Fragments de vies de cailles antiques. Une enquête éthohistorique
p. 227-240
Texte intégral
1Cette étude réalisée, pour la Grèce ancienne et l’Italie romaine, par un historien de l’Antiquité et une éthologue est le fruit d’une de ces collaborations scientifiques que permet la diffusion électronique de la recherche1. L’éthologue, dans cette histoire, est la véritable spécialiste des cailles2. C’est elle dont le nom est ressorti en premier sur le web le jour où un historien de l’Antiquité a ressenti le besoin de se faire conseiller pour mieux comprendre des textes grecs et latins sur ces oiseaux, textes qui semblaient contenir beaucoup de remarques relevant du merveilleux. Ces paradoxa sont toujours difficiles à utiliser. Soit on les lit comme de purs récits merveilleux et, dans ce cas, le réflexe est de leur appliquer les grilles d’explication de l’anthropologie historique, soit on se demande s’ils ne révèleraient pas des observations qui pourraient faire sens pour la connaissance des animaux réels : c’est lorsqu’on emprunte ce chemin qu’une collaboration avec l’éthologie devient indispensable. Encore faut-il trouver une partenaire scientifique qui accepte de consacrer du temps à un savoir vieux de parfois plus de deux millénaires. L’éthologue a trouvé à son tour l’idée intrigante et passionnante, et vu dans cette collaboration une source nouvelle d’enrichissement des connaissances sur son propre modèle de recherche.
2Disons-le : c’est ce qui s’est produit ici, pour un oiseau, la caille (Coturnix coturnix L), qui est le plus petit des galliformes d’Eurasie et le seul de cette famille à migrer sur de longues distances. Les cailles appartiennent à deux sous-espèces : la caille des blés (Coturnix coturnix coturnix, appelée aussi caille européenne), présente notamment en Europe et qui est un oiseau sauvage et migrateur d’une part, et la caille du Japon (Coturnix coturnix japonica), présente en Asie d’autre part. La caille des blés et la caille japonaise sont deux sous-espèces qui se différencient éthologiquement par leur chant3. La caille du Japon a été domestiquée en Asie orientale au xie siècle de notre ère pour son chant. L’exploitation de l’animal pour sa viande et ses œufs n’a pris son essor qu’au xxe siècle4 et a conduit à une augmentation notable de la taille des individus, qui en fait désormais un critère de distinction d’avec la caille des blés. Les élevages de cailles présents actuellement en Europe et en Amérique n’utilisent que la caille du Japon5 mais rien ne semble exclure que la caille des blés ait pu être domestiquée. L’introduction de la caille du Japon en Europe a eu pour conséquence l’apparition d’hybrides sur les aires de reproduction naturelles6.
3La caille des Grecs et des Romains était donc la caille des blés. Les observations anatomiques et éthologiques transmises par les sources (comme Aristote dans l’Histoire des animaux, vers 330 av. J.-C.) frappent par leur précision ; elles sont en partie d’origine cynégétique et s’expliquent par la facilité que les Anciens avaient à observer un oiseau alors très fréquent et dont les migrations étaient remarquées. D’autres textes, comme l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (ier siècle ap. J.-C.), complètent nos informations. Il est en revanche peu question des cailles dans les traités latins d’agriculture, ce qui suggère que leur élevage est demeuré un fait marginal et très incertain. Varron (ier siècle ap. J.-C.), le seul de ces auteurs à développer un passage au sujet des cailles, ne ne parle que des migrations. Il n’y a rien dans Columelle (ier siècle ap. J.-C.), alors qu’il s’intéresse beaucoup aux élevages du monde romain à son époque.
4L’ensemble de la documentation forme donc un corpus de sources certes réduit, mais cohérent et qui fait en outre ressortir des traitements un peu surprenants que les hommes pouvaient imposer aux cailles, les combats7, fondés sur l’exploitation de certains traits éthologiques de cette espèce8. Ce corpus comporte aussi des remarques sur la migration des cailles des blés. Tout cela laisse la place à une collaboration histoire-éthologie où l’on pressent que chaque discipline peut avoir quelque chose à glaner, autour d’un objet de recherche commun, une espèce animale dont on s’efforce d’aborder des morceaux de vécu.
La migration
5Les données éthologiques ont bien établi les itinéraires de migration (fig. 1). Elles montrent de larges « couloirs » de migration à travers la Méditerranée dont l’un passe au-dessus de la péninsule italienne (voie 2). Les passages au-dessus de l’Égée sont en bordure d’une grande voie qui survole l’Anatolie (voie 3). Les cailles passent deux fois par an, puisqu’elles hivernent en Afrique où elles sont en repos sexuel et forment de grands groupes sociaux. Au printemps, elles migrent en groupes unisexes ; les mâles arrivent en premier sur les aires de reproduction, les femelles ensuite. Elles estivent et se reproduisent dans une bonne partie de l’Europe, y compris méditerranéenne, et dans le Maghreb.
6Les auteurs anciens étaient bien conscients du phénomène9 et ont constaté, tel Aristote, que certaines cailles hivernent en Grèce ou en Italie : « Les cailles s’en vont aussi : cependant un certain nombre de tourterelles et de cailles demeurent dans les endroits bien ensoleillés10. » Ils ignoraient en revanche où se trouvent les zones d’hivernage. Dans les représentations culturelles, la migration des cailles est un fait tellement associé à cet oiseau qu’elle fonde certaines valeurs symboliques : dans le traité d’interprétation des rêves d’Artémidore de Daldis, au iie siècle ap. J.-C., la caille annonce ainsi à ceux qui les élèvent des nouvelles que l’on recevra d’outre-mer11.
7L’éthologie montre qu’au moment de migrer certains comportements des cailles changent. Même des cailles en cage cherchent à s’envoler. Le reste du temps, elles vivent paisiblement à terre. Les textes gréco-latins soulignent d’autres comportements de migration, comme l’utilisation des vents porteurs. Aristote écrit :
Quand les cailles arrivent, si le temps est calme ou que le vent souffle du nord, elles vont deux par deux et marchent ; si au contraire le vent est du sud, elles sont en difficulté parce que ces oiseaux ne sont pas de bons voiliers : en effet le vent du sud est humide et lourd12.
8Ce type de remarque est récurrent dans les textes antiques et n’a pas fait l’objet d’observations éthologiques spécifiques.
9Le vol de migration couvre de longues distances. Il exploite les muscles pectoraux puissants des oiseaux. Le reste du temps, les cailles n’ont pas l’occasion de voler aussi longtemps et aussi loin. Ce vol bas est bien noté par Pline. Comme pour beaucoup d’autres oiseaux, le vol de migration est nocturne et impose des étapes de jour13. En Grèce et en Italie, les îles en sont souvent le cadre. Dans les Cyclades, l’ancien nom de Rhénée passé ensuite à Délos, Ortygie, « l’île aux cailles », avait été lié aux cailles (ortyges) qui s’y arrêtaient14, mais le témoignage le plus net de ce phénomène se trouve dans le traité d’agriculture de Varron à propos d’îles au large de la côte occidentale de l’Italie : « C’est ce qu’on peut observer dans les îles peu éloignées, les îles Pontines, Palmaria et Pandateria. Là, les oiseaux restent quelques jours pour se reposer et ils font de même en rentrant d’Italie par-dessus la mer15. » Pline signale aussi que des troupes de cailles en migration s’abattent en grand nombre sur les navires au point de risquer de les couler, ce que le pseudo-Dionysios des Ixeutiques confirme : elles « se brisent souvent contre les mâts des navires et se font ainsi capturer par les marins16 ». Si le risque de naufrage est peut-être exagéré, le phénomène, qui a encore pu être observé au xxe siècle par des navigateurs, s’explique par le vol bas de migration. Ces histoires incitent à se demander si les cailles ne seraient pas contraintes à ce comportement en raison du dérèglement des vents sur lesquels elles comptaient : un événement semblable, survenu en septembre 1962 en Égée, intervient pendant un gros orage17. Les textes gréco-latins insistent aussi sur la présence d’oiseaux conducteurs et accompagnateurs appartenant à d’autres espèces au moment de la migration d’automne, comme le râle des genêts (l’ortygomêtra en grec, soit « la mère des cailles », Crex crex). Le fait est répété avec insistance et figure déjà dans Aristote18. Nous y reviendrons.
10La migration en groupe, deux fois par an, est un moment particulièrement dangereux. Les risques de ce voyage sont soulignés par leur transfert à toute personne rêvant de cailles. Artémidore écrit que les cailles vues en rêve « sont mauvaises pour le voyage, car elles annoncent tromperies, embûches et attaques de brigands, car elles aussi, c’est quand elles reviennent de migration qu’elles tombent sur ceux qui veulent les chasser19. » Un premier danger vient des prédateurs. Les textes gréco-romains évoquent les éperviers ou les faucons qui attaquent les cailles à l’arrivée de la migration lorsqu’elles se rassemblent pour partir20. Le risque majeur est lié à la chasse, largement pratiquée au moment des migrations et qui permettait de constituer d’abondantes réserves de nourriture21. Cette chasse doit avoir lieu de nuit, puisque c’est de nuit que se produisent les vols de migration22. Les chasseurs utilisent aussi le besoin qu’ont les cailles de vents portants pour les attendre23. Les dangers prennent la forme de filets tendus24. Le texte antique le plus clair sur ces procédés de chasse au moment des migrations concerne l’Égypte, donc une zone hors du monde grec, et se trouve dans Diodore, à propos de la population habitant la côte méditerranéenne près de Rhinocoloure (Al-Arish) :
Par exemple, en coupant des roseaux dans le voisinage et en les fendant, ils fabriquaient de grands réseaux, puis les tendaient le long du rivage sur une grande distance de plusieurs stades et traquaient les cailles. Celles-ci en effet arrivent de la mer en assez grandes troupes. Les chassant ainsi, ils en prenaient une quantité suffisante pour assurer leur subsistance25.
11Le texte évoque des pratiques qui s’observent encore dans le delta du Nil et sur la côte sinaïtique, où la chasse se fait avec de grands filets rasants tendus sur la plage qui interceptent le vol bas des cailles à l’arrivée sur le continent26.
Un été grec
12Certaines cailles estivent en Grèce et en Italie, tandis que d’autres remontent plus au nord de l’Europe. Pendant l’été, ces oiseaux nichent au sol, ce que les textes gréco-romains soulignent27. Les cailles s’installent dans des milieux herbeux comme les champs, cultivés ou non. Là, elles trouvent à s’alimenter de graines, d’herbes et d’invertébrés. Leur plumage formé d’un dos brun flammé de noir et de blanc leur permet de se cacher en cas de danger. Le dimorphisme sexuel est faible, visible seulement au niveau de la gorge, mais observé des Anciens28. Elles prennent des bains de poussière, ce qui a été aussi observé29.
13Pendant l’été, elles sont à nouveau exposées aux prédateurs. En France, aujourd’hui, les rapaces diurnes (busard des roseaux, épervier) sont les principaux à s’attaquer à elles. Athénée évoque un épervier qui s’en prend à une caille nichant30. Lors de ces attaques, le réflexe des cailles n’est pas systématiquement de s’envoler mais souvent de se plaquer au sol et de se mettre dans une situation catatonique qui peut être perçue comme de l’épilepsie : ce serait l’explication éthologique à un passage de Pline qui écrit que les cailles sont avec les hommes les seuls animaux atteints de l’épilepsie31. Il y a donc une forme particulière de réactivité émotionnelle, plus ou moins forte selon les individus32. Le développement de cette émotivité est autant lié à une sélection génétique qu’à la façon dont certaines cailles ont été peu ou pas maternées.
14Tout l’été est une période de reproduction. Les mâles ne tolèrent pas la proximité d’autres mâles quand ils sont matures sexuellement, d’où leur agressivité entre eux. Afin d’éviter les contacts, ils gardent leurs distances vocalement, en chantant33. Les chants sont émis avant le lever du soleil lors d’un chorus matinal, et dans une moindre mesure au crépuscule34. Les mâles ont une haute posture de chant typique (comme un coq qui chante), qui leur permet d’émettre un cri puissant (90 décibels)35. Pour les mâles non appariés, le chant sert principalement à attirer les femelles. Celles-ci répondent vocalement par un cri d’appel. Une fois le couple apparié, mâle et femelle restent ensemble le temps de la construction du nid et de la ponte. Dans ce nid fait au sol et qu’elle recouvre de brindilles selon Aristote36, la femelle pond entre cinq et douze œufs, un œuf par jour, puis la femelle rejette le mâle et incube seule pendant dix-sept jours37. Aristote compare, pour ce comportement, les cailles aux perdrix, ajoutant que les mâles expulsés – chez les perdrix – sont appelés les « veufs » (chêroi)38. À partir du dernier jour de ponte, les œufs éclosent de manière synchronisée. Ce sont des oiseaux nidifuges, c’est-à-dire qu’à l’éclosion les petits sont déjà capables de se déplacer et de manger seuls. La mère leur apprend comment s’alimenter et les protège.
15Les risques liés à la chasse continuent pendant l’été. Les appeaux sonores des chasseurs font croire à des cris d’appel de femelles et de mâles39. On emploie à nouveau les filets. Aristote écrit : « Les perdrix et les cailles ont un violent penchant pour l’amour, au point qu’elles se jettent sur les oiseaux placés comme appelants40 et souvent se posent sur leur tête41. » Les pratiques de chasse actuelles sont bien documentées, notamment l’emploi de filets rasants42. L’emploi de miroirs est mentionné par Athénée :
Cléarque de Soloi rapporte quelque chose de particulier concernant la chasse des cailles, dans ce qu’il a écrit sur ce que Platon a dit en géomètre dans sa République : « Si, lorsque les cailles s’accouplent, on leur présente un miroir devant lequel on ait mis un collet, elles courent vers l’oiseau qu’elles voient dans le miroir, et tombent dans le piège »43.
La caille dans la main de l’homme
16Si les Grecs et les Romains chassaient la caille, c’était en partie pour la consommer. De fait, leur passage en masse au moment des migrations offre une aubaine, dont le cas le plus célèbre figure dans l’Exode, au moment où les Hébreux traversent le Sinaï : celles qui passent un soir offrent l’opportunité inespérée de se nourrir de viande que vient le lendemain matin compléter la manne divine44. Les Grecs mangeaient eux aussi des cailles, parfois en grande quantité, comme l’évoque le médecin Galien à propos de la Grèce centrale et de l’Attique45. La chair des cailles est rarement décrite comme agréable et, à la médiocre évaluation de cette viande qui devait être un peu sèche, surtout quand les cailles étaient consommées à leur arrivée en Europe, s’ajoutait la crainte du coturnisme, une intoxication attribuée à la possibilité qu’avaient les cailles de manger de l’hellébore sans en être incommodées46, mais que les hommes ne toléraient pas : par la chaîne alimentaire, certaines personnes ayant consommé une grande quantité de cailles pouvaient être ainsi intoxiquées47. Tout cela invite à chercher des motivations non alimentaires à cette chasse48. Au ive siècle av. J.-C., un texte de Platon dit que les chasseurs de caille (ortygothêrai) approvisionnent les éleveurs de cailles (ortygotrophoi), ce qui implique que les animaux soient capturés et gardés vivants49.
17De fait, les cailles font assez souvent figure d’animaux de compagnie en Grèce et à Rome. Elles apparaissent dans les listes de cadeaux érotiques aux jeunes garçons dès l’époque classique50. Ces oiseaux sont portés avec soi51, souvent sous l’aisselle52, où, en situation de contention, ils ne peuvent s’échapper. Cela pose des problèmes : comment des cailles acceptent-elles ce sort ? Leur réflexe devait être de s’échapper, ce que fait celle qu’Alcibiade portait sous son manteau et qui s’envole en pleine réunion de l’assemblée du peuple sur la Pnyx. L’oiseau a pris peur en entendant le peuple applaudir après le vote d’une décision :
Le peuple applaudit et poussa des cris de joie, si bien qu’Alcibiade oublia la caille qu’il tenait sous son manteau. Celle-ci, effrayée, s’échappa. Là-dessus, les Athéniens redoublèrent leurs cris et beaucoup se levèrent pour s’élancer à la poursuite de l’oiseau53.
18À la maison, il devait être difficile de ne pas tenir ces animaux en cage, et de manière isolée si c’étaient des mâles. Au moment de la migration, ces cailles cherchaient certainement à s’envoler, au risque de se fracasser la tête contre le haut de la cage : c’est encore ce qui se produit avec les cailles des blés en captivité. Tout cela pose une série de questions sur le statut de ces oiseaux : sont-ils déjà domestiques ? S’agit-il de cailles apprivoisées ? Auquel cas, la capture d’individus juvéniles permettait peut-être d’avoir des animaux moins effrayés par la présence humaine et dont l’agitation migratoire était modérée.
19Surtout, les sources gréco-latines mentionnent une utilisation ludiques des cailles. Ces usages exploitent le comportement des animaux et nourrissent ce que certains textes appellent la manie des cailles, l’ortygomania54. Une de ces pratiques, le combat de cailles, est connue et présente des parallèles, comme en Chine, notamment dans la région de Canton55, en Asie centrale et peut-être même dans l’Italie de l’âge baroque56 ; partout ces combats s’accompagnent de paris. L’autre pratique, avec laquelle nous allons commencer, l’ortygokopia, est beaucoup plus étrange.
20Elle est attestée dès le ve siècle av. J.-C.57 mais ses règles ne sont expliquées que par un texte beaucoup plus tardif du lexicographe Pollux au début du iiie siècle ap. J.-C. :
On l’utilisait [un plateau ; cf. ci-dessous] aussi pour y disposer une caille, et un joueur la frappait de l’index à plusieurs reprises ou lui tirait les plumes de la tête ; et si la caille restait fermement à sa place, la victoire lui revenait ainsi qu’à son éleveur ; si elle se laissait fléchir et prenait la fuite, c’est celui qui l’avait frappée ou lui avait tiré des plumes qui était vainqueur. On guérissait les cailles vaincues en poussant de grands cris près de leur oreille, en reproduisant le cri d’une caille victorieuse. Cette façon de crier se dit entrylizein58.
21La dernière partie du texte pose un problème particulier auquel il est peut-être possible d’apporter une solution, mais l’ensemble de cette pratique doit reposer sur la tendance de la caille attaquée depuis le ciel à se mettre en catatonie lorsqu’elle est en situation d’agressée : dans ce cas, le gagnant serait le propriétaire de la caille la moins réactive, donc la plus émotive. Le fait de la poser de la main sur le plateau de jeu pouvait déjà induire le comportement catatonique, car on voit mal alors pourquoi l’animal n’aurait pas cherché à s’envoler. La méthode consistant à tirer les plumes peut s’expliquer comme une possibilité de faire réagir l’oiseau. Une caille change toutes ses plumes lorsqu’elle se trouve en période de mue postnuptiale (automne), et celle de la tête tombent aussi en phase de mue prénuptiale (printemps), mais, sinon, ce devait être une action très douloureuse. La partie du corps qui est visée par les joueurs est la tête, peut-être par reproduction du geste d’agression par un prédateur. Par ailleurs, il paraît difficile qu’une caille ait accepté de subir plusieurs fois ce sort sans déduire de la première fois qu’il lui était possible de partir. On voit donc mal comment le même oiseau aurait pu être soumis de manière répétée à cette épreuve de l’ortygokopia.
22Les combats de caille reposent sur des explications éthologiques solides. Ils ne peuvent voir s’affronter que des mâles en période de reproduction que l’on met face à face alors qu’ils tendent à demeurer éloignés. Ces combats sont du reste moins violents que les combats de coqs, la caille étant dépourvue d’ergots ; la caille vaincue abandonnait sans doute le plus souvent le terrain encore vivante, alors que les coqs se battaient souvent jusqu’à la mort59. Il est du reste plus facile pour les Grecs de penser la caille comme oiseau combattant, car le zoonyme ortyx est masculin et la caille est donc genrée plutôt du côté masculin. Il est probable que les combats ont déjà été pratiqués dans la Grèce classique (ve-ive siècles ap. J.-C.). Lucien est l’auteur du passage le plus clair en ce sens60, mais son texte date du iie siècle ap. J.-C. Platon évoque des « petits oiseaux » qu’on utilise pour les faire combattre, mais ne nomme pas la caille explicitement, même si la suite de ce passage s’applique bien mieux aux cailles qu’à d’autres oiseaux61. Les textes sont plus clairs à propos de cette pratique dans un contexte romain et datent principalement du ier siècle av. J.-C. et du ier siècle ap. J.-C. Antoine et Octave auraient d’abord rivalisé sur ce plan62, et la même histoire est racontée pour Caracalla et Géta, annonçant les querelles qui allaient les opposer à la tête de l’empire63. On connaît aussi un haut fonctionnaire romain en poste en Égypte qui, par provocation, aurait décidé de se faire préparer pour la manger une caille qui avait remporté beaucoup de combats64. Il est possible que cette histoire traduise une pratique consistant à « terminer » une carrière de caille combattante quand la saison de la reproduction est passée65. Cela montre de toute façon que des mâles combattants affrontaient sans doute de nombreux duels dans leur « carrière » qui distinguaient progressivement des sortes de champions. Les dispositifs de spectacle dans lesquels les cailles étaient amenées à combattre sont évoqués par Pollux, dans le même passage cité plus haut : il écrit que les deux adversaires sont placés dans une sorte de plateau de boulanger (têlia artopôlis) qui n’est pas sans évoquer les enclos à rebord autour desquels les Chinois se rassemblaient lors de spectacles similaires66. Pour cette aire culturelle-là, du reste, John Gray explique que les oiseaux destinés au combat étaient assourdis en soufflant dans leur tympan au moyen d’un tube, le but étant de les rendre insensibles au bruit des spectateurs67. Cette remarque ramène au passage de Pollux où il est question de « soigner » les cailles en leur soufflant dans l’oreille, pratique qui s’appelait entrylizein en grec68. Le texte de Pollux étant émaillé de nombreuses fautes dues à une transmission médiocre, il est tentant de se demander s’il ne fait pas allusion à une pratique proche de celle que John Gray décrit pour la Chine. L’usage de paris est attesté dans l’Antiquité gréco-romaine69 : manifestement, tantôt le gagnant s’emparait de la caille de son adversaire, tantôt de la somme que ce dernier avait misée. Le spectacle et les cris des spectateurs créaient un environnement sonore particulièrement stressant pour les oiseaux expliquant la nécessité de les assourdir au préalable.
Le croisement disciplinaire : un bilan
23Pour un antiquisant, une première façon de collaborer avec un.e éthologue est de chercher à le faire dans un objectif de validation des informations transmises par les textes. Quel est l’état du savoir chez tel auteur ? On ne s’étonne pas, par exemple, de constater une fois de plus que les observations d’Aristote sont d’une grande justesse. Mais on ne peut se contenter d’une approche purement positiviste et téléologique de cette collaboration et la limiter à un objectif visant à marquer des étapes dans le progrès scientifique. Il apparaît parfois que des remarques trouvées dans des sources qui semblent relever de la paradoxographie peuvent être lues dans une perspective qui n’est pas uniquement culturelle mais aussi éthologique, et dissimuler des comportements réels d’animaux. La façon d’aborder la question de l’épilepsie des cailles va dans ce sens. Globalement, l’antiquisant est amené à relire autrement des textes comme La personnalité des animaux d’Élien, pendant longtemps perçu comme relevant du goût pour les merveilles plus que d’observations naturalistes.
24Dans un mouvement inverse, certaines remarques des textes antiques méritent d’être soumises aux éthologues. On pense aux nombreux textes qui, depuis Aristote au moins, font du râle des genêts un oiseau associé aux cailles au moment des migrations. L’information, souvent répétée dans nos textes, peut se fonder sur la simple ressemblance de cet oiseau avec la caille, et donc relever d’une pensée par analogie ; elle peut aussi s’expliquer parce que ces deux espèces étaient prises dans les mêmes filets de chasse, comme cela est constaté encore dans le Sinaï70 ; elle peut également dissimuler un fait éthologique non encore observé. C’est ainsi peu à peu une variété de comportements qui peut être mise en valeur et faire naître un dialogue entre chercheurs où chacun trouve matière à réfléchir dans ses propres perspectives et à avancer des hypothèses nouvelles qui intéressent en premier lieu sa discipline scientifique ou l’obligent à revoir des positions qui semblaient acquises.
25Les sources gréco-latines posent aussi un problème dont on peut dire qu’il relève d’une éthologie historique. Les éthologues ont constaté que seule la caille du Japon a été domestiquée et c’est de cette souche que viennent les cailles domestiques élevées actuellement dans le monde. Rien cependant ne s’oppose à ce que la caille des blés ait pu être domestiquée et, si elle ne l’a pas été, c’est pour des raisons culturelles.
26Pour un historien, des textes gréco-latins laissent toutefois envisager une domestication. Des cailles « nées à la maison » sont mentionnées déjà au ve siècle av. J.-C. (ortyges oikogeneis)71, ce qui pourrait indiquer une maîtrise de la reproduction. Artémidore parle aussi de ceux qui se plaisent à élever des cailles et, chez Aristote, il est question des cages pour les garder (ortygotropheia)72. Très tardivement, les Geoponica précisent quelle alimentation fournir : « On donne aux cailles du millet commun, du blé, de l’ivraie et de l’eau pure73. » D’autres textes insistent sur la difficulté qu’il y a à garder cet animal avec soi (Alexandros de Myndos au ier siècle av. J.-C. : « Elle est difficile à élever, et fort timide74 »). L’élevage de la caille des blés n’est de fait pas facile ; comme elle vole et migre, il faut des volières closes pour la garder. Chez les cailles du Japon, la domestication a permis de sélectionner des lignées qui ne ressentent plus le besoin de migrer. De plus, les oiseaux n’étant que peu sociaux une fois adultes, il faut les maintenir dans des cages différentes, par couple. Par ailleurs, on a noté le fait que les traités d’agriculture latins, notamment celui de Columelle, n’évoquent pas cet élevage. La question est donc : les Grecs et les Romains élevaient-ils les cailles, c’est-à-dire, en maîtrisaient-ils la reproduction ? Prélevaient-ils les oiseaux au moment de la migration ou en début de saison de reproduction pour les apprivoiser ? Ces tentatives de domestication, si elles ont eu lieu, ou, du moins, ces pratiques massives d’apprivoisement, peuvent avoir imposé aux individus des adaptations comportementales d’autant plus contraignantes qu’elles s’appliquaient à des oiseaux non encore domestiqués. Les migrations nocturnes aussi, sont-elles une donnée établie d’emblée, en réaction aux attaques de prédateurs, ou le résultat de chasses massives dont certaines sont attestées dans des textes anciens comme celui qui concerne le passage des Hébreux dans le Sinaï ou les captures par les Égyptiens à l’arrivée des cailles sur la côte méditerranéenne de l’Égypte75 ? L’archéozoologie n’apporte pour l’instant que peu de données, en partie parce que les restes d’oiseaux retiennent moins l’attention en fouille que ceux des mammifères. Quelques sites seulement dans la Méditerranée gréco-romaine ont livré des traces de la présence des cailles76.
27Les croisements disciplinaires, pour être complets, devraient aussi prendre en compte l’anthropologie, par exemple à propos des combats de cailles encore pratiqués, notamment en Afghanistan. Elle permettrait aussi de souligner une particularité de ce spectacle dans le monde gréco-romain : c’est d’abord une occupation propre aux adolescents, en particulier des couches les plus fortunées, alors qu’ailleurs, ce sont plutôt des adultes qui s’y livrent, comme en Afghanistan77. Une question à soulever est aussi celle de l’affect homme/animal. L’histoire du haut fonctionnaire romain qui consomme sa caille de combat est, a contrario, une preuve des liens que les éleveurs pouvaient développer à l’égard de certains de leurs oiseaux. Mais ces sentiments ne paraissent pas s’être développés dans un espace de partage interspécifique, comme avec les oiseaux chanteurs. Les contraintes subies par la caille dans son statut d’animal de compagnie ou de combat font largement douter du fait qu’elle avait la possibilité de développer une communication avec l’homme qui la détenait. En ce sens, la caille qui s’échappait du manteau d’Alcibiade est probablement révélatrice d’une situation de contrainte très forte.
Notes de bas de page
1 Les auteurs tiennent à remercier leurs collègues qui ont bien voulu relire leur texte, Hélène Normand, Marco Vespa et Kévin Bouchité. Pour les auteurs grecs et latins, sauf indication contraire, nous avons recours aux éditions et traductions de la Collection des universités de France (collection Budé), aux éditions Les Belles Lettres.
2 Sophie Lumineau a publié, en collaboration, plusieurs articles cités dans ce travail : « Stable Individual Profiles of Daily Timing of Migratory Restlessness in European Quail », Chronobiology International, 24, 2007, p. 253-267 ; Id., « Evidence for Introgressive Hybridization of Wild Common Quail (Coturnix coturnix) by Domesticated Japanese Quail (Coturnix japonica) in France », Conservation Genetics, 11, 2010, p. 1051-1062.
3 Il existe d’autres sous-espèces comme Coturnix coturnix conturbans, endémique dans les Açores.
4 Yoshimaro Yamashima, « Quail Breeding in Japan », Journal of Bombay Natural History Society, 58, 1961, p. 216-222.
5 Andrew D. Mills et al., « The Behavior of the Japanese or Domestic Quail Coturnix japonica », Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 21, 1997, p. 261-281.
6 Olympe Charaza et al., « Evidence for Introgressive Hybridization », art. cité.
7 L’antiquisant se tournera d’abord vers les classiques de l’histoire des animaux en général et des oiseaux en particulier : Otto Keller, Die antike Tierwelt, 2, Vögel, Reptilien, Fische, Insekten, Spinnentiere, Tausendfüssler, Krebstiere, Würmer, Weichtiere, Stachelhäuter, Schlauchtiere, Leipzig, Wilhelm Engelmann, 1913, p. 161-164 ; D’Arcy W. Thompson, A Glossary of Greek Birds, Londres/Oxford, Oxford University Press, 1936, p. 215-219 ; Geoffrey Arnott, Birds in the Ancient World from A to Z, New York, Routledge, 2007, p. 161-163 ; Sian Lewis, Lloyd Llewellyn-Jones, The Culture of Animals in Antiquity. A Sourcebook with Commentaries, New York, Routledge, 2018, p. 264-268.
8 Jean-Charles Guyomarc’h, « Caille des blés Coturnix coturnix », dans Guy Jarry, Dosithée Yeatman-Berthelot (éd.), Atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989, Paris, Société ornithologique de France et de la flore, 1994, p. 230-233 ; Josep Del Hoyo et al. (éd.), Handbook of the Birds of the World, 2, New World Vultures to Guinealfowl, Barcelone, Lynx, 1996, p. 508-509 ; Jean-Charles Guyomarc’h et al., « Coturnix coturnix Quail », Bird West and Palearctic, 2, 1998, p. 27-46.
9 Andrea Pilastro, « L’enigmatica migrazione della qualglia », dans Francesco Ghiretti et al. (éd.), Volatilia. Animali dell’aria nella storia della scienza da Aristotele ai giorni nostri, Naples, Procaccini, 1999, p. 195-201.
10 Aristote, Histoire des animaux, VIII, 12, 597b5-7. Actuellement, on a aussi constaté la présence permanente de cailles dans le Maghreb, voir Jean-Charles Guyomarc’h, « Elements for a Common Quail (Coturnix c. coturnix) Management Plan », Game and Wildlife Science, 20, 2003, p. 1-92.
11 Oneirokritika, III, 5, éd. par Roger Ambrose Pack, Leipzig, Teubner, 1963, p. 206. Dans le texte d’Artémidore, ces nouvelles sont désagréables à entendre et mauvaises. Cela peut être une appréciation sur le cri de la caille, mais fait aussi référence à l’idée d’attaques contre les voyageurs.
12 Aristote, Histoire des Animaux, VIII, 12 597a30-597b25 ; voir aussi Pline l’Ancien, Histoire naturelle, X, 65-66, ier siècle ap. J.-C.
13 Voir Sophie Lumineau, Catherine Guyomarc’h, « Circadian Rhythm of Activity during the Annual Cycle in the European Quail, Coturnix coturnix », Comptes rendus de l’Académie des sciences, sciences de la vie, 323, 2000, fig., p. 793-799 ; Aline Bertin et al., « Stable Individual Profiles of Daily Timing of Migratory Restlessness in European Quail », Chronobiology International, 24, 2007, p. 253-267.
14 Si le lien étymologique ortyges (cailles)/Ortygia est clair, les textes anciens retracent une histoire plus complexe. À l’époque archaïque (Hymne homérique à Apollon, 14-18), on distingue Délos (lieu de naissance d’Apollon) et Ortygie (lieu de naissance d’Artémis), mais, au iiie siècle av. J.-C., Callimaque (Hymne à Apollon, 59) fait d’Ortygie un simple nom de Délos, ce qui se trouve déjà chez un atthidographe, Phanodémos (au ive siècle ap. J.-C.,Athénée, Deipnosophistes, IX, 392d) qui faisait le lien avec les migrations des cailles. Voir aussi chez Lycophron, Alexandra, 401-402 ; Apollonios, Argonautiques, I, 419, 537 ; IV, 1705, tous les deux au iiie siècle av. J.-C. Il est donc possible que cette identification de Délos à Ortygie se soit cristallisée au cours de l’époque classique, à la place d’une autre, plus ancienne, où Ortygie aurait été un îlot proche de Délos, peut-être Rhénée (voir la localisation de Syros au nord-ouest d’Ortygie dans Homère, Odyssée, XV, 403-404). Les Scholies à Apollonios de Rhodes, I, 419, ajoutent qu’Éphèse s’était aussi appelée Ortygie (voir Strabon, Géographie, XIV, 1, 20) et citent aussi le toponyme en Étolie et en Sicile (l’Ortygie syracusaine). Il y a un lien récurrent entre Artémis et la caille (par exemple Sophocle, Trachiniennes, 213, où Ortygia est une épiclèse d’Artémis).
15 Économie rurale, III, 5. Ces deux îles du Golfe de Gaëte s’appellent maintenant Palmarola (Palmaria) et Ventotene (Pandateria).
16 Pline, Histoire naturelle, X, 65 ; [Dionysios], Paraphrase de Ixeutiques, I, 30, trad. par Bruno Sudan, Pierre Shuwey et Christian Pernet d’après l’édition de Manolis Papathomopoulos, Ioannina, s.n., 1976, et publiée dans Jean Trinquier, Christophe Vendries (éd.), Chasses antiques. Pratiques et représentations dans le monde gréco-romain (iiie siècle av.-ive siècle apr. J.-C.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 243-256.
17 Voir Michael B. Casement, « Migration across the Mediterranean Observed by Radar », The Ibis, 108, 1966, p. 461-491 (p. 473 : 27 septembre 1962, navire en mer Égée, p. 488 : des centaines de cailles s’abattent sur le navire pendant un orage violent et se tuent en frappant les superstructures). Voir Andrea Pilastro, « L’enigmatica migrazione », art. cité, p. 197.
18 Aristote, Histoire des animaux, VIII, 12, 597a14-25. Voir aussi Varron, Économie rurale, III, 5, 7 ; Pline, Histoire naturelle, X, 66 ; Athénée, Deipnosophistes, IX, 392f-393a. Dans Aristophane, Oiseaux, 870, Léto, mère d’Apollon et Artémis, reçoit l’épiclèse ortygomêtra. Sur l’ortygomètre dans l’Antiquité, voir D’Arcy W. Thompson, A Glossary, op. cit., p. 214-215, et W. Geoffrey Arnott, Birds, op. cit., p. 161.
19 Artémidore, Oneirokritika, III, 5, p. 206.
20 Pline, Histoire naturelle, X, 66 ; Élien, La personnalité des animaux, VII, 9, iiie siècle ap. J.-C.
21 Voir, pour l’Égée du xviie siècle, Joseph Pitton de Tournefort, Voyage d’un botaniste [1717], éd. par Stéphane Yérasimos, Paris, Maspero, 1982, t. 1, p. 169 et 2433 ; Mèlos et Mykonos, dans les Cyclades. Dans cette dernière île, les cailles sont conservées dans le vinaigre.
22 Voir dans le traité de chasse aux oiseaux, [Dionysios], Paraphrase des Ixeutiques, III, 9.
23 Aristote, Histoire des animaux, VIII, 12, 597b12-13.
24 Callimaque, Aitia, III, frgt 75, iiie siècle av. J.-C.
25 Diodore, Bibliothèque historique, I, 60, 10, ier siècle av. J.-C.
26 Voir Sherif M. Baha et al., « Trapping and Shooting of Corncrakes Crex crex on the Mediterranean Coast of Egypt », Bird Conservation International, 6, 1996, p. 213-227. Merci à Jean Trinquier de nous avoir indiqué cette étude. Cette pratique dans le Sinaï actuel rappelle évidemment l’histoire des Hébreux lors de la traversée du désert dans l’Exode, 16, 13 (voir ci-dessous). Sur la caille en Égypte ancienne, voir Pascal Vernus, Jean Yoyotte (éd.), Bestiaire des pharaons, Paris,Viénot/Perrin, 2005, p. 357.
27 Aristote, Histoire des animaux, VI, 1, 558b30-559a2, par exemple ; voir aussi Pline, Histoire naturelle, X, 65.
28 Voir Athénée, Deipnosophistes, IX 392c : « Alexandros de Myndos écrit, au livre II de son Sur les animaux, que la caille femelle a le cou plus mince que le mâle, et sans aucune tache noire sous la racine du bec. » [Aristote], Physiognomonie, 806b14-18, semble indiquer qu’on essayait de reconnaître les mâles les plus courageux au toucher de leurs plumes.
29 Athénée, Deipnosophistes, IX, 392a.
30 Ibid., 392c.
31 Pline, Histoire naturelle, X, 69.
32 Andrew D. Mills, Jean-Michel Faure, « Divergent Selection for Duration of Tonic Immobility and Social Reinstatement Behavior in Japanese Quail (Coturnix coturnix japonica) Chicks », Journal of Comparative Psychology, 105, 1991, p. 25-38.
33 Jean-Charles Guyomarc’h, Catherine Guyomarc’h, « Vocal Communication in European Quail. Comparison with Japanese Quail », Comptes rendus de l’Académie des sciences. Sciences de la vie, 319, 1996, p. 827-834.
34 Yves-Alain Hémon et al., « Les rythmes nycthéméraux d’activité de la caille des blés en période de reproduction », Gibier faune sauvage, 3, 1986, p. 347-367.
35 Aristote, Histoire des animaux, IV, 9, 536a25-32. La caille est donc perçue comme un oiseau bavard, voir Athénée, Deipnosophistes, IX, 392f.
36 Histoire des animaux, VI, 1, 558b30-559a2 ; IX, 8, 613a6-17 ; IX, 8, 614a26-34.
37 Voir les données éthologiques dans F. Scott Orcutt Jr., Adrienne B. Orcutt, « Nesting and Parental Behavior in Domestic Common Quail », The Auk, 93, 1976, p. 135-141.
38 Aristote, Histoire des animaux, IX, 8, 613b33-614a6. Pour une analyse des fondements culturels de cette remarque, voir Eric Csapo, « Cockfights. Contradictions and the Mythopoetics of Ancient Greek Culture », Arts, 28, 2008, p. 28-29.
39 Anthologie palatine, VI, 296, Léonidas de Tarente, iiie siècle av. J.-C., qui parle d’un aulos au sujet de cet instrument.
40 Nous modifions la traduction de la Collection des universités de France. Hoi thêreuontes, traduit ici par « appelants », mais qui semble désigner à première lecture les chasseurs, pose un problème que souligne Pierre Louis, le traducteur, dans une note de cette édition. Plus haut, ce participe a été utilisé pour désigner des appelants (et non des appeaux comme dans la traduction de Pierre Louis), mais on s’attendrait qu’il soit au féminin, comme en 614a23-24, car ce sont des femelles qui sont utilisées. Sur la pratique des appelants, voir Christophe Vendries, « L’auceps, les gluaux et l’appeau. À propos de la ruse et de l’habileté du chasseur d’oiseaux », dans Jean Trinquier, Christophe Vendries (éd.), Chasses antiques, op. cit., p. 123. Ils sont employés pour la chasse aux cailles, voir [Dionysios], Paraphrase des Ixeutiques, III, 9.
41 Aristote, Histoire des animaux, IX, 8, 614a26-28. Aussi Xénophon, Mémorables, II, 1, 4, ive siècle av. J.-C.
42 Voir aussi Callimaque, Aitia, III, fragment 75 Pf, v. 32-37, qui évoque leur fabrication en lin.
43 Athénée, Deipnosophistes, IX, 393a.
44 Exode, 16, 13. Aujourd’hui encore, le passage des cailles offre aux Gazaouis la possibilité de se procurer de la viande, voir http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=16205, consulté le 1er avril 2019.
45 Galien, Épidémies, VI, Kaibel XVIIB 306. Voir aussi les précautions suggérées dans Geoponica, XIV, 24, 1-5 (Didymos). Dans l’édit de Dioclétien sur les prix, en 301 ap. J.-C., les cailles sont vendues par dix pour 20 deniers dans la rubrique des viandes, ce qui est dans la norme des petits oiseaux sauvages, voir Siegfried Lauffer, Diokletians Preisedikt, Berlin, De Gruyter, 1971, IV, 41.
46 [Aristote], Des plantes, 820b5-6 ; Lucrèce, De la nature, IV, 640-641. Pline (Histoire naturelle, X, 69) écrit sans doute en pensant à l’hellébore : « Les cailles sont très friandes d’une graine vénéneuse : c’est ce qui les a fait bannir des tables. »
47 Sur ce phénomène dans l’Antiquité, voir Suzanne Amigues, « Remèdes et poisons végétaux transmis à l’homme par l’animal », dans Isabelle Boehm, Pascal Luccioni (éd.), Le médecin initié par l’animal. Animaux et médecine dans l’Antiquité grecque et latine, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, 2008, p. 100-102.
48 Il y a peu d’indications d’usage de la caille dans des sacrifices. Voir, cependant, Juvénal, Satires, XII, 95-98, et l’inscription de l’époque hellénistique, qui a été récemment publiée et concerne des sacrifices dans le cadre d’un culte oriental : Richard Bouchon, Jean-Claude Decourt, « Le règlement religieux de Marmarini (Thessalie) : nouvelles lectures, nouvelles interprétations », Kernos, 30, 2017, p. 161 et l72-173. Le sacrifice prend ici la forme d’un holocauste. Dans Athénée, Deipnosophistes, IX, 392d, les Phéniciens sacrifiaient des cailles à Héraklès-Melqart.
49 Platon, Euthydème, 290d.
50 Aristophane, Oiseaux, 705-707, ive siècle av. J.-C.; Platon, Lysis, 211d-e ; Anthologie palatine, XII, 44, Glaucos de Nicopolis, iiie siècle ap. J.-C. (?). Et cela au même titre que le coq : les cailles sont symbole de masculinité (voir ci-dessous) par leur ardeur combattante et sexuelle. Sur cette symbolique du coq, voir Eric Csapo, « Cockfights », art. cité, p. 24-29. L’ardeur sexuelle des cailles est évoquée par Xénophon, Mémorables, II, 1, 4 ; on n’oubliera pas que la caille est vue par les Grecs comme un oiseau masculin et que leur ardeur est donc un modèle masculin.
51 Platon, Lysis, 211d-e ; côté romain : Plaute, Les captifs, 998-104, iiie siècle ap. J.-C.
52 Platon, Lois, VII, 789c.
53 Plutarque, Alcibiade, 10, 1-2, texte rédigé vers 100 ap. J.-C., pour des événements du ve siècle av. J.-C.
54 Athénée, Deipnosophistes, XI, 464d.
55 Par exemple, dans l’abbé Jean-Baptiste Grosier, De la Chine ou Description générale de cet empire, 3e éd., Paris, Pillet Aîné/Arthus Bertrand, 1819, t. IV, p. 90-92 ; John Henry Gray, China. A History of the Laws, Manners and Customs of the People, Londres, Macmillan, 1878, t. 1, p. 393-394.
56 On trouve une pratique de ce spectacle à Naples, au xviie siècle, dans Stefano Menochio, Delle stuore overo trattenimenti eruditi, Venise, Stefano Monti, 1662, t. 3, p. 282.
57 Aristophane, Oiseaux, 1297-1299. L’allusion d’Aristophane vise un dirigeant athénien, Meidias, comparé à une caille qui a reçu un coup sur la tête ; voir Nan Dunbar, Aristophanes Birds edited with Introduction and Commentary, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 643-644. Voir aussi, sur ce jeu, Jeremy Mynott, Birds in the Ancient World, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 161.
58 Pollux, Onomastikon, IX, 108-109. Nous remercions Julien du Bouchet pour la relecture de la traduction de ce passage. Voir le commentaire qu’en fait Marco Vespa, « Rituale, spettacolo o gioco d’azzardo ? Memorie del combattimento dei galli in Grecia antica. Considerazioni linguistiche e antropologiche », Enthymema, 23, 2019, p. 438-439.
59 John Henry Gray, China, op. cit., t. 1, p. 394.
60 Lucien, Anacharsis, 37. Ce texte parle tout autant des combats de coqs et évoque leur institutionnalisation. Si le fait est probable pour les combats de coqs, du moins à l’époque impériale (voir par exemple à propos de leur représentation sur le calendrier de la Petite Métropole d’Athènes, Olga Palagia, « The Date and Iconography ofthe Calendar Frieze ofle Little Metropolis, Athens », Jahrbuch des deutschen archäologischen Instituts, 123, 2008, p. 222 et 224), il serait imprudent de l’étendre aux combats de caille. Sur les combats de coqs, dans l’abondante bibliographie, voir Philippe Bruneau, « Le motif des coqs affrontés dans l’imagerie antique », Bulletin de correspondance hellénique, 89, 1965, p. 90-121 ; Eric Csapo, « Cockfights », art. cité ; Christopher Eckerman, « Cockfighting and the Iconography of Panathenaic Amphorae », Illinois Classical Studies, 37, 2012, p. 39-50. Pour le monde romain, voir Keith Bradley, « The Sentimental Education of the Roman Child. The Role of Pet-Keeping », Latomus, 57, 1998, p. 523-557 et 545-556 (pl. XII-XXV).
61 Platon, Lois, VII, 789b-c.
62 Plutarque, Antoine, 33, 4.
63 Hérodien, Histoire des empereurs romains, III, 10, 3, iiie siècle ap. J.-C. C’est donc le même schéma qui est à l’œuvre dans les deux histoires. Hérodien évoque aussi les combats de cailles. Jocelyn M.Toynbee, Animals in Roman Life and Art, Baltimore/Londres, Thames and Hudson, 1973, p. 256. Ce thème de la rivalité de jeunesse autour d’oiseaux combattants est évoqué dans Eric Csapo, « Cockfights », art. cité, p. 36. Voir Keith Bradley, « The Sentimental Education », art. cité, p. 545-556.
64 Plutarque, Apophtegmes de rois et de généraux, 15, 4 = 207B, événement situé vers le changement d’ère.
65 Cependant, dans Ovide (Amours, II, 6, 27-28), les cailles sont capables de vivre très vieilles parce qu’elles sont combattantes.
66 Pollux, Onomastikon, IX, 108. Voir John Henry Gray, China, op. cit., t. 1, p. 394.
67 Ibid., p. 393.
68 Voir Pollux, Onomastikon, VII, 136, où le verbe trylizein est aussi lié au vocabulaire des ortygokopoi. Enetrylizein désigne l’acte de parler à l’oreille, dans l’oreille : Aristophane, Thesmophories, 341. Mais Pollux (Onomastikon, V, 89), pour parler du chant de la caille emploie tryl (l) izein. Il est possible qu’il ait mal compris le sens de la pratique qu’il décrit, à moins que ce soit Gray qui n’ait pas compris celle des Chinois.
69 Pollux, Onomastikon, IX, 108.
70 Cette suggestion est de Jean Trinquier.
71 Aristophane, La paix, 788, 421 av. J.-C.; voir aussi Eupolis un peu plus tard.
72 Artémidore, Oneirokritika, III, 5 ; Aristote, Problèmes, X, 12.
73 Geoponica, XIV, 24, 1-5, ve-xe siècles ap. J.-C.
74 Cité dans Athénée, Deipnosophistes, IX, 393a.
75 Exode, 16, 13 ; Diodore, Bibliothèque historique, I, 60, 10.
76 Par exemple, à Mytilène en Égée orientale, Deborah Ruscillo, « Faunal Remains From the Acropolis Site, Mytilene », Échos du monde classique. Classical Views, 37, 1993, p. 206-207, dans le sanctuaire de Déméter, de l’époque classique. On en a évidemment dès le IIe millénaire av. J.-C., par exemple en Laconie (William D. Taylour, Richard Janko, Ayios Stephanos. Excavations at a Bronze Age and Medieval Settlement in Southern Laconia. BSA, suppl. 44, Londres, The British School at Athens, p. 514-515) et avant au Néolithique, ainsi en Thrace (Antonio Curci, Antonio Tagliacozzo, « Economic and Ecological Evidence from the Vertebrate Remains of the Neolithic Site of Makri [Thrace-Greece] », dans Eleni Kotjabopoulou et al. [éd.], Zooarchaeology in Greece. Recent Advances, Londres, British School at Athens, 2003, p. 128.
77 Remarque faite dans Keith Bradley, « The Sentimental Education », art. cité, p. 552, et Eric Csapo, « Cockfights », art. cité, p. 30 et 35-36.
Auteurs
Professeur d’histoire grecque, université Paul-Valéry, Montpellier et a notamment publié : L’élevage en Grèce (fin ve-fin ier s. av. J.-C.) (Ausonius, 2003) ; « Gérer la présence des animaux domestiques dans la ville grecque et ses abords », dans Hélène Ménard, Rosa Plana-Mallart (éd.), Espaces urbains et périurbains dans le monde méditerranéen antique, p. 175-184 (Presses universitaires de la Méditerranée, 2015) ; « Xénophon et l’Anabase des bêtes », dans Éric Baratay (dir.), Aux sources de l’histoire animale, p. 61-72 (Éditions de la Sorbonne, 2019) ; et codirigé Équidés et bovidés de la Méditerranée antique (Lattes [Monographie d’archéologie méditerranéenne, 6], 2014).
Maîtresse de conférences en éthologie, université de Rennes 1, directrice adjointe UMR 6552, Éthologie animale et humaine, responsable d’équipe (effets maternels sur le développement comportemental). Elle a notamment publié, en collaboration : « Maternal Styles in Birds », Animal Behaviour, 87, 2014, p. 31-37 ; « Brood Size can Influence Maternal Behaviour and Chick’s Development in Precocial Birds », Behavioural Processes, 138, 2017, p. 96-104 ; « Mother-Chick Interactions are Affected by Chicks’ Sex and Brood Composition in Japanese Quail », Developmental Psychobiology, 2019.
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