Milieux d’affaires et politique extérieure de la Suisse (1939-1972)
Le cas de la « délégation économique permanente »
p. 253-266
Texte intégral
1Les travaux magistraux de Michel Margairaz abordent les rapports complexes entre l’économie, les institutions et le politique. Comment se nouent et se développent ses relations en Suisse ? Plusieurs études portent sur cette problématique1. La Suisse est caractérisée par le néocorporatisme ou le corporatisme libéral2. On peut aussi évoquer un système polycratique helvétique3. Les milieux patronaux bénéficient d’accès discrets aux autorités fédérales4. L’État faible est maintenu dans une situation de dépendance à l’égard des organisations professionnelles mises en place par les milieux économiques au cours de la seconde moitié du xixe siècle5. Fondé en 1870, le Vorort de l’Union suisse du commerce et de l’industrie regroupe les principales composantes du patronat helvétique. Puis d’autres organisations apparaissent : l’Union suisse des arts et métiers en 1879, l’Union syndicale suisse en 1880, l’Union suisse des paysans en 1897, l’Association suisse des banquiers (ASB)6 en 1912 et enfin la Fédération suisse du tourisme en 1932. Disposant de peu de ressources fiscales et de personnel administratif, l’État doit déléguer aux organisations professionnelles des activités que les milieux économiques maîtrisent. Les procédures constantes de consultation permettent aux représentants patronaux ou syndicaux d’exprimer leurs souhaits et de participer aux négociations internationales en tant que membres des délégations officielles nommées par le Gouvernement. Celui-ci, le Conseil fédéral, ne compte que sept membres qui dirigent des départements fédéraux. Cette terminologie helvétique désigne les ministères. Le Département fédéral des finances et des douanes (DFFD) gère les problèmes fiscaux, budgétaires et frontaliers ; le Département fédéral de l’économie publique (DFEP) agit grâce à sa Division du commerce (DC) sur les relations économiques extérieures, tandis que le Département politique fédéral (DPF) se charge de la politique étrangère. Ce système gouvernemental implique que les hauts fonctionnaires disposent de compétences étendues. Dans le domaine de la politique économique extérieure, plusieurs auteurs mentionnent la « Délégation économique permanente ». Dans son Étude sur les relations Confédération-groupements intéressés, rédigée en 1956, l’ancien conseiller fédéral Rodolphe Rubattel (1896-1961), qui dirigea le DFEP de 1948 à 1954, affirme que la consultation des associations professionnelles est devenue « l’axe du système » et mentionne que la DC « est pourvue d’une commission spéciale, restreinte en nombre, où les grandes organisations économiques sont représentées et qu’elle convoque à intervalles irréguliers »7. Dans son article de 1966 sur « Les groupes de pression et la politique étrangère en Suisse », le politologue Dusan Sidjanki affirme que la « Délégation économique permanente [Ständige Wirtschaftsdelegation] se réunit environ tous les quinze jours en séances de travail qui durent approximativement une demi-journée. Elle se compose de hauts fonctionnaires des administrations fédérales compétences, ainsi que des représentants du Vorort, de l’Union suisse des paysans, de l’Union syndicale suisse et l’Union suisse des arts et métiers. En général, il s’agit d’un dirigeant appartenant au niveau le plus élevé de la hiérarchie des organisations professionnelles8 ». Sidjanki mentionne le fait que la DC ne dispose en tout que de cent vingt personnes pour gérer les relations économiques extérieures, alors que plus de mille deux cents organisations professionnelles sont actives en Suisse. Le Vorort joue un rôle si primordial que le directeur de l’organisation faîtière du patronat suisse dispose d’un bureau dans le bâtiment du ministère suisse de l’Économie, ce qui donne à ce dirigeant de l’économie privée l’accès à des informations confidentielles et le droit de s’entretenir avec les plus hauts responsables politiques. Cette présence permanente lui permet de jouer un rôle central dans les décisions stratégiques de l’État fédéral. Toutefois, Sidjanski ne retrace pas l’histoire de la Délégation économique permanente9.
Les débuts de la Délégation économique permanente
2La fondation de la Délégation ne résulte pas d’une décision explicite, mais d’un arrangement convenu au début de la Seconde Guerre mondiale, dans la continuité des décisions adoptées pendant la crise des années 1930. L’ampleur des problèmes posés par la crise allemande a renforcé le poids des associations professionnelles dans les délégations officielles10. Le procès-verbal du Conseil fédéral du 12 septembre 1939 indique que des décisions stratégiques sur les relations économiques internationales ont été prises par les principaux délégués pour les négociations avec l’Allemagne, avec la France, la Grande-Bretagne et les autres pays : le directeur de la DC du DFEP, Jean Hotz (1890-1969)11, le délégué du Conseil fédéral pour l’économie de guerre, Paul Keller (1898-1973), le directeur du Vorort, Heinrich Homberger (1896-1985)12, le directeur de l’Union suisse des paysans, Ernest Laur (1871-1964), le grand banquier et président du Comité Allemagne de l’ASB, Peter Vieli (1890-1972), le parlementaire Max Gafner (1892-1957) qui préside la Fédération suisse du tourisme, ainsi que Robert Kohli (1896-1977), diplomate qui dirige la section du Département politique fédéral chargée des problèmes financiers et bancaires13. Devenu ainsi permanent, ce groupe informel de sept personnalités, dont trois hauts fonctionnaires, élabore et prépare les décisions fondamentales qu’il propose au Gouvernement, en particulier à la Délégation économique et financière du Conseil fédéral (constituée par les chefs du DFEP, du DFFD et du DPF)14. La prépondérance des dirigeants de l’économie privée s’exprime à d’innombrables reprises à propos des relations avec l’économie mondiale. En 1940, après les victoires de l’Axe qui désormais encercle presque toute la Suisse, le Conseil fédéral décide d’utiliser les atouts financiers et accorde des avances de clearing afin de financer les exportations de produits suisses que le IIIe Reich veut acquérir. Au cours de l’été 1940, des crédits pour l’Allemagne et pour l’Italie sont accordés, ce qui implique une inflexion fondamentale de la politique des autorités fédérales qui ont refusé auparavant d’accorder de telles subventions publiques aux exportations. Les pressions allemandes augmentent, ce qui amène le Gouvernement à accroître les crédits de clearing. Après une semaine d’entretiens à Berlin en avril 1941, Hotz et Homberger rapportent à Berne les exigences allemandes. Après avoir été envisagée au sein de la Délégation économique et financière du Conseil fédéral, la hausse des crédits est discutée, dans le plus grand secret, avec l’éminent industriel Hans Sulzer (1876-1959), qui préside alors la Commission pour la surveillance des importations et des exportations et qui dirige la Section pour le fer et les machines de l’Office de guerre pour l’industrie et le travail, ainsi qu’avec deux dirigeants agricoles, Ernst Laur et Ernest Feisst (1897-1968) et avec deux grands banquiers, Peter Vieli et Adolf Jöhr (1878-1953). Comme l’indique le procès-verbal du Conseil fédéral, en grande partie rédigé par Homberger, il résulte de ces entretiens que toutes ces personnalités partagent la conviction que la Suisse doit se placer sur le terrain allemand (« auf den deutschen Boden »), reprendre sans tarder les négociations et aboutir à un accord avec le Reich15. C’est ainsi qu’en juillet 1941, le Gouvernement accepte de porter à 850 millions de francs suisses le montant des avances au clearing germano-suisse. En fait, en l’absence de contrôle rigide, les Allemands vont dépasser cette limite et dépenser plus d’un milliard de francs suisses. D’abord secrètes, ces facilités financières vont être connues et motiveront d’autres partenaires extérieurs de la Suisse pour obtenir des prestations analogues. À partir de 1943, les Alliés et d’autres pays en bénéficieront. Au 31 décembre 1945, le total des créances et engagements à l’étranger de l’État fédéral dépasse 3 milliards de francs suisses. Dans ce processus, la Délégation permanente occupe ainsi une position centrale. Elle élabore les décisions que le Gouvernement entérine le plus souvent. L’ampleur des engagements financiers inquiète le ministre des Finances, Ernst Wetter (1877-1963), qui note, dans son journal personnel le 12 janvier 1943, que les négociateurs suisses utilisent l’arme financière sans se préoccuper de la trésorerie fédérale. Bien qu’il dirigeât le Vorort de 1924 à 1939, Wetter s’irrite de voir ainsi l’économie privée, avec l’appui de quelques hauts fonctionnaires, faire assumer les risques internationaux par les finances publiques16. Peu à peu, Homberger, Hotz et Kohli constituent un « triumvirat » qui dirige les négociations internationales de « manière presque autoritaire »17. Dès septembre 1940, au sein du Vorort, le banquier privé genevois Albert Pictet (1890-1969) reproche à Homberger de s’impliquer dans une pratique dirigeante qui confère à quelques personnes le pouvoir d’engager l’économie suisse dans l’orbite de l’Axe18. Il leur reproche d’avoir cédé aux pressions, sans tenir compte des relations avec les autres composantes de l’économie mondiale19. Ses divergences avec ces personnalités actives à Berne et à Zurich amènent le banquier genevois à se faire élire parlementaire libéral à Berne : de 1942 à 1947, il siège au Conseil des États, mais ses critiques n’entament pas l’autorité des milieux dirigeants qui s’appuient sur les grands centres industriels et sur les partis majoritaires. Néanmoins, les options fondamentales partagées par les élites impliquent que les dépenses publiques et le dirigisme relatif que la guerre mondiale avaient rendu nécessaires restent limités. Il résulte de ce système que la Suisse se consolide comme un « bastion antikeynésien20 ».
Les institutions fédérales et la politique économique extérieure
3Les choix politiques au sujet des relations économiques extérieures relèvent du Gouvernement, en particulier de la Délégation économique et financière du Conseil fédéral, de la DC du DFEP, ainsi que de plusieurs commissions parlementaires ou administratives. Les deux chambres de l’Assemblée fédérale désignent en leur sein une Commission du commerce extérieur21. Au cours de la crise des années 1930, d’autres commissions sont mises en place afin d’accroître les influences des organisations professionnelles, fort actives dans la Commission d’experts pour le tarif douanier et la limitation des importations22, dans la Commission pour la garantie des risques à l’exportation23, ainsi que dans la Commission du clearing24 qui supervise les activités de l’Office suisse de compensation et qui gère ainsi les accords réglementant la majeure partie du commerce extérieur de la Suisse dans les années 1930 et 194025. L’évolution internationale et helvétique se traduit par une augmentation du nombre des associations patronales qui passe de 782 en 1940 à 1160 en 1948.
4En 1949, le Conseil fédéral décide de créer la Commission consultative de politique commerciale26. Il motive ainsi sa décision du 22 novembre 194927 : les incertitudes actuelles sur les questions économiques internationales multiplient les problèmes considérables et provoquent des débats complexes. Il est donc indispensable que la gestion et la discussion des nombreux problèmes de politique commerciale soient menées dans une commission plus étendue que la Délégation économique permanente. Celle-ci doit être maintenue en tant que structure chargée des multiples décisions courantes et composée, sous la présidence du directeur de la DC du DFEP, par des personnalités qui disposent des connaissances et expériences indispensables, c’est-à-dire de hauts fonctionnaires de la DC, d’un représentant du DPF et d’Heinrich Homberger, directeur du Vorort. Il est prévu que les représentants des milieux commerciaux, industriels et financiers soient invités, de cas en cas, à participer aux séances de la Délégation permanente.
5En fait, les organisations suivantes participeront aux séances de la Commission consultative de politique commerciale : le Vorort, la Banque nationale suisse, l’Union suisse des paysans, l’ASB, l’Union suisse des arts et métiers, la Fédération des sociétés suisses d’employés, l’Union syndicale suisse, la Fédération suisse du tourisme, le Comité de la Foire suisse d’échantillons de Bâle. En 1949, les responsables de cette commission innovent en invitant aussi l’Alliance nationale de sociétés féminines suisses (pour représenter les consommateurs), alors que les femmes devront attendre 1971 pour obtenir le droit de vote en Suisse. De plus, des personnalités éminentes reçoivent des invitations pour exprimer, au sein de cette commission, les souhaits des milieux industriels ou commerciaux. De 1949 à 1969, le nombre des membres de la Commission passe de dix-huit à trente-cinq membres. Certes, elle représente une large palette de la vie économique, mais la Délégation permanente garde l’essentiel du pouvoir de décision. Les séances de cette Commission consistent surtout en des exposés et des explications par le directeur du Vorort et celui de la DC. Elle contribue ainsi à diffuser et à partager les analyses des plus hauts dirigeants qui bénéficient ainsi d’un consensus élargi.
Le rôle et le fonctionnement de la Délégation économique permanente
6En fait, la Délégation permanente fonctionne depuis 1939, sans base légale. Seules quelques phrases dans les procès-verbaux du Conseil fédéral du 12 septembre 1939 et du 22 novembre 1949 évoquent ses activités28. Il faudra attendre 1961 pour que son organisation soit précisée par le Gouvernement.
7Structure informelle, la Délégation permanente fonctionne sans que des procès-verbaux détaillés soient rédigés et distribués. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses séances souvent hebdomadaires ne laissent guère de traces écrites29. En 1955, le chef de la diplomatie suisse, le conseiller fédéral Max Petitpierre (1899-1994), qui occupait pour une année la charge honorifique de président de la Confédération, demande au directeur de la DC, Hans Schaffner (1908-2004), des informations sur les débats et décisions de la Délégation permanente. Celui-ci évoque la nécessite de garder un « caractère confidentiel et libre de formalité » aux délibérations. Seul un procès-verbal sommaire est « rédigé en deux exemplaires, dont l’un peut être communiqué, s’il y a lieu, au Conseil fédéral pour son information »30. Le haut fonctionnaire indique ainsi que la communication reste soumise à son bon vouloir. Même un membre du Gouvernement ne dispose pas de l’intégralité des informations échangées et discutées au sein de la Délégation permanente.
8Sur la base des invitations aux séances, il est possible de dresser la liste des cent vingt personnes qui ont participé à ces entretiens de 1939 à 1972. La personnalité qui participe aux plus grands nombres de séances est Homberger, qui siège de 1939 à 1965. Dirigeant le Vorort depuis 1935, il détermine ainsi la politique économique extérieure pendant trois décennies. De plus, il participe pratiquement à toutes les séances de la Délégation économique et financière du Conseil fédéral. Comme l’écrit J. Schaufelbuehl, Homberger est « l’homme fort de l’économie privée helvétique31 ». Spécificité suisse, l’organisation faîtière du patronat bénéficie d’une participation directe aux négociations internationales grâce à la présence d’un de ses dirigeants dans les délégations nommées par le Gouvernement. Formée par le directeur du Vorort, celui de la DC et d’un noyau de proches collaborateurs, la délégation permanente « restreinte » prépare les séances de la délégation « élargie » et celles du Conseil fédéral. Pilier central de la Délégation permanente jusqu’à sa retraite en 1965, Homberger parvient à concilier les intérêts parfois contradictoires des différentes composantes du patronat et à les faire accepter par les autorités politiques. Par exemple, il conclut une séance consacrée aux relations économiques avec la Chine le 12 septembre 1952 en affirmant que cette séance a abouti aux mêmes conclusions que celles qui sont ressorties des débats confidentiels au sein du Vorort dont les décisions sont ainsi confirmées32. En 1957, Homberger et d’autres membres de la Délégation permanente expriment leurs inquiétudes à cause du Traité de Rome : les charges sociales et salariales seraient alourdies ; des menaces pèsent sur les cartels et le secret bancaire33.
9Après Homberger, c’est Hans Schaffner qui participe au plus grand nombre de séances de la Délégation permanente. De 1941 à 1946, il dirige la Centrale de l’économie de guerre, puis devient en 1946 délégué du Conseil fédéral pour les accords commerciaux. Nommé en 1954 directeur de la DC, il préside donc la Délégation permanente, ce qui lui permet de consolider en 1958 et 1959 une politique très réservée à l’égard de la coopération économique européenne, alors que le chef de la diplomatie, Max Petitpierre, aurait été favorable à une attitude plus positive34. Élu par le Parlement en 1961 comme membre du Gouvernement, Schaffner dirige le Département fédéral de l’économie de 1961 à 1969. Très méfiant et sceptique face à la construction européenne, fervent promoteur de l’AELE, Schaffner, après de longues années dans la fonction publique, continue ses activités dans l’économie privée.
10Alors que le Vorort, grâce à Homberger, dispose d’emblée d’une présence constante au sein de la Délégation permanente, l’Union suisse des paysans participe à ses séances dès 195135. Elle y est d’abord représentée par son directeur Ernst Jaggi (1917-2004), puis dès 1958, par son successeur, René Juri (1922-2003). En 1959, lors des débats pour actualiser le tarif douanier de 1921, l’Union suisse des arts et métiers constate l’existence et l’importance de la Délégation permanente. Cette association représentative des petits patrons demande alors pouvoir y siéger36. Dès 1960, elle y sera représentée par son dirigeant Otto Fischer (1915-1993), personnalité énergique qui lutte pendant des décennies contre les interventions étatiques dans l’économie, pour les valeurs traditionnelles helvétiques et contre une politique étrangère ouverte sur le monde.
11À partir de 1960, l’Union syndicale suisse participe aussi aux séances de la Délégation permanente. Son secrétaire, Waldemar Jucker (1924-1994), intervient dans ce contexte face à de hauts fonctionnaires et aux représentants des milieux économiques. Seul représentant des personnes salariées, il est aussi le plus jeune des délégués, alors que les industriels, les paysans et les artisans s’expriment par le biais de représentants plus âgés et expérimentés.
12Parmi les cent vingt personnes qui participent aux séances de la Délégation permanente de 1939 à 1972, plusieurs dirigeants passent de l’administration publique à l’économie privée et vice versa. Cette porosité du système ressort en examinant les parcours de Paul Keller (1898-1973) ou d’Alexandre Hay (1919- 1991) qui deviendront directeurs généraux de la Banque nationale suisse, de même qu’Edwin Stopper (1912-1988) qui présidera la Banque centrale dès 1966, après avoir travaillé pour la DC (1939-1945), pour le Vorort (1945-1952) et pour Nestlé (1952-1954) et à nouveau pour la DC qu’il dirige dès 1961 et donc préside la Délégation permanente. Fonctionnaire fédéral de 1943 à 1951, Albert Grübel (1918-2002) travaille ensuite pour le Vorort et revient dans la haute fonction publique dès 196737. Plus favorable que ses collègues à la construction européenne, Gérard Bauer (1907-2000) quitte en 1958 la fonction publique pour présider la Fédération horlogère suisse.
13D’autres parcours conduisent des protagonistes à occuper des fonctions internationales. Afin de maintenir sa politique protectionniste en matière agricole et l’indépendance de sa monnaie, la Suisse refuse d’abord de faire partie du GATT. Toutefois, avec les débuts de la construction européenne et les difficultés rencontrées au sein des relations économiques avec les États-Unis, le danger d’un isolement pousse le Conseil fédéral, sous l’impulsion du Vorort, à une adhésion provisoire en 1958, puis définitive en 1966. De 1968 à 1993, le poste de directeur général du GATT sera occupé par Olivier Long (1915-2003), puis par Arthur Dunkel (1932-2005) dès 1980, deux hauts fonctionnaires qui ont participé à d’innombrables séances de la Délégation permanente.
14On peut aussi signaler que Schaffner, après avoir quitté le gouvernement suisse, deviendra administrateur de plusieurs fleurons industriels. En 1972, il est appelé par l’OCDE à participer au comité présidé par Jean Rey chargé de rédiger un rapport sur les « problèmes commerciaux et les problèmes connexes dans une perspective à long terme38 ». De 1972 à 1974, Schaffner est désigné par le Conseil économique et social de l’ONU pour participer au « Groupe de personnalités éminentes chargées d’étudier les effets des sociétés multinationales sur le processus de développement, en particulier dans les pays en développement, et sur les relations internationales39 ».
Les banques et la Délégation permanente
15Alors que les besoins des milieux industriels et commerciaux sont synthétisés et communiqués par le Vorort et son directeur Homberger qui participe à toutes les séances de la Délégation permanente, les banquiers n’y disposent pas d’une représentation équivalente. Parfois, la Délégation permanente discute avec des membres et des représentants de l’ASB40. Mais en 1958, elle décide, sans consulter ceux-ci, d’utiliser l’arme financière pour faire pression sur les Européens, ce qui implique de ne pas autoriser le Crédit Suisse à accorder un prêt à Saint-Gobain. Ancien directeur de l’Administration fédérale des finances, le directeur général du Crédit suisse, Eberhard Reinhardt (1908-1977), écrit le 13 novembre 1958 à son ami Schaffner pour justifier l’importance de cette transaction négociée depuis plus de cinq années41. Celui-ci renonce donc au veto décidé par la Délégation permanente. Avec l’autorisation des autorités fédérales, le prêt est accordé à la grande satisfaction du banquier. Cet exemple montre la difficulté pour les autorités gouvernementales à instrumentaliser les activités bancaires42. Disposant d’une immense marge de manœuvre grâce au libéralisme helvétique, les établissements financiers privés ne coordonnent guère leurs activités avec l’État fédéral et se méfient de la construction européenne qui risque de limiter le secret bancaire43. La Délégation permanente ne manque pas une occasion de défendre celui-ci considéré comme un des piliers de la prospérité suisse, de même que la faible pression fiscale44.
16En 1962, la Délégation permanente réagit, avec rapidité et énergie, à un rapport du Conseil fédéral qui montre l’ampleur de la fraude fiscale grâce au secret bancaire. Dès le 19 juin, Homberger proteste contre la publication de ces informations qui pourraient être exploitées contre la Suisse, notamment lors des négociations sur la construction européenne45. Le 27 juin 1962, le conseil d’administration de l’ASB adopte un dispositif de riposte afin de justifier le secret bancaire. Le jour même, des banquiers discutent à Berne avec des hauts fonctionnaires et le conseiller fédéral Hans Peter Tschudi (1913-2002), membre socialiste du Gouvernement46. Le lobbying de l’économie privée permet d’écarter les risques d’affaiblir le secret bancaire. Les autorités fédérales participent à cette défense d’un des piliers de la prospérité suisse, dans un contexte de stabilité intérieure. La Confédération n’a pas connu de recomposition politique après la Seconde Guerre mondiale. La légère progression électorale du Parti socialiste suisse a amené à l’élection d’un social-démocrate au Gouvernement dès décembre 1943. Celui-ci deviendra ministre des Finances. Désormais, les socialistes atténuent leurs critiques de la politique financière qui, malgré la guerre, continue d’être « austéro-libérale », pour reprendre les termes de Margairaz47. S’il y a une « conversion » en Suisse, ce n’est pas celle des experts au dirigisme (qui se restera une parenthèse imposée par la crise et par la guerre moniale), mais celle des socialistes à l’orthodoxie libérale accommodée aux nécessités du moment. L’intégration de responsables socialistes et syndicalistes dans les négociations internationales participe à ce processus.
Les années 1960
17Dès les débuts de la construction européenne, les milieux patronaux se méfient des projets jugés trop politiques, dirigistes et idéologiques48. Ces réserves exprimées en particulier par Homberger et adoptées par des dirigeants comme Schaffner rendent nécessaires des négociations internationales pour développer les échanges avec l’outre-mer et pour éviter l’isolement de la Suisse. En 1961, les progrès de l’intégration européenne amènent les autorités fédérales à adapter les structures administratives. Créé le 11 décembre 1961, le Bureau de l’intégration est chargé d’observer le processus de construction européenne, sous l’égide de la Délégation permanente49. Celle-ci acquiert ainsi une base légale et doit coordonner quatorze groupes de travail chargés de rédiger des rapports sur les problèmes économiques, financiers, monétaires et culturels posés par la construction européenne.
18La protection du secret bancaire motive les dirigeants suisses qui s’inquiètent aussi des projets européens qui menacent un autre pilier spécifique de l’économie suisse50 : les cartels risquent de subir les effets de l’intégration51. De plus, le dirigeant de l’Union suisse des arts et métiers redoute l’immigration massive. Lors de la séance de la Délégation permanente du 7 juin 1962, après
avoir relevé que, dans ce secteur, les conceptions du Traité de Rome sont foncièrement différentes de celles qui prévalent en Suisse, M. Fischer exprime la crainte d’un afflux d’étrangers dans les activités indépendantes en Suisse si le régime actuel était assoupli. Aussi estime-t-il qu’il serait nécessaire, pour des raisons démographiques, d’obtenir une réglementation particulière en cas d’association à la CEE.
19Le président de la Délégation permanente affirme les nécessités liées à l’expansion économique :
En réponse à M. Fischer, pour qui la plus grande prudence s’impose en matière d’assimilation et qui craint qu’on se laisse entraîner sur ce point par des conceptions étrangères, M. Stopper déclare que la patrie ne serait pas menacée par une politique visant à assimiler les étrangers dont nous avons besoin52.
20Les inquiétudes suscitées par la construction européenne contribuent à ce que le veto exprimé le 14 janvier 1963 par de Gaulle à l’adhésion de la Grande-Bretagne soit accueilli avec le plus grand soulagement53 et avec une satisfaction évidente par les milieux patronaux suisses54. L’affirmation constante de l’importance des relations avec l’outre-mer pose aussi le problème de l’aide au développement. Au cours des années 1960, la DC et la Délégation permanente vont multiplier les efforts pour élaborer une stratégie suisse qui ne se résume pas à une aspiration tiers-mondiste mais s’insère dans la stratégie d’expansion économique dans le contexte de la guerre froide55.
21Par rapport à l’Europe, la Délégation permanente reste réservée et sceptique face aux projets supranationaux. Il en résulterait des limitations de l’autonomie financière de la Suisse, un démantèlement de son fédéralisme et de la protection de son agriculture, des charges fiscales défavorables aux capacités concurrentielles de l’économie, ainsi qu’une augmentation du secteur étatique. Bref, la Délégation permanente estime que les risques restent élevés de perdre les spécificités helvétiques qui constituent la base de la prospérité du pays56.
22Néanmoins, l’évolution des autres pays européens amène la Suisse à négocier avec la CEE. En novembre 1971, les résultats sont appréciés par la Délégation permanente :
M. Fischer signale que l’artisanat jugera notre accord avec le Marché commun avant tout sous l’angle de la réglementation qui sera établie pour la main-d’œuvre étrangère. M. Jucker ajoute que les milieux ouvriers ont une approche semblable. Ces milieux auraient de la peine à comprendre qu’on institue une zone de libre-échange, qui représente un avantage pour l’industrie, et qu’on accepte en plus une augmentation du nombre d’ouvriers étrangers. M. Winterberger déclare aussi que le problème de main-d’œuvre étrangère est le point crucial de nos négociations57.
23Signés à Bruxelles le 22 juillet 1972, les accords avec la CEE sont acceptés en votation populaire.
24Néanmoins, des réserves continuent de s’exprimer. Lors de la séance de la Délégation permanente du 10 novembre 1972 sur la collaboration monétaire internationale, les associations patronales, bancaires et syndicales s’expriment : « Le ton est à la prudence qui est elle-même l’expression d’un certain négativisme58. »
Conclusion
25En 1963, Gerhard Winterberger (1922-1993), secrétaire du Vorort, écrit que l’influence de celui-ci à Berne est d’autant plus grande qu’il reste discrètement à l’arrière-plan et qu’on ne parle guère de lui. Selon celui qui en deviendra directeur en 1970, la méthode pratiquée jusqu’alors par le Vorort a fait ses preuves59. De 1963 à 1972, la complexité croissante des problèmes va montrer les limites du système basé sur la Délégation permanente. L’expansion de la place financière et un relatif renforcement de l’État fédéral vont un peu affaiblir la position centrale de la Délégation permanente et le rôle incontesté du directeur du Vorort.
26En 2018, Michel Margairaz et Danielle Tartakowsky ont analysé « l’État détricoté60 ». Cette métaphore textile n’est guère transposable en Suisse, car un processus analogue ne peut pas y être analysé. L’État a constitué un mince filet, qu’il a fallu raccommoder à cause des pressions des crises et guerres mondiales. Les effets des politiques élaborées en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis pendant les années 1940 sont restés limités en Suisse. Alors que le tricotage des États occidentaux fonctionnait, la Suisse se tenait à l’écart. La charge fiscale en Suisse reste inférieure d’environ 5 % à celle des pays industriels dans les années 1950 et d’environ 8 % dans les années 1965-197061. À la pointe du néolibéralisme avec des groupes transnationaux comme la Société du Mont-Pèlerin fondée en 1947 près de Lausanne, les milieux dirigeants suisses, souvent sous l’influence de Hayek et Röpke, ont raccommodé l’État dont le tissu est resté mince en comparaison internationale62. C’est moins un tricot qu’un filet, un filet qui protège des parties de la population suisse de tomber dans la misère, mais qui récolte peu de ressources fiscales car ses mailles laissent s’échapper de considérables ressources. Les rapiéçages opérés dans les années 1950 et 1960 ont été menés sous la houlette des organisations patronales dont les plus hauts dirigeants agissaient dans le cadre très discret de la « Délégation économique permanente ». Néanmoins, les défis posés par la construction européenne et la crise monétaire au début des années 1970 ont rendu nécessaires de nouveaux raccommodages.
Notes de bas de page
1 Pierre Eichenberger, Sébastien Guex, Cédric Humair, André Mach, « Les organisations patronales suisses entre coordination économique et influence politique. Bilan historiographique et pistes de recherche », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 115, 2012, p. 115-127. Voir aussi André Mach, Groupes d’intérêt et pouvoir politique, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2015.
2 Commission indépendante d’experts Suisse-Seconde Guerre mondiale (CIE), La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale, Zurich, Pendo, 2002, p. 60, 476 et 748. Il s’agit de la synthèse des rapports publiés par cette commission présidée par le regretté Jean-François Bergier. Cette synthèse et une partie des rapports sont consultables sur le site internet : www.uek.ch.
3 Marc Perrenoud, Banquiers et diplomates suisses (1938-1946), Lausanne, Antipodes, 2011, p. 466. Michel Margairaz m’a fait l’honneur de siéger dans le jury de ma thèse.
4 Sur l’historiographie des lobbies en Suisse, voir l’introduction à Gisela Hürlimann, André Mach, Anja Rathmann-Lutz, Janick Maria Schaufelbuehl (dir.), Lobbying. Les antichambres du pouvoir, Zurich, Chronos, 2016, p. 9-19.
5 Marc Perrenoud, « Politique économique et relations extérieures », Traverse. Revue d’histoire, 1, 2010, Zurich, Chronos, p. 171-183.
6 Sébastien Guex, Malik Mazbouri, « L’Association suisse des Banquiers et l’organisation du marché bancaire au xxe siècle », dans Danièle Fraboulet, Michel Margairaz, Pierre Vernus, Réguler l’économie. L’apport des organisations patronales : Europe, xixe-xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 231-252.
7 Rodolphe Rubattel, Les relations Confédération-groupements intéressés. Étude présentée au Conseil fédéral, Berne, Feuille officielle suisse du commerce, 1957, 64e supplément de La Vie économique, revue mensuelle publiée par le DFEP, p. 8.
8 Dusan Sidjanski, « Les groupes de pression et la politique étrangère en Suisse », Annuaire suisse de science politique, 1966, 6, p. 2845, ici p. 37.
9 Des informations sur les organisations et personnes mentionnées dans cet article se trouvent en ligne dans le Dictionnaire historique de la Suisse (https://hls-dhs-dss.ch/fr/), ainsi que dans la base de données des Documents diplomatiques suisses (www.dodis.ch). Des documents et des informations sur la Délégation économique permanente se trouvent sous https://dodis.ch/R418.
10 Stefan Frech, Clearing. Der Zahlungsverkehr der Schweiz mit den Achsenmächten, Zurich, Chronos, 2001, en particulier p. 81, 152, 166 et 205.
11 René Bondt, Der Minister aus dem Bauernhaus : Handelsdiplomat Jean Hotz und seine turbulente Zeit, Zurich, Verl. Neue Zürcher Zeitung, 2010. Cet ouvrage qui frise l’hagiographie doit être nuancé sur la base d’autres livres qui indiquent les limites intellectuelles de cette personnalité. Voir notamment Albert Weitnauer, Rechenschaft : vierzig Jahre im Dienst des schweizerischen Staates, Zurich, Artemis Verlag, 1981, p. 106-111. Selon le haut fonctionnaire A. Weitnauer (1916-1984), les successeurs de Hotz à la tête de la DC seront d’un format supérieur à celui-ci, voir p. 160 suiv. et 264-273.
12 Cécile Pasche, Heinrich Homberger (1896-1985). Servir la patrie ? Servir le Vorort…, mémoire de licence ès lettres, université de Lausanne, Section d’histoire, 2000, sur la Délégation économique permanente, voir en particulier p. 48-53, 104-105.
13 Voir le procès-verbal du Conseil fédéral du 12 septembre 1939, https://dodis.ch/46916 (relations avec l’Allemagne) et https://dodis.ch/46917 (relations avec la France).
14 https://dodis.ch/R515.
15 Voir le procès-verbal du Conseil fédéral du 16 mai 1941, https://dodis.ch/47226.
16 Martin Meier, Stefan Frech, Thomas Gees, Blaise Kropf, Schweizerische Aussenwirtschaftspolitik 1930- 1948. Strukturen – Verhandlungen – Funktionen, Zurich, Chronos, 2002, p. 235-236. Sur la Délégation permanente, voir en particulier p. 507 et 542.
17 Edgar Bonjour, Histoire de la neutralité suisse, Neuchâtel, La Baconnière, 1971, t. VI, p. 411.
18 C. Pasche, Heinrich Homberger, op. cit., p. 62-63.
19 Marc Perrenoud, Rodrigo López, Aspects des relations financières franco-suisses (1936-1946), Zurich, Chronos, 2002, p. 180.
20 Sébastian Guex, « L’État fédéral et les crises économiques du début du xxe siècle à nos jours. La Suisse, un bastion antikeynésien », dans Thomas David, Mathieu Jon, Janick Maria Schaufelbuehl, Tobias Straumann (dir.), Krisen. Ursachen, Deutungen und Folgen/Crises. Causes, interprétations et conséquences, Zurich, Chronos, 2012, p. 151-169.
21 Sur la Commission du Conseil national, voir les informations en ligne sous https://dodis.ch/R6123 ; sur la Commission du Conseil des États, voir https://dodis.ch/R6122.
22 https://dodis.ch/R10990.
23 https://dodis.ch/R2349.
24 https://dodis.ch/R9030.
25 Martin Kloter, Peter Hug (dir.), Aufstieg und Niedergang des Bilateralismus : Schweizerische Aussen- und Aussenwirtschaftspolitik 1930-1960 : Rahmenbedingungen, Entscheidungsstrukturen, Fallstudien, Zurich, Chronos, 1999, notamment Thomas Gees, « Interessenclearing und innere Absicherung. Zur Zusammenarbeit zwischen Verwaltung und Privatverbänden in der schweizerischen Aussenwirtschaftspolitik 1930-1960 », p. 141-172, sur la Délégation permanente, voir en particulier p. 166-171.
26 https://dodis.ch/R767.
27 https://dodis.ch/R7166.
28 Archives fédérales suisses, Berne (AFSB), E7110#1967/32#772*, lettre de la DC au Secrétariat général du DFEP du 27 juin 1952 et E7110#1967/32#770*, notice de la DC du 23 novembre 1955.
29 Georg Hafner, Bundesrat Walther Stampfli. Leiter der Kriegswirtschaft im Zweiten Weltkrieg. Bundesrätlicher Vater der AHV, Olten, Dietschi, 1986, p. 233. Dans le cadre de la Commission Bergier, il a été possible de décrypter des notes prises par Homberger pendant les séances.
30 AFSB, E2800#1967/59#525*, lettre du directeur de la DC, H. Schaffner, au président de la Confédération M. Petitpierre, 13 avril 1955.
31 Janick Marina Schaufelbuehl, La France et la Suisse ou la force du petit. Évasion fiscale, relations commerciales et financières (1940-1954), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2009, p. 218 ; voir aussi p. 49-50, 190 et 209-212. En février 1948, l’attaché financier français à Berne constate le rôle dominant de Homberger.
32 PV de la séance du 10 septembre 1952, en ligne : www.dodis.ch/8173.
33 Archiv für Zeitgeschichte, Zurich (AfZZ), Fonds du Vorort, Dossier 10.11.8.4. Voir les procès-verbaux de la Délégation permanente du 8 avril 1957 et du 27 avril 1957.
34 AfZZ, Fonds du Vorort, dossier 10.11.8.7, notamment la lettre de Schaffner à Petitpierre du 8 septembre 1959. Sur les conflits entre ces deux personnalités, pourtant membres du même parti politique, voir Daniel Trachsler, Bundesrat Max Petitpierre : schweizerische Aussenpolitik im Kalten Krieg 1945- 1961, Zurich, NZZ Libro, 2011.
35 AFSB, E7110#1967/32#775*, Notice du 26 janvier 1951 du directeur de la DC, J. Hotz.
36 AFSB, E7110#1970/114#30*, lettre du 27 novembre 1959 du président de l’USAM, Ulrich Meyer-Boller (1903-1987) et de son secrétaire central Otto Fischer, au directeur de la DC, H. Schaffner.
37 Fritz Rothenbühler (1914-1984) accomplit un parcours analogue.
38 Voir la notice de Schaffner du 17 avril 1972, http://dodis.ch/37033.
39 Voir les informations en ligne sur : http://dodis.ch/R28942.
40 Voir AFSB, E7111A#1000/1067#551*, procès-verbal de la séance du 18 mars 1952. Voir aussi Marc Perrenoud, « La place financière suisse en tant qu’instrument de la politique étrangère helvétique (1932-1962) », Relations internationales, 121, 2005, p. 25-42.
41 http://dodis.ch/16672. À noter que Reinhardt tutoie Schaffner et le remercie dès le 18 novembre pour le feu vert fédéral.
42 Roland Maurhofer, Die schweizerische Europapolitik vom Marshallplan zur EFTA 1947 bis 1960 : zwischen Kooperation und Integration, Berne [etc.], P. Haupt, 2001. Sur la Délégation permanente et les banques, voir en particulier p. 52-55, 208-239, 297-300, 362-367, 398-430.
43 Marc Perrenoud, « Secret bancaire et politique étrangère de la Suisse (1932-1962) », Relations internationales, 113, 2003, p. 27-40. Après avoir participé à la Délégation permanente, Agostino Soldati (1910-1966), promu ambassadeur à Paris, informe en 1962 Berne de la complaisance secrète des élites françaises pour le secret bancaire dont elles profitent, comme le lui a expliqué Maurice Couve de Murville : le 19 juillet 1962, http://dodis.ch/30740.
44 Olivier Longchamp, La politique financière fédérale (1945-1958), Lausanne, Antipodes, 2014, p. 11. La citation liminaire est une déclaration de Homberger de 1953 qui insiste sur la nécessité de limiter les dépenses étatiques et de réduire la pression fiscale.
45 Voir notice du 19 juin 1962, https://dodis.ch/30735.
46 Christophe Farquet, Histoire du paradis fiscal suisse. Expansion et relations internationales du centre offshore suisse au xxe siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2018, p. 223 et suiv.
47 L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion (1932-1952), Paris, Imprimerie nationale/ Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, vol. XXX, p. 1338 et suiv.
48 Antoine Fleury, « Le patronat suisse et l’Europe : du plan Marshall aux traités de Rome », dans René Girault, Thierry Grosbois et al., L’Europe du patronat. De la guerre froide aux années soixante. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve des 10 et 11 mai 1990, Berne, Peter Lang, 1993, p. 165-189.
49 https://dodis.ch/R11314.
50 Voir Alain Cortat (dir.), Contribution à une histoire des cartels en Suisse, Neuchâtel, Alphil, 2010.
51 Cette inquiétude est notamment exprimée par Otto Fischer lors de la séance du 18 mai 1962 de la Délégation permanente. AFSB, E7111C#1972/178#346*.
52 PV de la séance du 13 juin 1962 de la Délégation permanente, AFSB, E7111C#1972/178#346*.
53 Guido Adalberto Keel, Le grand patronat suisse face à l’intégration européenne, Berne, Peter Lang, 1980, en particulier p. 261-270 et 286-295.
54 Martin Zbinden, Der Assoziationsversuch der Schweiz mit der EWG 1961-1963 : ein Lehrstück schweizerischer Europapolitik, Berne, Haupt Verlag, 2006, en particulier p. 220-229, 256-267. Voir aussi Martin Zbinden, « Die schweizerische Integrationspolitik von der Gründung der OEEC 1948 bis zum Freihandelsabkommen 1972 », dans Michael Gehler, Rolf Steininger (dir.), Die Neutralen und die europäische Integration 1945-1995, Vienne, Böhlau, 2000, p. 389-420. La Délégation permanente est notamment citée aux p. 401-404.
55 Marc Perrenoud, « La coopération de la Confédération au développement un enjeu de la politique intérieure et des relations économiques extérieures de la Suisse », dans Deux mondes, une planète. Mélanges offerts à Bouda Etemad, Lausanne, En bas, 2015, p. 293-306. Voir aussi la lettre du 19 novembre 1971 de Sigismond Marcuard, délégué du Conseil fédéral à la coopération technique, qui regrette de ne pas être invité à participer aux séances de la Délégation permanente, AFSB, E2005A#1983/18#1050*.
56 AfZZ, Archives personnelles de Paul Jolles, Dossier 0001288. Voir en particulier le procès-verbal du 25 septembre 1968.
57 AFSB, E2001E-01#1982/58#548*, procès-verbal du 19 novembre 1971.
58 AFSB, E2001E-01#1982/58#548*, Notice du 13 novembre 1972 du Service économique et financier du DPF.
59 Notice de Gerhard Winterberger du 16 décembre 1963 citée par Pierre Eichenberger, Mainmise sur l’État social. Mobilisation patronale et caisses de compensation en Suisse (1908-1960), Neuchâtel, Alphil, 2016, p. 13.
60 Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, L’État détricoté. De la Résistance à la République en marche, Paris, Détour, 2018.
61 Pour des comparaisons internationales de la quote-part fiscale dans les pays de l’OCDE de 1955 à 2000, ainsi que des analyses des finances publiques en Suisse, voir Sébastien Guex, « Öffentliche Finanzen und Finanzpolitik », dans Patrick Halbeisen, Margrit Müller, Béatrice Veyrassat (dir.), Wirtschaftsgeschichte der Schweiz im 20. Jahrhundert, Bâle, Schwabe, 2012, p. 1078-1129, en particulier p. 1091.
62 Pour paraphraser un compte rendu de Margairaz, on pourrait dire que la Suisse présente un système singulier qui combine néolibéralisme et corporatisme. Voir Michel Margairaz, « Entre néolibéralisme et corporatisme. Apports et limites de deux trajectoires singulières », Le mouvement social, 195, 2001/2, p. 3-7.
Auteur
Docteur ès lettres, conseiller scientifique pour l’édition de documents diplomatiques suisses.
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