Les obsèques des élites politiques libanaises assassinées pendant la guerre civile
Entre privatisation de la mort et retour éphémère à l’unité nationale
p. 147-169
Texte intégral
1L’ampleur des pertes humaines lors de la deuxième guerre civile libanaise (1975-1990) a jusque-là mobilisé les historiens sur la nature et l’identité des victimes, mais aussi sur la difficile construction a posteriori des discours de mémoire1. Le moment du deuil lui-même est lourdement porteur de sens, encore plus quand la mort est violente, liée de surcroît à un assassinat. L’historiographie relative à l’usage politique du deuil comme registre de la réconciliation nationale ou de la contestation a été alimentée récemment par des travaux s’intéressant à l’histoire politique française du début du xixe siècle2. Les historiens de la Première Guerre mondiale ont montré eux-mêmes à quel point le deuil est fortement vécu alors dans la sphère privée comme dans l’espace collectif3. Dans la société libanaise multiconfessionnelle, les obsèques répondent traditionnellement le plus souvent à une logique d’organisation interne, celle de la communauté d’appartenance du défunt. Elles constituent en ce sens un miroir de la diversité du pays, un laboratoire de la fabrique du social. Durant la guerre civile, ces obsèques, surtout quand elles concernent des individus de premier plan victimes de mort violente, prennent toutefois une signification particulière. Si l’assassinat politique au Liban est une pratique ancienne dont l’architecte de l’indépendance nationale, l’emblématique Riad el-Solh, fut lui-même la victime le 16 juillet 19514, la mort violente des élites se généralise à partir de 1975 au point de concerner pour la première fois des chefs d’État. Deux personnalités sont en effet présidents du Liban au moment de leur assassinat (Bachir Gemayel en 1982 et René Moawwad en 1989).
2Parmi les différents enjeux concernés, la participation des funérailles des élites politiques à la construction, en temps de guerre, d’un imaginaire du retour à la paix et à l’unité nationale, leur aptitude à engendrer d’importantes recompositions intra- et intercommunautaires à différentes échelles allant du pays tout entier au village d’origine. Le mythe de l’unité retrouvée à l’occasion du deuil interroge plus fondamentalement l’historien sur le rôle joué à ce titre par les obsèques en elles-mêmes, ou plutôt sur les discours produits sur ces mêmes obsèques. Comme l’ont montré Boutros Labaki et Khelil Abou Rjeily, les hauts cadres politiques libanais (incluant cadres politiques et administratifs) ont payé pendant le conflit un lourd tribut, alimentant le nombre des victimes, au même titre que d’autres groupes professionnels5.
3Notre étude porte ici sur l’exemple de sept leaders politiques et religieux assassinés entre 1977 et 1990 : quatre sont maronites (Tony Frangie, Bachir Gemayel, Dany Chamoun et René Moawwad), deux sont sunnites (Rachid Karamé et le cheikh Hassan Khaled) et un est druze (Kamal Joumblatt).Beaucoup sont des fils de notables solidement enracinés dans le terroir local. On trouve ici plusieurs générations d’élites politiques libanaises. Seulement trois sur sept ont commencé leur carrière politique bien avant la guerre, ce qui a une certaine incidence lors des obsèques, étant donné la tendance à commémorer des identités plurielles. Le seul qui ait débuté politiquement les premières années de l’indépendance est Kamal Joumblatt, né en 1917, za’im, fondateur du PSP et chef du Mouvement national. Député du Chouf dès 1947, il est ministre (Économie et Agriculture) pour la première fois à 30 ans, la même année, sous le mandat de Bechara El-Khoury. Rachid Karaméa été pour sa part plusieurs fois Premier ministre du Liban depuis 1955 (présidence Chamoun) et ministre dès la présidence de Bechara El-Khoury (à la Justice dès 1951). Quant à René Moawwad, il débute sa carrière de député sous Camille Chamoun (député de Zghorta dès 1957) et obtient son premier poste ministériel sous la présidence Chéhab (1958-1964). Tous les autres (hormis le mufti de la République Hassan Khaled) ont commencé leur carrière politique au début des années 1970 ou seulement pendant la guerre, comme chef de milice sans enracinement parlementaire, à l’exception de Tony Frangie. Né en 1947, Bachir Gemayel est le fondateur des Forces libanaises en 1976, dont il assure le contrôle dès le printemps 1977. Né en 1939, Tony Frangie est élu député de Zghorta depuis 1972 et a été ministre. Quant à Dany Chamoun, né en 1934, il dirige le Noumour al-Ahrar (milice des Tigres, fondée par son père et absorbée par celle des Forces libanaises après une opération sanglante à Safra le 7 juillet 1980). Président du Parti national libéral fondé par son père Camille, décédé de mort naturelle en 1987, il finit par quitter en 1988 le Front libanais (coalition de partis chrétiens), devient un grand opposant aux accords de Taef et l’allié du général Aoun. Les trois individus précédemment cités sont des fils de leaders politiques chrétiens éminents, fondateurs de partis et de milices dont ils ont souvent repris le flambeau. Deux d’entre eux sont des fils d’anciens présidents du Liban (Tony Frangie et Dany Chamoun).
4L’ensemble des sept personnalités étudiées représente des individus qui ont souvent été de virulents adversaires pendant la guerre et ont tous connu une mort violente, entre le début et la fin du conflit, avec cependant des procédés distincts. Certains sont assassinés lors d’un trajet, soit après un guet-apens – Kamal Joumblatt est criblé de balles dans son véhicule le16 mars 1977 –, soit après explosion du véhicule – le mufti Hassan Khaled le 16 mai 1989, René Moawwad le 22 novembre 1989 avec seize autres personnes à Beyrouth-Ouest –, soit enfin après explosion d’un hélicoptère – Rachid Karamé le 1er juin 1987. D’autres sont assassinés dans leur quartier général par une bombe téléguidée (comme Bachir Gemayel le 14 septembre 1982, en compagnie de vingt-trois de ses compatriotes). D’autres encore le sont à l’intérieur de leur domicile, comme Tony Frangie (le 13 juin 1978) et Dany Chamoun (le 21 octobre 1990), abattus froidement avec leur épouse et leurs enfants. L’assassinat des collatéraux marque ici une forme de proscription visant l’extinction, voire l’affaiblissement inéluctable d’un lignage familial et d’un clan politique. Un nombre important de ces meurtres politiques reste encore aujourd’hui non élucidé.
Ruptures et continuités dans les rituels
5La nature et l’organisation des obsèques de ces personnalités assassinées révèlent à la fois la persistance de traditions funéraires propres à la communauté d’appartenance du défunt, mais aussi l’existence de rituels spécifiques de guerre au moment de la célébration du deuil.
6Les funérailles sont distinctes en fonction de l’identité du défunt. Une première catégorie d’obsèques est de nature officielle et nationale. Pour les personnalités d’État assassinées en cours d’exercice (président de la République ou président du Conseil), est organisé un deuil national : les cercueils sont recouverts du drapeau libanais et placés sur un affût de canon. Les drapeaux sont mis en berne devant tous les bâtiments officiels nationaux ; la télévision et les radios diffusent de la musique classique ou retransmettent la cérémonie ; les représentants officiels de l’État, leurs prédécesseurs ainsi que le corps diplomatique sont généralement présents. Les obsèques de la plupart des chefs d’État libanais depuis la fondation de la première République (1926) ont toutes été plus ou moins organisées selon ce rituel, hormis celles d’Émile Eddé (mort d’une crise de tachycardie), le 27 septembre 19496. Pendant la guerre, les cérémonies lors des obsèques nationales ne semblent pas déroger à la règle. Le deuil officiel décrété dans les administrations de l’État est toutefois de sept jours, qu’il s’agisse de personnalités décédées de mort naturelle (Camille Chamoun en 1987) ou de mort violente (Rachid Karamé, Bachir Gemayel ou René Moawwad). La période des sept jours de deuil officiel semble bel et bien être apparue au moment de la guerre, car seulement trois jours avaient été instaurés pour le dernier chef d’État libanais décédé avant le déclenchement du conflit, le général Fouad Chéhab mort d’une crise cardiaque en 1973. La question du rallongement de la période de deuil officiel pour les chefs d’État n’est pas dénuée d’intérêt. Elle pose la question de la fonction du deuil en temps de guerre. Ne faut-il pas voir en effet dans cette mesure décidée par les autorités de l’État une tentative de renforcer non seulement une forme de communion autour de la mémoire d’élites politiques ayant joué pour certaines un rôle majeur depuis l’indépendance du pays en 1943, mais aussi une volonté de resacraliser une fonction présidentielle fragilisée et affaiblie par la guerre ?
7La fragilisation de l’exécutif en temps de guerre entraîne incontestablement des adaptations à l’égard du protocole officiel prévu pour les funérailles d’État en temps de paix. Probablement pour des raisons de sécurité, le président libanais en exercice et le Premier ministre se font ainsi souvent représenter, mais il ne semble pas qu’il y ait de règles en la matière. Ainsi, la présence du Premier ministre Sélim Hoss, du président de la Chambre et du secrétaire général adjoint de la Ligue arabe contribue à faire des funérailles du mufti de la République Hassan Khaled une cérémonie nationale et officielle, même si son cercueil n’est pas drapé du drapeau national, mais de la couleur traditionnelle de l’islam – le vert – et d’or. Le maintien de l’organisation d’obsèques nationales pendant la guerre demeure dans tous les cas un révélateur intéressant de la pérennité du fonctionnement de l’État libanais, confronté à la montée en puissance de l’ordre milicien. Le parti Kataëb lui-même, dont Bachir a assuré la direction, souhaite après sa mort procéder à l’élection rapide d’un nouveau président, comme pour assurer la pérennité des institutions. Pendant la guerre civile, la succession politique du défunt est la plupart du temps assurée après l’organisation même de ses funérailles qui permettent ainsi de clôturer un cycle politique. Ceci n’est pourtant pas toujours le cas, au nom de l’urgence politique. L’élection du président Elias Hrawi en 1989 a ainsi lieu avant même l’achèvement des obsèques de René Moawwad, son prédécesseur assassiné.
8Une deuxième catégorie d’obsèques est de nature populaire, sans l’organisation d’un deuil national. Elles concernent souvent les chefs de milice assassinés et prennent une tournure à la fois populaire et officielle. Une foule considérable y assiste le plus souvent, plus nombreuse encore que pour des obsèques d’État (près de 100 000 personnes pour Kamal Joumblatt en 1977, presque autant pour le mufti de la République en 1989, contre près de 25 000 le jour de l’enterrement de René Moawwad la même année). On est loin pourtant de retrouver l’affluence massive observée lors des funérailles de Rial el-Solh en son temps (un demi-million de personnes7) ou même des leaders palestiniens assassinés à Beyrouth en avril 1973 par un raid israélien (250 000 personnes, selon la presse).
9On y trouve du reste des personnalités politiques de premier plan. Ainsi, les funérailles de Kamal Joumblatt sont non seulement celles d’un chef « féodal », d’un chef de milice, mais aussi celles d’une personnalité majeure de la vie nationale libanaise depuis l’indépendance, comme en témoignent les insignes de l’ordre national du cèdre avec rang de chevalier épinglés sur son catafalque. Le chef druze n’a pourtant pas droit à des obsèques d’État, même si le Premier ministre représentant le président Sarkis décide de faire le déplacement. En réalité, aucune règle définitive n’existe, et la présence de certains individus semble dictée essentiellement par les considérations géopolitiques du moment, par des liens de solidarité régionale ou locale, voire des liens affectifs. Ainsi, en dehors de la présence de Walid Joumblatt, le nouveau leader druze après l’assassinat de Kamal, aucun représentant officiel de l’État n’assiste aux obsèques de Dany Chamoun en 1991.
10Les funérailles des chefs de milice non prises en charge par l’État révèlent toutefois une volonté de la part des milices elles-mêmes d’assurer une dimension nationale à la mémoire du défunt, court-circuitant ainsi les décisions de l’État. Pour les funérailles de Dany Chamoun organisées par le PSP, c’est le parti de Walid Joumblatt (et non l’État) qui proclame lui-même le 24 octobre 1990 (jour de l’assassinat) jour de deuil national, au cours duquel les institutions publiques et privées ainsi que les institutions scolaires sont appelées à fermer leurs portes.
11De façon plus globale, quel que soit le type de cérémonie funéraire organisée, certains assassinats politiques suscitent un appel à la grève générale, laquelle est plus ou moins bien suivie dans l’ensemble du pays et donne lieu à une éphémère et apparente cohésion nationale. Une grève de deux jours est ainsi décrétée par les organisations professionnelles et les différents leaderships politiques et religieux après l’assassinat de Rachid Karamé en 1987. Le mot d’ordre est alors présenté comme largement suivi sur l’ensemble du territoire libanais. Après l’assassinat du cheikh Hassan Khaled en 1989, Dar Al Fatwa proclame de la même façon la grève générale du Liban pour trois jours.
12Pendant la guerre civile libanaise, l’organisation et le déroulement des obsèques des personnalités politiques victimes de mort violente alternent entre respect des traditions funéraires et existence de rituels spécifiques de guerre. Le conflit qui ensanglante le Liban impose ainsi ses propres contraintes. Dans tous les cas néanmoins, les rituels funéraires des personnalités assassinées correspondent en la matière aux traditions propres à la communauté d’appartenance ou au village d’origine, d’où l’existence de « communautés de deuil », selon l’expression de l’historien Jay Winter8. Dans la tradition musulmane sunnite classique, les corps sont ainsi enterrés après avoir été retirés du cercueil et recouverts d’un linceul après les ablutions (comme pour Rachid Karamé ou le cheikh Khaled), et les femmes ne participent pas à l’enterrement. Les druzes revêtent quant à eux leurs morts d’habits entièrement blancs, couleur qui symbolise la pureté religieuse. Le mort est enroulé dans un linceul qui laisse uniquement le visage et les mains apparents, comme en témoigne le corps exposé de Kamal Joumblatt9. Chez les chrétiens maronites du Nord-Liban, la toilette funéraire est habituellement la tâche des déclassés sociaux10. Le village du défunt possède aussi souvent ses propres traditions funéraires. Lors des obsèques de Tony Frangie, ce n’est pas seulement la mémoire d’un homme qui est célébrée, mais aussi celle des trente-trois personnes originaires de Zghorta assassinées à l’occasion. Les personnes tuées lors de l’attaque qui a coûté la vie au chef chrétien du Liban-Nord sont en effet inhumées à l’issue d’une cérémonie unique, car les familles des victimes ont voulu associer les mémoires des disparus dans un seul office religieux, en conformité avec les coutumes de la ville.
13Les funérailles des élites politiques assassinées s’inscrivent cependant dans un contexte géopolitique spécifique de guerre, ce qui a d’importantes implications. Outre la question centrale des absents et des présents, la circulation à l’intérieur du territoire est rendue plus difficile pendant la guerre, notamment pour ceux qui souhaitent se rendre à des obsèques. Les druzes d’Israël se trouvent ainsi dans l’impossibilité de franchir la frontière pour présenter leurs condoléances à l’occasion de l’assassinat de Kamal Joumblatt. C’est encore la difficulté des chrétiens à se rendre à Beyrouth-Ouest pour les obsèques du mufti Hassan Khaled qui entraîne le patriarcat à prendre l’initiative de recevoir les condoléances à Bkerké (siège du patriarcat). L’enterrement des personnalités assassinées semble par ailleurs se faire plus rapidement que d’ordinaire. Enterrer les morts sans délai est certes une tradition dans l’islam, mais que l’on retrouve aussi pendant la guerre pour certaines élites chrétiennes victimes de mort violente, sans qu’il y ait pour autant de règles en la matière. Les obsèques de Tony Frangie ont lieu le 14 mars 1978, soit le lendemain même de son assassinat. Celles de Bachir Gemayel se déroulent moins de vingt-quatre heures après que son corps a été exhumé des décombres, tandis que le corps de René Moawwad est inhumé trois jours après son assassinat le 22 novembre 1989.
14Les lieux où se déroulent les funérailles alternent également entre traditions et spécificités de guerre. Pour les sept cas étudiés, les cérémonies funéraires (rituels précédant l’enterrement, enterrement lui-même et condoléances) ont lieu dans les villes ou villages d’origine où le corps du défunt est généralement exposé. Avant la mise en terre de Kamal Joumblatt, sa dépouille (la tête serrée dans un bandeau blanc dissimulant ses blessures) et celle de ses deux compagnons sont ainsi placées dans la cour intérieure du palais de Moukhtara, sous une tente improvisée protégeant de la pluie. L’inhumation a lieu dans la nécropole familiale, lieu de mémoire fondamental de la guerre. Le corps du leader druze est déposé dans le caveau de famille où reposent déjà son père Fouad (assassiné en 1921) et sa sœur Linda, victimes eux-mêmes d’attentats politiques (Linda tombe sous les balles le 27 mai 1976), comme pour montrer une forme de malédiction familiale et ériger le défunt en martyr. Les condoléances sont reçues dans la localité d’origine et au domicile du défunt, et peuvent se prolonger après l’enterrement dans un lieu différent. Quatre jours de condoléances sont organisés en hommage à Kamal Joumblatt. Les trois premiers ont lieu à Moukhtara, avec réception des émissaires d’Hafez al-Assad, de l’ambassadeur britannique (comme pour marquer les liens historiques entre la Grande-Bretagne et les druzes dans l’histoire du Levant), d’Indira Gandhi, de délégations populaires, de députés et de notables. Le dernier jour se déroule à Beyrouth, au siège de la communauté druze (rue de Verdun). Nombre d’écoles de Beyrouth-Ouest sont alors fermées pour que les enseignants puissent présenter leurs condoléances.
15Pendant la guerre, il est remarquable d’observer à quel point les obsèques officielles des chefs d’État assassinés ou décédés de mort naturelle (comme Camille Chamoun en août 1987) ont lieu exclusivement dans le village d’origine, et non à Beyrouth, comme le voulait l’usage. Depuis l’indépendance jusqu’à la veille de la guerre civile, la capitale était en effet un passage obligé pour le déroulement des cérémonies funéraires impliquant des présidents libanais, même quand ces derniers n’étaient pas beyrouthins (Émile Eddé en 1949, Bechara El-Khoury en 1964 ou Fouad Chéhab en 1973). C’est à Beyrouth que se déroulaient dans un premier temps les processions principales et qu’étaient prononcées les homélies (généralement dans la cathédrale Saint-Georges des maronites, sous la présidence du patriarche), avant même l’enterrement final dans le village natal.
16La capitale n’est plus cependant l’espace central des célébrations pendant la guerre. Parmi les personnalités étudiées, il n’y a pas d’obsèques de chef d’État qui s’y déroulent. Les cérémonies sont organisées à l’église de Bikfaya dans la Montagne pour Bachir Gemayel, et en l’église Saint-Jean-Baptiste de Zghorta pour René Moawwad. Seules les funérailles du mufti de la République Hassan Khaled ont lieu à Beyrouth, ville dont l’homme est natif (1921), dans le secteur ouest et le quartier populaire sunnite de Tarik Jedidé où se trouve la mosquée de l’imam Ali.
17Pendant la guerre, Beyrouth n’est pas absente des cérémonies, mais devient davantage un espace de grèves générales, de solidarité avec le défunt (fermeture des magasins, des administrations), et d’hommages a posteriori qu’un espace central des obsèques. La première commémoration de l’assassinat de Kamal Joumblatt est ainsi organisée dans la capitale le 1er mai 1977 (jour du 28e anniversaire de la création du PSP en 1949), après le délai rituel de quarante jours suivant la mort. L’hommage au chef druze mobilise une foule importante (près de 30 000 personnes), dont de nombreux druzes venus des montagnes avec de grands portraits du défunt peints sur des banderoles. Le chef de l’OLP Yasser Arafat prononce à cette occasion un discours au palais de l’Unesco devant quinze délégations de partis de gauche du monde arabe, d’Afrique et d’Europe. Walid Joumblatt lui-même se déclare prêt à un dialogue avec toutes les parties libanaises.
18Après la question des lieux, la question des acteurs concerne d’abord celles ou ceux qui ont participé à l’organisation même des obsèques. Elle révèle la permanence de traditions propres à chaque communauté mais aussi des spécificités liées au contexte de guerre. En dehors de rares exceptions comme les funérailles de Dany Chamoun organisées par Walid Joumblatt, la prise en charge de la cérémonie mortuaire est le plus souvent l’œuvre de la famille du défunt elle-même, les « endeuillés de premier rang » (Winter). On assiste généralement après l’assassinat à une réappropriation du corps du défunt par sa famille directe qui reçoit les condoléances. Selon les circonstances, c’est la fonction soit du fils du défunt (Walid Joumblatt pour son père), soit du père (Soleiman Frangie ou Pierre Gemayel pour leur fils), soit des frères(les frères Omar et Maan Karamé pour leur frère Rachid), voire de l’épouse (Nayla Moawwad pour son mari). L’ancien président Soleiman Frangie préside en personne le défilé mortuaire à l’occasion de l’assassinat de son fils. La dépouille mortelle de Bachir Gemayel est quant à elle immédiatement transportée au domicile paternel après l’assassinat. La plupart des obsèques étudiées sont aussi l’occasion d’une réappropriation du corps de la victime par la communauté d’origine, même quand le corps n’est pas bien identifié. Personne n’a su en effet si le cercueil présidentiel de René Moawwad contenait ses restes ou ceux d’un de ses gardes du corps11. Il n’en reste pas moins qu’une forme de fusion s’établit entre la victime et les habitants de sa localité d’origine, soucieux de prendre en charge le déroulement des cérémonies conduisant jusqu’à l’inhumation finale. Tripoli s’incarne ainsi dans le personnage de Rachid Karamé, tout comme Zghorta s’identifie à René Moawwad, surtout quand le disparu a longtemps assuré avec sa famille le leadership local depuis l’indépendance.
19Le rôle des femmes musulmanes ou chrétiennes reste essentiel à l’occasion des funérailles. Elles veillent le plus souvent le corps du défunt jusqu’au jour de l’enterrement. Ce sont les cinq sœurs de Rachid Karamé qui assurent ainsi cette fonction et ce dans l’appartement que leur frère possédait près du port de Tripoli : assises en demi-cercle, elles reçoivent les condoléances et veillent le corps jusqu’à l’inhumation. Ce sont encore les femmes du village de Zghorta qui veillent le corps de l’ancien président René Moawwad. Les femmes assument la fonction de pleureuses. Vêtues d’un voile blanc lors des obsèques de Kamal Joumblatt, elles semblent dialoguer avec le défunt. Lors des obsèques de Tony Frangie, il faut l’intervention personnelle de Soleiman Frangie, le père, pour mettre fin aux hurlements des femmes. Ce sont encore des dizaines de pleureuses que l’on voit assises autour du catafalque lors des funérailles de Bachir Gemayel. Le transport des cercueils, souvent portés à bout de bras vers l’église ou la mosquée puis vers le cimetière, reste cependant dans tous les cas l’affaire des hommes. Celui de Rachid Karamé est littéralement happé par les Tripolitains qui le portent à bout de bras jusqu’à la résidence familiale. Celui du cheikh Hassan Khaled est porté ainsi de son domicile jusqu’à la mosquée de l’imam Ali à Tarik Jdedidé, deux kilomètres plus loin.
20Les dignitaires religieux appartenant à la communauté du défunt jouent un rôle majeur pour l’organisation des prières. Il en va ainsi du cheikh akl druze Mohammed Abou Chakra après la mort de Kamal Joumblatt en 1977, ainsi que de nombreux cheikhs de la communauté. C’est le mufti de la République Hassan Khaled qui s’en charge à l’occasion des funérailles de Rachid Karamé en 1987. Après l’assassinat du mufti en 1989, c’est le juge cherié de Beyrouth qui prononce l’allocution funèbre en son honneur. Pour les victimes maronites, le vicaire patriarcal ou le patriarche jouent le plus souvent un rôle central. Il n’en reste pas moins que, pour la plupart des obsèques étudiées, les dignitaires religieux des communautés autres que celle du défunt sont présents lors des cérémonies funéraires ou envoient des représentants. Pour les funérailles de Tony Frangie en 1978, sont ainsi présents les chefs religieux des autres communautés chrétiennes, dont l’évêque grec orthodoxe de Tripoli et du Koura, au nom du patriarche Elias IV, ainsi que le représentant du patriarche grec catholique. Pour celles de Rachid Karamé en 1987, figurent aux côtés des dignitaires sunnites les représentants du patriarcat maronite, du cheikh akl druze, des évêques grecs orthodoxes et grecs catholiques.
21Dans le contexte de la guerre, certains responsables religieux sont parfois à l’origine de décisions inédites à l’occasion du décès d’une personnalité politique, quelle que soit sa communauté d’appartenance. Ainsi, pour les obsèques du mufti Hassan Khaled en 1989, le patriarcat maronite prend pour la première fois l’initiative de recevoir lui-même les condoléances à Bkerké, afin de rendre hommage à un dignitaire sunnite qui n’avait pas ménagé ses efforts pour aboutir à une sortie de crise et au retour à l’entente intercommunautaire. Il s’agit pour le patriarcat de faciliter les démarches de condoléances des chrétiens dans l’impossibilité de se rendre à Beyrouth-Ouest.
22En dehors des acteurs qui participent traditionnellement à l’organisation des funérailles, la guerre civile libanaise entraîne incontestablement la présence d’acteurs masculins spécifiques du conflit. Les miliciens d’abord sont souvent omniprésents, surtout quand le défunt a été lui-même chef de milice. L’organisation du deuil donne une occasion supplémentaire aux différentes milices d’asseoir leur autorité. En assurant le bon fonctionnement des obsèques, elles légitiment leur assise territoriale par leur capacité à contrôler l’espace public traversé par le convoi funéraire. En 1978, les funérailles de Tony Frangie sont marquées par la réapparition de l’« armée des Marada »qui avait défendu Zghorta et Ehden lors de la « guerre des deux ans12 ». Après la mort de Bachir Gemayel, ce sont les phalangistes qui portent le cercueil à la sortie de l’église. Ce sont encore les milices du PSP de Walid Joumblatt qui encadrent les obsèques de Dany Chamoun en 1991. Face à la carence de l’État, l’ordre milicien se pose en organisateur des cérémonies et s’invite même dans l’espace privé familial du défunt, au point d’apparaître, au même titre que la famille elle-même, comme un dépositaire privilégié de la mémoire de la victime. Par son emprise sur la vie sociale, sur l’espace public, ses ressources économiques, mais aussi sur l’organisation des obsèques, le projet globalisant des différentes milices concurrentes apparaît au grand jour.
23Même affaiblie et divisée par la guerre, l’armée libanaise n’est pourtant pas absente. Quatre officiers de l’armée veillent ainsi au catafalque présidentiel de Bachir jusqu’à l’enterrement. Ce sont aussi les forces de l’armée et les Forces de sécurité intérieure qui filtrent la circulation dans la zone côtière du Liban-Nord lors des funérailles de Tony Frangie, tandis que 1 500 soldats de la Force d’action arabe (dirigée par Sami Khatib) montent la garde dans le secteur de Zghorta. L’incursion croissante des puissances régionales sur la scène libanaise et les alliances nouées avec les acteurs locaux ont elles-mêmes d’importantes répercussions sur l’organisation des obsèques. Celles de Rachid Karamé à Tripoli sont ainsi en grande partie encadrées par les forces spéciales syriennes. Cinq ans plus tôt, celles de Bachir Gemayel se déroulent sous la surveillance des avions israéliens.
Entre commémorations et espaces fondamentaux du politique
24Les funérailles (‘ajer) sont en effet pour les personnalités présentes, une activité éminemment politique à part entière. Y assister est déjà en soi une forme de civilité13 mais aussi une activité politique par excellence, comme l’a montré Isabelle Rivoal pour le cas de la communauté druze d’Israël. Se rendre à un enterrement est considéré comme un devoir : il faut assister aux funérailles de ses proches, des amis, des alliés politiques, mais aussi à celles de ses ennemis. Il s’agit d’une tradition au Liban, comme l’attestent déjà les obsèques de Riad el Solh en juillet 195114. Le défunt assure la fonction de mort médiateur entre des individus qui, en temps normal, recourent mutuellement à la violence physique ou verbale15. Les obsèques deviennent ainsi des espaces de négociations, de légitimation politique, voire de consolidations d’alliances ou de dénonciations, ce qui s’inscrit dans une certaine continuité historique libanaise. En octobre 1949, celles d’Émile Eddé avaient déjà été l’occasion d’une importante mobilisation populaire pour dénoncer les dérives du régime de son rival Bechara El-Khoury.
25Pendant la deuxième guerre civile (1975-1990), les funérailles des élites politiques assassinées sont d’abord un moment privilégié pour confirmer des lignes politiques ou élaborer des stratégies à venir. Le jour du meurtre de Kamal Joumblatt, le Conseil national palestinien décide ainsi de tenir une session extraordinaire. Le 16 mars 1977, le premier acte politique de Walid Joumblatt est son vibrant appel à l’arrêt des massacres antichrétiens consécutifs à l’assassinat de son père. Ses discours d’apaisement lors des obsèques contrastent toutefois fortement avec la réalité du terrain, car les tueries se poursuivent. Devenu patron du PSP, il rend des visites protocolaires aux ministres et députés, aux chefs de partis politiques amis, et songe à renouer le contact avec Hafez al-Assad et maintenir son alliance avec la Syrie, malgré l’assassinat de son père. Peu après le quarantième jour de deuil, il se rend ainsi à Damas à la tête d’une petite délégation16. Cinq ans plus tard, lors des funérailles de Bachir Gemayel, le 15 septembre 1982, la discussion entre le général Ariel Sharon et le père du défunt, Pierre Gemayel, est l’occasion de renforcer l’alliance entre les phalangistes et Israël17.
26L’intensité vécue du deuil est elle-même riche de significations politiques et souvent génératrice de violences futures. Lors des obsèques de Tony Frangie en 1978, les observateurs décrivent ainsi un silence assourdissant. Près d’un millier de jeunes gens et de jeunes filles, tous en chemise blanche, arborent le portrait du défunt sur la poitrine, tout en s’occupant d’organiser la circulation. Les parents et amis de la victime portent des habits clairs, car le noir ne peut être arboré qu’après que l’honneur de la famille a été vengé. De même, les corps ne sont pas enterrés, mais conservés dans la crypte en attendant que l’heure de la revanche soit précisée18. Ces obsèques marquent pendant la guerre la rupture consommée avec les phalangistes, suspectés d’être derrière l’assassinat. Un an plus tôt, c’est l’intensité des cris et du bruit qui caractérise les funérailles de Kamal Joumblatt. Des centaines de coups de feu sont ainsi tirés au moment où la dépouille est déposée dans le caveau familial. Les cérémonies avant l’inhumation sont marquées par un crescendo dans la dramatique : en dehors du bruit des pleureuses autour du catafalque, les cris et les hurlements redoublent quand apparaissent à la foule les trois cercueils identiques de bois sculpté, ornés chacun d’une plaque de cuivre gravée. Le délire collectif atteint son paroxysme au moment de la mise en bière. Porté à bras d’hommes, le buste de Joumblatt semble un moment debout, dominant la foule où l’on peut alors entendre : « Par notre corps, dans notre sang, nous t’appartenons. »
27La vengeance aveugle des druzes contre les chrétiens du Chouf, consécutive à l’assassinat du leader druze, ne peut être comprise que comme une tentative de réappropriation par la communauté de son leader : en vengeant sa mort, la communauté le récupère, non seulement dans sa dimension politique, mais aussi et surtout dans son appartenance communautaire19. Il faut attendre 1999 pour voir la statue du défunt, longtemps entreposée au palais de Bayt ad Din, transférée au palais de Moukhtara20. En 1982, l’assassinat de Bachir Gemayel entraîne une folie de vengeance qui saisit les phalangistes, comme le consignera un rapport de la Fédération internationale des droits de l’homme21. La violence milicienne se déchaîne sur les Palestiniens. Le quartier de Beyrouth-Ouest est occupé par l’armée israélienne dès le 14 septembre, soit le soir même de la disparition de Bachir Gemayel, et le 16 septembre (le lendemain de l’inhumation à Bikfaya) les camps de Sabra et de Chatila sont encerclés, ce qui conduit au massacre entre les 16 et 18 septembre. En 1987, après l’assassinat de Rachid Karamé, l’intensité de la douleur l’emporte encore quand le cercueil du leader tripolitain est porté par une foule en délire criant « Allah Akhbar » entre la mosquée al Mansouri et le cimetière Bab al Rami, les deux lieux étant séparés de 400 mètres. En revanche, lors des obsèques de René Moawwad à Zhgorta en 1989, la presse n’évoque aucun cri revanchard ni slogan haineux, mais une « tristesse dure, généralisée22 ».
28La deuxième grande fonction des obsèques des leaders assassinés pendant la guerre est d’assurer la transition politique au sein du clan familial, du parti ou de la milice d’appartenance du défunt. Les funérailles jouent ainsi alors le rôle fondamental de légitimation politique des successeurs. S’il ne s’agit pas en soi d’un phénomène propre au conflit, il est toutefois remarquable d’observer à quel point le moment du deuil en temps de guerre a souvent été, entre autres, une étape importante dans l’émergence de bon nombre d’élites politiques libanaises actuelles.
29Au cours de la guerre, la succession peut d’abord répondre à une logique verticale quand le fils succède au père. À moins de 30 ans, Walid Joumblatt succède à son père comme principal leader de la communauté druze et chef du Mouvement national. Il a suffi pour cela que le cheikh akl druze jette à la fin des obsèques de Kamal l’abaya noire (vêtement ample et léger porté au-dessus des autres) sur son épaule23. La mubâya‘a de Walid Joumblatt l’intronise comme chef du clan joumblatti et ipso facto comme nouveau président du Parti socialiste progressiste. Lors des obsèques de Tony Frangie, la présence à l’église au premier plan de son fils, le jeune Soleiman Tony Frangie âgé alors de 13 ans, aux côtés de son grand-père (l’ancien président du Liban), est une façon de montrer qu’il est le futur héritier du clan.
30La logique de succession peut être encore horizontale, quand elle concerne les frères d’une même famille. Dès le 15 septembre 1982, le jour même des obsèques de son frère, la candidature d’Amine Gemayel aux élections présidentielles est proposée à l’unanimité par le bureau politique des phalanges24. Omar Karamé reprend aussi le flambeau en 1987 à la suite de l’inhumation de son frère Rachid ; il est porté à bout de bras par la foule qui lui proclame son allégeance et lui demande de prendre la place du successeur en tant que leader de Tripoli. En 1991, c’est encore Dory Chamoun, le fils aîné de l’ancien président, qui prend la tête du PNL à la suite de l’assassinat de son frère Dany.
31La nature éminemment politique des obsèques dans les sept cas étudiés s’observe enfin à travers la question majeure des présents et des absents lors des funérailles. Il s’agit incontestablement, et ce depuis l’indépendance, d’un révélateur non négligeable du degré de cohésion des élites et de la situation géopolitique du moment dans un pays en proie aux rivalités qui opposent les puissances régionales. En 1977, les obsèques de Kamal Joumblatt se déroulent dans un contexte où le Chouf est occupé par les forces syriennes. La pluralité de la personnalité du défunt (à la fois chef féodal, fondateur du PSP et chef du Mouvement national) se retrouve dans la composition même de la foule qui participe aux funérailles. Aucun chef de parti chrétien n’est présent, y compris les Chamoun, père et fils, pour lesquels Walid Joumblatt contribuera pourtant plus tard à l’organisation des obsèques. De même est révélatrice l’absence des Gemayel et de Camille Chamoun lors des cérémonies funéraires organisées pour Tony Frangie en 1978, absence qu’il faut probablement attribuer à la rupture opérée par les Frangie avec le Front libanais chrétien et leur rapprochement avec la Syrie quelque temps plus tôt. Cela explique notamment la présence lors des obsèques du représentant d’Hafez al-Assad, Jamil Chaya, alors que le Front Libanais envoie Charles Malek (une grande figure politique et intellectuelle libanaise de l’après-indépendance) et Edouard Honein. L’enjeu majeur des funérailles pour les partisans du clan Frangie est de nature politique et territoriale, en ranimant la lutte interchrétienne : un appel implicite à la vengeance est lancé contre les phalangistes du Nord25, désormais sommés de renoncer à leur appartenance politique ou de quitter immédiatement la région, sous peine de représailles. Le clan du défunt tend à sacraliser son propre territoire en définissant l’autre, l’étranger (le phalangiste) comme une menace, voire une souillure qu’il faut exclure, voire supprimer. La sacralisation de l’espace anciennement contrôlé par le défunt passe par la mise en place d’une multitude d’enclos (humas) desquels l’autre est exclu. Il faut attendre l’année 1983, lors de la conférence de la paix à Genève, pour assister à des embrassades publiques et pleines d’émotion entre Soliman Frangie et Amine Gemayel, que certains ont interprétées comme la fin de la vendetta26. Pour les obsèques de Bachir Gemayel le 15 septembre 1982, le deuil national d’une semaine est décrété dans un contexte où le pays est occupé au nord par la Syrie et au sud et à Beyrouth par Israël. La présence d’Ariel Sharon au domicile des Gemayel le jour des funérailles est révélatrice du contexte d’invasion israélienne du Liban, avec les chars aux portes de Beyrouth et les avions de Tsahal survolant la cérémonie mortuaire27. Quelques heures après l’assassinat de Bachir, l’armée israélienne investit plusieurs secteurs stratégiques de Beyrouth-Ouest sans faire face à une résistance notable. Inversement, les connivences prosyriennes de la famille Karamé apparaissent le jour des obsèques de Rachid par la présence à Tripoli du vice-président syrien, d’une délégation syrienne d’au moins 300 membres dont plusieurs ministres, du secrétaire général adjoint du parti Ba’th et du chef des services de renseignements de l’armée syrienne.
32L’exemple des obsèques de Tony Frangie en 1978 (comme pour Dany Chamoun en 1991) montre que la question des présents ne saurait être réglée par l’explication strictement communautaire ou confessionnelle, mais beaucoup plus par des considérations politiques liées aux circonstances. Comme nous le reverrons, le rôle majeur joué par la famille druze des Joumblatt pour l’organisation des obsèques des Chamoun (Camille en 1987 et Dany en 1991) tend à montrer que les solidarités intercommunautaires ont souvent davantage joué que les liens intracommunautaires.
Les obsèques comme régulateurs des violences de guerre : vers une typologie
33Il s’agit de savoir si ces obsèques analysées précédemment ont pu être des moments éphémères de retour à l’unité nationale, comme elles sont parfois décrites, ou bien au contraire l’occasion de construire des discours fictifs et anachroniques sur le retour à l’unité. Parmi les cas étudiés, deux rentrent dans cette problématique.
34Le premier cas est celui des obsèques présentées comme moments de retour à l’unité intercommunautaire, et ce à une triple échelle : nationale, régionale et locale.
35À l’échelle nationale, la communion autour du mort a pu être présentée comme un facteur favorable en temps de guerre vers un libanisme fédérateur, une transcendance des clivages politiques. Ce qui joue dans ce cas est moins l’attention portée au personnage assassiné que le sentiment que, à travers lui, un coup est porté à l’existence même de l’entité libanaise à laquelle sont attachées les factions antagonistes. La dramatisation des enjeux doit favoriser un réflexe de retour à la cohésion nationale, surtout quand le défunt a assumé une fonction nationale.
36Pendant la guerre, la mort du leader druze Kamal Joumblatt est la première occasion d’activer cette thématique. La presse titre volontiers que tout le Liban est à ses obsèques. Malgré leur absence aux cérémonies, l’hommage mesuré que lui rendent ses principaux adversaires de la droite chrétienne (Pierre Gemayel28 et Camille Chamoun) vise non seulement à louer ses qualités morales, mais aussi à replacer le leader druze défunt dans sa stature de dirigeant d’envergure nationale (et non plus communautaire et politicienne). Les rivalités et haines exacerbées par la guerre sont provisoirement mises entre parenthèses afin de centrer l’attention sur le Kamal Joumblatt homme de l’indépendance et homme d’État, et non sur le chef de la milice. Quand le défunt a assumé au préalable des fonctions présidentielles, la fonction fédératrice des funérailles devient également très prégnante. Ainsi, celles de Bachir Gemayel, premier président en exercice assassiné dans l’histoire de la République libanaise, sont-elles significatives. La thématique chrétienne est fortement activée par le père Sélim Abou, qui assimile le défunt au Christ et ses dernières heures à un chemin de croix29.
37C’est pourtant la logique transconfessionnelle et la dramatisation des enjeux sur le péril menaçant l’entité libanaise qui retiennent le plus notre attention ici. Les obsèques du chef des Forces libanaises sont en effet présentées comme la solidarité nationale et l’« union sacrée30 » retrouvée, et sa mort comme un coup porté au Liban31. Les communistes, le Parti social nationaliste syrien, le PSP plaident, à l’instar du Congrès national islamique et des leaders conservateurs, pour l’unité autour de la légalité. Ils dénoncent l’assassinat présidentiel comme un événement remettant en cause la pérennité du Liban. Des adversaires notoires du défunt sont absents, mais font un geste (Walid Joumblatt, en voyage à l’étranger, fait déposer une gerbe de fleurs, tandis que le Parti communiste, l’Organisation d’action communiste du Liban – OACL –adressent des télégrammes de condoléances). La radio des Mourabitoun (La Voix du Liban arabe) nassériens ne publie pas de communiqué, mais se met en deuil à l’image de La Voix du Liban et Radio Libre Liban. Dans la foule immense qui assiste à ses obsèques, se trouvent non seulement ses fidèles amis, mais aussi tous les vieux leaders musulmans de Beyrouth-Ouest, Saëb Salam en tête, autour du catafalque, ainsi que les milices de gauche et les partis musulmans, c’est-à-dire ses opposants les plus farouches. La victime elle-même est présentée comme un héros national et comme un diviseur d’hier devenu rassembleur. À travers l’exemple des obsèques de Bachir, la presse libanaise tend largement à surévaluer la cohésion retrouvée car, en dépit des signes visibles d’unité autour du défunt, l’union sacrée présentée est purement factice. Le discours sur les obsèques prend le pas sur la réalité, d’autant qu’une partie du Liban-Nord se réjouit de sa disparition.
38La thématique du coup porté à l’intégrité libanaise réapparaît lors des funérailles de René Moawwad en 1989. Dans son faire-part officiel, le président du Conseil affirme que, malgré l’assassinat du chef de l’État fraîchement élu, « l’unité du Liban l’emportera32 ». La presse évoque alors un Liban « tout entier » qui a fait ses adieux au président disparu. La symbolique de l’unité menacée prend de l’ampleur à partir du moment où l’homme a été assassiné un 22 novembre, soit le jour officiel de l’indépendance du pays.
39À l’échelle régionale, la solidarité intercommunautaire a joué un rôle majeur lors des funérailles, au-delà même des clivages politiques. Le cas le plus frappant est celui de l’organisation des obsèques du leader maronite Dany Chamoun en 1991 par Walid Joumblatt et son parti, le PSP, c’est-à-dire les rivaux historiques du défunt dans la région du Chouf. Le village de Deiral Qamar, d’où sont originaires les Chamoun, a été vidé d’une grande partie de sa population chrétienne depuis la guerre de la Montagne en 198333. La collaboration de Walid Joumblatt était donc indispensable pour que les cérémonies funéraires puissent avoir lieu, comme en 1987 à l’occasion du décès de l’ancien président Camille Chamoun. Pour Dany, son fils, les druzes sont en tête du cortège funéraire avec les Chamoun. La foule est évaluée à environ 10 000 personnes. C’est le secrétariat général du PSP qui publie dans un communiqué les détails de l’organisation pratique des obsèques. L’entente druzo-maronite à l’échelle du Chouf à l’occasion du deuil est un puissant révélateur de l’existence d’une solidarité géographique entre les acteurs concernés. Outre le devoir que s’imposent les druzes de participer aux funérailles, d’autres explications peuvent être proposées afin d’éclairer les raisons pour lesquelles Walid Joumblatt a joué un rôle central lors des funérailles de Dany Chamoun. Il existe d’abord une tradition de vie en commun et de bon voisinage entre les communautés des districts mixtes de la Montagne : en ce sens, participer aux obsèques est un des aspects de la notion d’al ‘aych al-muchtarak34. Il existe d’autre part une forme de parenté politique et constamment conflictuelle entre les Chamoun et les Joumblatt dans le Chouf, qui nécessite un retour au passé. Il s’agit en effet de deux familles politiquement rivales, dirigées par deux chefs députés se partageant les électeurs de la circonscription du Chouf. Au niveau du leadership politique, Kamal Joumblatt doit sa consécration comme chef de file de l’opposition au conflit ouvert qui l’avait dressé en 1958 contre le président de la République de l’époque, Camille Chamoun35. Rivalité politique ne signifie pas pour autant rejet total de l’adversaire, ce qui pose la question centrale de l’existence d’un code de l’honneur entre les grandes familles politiques libanaises. La protection des za’ims et des chefs de guerre faisait partie d’un certain rituel et a aidé à maintenir un semblant de négociations entre les clans familiaux à différentes étapes de la guerre civile. Il s’agit aussi d’un héritage d’une forme de solidarité des élites politiques qui a joué un rôle si important dans le fonctionnement de la démocratie consociative au Liban depuis l’indépendance36. Avant la guerre, la plupart des za’ims ont coopéré les uns avec les autres pour maintenir l’ordre sociopolitique : ils se connaissent et ont parfois travaillé ensemble au sein d’un même gouvernement37. Cela suppose, entre autres à l’occasion des obsèques, un système de don et de contre-don38. Des liens particuliers existent enfin entre Dany Chamoun et Walid Joumblatt. En septembre 1975, les phalangistes avaient fait enlever le fils de Kamal Joumblatt à Hazmieh et c’est Dany Chamoun qui l’avait fait libérer, d’où la reconnaissance probable du premier envers le second39. Adversaires politiques, Dany Chamoun et Walid Joumblatt ont toujours entretenu des relations et quand, en janvier 1989, le chef druze avait appelé au retour des chrétiens dans la Montagne, Dany Chamoun, contrairement à Samir Geagea, chef de la puissante milice chrétienne des Forces libanaises, avait répondu positivement40.
40En dehors du Chouf, l’exemple du Liban-Nord est un autre cas intéressant illustrant des formes de solidarités intercommunautaires transcendant les clivages politiques entre acteurs régionaux. Parmi les sept cas étudiés, trois personnalités sont précisément originaires du Liban-Nord : Tony Frangie, Rachid Karamé et René Moawwad. Dès le matin des obsèques de Tony Frangie, des délégations populaires affluent de toute la région vers la localité de Zghorta, et la presse libanaise estime à près de 50 000 le nombre de personnes qui auraient défilé chez les Frangie. Tous les officiels du Nord sont présents(le mohafez du Nord et le commandant de la région militaire du Liban-Nord). Les scouts musulmans de Tripoli fournissent une partie des ambulances qui servent à assurer le déplacement des trente-trois personnes qui ont trouvé la mort vers le cimetière. Le leader musulman de Tripoli Rachid Karamé vient en personne présenter ses condoléances à la famille du défunt avec une importante délégation populaire et de notables tripolitains. Pour l’occasion, une partie importante des boutiques de Tripoli restent fermées.
41C’est enfin à l’échelle locale que s’expriment de façon manifeste des formes d’ententes intercommunautaires au moment du déroulement des funérailles. Celles du mufti de la République Hassan Khaled sont significatives à cet égard : il ne s’agit pourtant pas d’un chef politique à proprement parler, mais d’un leader religieux qui jouit d’une réputation de pacificateur. Ses obsèques à Beyrouth-Ouest semblent en effet faire l’unité au sein des responsables musulmans, car s’associent à la fois les plus hauts dignitaires politiques et religieux sunnites, mais aussi le Conseil supérieur chiite et le cheikh akl druze. C’est la communauté sunnite et les principaux dignitaires religieux sunnites qui prennent en charge le déroulement de la cérémonie funéraire : ces derniers se trouvent à la tête du convoi funéraire, et c’est la société de bienfaisance des Makassed qui fournit l’ambulance qui transporte la dépouille du défunt.
42Les obsèques de Hassan Khaled sont aussi pourtant présentées comme l’occasion pour le « pays chrétien » de s’associer au deuil de la communauté sunnite et c’est dans le Beyrouth divisé par la guerre que se manifeste le mieux cette association éphémère. Dans les deux secteurs de la capitale, les commerces, bureaux et administrations décident en effet de fermer leur porte en signe de deuil, et les églises de Beyrouth-Ouest sonnent le glas, tandis que le deuil s’affiche dans les mosquées. On a vu par ailleurs auparavant combien était inédite l’initiative prise par le patriarcat maronite de recevoir les condoléances à Bkerké en hommage au mufti.
43Après les funérailles ayant permis de favoriser l’entente intercommunautaire pendant la guerre, un deuxième type d’obsèques retient notre attention : celles qui ont permis un retour à une forme d’unité intracommunautaire, surtout quand la communauté a été et demeure divisée.
44La première échelle tend à dépasser les frontières strictement libanaises. Si les obsèques des leaders maronites assassinés ont beaucoup plus été un facteur de divisions supplémentaires entre les différentes factions chrétiennes qu’un élément de rassemblement, il n’en va pas de même au sein de la communauté druze. Les funérailles de Kamal Joumblatt en 1977 s’intègrent ainsi largement dans la problématique du rassemblement de la communauté druze autour d’un de ses leaders charismatiques. La cérémonie des condoléances à Moukhtara est en effet l’occasion de voir affluer des druzes du jabal Arab de Syrie (ancien jabal druze) conduits par Zeid el Atrache (frère de Sultan Pacha el Atrache), mais aussi des membres de la famille Arslan (Fayçal Majid Arslan), historiquement adversaires des Joumblatti depuis l’époque mandataire, tandis qu’une délégation de druzes et d’Arabes (chrétiens et musulmans), résidant dans les territoires occupés par Israël, se voient interdire l’entrée au Liban pour présenter leurs condoléances.
45La seconde échelle pose les obsèques comme facteurs de rassemblement aux niveaux local et familial. L’exemple des funérailles de Tony Frangie à Zghorta en 1978 est à ce titre particulièrement intéressant. Localité du Liban-Nord, Zghorta abrite une diversité de familles chrétiennes longtemps en rivalité pour le leadership politique local (les Moawwad, les Frangie ou les Douaihy). L’assassinat du fils de Soleiman Frangie permet de refaire un moment l’union sacrée des différentes familles zghortiotes souvent rivales et notamment celle des deux branches de la famille Frangie. La première est celle des fils de l’ancien chef d’État incarnée par Tony et Robert, son frère cadet, tous deux chefs de milice. La seconde est celle des fils de l’ancien ministre Hamid Frangie (frère de Soleiman), cousins de Tony et Robert, dont Kabalan et surtout Samir Hamid Frangie qui, à l’époque de la guerre civile, a baigné dans la mouvance gauchiste et adopté une posture opposée à l’essentiel des milices et partis chrétiens. Rétrospectivement, on peut cependant douter de la capacité des obsèques de Tony (dont le fils est proche aujourd’hui du mouvement du« 8 mars ») à avoir refait l’union sacrée au sein de la famille.
46Tout en maintenant les principaux rituels traditionnels de deuil, la guerre civile libanaise introduit donc d’importantes variantes dans l’organisation des obsèques des élites politiques libanaises. Celles-ci apparaissent pendant le conflit comme des moments provisoires de retour à l’unité inter- et intracommunautaire. Ces moments semblent souvent anachroniques, en décalage avec la réalité du théâtre de guerre et le contexte de l’époque, car ils entraînent parfois une lecture faussée des rapports de force réels : l’unité de façade autour du défunt cache en effet souvent mal la persistance des tensions, voire des haines sur le terrain. Ces obsèques sont néanmoins l’occasion de faire resurgir l’histoire longue du Liban et des rapports intercommunautaires qui l’ont traversée depuis l’indépendance du pays en 1943. La question des absents et des présents lors des funérailles est d’autre part restée un puissant et durable facteur de ressentiment ou de solidarité (à l’inverse) entre les élites politiques libanaises. L’analyse des obsèques entraîne celle de l’usage politique ultérieur des mémoires des défunts. Il s’agit d’une autre étude à mener, mais tout aussi essentielle, car la persistance des commémorations après la mort témoigne d’une instrumentalisation durable des mémoires des élites assassinées dans la vie politique nationale de l’après-guerre, marquée par la présence syrienne sous la seconde république née des accords de Taëf.
Notes de bas de page
1 O. Barak, « Don’t mention the war ? The politics of remembrance in post-war Lebanon », MEJ, 61/1 (2007).
2 E. Fureix, La France des larmes, deuil politique à l’âge romantique, Seyssel, Champ-Vallon, 2009.
3 J. Winter, Entre deuil et mémoire. La Grande guerre dans l’histoire culturelle de l’Europe, Paris, Armand Colin, 2008.
4 P. Seale, La lutte pour l’indépendance arabe : Riad el-Solh et la naissance du Proche-Orient moderne, Paris, Fayard, 2010, p. 480-483.
5 B. Labaki, Kh. Abou Rjeily, Bilan des guerres du Liban (1975-1990), Paris, L’Harmattan, 1993, tableau 11, p. 40.
6 A. du Chayla à Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, série B107, Archives diplomatiques de Nantes.
7 P. Seale, La lutte pour l’indépendance arabe…, op. cit., p. 485.
8 J. Winter, Entre deuil et mémoire…, op. cit.
9 I. Rivoal, Les maîtres du secret : ordre mondain et ordre religieux dans la communauté druze d’Israël, Paris, EHESS, 2000, p. 353-354.
10 N. Khouri, Le feu et la cendre. Travail de deuil et rites funéraires dans un village libanais, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 54.
11 R. Fisk, Liban, nation martyre, Paris, A & R Éditions, 2007, p. 783.
12 La « guerre des deux ans » (1975-1976) désigne la période précédant l’intervention syrienne au Liban et marquée par les combats entre milices chrétiennes et forces palestino-progressistes.
13 Voir l’introduction de J. Hannoyer : « Économies de la violence, dimensions de la civilité », dans Hannoyer (éd.), Guerres civiles. Économies de la violence. Dimensions de la civilité, Paris/ Beyrouth, Karthala/CERMOC, 1999, p. 9-30.
14 P. Seale, La lutte pour l’indépendance arabe…, op. cit., p. 485.
15 I. Rivoal, Les maîtres du secret…, op. cit., p. 358-59.
16 D. Ammoun, Histoire du Liban contemporain, Paris, Fayard, p. 688.
17 A. Sharon, Warrior. The Autobiography of Ariel Sharon, New York/Londres, Simon & Schuster Inc/Simon and Schuster, 1989, p. 503-504.
18 J. Randal, Going all the Way, Christian Warlords, Israeli Adventurers and the War in Lebanon, New York, The Viking Press, 1983, p. 128-129; M. Johnson, All Honourable Men. The social Origins of War in Lebanon, Londres/New York, I. B. Tauris, 2001, p. 36.
19 F. N. Tar Kovacs, Les rumeurs dans la guerre du Liban. Les mots de la violence, Paris, CNRS, 1998, p. 283.
20 L’Orient-Le Jour (30 juin 1999).
21 J.-P. Peroncel Hugoz, Une croix sur le Liban, Paris, Folio, 1985, p. 146.
22 L’Orient-Le Jour (25 novembre 1989).
23 K. Pakradouni, La paix manquée ou le mandat d’Elias Sarkis (1976-1982), Beyrouth, FMA, 1984.
24 D. Ammoun, Histoire du Liban contemporain, op. cit., tome II, p. 821.
25 J. Randal, Going All the Way…, op. cit., p. 129; Le Monde (16 juin 1978).
26 M. Johnson, All Honourable Men…, op. cit., p. 207.
27 A. Sharon, Warrior. The Autobiography of Ariel Sharon, op. cit., p. 503-504.
28 Al Amal (17 mars 1977).
29 S. Abou, Bechir Gemayel ou l’esprit d’un peuple, Paris, Anthropos, 1984.
30 L’Orient-Le Jour (16 septembre 1982).
31 L’Orient-Le Jour (15 septembre 1982).
32 L’Orient-Le Jour (23 octobre 1989).
33 Sur le siège de Deir el Qamar qui a mis fin à la guerre de la Montagne en 1983, J. Sarkis, Histoire de la guerre du Liban, Paris, PUF, 1993, p. 87-95.
34 Sur cette notion d’al ‘aych al-muchtarak, D. de Clerck, La Montagne, un espace de partage et de ruptures, http://ifpo.revues.org/index98.html.
35 Sur l’idée assez virtuelle de parenté entre les Chamoun et les Joumblatt, F. N. Tar Kovacs, Les rumeurs dans la guerre du Liban, op. cit., p. 299.
36 R. Dekmejian, « Consociational democracy in crisis : the case of Lebanon », Comparative Politics, 10, 2 (1978), p. 251-265.
37 M. Johnson, All Honourable Men…, op. cit., p. 37.
38 M. Mauss, Essai sur le don : forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, Paris, PUF, 2007.
39 F. N. Tar Kovacs, Les rumeurs dans la guerre du Liban, op. cit., p. 295.
40 Le Monde (26 octobre 1990).
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