre puissance de penser et d’agir par une rencontre heureuse de forces extérieures – comme la chaleur du soleil qui améliore l’humeur –, on doit comprendre les affects actifs comme les résultats d’un changement favorable dans la capacité de penser et d’agir que l’agent vertueux produit à partir de ses « propres » ressources, ce qui inclut cependant les puissances « extérieures » qui préservent et renforcent notre vitalité et notre puissance20. Les affects actifs que Spinoza s’attarde à décrire sont rares, mais la générosité en fait partie.
8La générosité est définie comme un désir, régi uniquement par la raison, d’aider les autres et de se les attacher par des liens d’amitié. La raison étant sa cause exclusive, la générosité doit être comprise comme une expression de la vertu ou puissance qui suit des seules lois de la nature du sujet21. Spinoza fait du désir l’« essence » de l’homme, mais l’essence (ou nature) humaine n’est pas en général guidée par la seule raison : « L’essence de l’âme est constituée d’idées adéquates et inadéquates22. » Nos efforts pour penser et pour agir ne sont pas moins provoqués par les idées confuses de l’imagination que par les idées claires de l’entendement. Mais lorsque nos désirs nous viennent de l’entendement, nous exprimons la fortitudo, la force d’esprit ou de caractère qui, selon Spinoza, se distingue par des affects actifs particuliers : l’animositas et la generositas. Animositas désigne le désir de persévérance qu’engendre la raison et qui vise le bien (utile) de l’agent23. Les injonctions de la raison, telles que les conçoit Spinoza, lient clairement la vertu au désir de persévérer dans l’être. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le courage, désir intelligent de persévérer, soit propre à la force de caractère. Notons cependant que Spinoza définit le bien de l’agent, c’est-à-dire l’utile, comme tout ce qui donne à son corps la capacité d’en affecter d’autres ou d’être affecté, et cela de manières de plus en plus diverses24. La puissance de l’agent inclut clairement, pour Spinoza, une puissance de réceptivité tout autant que d’affirmation. Le bien, la puissance, la vertu d’un agent est sa capacité à s’associer à d’autres, à joindre ses forces aux leurs, et à subir, de la part d’autres modes de la nature, des transformations qui augmentent sa puissance. La règle générale de Spinoza selon laquelle l’esprit se perfectionne à mesure qu’augmente le nombre des dispositions dont le corps est capable fait encore mieux apparaître que la propension à s’ouvrir à d’autres est un facteur décisif pour l’activité d’un mode fini25. Si ce dont nous avons besoin pour accroître notre puissance de penser et d’agir est que notre puissance réceptive gagne en complexité, alors l’isolement causal, ou même plus généralement l’indépendance, n’est pas un idéal régulateur adéquat pour nous conduire à la liberté. L’isolement causal et l’indépendance radicale n’illustrent pas non plus ce que c’est que d’être libre. Les modes finis ne sont pas des substances. Notre liberté n’est pas, ni ne doit chercher à devenir absolue, détachée de la société et des relations sociales.
9Dès lors que nous concevons l’effort courageux comme un désir de persévérer en affectant autrui et en nous exposant aux affects favorables à nos capacités, l’impulsion de la raison qui nous pousse à la générosité paraît moins paradoxale. Spinoza affirme que l’agent vertueux est porté par la raison à aider les autres hommes et à nouer avec eux des liens d’amitié. Il ne fait pas de la générosité, en premier lieu, une puissance réceptive, de sorte que le courage ne doit pas être compris comme la dimension active de l’effort rationnel, par opposition à la générosité comme sa dimension passive. Animositas et generositas sont l’une et l’autre des affects actifs, ou encore ce que fait un caractère fort en vertu même de cette force. La générosité découle de l’esprit dans la mesure où elle est compréhension. Elle ne fournit pas seulement les conditions favorables à la compréhension. La générosité est l’effet de la compréhension. S’il est indéniable que la capacité à former des relations, comme celle qui lie la mère à son fœtus, engendre de l’activité, Spinoza insiste également sur le fait qu’une activité vertueuse, comme la générosité, rend également possibles des rapports nouveaux, autrement dit la convergence de différentes puissances d’agir.
10Pour Descartes, comme le souligne Chantal Jaquet, le fait d’aider les autres est une « propriété » de la générosité, il n’en est pas l’essence26. La générosité cartésienne est cette estime qui suit de la compréhension vraie que rien ne m’appartient véritablement, à part la libre disposition de mes volontés. C’est le sentiment éprouvé par qui est résolu à bien user de sa volonté, et à n’attribuer louanges ou blâmes, que ce soit à soi-même ou aux autres, que selon le seul critère de la manière dont nous disposons nos volontés27. La liberté, en tant que volonté libre, constitue le fondement de la générosité cartésienne, et la sociabilité est encouragée par la générosité, mais elle n’est pas propre à sa définition. Le rapport entre liberté, générosité et sociabilité n’est ainsi pas aussi étroit que chez Spinoza. Liberté et sociabilité interviennent à parts égales dans la définition de la générosité spinozienne. Puisque Spinoza récuse tout simplement la liberté comprise comme libre disposition des volontés, on rencontre chez lui une conception différente tant de la générosité que de la liberté.
11La liberté n’est pas pour Spinoza une faculté propre à notre espèce, identique en chaque être humain et constituant un attribut que nous aurions en commun avec Dieu, comme chez Descartes28. Tandis que, pour Descartes, la générosité est au fondement de ce que nous pourrions appeler le respect, ou encore de l’estime propre de soi-même et des autres, elle est pour Spinoza une capacité durement acquise de partager quelque chose non avec Dieu, mais avec d’autres personnes, d’une manière telle que nous nous soutenions mutuellement. Mais, comme chez Descartes, le concept de générosité signale quelque chose de commun. Chez Descartes, cette communauté procède de la liberté inviolable de notre volonté, chez Spinoza, elle est rendue possible par les lois communes de la nature, mais elle doit encore être développée par ceux qui exercent la fortitude.
12Au risque de me répéter, je rappelle une fois encore que la liberté, ou vertu, est la puissance d’agir selon les lois nécessaires de sa nature. Cette idée n’est pas entièrement claire, et les interprètes ne défendent pas tous la même compréhension de ce que désignent ces lois. En général, pour les modes finis, le pouvoir d’exister et d’agir surgit entre nous en vertu des lois nécessaires qui gouvernent notre existence commune. Certaines de ces lois sont entièrement générales. Par exemple, tout corps est composé d’une certaine proportion de mouvement et de repos. Et les étants terrestres sont soumis à la gravité. Un mode fini singulier « ne peut exister ni être déterminé à opérer que s’il est déterminé à exister et à opérer par une autre cause, qui elle aussi est finie et possède une existence déterminée29 ». Si nous existons et si nous agissons, c’est parce que nous sommes en rapport avec une infinité d’autres étants finis. Et nous sommes plus ou moins actifs à proportion du concours que nous leur apportons. Comme nous le rappelle l’exemple du très jeune enfant, ce concours doit être adapté. Certaines pratiques, certains corps et certaines choses sont plus propres que les autres à accroître notre puissance physique et mentale à un moment donné. Et si nos puissances s’associent de telle sorte que nos capacités s’en trouvent mutuellement augmentées, il y a là, pour Spinoza, un « accord de nature ». Il observe ainsi que :
Si [quelqu’un] se trouve au milieu d’individus qui s’accordent avec sa nature d’homme, par là même la puissance d’agir de cet homme sera renforcée et alimentée. Au contraire s’il se trouve au milieu de choses qui ne s’accordent pas du tout avec sa nature, il ne pourra guère s’adapter à elles sans une grande mutation de lui-même (E IV, app. 7)30.
13Le fait que les modes environnants nous apportent un concours favorable ou nous soient hostiles dépend largement du hasard, ou de ce qui n’est pas en notre pouvoir. Puisque nous ne pouvons faire autrement que d’imiter les affects de ceux qui nous entourent, en particulier de ceux dont le corps et l’esprit ont le plus en commun avec les nôtres, nous sommes fortement affectés, dans nos efforts pour préserver et accroître notre puissance, par la vertu (ou l’absence de vertu) de ceux qui nous entourent31. Même si nous nous trouvons nécessairement dans un environnement social qui amplifie plus ou moins nos puissances, la capacité de ceux qui nous entourent à nous émouvoir en nous communiquant joie et sagesse est due à leur générosité vertueuse.
14La générosité est pour Spinoza la capacité de transformer les autres en exerçant sa propre sagesse joyeuse, une capacité qui suit nécessairement de la vertu. Spinoza observe que « puisque parmi les choses singulières nous ne connaissons rien de plus excellent qu’un homme conduit par la Raison, nul ne peut mieux montrer ce qu’il vaut par son art comme par sa complexion qu’en éduquant des hommes jusqu’à les amener enfin à vivre sous l’empire de leur propre Raison32 ». Comme souvent, les remarques de Spinoza admettent aussi le contraire, envisagé immédiatement après : les hommes peuvent être méchants, peuvent s’affronter violemment, et sont plus dangereux que les autres individus de la nature. Spinoza poursuit : « Les cœurs, pourtant, sont vaincus non par les armes, mais par l’amour et par la générosité33. » Il remarque ensuite l’utilité suprême de l’amitié, mais avertit que « l’art et la vigilance » (ars et vigilantia) y sont nécessaires. La valeur de la raison apparaît ainsi dans la puissance généreuse de la sociabilité, art pratique de produire et de renforcer les amitiés en guidant les autres vers l’accès à leur propre raison.
15Lorsque quelqu’un agit pour renforcer le concours des puissances de ceux qui l’entourent, cela doit être compris comme quelque chose qui suit de sa nature, même si cela ne peut être attribué à l’activité exclusive d’un individu. Observons avec Balibar que, lorsque Spinoza élabore sa définition du conatus comme « essence actuelle » de chaque chose, il écrit :
Une fois donnée l’essence d’une chose quelconque, certaines choses en suivent nécessairement, et les choses ne peuvent que ce qui suit nécessairement de leur nature déterminée. C’est pourquoi la puissance d’une chose quelconque, autrement dit l’effort par lequel, seule ou avec d’autres, elle agit ou s’efforce d’agir n’est rien d’autre que l’essence actuelle – de cette même chose34 (E III, 7 d).
16Spinoza définit l’essence d’une chose actuelle non seulement par ce qu’elle accomplit indépendamment, mais aussi par ce qui en résulte moyennant son concours avec d’autres. Cela suggère que « notre nature » n’est pas limitée à ce que nous considérons habituellement comme notre individualité anthropomorphique. En outre, ce qui peut être compris « par les seules lois de notre nature » n’est pas ce dont nous pouvons être considéré comme le seul auteur. Je ne pense pas que les lois de notre nature indiquent quelque chose comme une nature humaine donnée, capable de volonté libre ou de raisonnement. Mais elles désignent bien des capacités de penser et d’agir qui sont caractéristiques de ceux qui sont « comme nous », et, plus nous pouvons engendrer de compatibilités, plus nous pouvons produire de régularités locales ou de lois susceptibles de produire la fortitude. La générosité est, selon moi, ce pouvoir d’engendrer de la convenientia, de telle sorte que le champ de ce qui suit de notre nature s’en trouve étendu. La liberté en tant qu’activité nécessaire – plutôt que faculté donnée – implique l’harmonisation et la coordination de puissances différentes. Définir la générosité, c’est donner l’une des descriptions du savoir-faire par lequel communauté et convenientia sont portées à l’être.
La générosité militante
17Nous associons aujourd’hui la générosité avec la bienveillance, l’altruisme et les actes surérogatoires. Plusieurs des affects que Spinoza associe à la fortitudo suggèrent eux aussi le renoncement et la retenue plutôt que la vitalité et la puissance. Les sous-espèces du courage et de la générosité – la sobriété, la modération, la modestie et la chasteté – ne sont pas ce que nous associons habituellement avec la réalisation de soi35. Malgré la tonalité chrétienne du discours qui fait de la modestie et de la chasteté des expressions de la puissance de l’âme, l’éthique de Spinoza ne présente pas la liberté comme une forteresse spirituelle, comme la capacité de se déprendre des trivialités de la vie en ce monde, ou comme la volonté déterminée de se retirer en soi-même. Spinoza ne me semble pas défendre la maxime de la morale provisoire de Descartes qui recommande, en l’absence de certitude sur ce qu’il convient de faire, de tâcher de se vaincre soi-même plutôt que la fortune36. Ou mieux, Spinoza recommande que nous fassions porter nos efforts sur les forces de la fortune de manière à nous les approprier. Sa conception de la générosité et des affects qui en découlent, modestia et clementia, implique à mon avis sa position activiste à l’égard de la fortune. Nous verrons encore que la liberté, en tant que puissance sociale, met en question les limites entre les puissances que nous attribuons aux autres et celles que nous pouvons à bon droit considérer comme nôtres.
18Spinoza définit la modestia comme « le désir de faire ce qui plaît aux hommes et de ne pas faire ce qui leur déplaît37 ». La modestie est une espèce d’ambition, laquelle est définie de la même manière, mais n’est pas, en général, guidée par la raison38. L’ambition nous pousse souvent à plaire aux autres en les impressionnant, en nous distinguant et en nous efforçant de montrer notre supériorité. Pourtant, le désir d’être pour les autres une source de joie, lorsqu’il est guidé par la raison, exprime la force parce qu’il implique « l’adresse et le tempérament » qui produisent une augmentation durable de leur puissance de penser et d’agir. Plutôt que de produire brièvement la joie par un acte spectaculaire, comme on pourrait y être incité par l’ambition ordinaire, la modestia produit la joie chez les autres en leur donnant un plaisir plus durable et plus complet, comme par exemple la capacité d’identifier les plantes, d’interpréter un texte, ou de se considérer comme un exemple de perfection. La modestia, même si elle n’est pas exactement ce que nous entendons aujourd’hui par « modestie », diffère de l’ambition parce qu’elle n’implique pas de faire étalage de notre distinction héroïque39. La modestia consiste à l’inverse à goûter avec d’autres les biens qui font d’autant plus plaisir qu’ils sont plus partagés40.
19Mais parce que, comme Spinoza le déplore fréquemment, il arrive souvent dans la vie sociale que les autres nous nuisent, nous avons besoin, pour continuer à être déterminés par des affects actifs plutôt que par des passions tristes, de clementia. Nous avons besoin de cette force de caractère qui nous rend capables de « supporter sereinement leurs offenses et cultiver avec zèle ce qui sert à entretenir concorde et amitié41 ». Si nous gardons présent à l’esprit que « les hommes agissent, comme toutes les autres choses, par une nécessité de nature : alors une offense, ou la haine qui a coutume d’en naître, occupera la plus petite part de notre imagination et sera aisément surmontée42 ». Alors que Descartes soutient que la générosité nous dispose à interpréter les actes d’autrui comme suivant de sa volonté libre, Spinoza déclare qu’en imaginant autrui comme déterminé par la nécessité, nous pouvons espérer être délivrés de la haine, de l’envie, des sarcasmes et autres passions tristes43. La clementia est une puissance de l’esprit parce qu’elle repose sur la compréhension des hommes, y compris de soi, « tels qu’ils sont » et non « tels que [l’on] aimerait les voir44 ». En percevant le réseau causal complexe à l’intérieur duquel les humains agissent, nous sommes libérés du malheur d’une vie envahie par la haine et la vindicte45. Le pardon, ou la clémence, exprime ainsi la force de l’âme plutôt que l’abandon du désir de l’individu. Il implique directement la force de l’esprit parce que notre tranquillité nous permet de nous comprendre, nous-mêmes et les autres, plus adéquatement. Et dans la mesure où il nous rend capable de nous concentrer sur les moyens d’engendrer l’amitié plutôt que sur ceux de satisfaire notre désir de vengeance, il renforce le véritable fondement de notre puissance de penser et d’agir : la sociabilité.
20Spinoza oppose constamment au désir de représailles, de vengeance et de guerre, la générosité46. La générosité est la manière alternative, non-belliqueuse, dont nous pouvons vaincre les forces hostiles. Toutefois, lorsque Spinoza déclare qu’à la haine d’autrui, nous ne devons pas répondre par la haine, mais que nous devons la « vaincre » par l’amour et la générosité, il emploie un langage martial. La générosité implique d’interrompre activement et de surmonter par une force supérieure la violence de l’antagonisme social. Comme l’écrit Spinoza,
celui qui s’applique à vaincre la haine par l’amour combat avec joie et sûreté ; il résiste aussi facilement à un homme qu’à plusieurs et n’a guère besoin de l’aide de la fortune. Ceux qu’il vainc lui cèdent avec joie, non certes par une défaillance mais par un accroissement de leurs forces (E IV, 46 sc.).
21La générosité est essentiellement ce pouvoir de transformer ceux qui nous haïssent en personnes qui nous aiment, de renverser les forces hostiles pour en faire nos propres armes. Plus proche du Prince de Machiavel que de Jésus-Christ47, la générosité spinozienne n’est pas une largesse spirituelle qui s’en remet humblement au jugement de Dieu. Elle lutte activement contre les forces de la haine pour produire de nouvelles harmonies de puissance partagée, de plaisir et de savoir.
22La générosité signifie la force plutôt que la faiblesse, la puissance plutôt que le besoin, si nous pensons aux remarques de Spinoza selon lesquelles, dans un environnement hostile, il est très difficile de résister au désir de réagir avec haine ou cruauté48. S’attacher les autres n’a pas pour seul but de pouvoir s’atteler à plusieurs aux tâches auxquelles un seul ne peut suffire. Le but est avant tout de répondre à l’adversité par l’amour plutôt que par la faiblesse. Nous attacher les autres, en particulier ceux qui provoquent en nous d’intenses passions tristes, exige une âme et un corps puissants, un mode d’être qui ne soit pas facilement troublé, mis à mal ou anéanti par un traumatisme. Les généreux, au contraire, communiquent si puissamment la joie et le désir que, au lieu qu’ils imitent la haine des autres, ce sont ces autres qui les imitent et leur cèdent joyeusement. Parce que leur hostilité cède à l’admiration, ceux qui auraient pu être des ennemis deviennent des amis49. La générosité instaure des rapports de convenance (convenientia) là où ils n’existaient pas auparavant. L’âme forte exerce la générosité lorsque, plutôt que d’être changée par l’adversité, elle la surmonte par la joie qui émane d’elle. En triomphant des affects hostiles des autres, la générosité modeste rompt l’enchaînement des luttes pour la domination par un effort commun qui tend au partage de la puissance et de la joie. Seules une grande vertu et une grande puissance peuvent imposer un ordre nouveau non seulement à notre vision de la fortune, mais à la fortune elle-même.
Bibliographie
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10.1080/00455091.1978.10717081 :– , Éthique, trad. par Pierre-François Moreau dans Œuvres, vol. 4, Paris, PUF, à paraître.
Notes de bas de page
1 Daniel Garber, « Dr. Fischelson’s Dilemma : Spinoza on Freedom and Sociability », dans Yirmiyahu Yovel, Gideon Segal, Spinoza on Reason and « The Free Man », New York, Little Room Press, 1994.
2 TP II, 15 ; nous citons cette œuvre dans la traduction de Pierre-François Moreau, Tractatus politicus/Traité politique, Paris, Répliques, 1979, p. 27.
3 TP VI, 1.
4 E IV, 35 sc.
5 TTP V, 7.
6 E IV, 37.
7 Par exemple en E IV, 18, E IV, 35, E IV, 37.
8 D. Garber, « Dr. Fischelson’s Dilemma… », op. cit., 191.
9 E III, 59 sc.
10 E IV, 46 et E V, 10 sc.
11 E IV, déf. 8.
12 E II, 47.
13 E III, déf.1.
14 D. Garber, « Dr. Fischelson’s Dilemma… », op. cit., p. 204. Je m’accorde sur ce point avec l’interprétation de Matthew Homan dans « Rehumanizing Spinoza’s Free Man », dans U. Goldenbaum, Ch. Kluz (dir.), Doing without Free Will, Lexington, Lexington University Press, 2015.
15 D. Garber, « Dr. Fischelson’s Dilemma… », op. cit., p. 195.
16 E V, 39 sc.
17 E IV, 4.
18 Ce dernier point fait l’objet de vifs débats : la thèse de Spinoza est-elle que l’homme tend à renforcer sa nature singulière, ou la « nature humaine » en tant que telle ? Il affirme à mon sens – même s’il ne m’est pas possible de justifier ici cette interprétation – que chaque mode humain est doté d’une tendance singulière, ou essence, et qu’il n’y a pas dans la nature d’essence commune que l’on puisse dire « humaine ». Nous avons en commun des propriétés auxquelles correspondent des notions communes, non des essences (E II, 37).
19 E III, 59.
20 E III, déf. 2.
21 E III, 59 sc.
22 E III, 9 d.
23 E III, 59 sc.
24 E IV, 38.
25 E II, 14.
26 C. Jaquet, « La fortitude cachée et les affects actifs de fermeté et générosité », dans C. Jaquet, P. Sévérac, A. Suhamy (dir.), Fortitude et Servitude. Lectures de l’Éthique IV de Spinoza, Paris, Éditions Kimé, 2003.
27 R. Descartes, Les passions de l’âme, art. 153.
28 Ibid., art. 152.
29 E I, 28.
30 Pour une analyse intéressante et subtile qui diffère de la mienne, voir Jean-Marie Beyssade, « VIX (Éthique IV appendice chapitre 7) ou peut-on se sauver tout seul ? », Revue de Métaphysique et de Morale, 99/4, 1994, p. 493-503.
31 E III, 27. La liberté dépend de notre degré d’activité, mais cette activité ne doit pas être comprise seulement comme notre capacité d’affecter autrui tout en évitant d’être nous-mêmes affectés, mais aussi comme notre capacité à apporter un concours aux autres. Il arrive que nous le fassions, ou que nous nous joignions à eux par hasard. Spinoza remarque ainsi dans une lettre : « Parmi les choses qui sont hors de mon pouvoir, aucune ne m’est plus précieuse que l’amitié conclue avec des personnes qui aiment sincèrement la vérité » (Ep. 19). L’amitié est présentée ici comme dépendante du hasard, comme quelque chose de profondément bénéfique qui échappe à notre contrôle. Mais la définition de la générosité comme désir rationnel de s’attacher autrui par un lien d’amitié suggère que la sociabilité animée d’un amour commun pour la sagesse peut être due à la générosité de nos amis sages. Peut-être l’estime évoquée ici a-t-elle pour objet la capacité de former une communauté ou accord (convenientia) que Spinoza a parfois eu la chance de trouver chez d’autres.
32 E IV, app. 9.
33 E IV, app. 11.
34 Souligné par Étienne Balibar dans Spinoza : From Individuality to Transindividuality, Delft, Eburon, 1997, p. 21.
35 L’idée de la liberté comme renoncement n’est pas particulièrement paradoxale dans un modèle dualiste, comme celui de Descartes, pour qui la vertu résulte de la discipline imposée au corps selon les exigences de la raison. Voir le commentaire de Pierre Macherey : « Et si la morale pouvait être traitée ainsi, comme une pure question de volonté, elle s’enfermerait du même coup dans le paradoxe d’une liberté qui serait une manipulation, donc un asservissement, ou la subordination à un ordre extérieur, au lieu d’être la réalisation naturelle d’une puissance qui se libère en libérant tout ce qu’il est en elle de faire, en tant que cause déterminée à produire des effets qui soient naturellement ses propres effets » (Introduction à l’Éthique de Spinoza. La cinquième partie : les voies de la libération, Paris, PUF, 1997, p. 35-36).
36 Descartes, Discours de la méthode (AT, VI, p. 25).
37 E IV, déf. aff. 43.
38 E III, déf. aff. 44.
39 E III, 59 sc. Dans un article stimulant, Julie Cooper cite ce passage à l’appui de la thèse que Spinoza défend la puissance que donnerait l’anonymat (« Freedom of Speech and Philosophical Citizenship in Spinoza’s Theological-Political Treatise », Law, Culture, and the Humanities, 2/1, 2006, p. 91114.
40 Spinoza cite la connaissance de Dieu ou de la Nature comme exemple de bien qui augmente au lieu de diminuer lorsque tous en jouissent. Il évoque également le théâtre, les odeurs agréables, et différents mets comme faisant partie de la vie du sage (E IV, 45 sc.).
41 E IV, app. 14.
42 E IV, 10 s.
43 Par exemple en E II, 49 s et E IV, 37 s1.
44 TP I, 1.
45 E IV, 46 s.
46 Par exemple : « Les cœurs, pourtant, sont vaincus non par les armes, mais par l’amour et par la générosité » (E IV, app. 11).
47 Pierre Macherey oppose lui aussi la générosité spinozienne à l’injonction de « présenter l’autre joue » (Introduction à l’Éthique de Spinoza. La quatrième partie, Paris, PUF, 1998, p. 273). Matthew Kisner, en revanche, interprète E4p46 dans le sens de la morale chrétienne (Spinoza on Human Freedom : Reason, Autonomy, and the Good Life, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 205). Si nous pensons au christianisme militant de Martin Luther King Jr., qui associe amour et langage martial, les mots de Spinoza ne sont peut-être pas si éloignés. Voir le discours de King « L’Épée qui apaise ».
48 E IV, app. 7.
49 E IV, 35 sc.
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