Chapitre IV. Personnels et acteurs/actrices de la médicalisation de la maternité
p. 113-141
Texte intégral
1Aborder l’histoire de la médicalisation de la maternité par ses acteurs, c’est d’abord rappeler un fait à la fois constant et déterminant : la pénurie de personnel médical et paramédical – qui n’a d’égale que l’insuffisance des structures médicales en général, même si la situation s’améliore au fil du temps. En 1942, le nombre de lits d’hôpital pour l’ensemble de la population africaine dans toute la colonie est de 1225 ; or, l’auteur du rapport qui fournit ce chiffre estime qu’il en faudrait au moins 8000 pour atteindre le taux par habitant, au demeurant peu ambitieux, de l’Europe orientale – notons qu’il ne s’agit même pas de comparer avec la métropole1. Concernant le taux d’encadrement médical en Gold Coast, il n’est pas meilleur, bien que les chiffres varient considérablement d’une estimation à l’autre. Alors qu’en Grande-Bretagne vers 1930, on compte un médecin pour 800 à 1000 habitants, en Gold Coast il n’y en aurait en 1932 qu’un pour 400000 habitants selon le Dr Selwyn-Clarke et un pour 60000 selon le Dr Duff (la différence étant sans doute due à la prise en compte, par le second, des médecins ne travaillant pas dans le secteur public)2. En 1951 encore – soit une période assez tardive dans l’histoire de la colonisation – une source évoque le chiffre d’un médecin public pour 90000 habitants ; il faut y ajouter vingt-cinq praticiens privés (aux tarifs largement inaccessibles à la majorité de la population) et une douzaine de médecins employés soit par des missions, soit par des compagnies minières (dont les services sont réservés aux employés de ces entreprises)3.
2L’une des antiennes de l’administration médicale consiste donc à déplorer le manque de personnel, soit que le budget soit insuffisant pour augmenter les recrutements, soit que la main-d’œuvre, européenne ou africaine, s’avère trop rare – dans une colonie où les candidatures britanniques n’affluent pas, si l’on en croit les archives de l’Overseas Nursing Association4. Dans ce contexte, une partie importante de la tâche du Département médical consiste à gérer la pénurie, à sacrifier tel secteur ou tel établissement. Comme on l’a vu, la PMI fait partie des secteurs en partie abandonnés par le gouvernement au moment de la crise des années 1930. Mais ce sont aussi des régions entières qui sont largement délaissées : les Territoires du Nord, en particulier, sont systématiquement encore moins bien dotés que les autres : en 1945, le nombre d’infirmières en chef étant insuffisant en Gold Coast, c’est l’hôpital de Tamale qui s’en trouve dépourvu5. Ceci n’étonne guère car le caractère enclavé et sous-développé de la région, aggravé par le système colonial, en fait une zone répulsive pour les fonctionnaires, européens comme africains, aux yeux desquels une mutation à Tamale équivaut presque à une punition6. Par conséquent, la réforme de la maternité mobilise plus que le personnel employé et rétribué à cet effet : un important travail de « propagande » est en effet réalisé par une nébuleuse de bénévoles (dont certains ont déjà été évoqués), souvent féminines, qui s’investissent diversement dans la diffusion de nouvelles manières d’être mère.
3Se pencher spécifiquement sur la question du personnel et des acteurs permet de faire une histoire moins institutionnelle, laissant apparaître, même en filigrane, les personnalités et le quotidien de celles et ceux qui œuvrent à modifier les comportements autour de la grossesse, de l’accouchement et des soins aux nourrissons. Mais c’est aussi l’occasion de mettre en lumière certains fonctionnements (ou dysfonctionnements) de ce monde colonial de la maternité : le salaire du médecin en chef comme les déboires du cuisinier de l’hôpital n’ont ici d’intérêt que pour ce qu’ils révèlent des logiques, des enjeux et des rapports de force qui sous-tendent les interactions entre les différents membres du personnel, voire entre le personnel et les usagers. Il s’agit donc de mettre en exergue certains personnages, non pour le pur plaisir de personnaliser cette histoire de la maternité, mais pour la rendre plus « vivante » ou plus tangible, et surtout pour mieux saisir ce qui se joue entre eux, et avec les patient·e·s.
Au sommet de la pyramide, les médecins : statuts, postérité et salaires
4Au sommet de la hiérarchie des personnels voués à la médicalisation de la maternité, se trouvent les administrateurs du Département médical, tous médecins et de sexe masculin. En concertation avec le gouvernement colonial et celui de Londres et sous leur égide, ce sont eux qui élaborent la politique en matière d’obstétrique, de pédiatrie et de PMI. Mais si leur influence est grande – on l’a vu dans le destin des centres de PMI au moment de la récession vers 1930 – leur empreinte sur le terrain reste faible : n’étant pas en rapport avec les patient·e·s, ils n’effectuent pas de tâches médicales et leur action reste strictement décisionnelle et administrative. En revanche, les médecins qui ont officié à la maternité ou dans les centres de PMI ont effectué un travail de terrain qui a laissé des traces dans la nomenclature, dans certaines mémoires, et eu une incidence réelle dans l’évolution de la maternité coloniale.
5Le poste le plus prestigieux et le mieux rémunéré de cette cohorte est celui de médecin en chef de la maternité ; mais les sources ne permettent pas de peindre un portrait de groupe des médecins qui s’y sont succédé ou y ont travaillé ensemble des années 1920 aux années 1950. On sait seulement que l’après Seconde Guerre mondiale est marqué par deux changements notoires : les premiers médecins africains entrent dans ces établissements – ainsi le Dr Bannerman, un Ga, à la maternité – et surtout, après 1945, tous les médecins de la maternité sont des hommes. L’une des évolutions les plus frappantes de la maternité d’Accra est donc que le monopole détenu dans les années 1930 par des femmes médecins se retourne totalement dans les années 1940 au profit de leurs confrères. Deux femmes se succèdent entre 1928 et 1943 : Grace Summerhayes et Kathleen Lawlor. Le Dr Summerhayes a eu le privilège d’ouvrir un établissement devenu rapidement populaire. Recrutée en 1928 avec un soin particulier, elle vient alors du Kenya où elle exerçait dans le secteur préventif (Welfare work, généralement associé à la PMI)7. Après trois années de travail à la maternité, elle démissionne à la fin de l’année 1931 pour cause de mariage8. En effet, une clause contenue dans les contrats de toutes les femmes employées dans le service public de la colonie stipule qu’elles peuvent être contraintes de démissionner si elles se marient. Cette règle spécifiquement coloniale, et de fait systématiquement appliquée, parfois sur l’insistance des autorités, fait que toutes les femmes employées en Gold Coast sont soit célibataires, soit veuves – à moins de n’accepter un contrat local, plus précaire et bien moins avantageux. Ayant donc épousé un confrère de l’hôpital général, le Dr Macrae – qui, lui, n’est pas contraint à la démission par cette union –, Grace Summerhayes laisse la place à Kathleen Lawlor.
6Cette dernière était déjà en poste en Gold Coast depuis 1929, où elle travaillait au centre de PMI de Sekondi. En 1932, cette petite femme énergique et autoritaire, qui avait commencé sa carrière coloniale en Ouganda, prend la direction de la maternité, où elle peut enfin s’adonner à son domaine de prédilection : l’obstétrique et la gynécologie10, auxquelles s’ajoute la formation des élèves sages-femmes. En 1935, elle voit arriver une assistante, en la personne du Dr Agnes Savage, née en Écosse d’un père nigérian (lui-même médecin) et d’une mère britannique, chirurgienne de profession11. Ces trois femmes ont marqué de leur empreinte l’histoire de cette maternité (et celle de la maternité), en tant que pionnières mais aussi parce qu’elles ont contribué à former plusieurs promotions de sages-femmes – qui, comme en témoignent plusieurs entretiens, ont conservé des souvenirs très vivaces de ces femmes médecins.
7Pour leur rendre hommage, en 1944, les services médicaux décident de baptiser deux salles de la maternité des noms de Summerhayes et Lawlor12. Il faut attendre 1951 pour qu’apparaisse celui d’Agnes Savage – décalage temporel qui reflète sans doute le sens de la hiérarchie, à la fois professionnelle et « raciale » du Département médical, puisque le Dr Savage n’était qu’assistante d’une part, et métisse d’autre part (ceci expliquant cela). Cette même année, s’ajoutent les noms de deux confrères qui leur ont succédé et dont on baptise deux salles : le Dr Palmer et le Dr Chenard. Si le premier n’a laissé quasiment aucune trace dans les sources écrites, celles-ci sont plus disertes sur le second, ainsi d’ailleurs que les sources orales. Chenard, qui a commencé à travailler à la maternité au début des années 1940, remplaçant temporairement le Dr Lawlor durant ses congés, prend la tête de l’établissement au départ définitif de celle-ci, en 1943. Il demeure à ce poste jusqu’en 1950, où il démissionne pour raisons de santé… non sans demander, un an plus tard, à être réengagé temporairement en Gold Coast. Affecté à la nouvelle maternité de Kumasi, également dotée d’une école de sages-femmes, il occupe ce poste de 1952 à 1954, avant de quitter définitivement la carrière.
8Ces médecins en chef sont les mieux payés de notre corpus. Le Dr Goodman, par exemple, qui a un statut de spécialiste (en gynécologie), gagne 2200 £ annuelles au début des années 195013 (soit en fin de carrière) : c’est l’un des plus gros salaires de la profession médicale en Gold Coast. À la même époque, son confrère le Dr Chenard, pourtant à la tête de l’école de sages-femmes de Kumasi, ne gagne que la moitié de cette somme14 ; mais la relative modicité de ce salaire tient au fait que Chenard, ayant préalablement démissionné, est alors réemployé temporairement, avec un statut moins favorable que celui de fonctionnaire colonial.
9En PMI, les femmes médecins sont nettement moins payées, puisque, dépendant de la branche sanitaire du Département médical, elles pratiquent une médecine préventive, moins valorisée et moins rémunératrice que la médecine curative. En 1929, au moment du licenciement de plusieurs d’entre elles, leur salaire était de 840 £ annuelles. Bien que ce salaire soit inférieur à celui de leurs confrères, il demeure plus que confortable si l’on en croit l’aveu de Cicely Williams, qui apprenant sa mutation en Malaisie, commente ainsi dans un courrier privé :
It will mean considerable reduction of salary but still there will be lots to keep me in luxury and to put by15.
10Il est vrai qu’en dehors du salaire, les médecins bénéficient d’autres avantages, tels qu’un logement à loyer modique, voire une voiture, fournis par le gouvernement. Même le Dr Agnes Savage, qui relève du « personnel africain » moins bien payé (500 £ annuelles entre 1934 et 1936), jouit des services d’un cuisinier et de deux domestiques rétribués par le gouvernement16. Restée près de trente ans en service en Gold Coast, elle y a effectué l’une des plus longues carrières, avec sa consœur Marjorie Chappell (vingt ans de service) ou encore le Dr Chenard (seize ans). Bien qu’il soit impossible d’établir la durée moyenne du séjour des médecins employés à la maternité ou en PMI, faute de disposer de tous les dossiers administratifs, on constate que la plupart des médecins de notre cohorte restent sur place moins de dix ans. Ainsi la plus célèbre de tous ces médecins, Cicely Williams, n’y a-t-elle séjourné que sept ans. Cette figure singulière mérite cependant qu’on s’attarde un moment sur sa trajectoire en Gold Coast, qui montre l’étroitesse de la marge de manœuvre dont disposait une doctoresse peu orthodoxe.
Le Dr Cicely Williams ou le prix de l’anticonformisme
11Cicely Williams, britannique née à la Jamaïque, est incontestablement la plus connue de tous les médecins ayant officié en PMI en Gold Coast ; elle a laissé de nombreux écrits17 et a fait l’objet de plusieurs biographies18. Cette célébrité a deux raisons principales. D’une part, c’est elle qui, la première, a « découvert » le kwashiorkor (maladie infantile due à la malnutrition) et en a fait l’étiologie. C’est à elle aussi qu’on doit le nom de cette maladie, empruntée sciemment à la communauté ga d’Accra. Dans la langue ga, kwashiorkor renvoie à la maladie de « l’avant-dernier enfant détrôné » : et en effet, l’affection touchait généralement l’enfant d’environ deux ans, empêché par une nouvelle naissance d’avoir accès au lait maternel et soumis par ailleurs à un régime trop pauvre en protéines. D’autre part, Cicely Williams a occupé des fonctions importantes à l’OMS à partir de 1948, où, responsable de la santé maternelle et infantile, elle mène un combat commencé dès la fin des années 1930 contre l’allaitement artificiel.
12Mais c’est en Gold Coast qu’elle a commencé sa carrière, où les sources révèlent un personnage hors du commun : passionnée de pédiatrie et de PMI, elle y consacre en 1935 une thèse intitulée The Mortality and Morbidity of the Children of the Gold Coast19. Estimant que 60 % des enfants meurent avant l’âge de 14 ans – estimation qui n’est guère étayée –, elle se propose de trouver des remèdes à cette hécatombe. Divisé en trois parties (l’environnement ; les maladies ; le traitement) et agrémenté de photos en noir et blanc (dont plusieurs ont disparu), le manuscrit de 200 pages reflète l’ambiguïté de la pensée de Cicely Williams. Fine observatrice des réalités qui l’entourent, elle est capable de donner maints détails sur le régime alimentaire des enfants, leur place dans la famille ou encore le prix des denrées sur le marché de Kumasi. Mais dans le même temps, elle parsème son récit de phrases empruntées au répertoire colonial le plus réducteur, telles que « l’homme blanc se bat, l’homme noir, non20 ». Rédigé sur un ton oscillant généralement entre neutralité et bienveillance, le manuscrit n’est cependant pas exempt de remarques ancrées dans les préjugés racistes des années 1930. Pour autant, sa thèse se conclut sur un virulent paragraphe contre la théorie de la « survie du plus fort », dont elle dénonce l’inanité. Pour elle, la majeure partie des affections dont souffrent les enfants de la Gold Coast est d’origine sociale et due à l’ignorance des mères et des adultes en général. Parmi les remèdes qu’elle suggère, l’éducation des mères et des communautés tient donc une large place – position qui ne tranche guère sur la conviction du Département médical. En revanche, elle se distingue de son directeur, le Dr Duff, en défendant ardemment la fusion entre médecine curative et médecine préventive, leur « divorce » constituant à ses yeux une grave erreur.
13Ce n’est là qu’une de ses originalités en tant que médecin. C’est contre l’avis de tous qu’elle a maintenu dans la prestigieuse revue médicale The Lancet que le kwashiorkor était bien une « nouvelle » maladie infantile due à la malnutrition et non pas une forme de pellagre21. Elle n’hésite pas non plus à entrer en conflit avec ses supérieurs hiérarchiques sur la question de la présence des mères auprès de leur enfant hospitalisé. En effet, ayant constaté que les petits malades guérissaient plus vite auprès de leurs proches, elle part en guerre contre la tradition hospitalière qui, favorisant l’ordre et l’hygiène, tenait à l’écart les familles22. Enfin, elle se place en totale contradiction avec la conviction répandue de l’inutilité, voire de la nocivité, des traitements autochtones et des thérapeutes africains traditionnels et va jusqu’à souligner le caractère empathique de ces derniers. Sans abandonner la phraséologie coloniale, mais dans un esprit très avant-gardiste, elle prend contact avec un witch doctor du nom d’Ofori pour analyser sa pharmacopée, qui semble efficace notamment dans le traitement du tétanos infantile et de la méningite à pneumocoques23. Sa démarche est alors en nette rupture avec l’idée selon laquelle la médecine africaine, dont l’exercice est cependant toléré, est à la fois inefficace et nocive, et ses praticiens, des charlatans peu recommandables24.
14Mais il ne fait pas bon être trop originale dans une colonie britannique des années 1930 et sa forte personnalité comme son obstination finissent par lui aliéner une partie de sa hiérarchie. Il faut dire que, dotée d’un grand sens de l’humour, elle ne dédaigne pas faire un peu de provocation, certes inoffensive mais questionnant la routine coloniale, ses habitudes et hiérarchies. Ainsi, apprenant qu’un « club de Célibataires » avait été fondé à Koforidua par des hommes blancs, elle s’autoproclame présidente, secrétaire et membre unique de la « Société de protection des vieilles filles » de la même ville25. Dans ses mémoires, elle narre une autre anecdote relative à son statut de femme médecin : l’administration lui ayant écrit pour lui signifier que son titre serait Lady Medical Officer et non Woman Medical Officer, elle prend soin de préciser dans sa réponse qu’elle ne se comportera pas pour autant comme une lady en toute occasion26. Si cet épisode montre qu’elle « s’amuse gentiment » (selon sa propre expression) aux dépens d’une administration tatillonne, elle va beaucoup plus loin lorsque ce sont ses conditions de travail qui sont en jeu. Ainsi, dans une lettre privée, elle exprime sa détermination mais aussi sa rage contre ses supérieurs :
15I just want to dynamite all the authorities. They are trying to send me a Nursing Sister who has :
- No training in Child Welfare
- Has done no midwifery since 1923
- Dislikes children
- Does not know how to give injection (any sort – as far as I can hear)
- Invariably quarrels with African staff.
But would like to have the extra £ 40 a year for being in charge of a hospital and a bungalow to herself.
So I’ve asked for an interview with the Governor27.
16Nous sommes alors en 1936 et après plusieurs incidents avec sa hiérarchie, qui lui reproche de n’en faire qu’à sa tête au mépris du règlement, elle est en conflit ouvert avec le directeur de la branche sanitaire du département médical, Selwyn-Clarke, qu’elle qualifie en privé « d’ennemi public no 128 » – d’où, probablement, sa tentative d’en référer en haut lieu, en s’adressant directement au gouverneur. Mais il faut croire que cette entrevue, si elle a eu lieu, n’a pas apporté le remède souhaité, puisqu’elle apprend sa mutation pour la Malaisie quelques mois plus tard. D’abord désagréablement surprise, Cicely Williams s’en réjouit finalement, déclarant qu’elle en a « marre de l’Afrique de l’Ouest » [sic] – une missive ultérieure suggérant que c’est surtout de ses collègues qu’elle s’est lassée29.
17La Gold Coast perd en l’espèce l’une des figures les plus singulières de l’histoire de la PMI : en dépit de son caractère autoritaire, et à défaut d’avoir été en bons termes avec ses supérieurs immédiats, elle a incontestablement contribué à rendre très populaire la pédiatrie et la médecine préventive parmi les Africaines qui lui amenaient leurs enfants. Mais le destin de Cicely Williams en Gold Coast démontre assez qu’il n’est pas facile pour une femme de tête, avant-gardiste et quelque peu rebelle, de trouver sa place dans la médecine coloniale. Les autorités préfèrent engager des femmes médecins telles Marjorie Chappell, louée par toute la hiérarchie du Département médical, et n’ayant, en vingt ans de carrière, jamais fait de vagues. D’ailleurs, se comparant à sa consœur, Cicely Williams écrivait à sa mère :
Marjorie Chappell spent last week with me. It was nice to have her – but she is so good and so loyal and orthodox that she makes me very left wing30.
18Il est vrai que, si elle n’est pas « de gauche » stricto sensu, le Dr Williams s’est distinguée par un progressisme et un anticonformisme qui n’ont probablement pas, dans les années 1930, aidé sa carrière. Sa mutation en 1936 prouve en tout cas qu’en contexte colonial, l’originalité d’une franc-tireuse ne paie guère.
Le « cas » Agnes Savage ou l’administration coloniale au piège du métissage
19Agnes Savage, née en Écosse d’un père nigérian et d’une mère britannique, a grandi en Grande-Bretagne et est de nationalité britannique. Lorsqu’elle arrive en Gold Coast en 1930, après de brillantes études de médecine31, elle ne connaît rien à l’Afrique de l’Ouest. Pourtant, elle est versée au corps des fonctionnaires africains (African Personnel), moins bien payés que les fonctionnaires européens et ayant droit à moins de congés32. Commence alors un véritable casse-tête administratif, qui lui vaut l’un des plus gros dossiers personnels de tous les fonctionnaires « africains » du Département médical, et qui révèle bien les ambiguïtés de la politique coloniale en matière raciale, récemment analysée par Carina Ray33. Des dizaines de pages ont trait à son statut, les autorités n’ayant visiblement pas prévu le cas de Britanniques noirs ou métis. Par-delà son caractère ubuesque, cette affaire révèle que vers 1930, les deux catégories que connaît l’administration – Européens et Africains – sont bel et bien des catégories chromatiques, synonymes de blancs et noirs. Que le Dr Savage soit « noire » (en l’occurrence, métisse) et britannique pose donc à l’administration un véritable défi, puisqu’est remise en cause l’équation « européen·ne » = « blanc·he ». Dans cette affaire, où l’une des pierres d’achoppement est financière, c’est une logique comptable qui l’emporte durant une dizaine d’années. En effet, Miss Savage coûte nettement moins cher au budget de la colonie si elle relève du personnel africain, avec un salaire de 500 £ annuelles vers 1935, lorsqu’elle est nommée à la maternité, à comparer avec les 840 £ par an versées à ses consœurs européennes.
20Le caractère scandaleux de cette situation a pourtant été dénoncé par l’un de ses supérieurs hiérarchiques dès1934. Alors qu’elle occupait temporairement un poste d’enseignante à l’école secondaire d’Achimota (d’ailleurs contre toute logique, puisqu’elle n’était pas enseignante), Fraser, directeur de ce prestigieux établissement, rédige une lettre pour protester contre l’injustice faite à la doctoresse :
There is an African rate of pay and a European one. The reason for that has, so far as I know, always been that the African has far fewer expenses in this country, where he knows the markets and the language. That reason does not apply in Dr. Savage’s case and in her case I can see no ground for the discrimination, unless it is frankly that of the colour bar as in the United States of America or South Africa. But that, it seems to me, is a new thing in West Africa, and as unwise as it is unjust35.
21Le ton employé témoigne de l’indignation de Fraser, dont l’analyse politique est difficilement contestable : en effet, avec le cas du Dr Savage, l’administration coloniale est entrée dans une logique ségrégationniste, fondée sur la couleur de la peau et non sur la nationalité ou citoyenneté. Les commentaires de l’employé du Secrétariat colonial qui a annoté la lettre révèlent un certain malaise, mais aussi une mauvaise foi consommée. Ainsi, en face du passage où Fraser évoquait le coût de la vie et la connaissance des langues locales, on trouve un commentaire stipulant : « Pas entièrement ; c’est la question de “l’expatriation” », argument qui n’a guère de sens concernant Agnes Savage puisqu’étant britannique, elle devrait précisément être considérée comme expatriée. Enfin, en regard de l’impertinente (mais très pertinente) comparaison avec l’Afrique du Sud et les États-Unis, une note marginale demande : « Pourquoi soulever ceci ? » comme si la réponse ne s’imposait pas d’elle-même, ces deux pays étant considérés comme les deux patries de la ségrégation raciale. L’administration s’obstine donc et, plusieurs années durant, Agnes Savage demeure dans le personnel africain où, en dépit de ses qualifications, elle ne dépasse pas le niveau de médecin assistant. Enfin, en 1936, en plus de son travail à la maternité et de sa charge d’enseignement aux élèves sages-femmes, on lui confie la responsabilité de leur tout nouvel internat, contre une prime de 40 £ annuelles – somme plutôt modique si l’on considère que pour lui succéder, Miss Quaye, en 1937, est payée 48 £ par an36.
22Cependant, certaines mesures sont expressément aménagées pour le Dr Savage par l’administration : ainsi, bien qu’elle ne bénéficie pas de plus de congés qu’un médecin africain, l’administration accepte de payer le prix de son voyage en bateau pour retourner en Grande-Bretagne une fois tous les deux ans – privilège en principe réservé aux fonctionnaires européens, ce qui illustre bien les compromis spécifiques auxquels sa hiérarchie s’est sentie contrainte. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’elle est versée dans le corps des fonctionnaires européens, à une époque où les revendications politiques ont mis en exergue le racisme colonial et où la nomenclature commence à atténuer les différences entre Européens et Africains, celles-ci se voyant en partie remplacées par des différences de classe37.
23Dans ce contexte, on est tenté d’établir un rapport entre sa situation administrative et les nombreuses indications selon lesquelles Agnes Savage aurait rapidement souffert de problèmes de santé récurrents : une ancienne sage-femme la décrit sans indulgence comme « toujours en train de s’apitoyer sur son sort38 » et son dossier médical dévoile divers troubles mentaux ou maladies psychosomatiques : asthme, anxiété, dépression liée à un sentiment de ne pas « être à la hauteur » et même, en 1946, une dépression si aiguë qu’elle redoute de glisser vers la schizophrénie. Si l’on ne peut affirmer que l’administration médicale soit directement à l’origine de ces troubles, on ne peut s’empêcher de penser qu’ils ont été au moins aggravés par le traitement kafkaïen réservé à la doctoresse métisse, traitement qui la plaçait systématiquement entre deux mondes, et ne participant jamais ni tout à fait de l’un ni tout à fait de l’autre. La carrière du Dr Agnes Savage illustre donc bien la singulière logique raciste de l’administration coloniale de l’entre-deux-guerres – et qui n’est qu’un des avatars du racisme colonial.
24Mais les déboires d’une Agnes Savage ou la notoriété d’une Cicely Williams en font des personnages plus visibles que nombre de leurs collègues par un biais de sources : leurs dossiers sont plus épais car elles ont d’une façon ou d’une autre posé un problème. Pour autant, elles n’ont pas forcément été plus importantes sur le terrain. On peut supposer que l’action de Marjorie Chappell, en poste durant vingt ans et passionnée elle aussi par la PMI, a été au moins aussi significative. Mais le caractère effacé, voire docile, de cette dernière, fait que l’on a gardé d’elle peu de traces. Cet effet déformant des sources a une incidence sur la façon dont on relate et interprète les faits passés – mais il est important de rappeler que malgré les découvertes de Williams sur le kwashiorkor ou l’épaisseur du dossier de Savage, elles ne résument pas à elles deux l’influence des médecins sur la médicalisation de la maternité en Gold Coast. Pas plus d’ailleurs que les médecins – qui n’ont jamais été plus d’une dizaine à la fois engagés dans le projet de réforme de la maternité – ne résument à eux seuls cette histoire : en effet, la médicalisation et la réforme de la maternité s’opèrent grâce à bien d’autres employés du Département médical.
Infirmières et infirmières-visiteuses
25Juste en dessous des médecins, se trouvent les infirmières européennes – sur lesquelles existe une importante bibliographie, en plusieurs langues. Métier féminin « par excellence » car lié aux soins mais demeurant subalterne et dominé par les médecins, le métier d’infirmière a fait l’objet d’études qui mettent l’accent tantôt sur la professionnalisation d’un savoir-faire caritatif, tantôt sur l’identité professionnelle, ou encore sur son évolution technique au xxe siècle39. En Grande-Bretagne, la figure tutélaire est celle de Florence Nightingale, dont l’éthique de dévouement mais aussi la fierté professionnelle sont inlassablement répétées à ses consœurs du siècle suivant. En contexte colonial, les infirmières sont le plus souvent motivées à la fois par l’attrait de la nouveauté, la perspective de meilleurs salaires et la conviction de leur utilité40. Mais il faut noter d’emblée qu’elles sont excessivement peu nombreuses à exprimer, dans leurs dossiers de candidature, une appétence particulière pour l’Afrique occidentale, a fortiori pour la Gold Coast : en témoigne le très petit nombre de demandes explicites pour une affectation dans ces régions, auxquelles sont largement préférées l’Australie, la Nouvelle Zélande ou même l’Afrique du Sud41.
26Elles sont pourtant quelques dizaines à être envoyées en Gold Coast et à accepter leur affectation. Les plus « gradées » sont les infirmières en chef (une par établissement). La nomenclature varie à la fois selon les établissements et selon les époques42 : Matrons, Nursing Sisters, mais aussi Sister Tutors lorsqu’elles ont une charge d’enseignement, comme c’est le cas à la maternité pour les élèves sages-femmes. Leur salaire, variable mais généralement bien inférieur à celui des médecins (au début des années 1930, une infirmière ordinaire gagne environ 350 £ par an43), les pousse souvent à partager (à quatre ou cinq) un logement44. La question de la rémunération n’est pas anecdotique pour les femmes, célibataires, qui songent à partir aux colonies pour y faire carrière. En effet, un document de 1947, émanant de l’Association des infirmières d’outre-mer (Overseas Nursing Association) et adressé au gouvernement de la Gold Coast, s’enquiert du coût de la vie sur place. La réponse indique que pour une infirmière britannique, le coût de la vie est alors évalué entre 20 et 27 £ mensuelles, à une époque où les prix sont considérés comme excessivement élevés, surtout par rapport aux années d’avant-guerre45. Certaines carrières sont cependant couronnées de revenus très confortables. La plus haut placée des infirmières du secteur maternité, Miss Luscombe (Principal Matron), a cumulé vingt-six années de service en Gold Coast et patiemment gravi tous les échelons : en 1955, à la veille de sa retraite, son revenu annuel (salaire et prime d’expatriation) se monte à 1525 £46.
27L’un des problèmes particuliers tient au recrutement de ces infirmières pour le travail de PMI ou de maternité : en effet, les infirmières coloniales, qui appartiennent au West African Nursing Staff, sont censées être totalement polyvalentes47. À ce titre, elles n’ont pas de compétences particulières en obstétrique, en pédiatrie, ni en médecine préventive. Pour l’obstétrique, ceci est surtout vrai à partir de 1938, date d’une réforme dans le cursus de formation des infirmières en Grande-Bretagne : dès lors, elles qui avaient auparavant toutes décroché le certificat de sage-femme (et portaient le titre de nurse-midwife) ne passent plus que la première partie de ce diplôme, consistant modestement à avoir assisté à dix accouchements. Or, en contexte colonial, où un accent particulier est mis sur la médicalisation de la maternité, c’est très insuffisant ; et les médecins de la maternité ou de la PMI en Gold Coast se plaignent de ne pas pouvoir compter sur un personnel auxiliaire vraiment compétent. Cette frustration est relayée en haut lieu et, puisqu’elle dépasse largement le cas de la Gold Coast, elle fait l’objet en 1947 d’une recommandation du Colonial Office : il faudra annoncer aux candidates à l’expatriation que les détentrices du certificat de sage-femme seront favorisées par rapport aux autres48.
28L’un des moyens de remédier à ce manque de spécialisation des Européennes consiste aussi à former sur place des infirmières spécialisées ; mais comme on le verra plus en détail pour le cas des sages-femmes, cet idéal se heurte aussi à des difficultés de recrutement car le nombre de jeunes femmes africaines suffisamment instruites pour une telle formation demeure limité. En outre, jusqu’aux années 1940, le Département médical n’élabore pas de politique générale et à long terme concernant la formation du personnel paramédical. Ainsi, chaque établissement hospitalier peut recruter des candidat·e·s et les former « sur le tas » selon ses besoins, ce qui a l’avantage de fidéliser un personnel spécialisé (ainsi, l’hôpital Princess Marie Louise forme des infirmières pédiatriques) mais l’inconvénient de déboucher sur des niveaux et des compétences très hétérogènes d’une institution à l’autre49. Ce n’est qu’à partir de 1948 qu’un cursus précis s’organise pour les infirmières africaines, avec une distinction entre deux niveaux de qualification et une formation théorique préalable à l’apprentissage.
29Une autre catégorie de personnel a fait l’objet d’une formation spécifique, essentiellement destinée à répandre dans la population colonisée des principes d’hygiène et à la familiariser avec les institutions médicales : il s’agit des health visitors, dont la profession est reconnue en Grande-Bretagne depuis le Maternal and Child Welfare Act de 1918, après maints débats sur leur rôle50 ; et qui existent également en AOF de 1930 à 1938 sous le nom d’infirmières-visiteuses51. Éléments d’un dispositif complet qui comprend les médecins, les infirmières de PMI et les sages-femmes, elles sont en principe des actrices-clés de la réforme de la maternité. Les avocat·e·s de cette réforme placent en elles de grands espoirs, à l’instar de Cicely Williams qui leur consacre plusieurs pages de sa thèse en 1935. Leur tâche consiste essentiellement à se rendre au domicile des accouchées récentes pour y répandre la bonne parole hygiéniste, enseigner des principes de diététique et les « bons » gestes pour les soins aux nourrissons. Africaines, ces infirmières-visiteuses parlent plusieurs langues locales et sont réputées avoir accès facilement à leurs consœurs, en dépit de différences sociales assez marquées. Ce sont elles qui sont chargées du suivi des instructions déjà données au centre de PMI :
Child Welfare work, unless followed up in the homes of the people by well educated visitors trained both in nursing and in midwifery tends to become palliative—cases relapse repeatedly and there is a wastage of drugs and an output of energy on the part of the staff52.
30L’une d’entre elles, issue de l’influente et très chrétienne famille Hesse, utilise un vocabulaire qui emprunte au répertoire religieux pour résumer ainsi son travail, dans une requête (d’ordre salarial) adressée au gouverneur :
Your Petitioner was and is the chief propagandist in maternal and child welfare activities in the various stations of the Colony at the inception of such branch of medical work and is the prophet of bringing the public into close contact with the Maternity Hospital and Infant Clinics53.
31Si elle souligne ainsi le caractère quasi sacré de sa mission, se voyant comme rien moins qu’une prophétesse, c’est parce qu’elle doit convaincre de l’importance de son rôle. En effet, bien que tous les médecins et administrateurs médicaux se disent convaincus de leur utilité, les health visitors demeurent longtemps le parent pauvre de la PMI, à la fois quantitativement et qualitativement. Elles ne sont que quatre à être employées par le gouvernement en 1936, et de l’avis de l’administration, elles ne sont alors ni suffisamment formées ni même suffisamment instruites pour la tâche qui leur est confiée :
At present the existing Health Visitors, who were taken on at the beginning of the welfare movement, although keen and hardworking, are not fitted by education or training, for this increasingly important branch of preventive work54.
32De fait, pendant longtemps, la formation de ces health visitors n’est ni réglementée ni systématiquement encadrée, en partie pour des raisons budgétaires : elle consiste simplement en cours dispensés par une infirmière européenne liée à un centre de PMI, à la maternité ou à l’hôpital Princess Marie Louise55. À la fin des années 1930, on systématise leur formation, qui dure alors trois ans ; mais ce n’est qu’à partir de 1952 que les infirmières-visiteuses doivent être en possession d’un diplôme d’infirmière généraliste et s’être en outre spécialisées, pour pouvoir pratiquer56. Durant les années 1930, leur salaire demeure modique, surtout comparé à d’autres professionnelles de la santé maternelle et infantile. En 1940, même si elle a reçu la même formation qu’une sage-femme, à laquelle s’ajoutent trois années supplémentaires de spécialisation, une infirmière-visiteuse commence sa carrière avec 48 £ annuelles (contre 84 £ pour une sage-femme). Il est donc manifeste que malgré une formation de plus en plus poussée, et bien que ce métier existe en Grande-Bretagne depuis le début du xxe siècle, les health visitors ont un certain mal à se faire pleinement reconnaître comme des professionnelles.
33Pour comprendre que cette reconnaissance de leur profession soit si tardive, il faut la replacer dans le contexte local mais également comparer leur sort avec celui de leurs homologues dans d’autres régions du monde. Sur le terrain, la professionnalisation des infirmières-visiteuses est obérée par la concurrence du bénévolat féminin : la description de leurs tâches montre que les dames bénévoles de la League for Maternal and Child Welfare (voir chapitre précédent) font exactement la même chose. Si ce « travail » peut être fait par des volontaires, on comprend mieux que des professionnelles aient du mal à se faire reconnaître comme telles et à exiger des salaires dignes de leur qualification. C’est là toute l’ambiguïté de cette profession, qui, comme en France par exemple, conserve de nombreuses caractéristiques du bénévolat tout en étant en principe qualifiée, reconnue, encadrée et salariée57. Comme l’a montré une abondante bibliographie sur les infirmières en France, certaines professionnelles ont d’autant plus de mal à être prises au sérieux que leur travail se rapproche des tâches traditionnelles féminines58. Et dans le cas des infirmières-visiteuses de la Gold Coast, la persistance du bénévolat ajoute un handicap supplémentaire et joue contre leur reconnaissance.
Le petit personnel ou les invisibles de la réforme de la maternité
34Infirmières et médecins sont loin de composer l’ensemble du personnel d’un centre de PMI ou de la maternité. Ainsi, au centre de Kumasi vers 1935, on compte : une femme médecin, une infirmière en chef (nursing sister), une infirmière-visiteuse, pas moins de douze infirmières africaines titulaires ou en formation (nurses and nurses in training), une sage-femme, deux infirmières en santé publique (health nurses), un·e auxiliaire médical·e (dispenser), un·e secrétaire, un·e cuisinier·e, un blanchisseur, un jardinier, un coursier et un homme de ménage59. Tous portent un uniforme spécifique selon leur spécialité, qui les signale comme employés du gouvernement60. Pour un seul centre, on compte donc vingt-cinq personnes au total (un peu plus de la moitié si l’on excepte les infirmières en formation), dont six qui relèvent du personnel non médical.
35Ces derniers, domestiques ou (plus rarement) employés de bureau, ne sont pas spécifiquement qualifiés pour le secteur de la maternité et de la PMI : leurs compétences les autoriseraient à travailler dans d’autres services. Mais ce « petit peuple », souvent masculin, est indispensable à la bonne marche des établissements et à la prise en charge des patient·e·s. Comme d’autres employés de rang subalterne, ils contribuent au fonctionnement du système colonial en servant d’intermédiaires entre colonisateurs et colonisé·e·s61. Les sources médicales les évoquent pourtant peu. On les voit apparaître dans les archives à l’occasion d’incidents ou d’événements personnels sérieux. Ainsi le gardien de l’hôpital Princess Marie Louise se fait-il renvoyer en 1944 pour recel de goudron, apparemment volé par l’un de ses amis travaillant aux chemins de fer ; ainsi encore le cuisinier est-il congédié en 1940 pour n’avoir pas tenu compte des admonestations de l’infirmière en chef62. C’est aussi la cuisinière de la maternité, obligée, après huit ans de bons et loyaux services, de quitter son emploi en 1944 pour cause de maladie. Comme elle a donné toute satisfaction, les autorités du Département médical décident de lui octroyer une indemnité exceptionnelle de départ de 6 £, somme très modique correspondant à presque trois mois de salaire. Quelques rares documents renseignent en effet sur les revenus du petit personnel non médical : Mrs. Obinpon, la cuisinière en question, gagnait 2 £ et 10 shillings par mois, soit 30 £ annuelles – c’est-à-dire l’un des plus modestes salaires de tous les employés du secteur maternité63.
36Très varié par le statut comme par la rémunération, le personnel travaillant en PMI reflète donc bien les hiérarchies, à la fois de genre et de couleur, du monde colonial. Ces acteurs contribuent toutes et tous à faire fonctionner mais aussi à populariser les institutions clés de la médicalisation de la maternité, qui demeurent cependant dominées par les membres du corps médical. Pourtant, les salariés ne représentent que la partie émergée de l’iceberg : en effet, la réforme de la maternité repose largement sur une nébuleuse de volontaires, mais aussi de donateurs, dont les initiatives pour populariser les nouvelles modalités de l’être mère sont très variées. La métaphore de la nébuleuse – « un univers fini mais aux contours indécis, une matière discontinue faite de noyaux denses et de zones relativement vides, des corps en voie de formation ou de désintégration, un ensemble d’objets organisés en systèmes partiels mais entraînés dans un mouvement d’ensemble64 » – est particulièrement utile pour comprendre par qui s’opère la réforme de la maternité, sujet qui déborde largement le cadre restreint des professionnels de la médecine et des institutions qui y sont consacrées.
La réforme de la maternité : affaire de professionnelles ou de bénévoles ?
37On a déjà vu l’entrée en scène d’une association caritative, la Croix Rouge, devenue l’un des principaux entrepreneurs de la PMI. De fait, au sein du Département médical, on repère une propension officialisée à compter sur le volontariat :
Social improvement in the home life of the people depends on the spread of knowledge amongst the women. This knowledge must be propagated by a team of well trained African women with the support of voluntary workers65.
It should be remembered that a large amount of most useful Infant Welfare work can be done and is being done on voluntary lines. We should develop this66.
38L’une des sages-femmes interrogées, Thelma Buckle, se rappelle avoir accompagné sa mère, parfois en présence de Lady Slater, épouse du gouverneur, dans le cadre de visites à domicile organisées par la Croix Rouge, pour enseigner aux mères les principes d’hygiène et de soins aux bébés67. D’ailleurs, même lorsqu’il ne s’agit pas de bénévolat (donc de services gratuits) au sens strict, on compte beaucoup sur la bonne volonté féminine pour travailler à bas coût. En effet, il existe toute une série de dispositions administratives extraordinaires, permettant par exemple de recruter des femmes mariées, en principe pourtant exclues de la fonction publique coloniale. Dans le contexte de crise des années 1930, les autorités emploient en PMI, sur des contrats locaux et temporaires, des infirmières, voire des femmes médecins, qui sont des épouses de fonctionnaires. Étant donné qu’il s’agit de femmes mariées, leur « salaire » est moins une rémunération qu’une compensation, presque symbolique. Elles ne sont pas rares à accepter ces conditions, qui leur procurent la satisfaction de faire œuvre utile et de pratiquer leur métier. Certaines d’entre elles, licenciées à l’occasion de la crise ou consécutivement à leur mariage, reprennent ainsi du service : le Dr Piegrome, congédiée en 1930, est engagée en 1932 pour à peine plus d’un tiers de son salaire précédent. Plusieurs infirmières et sages-femmes ont le même réflexe et consentent à des rémunérations modiques, alors appelées honoraires et non plus salaires : c’est le cas de Maude Christian, sage-femme de Sekondi, qui ne reçoit plus que 5 £ par mois en 1932, pour un emploi (certes, à temps partiel) au centre de PMI68.
39La PMI fonctionne donc très largement grâce à cette forme particulière de « volontariat » féminin, qui consiste à accepter un travail qualifié contre de faibles rémunérations : cette tendance, si elle est repérable tout au long de la période, est particulièrement patente durant les années de récession, où les autorités l’érigent en système.
40D’autres femmes, pour leur part, certes moins qualifiées, œuvrent tout à fait gracieusement. Les Européennes remplissent ainsi la tâche « civilisatrice » qu’on leur assigne depuis les années 1920 et qui donne le ton d’un nouvel impérialisme, « maternaliste69 » et plus féminin, car plus centré sur la notion de service aux colonisé·e·s70. Ainsi, en 1932 à Tamale, qui ne dispose pas d’un centre de PMI, une « clinique » de pesée des bébés se tient dans l’enceinte de l’hôpital une fois par semaine. Deux Européennes, bénévoles, y secondent deux infirmières (l’une britannique et l’autre, africaine) détachées de l’hôpital71. Et ce bénévolat n’est pas l’apanage des Territoires du Nord délaissés par l’administration médicale. Ainsi à Kumasi, un appel radiodiffusé en 1946, rédigé par le Dr Marjorie Chappell, s’adresse à toutes les bonnes volontés qui pourraient prêter assistance dans les centres de pesée de la ville :
There are six of these weighing centres in Kumasi. During the month of December there were over 3000 attendances. […] A voluntary worker is needed for each weighing centre, for two hours once a week. The worker will be asked to keep the ledger recording the attendances, she will have the opportunity of becoming interested in the families attending the centre. This is a form of social service which is waiting to be done by ladies in this town who have some leisure time at their disposal. At the Welfare Centre there are no toys or picture books for children. These are badly needed especially for the toddlers. Before the war there were many African and European ladies who gave most valuable service in such towns as Accra and Sekondi. During the war members of the Women’s Voluntary Service did excellent work for the soldiers. This organization is now being disbanded. Some of its members will want to continue serving their country as good citizens72.
41Notons l’évocation du bénévolat féminin comme révélateur d’une conscience et d’une action de « bonne citoyenne » – vocabulaire et idéologie très caractéristiques de l’après Seconde Guerre mondiale. Mais le reste du texte, plus intemporel, et destiné à l’élite sociale anglophone de Kumasi, révèle une conviction bien ancrée en Europe depuis le début du xixe siècle : les femmes des classes sociales élevées ont vocation, d’une part, à agir charitablement et, d’autre part, à former celles des classes populaires – c’est-à-dire, en situation coloniale, de presque toutes les colonisées. De fait, dans l’entre-deux-guerres, les dames de la League étaient les mêmes qui se consacraient à la collecte de fonds pour le Poppy day, jour anniversaire de l’armistice de 191873. En réalité, tout se passe comme si, en matière de PMI, il suffisait d’être européenne, ou encore africaine de l’élite, pour s’improviser spécialiste, voire instructrice – l’une des tâches classiquement dévolues aux Blanches en territoire colonial, au point qu’il est parfois difficile d’inventer d’autres façons d’agir74. On a vu dans le chapitre précédent les activités de la très sélective (et racialement mixte) League for Maternal and Child Welfare. Mais même à titre individuel, il semble tout naturel que chacune des Européennes présentes en Gold Coast (toutes largement issues des classes moyennes, malgré des variations internes) puisse dispenser des conseils en matière de soins aux enfants – comme c’était le cas, de façon très poussée, au Congo belge75. L’épouse d’un commissaire de district, en poste de 1947 à 1957, témoigne ainsi de son expérience :
One thing I tried to do in Salaga was to start a baby clinic. It always worried me to see them being stuffed with starchy lumps of yam and cassava and never any fruit. It didn’t get much beyond registering them and weighing them and giving an introductory talk – the mothers all very nervous and therefore giggly, having been ordered no doubt by the Chief to humour the white woman and attend. Someone was bold enough to ask how many children I had. ‘None’ was the answer and that was the end of the clinic. I should have said Ἁ dozen and what is more, they are all living’76.
42Ce témoignage a l’intérêt de montrer la différence d’appréciation entre une Européenne – qui, bien que n’ayant pas d’enfant, se sent autorisée par son seul bagage théorique à donner des conseils aux mères – et ces dernières, pour qui le fait de n’avoir pas d’enfant délégitime immédiatement l’instructrice autoproclamée.
43Nonobstant cet échec individuel, les activités de PMI ont donc largement reposé durant toute la période coloniale sur le temps et l’énergie de femmes (blanches, mais aussi noires) qui pensaient améliorer le sort des mères et des enfants noirs. Leur contribution est certes conçue comme un soutien aux professionnel·le·s que sont les médecins, infirmières et sages-femmes ; mais en temps de récession, cette participation peut se substituer au travail des spécialistes de la santé. Or il n’est pas fortuit que ce soit cette branche de la médecine qui se trouve ainsi à cheval entre amateurisme et professionnalisme : destinée aux femmes et dispensée par des femmes, la PMI est marquée au sceau du volontariat pour ces deux raisons. Cette situation n’a d’ailleurs rien de proprement colonial, à ceci près que la chronologie n’est pas la même qu’en métropole : on constate un écart d’environ vingt ans entre les dynamiques repérables en Grande-Bretagne et leur réplique en Gold Coast – ce qui s’explique entre autres par le fait que la PMI a en effet commencé sur place avec un décalage d’une ou deux décennies.
Les autres formes de bénévolat : mécénat, parrainage et sponsorisation
44Une autre façon d’associer des acteurs bénévoles à la réforme de la maternité consiste à faire appel à leur générosité. Durant toute la période, on assiste donc à des dons, destinés soit à un objectif ponctuel, soit à alimenter les caisses de la Croix Rouge ou autre association comparable. Ces dons, provenant de sources variées, sont rassemblés lors d’événements collectifs spécifiques : l’année est en effet jalonnée de fêtes, célébrations, kermesses, réunions, conférences publiques, qui sont autant d’occasions de « faire de la propagande » et de lever des fonds (fréquemment plusieurs dizaines de livres sterling par manifestation) :
These sums [collected by the Red Cross] have been obtained as the result of individual canvassing, plays, concerts, football matches, cake and candy sales, jumble sales, gifts from Junior Red Cross Links, etc77.
45Chaque année, ce sont plusieurs centaines (parfois plusieurs milliers) de livres sterling qui sont ainsi récoltées – avec cependant le risque toujours latent de voir se tarir la source, comme le souligne un responsable du Département médical en 1933, inquiet de la vulnérabilité de ce nouveau système de financement78. On peut distinguer plusieurs sources pour ces dons :
- Les dons provenant de particuliers, qui viennent principalement de la communauté européenne, selon un administrateur du Département médical en 1933, à propos des fonds versés à la Croix Rouge79. Mais il n’est pas rare que contribuent aussi les familles africaines les plus en vue, qu’il s’agisse de commerçants ou membres des professions libérales, ou encore d’autorités politiques « traditionnelles ». Ainsi, le Kumasihene (chef de Kumasi, fonction créée de toute pièce par les Britanniques après la déportation de l’Asantehene au début du xxe siècle), verse-t-il un peu plus de 2 £ à l’occasion de la Health Week de 1929, auxquelles s’ajoutent 9 £ offertes par divers « chefs » ashanti80. Bien qu’assez modiques, ces sommes sont loin d’être ridicules, 2 £ correspondant à un mois de salaire mensuel des employés africains situés tout au bas de l’échelle. À partir des années 1940, des dons individuels extrêmement modestes, d’un penny ou deux, font également leur apparition81. L’habitude de contribuer s’est donc manifestement étendue à une population à la fois plus large et moins fortunée et c’est grâce à l’addition de ces dons infimes que l’on arrive à des sommes significatives.
- Les dons provenant de collectivités locales, présentés par les responsables politiques de ces communautés (les « chefs ») mais qu’ils n’offrent pas à titre personnel : il s’agit de sommes prélevées sur le trésor de l’État ou de la municipalité. C’est l’occasion d’affirmer un intérêt politique pour la PMI : en 1933, lorsque l’omanhene d’Asebu verse une contribution de plus de 2 £ tirée du Trésor, il l’accompagne d’une lettre indiquant qu’il compte visiter prochainement le centre de Cape Coast82. C’est aussi l’occasion de montrer que l’Indirect Rule fonctionne bien, pour la plus grande satisfaction des autorités coloniales… et des « chefs » concernés.
- Les dons offerts par des groupements de personnes, et qui souvent relèvent d’une forme de mécénat. Le meilleur exemple en est fourni par une somme d’argent versée par des jeunes filles, élèves de l’école secondaire wesleyenne de Cape Coast. Entre 1938 et 1943, sous l’égide de leur enseignante, Miss Bellamy, elles ont récolté près de 60 £, qu’elles souhaitent allouer à la section maternité du nouvel hôpital de Cape Coast. Mais l’originalité de cette offrande, qui la rapproche du mécénat, est qu’elles assortissent leur geste d’une demande : un lit de la section maternité devra porter le nom de leur association, la Section (Link) 14 de la Junior Red Cross Society83.
- Enfin, les dons provenant d’entreprises, qui en profitent pour se rappeler au public. Il peut s’agir de sommes d’argent, de dons en nature, ou encore de recrutement de personnels engagés en PMI. En 1948, répondant à l’appel de Lady Creasy pour acheter des cliniques mobiles, les plus généreux donateurs sont des sociétés commerciales, qui contribuent pour des sommes élevées, entre 100 £ et 2000 £, comme le relate le Gold Coast Observer84. Les dons en nature sont très variés : lait infantile ou condensé, layette, linge, talc, bassines… En 1933, la firme Nestlé offre trois caisses de lait aux centres de PMI d’Accra et de Kumasi – geste qui a connu des précédents et sera maintes fois réitéré par la suite. Pour la compagnie suisse, l’intérêt de ce don est qu’il est annoncé par voie de presse par le Département médical, ce qui constitue une publicité à peu de frais85. Pour les destinataires, ces boîtes de lait représentent soit un « appât » destiné à attirer des mères réticentes, soit une récompense destinée aux plus assidues. Plus originale, l’initiative de Cadbury, fameuse entreprise chocolatière qui est l’un des premiers acheteurs de cacao en Gold Coast, et qui salarie plusieurs health visitors dans les années 1930. Ces « infirmières-visiteuses Cadbury », comme on les nomme, portent un uniforme au nom de la firme et reçoivent un salaire de 50 £ annuelles en 1937 (elles sont alors au nombre de trois)86. Elles sont par ailleurs sévèrement jugées par Cicely Williams qui, en 1935, estime qu’elles ne sont pas très efficaces, passant le plus clair de leur temps à rendre visite à leurs amies87. Quoi qu’il en soit, c’est là encore une façon pour Cadbury de se rendre visible et de faire de la « réclame », tout en s’achetant une conduite.
46Quelle que soit leur provenance, ces dons sont souvent offerts lors d’occasions spécifiques. Or parmi ces dernières, un type d’événements est particulièrement associé à la réforme de la maternité : il s’agit des baby shows, expression connue en français sous le nom de « concours du plus beau bébé ». Mais en Gold Coast comme ailleurs, l’enjeu tient moins à la beauté, purement esthétique du bébé qu’à son caractère sain et bien développé – selon des critères bien sûr très relatifs et dépendant du contexte propre à cette époque. Le baby show, qui fait son apparition en Gold Coast au début des années 1920 (avec une première à Accra en novembre 1923), est en effet lié au courant eugéniste de la fin du xixe siècle, qui cherche à « améliorer la race » – d’abord dans les métropoles puis, avec un décalage temporel, aux colonies88.
Le baby show, haut lieu de la maternité coloniale
47Comme l’a montré Jean Allman, le concours de bébés est l’un des moyens de faire entrer les mères dans le monde de la maternité coloniale89. Organisé conjointement par des représentants des officines gouvernementales (Département médical, Département de l’éducation…), par des volontaires européennes ou africaines et parfois sous le patronage d’influentes associations de l’élite urbaine (comme le bien nommé Reformers’ Club de Christiansborg à Accra, ou le célèbre Optimism Club de Sekondi90), ce type de manifestation a plusieurs objectifs : rassembler des mères africaines et susciter une émulation entre elles ; adresser à ce public captif des conseils concernant les bonnes façons d’être mère et les soins à dispenser aux enfants ; mais aussi contrôler et surveiller la population et son état sanitaire. Ce dernier aspect transparaît dans une note rédigée par un administrateur en Ashanti :
The result of refusing admission to the baby show to all babies whose names had not been registered in the Register of Births has been to popularise birth registration considerably and, whereas in September only 34 births were registered, in October 81 were registered91.
48Cette source indique bien que pour les autorités, les préoccupations sanitaires vont de pair avec la volonté de bien répertorier les populations colonisées – même si cette volonté affichée n’est guère suivie d’effets par la suite. Par ailleurs, la philosophie qui préside à l’organisation des baby shows, du moins dans les premiers temps, est marquée par l’obsession de la catégorisation. Ainsi, à Kumasi en 1926, les bébés sont-ils enregistrés par « ethnie » et ne concourent donc pas tous ensemble92. La première catégorie rassemble les bébés des peuples du Sud (« Ashanti, fanti, ga, etc. », lit-on) ; et la seconde, les bébés des régions du Nord ou de l’étranger (« Hausa, Lagosian, Wangara, Grunshi, Moshi, Frafra, Kotokoli, Fulani, Mamprussi, etc. »)93. Cette étonnante distinction indique sans doute qu’aux yeux des autorités, les bébés des différentes régions sont trop différents pour être mesurés les uns aux autres. Elle révèle donc une vision très ethniciste de la colonie, tout en montrant à quel point les migrations en provenance du Nord sont déjà importantes, la population nordiste étant déjà suffisante pour que l’on crée une catégorie à part pour les jeunes candidat·e·s. Bien que cette distinction n’ait pas perduré, un autre compte-rendu, datant de 1929, note avec satisfaction que les mères des Territoires du Nord ont été nombreuses à participer. Cette insistance s’explique par la façon dont sont perçues les populations septentrionales : réputées primitives, voire arriérées, elles seraient plus difficiles à civiliser. Le fait d’avoir réussi à attirer des mères de ces régions est alors un objet de satisfaction particulière pour les autorités, qui y lisent l’efficacité de leur propagande.
49Un document parmi d’autres donne une bonne idée de la façon dont était organisé puis dont se déroulait un baby show :
Friday 29 Nov: the baby show was held at 2 p. m. at the gvnt Senior Boys’ School. This event was entirely organised by a Committee of the Kumasi Branch of the LMCW, constituted as follows:
European ladies: Mrs. Ellis, Mrs. Hoare, Mrs. Browning and Miss Shilling.
African ladies: Mrs. Dove, Mrs. Mensah, Mrs. Kennedy, Mrs. Addo and Miss Heatherington.
Baby show open to all children who have attended the Welfare Centre and whose births have been registered. Marks given for vaccination.
This was probably the most successful event of the week. Classes for babies under 6 months; from 6 months to 1 year; from 1 to 2 years; and twins up to one year were held. All these classes were filled with entrants and a very close competition resulted. A feature of the show was the number of the Northern Territory mothers who brought up their babies for judging.
The judges were:
Dr Byrne, Acting Sanitary Medical Officer; Dr Chisholm, Medical Officer of Health; Dr B. A. S. Russell, Lady Medical Officer, to whom the thanks of the Committee are due for their kind services.
His Honour the Chief Commissioner of Ashanti, visited the show at 5 p. m. and most kindly gave away the prizes; when speeches were given by Mrs. Ellis (President of the Kumasi Branch of the League for Maternal and Child Welfare), Dr Byrne and Nana Prempeh, Kumasihene.
The Band of the Boys Gvnt School played throughout the afternoon.
Messrs the West African Drug Company, and Messrs the Kingsway Chemists put up exhibits of feeding appliances, etc. of high educational value, for the event.
The Committee are most grateful to them for all their trouble. The greatest credit is due to the Committee of the LMCW who organised this baby show; everything proceeded without a single hitch, from first to last, and was followed by crowds of interested sightseers94.
50Ce document permet d’entrevoir à la fois le caractère festif de l’événement (avec le concert en plein air), les catégories de bébés (trois classes d’âge et une catégorie à part pour les jumeaux ; notons que les deux sexes concourent ensemble, ce qui n’est pas toujours le cas), les protagonistes (combinaison de fonctionnaires coloniaux, de médecins, de dames de la bonne société, noires et blanches, de chefs traditionnels et de représentants des firmes donatrices). Le contrôle par les autorités médicales semble s’être accru avec le temps car quelques années auparavant, le jury n’était pas exclusivement composé de médecins ; on note par ailleurs que les marques de vaccination (il s’agit du vaccin antivariolique) rapportent des « points », façon d’encourager les parents à faire vacciner leurs enfants.
51L’un des baby shows les mieux documentés de l’époque coloniale a eu lieu en 1924 à Accra. Contrastant avec les récompenses habituelles (constituées de layette, savon, ou encore, pour les mères, d’espèces, de parfum, de miroirs ou de confiseries), le premier prix était constitué par une timbale en argent massif, offerte par la reine Mary (épouse du roi George V), qui l’avait confiée à l’épouse d’un fonctionnaire en poste en Gold Coast. Cet événement exceptionnel est annoncé dans une publication datée du22 mars 1924 :
“Her Majesty the Queen’s Prize for the next Golf Coast Baby Show”
It is significant of the Queen’s deep interest in the women and children of the Gold Coast that Her Majesty has presented a handsome Silver Porringer as a prize for the winning baby at the next Gold Coast Baby Show. By Her Majesty’s request the porringer was conveyed to His Excellency the Governor by Mrs. Armstrong, M.B.E., on the 21st of March, and will be presented at the Baby show which will take place towards the end of 1924. Particulars as to entries for the Queen’s porringer will be published in due course. The chance of receiving the great honour which this porringer will take will appeal greatly to all African women and it is anticipated that the competition will be very interesting95.
52Malgré sa brièveté, cette dépêche donne la mesure du caractère impérial de l’épisode : la reine y est mentionnée cinq fois en quelques lignes, redondance destinée à souligner l’importance d’un lien présenté comme quasi personnel entre l’épouse du monarque et l’ensemble des femmes et des enfants de la Gold Coast. En outre, cet événement est mentionné dans les mémoires de la princesse royale Marie Louise96, elle aussi associée personnellement aux efforts entrepris pour la médicalisation de la maternité, bien qu’elle n’ait pas assisté elle-même à ce concours de 1924. Enfin, fait remarquable, on dispose de plusieurs photos de ce concours particulier, représentant respectivement : le groupe de mères et d’enfants ayant gagné des prix ; la jeune lauréate entourée de sa mère et de Mrs. Armstrong (qui devait remettre la timbale) ; et enfin, de la lauréate toute seule97. Leur caractère unique mérite qu’on s’y attarde un instant.
53Le premier cliché, pris en plein air dans un jardin, montre au premier plan un groupe de neuf femmes, avec chacune un enfant portant une rosette autour du cou. Il s’agit donc des enfants primés, qui posent au pied de leur mère ou dans leurs bras. À l’arrière-plan, on distingue (moins nettement) des hommes et des femmes : soit les accompagnant·e·s, soit les parents des enfants non primés, soit encore des membres de l’assistance – ce qui rappelle que cet événement public était destiné à toucher le plus grand nombre possible de gens (les mémoires de la princesse Marie Louise parlent de cent cinquante candidat·e·s). Toutes les mères sont habillées à l’africaine, à l’exception de celle située à l’extrême gauche – qui n’est autre que la mère de la lauréate. Cette photo sans légende ne fournit hélas aucun renseignement sur l’identité de ces femmes et l’impression qui s’en dégage n’est pas très claire, la fierté semblant se mêler à une vague gêne.
54Le second cliché, apparemment pris aussi en plein air mais sans doute un autre jour ou à un autre moment de la journée (la mère, cette fois, porte un grand kente), montre la petite fille tenant la timbale d’argent qui constituait le premier prix. Elle arbore toujours sa rosette et se tient debout, entre sa mère et Mrs. Arsmtrong, toutes deux assises et souriant légèrement. L’Européenne est cependant coiffée du très classique casque colonial, ce qui, avec la simplicité de sa robe, accentue la différence avec la mère, vêtue d’une somptueuse tenue « traditionnelle ». Si Mrs. Arsmtrong figure en bonne place sur la photo, elle est donc très loin d’éclipser la mère de la gagnante.
55Enfin, la dernière photo représente la lauréate toute seule ; sans doute impressionnée par la pose, elle ne sourit pas et tourne le regard ailleurs que vers l’objectif (vers sa mère, hors champ ?). Elle serre entre ses mains la précieuse timbale : on peut supposer que le projet était de faire parvenir ces clichés à la reine-donatrice. L’enfant, qui a dû concourir dans la catégorie 1-2 ans et semble être une petite fille, ne porte qu’une ceinture de reins : ceci permet d’apprécier son côté potelé, qui a sûrement joué dans le choix du jury, puisqu’elle a ainsi l’air en pleine santé, et bien nourrie. Bien que là encore on ne sache rien de son identité, ce document permet donc de comprendre les critères d’appréciation dans un tel concours : rondeurs et bonne santé sont primordiales. Quant au prix lui-même, émanant de la plus éminente figure féminine de l’Empire, il indique bien à quel point le baby show est, au-delà de son caractère festif ou sanitaire, un « mécanisme de régulation sociale, sinon de contrôle social, par lequel les femmes étaient encouragées à entrer dans le monde de la maternité coloniale, et récompensées de l’avoir fait101 ».
56Cependant, les concours de bébés semblent être une caractéristique des années 1920-1930, où ils sont organisés même dans des localités de moindre importance (ainsi, Agona Swedru en 1933102). À partir du milieu des années 1930, on n’en trouve plus guère de trace et dans les années 1940, ils semblent remplacés par d’autres types de manifestations, moins compétitives, telles que les goûters offerts aux mères qui fréquentent les centres de PMI, parmi lesquelles les plus assidues se voient remettre des cadeaux103. Peut-être l’exhibition inhérente aux baby shows a-t-elle fini par choquer les contemporains. D’ailleurs, Cicely Williams exprimait sa désapprobation à l’égard de ces foires aux bébés, laissant entendre l’une des rares voix discordantes pour les années 1930 – avec celle de Denise Savineau, en AOF, qui elle aussi les critiquait104 :
I personally have a deep aversion to « baby shows ». I know of nothing less compatible with human dignity. In some place they become fat stock shows and in others they create jealousies and despair. It often happens that the mothers most deserving encouragement and commendation are those who have struggled manfully with a premature or handicapped child and they have no chance when it comes to these wretched baby shows. Luckily the people of Kumasi agreed with me that these affairs should be abolished. They had become unpopular on account of two unfortunate incidents. On one occasion the baby who was awarded championship developed pneumonia and died shortly afterwards, and what was even more shocking, the baby who was chosen for the first prize for girls turned out to be a boy105.
57On n’en saura pas davantage sur l’origine de la méprise qui a fait prendre un garçon pour une fille mais il est certain qu’en dépit du succès qu’ils semblent avoir rencontré dans une partie de la population, les baby shows ont aussi suscité des réticences. Dans la croyance populaire, il n’est en effet pas très recommandé de s’exposer ainsi aux regards : on risque de susciter des jalousies, toujours susceptibles d’apporter en retour des catastrophes. En Inde, ces concours n’étaient-ils pas boycottés, pour cette raison, par les mères des milieux populaires, auxquelles ils étaient pourtant destinés106 ? Si la « sorcellerie » n’est jamais évoquée en tant que telle dans les sources médicales, la crainte d’encourir des malheurs pour s’être trop affiché ou pour avoir eu trop de chance a certainement joué contre ce type de manifestation : c’est ainsi que l’on doit comprendre l’anecdote du Dr Williams sur l’enfant primé, mort de pneumonie. Un témoignage oral recueilli à Cape Coast atteste ces craintes : Gladys Hansen, sage-femme née vers 1935, était la fille de l’un des premiers pharmaciens ghanéens. Nourrie au biberon de lait maternisé, elle aurait été un bébé particulièrement rond et replet. En bon commerçant, son père avait pris l’habitude de l’asseoir sur son comptoir pour faire d’elle une publicité vivante, vantant les mérites du Lactogen. C’est alors que sa mère serait intervenue pour que cela cesse, accusant le père de vouloir la mort de la petite fille, qu’il exposait ainsi au « mauvais œil107 ». Cette divergence de vues entre les deux parents est d’ailleurs très éclairante sur les interprétations contradictoires de la modernité : cette commodité importée qu’est le lait maternisé ne fait pas l’unanimité. Considéré comme bénéfique et désirable par le père de Mrs. Hansen, qui y voit le moyen de faire prospérer un enfant (et de faire fonctionner son tiroir-caisse), il est au contraire objet de suspicion pour la mère, inquiète des retombées néfastes d’un bonheur ou d’un succès trop manifestes, dus à ce produit nouveau.
58Quoi qu’il en soit, c’est un ensemble de facteurs qui a présidé au déclin des concours de bébés, après les années 1930. Pour autant, on n’assiste pas à la fin des manifestations publiques destinées à récompenser les mères ni à rassembler les divers acteurs et actrices de la réforme de la maternité, manifestations qui se poursuivent sous d’autres formes, moins spectaculaires mais aussi plus fréquentes, jusqu’à la fin de la période.
Conclusion
59Si les sources sont généralement disertes concernant les médecins travaillant à la maternité ou en PMI, ceux-ci constituent seulement l’arbre qui cache la forêt : une forêt faite de personnels divers, aux statuts variés et aux salaires également hétérogènes. Ce déséquilibre des sources pose un véritable problème méthodologique car s’il reflète l’implacable hiérarchie du Département médical, il donne une idée tronquée de la réalité, comme si le sommet de la pyramide constituait le seul corps actif dans la médicalisation de la maternité. Or on sait que les institutions créées à cet effet fonctionnent certes sous l’égide des médecins mais aussi grâce à un nombreux personnel paramédical (plus ou moins qualifié et lui-même hiérarchisé) et enfin, grâce à un personnel non médical : cols blancs ou, plus souvent, travailleurs manuels non moins indispensables à la bonne marche des établissements. Ce déséquilibre des sources n’épargne d’ailleurs pas le corps médical lui-même, parmi lequel certaines figures ressortent particulièrement – sans qu’on puisse vérifier qu’elles aient joué un rôle plus éminent que leurs confrères ou consœurs restés dans l’ombre.
60Mais d’autres documents (notamment les articles de presse) montrent que les personnels rémunérés pour se consacrer à la réforme de la maternité sont loin d’œuvrer seuls. Ils sont secondés, voire remplacés, par une série d’acteurs (et surtout d’actrices) qui donnent de leur temps, de leur énergie ou de leurs richesses pour modifier les comportements maternels. Enfin, l’une des spécificités de la réforme de la maternité est qu’elle repose en grande partie sur des agents (essentiellement féminins) bénévoles, qui, sans constituer un véritable « personnel », a néanmoins tenu une part décisive dans la diffusion de nouveaux gestes et modèles maternels et dans la fabrique d’une maternité impériale.
Notes de bas de page
1 Extract from a Report on Medical Department by Director of Medical Services. CSO 11/7/28.
2 Dr Selwyn-Clarke, 21 March 1932, Memorandum: Infant Welfare Centres, General Principles; Dr Duff, 1932, Memorandum The Medical Department, Gold Coast, 1910-1932. A Balanced Service. CO 96/702/1.
3 “Gold Coast Gallanty Show”, Red Cross Society Quarterly Review, July 1951, p. 111; Lib Acc 86/60; Archive Acc 175.
4 Overseas Nursing Association, Boxes 128 to 130B. Mss. Brit. Emp. s. 400.
5 Letter from Director of Medical Services to Colonial Secretary, 25 June 1945. CSO 11/6/20.
6 Extract from a Report on Medical Department by Director of Medical Services. CSO 11/7/28.
7 Grace Summerhayes, Personal File, E 4850. European Personnel.
8 Vacancy for LMO Miss Summerhayes : Filling of. CSO 11/1/120.
9 Korle Bu Hospital, 1923-1973 : Golden Jubilee Souvenir, Accra, 1974.
10 En 1931, elle avait écrit à son supérieur une lettre pour signaler que son affectation dans un centre de PMI ne lui convenait guère, en raison de la dimension exclusivement préventive de cet emploi. Kathleen Lawlor, Personal File, E 4389. European Personnel.
11 Agnes Savage, Personal File, A 7217, African Personnel. Voir aussi la notice nécrologique rédigée dans le Ghana Medical Journal de mars 1965, par la première femme médecin de la Gold Coast, Susan de Graft Johnson (née Ofori-Atta) ; et le témoignage d’une épouse de fonctionnaire britannique en Gold Coast, Mrs Auriol Earle, File no 11, Gold Coast Wives. Mss. Afr. s. 1985.
12 Director of Medical Services to Colonial Secretary, 11 April 1944. CSO 11/2/29.
13 Goodman, Personal File, PA 757. European Personnel.
14 Chenard, Personal File, E 1395. European Personnel.
15 Cicely Williams to her mother, 30 November 1936, Box XL. Mss. Afr. s. 1872.
16 Maternity Hospital, Accra. Hostel for Midwives, 1933-39. CSO 11/4/11.
17 Tous les articles qui lui sont dus ont été republié en 1973, à l’occasion de son 80e anniversaire, dans la revue Nutrition Reviews, dont un exemplaire est conservé à Rhodes House parmi ses papiers personnels. Cinq articles portent spécifiquement sur la Gold Coast ou sur le kwashiorkor.
18 Conservés pour partie à Rhodes House et pour le reste au Wellcome Institute, ses écrits consistent en publications médicales, mémoires, et lettres privées. Pour le manuscrit de sa biographie par Craddock (1983), contenant d’ailleurs de nombreuses inexactitudes et imprécisions, voir PP/CDW, Box 2. Voir aussi Dally, 1968 pour une biographie romancée ; et pour une anthologie de ses écrits, précédée d’une biographie, Baumslag, 1986.
19 Box 6. PP/CDW.
20 Cicely Williams, The Mortality and Morbidity of the Children of the Gold Coast, p. 57.
21 Pour un bon résumé de cette longue saga, voir Stanton dans Conrad & Hardy, 2001. Et l’article de Williams, « The Story of Kwashiorkor », 1963, rééd. dans Nutrition Reviews, vol. 31, novembre 1973.
22 Manuscrit de sa biographie, p. 73. Box 2. PP/CDW.
23 Cicely Williams Papers, Box XLIII, Mss. Afr. s. 1872 ; et manuscrit de sa biographie, p. 90. Box 2. PP/CDW.
24 Tilley a cependant relevé une tendance (minoritaire) chez quelques médecins, qui dès les années 1930, refusent de voir dans les thérapeutes africains de simples charlatans et estiment que certains remèdes vaudraient la peine d’être étudiés. Tilley, 2011, p. 181.
25 Manuscrit de sa biographie, p. 79. Box 2. PP/CDW.
26 Cicely Williams, Memoirs, p. 123-124 ; Box XXXIX, 154 B. Mss. Afr. s. 1872.
27 Cicely Williams to her mother, 5 January 1936. Box XL. Mss. Afr. s. 1872.
28 Cicely Williams to her mother, 3 February1936. Box XL. Mss. Afr. s. 1872.
29 Cicely Williams to her mother, 30 November 1936, 7 December 1936. Box XL. Mss. Afr. s. 1872.
30 Cicely Williams to her mother, 9 May 1936. Box XL. Mss. Afr. s. 1872.
31 Agnes Savage, Personal File A 7217. African Personnel.
32 Wraith, 1967, p. 230.
33 Ray, 2015, p. 2. L’auteure analyse entre autres la façon dont les autorités, à la fois en Gold Coast et à Londres, ont essayé de mettre fin à une « épidémie » [sic] de mariages mixtes dans les années 1940… tout en s’efforçant de ne pas paraître racistes – une gageure, comme on l’imagine.
34 Agnes Savage, Personal File A 7217. African Personnel.
35 Fraser to Colonial Secretary, 24 December 1934. Agnes Savage, Personal File A 7217. African Personnel.
36 Agnes Savage, Personal File, A 7217. African Personnel.
37 Ainsi, un document de 1947 indique : “Hospitals are no longer designated ‘European’or Ἁfrican’. The former are now known as Hospital for paying patients. These formally cater for European and the better-class Africans.” Overseas Nursing Association. Questionnaire on Local Conditions governing employment of Nurses overseas, 1947-8. CSO 11/1/672.
38 Entretien avec Rosina Acquaye.
39 Pour la France, on pourra se référer à Battagliola, 2000 ; Charles, 1979 ; Knibiehler (dir.), 1984 ; Leroux-Hugon, 1987 ; Magnon, 2003 ; Chevandier, dans Carrier-Reynaud (dir.) 2006 ; Knibiehler 2008.
40 Birkett, 1992.
41 Voir les dossiers de candidatures adressés à l’Overseas Nursing Association, Boxes 128 to 130B. Mss. Brit. Emp. s. 400.
42 Pour en savoir plus sur ces changements, voir Overseas Nursing Association, Box 136, File 3. Mss. Brit. Emp. s. 400.
43 Stewart, Personal File no 4289. European Personnel.
44 Board of Visitors’ Report for 1939. CSO 11/2/10.
45 Questionnaire on Local Conditions governing employment of Nurses overseas, 1947-8. CSO 11/1/672.
46 Luscombe, Personal File, PA 64. European Personnel.
47 Colonial Office to Overseas Nursing Association, 29 October 1929. Overseas Nursing Association, Box 136, File 3. Mss. Brit. Emp. s. 400.
48 Colonial Office to Overseas Nursing Association, December 1947. Overseas Nursing Association, Box 133, File 4. Mss. Brit. Emp. s. 400.
49 Extract from a Report on Medical Department by Director of Medical Services. CSO 11/7/28.
50 Davies, 1988 ; Marks, 1996, p. 171-190 ; Reid, 2001.
51 Barthélémy 2010, p. 29.
52 Appendix to Dr Duff’s Report, May 1937. CO 323/1418/10.
53 Miss Hesse to Governor, August 1937. Hesse, Personal File, AP 6286. African Personnel.
54 Appendix to Dr Duff’s Report, May 1937. CO 323/1418/10.
55 Questionnaire on Local Conditions governing employment of Nurses overseas, 1947- 48. CSO 11/1/672. Voir aussi CO 96/739/11 ; et « Cicely Williams meets Committee », Overseas Nursing Association, 1932, Box 136, File 3. Mss. Brit. Emp. s. 400.
56 Governor to Secretary of State, 23 August 1952 ; Overseas Nursing Association, Box 136, File 3. Mss. Brit. Emp. s. 400.
57 Henry, 2009.
58 Voir Knibiehler (dir.), 1983 ; Leroux-Hugon, 1987 ; Battagliola, 2000.
59 Cicely Williams, « Maternal and Child Health in Kumasi in 1935 », The Journal of Tropical Pediatrics, décembre 1956.
60 Uniforms for African Staff. Expenditure on the £ 600 voted 1936-7. CSO 11/1/135.
61 “Local people recognized that low-level employees served key roles in the operation of the colonial state.” Lawrance, Osborn & Roberts, 2006, p. 5.
62 Dogo Wangara, ex watchman, PML, Application for award of gratuity to, 1944. CSO 11/1/542 ; Jack, Late Cook ; PML, Petition regarding the dismissal of, 1940. CSO 11/1/488.
63 Acting DMS to Hon CS, 3rd November, 1944. CSO 11/1/545. Pour un autre exemple similaire, voir Alias Tete, Labourer, MH, Accra, Application for a gratuity to, 1944. CSO 11/1/544.
64 Topalov (dir.), 1999, p. 13.
65 Dr Duff, 10 May 1937. CO 323/1418/10.
66 Ibid.
67 Entretien avec Thelma Buckle.
68 Dr Lennox, Medical Officer of Health, 17 May 1932. CSO 11/6/8
69 Fredj, 2011, p. 194.
70 Bush, dans Levine, 2004.
71 Infant Welfare Centre, Tamale, 1932. CSO 11/6/10.
72 Appel radiodiffusé, 31 janvier 1946. ARG 1/14/1/24, Kumasi.
73 ARG 1/14/1/14.
74 Chaudhuri & Strobel, 1992, notamment l’introduction. Voir aussi Conklin dans Clancy-Smith & Gouda, 1998, p. 82. Piette in Spensky, 2015.
75 Hunt, 1998 ; Piette & Jacques, dans Hugon, 2004.
76 Joyce Crabb, File 6, Gold Coast Wives. Mss. Afr. s. 1985.
77 Résumé in brief of the activities of the Gold Coast branch of the British Red Cross, 28 June 1932. CSO 11/1/274.
78 Dr Oakley, Acting Director of Medical and Sanitary Services, 25 February 1933. CSO 11/1/280.
Un article du Gold Coast Independent du 11 février 1933 indique aussi que le Dr Selwyn-Clarke verse une obole significative plusieurs fois par an ; les lecteurs sont invités à suivre son exemple.
79 Dr Oakley, Acting Director of Medical and Sanitary Services, 25 February 1933. CSO 11/1/280.
80 ARG 6/14/1.
81 Gold Coast Observer, 15 octobre 1948.
82 Odumakuma Fie, Omanhene of Asebu, to Medical Officer of Health, 3 May 1933. ADM 23/1/976.
83 Maternity of New Government Hospital, Cape Coast – gift for naming a bed therein. CSO 11/1/574.
84 Gold Coast Observer, 15 octobre 1948.
85 Voir par exemple le numéro du Gold Coast Independent du 14 octobre 1933. Ou encore, l’article annonçant un don de jouets et de linge à l’hôpital Princess Marie Louise par la United Africa Company, 6 août 1932.
86 Duff, Director of Medical Services, 10 May 1937. CO 323/1418/10.
87 “Dr Cicely Williams, Gold Coast, saw Committee”, November 1932. Overseas Nursing Association, Box 136, File 3. Mss Brit. Emp. S. 400. Notons que le titre choisi par Davies pour son article (1988) souligne bien le fait que ce reproche adressé aux health visitors est courant : “The Health Visitor as Mother’s Friend”.
88 Carol, 1995.
89 Allman & Tashjian, 2000, p. 186.
90 Newell, 2002, p. 33-35, passim. Cole, 2001, p. 76-77.
91 Chief Commissioner, 6 November 1926. ARG 1/14/1/14, Kumasi.
92 Sur l’eugénisme et le racisme qui fondent l’organisation de concours du plus beau bébé au Canada au début du xxe siècle, voir Thomson, 2000/2001.
93 ARG 6/14/1.
94 Sanitary Department, Kumasi, 7 December 1929. Health Week, Coomassie 1925-32. ARG 1/14/1/14.
95 Reuter’s Telegram, 22 March 1924. ARG 1/14/15.
96 Princess Marie Louise, 1926, p. 225.
97 Ces trois clichés font partie de la collection du juge Smyly, donnée à la Royal Commonwealth Society, conservée à la bibliothèque de l’université de Cambridge : RCS Y 30448L Smyly Gold Coast. Voir Beinart, 1992.
98 Smyly Collection. RCS Y 30448L CN 3174.
99 RCS Y 30448L CN 2676.
100 RCS Y 30448L CN 2675.
101 “By 1929, the baby-shows had been transformed completely into a mechanism of social regulation if not social control, as women were encouraged to enter and then rewarded for entering the world of colonial motherhood.” Allman & Tashjian, 2000, p. 186.
102 Gold Coast Independent, 11 novembre 1933.
103 Gold Coast Observer, 5 février 1943 ; 8 avril 1949.
104 Savineau, 2007, p. 138-139, voyait plus d’inconvénients que d’avantages à de tels concours, pourtant préconisés par un médecin.
105 Cicely Williams, “Maternal and Child Health in Kumasi in 1935”, The Journal of Tropical Pediatrics, 1956.
106 Forbes, 1994, p. 171.
107 Entretien avec Gladys Hansen.
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