Le contrôle de la voix et ses enjeux dans les mosquées d’al-Andalus d’après deux traités de ḥisba (première moitié du xe et début du xiie siècle)
Control of the Voice and Related Issues in the Mosques of Al Andalus in the in Two Hisbah Treaties (first half of the 10th Century and beginning of the 12th)
p. 327-341
Résumés
Plusieurs prescriptions regroupées par les juristes Ibn ʿAbd al-Raʾūf et Ibn ʿAbdūn dans leurs traités de ḥisba, datant respectivement du début du xe siècle et du début du xiie siècle, visent à contrôler le volume et l’usage de la voix dans l’espace de la mosquée. L’analyse de ces données et leur croisement avec les textes jurisprudentiels et les traités contre les innovations permettent de mieux comprendre les enjeux que revêtait le contrôle de la voix pour ces juristes. Seront envisagées successivement la question de la diffusion de la voix du muezzin lors de l’appel à la prière et de la prière, qui conduit à une saturation de l’espace sonore urbain, puis celle de la restriction de la nature et du volume des paroles prononcées dans la mosquée, afin de sacraliser l’espace de la mosquée.
The hisbah treaties of the jurists, Ibn ‘Abd al-Ra’ūf (beginning of the 10th century) and Ibn ‘Abdūn (beginning of the 12th century) contain prescriptions for the controlling of the volume and use of the voice within the space of the mosque. Our analysis of this data in comparison with texts of case law and treaties against innovation clarifies the issues raised by the jurists dealing with the control of the voice. Firstly, we will examine the question of the impact of the voice of the muezzin when calling the faithful to prayer and the question of prayer. The effect was to saturate the urban space with sound. Then we will look at how they restricted the nature and the volume of the words chanted in the mosque. In this way they ensured that the mosque retained the character of a sacred space.
Texte intégral
1Les textes juridiques ont été utilisés depuis le milieu du xxe siècle pour analyser la vie sociale et économique de l’Occident islamique médiéval1. Ces dernières décennies, l’édition, la traduction de nouvelles sources juridiques et la multiplication des études sur le développement du droit malikite ont profondément stimulé la recherche sur al-Andalus et le Maghreb2. Elles ont contribué au profond renouvellement de certains champs d’études, comme en témoignent les travaux sur l’urbanisme, et ont participé à l’ouverture d’autres, comme l’étude du monde rural et de ses structures sociales. La réflexion sur l’usage des sources juridiques s’est par ailleurs approfondie. Les conditions de production de ces textes et les rapports sociaux qu’ils mettent en scène ont davantage été étudiés dans une perspective anthropologique3.
2Les approches et les problématiques que l’analyse des textes juridiques permet de développer sont cependant loin d’être épuisées. C’est notamment le cas de la thématique de la voix. Les positions des juristes sur les différents régimes de vocalité en fonction des lieux et des contextes n’ont pas fait l’objet d’étude, mis à part de très rares travaux sur la cantillation coranique4. Pourtant, les informations livrées par les textes juridiques à ce sujet sont nombreuses et variées. Les ulémas se sont ainsi interrogés sur la licéité du chant en fonction des contextes, sur la nature des paroles à prononcer dans certaines occasions, telles que l’appel à la prière (adhān), ou dans certains espaces spécifiques, par exemple les mosquées. Les modalités de prononciation de ces paroles ont également fait l’objet de débats et les réponses apportées par les juristes ont pu varier selon les régions et les périodes, reflétant l’évolution des pratiques sociales et de la pensée juridique.
3Au vu des nombreuses questions des ulémas, l’absence de travaux sur la voix dans les sources juridiques peut surprendre. Si la voix a intéressé les médiévistes occidentalistes à partir des années 1970, avec le succès que l’on connaît5, la recherche sur le monde islamique médiéval ne s’en est pas encore réellement emparée. Seuls quelques travaux sur le chant ont été publiés jusqu’à présent, alors que la voix occupe une place de choix dans les traités sur la musique6. Philosophes et théoriciens de la musique, dans la lignée d’al-Fārābī, considéraient ainsi que la voix était le premier et le plus noble des instruments, même si elle n’est pas au cœur du développement de la théorie musicale arabe centrée sur les échelles du luth (ūd)7. L’importance du chant dans la pratique musicale de cour est par ailleurs illustrée par les nombreuses anecdotes rapportées dans la littérature d’adab mettant en scène la voix d’esclaves-chanteuses et de chanteurs de renom8, tandis que, dans les traités médicaux, les organes impliqués dans sa production et les pathologies qui lui sont associées font l’objet d’un examen attentif9. Le décalage entre le paysage historiographique sur la voix dans l’Occident latin et dans le monde islamique médiéval est donc important, même s’il n’est pas propre à cette thématique. L’étude de cas proposée dans cet article, centrée sur les normes édictées par deux traités de ḥisba andalousiens, a ainsi pour objectif de former un premier jalon dans l’étude de la voix dans le monde islamique médiéval à travers le regard des juristes.
4En raison de la diversité de la littérature juridique et de la multiplicité des questionnements des ulémas à propos de la voix, j’ai choisi de me limiter ici à l’analyse du contrôle de la voix dans les mosquées à la lumière des traités de ḥisba de l’Occident islamique10. Rédigés en al-Andalus, en Ifrīqiya ou au Maghreb, par des auteurs andalousiens ou maghrébins, ces traités visaient avant tout à statuer sur la police des marchés, à spécifier le rôle de celui qui en était chargé, le muḥtasib, et à préciser ses compétences sur les différents métiers. Certains juristes ont cependant choisi d’élargir la portée de leurs propos et de traiter plus largement du maintien de l’ordre public et de la bonne moralité, se référant au sens originel du concept de ḥisba, défini comme le devoir « d’ordonner le bien et d’interdire le mal11 ». C’est notamment le cas de la Risāla fī adāb al-ḥisba wa-l-muḥtasib, rédigée par un disciple d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf, juriste andalousien de la fin du ixe et du début xe siècle, d’après les enseignements de son maître12. Ce dernier demeure relativement mal connu. Il aurait occupé une charge de muḥtasib, probablement à Cordoue, puisque son nom suggère qu’il pouvait appartenir à la grande famille cordouane des Banū ʿAbd al-Raʾūf, dont les membres ont monopolisé les charges juridiques, administratives et militaires dans la capitale califale au xe siècle13. C’est également le cas d’un autre traité andalousien, la Risāla fī-l-qaḍāʾ wa-l-ḥisba, rédigé au début du xiie siècle à Séville, la capitale almoravide, par Ibn ʿAbdūn, un juriste qui, contrairement à son prédécesseur, ne semble pas avoir d’expérience de muḥtasib, mais aspirait sans doute à être nommé cadi14.
5Ces deux traités de ḥisba sont les seuls comportant des paragraphes sur la prière ou sur les mosquées, riches d’enseignements sur l’importance du contrôle de la voix. La voix n’est évidemment pas la thématique centrale de ces sections, mais la nécessité de son contrôle dans l’espace de la mosquée et ses alentours transparaît néanmoins. Ibn ʿAbd al-Raʾūf et Ibn ʿAbdūn donnent ainsi leurs avis ou rappellent ceux de juristes antérieurs sur la portée de la voix du muezzin, la qualité des personnes autorisées à s’exprimer à haute voix dans la mosquée, la nature des paroles prononcées ou ce qui peut y être discuté. Par ailleurs, ces deux traités de ḥisba sont intéressants parce qu’ils s’écartent des traités sur les innovations ou des ouvrages de fiqh qui traitent souvent la thématique de la voix de manière figée. En effet, ces derniers reprennent principalement les normes fixées entre le viiie et le ixe siècle, à partir des avis de Mālik ibn Anas et de ses principaux disciples égyptiens, et ne reflètent pas l’évolution des pratiques et des préoccupations dans l’Occident islamique15. Au contraire de ces textes théoriques, les traités de ḥisba sont davantage ancrés dans la réalité des villes andalousiennes de leur époque. Le traité attribué à Ibn ʿAbd al-Raʾūf repose ainsi en partie sur ses propres avis, probablement enrichis par son expérience personnelle16, tandis que celui d’Ibn ʿAbdūn fourmille de détails sur le contexte social, politique et juridique de sa rédaction17. Ses préconisations répondent parfois à des problématiques concrètes de son époque, reflétant ainsi ponctuellement l’évolution des pratiques sociales andalousiennes. Cette tendance à la contextualisation ne doit cependant pas occulter que les deux traités conservent un caractère normatif et théorique. Il s’agit en effet de textes hybrides, mêlant des allusions contextualisées et des jugements personnels des deux auteurs à des rappels de normes édictées par des juristes antérieurs18, ce qui complique leur analyse.
6L’apparition de préconisations en matière de contrôle de la voix dans les traités de ḥisba peut à la fois refléter une évolution des préoccupations des milieux juridiques et de leurs positions sur ces questions ou, au contraire, leurs réactions face à une transformation des pratiques. Le caractère en partie théorique de ces traités implique par ailleurs de réfléchir à l’écart entre la norme et la pratique, en les confrontant avec la littérature jurisprudentielle, en particulier, avec les recueils de jugements (aḥkām) d’Ibn Sahl (m. 1093)19 et de réponses juridiques (fatwas) d’al-Wansharīsī (m. 1508)20. Bien que ces textes ne reflètent pas fidèlement la réalité de leur époque, les questions posées aux jurisconsultes renvoient le plus souvent à des pratiques concrètes, réarticulées dans un langage juridique codifié21. Elles permettent donc parfois de distinguer les normes réellement appliquées de celles relevant uniquement de la théorie juridique, mettant ainsi en perspective les positions d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf et d’Ibn ʿAbdūn. L’analyse croisée de ces sources conduit ainsi à remarquer que le contrôle de la voix répond chez les deux auteurs à l’impératif d’assurer le bon déroulement de la prière, ainsi qu’à une volonté de sacraliser l’espace de la mosquée et le temps de prière.
Diffusion de la voix, déroulement de la prière et domination symbolique de l’espace urbain
7La dimension physique de la voix et sa portée sont des préoccupations importantes, tant dans les paragraphes sur la prière d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf que dans les sections sur les mosquées d’Ibn ʿAbdūn. La maîtrise et la diffusion de la voix jouent en effet un rôle central dans l’accomplissement du culte, que ce soit lors de l’appel à la prière (adhān) ou au cours de l’oraison. La bonne diffusion de l’appel à la prière est une nécessité pour permettre au fidèle de savoir quand se rendre à la mosquée et donc d’assister à la prière. Ibn ʿAbd al-Raʿūf considère ainsi l’adhān comme la « marque distinctive [de la prière]22 ». Les qualités vocales et la diction du muezzin sont d’après lui des critères de sélection aussi importants que sa moralité ou sa maîtrise des sciences religieuses. Il affirme qu’il est « recommandé que le muezzin soit pubère, doué d’une voix sonore, honorable, qu’il s’exprime clairement, qu’il soit intègre, versé dans les moments de la prière et dans les traditions de l’adhān23 ».
8Cependant, dans des espaces urbains denses et étendus, une voix qui porte ne suffit pas, même du haut du minaret. Les deux traités de ḥisba livrent donc des conseils pour favoriser la diffusion de l’appel à la prière. Le premier explique ainsi qu’il « sera ordonné aux muezzins d’imiter le muezzin du minaret, de le suivre et de ne pas lancer l’adhān avant de l’avoir entendu24 ». Cet extrait suggère qu’il y avait déjà à son époque plusieurs muezzins attachés à la grande mosquée, d’où la nécessité de se coordonner. Il est cependant impossible de déterminer si Ibn ʿAbd al-Raʿūf fait référence à la mosquée de Cordoue, ville où il vivait probablement, ou s’il décrit une pratique commune à toutes les grandes villes d’al-Andalus à son époque. Quoi qu’il en soit, cette pratique est confirmée deux siècles plus tard par Ibn ʿAbdūn, qui précise qu’il doit y avoir « autant de muezzins dans la mosquée que celle-ci possède de portes25 ». La présence de multiples muezzins dans les grandes mosquées andalousiennes semble donc actée, au moins pour les villes les plus importantes.
9Cette pratique ne suffit cependant pas à rendre l’appel à la prière audible de tous dans la capitale almoravide au début du xiie siècle. Ibn ʿAbdūn enjoint en effet les commerçants des souks à « engager un crieur [mundhir] qui les avertira quotidiennement de l’appel à la prière [adhān] de midi et de l’après-midi, afin qu’ils se disposent chaque jour à faire leur prière26 ». Aucun autre texte juridique consulté ne mentionne cette pratique : il est donc difficile de savoir si l’injonction à engager des crieurs est une préconisation de l’auteur restée lettre morte ou si elle reflétait au contraire une nouvelle pratique, propre à la Séville du début du xiie siècle, voire une pratique plus ancienne, faisant tardivement son apparition dans le corpus juridique sous la plume de l’auteur. Dans l’attente d’une étude plus approfondie de la littérature juridique, on peut tout de même remarquer que cette préconisation témoigne de l’importance de la diffusion de l’appel à la prière pour Ibn ʿAbdūn comme pour Ibn ʿAbd al-Raʿūf avant lui. Nul ne devait ignorer l’heure de la prière ni la nécessité de se rendre à la mosquée. Avec la multiplication des muezzins et la présence éventuelle de crieurs, l’espace urbain andalousien devait être saturé par le son de l’adhān, dont la répétition rythmait la vie des habitants. Pour les juristes, il s’agissait de s’assurer que les fidèles entendaient bien l’appel à la prière, surtout le vendredi, mais il était aussi question de dominer symboliquement l’espace, ce qui a été très tôt perçu par les chrétiens, comme le montre l’étude de John Tolan analysant la concurrence entre jeu des cloches et adhān dans la Cordoue du ixe siècle27. La littérature jurisprudentielle témoigne par ailleurs des tensions que cette saturation de l’espace sonore de la ville pouvait provoquer, certains habitants se plaignant des appels à la prière insistants et répétés, surtout la nuit28.
10L’adhān n’était pas le seul moment où la maîtrise de la voix représentait un enjeu pour l’accomplissement du culte. Les deux traités de ḥisba montrent l’importance de la voix au moment même de la prière, en particulier le vendredi, en raison de l’affluence des fidèles dans les mosquées. Ibn ʿAbd al-Raʾūf insiste sur la nécessité de prier dans l’enceinte de la mosquée « à moins qu[’elle] ne soit pleine de monde ; alors les gens prieront dans l’endroit le plus proche de la mosquée, là où ils pourront entendre l’invocation “Allāh est grand” [takbīr]29 ». L’audition du takbīr marque le début de la prière et semble donc être la condition principale de sa réalisation, mais Ibn ʿAbd al-Raʾūf ne précise pas comment il pouvait être clairement entendu de l’extérieur. Ibn ʿAbdūn entre davantage dans les détails, expliquant qu’un muezzin devait se tenir à chaque prière auprès de l’imam et prévenir à haute voix les fidèles au moment de prononcer le takbīr. Un autre muezzin servait de répétiteur à l’extrémité de la nef axiale pour prévenir les fidèles priant dans la cour et se trouvant trop éloignés pour entendre le muezzin placé près de l’imam30. Ces propos suggèrent que l’imam n’était pas nécessairement sélectionné pour ses qualités vocales, d’où la nécessité de lui adjoindre un muezzin pour faire résonner les moments clés de la prière à l’intérieur de la salle de prière. Ibn ʿAbdūn préconise par ailleurs d’étendre le dispositif le vendredi pour faire face à l’affluence, en ajoutant à chaque porte de la mosquée un muezzin chargé de répéter le takbīr et de le faire prononcer aux fidèles priant à l’extérieur de l’enceinte, notamment sur le parvis31.
11Ce dispositif n’est pas plus efficace que dans le cas de l’adhān : pour Ibn ʿAbdūn, le muḥtasib doit ordonner à tous les corps de métiers d’« engager régulièrement le vendredi un crieur [mundhir] chargé de leur faire entendre à haute voix l’invocation “Allāh est grand !” [takbīr] au moment où l’imam prononcera lui-même cette invocation32 ». Cette préconisation suggère qu’il était toléré de faire la prière du vendredi hors de la mosquée, pratique que les juristes condamnent en général, sauf en cas de force majeure. Ibn ʿAbd al-Raʾūf demande ainsi au muḥtasib d’interdire aux gens « de prier dans les boutiques, dans les maisons et sur les bancs33 » le vendredi et de « rassembler les gens des routes et des cours vers la grande mosquée34 ». Cette position semble par ailleurs confirmée par un jugement rapporté par Ibn Sahl, uléma et juristeconsulte malikite de l’époque des Taifas dont la compilation de jugements (aḥkām) était considérée comme une référence en al-Andalus35. L’injonction d’Ibn ʿAbdūn traduit ainsi peut-être un changement de pratiques lié à l’évolution démographique de Séville au début du xiie siècle, les mosquées existantes n’arrivant pas à absorber l’afflux de population dans la nouvelle capitale d’al-Andalus. Il s’agit peut-être aussi pour le juriste de trouver une solution pragmatique pour inclure certaines professions qui fréquentaient peu la mosquée le vendredi. Il est difficile de trancher. Dans tous les cas, ce conseil donné au muḥtasib témoigne de l’importance de la voix pour le bon déroulement de la prière. Il s’ajoute aux autres stipulations regroupées dans les traités de ḥisba visant à saturer l’espace sonore urbain par la pratique du culte.
Le contrôle de la voix et la sacralisation de l’espace de la mosquée
12Les sections sur la prière du traité d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf et celles sur les mosquées d’Ibn ʿAbdūn mettent en avant des préoccupations qui dépassent le déroulement du culte. Les deux juristes cherchent en effet à écarter de l’espace de la mosquée tout comportement jugé déplacé. Ibn ʿAbd al-Raʾūf précise ainsi qu’il faut « empêcher les gens de dormir dans la mosquée, d’y manger, exception faite de l’étranger qui est obligé de le faire et ce quand il ne cause pas, en mangeant, de dommage à la mosquée36 ». Ibn ʿAbdūn lui fait écho deux siècles plus tard, en précisant qu’on « ne doit laisser personne dormir dans la mosquée ou y élever la voix [yajhar bi-ṣawt], autrement que pour réciter le Coran37 ». Le fait de parler à voix haute est assimilé à d’autres conduites répréhensibles qui ont toutes pour point commun de troubler la paix, voire la pureté, du lieu. Si les juristes se préoccupent avant tout de prévenir les salissures afin de maintenir l’état de pureté rituelle des fidèles38, leur volonté d’écarter les sources de perturbations sonores s’inscrit dans une perspective semblable, celle de sanctuariser la mosquée.
13Cette préoccupation n’est pas nouvelle, ni propre aux juristes andalousiens des xe-xiie siècles. Dans son traité contre les innovations, al-Ṭurṭūshī (m. 1126) rapporte le commentaire fait par Mālik ibn Anas (m. 795), juriste de Médine à l’origine de l’école malikite, au sujet d’une tradition prophétique. Muḥammad aurait fermement condamné un homme qui s’était mis à crier dans une mosquée pour retrouver sa chamelle perdue. Mālik analyse le hadith en expliquant que si l’homme en question n’avait pas haussé la voix, mais s’était contenté de questionner discrètement ses compagnons au sujet de sa chamelle perdue, il n’y aurait eu aucun problème. L’interaction aurait été une simple conversation, ce qui n’était pas interdit39. Mālik ne remet pas en question le fait que la mosquée soit un lieu adéquat pour chercher sa chamelle, il ne juge pas non plus que l’homme aurait mieux fait d’attendre la sortie de la mosquée pour interroger ses compagnons. Sa condamnation porte uniquement sur la prise de parole à haute voix. La nécessité de contrôler le volume de la voix semble donc faire l’objet d’un consensus chez les juristes malikites, au moins depuis Mālik. Ibn ʿAbd al-Raʾūf et Ibn ʿAbdūn ne font que réaffirmer un principe admis depuis longtemps, mais qui ne semble toujours pas être strictement respecté en al-Andalus à leur époque, d’où la nécessité de réitérer l’interdit. La prise de parole à haute voix doit être réservée au temps de la prière ou à la lecture coranique.
14Le contrôle de la voix va cependant au-delà de la question du volume sonore. Si les mosquées étaient à l’origine des lieux de vie autant que de prière, à l’image de la maison du Prophète à Médine40, les textes juridiques témoignent de la volonté progressive des ulémas d’en écarter les activités jugées incompatibles. Al-Ṭurṭūshī rapporte ainsi plusieurs avis de Mālik et de ses disciples condamnant le commerce dans les mosquées ou la coutume d’y raconter des histoires41. Une nouvelle étape est franchie avec les traités de ḥisba. Au xe siècle, Ibn ʿAbd al-Raʾūf précise ainsi que « vente et achat seront interdits à l’intérieur des mosquées. Il sera interdit d’y parler de ce que Dieu n’admet point, d’y chercher des objets égarés, d’y appeler des gens aux funérailles42 ». La liste des activités interdites s’allonge. Ce passage témoigne aussi du souhait de contrôler la nature des paroles prononcées, et non plus seulement les activités qui s’y déroulent, ce qui tranche avec la position de Mālik, évoquée au paragraphe précédent. La voix ne doit donc pas être employée pour énoncer des paroles dénaturant le lieu. Au début du xiie siècle, Ibn ʿAbdūn est encore plus explicite :
Les mosquées sont les demeures d’Allah, des lieux d’invocation [dhikr] et de culte [ʿibāda] plus purs que tous les autres. Aussi ne doit-on s’y réunir qu’aux fins déjà indiquées, et non pour des discussions en matière d’impôts, des procès ou toute affaire d’objet mondain ; ce sont des lieux uniquement réservés aux actes que l’on accomplit en vue de l’autre monde. C’est ainsi que les mosquées ne doivent pas servir de local pour l’instruction des enfants43.
15Ibn ʿAbdūn cherche à bannir toute discussion profane de l’espace de la mosquée. Il est intéressant de remarquer qu’il cherche même à interdire la tenue des procès dans la mosquée, alors que traditionnellement le cadi pouvait y tenir séance et rendre ses jugements. Ibn ʿAbd al-Raʾūf tolérait encore cette pratique au début du xe siècle, s’appuyant sur la pratique du Prophète et l’avis favorable de Mālik44. Les seules paroles ayant le droit de cité dans la perspective d’Ibn ʿAbdūn sont donc celles relevant des actes rituels (ʿibāda) et de l’enseignement religieux, réservé à un public adulte. Il préconise ainsi que le cadi installe « dans les galeries un homme qui connaisse la science islamique […] pour instruire les gens dans les questions de religion, leur faire des sermons [yaʿiẓuhum], leur enseigner la bienfaisance45 ».
16Ibn ʿAbdūn livre ici une position théorique qui ne semble pas refléter la pratique, ce qu’il admet d’ailleurs à demi-mot à propos de l’enseignement des enfants dans les mosquées de quartier (masājid). Juste après avoir interdit cette activité, il nuance, précisant que « si l’on ne peut absolument faire autrement, que l’école se tienne alors dans les galeries46 ». Il s’agissait vraisemblablement d’une pratique largement répandue, bien que diversement appréciée des juristes, comme en attestent plusieurs fatwas47. En revanche, dans la grande mosquée (jāmiʿ), Ibn ʿAbdūn ne tolère que l’enseignement des sciences religieuses aux adultes48. Les préconisations d’Ibn ʿAbdūn reflètent la façon dont il concevait la mosquée. En interdisant les activités et les prises de paroles considérées comme profanes, il vise à la recentrer sur ce qui est pour lui son unique mission : la prière et la recherche du salut. Ces considérations théoriques traduisent une volonté de sacralisation de l’espace de la mosquée, renvoyant ainsi à la définition du sacré d’Émile Durkheim pour qui « les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent ; les choses profanes, celles auxquelles ces interdits s’appliquent et qui doivent rester à distance des premières49 ». Conçue comme la maison de Dieu (bayt Allāh)50, expression à l’origine uniquement réservée au sanctuaire de la Kaʿba51, la mosquée est un espace à part, à protéger de la contamination des activités et des paroles profanes.
17Les propos d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf et d’Ibn ʿAbdūn permettent de mieux comprendre les ressorts de ce processus de sacralisation de l’espace de la mosquée. À la différence des églises, ces édifices n’étaient pas consacrés, comme Michel Lauwers l’a mis en évidence52. Ils sont cependant l’écrin dans lequel se déroulent les prières, en particulier celles du vendredi. Il s’agit d’obligations rituelles permettant l’accès au salut et dont Ibn ʿAbd al-Raʾūf et Ibn ʿAbdūn rappellent le caractère obligatoire53. Dans les deux traités de ḥisba, le moment de la prière apparaît comme celui où le contrôle de la voix est le plus strict. Ibn ʿAbd al-Raʾūf condamne la mendicité dans la mosquée et insiste sur l’application de cette interdiction le vendredi, en particulier lors du prêche de l’imam (wa-l-imāmu yaḥṭubu54), pour ne pas déranger les fidèles. La dimension vocale de la gêne occasionnée est soulignée par le choix du vocabulaire. Il est ainsi interdit aux pauvres (masākīn) de « demander l’aumône » ou de « quémander », le terme utilisé, al-suʾāl, relevant de la racine du questionnement [s, ʾ, l], puis, un peu plus loin, d’« appeler », d’« invoquer » (sammayā) le vendredi55. L’interdiction de la mendicité, en particulier le vendredi, est réitérée deux siècles plus tard par Ibn ʿAbdūn56, tandis qu’Ibn ʿAbd al-Raʾūf précise qu’il est interdit de parler (yamnaʿ […] al-kalām) après le second appel à la prière (iqāma)57.
18Une temporalité du sacré se dégage donc à la lecture de ces paragraphes : le temps de la prière du vendredi est le moment où le contrôle de la voix est le plus crucial pour ces deux juristes car il s’agit du moment le plus sacré, celui où le fidèle entre en contact avec Dieu, dans sa propre maison. L’accent mis sur la pratique du culte explique par ailleurs la géographie du sacré qui se dessine à la lecture des préconisations sur le contrôle de la voix dans les deux traités. Les voix autorisées à s’élever diffèrent en effet selon les espaces de la mosquée. C’est dans la salle de prière que le contrôle est le plus strict. L’interdiction déjà mentionnée d’« élever la voix autrement que pour réciter le Coran58 » concerne les nefs de la mosquée (al-balāṭāt59), donc l’intérieur de la salle de prière. En revanche, d’autres activités impliquant de s’exprimer à voix haute peuvent se dérouler sous les saqāʾif, c’est-à-dire des portiques, des galeries couvertes qui désignent vraisemblablement les galeries latérales encadrant la cour60. Ibn ʿAbdūn demande ainsi que l’enseignement des sciences religieuses s’y déroule et que le cadi y installe un homme versé dans ces questions61.
19Une distinction est également établie entre ce qui se trouve à l’intérieur de l’enceinte de la mosquée et l’extérieur. Les pratiques tolérées mais considérées comme à la limite de la légalité par ces deux juristes sont rejetées en dehors de la mosquée. Ibn ʿAbd al-Raʾūf indique que l’on « doit empêcher les muezzins d’appeler les gens aux funérailles à l’intérieur de la mosquée [dākhil al-masjid]62 », cette activité devant être laissée à la porte de l’édifice (bābihi63), ce que confirme Ibn ʿAbdūn, même si la pratique semble avoir évolué au début du xiie siècle puisqu’un local affecté à la prière sur les cadavres semble être apparu64. La sacralité de l’espace de la mosquée rayonne cependant en dehors de son enceinte et s’étend à son parvis lors du moment le plus chargé en sacré de la semaine, la prière du vendredi. Concernant la mendicité, Ibn ʿAbdūn précise ainsi :
On ne devra laisser aucun mendiant demander l’aumône le vendredi à l’intérieur de la mosquée [dākhil al-jāmiʿ], importuner ainsi les fidèles […]. Il ne faut pas laisser non plus de mendiant demander la charité sur le parvis de la mosquée [riḥāb al-jāmiʿ], quand l’imam monte en chaire pour son prône65.
20L’interdiction de la mendicité le vendredi est étendue à l’extérieur de la mosquée au cours de la prière. Quémander à haute voix sur le parvis pourrait provoquer une pollution sonore gênant le déroulement de la prière, ce qui est à mettre en parallèle avec les directives d’Ibn ʿAbdūn visant à en écarter les sources de pollution physiques risquant de mettre les fidèles en état d’impureté physique66.
21Les restrictions dans l’usage de la voix et de la parole varient donc selon les espaces de la mosquée. Une hiérarchie se dessine au sein de la mosquée en lien avec le déroulement de la prière. La salle de prière est le cœur de la mosquée et l’espace où l’usage de la voix est le plus strictement limité. Les règles s’assouplissent dans les galeries latérales encadrant la cour, au niveau des portes puis sur le parvis de la mosquée, qui ne partage la sacralité du lieu qu’au moment de la prière. Cette hiérarchisation, qui vaut surtout pour la grande mosquée (jāmiʿ), siège de la prière du vendredi, semble exister dans une moindre mesure dans les mosquées de quartier : là aussi, davantage d’activités sont tolérées dans les galeries latérales, comme l’enseignement aux enfants. Les préconisations sur les activités vocales dans et aux alentours des mosquées révèlent donc une géographie et une temporalité du sacré liées au déroulement de la prière. Elles mettent en lumière le processus de sacralisation de l’édifice qui repose sur l’accomplissement de la prière et témoignent du souci des deux auteurs de le renforcer. Le caractère sacré des mosquées diffère ainsi de celui des églises de l’Occident latin, dont la sacralisation résulte plutôt d’un transfert de la sainteté des martyrs aux bâtiments abritant leurs reliques, accentué par le développement de rituels de consécration67 et des tombeaux de saints, qui gagnent progressivement l’Occident islamique à partir du xiie siècle68.
Conclusion
22L’étude du contrôle de la voix dans les paragraphes sur la prière et les mosquées tirés des traités de ḥisba d’Ibn ʿAbd al-Raʾūf et d’Ibn ʿAbdūn permet de mettre en valeur deux processus qui semblent s’amplifier en al-Andalus entre le xe et le xiie siècle. Les deux juristes insistent d’un côté sur la nécessité de multiplier les muezzins et les crieurs publics afin de saturer l’espace sonore urbain de l’adhān et des temps forts vocaux de la prière. D’un autre côté, leurs traités reflètent la volonté croissante de réserver la prise de parole à voix haute à la lecture coranique et aux actes nécessaires au déroulement de la prière. Le contrôle de la voix s’étend à la nature des paroles prononcées dans l’espace sacralisé de la mosquée et la liste des activités jugées comme compatibles avec la fonction de l’édifice se réduit au fur et à mesure des siècles. Il est cependant impossible à partir de ces observations de tirer des conclusions définitives applicables à l’échelle d’al-Andalus, tant il est difficile de déterminer si ces traités témoignent de l’évolution concrète des pratiques et des normes ou s’ils véhiculent principalement le point de vue de leurs auteurs sur ces questions. Leurs positions ne faisaient en effet pas nécessairement consensus parmi les ulémas andalousiens. Par ailleurs, l’acceptation d’une norme par une majorité de juristes ne permettant pas de préjuger de son application effective, la question de l’écart entre ces conceptions théoriques et les pratiques reste ouverte. Ce travail, qui visait surtout à attirer l’attention des spécialistes de l’Occident islamique sur l’intérêt d’étudier la problématique du contrôle de la voix dans les sources juridiques, en appelle ainsi d’autres, et notamment une étude approfondie de cette thématique dans les ouvrages de fiqh et la littérature jurisprudentielle.
Notes de bas de page
1 Pour un rappel historiographique, Élise Voguet, Le monde rural du Maghreb central (xive-xve siècle). Réalités sociales et constructions juridiques d’après les Nawāzil Māzūna, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 13-14.
2 Pour les sources et les éditions, Jean-Pierre Van Staëvel, Patrice Cressier, « Introduction », dans Maribel Fierro, Patrice Cressier, Jean-Pierre Van Staëvel (dir.), L’urbanisme dans l’Occident musulman au Moyen Âge. Aspects juridiques, Madrid, Casa de Velázquez/CSIC, 2000, p. 12, n. 8 et 9 ; Maribel Fierro, « El espacio de los muertos : fetuas andalusíes sobre tumbas y cemeterios », dans ibid., p. 154. En ce qui concerne le renouvellement historiographique sur le développement du droit malikite, voir les travaux de Maribel Fierro.
3 Voguet, Le monde rural du Maghreb central, op. cit., p. 15.
4 Mohammed Talbi, « La qirāʾa bi-l-ʾalḥān », Arabica, 5, 1958, p. 183-190.
5 Voir l’introduction d’Étienne Anheim dans le présent volume.
6 Voir notamment Amnon Shiloah, « La voix et les techniques vocales chez les Arabes » [1991], repris dans Id. (dir.), The Dimension of Music in Islamic and Jewish Culture, Aldershot/Brookfield, Ashgate, 1993, XIV ; Id., « L’évolution de la vocalité et de la technique vocale dans les traités anciens de la musique arabe » [2002], repris dans Id. (dir.), Music and its Virtues in Islamic and Judaic Writings, Aldershot/Burlington, Ashgate, 2007, XVI.
7 Voir notamment Abū Naṣr Muḥammad Al-Fārābī, Kitāb al-mūsīqī al-kabīr, éd. par Ghaṭṭās ʿAbd al-Malik Khashaba, Le Caire, Dār al-Kutub al-ʿarabī, 1964, vol. 1, p. 76-80, trad. fr. par Rodolphe d’Erlanger, La musique arabe, t. 1, Al-Fārābī, grand traité de la musique, Kitābu’ l-mūsīqī al-kabīr. Livres I et II, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1930, p. 17 et 21-23.
8 Le Kitāb al-Aghānī d’Abū l-Faraj al-Iṣfahānī en est le meilleur exemple, mais des anecdotes livrant des informations sur la voix figurent également dans des ouvrages d’adab dont le chant ne constitue par la thématique principale. Voir, par exemple, pour al-Andalus, la Dhakhīra fī maḥāsin ahl al-Jazīra d’Abū l-Ḥasan Ibn Bassām al-Shantarīnī.
9 Voir la contribution de Joël Chandelier dans le présent volume.
10 Pedro Chalmeta, « La ḥisba en Ifrīqiya et en al-Andalus : étude comparative », Les cahiers de Tunisie, 18/69-70, 1970, p. 92-105.
11 Sur le concept de ḥisba, voir notamment Claude Cahen et Mohammed Talbi, s. v. « Ḥisba », dans Encyclopédie de l’Islam. Deuxième édition, Leyde/Paris, Brill/Maisonneuve et Larose, 1967, vol. 3, p. 503-505 et Chalmeta, « La ḥisba », art. cité, p. 87-92.
12 Aḥmad Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla fī ʾādāb al-ḥisba wa-l-muḥtasib, éd. par Évariste Lévi-Provençal, Documents arabes inédits sur la vie sociale et économique en Occident musulman au Moyen Âge. Trois traités hispaniques de ḥisba (texte arabe), Le Caire, IFAO, 1955, p. 70-76 ; trad. fr. par Rachel Arié, « Traduction annotée et commentée du traité de ḥisba de Ibn ʿAbd al-Raʾūf et de ʿUmar al-Garsīfī », Hesperis Tamuda, 1, 1960, p. 15-23.
13 Sur Ibn ʿAbd al-Raʾūf et le contexte de rédaction du traité, Chalmeta, « La ḥisba », art. cité, p. 94-96 ; Rachid El Hour, s. v. « Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Aḥmad », dans Jorge Lirola Delgado (dir.), Biblioteca de al-Andalus, Almería, Fundación Ibn Tufayl de Estudios Árabes, 2012, vol. 1, p. 634-637.
14 Muḥammad Ibn ʿAbdūn, Risāla fī-l-qaḍāʾ wa-l-ḥisba, éd. par Lévi-Provençal, Documents arabes inédits, op. cit., p. 21-26, trad. fr. par Id., Séville musulmane au début du xiie siècle. Le traité d’Ibn ‘Abdun sur la vie urbaine et les corps de métiers, Paris, Maisonneuve, 1947, p. 45-56. Sur l’auteur et le contexte de rédaction, Chalmeta, « La ḥisba », art. cité, p. 96-97.
15 Les ouvrages suivants ont été consultés : Muḥammad Ibn Waḍḍāḥ al-Qurṭubī, Kitāb al-bidaʿ, éd. et trad. esp. par Maribel Fierro, Madrid, CSIC, 1988 ; Abū Bakr al-Ṭurṭūshī, Kitāb al-ḥawādith wa-l-bidaʿ, éd. par ʿAbd al-Majīd Turkī, Beyrouth, Dār al-Ġarb al-Islāmī, 1990 ; trad. esp. par Maribel Fierro, Madrid, CSIC, 1993 et Abū l-Walīd Ibn Rushd al-Jadd, Kitāb al-Bayān wa-l-taḥṣīl wa-l-sharḥ wa-l-tawjīh wa-l-taʿlīl fī masāʿil al-Mustakhraja, éd. par Muḥammad Ḥajjī, Beyrouth, Dār al-Gharb al-Islāmī, 1988-1991, 20 vol.
16 Chalmeta, « La ḥisba », art. cité, p. 95.
17 Alejandro García-Sanjuán a bien montré la spécificité du traité d’Ibn ʿAdbūn et son ancrage dans le contexte sociopolitique de son époque (Alejandro García-Sanjuán, « Jews and Christians in Almoravid Seville as Portrayed by the Islamic Jurist Ibn ʿAbdūn », Medieval Encounters, 14/1, 2008, p. 87-91).
18 Ibn ʿAbd al-Raʾūf s’appuie par exemple sur la Wāḍiḥa du juriste et traditionniste ʿAbd al-Malik Ibn Ḥabīb (m. 852) qui fut l’un des premiers à introduire la doctrine malikite en al-Andalus (El Hour, s. v. « Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Aḥmad », art. cité, p. 635). Ibn ʿAbdūn s’appuie quant à lui largement sur le traité oriental d’al-Māwardī (m. 974) (Chalmeta, « La ḥisba », art. cité, p. 96).
19 Abū l-Aṣbagh Ibn Sahl, Al-aḥkām al-kubrā, éd. partielle par Muhammad Abdel-Wahhab Khallaf, Documentos sobre la organización urbana en la España musulmana (mezquitas y viviendas), Le Caire, Al-Maṭbaʿa al-ʿarabiyya al-ḥadīṯa, 1983 ; trad. espagnole par Rocío Daga Portillo, Organización jurídica y social en la España musulmana. Traducción y estudio de Al-aḥkām al-kubrā de Ibn Sahl (s. xi), mémoire de thèse dirigé par Emilio Molina, université de Grenade, 1980, 3 vol.
20 Aḥmad Ibn Yaḥyā al-Wansharīsī, Al-Miʿyār al-muʿrib wa-l-jāmiʿ al-mughrib ʿan fatāwā ahl Ifriqiya wa-l-Andalus wa-l-Maghrib, éd. par Muḥammad Hajjī, Rabat/Beyrouth, Dār al-Gharb al-islamī, 1981-1983 ; analyse et trad. fr. partielle par Vincent Lagardère, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Miʿyār d’al-Wansharīsī, Madrid, Casa de Velásquez, 1995.
21 Voir le questionnement fondateur de Claude Cahen, « Considérations sur l’utilisation des ouvrages de droit musulman par l’historien », dans Atti del 3o Congresso di studi arabi e islamici. Ravello, 1-6 settembre 1966, Naples, Istituto universitario orientale, 1967, p. 239-247. L’introduction de la thèse d’Élise Voguet permet également de faire le point sur les précautions méthodologiques nécessaires à l’analyse des textes juridiques et en particulier de la littérature jurisprudentielle (Voguet, Le monde rural du Maghreb central, op. cit., p. 13-18).
22 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 72, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 17.
23 Ibid., p. 72, trad., p. 18. La translittération de Rachel Arié a été modifiée par l’auteure dans cette citation et les suivantes par souci de cohérence avec le reste de l’article.
24 Ibid., p. 73, trad., p. 18.
25 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 21-22, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 46-47.
26 Ibid., p. 23, trad. p. 51 (revue par l’auteure).
27 John Tolan, « Affreux vacarme : sons de cloches et voix de muezzins dans la polémique interconfessionnelle en péninsule Ibérique », dans Thomas Deswarte, Philippe Sénac (dir.), Guerre, pouvoirs et idéologie dans l’Espagne chrétienne aux alentours de l’an mil, Turnhout, Brepols, 2005, p. 54-59.
28 Ibn Sahl, Al-aḥkām, op. cit., p. 53-63, trad. par Daga Portillo, Organización jurídica, op. cit., vol. 1, p. 8-20 et al-Wansharīsī, Al-Miʿyār, op. cit., vol. 9, p. 23-24, trad. partielle par Lagardère, Histoire et société, op. cit., p. 353.
29 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 73, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 19.
30 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 21-22, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 46-47.
31 Ibid., p. 21-22, trad. p. 46-47.
32 Ibid., p. 23, trad. p. 51 (les translittérations sont un ajout de l’auteure).
33 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 75, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 22.
34 Ibid., p. 75-76, trad., p. 22.
35 Ibn Sahl, Al-aḥkām, op. cit., p. 50-53, trad. par Daga Portillo, Organización jurídica, op. cit., vol. 1, p. 3-7.
36 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 74 ; trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 20.
37 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 23 ; trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 49.
38 Ibid., p. 24 ; trad., p. 52-53. Juste après avoir réitéré l’interdiction de la mendicité à voix haute sur le parvis de la grande mosquée, Ibn ʿAbdūn enjoint ainsi le muḥtasib à interdire d’y « laisser stationner une bête de somme […] car elle émet des excréments ou de l’urine et les gens sont alors en état d’impureté (fa-tanjasu l-nās) » (traduction revue par l’auteure).
39 Al-Ṭurṭūshī, Kitāb al-ḥawādith, op. cit., p. 249-250, trad. p. 306-307.
40 Pour un résumé de la question et une bibliographie, Johannes Pedersen, s. v. « Masdjid », dans Encyclopédie de l’Islam, 2e éd., Leyde/Paris, Brill/Maisonneuve et Larose, 1986, vol. 6, p. 630-632.
41 Al-Ṭurṭūshī, Kitāb al-ḥawādith, op. cit., p. 226-234 et 243-249, trad. p. 293-297 et 304-306.
42 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 73 ; trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 19.
43 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 24, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 53.
44 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 73-74, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 19-20.
45 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 22, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 49.
46 Ibid., p. 24, trad., p. 53.
47 Al-Wansharīsī, Al-Miʿyār, op. cit., vol. 2, p. 476 et vol. 7, p. 36-37, trad. fr. partielle par Lagardère, Histoire et société, op. cit., p. 66 et 213.
48 Ibid., p. 22, trad. p. 49.
49 Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Paris, Puf, 2008 [1912], p. 56.
50 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 21, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 45.
51 Pedersen, s. v. « Masdjid », op. cit., p. 639.
52 Michel Lauwers, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005, p. 80-81.
53 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 73, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 19 et Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 21, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 46.
54 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 74, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 20.
55 Ibid., p. 74.
56 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 24, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 52.
57 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 74, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 20.
58 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 23, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 49.
59 Reinhart Dozy, Supplément aux dictionnaires arabes, Beyrouth, Librairie du Liban, 1991 [1881], vol. 1, p. 111.
60 Ibid., vol. 1, p. 663.
61 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 22-23, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 49.
62 Ibn ʿAbd al-Raʾūf, Risāla, op. cit., p. 74, trad. par Arié, « Traduction annotée », art. cité, p. 21.
63 Ibid., p. 74.
64 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 23, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 50. Ce local semble être situé à l’extérieur de l’enceinte, mais le texte n’est pas clair.
65 Ibn ʿAbdūn, Risāla, op. cit., p. 24, trad. par Lévi-Provençal, Séville musulmane, op. cit., p. 52.
66 Ibid., p. 24. Voir supra, n. 38.
67 Lauwers, Naissance du cimetière, op. cit., p. 53-59.
68 Sur cette question, Catherine Mayeur-Jaouen, « Tombeau, mosquée et zâwiya : la polarité des lieux saints musulmans », dans André Vauchez (dir.), Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires. Approches terminologiques, méthodologiques, historiques et monographiques, Rome, École française de Rome, 2000, p. 133-147 ; Bulle Tuil, Inhumation et baraka. La tombe du saint dans la ville de l’Occident musulman au Moyen Âge (xiie-xve siècle), thèse de doctorat dirigée par Marianne Barrucand et Jean-Pierre Van Staëvel, université Paris 4 Sorbonne, 2011.
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