Chapitre II. Les institutions de la maternité coloniale : maternité d’Accra (1928) et hôpital pédiatrique Princess Marie Louise (1926)
p. 55-78
Texte intégral
1Dans les années 1920 ouvrent à Accra deux établissements hospitaliers dévolus aux femmes et aux enfants : l’hôpital Princess Marie Louise et la maternité. Pendant de nombreuses années, jusqu’à l’ouverture d’un service de maternité à Kumasi (1949), ce sont les deux seuls établissements publics de la Gold Coast qui fournissent officiellement aux femmes et aux enfants des services de médecine curative – d’ailleurs pas exclusivement, puisque ces deux institutions offrent également des consultations de médecine préventive. Dans les autres villes, les hôpitaux « indigènes » comprennent quelques lits réservés aux cas obstétricaux, comme à Cape Coast qui, dans les années 1930, comprend dix-huit lits destinés aux parturientes1. Durant toute la période coloniale, ces institutions spécialisées sont donc identifiées par leurs usagers – très largement des usagères – comme le bras maternel et infantile de la politique de santé du gouvernement. En contexte colonial, cette identification a de nombreuses répercussions sur la façon dont le public appréhende ces établissements, en fait usage, les boude ou les plébiscite, les détourne ou les critique… L’histoire de ces institutions maternelles et infantiles témoigne donc à la fois du fonctionnement du régime colonial et de la complexité des rapports entre autorités coloniales et populations colonisées – avec une combinaison de possibles d’autant plus variés que ces deux groupes sont loin d’être homogènes ou exempts de conflits internes.
2Ce chapitre retrace l’évolution de ces établissements entre les années 1920 et les années 1950, et analyse comment les femmes africaines (et plus largement leurs communautés) les ont faits leurs, allant parfois jusqu’à infléchir singulièrement le rapport de forces entre dominant·e·s et dominé·e·s.
3Dans leurs conclusions du rapport sur la mortalité infantile de 1917, les responsables des services médicaux préconisaient, comme principale mesure, la construction d’une maternité hospitalière. Le rapport du Département médical pour l’année 1917, résumant à grands traits le travail du comité d’enquête, concluait par ces mots :
The main conclusions of the Committee were that the excessive infant mortality is due to the improper management of labour by untrained midwives and ignorance concerning the after-treatment of both mother and child. Their chief recommendation was the establishment of a Maternity Hospital and Training Institution for Midwives2.
4Bien que cette conclusion formulée par les autorités médicales n’ait été que le reflet partiel d’un document plus complexe rédigé par les membres du comité d’enquête, la construction d’une maternité va désormais s’imposer comme la mesure susceptible de réduire le taux de mortalité infantile – et, dans une moindre mesure, maternelle. Cet établissement est donc conçu comme l’élément-clé d’un dispositif certes plus vaste, mais dont il reste la cheville ouvrière.
La maternité d’Accra, une « priorité » longtemps retardée
5Pour autant, l’ouverture d’un établissement spécialisé dans les accouchements et le suivi des grossesses à risques est loin d’être prompte : pour des raisons dont le Département médical ne s’explique pas, la maternité passe manifestement au second plan des préoccupations durant plusieurs années. Au début des années 1920, c’est le grand chantier de l’hôpital général qui prime, jusqu’à son ouverture en 1923 dans un quartier ouest de la capitale, Korle Bu (lieu qui donne rapidement son nom à l’hôpital). Or, cette zone est située par-delà le Korle Lagoon, qui est un lieu capital, à la fois sacré et profane, pour la population ga d’Accra : c’est là que réside la déesse Korle, gardienne spirituelle des Accréen·ne·s ; que se trouve la limite occidentale du peuplement ga ; de là que les populations locales tirent une partie de leur subsistance, en y pêchant ; enfin, c’est un « lieu de mémoire » pour les Ga, qui ont à son sujet maintes histoires et légendes3.
6Korle Bu n’est donc pas un lieu neutre pour les habitants d’Accra, ce qui n’est pas sans incidence pour leurs rapports avec la nouvelle institution hospitalière. Néanmoins, la réalisation de cet hôpital est généralement considérée comme l’une des grandes réussites du gouvernorat « éclairé » de Sir Gordon Guggisberg, en poste de 1919 à 1927. Cependant, l’hôpital qui ouvre en 1923 ne comprend pas de maternité : entre l’urgence décrétée en 1917, répétée en 1919, et l’ouverture tardive de la maternité quelque neuf ans plus tard, on comprend que la réduction des taux de mortalité maternelle et infantile n’était pas la plus grande des priorités. Pourtant, la décennie 1920 était considérée comme prospère, avec un budget en hausse, qui a permis de nombreuses réalisations structurelles dont l’hôpital de Korle Bu n’est qu’un exemple – on peut y ajouter le port de Takoradi (1928) ou l’école secondaire d’Achimota (1927).
7Ce n’est qu’en 1925 que les autorités médicales se penchent de nouveau sur le projet de maternité, demeuré lettre morte depuis 1919. Les tout premiers plans4, pour un coût d’ensemble estimé à 15000 £, prévoient une salle de travail, une salle d’accouchement, des bureaux et douze lits, dont dix en dortoir. Les deux autres sont situés dans une chambre séparée, intitulée « chambre privée », destinée à une patientèle payante et aisée : il est manifeste que l’on a cherché à satisfaire les grandes familles de l’élite d’Accra, impliquées dans ce projet depuis l’origine, à l’instar du Dr Nanka-Bruce. Il s’agit donc d’un établissement de taille et de capacité modestes, pour une population urbaine alors estimée à 40000 habitants : ceci correspond à une ferme conviction selon laquelle une maternité serait durablement boudée par les femmes africaines.
8Pour modeste qu’elle soit dans ses dimensions, la maternité est néanmoins conçue comme un établissement de pointe : le choix du matériel destiné à l’équiper comme du personnel médical font l’objet de soins tout particuliers. Le directeur des services médicaux demande à choisir lui-même l’équipement lors d’un séjour en Grande-Bretagne et à pouvoir interviewer les candidates au poste de responsable de la maternité5. Il insiste sur le profil de la candidate, qui devra avoir à la fois des compétences reconnues et un goût déclaré pour l’obstétrique6. Qu’il faille recruter une femme ne semble faire aucun doute et bien qu’aucun document n’explicite ce choix, on peut l’imputer à plusieurs facteurs qui transparaissent plus ou moins dans les sources. Rappelons d’abord que le nombre de femmes médecins en Grande-Bretagne est alors relativement important : ainsi, la Fédération des Femmes médecins britanniques, qui pourtant ne regroupe pas toutes les praticiennes, compte déjà mille membres en 19257. D’une part, la gynécologie obstétrique est considérée comme une discipline mixte, sinon exclusivement féminine – ceci en dépit du fait qu’une expertise en chirurgie, discipline réputée masculine, soit requise. D’autre part, l’aspect préventif d’une partie des activités de l’établissement (suivi des grossesses et du développement des nourrissons) est totalement associé à une activité de femme. Enfin, une présence féminine est jugée plus convenable pour enseigner à de jeunes élèves sages-femmes et plus susceptible d’emporter l’adhésion des mères africaines, que l’on suppose réticentes.
9Finalement, la maternité, inaugurée en mai 1928 par le gouverneur intérimaire, est un peu différente du plan initial. Le bâtiment, d’un étage sur rez-de-chaussée, comprend deux salles de six lits, deux chambres privées d’un lit, et une chambre pour les patientes contagieuses ; soit quinze lits au total et quatorze berceaux. Le rez-de-chaussée abrite une salle d’opération, un laboratoire, une pièce pour les consultations externes, une salle de conférences et une cuisine. Une buanderie est située à l’extérieur.
10Lors de l’inauguration, le discours du gouverneur par intérim, Sir Shenton Thomas, rappelle d’abord les épisodes qui ont précédé la réalisation de l’établissement, évoquant les grandes figures des docteurs O’Brien et Nanka-Bruce et les principales conclusions du comité sur la mortalité infantile de 1917 ; puis il expose les différentes composantes du bâtiment, avant de présenter le personnel et le projet d’école de sages-femmes. Mais ce discours est moins intéressant par son contenu que par l’idéologie dont il témoigne et qui a présidé à la réalisation de cette institution : en une logique parfaitement dichotomique, il fustige « l’ignorance et la superstition qui détruisent des milliers de vies chaque année » et leur oppose le progrès et la médecine scientifique9. Cette vision quasi manichéenne n’est pas anecdotique : elle est un trait constitutif de la pensée coloniale, comme le prouve, deux ans plus tard, un bref rapport sur cet hôpital, qui stipule :
It is certain that in the war against ignorance and prejudice this institution will prove of great and lasting worth10.
11On aurait donc tort de voir dans la fonction de la maternité des objectifs purement thérapeutiques : à l’évidence, cette institution a également un rôle culturel et politique primordial. L’établissement est en effet le fer de lance d’un projet global – le volet médical de l’entreprise coloniale – destiné à remplacer les coutumes locales, présentées comme archaïques et néfastes, par de nouvelles habitudes, réputées modernes et bénéfiques. Le contraste est donc total entre naissance « traditionnelle » et naissance en milieu médicalisé. Cette situation n’était d’ailleurs pas propre à la Gold Coast mais relevait de la situation coloniale, si l’on en croit le cas kenyan : « Pour décrire la naissance traditionnelle, on avait recours aux métaphores du paganisme, de la superstition, et des pratiques non hygiéniques. La médecine occidentale, elle, était rendue en termes de civilisation, santé, progrès et élévation spirituelle12. » Les métaphores de la guerre et de la bataille témoignent de l’état d’esprit qui règne chez les autorités médicales : il s’agit d’identifier les ennemis – ignorance et superstition mais aussi accoucheuses et féticheurs – afin de mieux les combattre et de sauver leurs victimes, pour le plus grand bénéfice, économique et moral, de la colonie.
Quand les colonisées surprennent les colonisateurs
12Convaincu que les Africaines allaient bouder ce nouvel établissement qu’il inaugurait en mai 1928, le gouverneur intérimaire Thomas encourageait son auditoire à en faire la promotion, afin que les femmes, en venant y accoucher, justifient les sommes qui y avaient été affectées [sic] et « participent au laborieux combat contre les dangers qui menacent les pauvres mères et leurs petits bébés ». Ce ton, tout ensemble guerrier et paternaliste, s’accompagnait d’une promesse : en dehors des chambres payantes, tous les soins seraient « absolument gratuits », mesure destinée à surmonter la supposée défiance des patientes13.
13On voit donc bien, en creux, comment les Africaines sont perçues par les autorités administratives et médicales : conservatrices, voire primitives, attachées aux « traditions », méfiantes à l’égard de l’hôpital – discours au demeurant durable, puisqu’on le retrouve dans des sources datant du début des années 195014. Ceci participe d’une vision répandue dans bien des colonies : la construction de l’altérité féminine africaine tourne autour de convictions selon lesquelles les colonisées sont, plus que les hommes, réticentes à l’égard de la nouveauté importée – en clair, de la modernisation15. De fait, elles sont considérées comme les garantes – plus ou moins volontaires – des traditions et sont, à ce titre, associées à un indépassable conservatisme.
14En toute logique, il convient donc de prendre des mesures particulières pour attirer les femmes indigènes vers la modernité, incarnée par la maternité. En effet, les sources montrent une conviction bien ancrée selon laquelle l’hôpital serait répulsif, pour au moins deux raisons. D’une part parce que, loin d’apparaître comme un lieu thérapeutique, voire salvateur, il serait associé dans l’esprit du public à la mort : aux colonies comme naguère en métropole, l’hôpital apparaîtrait comme un mouroir. Le Dr Selwyn-Clarke écrivait ainsi :
There is an inherent prejudice locally – as there was in England originally—to institutional treatment during the lying-in period16.
15C’est ce qu’exprimait déjà le Dr Nanka-Bruce dans sa « Suggestion » de 1915, lorsqu’il essayait de convaincre les autorités de l’intérêt d’ouvrir une maternité :
I understand that the objection to this latter Institution at the present time is that only hopeless cases will be forthcoming, and the Institution will acquire an evil reputation17.
16D’autre part, parce que l’éthique de la parturition en Gold Coast exigerait que l’accouchement soit un acte domestique, effectué sans aide (ou avec une assistance limitée), double gage de courage et de bonne fortune pour la parturiente.
17Or, quel que soit le fondement de ces convictions, les prévisions pessimistes concernant la fréquentation ou la popularité de la maternité sont immédiatement battues en brèche dans la pratique, en Gold Coast comme dans bien d’autres territoires colonisés. Ainsi, en Tanzanie, les autorités évoquaient très régulièrement « l’antipathie des femmes africaines » à l’égard des structures hospitalières et allaient jusqu’à imputer le très faible nombre de naissances en milieu hospitalier (en 1945, moins de2000 par an pour une population féminine estimée à3600000) à ces réticences. Mais les sources indiquent que les (rares) établissements en question sont systématiquement complets, ce qui prouve que ce n’est pas l’attitude des femmes mais bien l’absence de structures qui est en cause dans le petit nombre de naissances hors du domicile18. En Gold Coast, sans aucune exception, les documents de l’époque montrent que la maternité a rencontré un succès aussi rapide qu’immense auprès des intéressées : le jour même de l’inauguration, une première patiente était admise19 et les sources ultérieures répètent, inlassablement, que la capacité de la maternité est inadéquate. Dès la première année, le Dr Summerhayes, directrice de l’établissement, indique que « le nombre de lits est devenu insuffisant20 » ; et le rapport du Département médical explique que la capacité d’accueil s’est révélée trop petite pour le nombre de femmes cherchant à y être admises21. Le comité annuel de visite (Board of Visitors) constate également dès 1928 que tous les lits sont occupés et, en 1929, que la maternité est continuellement pleine22. Quelques années plus tard, le constat est encore plus net et les adjectifs changent : de « plein » on est passé à « bondé » (overcrowded), terme immuablement employé pour décrire l’état de la maternité. Le comité de visite n’est pas le seul à le constater puisqu’en 1932, soit quatre ans après l’ouverture de l’établissement, le directeur des services médicaux en personne admet « que la capacité d’accueil est totalement insuffisante pour faire face à la demande23 ».
18Les Africaines ont donc plébiscité le nouvel établissement, prenant de court les autorités, dépassées par ce succès : il faut croire que leurs réticences n’étaient pas insurmontables et que l’image que se faisaient d’elles les colonisateurs était particulièrement erronée. En fait, le rapport des femmes africaines à la maternité était ambivalent. Mrs Busia, ancienne sage-femme, expliquait ainsi que le site de l’hôpital, situé derrière le lagon de Korle, avait mauvaise réputation à Accra : emprunter le pont qui enjambait le lagon pouvait porter malheur. Le lagon lui-même était chargé de multiples représentations spirituelles et comptait pour beaucoup dans l’imaginaire des Ga d’Accra24. L’hôpital quant à lui représentait à la fois une promesse de guérison, comme l’attestait une chanson populaire ga des années 1920, et un lieu associé à la mort, puisque la guérison n’était pas garantie. Mais ces réserves de la population n’étaient pas rédhibitoires : afin de combattre la répulsion qu’inspirait le site et la peur que suscitait l’établissement lui-même, les patientes, selon Mrs Busia, portaient des amulettes protectrices, précisément appelées « Korle Bu25 ». Elles se rendaient donc à la maternité dotées de ce viatique, censé écarter les risques. Cette pratique atteste un fascinant mélange des répertoires : un objet magique, issu de la cosmologie locale, est utilisé pour protéger des dangers inhérents à l’entrée dans le monde étrange et étranger de l’hôpital, situé qui plus est au-delà du lagon. Il existait donc des moyens autochtones, que n’avaient pas prévus les autorités, pour « apprivoiser » la maternité d’Accra. C’est ce qui explique le succès immédiat et jamais démenti de cet établissement, amenant à douter de la clairvoyance des autorités médicales.
19Ainsi, contrariant tous les pronostics et en dépit de leur supposé conservatisme, les femmes ont rapidement adopté le nouvel établissement et ses promesses – d’ailleurs pas toujours tenues – de sécurité obstétrique.
Le prix du succès : une surpopulation constante
20Ce succès a pour conséquence la nécessité quasi permanente d’agrandir l’établissement : qu’il s’agisse de bricolages temporaires (ainsi, on installe lits et berceaux sur les balcons ou la véranda, finalement dotés de persiennes contre les intempéries26) ou de véritables extensions en dur, la maternité ne cesse de se développer. En 1932, la situation est devenue si critique que le Dr Duff, directeur du Département médical, redoute une épidémie de fièvre puerpérale : d’après lui, le nombre de lits disponibles par rapport au nombre de parturientes admises (moins de la moitié de ce qui est considéré comme admissible en Grande-Bretagne) est de nature à compromettre la santé des parturientes. En dépit de la crise des finances publiques, mises à mal par la Grande dépression, il prie instamment le gouvernement de trouver des fonds pour agrandir le bâtiment principal et réaliser une unité septique séparée27. En février 1934, le bâtiment adéquat est opérationnel : appelé Isolation Block, il comprend des chambres doubles et une salle de travail. Afin de prévenir les risques de contagion, il comporte sa propre entrée, par laquelle sont admises directement les patientes atteintes de maladies infectieuses ; mais il est relié par un couloir au bâtiment principal, d’où peuvent être transférés les cas contagieux28.
21Cette adjonction ne résout cependant pas le problème de la surpopulation. Un peu plus tard la même année, un don de la Croix Rouge permet d’agrandir le bâtiment principal, grâce à une nouvelle salle de douze lits, destinée à accueillir les femmes enceintes29. Six ans après l’inauguration de la maternité, la pose de la première pierre de cette extension est un événement suffisamment important pour justifier le déplacement du gouverneur intérimaire, qui fait un discours, retranscrit dans le Gold Coast Independent, journal de Frederick Nanka-Bruce30.
22D’une capacité initiale de 15 lits et 14 berceaux en 1928, la maternité passe en 1940 à 44 lits et28 berceaux31, puis en 1947, à 84 lits et 48 berceaux32, soit une multiplication par près de six pour les mères et quatre pour les bébés. Elle est donc à même d’accueillir un nombre croissant de patientes : entre 1929 et 1956, le nombre de femmes admises et de naissances enregistrées augmente de façon régulière et spectaculaire, passant d’une centaine à plus de mille pour les naissances et de moins de deux-cents à plus de six mille pour les femmes hospitalisées – soit respectivement dix et trente fois plus, ce qui est très nettement supérieur à la croissance de la population d’Accra dans le même temps. Sous forme de courbe, on se rend bien compte que la croissance est d’ailleurs inégale dans le temps : pour les accouchements, elle est surtout spectaculaire entre 1929 et 1933, avec une multiplication par sept environ ; puis, entre 1933 et 1940, la courbe s’infléchit légèrement, pour remonter dans les années 1950, après une interruption des données.
23Cette augmentation quantitative s’accompagne apparemment d’une diversification des patientes. Si, à l’origine, la maternité draine essentiellement des femmes de la capitale, la zone de provenance s’élargit avec le temps. Dans une logique typiquement coloniale, qui pense le territoire comme un agrégat d’ethnies bien distinctes, un document de 1933 consigne même l’appartenance ethnique de chaque patiente33. On y trouve les catégories suivantes, avec leur nombre respectif : Accras, Akans (subdivisés en Akwapims, Akims et Kwahus), Adangmes, Fantees, Ewes, Northern Territories, Krus, Hausas, Others. Les catégories de ce tableau sont éminemment contestables, puisque, outre les réserves de fond que l’on peut avoir sur la division de la population en ethnies clairement reconnaissables, certains termes comme « Accras » ou « Northern Territories », ne sont même pas des catégories ethniques. On se gardera donc de tirer des conclusions statistiques sur une « fréquentation ethnique » de l’établissement, ou encore de conclure que la maternité attirait des femmes vivant à des centaines de kilomètres : on peut en effet supposer que les femmes dites éwés ou haoussas qui y ont accouché vivaient (ou séjournaient) à Accra. Cependant, d’autres documents attestent un rayonnement croissant de l’établissement, qui attire des femmes vivant loin – et parfois fort loin – de la capitale. Ainsi, en 1951, le Dr Goodman, responsable de la maternité, affirmait-il que certaines d’entre elles venaient tout exprès de localités situées à plus de 100 miles. Il en concluait avec fierté que la réputation de l’établissement avait alors largement dépassé le niveau local34. Mais cette satisfaction cache une autre réalité : le fait que des femmes viennent de si loin est la preuve que le territoire est très mal pourvu en établissements capables de les prendre en charge, ce qui dévoile un visage moins riant de l’obstétrique coloniale.
La maternité, un établissement polyvalent ?
24Les activités de la maternité sont en fait plus variées qu’on ne l’imaginerait : certes, les femmes y accouchent puisque c’est là la principale raison d’être de l’établissement. Mais le nombre de patientes hospitalisées, toujours deux fois supérieur au nombre de naissances, montre que ce n’est pas là la seule fonction de l’institution : elle sert aussi à accueillir les femmes dont la grossesse est compliquée et qui y sont admises pour des séjours plus ou moins longs, ne durant pas toujours jusqu’à l’accouchement. Plus généralement, la maternité devient progressivement l’hôpital que fréquentent les femmes enceintes, même lorsque leur maladie n’a pas de rapport avec la grossesse35 – au grand dam du Dr Goodman, soucieux de voir ainsi détourné l’objectif de l’établissement qu’il dirige. Par-delà la contrariété qu’il procure à Goodman, ce constat indique bien que les femmes enceintes ont identifié cet hôpital comme le leur : elles se le sont donc approprié, quitte à en faire un usage différent de celui prévu par les autorités médicales. Ainsi, le fait même qu’elles se rendent à l’hôpital pour des raisons sans rapport avec l’obstétrique est l’un des signes de la marge de manœuvre dont elles font usage. C’est précisément ce que désapprouve le directeur de la maternité mais c’est là la meilleure preuve de son succès auprès des Africaines.
25Enfin, la maternité sert d’école pour les élèves-sages-femmes (voir chapitre 5), et surtout, de centre de consultations externes : enceintes, les femmes sont encouragées à fréquenter la clinique prénatale pour le suivi de leur grossesse ; récemment accouchées, elles sont censées venir aux consultations postnatales pour faire surveiller la croissance de leur enfant. Ces consultations externes constituent l’une des principales activités de la maternité dès l’origine, même si elles augmentent moins spectaculairement que le nombre de patientes hospitalisées ou que le nombre de naissances. De3600 en 1929, on passe à un peu plus du double en 1933, chiffre qui double de nouveau pour atteindre un pic en 1949 et baisser légèrement en 1956 – baisse probablement imputable au nombre croissant de cliniques privées tenues par des sages-femmes à Accra et offrant des services comparables. En dépit de cet accroissement du nombre de consultations, le local qui y était destiné n’a pas été modifié, si bien qu’en 1949, « plus de 27000 consultations ont [eu] lieu dans un local prévu pour 350036 ». Là encore, on ne peut que conclure à l’inadéquation entre buts poursuivis et moyens mis en œuvre, fossé déjà souligné concernant la capacité d’accueil de la maternité.
La maternité, lieu de naissance… et de mort
26Ces chiffres, éloquents, montrent que la greffe de la maternité a véritablement pris dans la ville d’Accra – et au-delà. Pourtant, en dépit de sa mission affichée (la lutte contre la mortalité maternelle et infantile), les taux de mortalité y restent très élevés :
To those unfamiliar with the nature of the work of this Hospital, the amount of morbidity, stillbirth, maternal and neonatal death revealed in these pages must appear tragically high38.
27De fait, les chiffres fournis par le Dr Goodman lui-même sont impressionnants : en 1949, sur 1129 accouchements (et 1156 bébés, en tenant compte des naissances multiples), on compte 87 morts maternelles (environ 7,5 %),208 mort-nés (environ 18 %) et 152 bébés décédés durant la première semaine (environ 13 %)39. Non seulement ces chiffres sont élevés mais encore ils montrent qu’en vingt ans d’existence, la maternité n’a pas réussi à améliorer significativement ces taux : en effet, le rapport pour l’année 1929 faisait état de 252 accouchements, sur lesquels on comptait25 morts maternelles (environ 10 %) et 52 mort-nés (environ20 %)40, soit des proportions certes supérieures à celles de l’année 1949, mais pas radicalement différentes.
28D’après les médecins, ces forts taux de mortalité s’expliquent par le fait que la maternité demeure dans bien des cas l’établissement du dernier recours, où sont admises des parturientes dans un état d’infection avancé, voire à l’agonie après un travail de trois ou quatre jours41. Il s’agirait de morts évitables, dues à des pratiques néfastes antérieures à l’arrivée des patientes :
The maternal mortality in these cases is mainly due to mismanaged pregnancies and labours before admission. The cases of obstructed labour seen after they have been in the hands of untrained midwives are pitiable and often beyond assistance. Although there is unfortunately a certain unavoidable maternal mortality (in England about four per 1000) the majority of cases dying in child-birth here are preventable deaths, due to ignorance and harmful practices42.
29Vingt ans plus tard, le diagnostic n’a pas changé :
This is a great advance upon the age-old practice of having labour—especially difficult labour—supervised by the fetish priest of local untrained native ‘midwife’, but far too many difficult and obstructed cases are still admitted after many days of native ‘medicine’ and juju practices […]. Even most of those who are delivered by the natural route, have already received attention at the hands of unorthodox ‘practitioners’43.
30Le double rôle de la maternité est réaffirmé : à sa fonction proprement médicale s’ajoute une mission culturelle, consistant à lutter contre les forces obscures des sociétés africaines, incarnées par le féticheur et la matrone. Si la maternité reçoit un si grand nombre de cas morbides, c’est, concluent les médecins, que la bataille n’est pas encore gagnée et qu’il reste un grand travail de persuasion à accomplir. En attendant, les obstétriciens continuent à remplir leurs rapports de notations du type : “Ruptured Uterus. Native Medicine. Died immediately on admission” sans chercher à en savoir davantage sur la nature des substances utilisées sous le vocable général de « remède indigène ». Par définition, le « remède indigène » est néfaste, quel qu’il soit ; il ne mérite ni enquête ni examen ; il n’est voué qu’à l’éradication. Comme l’écrivait Tilley : « Dans la compétition implicite entre les experts coloniaux et les guérisseurs locaux, [les autorités] souhaitaient proclamer la victoire de la biomédecine44. »
31Concernant la proportion relative d’accouchements pathologiques et de naissances « normales » à Korle Bu, les sources indiquent deux périodes de durée inégale. De 1928 à 1931, pour éviter que la maternité ne devienne synonyme de mouroir et pour permettre aux élèves-sages-femmes d’assister à des accouchements normaux, on encourage les Africaines à se rendre à Korle Bu, quelle que soit leur situation obstétricale. En dépit d’un nombre important de cas pathologiques, le nombre de délivrances normales lui est supérieur. Mais ce succès a un revers : rapidement, l’établissement est saturé. Ne pouvant plus faire face à l’afflux de parturientes, le Département médical change de politique et tente de déléguer les accouchements eutociques aux sages-femmes nouvellement formées, qui commencent à ouvrir leurs propres cliniques dans différents quartiers de la ville45. Dès lors, la maternité redevient un service majoritairement affecté aux cas pathologiques46 : on comprend mieux par conséquent l’ambivalence des femmes à l’égard de cet établissement, ambivalence déjà notée ci-dessus.
La maternité et l’agency des Africaines
32En définitive, la maternité est donc un établissement dans lequel on meurt beaucoup, surtout au regard de sa mission primordiale, la lutte contre la mortalité maternelle et infantile. La modernité et la sophistication technique du lieu ne sont donc manifestement pas une garantie de survie – pas plus en Gold Coast qu’au Congo belge, où le recours aux forceps pour huit naissances s’était par exemple soldé par sept décès dans une maternité des années 194047. Certes, en Gold Coast, ce relatif échec ne décourage pas les communautés africaines d’y avoir recours, puisque l’établissement est constamment surpeuplé. Comme dans d’autres colonies, il se peut que la possibilité – même mince – de survivre à un accouchement compliqué ait contribué à la popularité de l’hôpital48. Mais la proportion toujours forte de cas graves ou désespérés démontre qu’accoucher à Korle Bu, même à la fin de la période, n’est pas devenu un acte banal : bon nombre de femmes, en particulier dans les cas dits « normaux », préfèrent donner naissance dans un autre environnement (à domicile ou, comme on le verra, dans une maison d’accouchement tenue par une sage-femme). Cela signifie aussi que la population féminine a conservé une marge de manœuvre dans ses choix obstétricaux49 et qu’elle est demeurée en partie sourde aux recommandations des médecins – au grand dam de ces derniers, qui regrettent que leurs patientes n’en fassent qu’à leur tête.
33Car c’était là une autre fonction de la maternité : les consultations pré et postnatales y sont conçues non comme de simples visites médicales mais comme un haut lieu d’éducation pour les mères. L’enjeu est de modifier leur rapport à la grossesse et au nourrisson, afin qu’elles admettent et appliquent les nouvelles normes médicales. Or, elles se montrent indociles50 et opèrent une sélection parmi ces prescriptions, au lieu de se plier à la doxa médicale. Le Dr Goodman déplore ainsi que les femmes ne se soumettent pas de façon continue aux traitements, quittent l’hôpital dès les premiers signes d’amélioration sans attendre la guérison ou, ayant été diagnostiquées comme souffrant de toxémie, manquent les consultations ultérieures pour ne revenir qu’au moment de l’accouchement, en pleine crise d’éclampsie51. Dans ces pratiques, effectivement risquées sur le plan médical, le médecin ne voit que le signe d’une obstination regrettable ou de fâcheuses tendances erratiques. Il ne semble pas lui venir à l’esprit que le fonctionnement de l’hôpital puisse être en cause dans l’imprudence des patientes. Pourtant, dans le même document il se plaint du constant manque de personnel et de ses conséquences… mais sur les médecins et infirmières, et non sur les patientes. Ceci indique à quel point la lecture culturaliste domine la pensée coloniale : même le Dr Goodman, qui connaît bien les faiblesses du système médical puisqu’il en pâtit, n’impute les échecs thérapeutiques qu’à l’attitude des Africain·e·s et non aux dysfonctionnements de l’établissement.
Les figures médicales de la maternité d’Accra
34Le Dr Goodman est l’un des médecins qui ont marqué de leur empreinte la maternité mais il est loin d’être le seul. On lui compte cinq prédécesseurs, d’abord trois femmes (Grace Summerhayes, Kathleen Lawlor, Agnes Savage) puis deux hommes (Henry Chenard et R. Palmer), dont le séjour a été suffisamment long pour qu’ils soient demeurés dans la mémoire de l’institution. Il faut dire que, dans les années 1940 et 1950, plusieurs salles de la maternité ont été successivement baptisées du nom de ces pionniers, pour honorer leur travail et pérenniser leur souvenir, inscrivant ainsi l’histoire de la maternité dans le moment colonial52. Plusieurs entretiens avec d’anciennes sages-femmes montrent d’ailleurs que ce but a été atteint, puisque la plupart d’entre elles se rappelaient parfaitement le nom de ces « pionniers », y compris lorsqu’elles ne les avaient pas connus personnellement53.
35La mémoire de ces personnages est restée d’autant plus vive que le poste de médecin principal de la maternité comprend un très grand nombre de tâches : médicales, bien sûr, mais aussi éducatives et administratives. Ce sont de véritables directeurs d’établissement depuis le 1er janvier 1930, date à laquelle l’établissement devient une unité autonome, échappant au contrôle du médecin en chef de l’hôpital de Korle Bu : désormais, le directeur ou la directrice de la maternité n’est responsable qu’auprès du directeur des Services médicaux et sanitaires54. Ceci confère au médecin en chef de la maternité une indépendance sans doute appréciée, mais qui a un coût : une surcharge considérable de travail55. Le poste génère en effet un important surmenage dont font état les dossiers administratifs des médecins : l’état de santé du Dr Lawlor se serait détérioré en deux ans à cause d’un excès de travail, si bien qu’en novembre 1936, un médecin londonien lui prescrit une période de repos complet56. Dix ans plus tard, même constat pour son successeur, le Dr Chenard, dont le supérieur envisage une mutation à un poste moins exigeant, insistant sur le fait que le travail à la maternité est particulièrement exténuant57.
36L’une des causes de surmenage réside dans la rareté du personnel destiné à assister le médecin en chef. Cette pénurie est l’une des caractéristiques du fonctionnement de la maternité depuis ses débuts, et de façon durable. À l’origine, il était prévu d’employer deux médecins (dont un·e assistant·e) et deux infirmières en chef. Mais en 1926, soit deux ans avant l’ouverture, ces ambitions sont revues à la baisse par le directeur des Services médicaux, qui ne prévoit plus qu’un médecin et une infirmière en chef58. Il a beau préciser que cette disposition ne concerne que la première année, l’avenir se chargera de la pérenniser et les périodes durant lesquelles on trouve deux médecins en poste à la maternité demeureront une exception : à la fin des années 1930, le Dr Agnes Savage est nommée assistante du Dr Lawlor ; et dans les années 1940, le Dr Palmer seconde temporairement le Dr Chenard. Quant à Leonard Goodman, il est parfois assisté par d’autres médecins mais qui sont là pour se former à l’obstétrique et non pas en raison de leur maîtrise de cette spécialité59. On ne s’étonne donc pas qu’une ancienne sage-femme se souvienne ainsi du Dr Chenard :
Then, he was the only Doctor, he was managing the whole maternity Hospital: antenatals, out patients, lying-in, children’s block. Everything60.
37Ce « choix » d’une pénurie raisonnée prouve que les autorités médicales sont tiraillées entre leur désir affiché de lutter contre la mortalité maternelle et infantile et les réalités budgétaires qui les poussent à sacrifier presque systématiquement ce domaine d’intervention.
Accra et le désert ghanéen ?
38Il faut ajouter que la maternité est le seul établissement de ce type pour l’ensemble de la Gold Coast durant de très nombreuses années. Dans le meilleur des cas, les autres établissements hospitaliers comprennent quelques lits dévolus aux parturientes et sont dotés d’une sage-femme. Ainsi, l’hôpital africain de Cape Coast, prévu en 1936, doit comprendre dix-huit lits de maternité61 ; une photo de l’hôpital de Keta en 1942 montre une sage-femme aux côtés d’un médecin blanc et de plusieurs employés noirs de sexe masculin62. Quant à l’élite de Sekondi, qui réclame une véritable maternité en 1934, elle se voit répondre que la crise contrarie tout projet de ce type63. Plus de dix ans après, plusieurs rapports de visite successifs de l’hôpital de Dunkwa déplorent, pour les salles réservées aux femmes, l’absence d’électricité (les accouchements de nuit s’effectuant à la lueur de la lampe-tempête) et la criante pénurie de personnel féminin64.
39On voit donc à quel point, malgré les difficultés de fonctionnement et la congestion du service, la maternité d’Accra est en fait un établissement relativement privilégié. Ceci reste le cas jusqu’en 1949, année de l’ouverture longtemps ajournée de la maternité de Kumasi. Véritable serpent de mer, ce projet occupe les autorités médicales depuis les années 1930 mais n’est réalisé qu’à l’extrême fin des années 1940, avec une aile de l’hôpital africain de Kumasi exclusivement réservée à l’obstétrique. La maternité de Kumasi devient alors le second centre de formation de sages-femmes65, censé attirer les élèves de toute la partie « Nord » du pays. En réalité, Kumasi n’étant pas situé très au nord, ce choix témoigne du fait que le centre de gravité de la colonie est très méridional. Jusqu’à l’ouverture de cet établissement, certains accouchements avaient lieu dans une aile de l’hôpital général ou encore, pour des cas simples dans les années 1930, au centre de PMI66.
40Ainsi, Accra constitua donc une véritable exception dans le domaine obstétrical durant longtemps – position privilégiée encore renforcée par l’existence d’un autre établissement spécialisé qui avait précédé la maternité : l’hôpital pour enfants, dit hôpital Princess Marie Louise, ouvert en 1926.
L’hôpital pour enfants Princess Marie Louise
41Cet établissement doit son nom (qui perdure jusqu’à aujourd’hui) aux conditions de sa fondation. La princesse Marie Louise, petite-fille de la reine Victoria, s’est illustrée depuis la Première Guerre mondiale dans diverses entreprises charitables : à Londres, son nom est associé à la protection des jeunes mères et de leurs bébés, accueillies à l’hôpital St Helena, dont elle est présidente d’honneur ; elle a également présidé, en 1914, à l’ouverture d’un centre de PMI à Bermondsey, quartier populaire de Londres68. De passage en Gold Coast en 1925, elle pose la première pierre de l’institution qui portera désormais son nom, inscrivant délibérément et durablement cet établissement dans le monde impérial.
42Comme la maternité, cet établissement, inauguré en 1926, se veut polyvalent, au risque d’une certaine ambiguïté : d’un projet d’établissement préventif (Infant Welfare Centre), les autorités passent à celui d’un hôpital pédiatrique de taille modeste, doublé d’un centre de protection infantile70. Dès lors, il cumule les deux fonctions, avec à sa tête une femme médecin dépendant de la branche préventive du Département médical71, mais également des lits et des berceaux pour les jeunes patients hospitalisés, parfois sur une longue durée. D’ailleurs, pour un temps, son nom atteste cette double fonction : Princess Marie Louise Hospital and Clinic72 –, la clinique incarnant l’aspect préventif, et l’hôpital, le volet curatif.
43Sur une surface au sol d’environ 250 m2, le bâtiment comprend : au rez-de-chaussée, le bureau du médecin, la salle de soins pour les consultations externes, la réserve pour les médicaments, la salle d’attente, le laboratoire, la cuisine et ses annexes (réserves de nourriture et de combustible) ; au 1er étage, deux salles avec les lits des jeunes patients, séparées par une salle de garde, une salle de bains, une pièce pour le linge et deux chambres destinées aux infirmières.
44L’établissement est en partie dévolu à la recherche sur les maladies infantiles, comme l’atteste la présence d’un laboratoire, où le Dr Cicely Williams se distinguera dans la description et l’étiologie du kwashiorkor et la mise au point d’un traitement contre cette maladie (voir chapitre 4).
45Le succès est immédiat auprès du public : en quelques mois, l’hôpital affiche complet et la salle d’attente pour les consultations externes ne désemplit pas. Dans les huit premiers mois de son fonctionnement, plus de 8000 consultations y sont effectuées, par une seule femme médecin – alors que deux étaient prévues à l’origine, ce qui rappelle le cas de la maternité73. En dépit d’une fréquentation toujours croissante, et contrairement à la maternité, l’hôpital n’est pas agrandi à l’époque coloniale : sur l’ensemble de la période, la capacité d’accueil affichée tourne autour de quinze enfants (on compte, selon les moments, quatorze à vingt lits ou berceaux74). Mais il n’est pas rare que deux enfants partagent un lit et que le nombre de patients soit ainsi deux fois supérieur à la capacité d’accueil théorique75.
46En dehors des consultations externes qui relèvent des activités d’un centre de PMI, l’hôpital sert essentiellement à traiter des affections telles que le pian, la malaria et des maladies de carence nutritionnelle comme le kwashiorkor, notamment grâce à un régime riche en protéines et en vitamines. Durant un à trois mois (un an pour les cas les plus graves), les enfants se voyaient offrir des repas à base de « Marmite76 », foie, bœuf, épinards, tomates, huile de foie de morue, et, pour le petit déjeuner, du lait et de l’Ovaltine (boisson chocolatée enrichie de malt)77.
47La plupart des enfants arrivent à l’hôpital accompagnés de leur mère ou d’une parente, mais l’établissement recueille parfois des enfants trouvés, ou des orphelins que l’on y envoie pour maximiser leurs chances de survie78. Il faut dire qu’en Gold Coast, les nouveau-nés dont la mère est morte en couches ont une espérance de vie d’autant plus brève qu’ils ont mauvaise réputation, étant considérés comme responsables de la mort de leur mère. Souvent, la famille n’est donc pas particulièrement bien disposée à leur égard. Mais bien que les orphelins mal en point soient acceptés à l’hôpital Princess Marie Louise (PML), les autorités ne souhaitent pas voir évoluer l’hôpital en orphelinat et renvoient les petits patients une fois guéris79. D’ailleurs, de façon générale, les responsables des services médicaux semblent craindre de se laisser déborder par les patients et leur entourage, et multiplient les efforts pour conserver à ces établissements leur vocation et leur philosophie initiales.
Policer la maternité et l’hôpital pédiatrique ?
48Vers le milieu des années 1930, se manifeste en effet une tendance des autorités coloniales à vouloir rationaliser l’hôpital pour enfants et la maternité. Il faut dire que ceux-ci sont en partie devenus des lieux de vie pour les proches des patient·e·s. À l’hôpital Princess Marie Louise, les mères des jeunes enfants hospitalisés dorment sur place pour rester auprès de leurs bébés, les allaiter ou leur préparer à manger ; elles font la cuisine dans la cour de l’hôpital, y lavent des vêtements, y viennent accompagnées de plusieurs autres enfants80… Une photographie de l’extérieur de la maternité montre très bien comment les femmes (peut-être de simples visiteuses ?) fréquentent l’établissement : en y apportant leur matériel de cuisine, leurs paniers, leurs ballots, et en y amenant avec elles des enfants.
49À la maternité, les familles des nouveau-nés ont pris l’habitude, si l’enfant y demeure plus d’une semaine, de pratiquer une cérémonie d’accueil appelée, en ga, kpodziemo82. Il s’agit d’un rituel du huitième jour, pratiqué sous différents noms (abadinto en milieu akan, sunna chez les Dagomba, vihehedego chez les Ewé) par la plupart des peuples de la Gold Coast83. Il consiste non seulement à donner un nom au nourrisson mais aussi à le présenter au monde et à mettre ainsi fin à la période liminaire de sept jours, durant lesquels il est considéré comme un esprit vagabond, toujours susceptible de « repartir ». Au huitième jour, le bébé sort de la maison pour la première fois, pour rejoindre la société, dont il fait désormais partie. On l’invite à entrer dans la communauté sociale en lui expliquant les usages du monde, avec une série de formules et de gestes destinés à l’initier à sa future vie d’adulte (ainsi, lors du kpodziemo, on lui verse sur la langue une goutte d’alcool et une goutte d’eau en l’incitant à bien faire, à l’avenir, la différence entre les deux, comme entre le bien et le mal). En principe pratiquée devant la maison où est né l’enfant, cette cérémonie se déploie parfois devant la maternité, si la mère et le bébé s’y trouvent encore, huit jours après la naissance. Cette pratique prouve que la greffe a pris dans la société et le tissu urbains et que la maternité est considérée comme un lieu suffisamment familier pour qu’on y pratique un rituel « comme à la maison ». Mais loin de se réjouir de ce constat, les autorités médicales commencent à combattre ces pratiques, qui, à leurs yeux, contreviennent au bon ordre du lieu. Elles finissent même par interdire la tenue du kpodziemo, comme le rapporte un article du Gold Coast Independent :
It has come to our notice that the performance of the ceremony of Kpodsiemo (naming of the child on the seventh day) by families of babies born at the Maternity Hospital has been arbitrarily stopped by the authorities thereof to take place within the precincts. Families are obliged now to take their frail babies susceptible to everything detrimental to health in their weak state, far away to the streets without the boundary of the Maternity Hospital, before this ancient custom of the Gas can be performed. The custom has been performed in the Hospital since its establishment and the appearance of the first baby. It certainly cannot be said to be in conflict or infringe any of the rules and regulations of the Hospital. The attention of the Director of Medical Services is invited to this so that steps may be taken to discontinue what is obviously a dangerous departure84.
50Ce qui est revendiqué ici, c’est la possibilité de combiner les bénéfices procurés par la maternité avec un rituel dont l’ancienneté est soulignée : l’auteur insiste sur la compatibilité entre cette cérémonie et le règlement de l’établissement. Pour lui, nulle contradiction entre le répertoire moderne et médical de l’institution et le répertoire culturel ga. À ses yeux, la maternité n’est pas un lieu coupé du reste de la ville et de ses habitants : elle est à leur service et doit à ce titre intégrer leurs pratiques. On ignore si cette cérémonie de présentation a été ré-autorisée après cette interpellation par le Gold Coast Independent mais là n’est pas l’essentiel : l’important est que ce document témoigne d’une volonté d’inclure la maternité dans un ensemble urbain largement identifié comme ga et de s’approprier cet établissement sans devoir renoncer à son identité. Plus largement, on peut y voir la conviction qu’il n’existe pas de dichotomie insurmontable entre tradition et modernité : un ancien rituel ga, familial et collectif, fondateur de l’identité d’un être nouveau et de son inclusion dans sa communauté, doit pouvoir être accompli dans ce temple de la technicité, de la rigueur et du savoir biomédical. Or cette conviction est loin d’être partagée par les autorités coloniales, pour lesquelles tradition et modernité constituent deux pôles opposés, irréconciliables ; et qui tentent de promouvoir la seconde aux dépens de la première85.
51Des documents des années 1930 attestent leurs efforts pour faire de ces hôpitaux des lieux plus ordonnés, plus aseptisés, plus policés. Le mode d’appropriation de ces institutions médicales par la population les transforme en lieux de vie, ce qui n’est pas conforme à l’idée que se font les autorités médicales ou administratives d’un hôpital. Elles désapprouvent le désordre créé par les visiteurs86 car à leurs yeux, un hôpital se doit d’être propre, dégagé, et fréquenté exclusivement par les malades et le personnel médical. Les proches des patient·e·s sont donc a priori indésirables. Tout au plus trouve-t-on quelques voix dissonantes, plus enclines à des accommodements : ainsi, le Dr Cicely Williams est prête à accepter la présence des mères auprès de leurs enfants, affirmant qu’« un câlin vaut bien des traitements87 » et que ce public captif féminin y apprendra les bons gestes et les bonnes pratiques, conformément à la vocation éducative de l’hôpital88. C’est d’ailleurs une solution intermédiaire qui est finalement adoptée à l’hôpital Princess Marie Louise, concernant les activités des mères dans la cour. D’abord tentées par une solution radicale, l’interdiction pure et simple de faire la cuisine et la lessive dans l’enceinte de l’hôpital, les autorités optent finalement pour un compromis : la construction d’un local destiné à cet effet. En novembre 1933, le gouvernement accepte un don fait par la Croix Rouge, d’une valeur de 50 £, destiné à la construction de cette structure simple89. Cet exemple montre bien les négociations à l’œuvre dans le rapport colonial autour de ces établissements : les autorités n’osent aller jusqu’au conflit, dont la conséquence serait d’éloigner de l’hôpital la population. Aussi sont-elles contraintes de s’accommoder partiellement de la façon dont les Africain·e·s s’approprient ces lieux, sous peine de les voir désertés. Le rapport de force est donc subtil et oblige les « dominants » à des compromis – ce qui ne signifie pas que les colonisé·e·s obtiennent toujours gain de cause.
52On voit enfin à un autre signe que ces derniers se sont véritablement emparés de ces établissements : ils en contestent la manière dont on y traite les patient·e·s et n’hésitent pas à y dénoncer le racisme qui y prévaut. Ainsi, en 1930, deux articles de presse accusent le Dr Lawlor de maltraiter les malades parce qu’ils sont noirs :
We hear that Miss Lola [sic], Lady Doctor in charge of the Children’s Hospital, is treating her patients most inhumanly. She uses very indecent words and is most rude to her patients. On one occasion she became very rude to a minister of the Gospel. We appeal to the DMS to take immediate steps to remove this lady from the Colony if she continues. Miss Lola, we understand, arrived here from East Africa and we in West Africa cannot tolerate any of her East African tendencies90.
53Bien qu’on ne puisse pas juger de la réalité des faits, faute d’autre source, on voit bien que la question du racisme est centrale dans la façon de juger un praticien. Il se pourrait que le Dr Lawlor, dont l’autoritarisme est évoqué par toutes les informatrices qui l’ont connue, se soit simplement adressée très vivement à l’un des usagers du centre, le révérend dont il est fait mention. Mais même si elle s’est abstenue de remarques racistes – ce qui n’est pas certain –, là n’est pas la question : son attitude est de fait lue en termes de discrimination raciale, et en évoquant ses « habitudes d’Afrique de l’Est91 », l’article insiste sur une caractéristique (supposée) de la Gold Coast : l’élite ne saurait y tolérer d’être méprisée pour des raisons raciales. Trois semaines plus tard, un autre journal reproduit le même article et ajoute le commentaire suivant :
If the lady in question thinks she is too good to minister to the African medically, she is not forced to remain in the service. Her resignation will be accepted any day. People of the state of mind she is described to be in, are no ornament to the profession or the service either. They are so obsessed with the white superiority complex that they think they have a licence to treat the African worse than the dirt under their feet. Because such is the treatment meted out to Africans in East Africa, Miss Lola thinks she can introduce the same here. She needs apparently to be told that we provide her bread and butter and common decency demands that she shows some gratitude by rendering courteous service92.
54La rhétorique à l’œuvre est tout à fait caractéristique du journal de Frederick Nanka-Bruce, toujours prêt à défendre une philosophie de service public et à fustiger les dérives des institutions gouvernementales lorsqu’elles ne remplissent pas leur rôle. La dénonciation du racisme de la doctoresse y est encore renforcée, bien qu’elle ne soit pas davantage démontrée – le Dr Lawlor, ayant porté plainte pour diffamation, aura d’ailleurs gain de cause quelques mois plus tard93. Quoi qu’il en soit, ces deux articles montrent que les établissements destinés aux mères et aux enfants sont bien perçus par la population comme leurs : c’est parce qu’ils les ont adoptés comme tels que les habitants d’Accra se permettent d’en pointer les dysfonctionnements. Et c’est parce qu’ils sont au service des populations que ces dernières ne sauraient y tolérer de dérive raciste.
Conclusion : la maternité, l’hôpital pédiatrique et la ville
55On peut largement donner raison au Dr Goodman lorsqu’il écrivait que la maternité « faisait désormais partie intégrante de la vie quotidienne des habitants d’Accra94 ». En effet, loin de ne concerner que les femmes enceintes, et parce que les naissances et le devenir des enfants mettent en jeu filiation et relations familiales, la maternité comme l’hôpital pédiatrique sont, à la fois matériellement et symboliquement, investis par les habitants d’Accra, qui les fréquentent, débattent de leur fonctionnement, de leur utilité, de leur devenir… Leur insertion dans la vie urbaine est ainsi attestée par le fait que des journaux s’emparent de ce sujet. En avril 1934, le directeur du Gold Coast Spectator s’adresse, par voie de presse, au Colonial Secretary pour déplorer une baisse du nombre de patientes fréquentant la maternité et demander que des mesures soient prises. Cette protestation est prise au sérieux puisque deux semaines plus tard, le Secrétaire prend la peine de lui répondre… pour lui indiquer que ses informations sont erronées95. Par-delà l’anecdotique erreur ou querelle de chiffres, ce qui ressort de cet échange est l’intérêt de la bourgeoisie locale pour cet établissement, qui se préoccupe de son devenir et en appelle aux autorités : la maternité est donc devenue un bien commun, qu’il s’agit de préserver et de défendre.
56L’histoire de la maternité d’Accra et de l’hôpital pour enfants est donc celle d’établissements qui, loin d’être délaissés par les patient·e·s, sont au contraire plébiscités au point de souffrir de surpopulation chronique et de pénurie constante de personnel. Ils constituent aussi un haut lieu de la rencontre coloniale, avec nombre de ses contradictions : le pouvoir médical blanc y règne de façon manifeste mais non sans remise en cause de la part des patient·e·s ou de leur entourage. Au point que la façon qu’ont les Africain·e·s de s’approprier les nouveaux établissements, attestant leur capacité d’action en contexte colonial, infléchit le destin et le fonctionnement de ces institutions. L’évolution de la maternité et de l’hôpital Princess Marie Louise dans toutes ses dimensions (administratives, thérapeutiques, sociales et économiques) doit donc au moins autant à celles et à ceux qui les fréquentent qu’à ceux et à celles qui les ont conçus et les dirigent.
Notes de bas de page
1 CO96/732/10.
2 Gold Coast Report of the Medical and Sanitary Department for the year 1917, p. 8.
3 Roberts,2010.
4 Guggisberg to Colonial Secretary of State, 18 January 1925. ADM 1/2/160, no 61.
5 Guggisberg to Amery, 11 February 1926. ADM 1/2/167, no 147.
6 Guggisberg to Colonial Secretary of State, 19 November 1926. ADM 1/2/172, no 866.
7 Hall, 1997. https://www.medicalwomensfederation.org.uk/about/our-history, consulté en juillet 2020. En 1928, on ne compte que 550 femmes médecins pour la France et ses colonies (Planiol, 2000). En contexte colonial, les doctoresses sont particulièrement rares : le cas du Dr Dorothée Chellier en Algérie à la fin du xixe siècle est exceptionnel (Fredj, 2015).
8 Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for the Year 1928-29.
9 Speech by Acting Governor Thomas, 28 May 1928. CSO 11/4/1.
10 Report on the Medical and Sanitary Department for the year 1927-28, p. 36.
11 Publiée dans Korle Bu Hospital, 1923-1973: Golden Jubilee Souvenir, Accra, 1974. Et Goodman Papers, Mss. Afr. s. 709.
12 « Metaphors of paganism, superstition, and unhygienic practices were used to describe traditional birthing. Western medicine and maternity were couched in metaphors of civilization, health, progress, and spiritual upliftment. » Kanogo, 2001, p. 86.
13 Speech by Acting Governor Thomas, 28 May 1928. CSO 11/4/1.
14 Comme en témoignent le titre et plusieurs passages d’un article du Dr Goodman : “Obstetrics in a Primitive African Community”, American Journal of Public Health, nov. 1951, p. 56-64.
15 “[A] recurrent theme of this dissertation is what I call ‘the trope of the timid tribeswoman’, the idea that native women were more ‘culture-bound’ and, therefore, more fearful of European culture than were native men”, Colwell,2001, p. 14.
16 Document rédigé par le Dr Selwyn-Clarke. Grace Summerhayes, Personal File, E 4850. European Personnel.
17 Nanka-Bruce to acting Governor, 27 June 1915. CO 96/598.
18 Colwell,2001, p. 445-446.
19 Rapport du Dr Summerhayes, Report on the Medical and Sanitary Department, Departmental Reports for the years 1927-28 & 1928-29, p. 139.
20 Ibid., p. 139.
21 Ibid., p. 41.
22 Board of Visitors’ Report, 1927 ; Board of Visitors’ Report, 1928. CSO 11/2/1.
23 Dr Duff to Colonial Secretary’s Office, 5 September 1932. CSO 11/4/4.
24 Roberts,2010.
25 Entretien avec Naa Morkor Busia. Une autre informatrice estimait que dans les années 1940, si la peur de l’hôpital existait bel et bien, elle n’était pas (ou plus) très grande. Entretien avec Ellen Ablorh.
26 British Red Cross: £ 50 for Maternity Hospital, 1933. CSO 11/1/312.
“The two verandahs surrounding the large open ward upstairs, which formerly accommodated four beds each, have been made weatherproof and converted into rooms which can each take three beds.” Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for the year 1932-33, p. 84.
27 Dr Duff to Colonial Secretary’s Office, 5 September 1932. CSO 11/4/4.
28 Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for 1933-4, p. 85.
29 Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for 1934, p. 21.
30 “Laying of Foundation Stone of New Block, Maternity Hospital”, Gold Coast Independent,20 octobre 1934. Voir également CSO 11/4/6.
31 Questionnaire envoyé par l’Association des Infirmières outre-mer (Overseas Nursing Association). Mss. Brit. Emp. s. 400.
32 CSO 11/1/672.
33 Maternity Hospital, Accra, 1932-33. CSO 11/4/4.
34 Dr Goodman, 1951, Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
35 Ibid.
36 Dr Goodman, 1949, Twenty first Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
37 Cliché tiré du livret Nurses in Training, Government Printing, 1952. ADM 39/1/104.
38 Dr Goodman, 1951, Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
39 Dr Goodman, 1949, Twenty first Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
40 Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for the year 1929-1930, p. 201.
41 Denise Savineau constate le même phénomène en AOF en 1937. Savineau, 2007, p. 132-135.
42 Rapport du Dr Summerhayes, Report on the Medical and Sanitary Department, Departmental Reports for the years 1927-28 & 1928-29, p. 141.
43 Dr Goodman, 1951, Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
44 “In the implicit contest between colonial experts and popular healers, the African Survey, in alliance with medical departments and the Colonial Office, wanted to declare biomedicine the winner.”, Tilley,2011, p. 181.
45 Maternity Hospital, Accra, 1932-33. CSO 11/4/4 ; et rapport du Board of Visitors. CSO 11/2/11.
46 “This Hospital deals almost entirely with abnormal and complicated obstetrics”, écrivait par exemple le Dr Goodman en 1951 (Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1), p. 2).
47 Hunt, 1999, note de la p. 381.
48 Thomas,2003.
49 Sargent, 1982.
50 Selon un adjectif emprunté à Achille Mbembe, 1988.
51 Dr Goodman, Twenty first Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1), et Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
52 En 1944, deux salles sont baptisées des noms de Summerhayes et Lawlor (CSO 11/2/29); quelques années plus tard, c’est au tour du Dr Savage (Report of the Ghana Registered Midwives’ Association, 1958. Archive privée, Rhoda Buckle, Accra); et enfin, en 1950, de Palmer et Chenard, (Dr Goodman, Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1)).
53 “I saw the name, we had Chenard ward. We had the other one, Lawlor. Their names were just used to name the wards but we didn’t meet them personally”, entretien avec Mary Okai. “Summerhayes, Dr Summerhayes, the wards were named after them, if you go to the main block, Summerhayes and Lawlor”, entretien avec Regina Bannerman. Cette dernière et Mary Okai ont fréquenté l’école de sages-femmes respectivement au milieu des années 1940 et au début des années 1950.
54 “Maternity Hospital, Korle Bu”, Gold Coast Times, 10 mai 1930.
55 Au début des années 1940, le rapport du comité de visite recommande d’ailleurs que le Dr Lawlor soit déchargée de ses fonctions administratives, estimant que les accouchements difficiles et la formation des sages-femmes sont deux tâches déjà fort lourdes. Board of Visitors’ Report for 1939. CSO 11/2/10.
56 Lawlor, Personal File, E 4389. European Personnel.
57 Arthur Henry Chenard de la Giraudais, Personal File, E 1395. European Personnel.
58 Dr O’Dea, DMSS to Governor, 15 November1926. ADM 1/2/172, no 866.
59 Dr Goodman, Twenty third Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
60 Entretien avec Mary Kani. C’est elle qui souligne.
61 Governor Hodson to Ormsby-Gore, 7 November 1936. CO96/732/10.
62 Voir chapitre 6. Goodman Papers, Mss. Afr. S. 709 (2).
63 Extract from a Report of Select Committee on Estimates, 1934-35. CSO 11/6/13.
64 Meeting of Dunkwa hospital visiting Committee, 17 September 1945. ADM 23/1/1058.
65 Assistant Director of Medical Services to Director of Medical Services, Kumasi, 16 March 1948. ARG 1/14/1/28.
66 Memorandum by Lady Medical Officer, Kumasi, January 1941. ARG 13/4/3.
67 Cliché tiré du livret Nurses in Training, Government Printing, 1952. ADM 39/1/104.
68 Princess Marie Louise, 1926, p. 226. Et http://ezitis.myzen.co.uk/sthelenas.html. Consulté le2 août2011.
69 Gold Coast Report for the Medical and Sanitary Department for the Year 1927-1928.
70 Acting Governor to Amery, 10 September 1925. ADM 1/2/164 no 646.
71 Guggisberg, Gold Coast Review, 1920-1927, p. 189.
72 Report of the Medical and Sanitary Department for the year 1928-29. Le nom tombe en désuétude peu après et seul demeure le nom de Princess Marie Louise Hospital, bien que le volet prévention y perdure.
73 Guggisberg, Gold Coast Review, 1920-1927, p. 190; Princess Marie Louise, 1926, p. 225.
74 CO96/705/10.
75 Cicely Williams, “The Mortality and Morbidity of the Children in the Gold Coast”, 1935, Chapter 1. PP/CDW, Box no 6.
76 Il s’agit d’une préparation alimentaire en bocal, à base de levure, que l’on peut tartiner ou encore diluer dans un liquide. Pour l’histoire de ce complément alimentaire dans la nutrition infantile en Grande-Bretagne, voir Williams, 1997, p. 82-84.
77 Entretien avec Janet Plange.
78 Omanhene [chef] Nana Ofori Ata, to Lady Doctor in charge, PML, Accra, 9 August 1930. AASA 10/137.
79 En témoignent une série de lettres de 1946, demandant à divers « chefs » de récupérer des enfants ou de faire procéder à leur adoption. CSO 11/6/17.
80 CSO 11/1/315.
81 Goodman Papers, Mss. Afr. S. 709.
82 Voir Odotei Irene, What’s in a Name?, http://archive.lib.msu.edu/DMC/African%20Journals/pdfs/Institue%20of%20African%20Studies%20Research%20Review/1989v5n2/asrv005002004.pdf. Consulté le 1er août2011. Voir aussi Tetteh,2016.
83 Salm & Falola, 2002, p. 128.
84 “Maternity Hospital: Authorities and Kpodsiemo ceremony”, Gold Coast Independent, 18 janvier 1935. Article cité intégralement.
85 Hugon, 2011.
86 Secretary for native Affairs to Red Cross Society, 1 October 1932 : “The open compound surrounding the clinic was freely used by the mothers of the infant inmates for purposes of cooking food & washing, a practice which looks very disorderly”. CSO 11/1/315.
87 Addae, 1997, p. 237.
88 Cicely Williams, “The Mortality and Morbidity of the Children in the Gold Coast”, 1935, Chapter 1. PP/CDW, Box no 6.
89 CSO 11/1/315.
90 Article du Gold Coast Leader, 6 décembre 1930. Coupure incluse dans le dossier administratif personnel du Dr Lawlor. Personal File, E 4389. European Personnel.
91 De fait, le Dr Lawlor avait été nommée en Ouganda entre 1926 et 1929, dans une clinique pour femmes et enfants d’origine indienne. Lawlor, Personal File, E 4389. European Personnel.
92 Article du Gold Coast Independent,27 décembre 1930. Coupure incluse dans le dossier administratif personnel du Dr Lawlor. Personal File, E 4389. European Personnel.
93 Lawlor, Personal File, E 4389. European Personnel.
94 Dr Goodman, 1949, Twenty first Annual Report of the Maternity Hospital, Accra. Mss. Afr. 709 (1).
95 CSO 11/4/5.
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Être mère en situation coloniale
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- (2020) Livres reçus. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 75. DOI: 10.1017/ahss.2021.48
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